L`arnaque des juniors minières en Afrique

Transcription

L`arnaque des juniors minières en Afrique
Cinq juniors
minières
Geovic, une structure en pelure
d’oignon
Enregistrée dans le paradis
fiscal et juridique de Delaware avec un filiale écran
basée aux Iles Caïman...
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African Aura Resources Ltd,
une opacité bien organisée
Immatriculée dans le paradis fiscal des British Virgin
Islands.
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Hydromine Inc, ni capitaux,
ni expertise, ni personnel,
ni bureaux.
La société offshore par excellence, incorporée le 25 août
2004 dans le paradis fiscal
et judiciaire de l’Etat du Delaware.
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Sundance Resources Ltd,
des dividendes avant même
d’extraire un seul gramme
Une stratégie corporate et un
management inspirés du modèle économique des penny
stock trading
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Mega Uranium Ltd, des
plus values avant même de
commencer
Une filaile incorporée dans
le paradis fiscal des British
Virgin Islands.
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Eclairages
La combine financière des
penny stock trading
S’inscrire en Bourse, pour
ces sociétés, c’est espérer
lever des capitaux que pourrait leur fournir une bulle
spéculative.
Page 3
Les règles douteuses des
bourses canadiennes
Le champ libre à la spéculation.
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David Beylard est analyste
en corporate governance,
spécialiste des marchés
africains de matières premières. Il dispose d’un DEA
en droit international, d’un
mastère en intelligence économique, d’un mastère en
management des ressources
humaine et stratégies des
entreprises. Doctorant en
sciences du management, il
possède également un Certificat d’auditeur Social.
L’arnaque des juniors
minières en Afrique
La valeur financière des gisements africains de matières premières, connus à ce jour, s’élève à 46 200 milliards de dollars !
Pourquoi l’Afrique ne parvient-elle pas à valoriser une telle richesse qui équivaut à 13 fois le revenu annuel de la Chine ? Un
patrimoine largement suffisant pour faire de ce continent une des premières puissances mondiales.
Une enquête minutieuse de David Beylard.
Des sociétés minières sans moyens conséquents,
parfois sans personnel, ni bureaux, appartenant à
des actionnaires anonymes, immatriculées dans des
paradis fiscaux, parviennent, avec force promesses
et mises en scène, à convaincre des gouvernements
africains de leur confier des concessions minières
gigantesques.
Une fois le contrat en poche, ces sociétés se précipitent
sur des bourses peu regardantes, généralement canadiennes, pour valoriser leurs titres africains et empocher de coquettes plus values avant même qu’un seul
gramme de minerai ne soit extrait de la concession qui
leur a été confiée.
Pourquoi accorde-t-on si peu crédit à l’Afrique, qui
dispose d’un patrimoine de ressources naturelles gigantesque, capable d’assurer sa solvabilité bien au-delà
de ses besoins ? Alors que le système financier international accepte d’investir sur des sociétés occidentales
anonymes, opaques, vides de compétences et de capitaux, sur le seul crédit d’un contrat... africain ?
David Beylard, qui observe depuis de nombreuses années le secteur minier africain, décrit dans le détail le
cas du Cameroun et propose des solutions pour permettre aux pays africains de tirer meilleur profit de
leur sous-sol.
Les bourses canadiennes sont peu regardantes
avec les juniors minières.
Le Cameroun, un cas d’école
Le Cameroun a accordé en 2007 des permis de prospection, d’exploration et d’exploitation d’immenses gisements miniers à cinq juniors minières qui étaient, jusqu’à cette
date, ignorées des marchés financiers internationaux et des analystes.
C’est seulement le 25 janvier 2008, que le
gouvernement camerounais s’est doté d’un
cadre organisationnel pour faire émerger une
stratégie en matière de gestion des ressources
naturelles.
Selon une chronologie historique, c’est l’ambassadeur américain accrédité au Cameroun,
Niels Marquardt, qui engagea dès juillet 2005,
plusieurs négociations avec le Président Biya
pour l’exploitation des gisements des matières
premières et du pétrole du Cameroun par des
opérateurs américains. L’ambassadeur Niels
organisa le voyage que le Premier ministre
Ephraïm Inoni effectua durant l’été 2007 aux
Etats-Unis où il conduisit une délégation de
sept personnes, parmi lesquelles se trouvaient
le ministre en charge de l’Administration du
territoire, Marafa Hamidou Yaya, le ministre
de l’économie et des finances, Polycarpe Abah
Abah, et le coordonnateur du Programme national de gouvernance du Cameroun (PNGC),
Dieudonné Oyono. Cette délégation entama
des négociations avec des « exploitants miniers » aux Etats-Unis.
La question que la plupart des analystes se
posent alors est la suivante : pourquoi estce que l’ambassadeur Niels Marquardt et ses
contacts du Département d’Etat et de la Trade
Development Agency (TDA) ont orienté la
délégation camerounaise vers des sociétés minières juniors canadiennes, américaines, anglaises et australiennes totalement inconnues,
plutôt que vers des majors américaines avec
pignon sur rue ?
Le fleuve Sanaga dispose d’un grand potentiel hydroélectrique.
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ACTUALITé
Les Afriques - N° 78 - 4 au 10 juin 2009
Geovic, une structure en pelure d’oignon
Geovic Mining Corp.
(Delaware)
100%
100%
Geovic Ltd
(Cayman Islands)
Geovic Energy Corp.
(Colorado)
(Holds exploitation mineral
properties in the USA
60%
Geovic Cameroun PLC
(Cameroon)
100%
Geovic Mineral Sands Corp.
(Colorado)
(newly formed)
100%
100%
Pawnee Drilling LLC
(Colorado)
(Presently inactive)
Geovic France SAS
(France )
(newly formed)
100%
Geovic Nouvelle
Calédonie SA
(New Caledonia)
(newly formed)
Source: U.S. Securities and Exchange Commission
Geovic Mining Corporation (GMC) est une
entreprise américano-canadienne, cotée à
la bourse de Toronto (TSX: GMC) et à l’US
Over-the-Counter Bulletin Board (OTC.BB:
GVCM). Cette entreprise à une structure
juridique en pelures d’oignon. C’est-à-dire
qu’elle est enregistrée sis 2711 Centreville
Road, dans la suite 400 sise Wilmington dans
le paradis fiscal et juridique de Delaware
19808 USA.
Geovic Mining Corporation détient, via une
société écran basée aux Iles Caïman, 60% de
Geovic Cameroun PLC (GeoCam en sigle).
