L`arnaque des juniors minières en Afrique
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L`arnaque des juniors minières en Afrique
Cinq juniors minières Geovic, une structure en pelure d’oignon Enregistrée dans le paradis fiscal et juridique de Delaware avec un filiale écran basée aux Iles Caïman... Page 2 African Aura Resources Ltd, une opacité bien organisée Immatriculée dans le paradis fiscal des British Virgin Islands. Page 2 Hydromine Inc, ni capitaux, ni expertise, ni personnel, ni bureaux. La société offshore par excellence, incorporée le 25 août 2004 dans le paradis fiscal et judiciaire de l’Etat du Delaware. Page 3 Sundance Resources Ltd, des dividendes avant même d’extraire un seul gramme Une stratégie corporate et un management inspirés du modèle économique des penny stock trading Page 4 Mega Uranium Ltd, des plus values avant même de commencer Une filaile incorporée dans le paradis fiscal des British Virgin Islands. Page 4 Eclairages La combine financière des penny stock trading S’inscrire en Bourse, pour ces sociétés, c’est espérer lever des capitaux que pourrait leur fournir une bulle spéculative. Page 3 Les règles douteuses des bourses canadiennes Le champ libre à la spéculation. Page 5 David Beylard est analyste en corporate governance, spécialiste des marchés africains de matières premières. Il dispose d’un DEA en droit international, d’un mastère en intelligence économique, d’un mastère en management des ressources humaine et stratégies des entreprises. Doctorant en sciences du management, il possède également un Certificat d’auditeur Social. L’arnaque des juniors minières en Afrique La valeur financière des gisements africains de matières premières, connus à ce jour, s’élève à 46 200 milliards de dollars ! Pourquoi l’Afrique ne parvient-elle pas à valoriser une telle richesse qui équivaut à 13 fois le revenu annuel de la Chine ? Un patrimoine largement suffisant pour faire de ce continent une des premières puissances mondiales. Une enquête minutieuse de David Beylard. Des sociétés minières sans moyens conséquents, parfois sans personnel, ni bureaux, appartenant à des actionnaires anonymes, immatriculées dans des paradis fiscaux, parviennent, avec force promesses et mises en scène, à convaincre des gouvernements africains de leur confier des concessions minières gigantesques. Une fois le contrat en poche, ces sociétés se précipitent sur des bourses peu regardantes, généralement canadiennes, pour valoriser leurs titres africains et empocher de coquettes plus values avant même qu’un seul gramme de minerai ne soit extrait de la concession qui leur a été confiée. Pourquoi accorde-t-on si peu crédit à l’Afrique, qui dispose d’un patrimoine de ressources naturelles gigantesque, capable d’assurer sa solvabilité bien au-delà de ses besoins ? Alors que le système financier international accepte d’investir sur des sociétés occidentales anonymes, opaques, vides de compétences et de capitaux, sur le seul crédit d’un contrat... africain ? David Beylard, qui observe depuis de nombreuses années le secteur minier africain, décrit dans le détail le cas du Cameroun et propose des solutions pour permettre aux pays africains de tirer meilleur profit de leur sous-sol. Les bourses canadiennes sont peu regardantes avec les juniors minières. Le Cameroun, un cas d’école Le Cameroun a accordé en 2007 des permis de prospection, d’exploration et d’exploitation d’immenses gisements miniers à cinq juniors minières qui étaient, jusqu’à cette date, ignorées des marchés financiers internationaux et des analystes. C’est seulement le 25 janvier 2008, que le gouvernement camerounais s’est doté d’un cadre organisationnel pour faire émerger une stratégie en matière de gestion des ressources naturelles. Selon une chronologie historique, c’est l’ambassadeur américain accrédité au Cameroun, Niels Marquardt, qui engagea dès juillet 2005, plusieurs négociations avec le Président Biya pour l’exploitation des gisements des matières premières et du pétrole du Cameroun par des opérateurs américains. L’ambassadeur Niels organisa le voyage que le Premier ministre Ephraïm Inoni effectua durant l’été 2007 aux Etats-Unis où il conduisit une délégation de sept personnes, parmi lesquelles se trouvaient le ministre en charge de l’Administration du territoire, Marafa Hamidou Yaya, le ministre de l’économie et des finances, Polycarpe Abah Abah, et le coordonnateur du Programme national de gouvernance du Cameroun (PNGC), Dieudonné Oyono. Cette délégation entama des négociations avec des « exploitants miniers » aux Etats-Unis. La question que la plupart des analystes se posent alors est la suivante : pourquoi estce que l’ambassadeur Niels Marquardt et ses contacts du Département d’Etat et de la Trade Development Agency (TDA) ont orienté la délégation camerounaise vers des sociétés minières juniors canadiennes, américaines, anglaises et australiennes totalement inconnues, plutôt que vers des majors américaines avec pignon sur rue ? Le fleuve Sanaga dispose d’un grand potentiel hydroélectrique. 