fiche d`oeuvre Picou - Musée des Beaux-Arts de Nantes
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fiche d`oeuvre Picou - Musée des Beaux-Arts de Nantes
Fiche d’œuvre 19e Henry-Pierre Picou (Nantes, 1824 – Nantes, 1895) La pêche miraculeuse, 1845 Huile sur toile, 122 x 163 cm Nantes, Musée des Beaux-arts L’œuvre Cette huile sur toile est la première composition référencée et documentée de l’artiste. Il la présente au Salon de Nantes en 1845. • Une œuvre religieuse L’épisode de La pêche miraculeuse est tiré du Nouveau Testament, Evangile selon saint Luc (5, 111) : « Un jour, Jésus se trouvait sur le bord du lac de Génésareth ; la foule se pressait autour de lui pour écouter la parole de Dieu. Il vit deux barques amarrées au bord du lac ; les pêcheurs en étaient descendus et lavaient leurs filets. Jésus monta dans une des barques, qui appartenait à Simon, et lui demanda de s'éloigner un peu du rivage. Puis il s'assit et, de la barque, il enseignait la foule. Quand il eut fini de parler, il dit à Simon : « Avance au large, et jetez les filets pour prendre du poisson. »Simon lui répondit : « Maître, nous avons peiné toute la nuit sans rien prendre ; mais, sur ton ordre, je vais jeter les filets. » Ils le firent, et ils prirent une telle quantité de poissons que leurs filets se déchiraient. Ils firent signe à leurs compagnons de l'autre barque de venir les aider. Ceux-ci vinrent, et ils remplirent les deux barques, à tel point qu'elles enfonçaient. A cette vue, Simon-Pierre tomba aux pieds de Jésus, en disant : « Seigneur, éloigne-toi de moi, car je suis un homme pécheur. » L'effroi, en effet, l'avait saisi, lui et ceux qui étaient avec lui, devant la quantité de poissons qu'ils avaient prise ; et de même Jacques et Jean, fils de Zébédée, ses compagnons. Jésus dit à Simon : « Sois sans crainte, désormais ce sont des hommes que tu prendras. » Alors ils ramenèrent les barques au rivage et, laissant tout, ils le suivirent. Henry-Pierre Picou a parfaitement illustré le texte biblique. Le Christ est représentée debout dans la barque au premier plan. Sa main droite levée signifie qu’il s’adresse aux pêcheurs et les bénie en même temps. Il domine l’ensemble des personnages par sa taille. Picou respecte ici la tradition archaïque de hiérarchisation des personnages religieux. Saint Pierre est à ses pieds, les bras ouverts, il accueille la parole du Christ et se soumet face à cette révélation. Les autres personnages, perplexes et ébahis, assistent à cet échange. Leurs poses sont délicates, comme suspendues dans le temps. Le thème de la pêche miraculeuse est suggéré par l’abondance de poissons débordant de toutes parts. Fiche d’œuvre / Service des Publics + Julie Capuano / Musée des Beaux-arts de Nantes / Octobre 2013 Au second plan, sur l’autre barque, les pêcheurs ne prêtent guère attention à la scène qui se déroule à leurs côtés. Ils montent les filets et sont absorbés par leur tâche. Sur les bords du rivage, à droite, on aperçoit un groupe d’hommes et de femmes, témoins du miracle, et les bâtiments d’une cité antique. • Un paysage idyllique Les personnages évoluent au sein d’un paysage idéalisé aux couleurs chaudes et à l’atmosphère doucereuse. La mer est d’huile. Rien n’évoque une quelconque intempérie où des éléments mettant le groupe en danger. Cet aspect quasi-théâtral et serein renforce la solennité du moment et la posture du Christ. Le tout sous la protection de l’esprit Saint, suggéré par la présence des colombes dans le ciel, en haut à droite. • Les sources iconographiques de Picou L’artiste s’est probablement inspiré ici de l’univers du tableau Le soir où Les illusions perdues (1843, huile sur toile, Paris, Musée du Louvre) de son maître Charles Gleyre (Suisse, 1806 – Paris, 1874. Quant au jeune homme aux boucles brunes, derrière saint Pierre agenouillé, il évoque le modèle du Portrait d’Italien peint par son ami Jean-Léon Gérôme lors d’un voyage en Italie (1843-45, huile sur toile, Dijon, Musée Magnin). Les deux artistes sont très liés à l’époque, leurs travaux offrent quelques similitudes. Ils seront d’ailleurs, avec bien d’autres artistes, à l’origine du mouvement néo-grec. L’artiste 1824 : Naissance à Nantes dans une famille d’artistes. Son père lui enseigne les rudiments de l’art. Son frère devient architecte et peintre. Il est envoyé à Paris où il étudie dans l’atelier de Charles Gleyre (Suisse, 1806 – Paris, 1874). Il y fait la connaissance de Jean-Léon Gérôme, Auguste Toulmouche, Jean-Louis Hamon et Gustave Boulanger. Ensemble ils créent le groupe des « Néo-Grecs. » 1843 : Il reçoit une bourse de la ville de Nantes pour poursuive ses études artistiques à Paris. 