La Société Nationale d’Investissement du
Cameroun détient 39,5% des parts d’actions
du Cameroun Plc, dont 20% directement. Et
le Président de Geovic Mining Corporation,
M. Buckovic, détient personnellement 0,5%
des parts d’actions de Geovic Cameroun PLC.
D’après le cabinet d’audit Ernst & Young,
qui certifie les comptes de Geovic Mining
Corporation, les actions de cette société
sont détenues par 32 de ses employés et plus
de 551 personnes physiques et/ou morales
non identifiées.
Quels sont les actifs de Geovic ?
Selon l’organigramme de la SEC, ci-dessus, les autres filiales du groupe Geovic
Mining Corp. sont soit inactives, soit nouvellement formées. L’essentiel des actifs du
groupe se compose donc de ses concessions
camerounaises.
Geovic Cameroun PLC gère les droits exclusifs
d’une concession qui a été attribuée à Geovic
Mining Corporation et qui s’étend à plus de
1250 kilomètre carré miniers, couvrant l’ensemble de la province de Nkamouna, très
riche en gisements de nickel-cobalt et de nickel-manganèse, recensée aujourd’hui comme
Geovic Mining Corporation,
dotée d’une structure juridique
en pelures d’oignon, détient,
via une société écran basée aux
Iles Caïman, 60% de Geovic
Cameroun PLC.
les plus importants gisements mondiaux de
cobalt primaire non exploité.
Le projet contient l’évaluation des gisements
de Nkamouna qui disposent de réserves estimées à plus de 54,7 millions de tonnes, classées
à 0,25% en teneur du cobalt, 0,69% en teneur
de nickel et 1,33% en teneur de manganèse.
Noms
William A. Buckovic
Greg Hill
Richard Howe
David C. Beling
Jean-Christophe Cartron
Brent Horochuk
Ambroise Ondoa Onana
Moger Jean Claude Ayem
Edouard Bateky
Pierre-Marie Noah
Anita Efoua Mbozo’o
Position dans Geovic Mining Corp.
Chairman
Senior Vice President, CFO
Executive Vice President, COO
Position dans Geovic Cameroun
Chairman
General Manager Director
Director
Finance and IT Director
Director of Operations
Director
Director
Deputy General Manager
Procurement and Logistics
Deputy General Manager
Qui fait quoi dans GEOVIC Mining Corporation et dans GeoCam ?
En analysant les positions qu’occupent les cadres du management de Geovic Mining Corporation et
de Geovic Cameroun ci-dessus, nous constatons que les moteurs de ce montage juridique en pelures
d’oignon sont MM. Greg Hill et David C. Beling, qu’on retrouve dans les deux structures, agissant à
la fois comme personnes ressources et occupant les fonctions de contrôle et de direction.
Une deuxième étude réalisée sur un autre gisement, atteste plus de 61,3 millions de tonnes de
minerai classé à 0,24% en teneur de cobalt, à
0,66% en teneur de nickel et à 1,26% en teneur
de manganèse. Une troisième étude estime à
17,4 millions de tonnes classées à 0,18% en teneur de cobalt, 0,55% en teneur de nickel et à
1,06% en teneur de manganèse. L’exploitation
de ces gisements générera un taux de transformation de plus de 2000 tonnes de minerai
par jour. GeoCam prévoit de produire environ
4100 tonnes de minerai de cobalt et de nickel
par jour sur une période initiale de 19 ans.
Sur le site de Nkamouna, le high-grade des
oxydes de cobalt et de nickel sera produit principalement pour accroître la croissance de la
demande des batteries destinées à la fabrication des véhicules électriques hybrides. Les gisements de Nkamouna représentent à ce jour
une réponse rassurante pour les fabricants des
véhicules hybrides.
Quand nous interprétons les photos satellitaires des gisements de Nkamouna, nous constatons que son exploitation sera peu coûteuse
parce que les dépôts de minerai sont situés
à moins de seize mètres de profondeur et un
dynamitage ne sera pas nécessaire. Le minerais de Nkamouna se prête à une simple
pré-concentration. Le lessivage à la pression
atmosphérique sera faible en consommation
d’acide, ce qui fait que les coûts d’exploitation
des gisements de Nkamouna seront parmi les
plus bas du monde.
En mai 2007, GeoCam a reçu de la part des
autorités camerounaises un certificat de
conformité pour l’évaluation d’une étude
d’impact environnementale et sociale. Un permis d’exploitation des gisements d’eau a aussi
été délivré à Géovic en janvier 2008.
Le Cameroun considère le projet de GeoCam
comme une entreprise stratégique à qui il a été
offert plus de 50% de réduction de taxes d’exploitation et diverses incitations.
Dès réception d’un bail foncier que requiert
le gouvernement pour les terres perturbées,
GeoCam aura toutes les autorisations nécessaires pour construire et exploiter le projet des
gisements de Nkamouna.
Geovic Cameroun représente 80% des actifs financiers patrimoniaux des valeurs de
Geovic Mining Corporation. Or, Geovic
Mining Corporation occupe une position
dominante de donneur d’ordre au sein de sa
filiale Geovic Cameroun, confinée dans un
rôle de supplétif et de receveur d’ordre.
Par ce montage complexe, l’Etat camerounais est exclu du (vrai) conseil d’administration de l’entreprise. Il n’a aucun droit de regard, ni sur la stratégie de l’entreprise, ni sur
l’identité de ses propriétaires ou de ses alliés,
ni sur ses moyens, ni sur ses objectifs.
African Aura Resources Limited, une opacité
parfaitement organisée
African Aura Resources Limited est une structure ambidextre, c’est-à-dire que cette société
britannique est fiscalement immatriculée dans
le paradis fiscal des British Virgin Islands.
Financièrement, elle est cotée à la Bourse de
Toronto au Canada. Administrativement, elle est
gérée depuis Londres. Opérationnellement, elle
est propriétaire de permis d’exploitation d’importants gisements localisés au Cameroun.
Le management est entre les mains des dirigeants actionnaires anglo-saxons. African Aura
Resources Limited a créé au Cameroun, en 2006,
quatre SARL qu’elle contrôle à 100% à partir
de Londres, des îles Vierges britannique et de
la Bourse de Toronto. Il s’agit de la Cameroon
SARL, créée le 22 mai 2006, de Caminex SARL,
créée le 16 mai 2006 (cette société gère le permis
d’exploration de fer de Djoum et les gisements
de Nkout), de la Caminur, créée le 18 mai 2006,
à ce jour inactive, et enfin de Ridgeway Energy
Cameroun SARL, créée le 14 mai 2006, qu’elle
contrôle à 70%.