2 ACTUALITé Les Afriques - N° 78 - 4 au 10 juin 2009 Geovic, une structure en pelure d’oignon Geovic Mining Corp. (Delaware) 100% 100% Geovic Ltd (Cayman Islands) Geovic Energy Corp. (Colorado) (Holds exploitation mineral properties in the USA 60% Geovic Cameroun PLC (Cameroon) 100% Geovic Mineral Sands Corp. (Colorado) (newly formed) 100% 100% Pawnee Drilling LLC (Colorado) (Presently inactive) Geovic France SAS (France ) (newly formed) 100% Geovic Nouvelle Calédonie SA (New Caledonia) (newly formed) Source: U.S. Securities and Exchange Commission Geovic Mining Corporation (GMC) est une entreprise américano-canadienne, cotée à la bourse de Toronto (TSX: GMC) et à l’US Over-the-Counter Bulletin Board (OTC.BB: GVCM). Cette entreprise à une structure juridique en pelures d’oignon. C’est-à-dire qu’elle est enregistrée sis 2711 Centreville Road, dans la suite 400 sise Wilmington dans le paradis fiscal et juridique de Delaware 19808 USA. Geovic Mining Corporation détient, via une société écran basée aux Iles Caïman, 60% de Geovic Cameroun PLC (GeoCam en sigle). La Société Nationale d’Investissement du Cameroun détient 39,5% des parts d’actions du Cameroun Plc, dont 20% directement. Et le Président de Geovic Mining Corporation, M. Buckovic, détient personnellement 0,5% des parts d’actions de Geovic Cameroun PLC. D’après le cabinet d’audit Ernst & Young, qui certifie les comptes de Geovic Mining Corporation, les actions de cette société sont détenues par 32 de ses employés et plus de 551 personnes physiques et/ou morales non identifiées. Quels sont les actifs de Geovic ? Selon l’organigramme de la SEC, ci-dessus, les autres filiales du groupe Geovic Mining Corp. sont soit inactives, soit nouvellement formées. L’essentiel des actifs du groupe se compose donc de ses concessions camerounaises. Geovic Cameroun PLC gère les droits exclusifs d’une concession qui a été attribuée à Geovic Mining Corporation et qui s’étend à plus de 1250 kilomètre carré miniers, couvrant l’ensemble de la province de Nkamouna, très riche en gisements de nickel-cobalt et de nickel-manganèse, recensée aujourd’hui comme Geovic Mining Corporation, dotée d’une structure juridique en pelures d’oignon, détient, via une société écran basée aux Iles Caïman, 60% de Geovic Cameroun PLC. les plus importants gisements mondiaux de cobalt primaire non exploité. Le projet contient l’évaluation des gisements de Nkamouna qui disposent de réserves estimées à plus de 54,7 millions de tonnes, classées à 0,25% en teneur du cobalt, 0,69% en teneur de nickel et 1,33% en teneur de manganèse. Noms William A. Buckovic Greg Hill Richard Howe David C. Beling Jean-Christophe Cartron Brent Horochuk Ambroise Ondoa Onana Moger Jean Claude Ayem Edouard Bateky Pierre-Marie Noah Anita Efoua Mbozo’o Position dans Geovic Mining Corp. Chairman Senior Vice President, CFO Executive Vice President, COO Position dans Geovic Cameroun Chairman General Manager Director Director Finance and IT Director Director of Operations Director Director Deputy General Manager Procurement and Logistics Deputy General Manager Qui fait quoi dans GEOVIC Mining Corporation et dans GeoCam ? En analysant les positions qu’occupent les cadres du management de Geovic Mining Corporation et de Geovic Cameroun ci-dessus, nous constatons que les moteurs de ce montage juridique en pelures d’oignon sont MM. Greg Hill et David C. Beling, qu’on retrouve dans les deux structures, agissant à la fois comme personnes ressources et occupant les fonctions de contrôle et de direction. Une deuxième étude réalisée sur un autre gisement, atteste plus de 61,3 millions de tonnes de minerai classé à 0,24% en teneur de cobalt, à 0,66% en teneur de nickel et à 1,26% en teneur de manganèse. Une troisième étude estime à 17,4 millions de tonnes classées à 0,18% en teneur de cobalt, 0,55% en teneur de nickel et à 1,06% en teneur de manganèse. L’exploitation de ces gisements générera un taux de transformation de plus de 2000 tonnes de minerai par jour. GeoCam prévoit de produire environ 4100 tonnes de minerai de cobalt et de nickel par jour sur une période initiale de 19 ans. Sur le site de Nkamouna, le high-grade des oxydes de cobalt et de nickel sera produit principalement pour accroître la croissance de la demande des batteries destinées à la fabrication des véhicules électriques hybrides. Les gisements de Nkamouna représentent à ce jour une réponse rassurante pour les fabricants des véhicules hybrides. Quand nous interprétons les photos satellitaires des gisements de Nkamouna, nous constatons que son exploitation sera peu coûteuse parce que les dépôts de minerai sont situés à moins de seize mètres de profondeur et un dynamitage ne sera pas nécessaire. Le minerais de Nkamouna se prête à une simple pré-concentration. Le lessivage à la pression atmosphérique sera faible en consommation d’acide, ce qui fait que les coûts d’exploitation des gisements de Nkamouna seront parmi les plus bas du monde. En mai 2007, GeoCam a reçu de la part des autorités camerounaises un certificat de conformité pour l’évaluation d’une étude d’impact environnementale et sociale. Un permis d’exploitation des gisements d’eau a aussi été délivré à Géovic en janvier 2008. Le Cameroun considère le projet de GeoCam comme une entreprise stratégique à qui il a été offert plus de 50% de réduction de taxes d’exploitation et diverses incitations. Dès réception d’un bail foncier que requiert le gouvernement pour les terres perturbées, GeoCam aura toutes les autorisations nécessaires pour construire et exploiter le projet des gisements de Nkamouna. Geovic Cameroun représente 80% des actifs financiers patrimoniaux des valeurs de Geovic Mining Corporation. Or, Geovic Mining Corporation occupe une position dominante de donneur d’ordre au sein de sa filiale Geovic Cameroun, confinée dans un rôle de supplétif et de receveur d’ordre. Par