1847 : Il commence à exposer au Salon 1848 : Premier succès avec Le Styx (1849, huile sur toile, 100 x 174 cm, Nantes, Musée des BeauxArts) et La naissance de Pindare (1849, huile sur toile, Paris, Musée d’Orsay), Nantes, Musée des Beaux-arts. 1850 : Les critiques deviennent sévères, ils estiment que Picou ne renouvèle pas son style. Il revient dans sa ville natale. Fiche d’œuvre / Service des Publics + Julie Capuano / Musée des Beaux-arts de Nantes / Octobre 2013 1853 : Il obtient le second prix de Rome avec Jésus chassant les marchands du temple, 1853. Bonus • La Tenture des Actes des Apôtres Raffaello Sanzio, dit Raphaël (Urbino, 1483 – Rome, 1520) La pêche miraculeuse 1515 Tapisserie tissé d’après un carton, Rome, Musée du Vatican Au-delà de l’art de son temps, et comme ses contemporains, Picou a également été influencé par la Renaissance italienne, incarnant l’idéal de beauté et de perfection, au même titre que l’art antique. La Tenture des Actes des Apôtres, réalisée d’après les cartons de Raphaël et conservée au musée du Vatican, semble être l’une de ses sources, plus particulièrement l’épisode de La pêche miraculeuse. Picou n’est jamais allé en Italie, il a pris connaissance de cette œuvre par le biais des gravures, largement diffusées au 19e siècle. Il reprend la composition d’ensemble. Dans les deux cas, le Christ est représenté à l’une des extrémités de la barque, au premier plan, et domine par sa posture et sa gestuelle. La figure de saint Pierre diffère. Il a ici les mains jointes. Le nombre de personnages est exactement le même et comme dans le tableau de Picou, deux pêcheurs ne prêtent aucune attention à la scène qui se déroule à côté d’eux. A l’arrière plan, une ville antique est également présente. La tapisserie de Raphaël est cependant plus dynamique, la gestuelle plus élaborée et explicite. • Les Néo-Grecs Le cercle des néo-grecs est créé de manière informelle en 1847. Il regroupe de jeunes artistes, à peine âgés de 20 ans, qui proposent une vision nouvelle de la Grèce antique. Révélé lors du Salon de la même année, Jean-Léon Gérôme apparaît dans un premier temps comme le chef de file du groupe. Il y présente Jeunes Grecs faisant battre des coqs, dit aussi, Un combat de coqs. Le triomphe du tableau est inattendu. Théophile Gautier encense cette scène de genre traitée à la manière antique, qui se distingue à ses yeux par sa fraîcheur et sa grâce, loin de l’aspect figé et froid des compositions moralisantes des néoclassiques. De nombreux artistes, la plupart issus des ateliers d’Hippolyte-Paul Delaroche et de Charles Gleyre, réalisent dès lors des œuvres dans ce nouveau style, et rejoignent l’atelier de Gérôme, au 27 de la rue de Fleurus. Situé près du jardin du Luxembourg à Paris, cette ruche artistique, surnommée « Le Chalet », est un lieu de création et de vie communautaire. En 1848, Jean-Louis Hamon et le nantais Henry-Pierre Picou présentent à leur tour leurs premières œuvres néo-grecques au Salon. Ils seront rapidement rejoints par Léopold Burthe, Félix Jobbé-Duval, Alphonse Isambert, GustaveRodolphe Boulanger, Louis-Frédéric Schützenberger et Auguste Toulmouche, tous membres de la communauté. Le succès est au rendez-vous. Le public est sensible à l’élégance aimable de leurs tableaux, à la fois poétiques et fantaisistes. Cette nouvelle peinture emporte en effet une adhésion rapide de la part des critiques et des spectateurs. Facile d’accès et décalée, à la fois classique et antiacadémique, elle peut parfois même être irrévérencieuse, particulièrement à l’égard de l’Empire et de Napoléon III. Fiche d’œuvre / Service des Publics + Julie Capuano / Musée des Beaux-arts de Nantes / Octobre 2013 « L’école néo-grecque » voit ainsi le jour dans un contexte bien particulier et perdure jusque dans les années 1860, qui marquent le début de leur lente dissolution. Les distensions sur les plans politiques et esthétiques auront finalement raison de cette aventure atypique. Certains d’entre eux changeront alors totalement de style en peignant des portraits et scènes de genre, comme Toulmouche, ou se tourneront vers l’Orientalisme, comme Gérôme et Boulanger. Seuls Hamon et Picou resteront fidèles à ce style pendant quelques années encore. Fiche d’œuvre / Service des Publics + Julie Capuano / Musée des Beaux-arts de Nantes / Octobre 2013