Aucun Camerounais n’est présent dans la gouvernance de cette société qui a émis un nombre impressionnant de titres (actions) sur le
marché boursier canadien où elle est cotée :
67 047 540 actions au total.
• 46 093 752, soit 68,43% des titres d’African Aura Resources Limited sont détenus
par des actionnaires institutionnels non
identifiables.
• 7 898 041 actions de cette société, soit
11,72%, sont détenues par ses dirigeants
actionnaires.
• 13 055 747 des titres de cette société, soit
19, 85% des actions, sont détenus par des
actionnaires privés non identifiables.
Qui fait quoi dans African Aura Resources ?
Noms
David Netherway
John Gray
Matthew Grainger
Danesh Varma
Steven Poulton
Manuel Lamboley
David Swan
Mark Biddulph
Dr Velizar Strumberger
Fonctions
Independent Chairman
Chief Executive
Chief Operating Officer
Independent Director
Director
Independent Director
Chief Financial Officer
Chief Geologist, Cameroon
Chief Uranium Geologist
Quels sont les actifs de African Aura
Resources Limited ?
Or
African Aura Resources Limited a obtenu
l’exploitation d’un grand gisement d’or qui
s’étend sur plus de 1995 km2 au Cameroun. Ce
gisement a été identifié à partir de la technologie d’interprétation de l’air magnétique et des
données générées par télédétection satellitaire
réalisées en 2006, sur 150 kilomètres le long
des provinces de Sangemalina Djoum archéen
greenstone belt, initialement identifié par le
BRGM (Bureau de recherches géologiques et
minières). Les gisements de fer de Nkout et de
Djoum s’étendent aussi sur une superficie de
plus de 1995 km2 dans le sud du Cameroun.
African Aura Resources Limited compte lancer un programme d’exploitation de ces gisements à partir de l’été 2009. Le premier programme d’exploitation sera composé d’une
dizaine de trous qui seront forés à plus de 100
mètres de profondeur.
African Aura Resources possède également
une concession minière de plus de 1000 km2
dans l’est du Cameroun. L’exploration de ces
gisements avait commencé en 2006 avec un
programme d’échantillonnage du sol des gisements de Kambele. Les résultats de ces recherches ont défini une zone d’échantillonnage du
sol à 7 kilomètres au sud-ouest de Kambele,
sur la Mongonam-Dimako, confirmée à plus
de 3,5 km le long de la zone de cisaillement.
En 1990, le BRGM avait cartographié les gisements d’or et identifié neuf importants gi-
sement à Millionaire, Gentil, Kalardje et à Rey
Bouba Sakdje Tcholliré.
Diamant, or et fer
En avril 2008, African Aura a lancé le forage
des gisements de diamants à Kambele.
Actuellement, cette société fait de la prospection des gisements de diamants par carottages
et forages de 50 trous sur les 3,5 km de long
de Kambele.
African Aura Resources gère aussi une licence
d’exploitation des gisements de Ntem, qui
s’étendent sur plus de 987 km2 dans le sudouest du Cameroun. Les derniers résultats
de l’essai étendu d’échantillonnage des sols, à
3 km de Ntem, comprenait 900 échantillons
prélevés à des intervalles de 50 métres le long
de lignes espacées de 100 mètres dans une
zone sélectionnée sur la base d’un programme
d’échantillonnage précis. Les zones, qui restent ouvertes tout le long des gisements, sont
considérées comme la source des gisements
d’or alluvionnaire, aujourd’hui exploités par
des artisans miniers. African Aura Resources
détient aussi des permis d’exploitation des gisements de fer de Nkout, situés dans le sud de
Djoum, au Cameroun. Ce projet a été identifié par le BRGM à partir de l’interprétation de
l’air magnétique et des données de télédétec-
tion satellitaire réalisées en 2006 sur une longueur de plus de 150 kilomètres.
Uranium, fer et diamant
African Aura Resources a aussi obtenu les
permis d’exploitation d’une concession de
plus de 1473 km². Cette concession fut explorée par le BRGM et mappée d’occurrences d’uranium, de gisements de fer et de
diamants. Pour exploiter ces gisements, notamment l’uranium, African Aura Resources
a créé une filiale, Ridgeway Energy Limited,
qu’elle contrôle à 70%.
Les deux permis d’exploitation des gisements
d’uranium cartographiés par le BRGM comprennent une cartographie des minerais de
fer d’Essong et plusieurs occurrences de diamants. Les gisements d’Essong sont situés à
plus de 120 km à l’ouest du Mont Mbalam.
Les gisements de Bantadje, situés dans la
province du Nord du Cameroun, visent deux
occurrences que le BRGM avait mappées
sur des occurrences des gisements primaires
d’uranium ainsi que des gisements secondaires de dépôts de sédiments. La licence de
ces gisements s’étend sur plus de 500 km2 à
Tcholliré et Kitongo. Les gisements d’Essong,
situés dans la province du sud, contiennent
de l’alcalin intrusif d’uranium, associés au
craton du Congo, ainsi que des dépôts secondaires, contigus avec ceux d’autres pays
d’Afrique, notamment les gisements de
Djoum qui s’étendent sur plus de 998 km2
et les gisements d’Akonolinga qui s’étendent
sur plus de 997 km2.
La junior minière African Aura Resources
Limited a obtenu, globalement, un portefeuille de concessions minières qui totalise
une superficie de plus de 7450 km2. Il est impossible de savoir si les capacités financières,
technologiques et techniques de cette société
sont à la mesure de telles concessions.
Les bénéficiaires d’une concession minière,
étrangers de surcroît, devraient être localisables
avant, durant, et 25 ans, après, l’exploitation de
gisements, afin de répondre, le cas échéant, aux
conséquences environnementales et sanitaires
de leur exploitation. Ce n’est pas le cas d’African Aura Resources Limited, immatriculée dans
le paradis juridique des Iles Vierges.
La part camerounaise d’African Aura
Resources Limited représente l’essentiel des
actifs financiers patrimoniaux de cette société qui ne compte aucun Camerounais parmi
ses décideurs. Dans la stratégie d’African
Aura Resources Limited, le Cameroun n’a
aucun droit de regard, ni sur la stratégie de
l’entreprise, ni sur l’identité de ses propriétaires ou de ses alliés, ni sur leurs moyens,
intentions et objectifs.