ce montage complexe, l’Etat camerounais est exclu du (vrai) conseil d’administration de l’entreprise. Il n’a aucun droit de regard, ni sur la stratégie de l’entreprise, ni sur l’identité de ses propriétaires ou de ses alliés, ni sur ses moyens, ni sur ses objectifs. African Aura Resources Limited, une opacité parfaitement organisée African Aura Resources Limited est une structure ambidextre, c’est-à-dire que cette société britannique est fiscalement immatriculée dans le paradis fiscal des British Virgin Islands. Financièrement, elle est cotée à la Bourse de Toronto au Canada. Administrativement, elle est gérée depuis Londres. Opérationnellement, elle est propriétaire de permis d’exploitation d’importants gisements localisés au Cameroun. Le management est entre les mains des dirigeants actionnaires anglo-saxons. African Aura Resources Limited a créé au Cameroun, en 2006, quatre SARL qu’elle contrôle à 100% à partir de Londres, des îles Vierges britannique et de la Bourse de Toronto. Il s’agit de la Cameroon SARL, créée le 22 mai 2006, de Caminex SARL, créée le 16 mai 2006 (cette société gère le permis d’exploration de fer de Djoum et les gisements de Nkout), de la Caminur, créée le 18 mai 2006, à ce jour inactive, et enfin de Ridgeway Energy Cameroun SARL, créée le 14 mai 2006, qu’elle contrôle à 70%. Aucun Camerounais n’est présent dans la gouvernance de cette société qui a émis un nombre impressionnant de titres (actions) sur le marché boursier canadien où elle est cotée : 67 047 540 actions au total. • 46 093 752, soit 68,43% des titres d’African Aura Resources Limited sont détenus par des actionnaires institutionnels non identifiables. • 7 898 041 actions de cette société, soit 11,72%, sont détenues par ses dirigeants actionnaires. • 13 055 747 des titres de cette société, soit 19, 85% des actions, sont détenus par des actionnaires privés non identifiables. Qui fait quoi dans African Aura Resources ? Noms David Netherway John Gray Matthew Grainger Danesh Varma Steven Poulton Manuel Lamboley David Swan Mark Biddulph Dr Velizar Strumberger Fonctions Independent Chairman Chief Executive Chief Operating Officer Independent Director Director Independent Director Chief Financial Officer Chief Geologist, Cameroon Chief Uranium Geologist Quels sont les actifs de African Aura Resources Limited ? Or African Aura Resources Limited a obtenu l’exploitation d’un grand gisement d’or qui s’étend sur plus de 1995 km2 au Cameroun. Ce gisement a été identifié à partir de la technologie d’interprétation de l’air magnétique et des données générées par télédétection satellitaire réalisées en 2006, sur 150 kilomètres le long des provinces de Sangemalina Djoum archéen greenstone belt, initialement identifié par le BRGM (Bureau de recherches géologiques et minières). Les gisements de fer de Nkout et de Djoum s’étendent aussi sur une superficie de plus de 1995 km2 dans le sud du Cameroun. African Aura Resources Limited compte lancer un programme d’exploitation de ces gisements à partir de l’été 2009. Le premier programme d’exploitation sera composé d’une dizaine de trous qui seront forés à plus de 100 mètres de profondeur. African Aura Resources possède également une concession minière de plus de 1000 km2 dans l’est du Cameroun. L’exploration de ces gisements avait commencé en 2006 avec un programme d’échantillonnage du sol des gisements de Kambele. Les résultats de ces recherches ont défini une zone d’échantillonnage du sol à 7 kilomètres au sud-ouest de Kambele, sur la Mongonam-Dimako, confirmée à plus de 3,5 km le long de la zone de cisaillement. En 1990, le BRGM avait cartographié les gisements d’or et identifié neuf importants gi- sement à Millionaire, Gentil, Kalardje et à Rey Bouba Sakdje Tcholliré. Diamant, or et fer En avril 2008, African Aura a lancé le forage des gisements de diamants à Kambele. Actuellement, cette société fait de la prospection des gisements de diamants par carottages et forages de 50 trous sur les 3,5 km de long de Kambele. African Aura Resources gère aussi une licence d’exploitation des gisements de Ntem, qui s’étendent sur plus de 987 km2 dans le sudouest du Cameroun. Les derniers résultats de l’essai étendu d’échantillonnage des sols, à 3 km de Ntem, comprenait 900 échantillons prélevés à des intervalles de 50 métres le long de lignes espacées de 100 mètres dans une zone sélectionnée sur la base d’un programme d’échantillonnage précis. Les zones, qui restent ouvertes tout le long des gisements, sont considérées comme la source des gisements d’or alluvionnaire, aujourd’hui exploités par des artisans miniers. African Aura Resources détient aussi des permis d’exploitation des gisements de fer de Nkout, situés dans le sud de Djoum, au Cameroun. Ce projet a été identifié par le BRGM à partir de l’interprétation de l’air magnétique et des données de télédétec- tion satellitaire réalisées en 2006 sur une longueur de plus de 150 kilomètres. Uranium, fer et diamant African Aura Resources a aussi obtenu les permis d’exploitation d’une concession de plus de 1473 km². Cette concession fut explorée par le BRGM et mappée d’occurrences d’uranium, de gisements de fer et de diamants. Pour exploiter ces gisements, notamment l’uranium, African Aura Resources a créé une filiale, Ridgeway Energy Limited, qu’elle contrôle à 70%. Les deux permis d’exploitation des gisements d’uranium cartographiés par le BRGM comprennent une cartographie des minerais de fer d’Essong et