Hydromine Inc, ni capitaux, ni
expertise, ni personnel, ni bureaux
Hydromine Inc est une société offshore
par excellence, incorporée le 25 août 2004
dans le paradis fiscal et judiciaire de l’Etat
du Delaware, aux Etats-Unis, sous un objet social à caractère « général ». C’est-àdire que son objet social lui permet de tout
faire. Hydromine Inc a installé son siège
social dans une boîte aux lettres de l’État
de New York, au 230 Park Avenue Suite
912, NY 10169, et son numéro de téléphone correspond à une entreprise qui ne fait
que réceptionner les appels. Au Cameroun,
cette société a élu domicile dans un cabinet
d’avocat, Ngwafor & Partners.
Comme une Penny Stock Trading
Hydromine Inc. ressemble à s’y méprendre à une Penny Stock Trading, ces sociétés
qui cherchent à gagner beaucoup d’argent
en ne misant rien elle-même, pas même
un penny.
Cette société, qui a l’intention d’exploiter
l’un des premiers gisement de bauxite au
monde, dont le potentiel en minerai est
évalué, sur la base de l’interprétation des
photos satellitaires, à plus de 2 milliards de
tonnes, ne semble pas disposer d’un bureau
fixe, d’un personnel administratif, de techniciens, et moins encore d’une équipe dédiée à la recherche et au développement. En
consultant différentes banques de données
minières auxquelles nous avons accès, nous
n’avons trouvé aucun lien répertorié d’Hydromine Inc avec une exploitation minière,
si petite soit-elle.
Qui pilote Hydromine Inc ?
Hydromine Inc
Hydromine Inc
Cameroun
JV Cameroon
Alumina
enregistrée sous le n° 3846747, le
25 Août 2004 à Delaware (USA)
Président : Peter Briger
Il semble qu’aucun numéro d’enregistrement camerounais n’ait
été attribué à ce jour.
Président : Peter Briger
Vice-président : Jean Pierre
Ndongo Zanga
1. Participation de Hydromine
pour une part non communiquée
2. Participation de la société
minière indienne Hindalco pour
une part non communiquée
3. Participation de la société
minière des Emirats arabes unis
Dubal pour une part non communiquée
Quand le G20 fait la leçon aux petits paradis fiscaux…
Le Delaware, où est immatriculée Geovic
Mining Corporation, est l’État américain qui
excelle dans le business des sociétés écrans
ou offshores. Le nom et l’adresse des actionnaires et des administrateurs d’une compagnie incorporée au Delaware n’apparaissent nullement dans les registres publics.
Lors de l’incorporation, il n’y a même aucune obligation de fournir ces informations à
l’État du Delaware. Aucun investissement
minimal dans la compagnie n’est requis.
Les actions émises peuvent n’avoir aucune
valeur au pair. La compagnie n’a aucune
obligation d’avoir un compte bancaire dans
l’État du Delaware. La compagnie n’est pas
obligée d’avoir son siège social, ni de faire
des affaires dans l’État du Delaware. Il n’y
a aucune obligation pour les actionnaires,
administrateurs et dirigeants de résider au
Delaware, ni d’y tenir quelque réunion ou
assemblée que ce soit. Il est possible d’incorporer très rapidement une compagnie au
Delaware, même en une heure (moyennant
un surcoût), sans même s’y déplacer, notamment par Internet.
Les Iles Vierges britanniques comprennent
trente-six îles principales dont seulement
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ACTUALITé
Les Afriques - N° 78 - 4 au 10 juin 2009
seize sont habitées. Ces îles sont situées à
côté de Porto Rico dans la mer du Caraïbes.
Jusqu’en 2005, le seul impôt notable était
celui sur les revenus des personnes physiques et celui sur les sociétés locales. La
population s’élève à environ 22 000 habitants. L’enregistrement d’une société dans ce
paradis fiscal se résume au dépôt des statuts auprès du Registrar of Compagnies. Il
doit être effectué via un intermédiaire local
agrée qui pourra rester le représentant de la
société crée auprès des autorités. Le capital
est fixé librement sans minimum légal, sans
valeur faciale particulière et les titres peuvent prendre au sein d’une même société
plusieurs formes distinctes. Le nombre des
actionnaires est libre. Le capital doit être intégralement souscrit lors de la création, mais
il ne doit pas obligatoirement faire l’objet de
versement effectif. La société peut racheter
et détenir elle-même ses propres parts. La
direction doit être assurée par un directeur
au moins. Le siège social doit être situé sur le
territoire y compris au sein d’une boîte aux
lettres). L’inscription sur les registres publics
des actionnaires et de la direction n’est pas
obligatoire.
En apparence, ce tableau fait ressortir le rôle
prépondérant que joue Peter Briger dans
Hydromine Inc et Hydromine Inc Cameroun.
Cette dernière prépare une joint-venture avec
la société minière indienne Hindalco et la
société minière émiratie Dubal. Selon le site
du cabinet Ngwafor Partners, la principale
référence de Peter Briger serait d’avoir travaillé pour les administrations Kennedy et
Johnson… il y a donc 45 ans.
(www.ngwaforpartners.com/index-9.html).
Bauxite et hydroélectricité
Puisque c’est l’ambassadeur américain Niels
Marquardt qui avait introduit la société
Hydromine Inc auprès des autorités camerounaise, nous avons contacté la section presse
de l’ambassade des Etats-Unis au Cameroun
pour obtenir des détails sur cette société.
Selon cette institution, après avoir créé sa société dans l’Etat du Delaware, Peter Briger a
signé, le 5 mars 2009, une convention d’exploitation minière avec Jean Bernard Sindeu,
ministre de l’Energie et de l’Eau. Aux termes
de cette convention, Hydromine Inc devrait
réaliser une étude de faisabilité en vue de développer le potentiel hydroélectrique qui existe le long du fleuve Sanaga, à Mbakaou et au
Pont Rail. Ce site est le deuxième plus grand
gisement hydroélectrique d’Afrique, après le
barrage d’Inga en RDC. Ce projet hydroélectrique est une étape importante dans le business plan d’Hydromine Inc. Il vise à produire
de l’énergie qui sera consommée par les ménages et les entreprises camerounaises et qui
alimentera surtout une industrie intégrée de
transformation de la bauxite en alumine.
Cet accord, précise le service de presse de
l’ambassade des Etats Unis au Cameroun, était
particulièrement important, si l’on considère
le programme de développement à long terme
du Cameroun et les récentes ambitions de ce
pays de devenir un fournisseur d’énergie au
niveau régional. Le développement des infrastructures à Pont Rail est une composante du
Plan de développement du secteur de l’énergie
du Cameroun à l’horizon 2030 (PDSP-2030),
qui vise à développer la production d’énergie
au moindre coût.
Quelle est la stratégie de la société
Hydromine Inc au Cameroun ?
une joint-venture avec deux sociétés minières
qui, elles, ont pignon sur rue dans l’industrie
minière internationale. Il s’agit de la minière
indienne Hindalco et de la minière émiratie
Dubal, pour former Cameroon Alumina (en
abrégé CAL), avec pour objectif l’exploitation des gisements de bauxite dans la région
de l’Adamaoua. Dans ce deal en négociation,
Hydromine apporte les titres des gisements
d’hydroélectricité et de bauxite, obtenus de
l’Etat camerounais, et espère que la société indienne Hindalco et la société émiratie Dubal,
injecteront les 6 milliards de dollars qui financeront les phases d’exploration, d’exploitation et de mise en marché de la bauxite du
Cameroun.
Le doute s’installerait-il chez les partenaires camerounais ?
Le 20 novembre 2008, Peter Briger, sentant
l’étau des promesses non tenues se resserrer,
peut-être également parce que ses partenaires
en joint-venture ont découvert les faiblesses
de son montage, avait organisé une conférence de presse pour dissiper les rumeurs qui
entachent sa crédibilité et faire taire les réserves émises par la presse locale sur ses capacités
réelles à exploiter les gisements de bauxite du
Cameroun. Au cours de l’échange auquel prenaient part, outre les responsables des entreprises concernées (Hindalco, Dubal et Hydromine
Inc Cameroun), étaient présent à cette mise au
point, Janet Elisabeth Garvey, ambassadeur des
Etats-Unis au Cameroun, Jean Bernard Sindeu,
ministre de l’Energie et de l’Eau du Cameroun
et Fru Calistus Gentry, secrétaire d’Etat auprès
du Ministère de l’industrie, des mines et du développement technologique, qui avaient, à cet
effet, indiqué leurs doutes quant à la suite de
l’aventure de Cameroon Alumine : « Un autre
délai de 18 mois ne vous sera pas accordé » leur
a-t-on signifié.
Conclusion
Au-delà de la pertinence de ces projets et de
l’évidence de leur potentiel, une question se
pose aux financiers et experts qui suivent de
près cette affaire : Quel est l’apport réel d’une
société qui ne dispose ni de capitaux, ni d’expertise industrielle et qui n’offre aux investisseurs aucune garantie sur son identité ou sur
sa crédibilité ?
Forte d’un contrat signé avec le gouvernement camerounais, Hydromine Inc veut créer
La combine financière de penny stock trading
L’Autorité des marchés financiers américains, la Security and Exchange Commission
(SEC), considère que toute action dont le
cours est inférieur à 5 $ devrait en faire partie. Tout titre qui vaut moins de 1 $ est donc
une « penny stock ». Une réalité mathématique sous-tend l’intérêt que l’on peut trouver à la penny stock trading : plus le cours
d’une action est bas, plus chaque centime
gagné représentera un pourcentage de
hausse important. Prenons deux exemples :
la société Geovic Limited a émis au 31 décembre 2008 102 398 897 actions d’une
valeur nominale chacune de 1,50 $.
Sundance Resources Limited, quant à elle, a
émis un premier paquet de 10 106 209 titres
(actions) d’une valeur nominale de 0,93 cents.
Plus le cours d’une action est bas, plus votre
gain sera élevé en cas de remontée du titre,
ne serait-ce que d’un centime multiplié par le
nombre d’actions émises. Chaque fois qu’une
action cote 0,01 centime $, ceux qui ont la
chance d’acheter et qui revendent à 0,02
centime $ gagnent 100%, parfois en quelques secondes. C’est ici que réside l’intérêt
du modèle économique de la penny stock
trading. Certains professionnels de la finance
ont compris que le fait de spéculer sur des
penny stock trading pouvait s’avérer fort rémunérateur. C’est pour cela que les hausses
des cours sur les marchés financiers se font
souvent très brutalement. Il n’est pas rare de
voir le titre d’une penny stock doubler ou tripler en quelques heures. C’est l’effet de la
levure industrielle qui fait monter une pâte en
quelques instants. Lorsqu’une vague d’achat
spéculative se déclenche sur une penny stock,
le mouvement va plus vite que sur une action
normale car l’appât du gain est plus important, ce qui, par un effet moutonnier classique,
entraîne une bulle spéculative.
Cours final avec
une hausse de
Hausse en %
0,01 centime
0,01 $
0,02 $
+ 100
0,02 $
0,03 $
+ 50
0,05 $
0,06 $
+ 20
0,10 $
0,11 $
+ 10
0,20 $
0,21 $
+5
0,50 $
0,51 $
+2
1,00 $
1,01 $
+1
2,00 $
2,01 $
+ 0,5
Pourcentages de hausse consécutifs au simple gain
d’un centime, en fonction du cours des actions.
Cours initial
4
Finance
Les Afriques - N° 78 - 4 au 10 juin 2009
Sundance Resources Ltd, des dividendes avant
d’extraire un seul gramme de minerai de fer
Sundance Resources Ltd
Sundance Resources Ltd est une société australienne basée à Perth, Western Australia.
Elle est cotée à la bourse Australian Securities
Exchange (ASX) comme une société junior
minière. Sa première expérience industrielle
et son plus grand projet d’investissement à ce
jour est celui de Mbalam Iron Ore Project, qui
est situé au Cameroun. Pour exploiter les gisements de Mbalam, Sundance Resources Ltd
a créé une filiale au Cameroun, CamIron SA,
une société privée du droit camerounais qu’elle
contrôle à 90% à partir de son quartier général
de Perth, en Australie. 10% des actions appartiennent à des investisseurs camerounais.
Quels sont les actifs de Sundance
Resources Ltd ?
Les actifs de Sundance Resources Ltd sont ceux
que lui ont accordé le Cameroun à travers des
concessions.
Ils sont constitués des gisements de fer de
Mbalam, estimés à plus de 800 millions de tonnes, dont 218 millions de tonnes sont classées
à plus de 60% de fer, dans la zone tenue par
CamIron sous la licence EP92. Le PNUD indique l’extension de la minéralisation en surface
des gisements de Mbalam en hématite sur deux
kilomètres le long des cours de la Mbarga.