plusieurs occurrences de diamants. Les gisements d’Essong sont situés à plus de 120 km à l’ouest du Mont Mbalam. Les gisements de Bantadje, situés dans la province du Nord du Cameroun, visent deux occurrences que le BRGM avait mappées sur des occurrences des gisements primaires d’uranium ainsi que des gisements secondaires de dépôts de sédiments. La licence de ces gisements s’étend sur plus de 500 km2 à Tcholliré et Kitongo. Les gisements d’Essong, situés dans la province du sud, contiennent de l’alcalin intrusif d’uranium, associés au craton du Congo, ainsi que des dépôts secondaires, contigus avec ceux d’autres pays d’Afrique, notamment les gisements de Djoum qui s’étendent sur plus de 998 km2 et les gisements d’Akonolinga qui s’étendent sur plus de 997 km2. La junior minière African Aura Resources Limited a obtenu, globalement, un portefeuille de concessions minières qui totalise une superficie de plus de 7450 km2. Il est impossible de savoir si les capacités financières, technologiques et techniques de cette société sont à la mesure de telles concessions. Les bénéficiaires d’une concession minière, étrangers de surcroît, devraient être localisables avant, durant, et 25 ans, après, l’exploitation de gisements, afin de répondre, le cas échéant, aux conséquences environnementales et sanitaires de leur exploitation. Ce n’est pas le cas d’African Aura Resources Limited, immatriculée dans le paradis juridique des Iles Vierges. La part camerounaise d’African Aura Resources Limited représente l’essentiel des actifs financiers patrimoniaux de cette société qui ne compte aucun Camerounais parmi ses décideurs. Dans la stratégie d’African Aura Resources Limited, le Cameroun n’a aucun droit de regard, ni sur la stratégie de l’entreprise, ni sur l’identité de ses propriétaires ou de ses alliés, ni sur leurs moyens, intentions et objectifs. Hydromine Inc, ni capitaux, ni expertise, ni personnel, ni bureaux Hydromine Inc est une société offshore par excellence, incorporée le 25 août 2004 dans le paradis fiscal et judiciaire de l’Etat du Delaware, aux Etats-Unis, sous un objet social à caractère « général ». C’est-àdire que son objet social lui permet de tout faire. Hydromine Inc a installé son siège social dans une boîte aux lettres de l’État de New York, au 230 Park Avenue Suite 912, NY 10169, et son numéro de téléphone correspond à une entreprise qui ne fait que réceptionner les appels. Au Cameroun, cette société a élu domicile dans un cabinet d’avocat, Ngwafor & Partners. Comme une Penny Stock Trading Hydromine Inc. ressemble à s’y méprendre à une Penny Stock Trading, ces sociétés qui cherchent à gagner beaucoup d’argent en ne misant rien elle-même, pas même un penny. Cette société, qui a l’intention d’exploiter l’un des premiers gisement de bauxite au monde, dont le potentiel en minerai est évalué, sur la base de l’interprétation des photos satellitaires, à plus de 2 milliards de tonnes, ne semble pas disposer d’un bureau fixe, d’un personnel administratif, de techniciens, et moins encore d’une équipe dédiée à la recherche et au développement. En consultant différentes banques de données minières auxquelles nous avons accès, nous n’avons trouvé aucun lien répertorié d’Hydromine Inc avec une exploitation minière, si petite soit-elle. Qui pilote Hydromine Inc ? Hydromine Inc Hydromine Inc Cameroun JV Cameroon Alumina enregistrée sous le n° 3846747, le 25 Août 2004 à Delaware (USA) Président : Peter Briger Il semble qu’aucun numéro d’enregistrement camerounais n’ait été attribué à ce jour. Président : Peter Briger Vice-président : Jean Pierre Ndongo Zanga 1. Participation de Hydromine pour une part non communiquée 2. Participation de la société minière indienne Hindalco pour une part non communiquée 3. Participation de la société minière des Emirats arabes unis Dubal pour une part non communiquée Quand le G20 fait la leçon aux petits paradis fiscaux… Le Delaware, où est immatriculée Geovic Mining Corporation, est l’État américain qui excelle dans le business des sociétés écrans ou offshores. Le nom et l’adresse des actionnaires et des administrateurs d’une compagnie incorporée au Delaware n’apparaissent nullement dans les registres publics. Lors de l’incorporation, il n’y a même aucune obligation de fournir ces informations à l’État du Delaware. Aucun investissement minimal dans la compagnie n’est requis. Les actions émises peuvent n’avoir aucune valeur au pair. La compagnie n’a aucune obligation d’avoir un compte bancaire dans l’État du Delaware. La compagnie n’est pas obligée d’avoir son siège social, ni de faire des affaires dans l’État du Delaware. Il n’y a aucune obligation pour les actionnaires, administrateurs et dirigeants de résider au Delaware, ni d’y tenir quelque réunion ou assemblée que ce soit. Il est possible d’incorporer très rapidement une compagnie au Delaware, même en une heure (moyennant un surcoût), sans même s’y déplacer, notamment par Internet. Les Iles Vierges britanniques comprennent trente-six îles principales dont seulement 3 ACTUALITé Les Afriques - N° 78 - 4 au 10 juin 2009 seize sont habitées. Ces îles sont situées à côté de Porto Rico dans la mer du Caraïbes. Jusqu’en 2005, le seul impôt notable était celui sur les revenus des personnes physiques et celui sur les sociétés locales. La population s’élève à environ 22 000 habitants. L’enregistrement d’une société dans ce paradis fiscal se résume au dépôt des statuts auprès du Registrar of Compagnies. Il