Un deuxième gisement d’hématite est identifié à l’intérieur de la zone de permis de
Metzimevin et a été évalué par le PNUD sur
la base d’un forage réalisé sur six trous ayant
identifié un certain nombre d’intersections
de 60% d’hématite. Les études aéromagnétiques entreprises par Sundance Resources Ltd
ont identifié un gisement qui s’étend sur plus
de 36 km2. Sundance Resources Ltd continue
son programme d’exploration pour confirmer le potentiel des ressources minières de
Mbalam. Le forage permettra d’évaluer l’ampleur, la profondeur, la continuité et la qualité
de la minéralisation des gisements de Mbarga
Metzimevin, que le PNUD évalue à une production de plus de 35 millions de tonnes par
an pendant au moins 25 ans.
Les gisements de fer de Mbalam regorgent de
plus de 2400 millions de tonnes de minerais.
C’est la quatrième réserve au monde de minerais de fer et la deuxième en Afrique.
jets de construction et leur financement. Ken
Talbot est non executive Director. Il est le plus
important actionnaire de la société à travers le
groupe qu’il dirige, qui porte son nom et qui
vient d’acheter 371 265 036 titres (actions) au
prix de vente de 0,09 centime $.
Geoff Wedlock et Craig Oliver (non executive Directors), John Carr-Gregg (Company
Secretary), Peter Canterbury (Chief Financial
Officer), Rob Longley (General Manager
Geology), David Morgan (General Manager
Mining) ou encore Jim Tyler (Manager,
Environment and Community), sont tous très
expérimentés dans leur domaine.
Enfin, Roger Bogne est le seul Camerounais de
l’équipe. Actionnaire de CamIron SA, il est responsable des opérations locales et gère aussi les
relations avec les communautés de Mbalam.
Qui dirige Sundance Resources Limited ?
Une stratégie de captation financière
Contrairement aux trois précédentes junior
minières que nous avons analysées dans nos
précédentes éditions, Sundance Resources
Ltd est dirigée par une équipe de choc, bien
identifiée et disposant d’une longue expérience dans le secteur minier.
George F. Jones est non executive Chairman,
35 ans d’expérience dans la gestion des mines,
la banque et l’industrie financière. Don Lewis,
est le Managing Director et le CEO de la société. C’est un ingénieur civil qui a plus de 20 ans
d’expérience dans le développement de pro-
CamIron a été constituée en avril 2005, avec
comme principale mission d’explorer et de
développer l’exploitation de minerais de fer et
d’hématite de Mbalam au Cameroun.
Mais la culture de Sundance Resources Ltd,
sa stratégie corporate et son management sont
inspirés du modèle économique des penny
stock trading, ce modèle de sociétés qui gagnent
beaucoup en misant peu (voir notre encadré).
Avant qu’un seul gramme de minerai de fer ne
soit sorti du sous-sol de Mbalam, Sundance
Resources Ltd distribuait déjà des dividendes et
captait la plus-value financière que devrait générer ces gisements en faveur du Cameroun.
Le Premier ministre du Cameroun, Ephraim
Inoni, et le PDG de Sundance Resources Ltd,
Don Lewis, avaient à peine signé l’accord-cadre pour une meilleure coopération dans l’exploitation des minerais de fer de Mbalam, le 18
décembre 2008, que trois mois après Sundance
Resources Ltd, sans même avoir débuté ses activités minières à Mbalam, enregistrait d’importantes plus-values. Plus de 371 265 036 titres
(actions) au prix de vente de 0,09 centime $
ont été cédés à une société australienne, Talbot
Group. Du 11 février 2009 en Afrique du Sud
au 29 avril en Chine, Sundance Resources Ltd a
effectué une large tournée internationale pour
vendre des actions aux investisseurs.
Conclusion
Le fonctionnement de Sundance Resources
Ltd explique de manière probante comment
les pays africains laissent échapper toute la
plus-value financière que représentent leurs
richesses minières. Ces pays confient des
concessions gigantesques à des sociétés vides,
sous dimensionnées ou sous-capitalisées, dont
l’objectif, prioritaire dans le meilleur des cas
ou unique dans le pire des cas, est de valoriser
sur le marché financier international leur potentiel si facilement acquis.
Mega Uranium Limited, des plus values avant
même de commencer
Mega Uranium Limited.
Mega Uranium Limited est une société junior
minière canadienne cotée au Toronto Stock
Exchange. Sans avoir démarré la moindre
activité minière, par la seule titrisation des
gisements d’uranium acquis au Cameroun,
elle déjà à émis, à ce jour, 214,1 millions de
titres (actions), parmi lesquels plus de 187,8
millions sur les marchés boursiers canadiens.
Elle est parvenue à se doter d’une capitalisation boursière estimée à plus de 187 millions
de dollars canadiens, avec un cash flow estimé
à environ 41 millions de dollars canadiens.
Pour exploiter les gisements d’uranium au
Cameroun, Mega Uranium Limited a crée deux
sociétés. La première, Nu Energy Uranium
Corporation a été incorporée le 13 août 2007
dans le paradis fiscal des British Virgin Islands,
cotée à la bourse de Toronto, puis rachetée par
Mega Uranium Limited après émission de
28 240 313 de titres (actions) ordinaires, de
stock options et de bons de souscription.
La seconde, Nu Energy Corporation Cameroun
SA est une société de droit camerounais que
Mega Uranium Limited contrôle à 92%. Cette
société sert à Mega Uranium Limited comme
cadre de discussion officiel avec les autorités
camerounaise. Elle gère directement les titres
des gisements de Mega Uranium Limited,
mais elle n’a réalisé, à ce jour, aucun bénéfice
au Cameroun, tandis que ses sœurs canadiennes, Nu Energy Corporation et Mega Uranium
Limited, spéculent sur ses titres et réalisent des
plus values consistantes.
Comment Mega Uranium Limited protège
ses intérêts contre les lions indomptables
du Cameroun ?
En anticipant sur la réaction des autorités camerounaises et des réserves que leur montage
fiscal pourraient susciter au Cameroun, NU
Energy Corporation a conclu un protocole
d’entente avec la société Edlow Ressources
Limited et la société Afrique nucléaire
Carburant. Ces trois sociétés ont créé une joint
venture, NEWCO, au sein duquel NU Energy
Corporation détient 50% des actions, Edlow
Resources Limited, 25%, et Afrique Nucléaire
Carburant, 25%.