doit être effectué via un intermédiaire local agrée qui pourra rester le représentant de la société crée auprès des autorités. Le capital est fixé librement sans minimum légal, sans valeur faciale particulière et les titres peuvent prendre au sein d’une même société plusieurs formes distinctes. Le nombre des actionnaires est libre. Le capital doit être intégralement souscrit lors de la création, mais il ne doit pas obligatoirement faire l’objet de versement effectif. La société peut racheter et détenir elle-même ses propres parts. La direction doit être assurée par un directeur au moins. Le siège social doit être situé sur le territoire y compris au sein d’une boîte aux lettres). L’inscription sur les registres publics des actionnaires et de la direction n’est pas obligatoire. En apparence, ce tableau fait ressortir le rôle prépondérant que joue Peter Briger dans Hydromine Inc et Hydromine Inc Cameroun. Cette dernière prépare une joint-venture avec la société minière indienne Hindalco et la société minière émiratie Dubal. Selon le site du cabinet Ngwafor Partners, la principale référence de Peter Briger serait d’avoir travaillé pour les administrations Kennedy et Johnson… il y a donc 45 ans. (www.ngwaforpartners.com/index-9.html). Bauxite et hydroélectricité Puisque c’est l’ambassadeur américain Niels Marquardt qui avait introduit la société Hydromine Inc auprès des autorités camerounaise, nous avons contacté la section presse de l’ambassade des Etats-Unis au Cameroun pour obtenir des détails sur cette société. Selon cette institution, après avoir créé sa société dans l’Etat du Delaware, Peter Briger a signé, le 5 mars 2009, une convention d’exploitation minière avec Jean Bernard Sindeu, ministre de l’Energie et de l’Eau. Aux termes de cette convention, Hydromine Inc devrait réaliser une étude de faisabilité en vue de développer le potentiel hydroélectrique qui existe le long du fleuve Sanaga, à Mbakaou et au Pont Rail. Ce site est le deuxième plus grand gisement hydroélectrique d’Afrique, après le barrage d’Inga en RDC. Ce projet hydroélectrique est une étape importante dans le business plan d’Hydromine Inc. Il vise à produire de l’énergie qui sera consommée par les ménages et les entreprises camerounaises et qui alimentera surtout une industrie intégrée de transformation de la bauxite en alumine. Cet accord, précise le service de presse de l’ambassade des Etats Unis au Cameroun, était particulièrement important, si l’on considère le programme de développement à long terme du Cameroun et les récentes ambitions de ce pays de devenir un fournisseur d’énergie au niveau régional. Le développement des infrastructures à Pont Rail est une composante du Plan de développement du secteur de l’énergie du Cameroun à l’horizon 2030 (PDSP-2030), qui vise à développer la production d’énergie au moindre coût. Quelle est la stratégie de la société Hydromine Inc au Cameroun ? une joint-venture avec deux sociétés minières qui, elles, ont pignon sur rue dans l’industrie minière internationale. Il s’agit de la minière indienne Hindalco et de la minière émiratie Dubal, pour former Cameroon Alumina (en abrégé CAL), avec pour objectif l’exploitation des gisements de bauxite dans la région de l’Adamaoua. Dans ce deal en négociation, Hydromine apporte les titres des gisements d’hydroélectricité et de bauxite, obtenus de l’Etat camerounais, et espère que la société indienne Hindalco et la société émiratie Dubal, injecteront les 6 milliards de dollars qui financeront les phases d’exploration, d’exploitation et de mise en marché de la bauxite du Cameroun. Le doute s’installerait-il chez les partenaires camerounais ? Le 20 novembre 2008, Peter Briger, sentant l’étau des promesses non tenues se resserrer, peut-être également parce que ses partenaires en joint-venture ont découvert les faiblesses de son montage, avait organisé une conférence de presse pour dissiper les rumeurs qui entachent sa crédibilité et faire taire les réserves émises par la presse locale sur ses capacités réelles à exploiter les gisements de bauxite du Cameroun. Au cours de l’échange auquel prenaient part, outre les responsables des entreprises concernées (Hindalco, Dubal et Hydromine Inc Cameroun), étaient présent à cette mise au point, Janet Elisabeth Garvey, ambassadeur des Etats-Unis au Cameroun, Jean Bernard Sindeu, ministre de l’Energie et de l’Eau du Cameroun et Fru Calistus Gentry, secrétaire d’Etat auprès du Ministère de l’industrie, des mines et du développement technologique, qui avaient, à cet effet, indiqué leurs doutes quant à la suite de l’aventure de Cameroon Alumine : « Un autre délai de 18 mois ne vous sera pas accordé » leur a-t-on signifié. Conclusion Au-delà de la pertinence de ces projets et de l’évidence de leur potentiel, une question se pose aux financiers et experts qui suivent de près cette affaire : Quel est l’apport réel d’une société qui ne dispose ni de capitaux, ni d’expertise industrielle et qui n’offre aux investisseurs aucune garantie sur son identité ou sur sa crédibilité ? Forte d’un contrat signé avec le gouvernement camerounais, Hydromine Inc veut créer La combine financière de penny stock trading L’Autorité des marchés financiers américains, la Security and Exchange Commission (SEC), considère que toute action dont le cours est inférieur à 5 $ devrait en faire partie. Tout titre qui vaut moins de 1 $ est donc une « penny stock ». Une réalité mathématique sous-tend l’intérêt