Selon le Mémorandum of Understanding de
NEWCO, sans avoir consulté les autorités ca-
merounaises, ni intégré la société Nu Energy
Corporation Cameroun SA dans le deal, Mega
Uranium Limited à conféré à la joint venture
récemment créée une activité d’approvisionnement, d’achat, de transport et de commercialisation des produits uranifères qui seront
produits au Cameroun, en intégrant des
garanties internationales, peut-être pour se
protéger contre toute revendication de l’Etat
camerounais. D’autant plus que Nu Energy
Corporation Cameroun SA à engagé la société
Scowcroft Group Inc, basée à Washington DC,
pour la fourniture des services consultatifs liés
à la proposition d’affaires de la joint venture
NEWCO au Cameroun. La société Scowcroft
Group Inc est gérée directement par Brent
Scowcroft, un lobbyiste, ex-conseiller de la
National Security Advisor des Etats-Unis sous
l’administration Bush.
Quels sont les actifs de Mega Uranium
Limited ? Comment cette société et
ses filiales créent-elles de la valeur
actionnariale ?
Comme la plupart des juniors minières, Mega
Uranium Limited aurait de nombreux « projets d’exploration gisements » à travers le vaste
monde. Dans ce cas précis, on parle d’exploration d’uranium en Australie, au Canada, en
Mongolie et en Amérique du Sud. Mais c’est
seulement au Cameroun que cette junior minière possède quelque chose de vraiment tangible, à savoir des concessions sur 4654 km2.
Comment Mega Uranium Limited a pu
se doter d’une capitalisation boursière de
plus de 187 millions de dollars canadiens,
sans activités minières effectives, ni au
Cameroun, ni nulle part ailleurs ?
Comme les quatre autres juniors minières que
nous avons étudiées dans nos précédentes chroniques, Geovic Inc, African Aura Resources,
Hydromine Inc et Sundance Resources
Limited, la culture de Mega Uranium Limited
repose sur le modèle économique des Penny
Stock Trading.
Qui dirige Mega Uranium Limited ?
En 2005, Mega Uranium Limited a confié sa
présidence à Stewart Taylor, diplômé en géologie de l’Université de Glasgow (Ecosse),
doté de 35 ans d’expérience dans l’exploration
des gisements miniers en Australie, en Asie,
en Afrique, en Europe et en Amérique. Peter
McNally à rejoint Mega Uranium Limited en
novembre 2006 et il occupe le poste de viceprésident de cette société. Il a quinze ans d’expérience dans le développement opérationnel des mines d’uranium de l’Australie. C’est
Marius Van Niekerk qui dirige la filiale de
Mega Uranium Limited au Cameroun. Aucun
Camerounais ne semble associé, de près ou de
loin, à cette compagnie.
Conclusion
Les cinq juniors minières que nous avons présentées ne sont pas les seules à intervenir au
Cameroun, mais elles représentent une très
large part du secteur minier de ce pays.
Comme nous l’avons vu, ces sociétés présentent
quasiment toutes les mêmes caractéristiques.
1) Les concessions qui leur sont accordées
constituent la quasi-totalité de leurs actifs.
2) Elles n’ont pratiquement pas de capacités
d’investissement par elles-mêmes.
3) Avant même de donner leur premier coup
de pioche, leur priorité principale, et quelque
fois unique, est de titriser leurs concessions
sur une bourse peu regardante, afin de réaliser
une forte plus-value.
4) Cette plus value n’est jamais réalisée par
leur entité camerounaise, mais par une société généralement immatriculée dans un paradis fiscal. Elle échappe donc totalement au
contrôle et au fisc camerounais.
Dans notre prochaine chronique, nous proposerons des solutions pour permettre à des pays
comme le Cameroun de rééquilibrer en leur
faveur ces rapports d’affaires inéquitables.
5
Banques et Assurances
Les Afriques - N° 78 - 4 au 10 juin 2009
« Avec 12 % de cette richesse, l’Afrique pourrait
financer des d’infrastructures du niveau de celles
de l’Europe »
Propos recueillis par Dominique Flaux, Genève.
Les Afriques : Quelle principale leçon tirez-vous de vos
investigations ?
David Beylard : Selon moi, les sociétés juniors minières que
nous avons présentées n’apportent pas au Cameroun ce qu’un
Etat est en droit d’attendre de partenaires auxquels il confie de
tels potentiels de richesses, si stratégiques pour son développement économique.
LA : Vous qualifiez ces sociétés de penny stock trading.
Comment peut-on les détecter ?
DB : Le gendarme de la bourse américaine, la Securities And
Exchange Commission, considère toute société qui émet des
actions sur les marchés financiers dont le cours est inférieur
« La valeur financière des gisements de
matières premières du continent peut être
estimée à 46 200 milliards $ ! Il suffirait
de 12% de cette valeur totale pour doter
tout le continent d’infrastructures du même
niveau que celles des pays développés. »
à 5 $ comme un penny stock trading. Pour les repérer, il faut
obtenir la liste des actions des sociétés qui sont cotées à moins
de 5 $ sur les marchés boursiers internationaux.
LA : Pourquoi ces sociétés sont-elles généralement cotées au
Canada et incorporées dans des paradis juridiques ?
DB : Les bourses canadiennes n’obligent pas les sociétés minières à prouver leurs réserves. Sur une simple concession délivrée par un gouvernement, elles peuvent émettre des titres
et réaliser des plus-values confortables avant même d’investir
Pays
Afrique du Sud
Cameroun
Congo RD
Cote d’Ivoire
Guinée
Ghana
Mali
Lesotho
Niger
Nigeria
Senegal
Sierra-Léone
Mali
Niger
Nigeria
Juniors minières
Canac
Transrail
Geovic
African Aura Resources
Hydromine Inc
Sundance Resources Ltd
Mega Uranium Limited
Nu Energy Corporation
Energy Capital
Anvil Mining
American Minerals Fields
Banro
Barrick Gold
Emaxon
First Quantum Minerals
Melkior
Heritage Oil
Millenia Hope
Diamond Works
Rex Diamonds
AmCam
Hydro-Quebec International
Repadre
Akrokeri-Ashanti
Golden Star Resources
IamGold (SEMOS)
Rand Gold
Acres
TG World Energy
Pfizer
Hydro-Québec International
Dessau
SNC
Tecsult
Sulzer
Roche
Canac (Transrail)
Diamond Works
Rex Diamonds
AmCan
IamGold (SEMOS)
Diamond Works
Rex Diamonds
AmCan
RandGold
Millenia Hope
TG World Energy
Pfizer
Nationalité
Canada
Canada
Canada
Canada
Canada
Canada
Canada
Canada
Canada
Canada
Canada
Canada
Canada
La mine de diamant de Kimberley Hole.
un penny dans le pays qui leur a délivré ces concessions, et en
échappant, de plus, à toute obligation fiscale, juridique, environnementale, sociale ou sanitaire.