que l’on peut trouver à la penny stock trading : plus le cours d’une action est bas, plus chaque centime gagné représentera un pourcentage de hausse important. Prenons deux exemples : la société Geovic Limited a émis au 31 décembre 2008 102 398 897 actions d’une valeur nominale chacune de 1,50 $. Sundance Resources Limited, quant à elle, a émis un premier paquet de 10 106 209 titres (actions) d’une valeur nominale de 0,93 cents. Plus le cours d’une action est bas, plus votre gain sera élevé en cas de remontée du titre, ne serait-ce que d’un centime multiplié par le nombre d’actions émises. Chaque fois qu’une action cote 0,01 centime $, ceux qui ont la chance d’acheter et qui revendent à 0,02 centime $ gagnent 100%, parfois en quelques secondes. C’est ici que réside l’intérêt du modèle économique de la penny stock trading. Certains professionnels de la finance ont compris que le fait de spéculer sur des penny stock trading pouvait s’avérer fort rémunérateur. C’est pour cela que les hausses des cours sur les marchés financiers se font souvent très brutalement. Il n’est pas rare de voir le titre d’une penny stock doubler ou tripler en quelques heures. C’est l’effet de la levure industrielle qui fait monter une pâte en quelques instants. Lorsqu’une vague d’achat spéculative se déclenche sur une penny stock, le mouvement va plus vite que sur une action normale car l’appât du gain est plus important, ce qui, par un effet moutonnier classique, entraîne une bulle spéculative. Cours final avec une hausse de Hausse en % 0,01 centime 0,01 $ 0,02 $ + 100 0,02 $ 0,03 $ + 50 0,05 $ 0,06 $ + 20 0,10 $ 0,11 $ + 10 0,20 $ 0,21 $ +5 0,50 $ 0,51 $ +2 1,00 $ 1,01 $ +1 2,00 $ 2,01 $ + 0,5 Pourcentages de hausse consécutifs au simple gain d’un centime, en fonction du cours des actions. Cours initial 4 Finance Les Afriques - N° 78 - 4 au 10 juin 2009 Sundance Resources Ltd, des dividendes avant d’extraire un seul gramme de minerai de fer Sundance Resources Ltd Sundance Resources Ltd est une société australienne basée à Perth, Western Australia. Elle est cotée à la bourse Australian Securities Exchange (ASX) comme une société junior minière. Sa première expérience industrielle et son plus grand projet d’investissement à ce jour est celui de Mbalam Iron Ore Project, qui est situé au Cameroun. Pour exploiter les gisements de Mbalam, Sundance Resources Ltd a créé une filiale au Cameroun, CamIron SA, une société privée du droit camerounais qu’elle contrôle à 90% à partir de son quartier général de Perth, en Australie. 10% des actions appartiennent à des investisseurs camerounais. Quels sont les actifs de Sundance Resources Ltd ? Les actifs de Sundance Resources Ltd sont ceux que lui ont accordé le Cameroun à travers des concessions. Ils sont constitués des gisements de fer de Mbalam, estimés à plus de 800 millions de tonnes, dont 218 millions de tonnes sont classées à plus de 60% de fer, dans la zone tenue par CamIron sous la licence EP92. Le PNUD indique l’extension de la minéralisation en surface des gisements de Mbalam en hématite sur deux kilomètres le long des cours de la Mbarga. Un deuxième gisement d’hématite est identifié à l’intérieur de la zone de permis de Metzimevin et a été évalué par le PNUD sur la base d’un forage réalisé sur six trous ayant identifié un certain nombre d’intersections de 60% d’hématite. Les études aéromagnétiques entreprises par Sundance Resources Ltd ont identifié un gisement qui s’étend sur plus de 36 km2. Sundance Resources Ltd continue son programme d’exploration pour confirmer le potentiel des ressources minières de Mbalam. Le forage permettra d’évaluer l’ampleur, la profondeur, la continuité et la qualité de la minéralisation des gisements de Mbarga Metzimevin, que le PNUD évalue à une production de plus de 35 millions de tonnes par an pendant au moins 25 ans. Les gisements de fer de Mbalam regorgent de plus de 2400 millions de tonnes de minerais. C’est la quatrième réserve au monde de minerais de fer et la deuxième en Afrique. jets de construction et leur financement. Ken Talbot est non executive Director. Il est le plus important actionnaire de la société à travers le groupe qu’il dirige, qui porte son nom et qui vient d’acheter 371 265 036 titres (actions) au prix de vente de 0,09 centime $. Geoff Wedlock et Craig Oliver (non executive Directors), John Carr-Gregg (Company Secretary), Peter Canterbury (Chief Financial Officer), Rob Longley (General Manager Geology), David Morgan (General Manager Mining) ou encore Jim Tyler (Manager, Environment and Community), sont tous très expérimentés dans leur domaine. Enfin, Roger Bogne est le seul Camerounais de l’équipe. Actionnaire de CamIron SA, il est responsable des opérations locales et gère aussi les relations avec les communautés de Mbalam. Qui dirige Sundance Resources Limited ? Une stratégie de captation financière Contrairement aux trois précédentes junior minières que nous avons analysées dans nos précédentes éditions, Sundance Resources Ltd est dirigée par une équipe de choc, bien identifiée et disposant d’une longue expérience dans le secteur minier. George F. Jones est non executive Chairman, 35 ans d’expérience dans la gestion des mines, la banque et l’industrie financière. Don Lewis, est le Managing Director et le CEO de la société. C’est un ingénieur civil qui a plus de 20 ans d’expérience dans le développement de pro- CamIron a été constituée en avril 2005, avec comme principale mission d’explorer et de développer l’exploitation de minerais de fer et d’hématite de Mbalam au Cameroun. Mais la culture de Sundance Resources Ltd, sa stratégie corporate et son management sont inspirés du modèle économique des penny stock trading, ce modèle de sociétés qui gagnent beaucoup en misant peu (voir notre encadré). Avant qu’un seul gramme de minerai de fer ne soit sorti du sous-sol de Mbalam, Sundance Resources Ltd distribuait déjà des dividendes et captait la plus-value financière que devrait générer ces gisements en faveur du Cameroun. Le Premier ministre du Cameroun, Ephraim Inoni, et le PDG de Sundance Resources Ltd, Don Lewis, avaient à peine signé l’accord-cadre pour une meilleure coopération dans l’exploitation des minerais de fer de Mbalam, le 18 décembre 2008, que trois mois après Sundance Resources Ltd, sans même avoir débuté ses activités minières à Mbalam, enregistrait d’importantes plus-values. Plus de 371 265 036 titres (actions) au prix de vente de 0,09 centime $ ont été cédés à une société australienne, Talbot Group. Du 11 février 2009 en Afrique du Sud au 29 avril en Chine, Sundance Resources Ltd a effectué une large tournée internationale pour vendre des actions aux investisseurs. Conclusion Le fonctionnement de Sundance Resources Ltd explique de manière probante comment les pays africains laissent échapper toute la plus-value financière que représentent leurs richesses minières. Ces pays confient des concessions gigantesques à des sociétés vides, sous dimensionnées ou sous-capitalisées, dont l’objectif, prioritaire dans le meilleur des cas ou unique dans le pire des cas, est de valoriser sur le marché financier international leur potentiel si facilement acquis. Mega Uranium Limited, des plus values avant même de commencer Mega Uranium Limited. Mega Uranium Limited est une société junior minière canadienne cotée au Toronto Stock Exchange. Sans avoir démarré la moindre activité minière, par la seule titrisation des gisements d’uranium acquis au Cameroun, elle déjà à émis, à ce jour, 214,1 millions de titres (actions), parmi lesquels plus de 187,8 millions sur les marchés boursiers canadiens. Elle est parvenue à se doter d’une capitalisation boursière estimée à plus de 187 millions de dollars canadiens, avec un cash flow estimé à environ 41 millions de dollars canadiens. Pour exploiter les gisements d’uranium au Cameroun, Mega Uranium Limited a crée deux sociétés. La première, Nu Energy Uranium Corporation a été incorporée le 13 août 2007 dans le paradis fiscal des British Virgin Islands, cotée à la bourse de Toronto, puis rachetée par Mega Uranium Limited après émission de 28 240 313 de titres (actions) ordinaires, de stock options et de bons de souscription. La seconde, Nu Energy Corporation Cameroun SA est une société de droit camerounais que Mega Uranium Limited contrôle à 92%. Cette société sert à Mega Uranium Limited comme cadre de discussion officiel avec les autorités camerounaise. Elle gère directement les titres des gisements de Mega Uranium Limited, mais elle n’a réalisé, à ce jour, aucun bénéfice au Cameroun, tandis que ses sœurs canadiennes, Nu Energy Corporation et Mega Uranium Limited, spéculent sur ses titres et réalisent des plus values consistantes. Comment Mega Uranium Limited protège ses intérêts contre les lions indomptables du Cameroun ? En anticipant sur la réaction des autorités camerounaises et des réserves que leur montage fiscal pourraient susciter au Cameroun, NU Energy Corporation a conclu un protocole d’entente avec la société Edlow Ressources Limited et la société Afrique nucléaire Carburant. Ces trois sociétés ont créé une joint venture, NEWCO, au sein duquel NU Energy Corporation détient 50% des actions, Edlow Resources Limited, 25%, et Afrique Nucléaire Carburant, 25%. Selon le Mémorandum of Understanding de NEWCO, sans avoir consulté les autorités ca- merounaises, ni intégré la société Nu Energy Corporation Cameroun SA dans le deal, Mega Uranium Limited à conféré à la joint venture récemment créée une activité d’approvisionnement, d’achat, de transport et de commercialisation des produits uranifères qui seront produits au Cameroun, en intégrant des garanties internationales, peut-être pour se protéger contre toute revendication de l’Etat camerounais. D’autant plus que Nu Energy Corporation Cameroun SA à engagé la société Scowcroft Group Inc, basée à Washington DC, pour la fourniture des services consultatifs liés à la proposition d’affaires de la joint venture NEWCO au Cameroun. La société Scowcroft Group Inc est gérée directement par Brent Scowcroft, un lobbyiste, ex-conseiller de la National Security Advisor des Etats-Unis sous l’administration Bush. Quels sont les actifs de Mega Uranium Limited ? Comment cette société et ses filiales créent-elles de la valeur actionnariale ? Comme la plupart des juniors minières, Mega Uranium Limited aurait de nombreux « projets d’exploration gisements » à travers le vaste monde. Dans ce cas précis, on parle d’exploration d’uranium en Australie, au Canada, en Mongolie et en Amérique du Sud. Mais c’est seulement au Cameroun que cette junior minière possède quelque chose de vraiment tangible, à savoir des concessions sur 4654 km2. Comment Mega Uranium Limited a pu se doter d’une capitalisation boursière de plus de 187 millions de dollars canadiens, sans activités minières effectives, ni au Cameroun, ni nulle part ailleurs ? Comme les quatre autres juniors minières que nous avons