En dix ans, près de 60% des sociétés minières mondiales se sont
inscrites au Toronto Stock Exchange. En 2007, ce marché boursier
comptait 1300 sociétés minières. C’est cinq fois plus que les bourses de New York, de Londres, de Johannesburg ou de Tokyo.
LA : Que proposez-vous aux gouvernements qui souhaitent
mieux valoriser leur potentiel minier ?
DB : Nous leur proposons tout d’abord d’effectuer un inventaire complet et une évaluation de la valeur financière de leurs
ressources minières. Nous pouvons également leur assurer
une veille d’intelligence économique pour les informer sur les
sociétés minières avec lesquelles ils sont en affaire ou en négociation. Nous pouvons surveiller ces sociétés en temps réel,
24h/24, pour que l’Etat sache à tous moments qui fait quoi, où,
quand, comment, avec qui et avec quels moyens ?
L’intelligence économique est primordiale dans ce secteur. On
ne peut plus, de nos jours, accorder, comme l’a fait le Cameroun,
sans doute trop confiant envers l’ambassadeur américain qui
les a conseillés (voir Les Afriques N° 70), un permis d’exploitation d’un des plus grands gisements d’uranium au monde à
une société qui ne dispose même pas d’une adresse fixe, ni d’un
personnel technique ou administratif !
LA : Et que peut faire le Cameroun dans la situation actuelle ?
DB : Selon moi, le Cameroun a déjà amorcé la bonne stratégie
en créant le Douala Stock Exchange. C’est un outil formidable
qui peut lui permettre de se prémunir contre les sociétés écrans,
les penny stock trading et autres évasions fiscales. Pour cela, je
conseillerais aux autorités camerounaises d’édicter une loi qui
définit son secteur des matières premières comme un domaine
d’activités stratégiques qui touche à sa sécurité nationale. Il
pourra, sur cette base, exiger de tous les investisseurs étrangers
qui souhaitent explorer ou exploiter les gisements camerounais
de s’inscrire à la Bourse de Douala et d’y fournir toutes les informations nécessaires à un contrôle strict de leurs activités.
LA : Le cas du Cameroun, qui a confié l’essentiel de son secteur minier à des juniors minières, est-il plutôt une exception
ou une règle générale ?
DB : Nous avons mis en place un tracker, un système de veille
informationnelle qui suit en temps quasi réel les activités de
toutes les sociétés qui opèrent sur les marchés africains des matières premières. Au jour d’aujourd’hui, nous recensons une
cinquantaine de sociétés juniors minières qui sont actives dans
40 des 53 pays d’Afrique. La plupart d’entre elles agissent selon
le même modèle d’affaires que leurs consoeurs au Cameroun.
LA : Le secteur minier africain est-il bradé ?
DB : Trop souvent, oui. L’Union africaine s’est inquiétée de la
mainmise étrangère sur les terres arables africaines en concluant
à la nécessité pour les pays du continent de « ne plus brader leurs
terres par pans entiers aux pays, notamment asiatiques, qui cherchent à s’assurer leur sécurité alimentaire ». De la même manière,
j’implore les pays africains de ne plus brader leurs gisements de
matières premières stratégiques. Ils doivent cesser de conclure
avec des juniors minières des accords léonins. Nous sommes à
leur disposition pour leur apporter toutes nos informations et
tout notre savoir-faire, pour contribuer, à notre modeste mesure,
à faire émerger du sous-sol africain tous les moyens nécessaires
au développement du continent.
LA : Selon vous, mieux valorisé, le sous-sol africain pourrait
financer le développement de l’Afrique ?
DB : Largement ! Lorsqu’on dit que l’Afrique est riche, ce n’est pas
un vain mot. Selon nos calculs, la valeur financière des gisements
de matières premières du continent peut être estimée à 46 200 milliards $ ! Il suffirait de 12% de cette valeur totale pour doter tout
le continent d’infrastructures du même niveau que celles des pays
développés. Avec une telle richesse sous nos pieds, allons-nous encore longtemps nous comporter comme un continent pauvre ?
Les règles douteuses des
Bourses Canadienne
La Securities Exchange Commission des Etats-Unis, exige
des sociétés minières qui y sont cotées qu’elles distinguent
formellement dans leurs communications corporate, les « ressources » des « réserves » qu’elles déclarent posséder.
La bourse de Toronto n’a pas cette loyauté à l’égard des
investisseurs. La différence est pourtant essentielle. Les « ressources » relèvent d’une estimation approximative du minerai
contenu dans le sous-sol que détient l’entreprise, alors que
les « réserves » attestent du minerai réellement exploitable
et susceptible de correspondre à un rendement établi. Qui
plus est, les ressources en minerais sont évaluées à partir des
estimations des géologues travaillant pour l’entreprise alors
que les réserves sont prouvées.
En confondant les conjectures et les attestations, la Bourse de
Toronto permet aux juniors minières d’entretenir un flou juridique, financier et informationnel particulièrement propice aux
actions spéculatives. En se cotant à la bourse de Toronto,
ces juniors minières peuvent émettre des titres sur de simples
concessions d’exploration, sans avoir à fournir de données
exactes et vérifiées, et donc sans investir un seul penny dans
les activités d’exploration et d’évaluation.
« Il se lève un ignorant chaque matin »
La bourse de Vancouver (VSE), et dans une moindre mesure
celle de Calgary, a longtemps été le foyer de douteuses juniors
minières. Un éminent psychiatre canadien Robert Hare, déclarait un jour que s’il ne lui était plus donné de suivre des psychopathes en prison, il irait les retrouver à la Bourse de Vancouver.
Entre 1907 et 2001, la bourse de Vancouver était considérée comme un « financial freak show of sorts » qui ne représentait que des cas de la fraude à l’état institutionnel. Cette
bourse cotait n’importe quoi, comme par exemple un aéroport en pleine forêt nordique. Des milliers des sociétés de ce
type se sont cotées à la bourse de Vancouver et certaines
arnaques resteront gravées dans les annales de l’histoire
comme les affres du canadien Irving Kott qui s’achetait à luimême, via ses sociétés enregistrées dans les paradis fiscaux,
des titres bidons sur une obscure méthode détectant les restes d’or dans la boue déjà traitée, pour majorer leur prix et
créer un intérêt factice.
Vancouver est connu comme un registre du penny stocks des
actions à un cent. Un des directeurs d’un holding très actif sur
ce marché, Altaf Nazerali déclarait un jour : « Il se lève un
ignorant chaque matin, à nous de le trouver pour en faire
notre client ».