étudiées dans nos précédentes chroniques, Geovic Inc, African Aura Resources, Hydromine Inc et Sundance Resources Limited, la culture de Mega Uranium Limited repose sur le modèle économique des Penny Stock Trading. Qui dirige Mega Uranium Limited ? En 2005, Mega Uranium Limited a confié sa présidence à Stewart Taylor, diplômé en géologie de l’Université de Glasgow (Ecosse), doté de 35 ans d’expérience dans l’exploration des gisements miniers en Australie, en Asie, en Afrique, en Europe et en Amérique. Peter McNally à rejoint Mega Uranium Limited en novembre 2006 et il occupe le poste de viceprésident de cette société. Il a quinze ans d’expérience dans le développement opérationnel des mines d’uranium de l’Australie. C’est Marius Van Niekerk qui dirige la filiale de Mega Uranium Limited au Cameroun. Aucun Camerounais ne semble associé, de près ou de loin, à cette compagnie. Conclusion Les cinq juniors minières que nous avons présentées ne sont pas les seules à intervenir au Cameroun, mais elles représentent une très large part du secteur minier de ce pays. Comme nous l’avons vu, ces sociétés présentent quasiment toutes les mêmes caractéristiques. 1) Les concessions qui leur sont accordées constituent la quasi-totalité de leurs actifs. 2) Elles n’ont pratiquement pas de capacités d’investissement par elles-mêmes. 3) Avant même de donner leur premier coup de pioche, leur priorité principale, et quelque fois unique, est de titriser leurs concessions sur une bourse peu regardante, afin de réaliser une forte plus-value. 4) Cette plus value n’est jamais réalisée par leur entité camerounaise, mais par une société généralement immatriculée dans un paradis fiscal. Elle échappe donc totalement au contrôle et au fisc camerounais. Dans notre prochaine chronique, nous proposerons des solutions pour permettre à des pays comme le Cameroun de rééquilibrer en leur faveur ces rapports d’affaires inéquitables. 5 Banques et Assurances Les Afriques - N° 78 - 4 au 10 juin 2009 « Avec 12 % de cette richesse, l’Afrique pourrait financer des d’infrastructures du niveau de celles de l’Europe » Propos recueillis par Dominique Flaux, Genève. Les Afriques : Quelle principale leçon tirez-vous de vos investigations ? David Beylard : Selon moi, les sociétés juniors minières que nous avons présentées n’apportent pas au Cameroun ce qu’un Etat est en droit d’attendre de partenaires auxquels il confie de tels potentiels de richesses, si stratégiques pour son développement économique. LA : Vous qualifiez ces sociétés de penny stock trading. Comment peut-on les détecter ? DB : Le gendarme de la bourse américaine, la Securities And Exchange Commission, considère toute société qui émet des actions sur les marchés financiers dont le cours est inférieur « La valeur financière des gisements de matières premières du continent peut être estimée à 46 200 milliards $ ! Il suffirait de 12% de cette valeur totale pour doter tout le continent d’infrastructures du même niveau que celles des pays développés. » à 5 $ comme un penny stock trading. Pour les repérer, il faut obtenir la liste des actions des sociétés qui sont cotées à moins de 5 $ sur les marchés boursiers internationaux. LA : Pourquoi ces sociétés sont-elles généralement cotées au Canada et incorporées dans des paradis juridiques ? DB : Les bourses canadiennes n’obligent pas les sociétés minières à prouver leurs réserves. Sur une simple concession délivrée par un gouvernement, elles peuvent émettre des titres et réaliser des plus-values confortables avant même d’investir Pays Afrique du Sud Cameroun Congo RD Cote d’Ivoire Guinée Ghana Mali Lesotho Niger Nigeria Senegal Sierra-Léone Mali Niger Nigeria Juniors minières Canac Transrail Geovic African Aura Resources Hydromine Inc Sundance Resources Ltd Mega Uranium Limited Nu Energy Corporation Energy Capital Anvil Mining American Minerals Fields Banro Barrick Gold Emaxon First Quantum Minerals Melkior Heritage Oil Millenia Hope Diamond Works Rex Diamonds AmCam Hydro-Quebec International Repadre Akrokeri-Ashanti Golden Star Resources IamGold (SEMOS) Rand Gold Acres TG World Energy Pfizer Hydro-Québec International Dessau SNC Tecsult Sulzer Roche Canac (Transrail) Diamond Works Rex Diamonds AmCan IamGold (SEMOS) Diamond Works Rex Diamonds AmCan RandGold Millenia Hope TG World Energy Pfizer Nationalité Canada Canada Canada Canada Canada Canada Canada Canada Canada Canada Canada Canada Canada La mine de diamant de Kimberley Hole. un penny dans le pays qui leur a délivré ces concessions, et en échappant, de plus, à toute obligation fiscale, juridique, environnementale, sociale ou sanitaire. En dix ans, près de 60% des sociétés minières mondiales se sont inscrites au Toronto Stock Exchange. En 2007, ce marché boursier comptait 1300 sociétés minières. C’est cinq fois plus que les bourses de New York, de Londres, de Johannesburg ou de Tokyo. LA : Que proposez-vous aux gouvernements qui souhaitent mieux valoriser leur potentiel minier ? DB : Nous leur proposons tout d’abord d’effectuer un inventaire complet et une évaluation de la valeur financière de leurs ressources minières. Nous pouvons également leur assurer une veille d’intelligence économique pour les informer sur les sociétés minières avec lesquelles ils sont en affaire ou en négociation. Nous pouvons surveiller ces sociétés en temps réel, 24h/24, pour que l’Etat sache à tous moments qui fait quoi, où, quand, comment, avec qui et avec quels moyens ? L’intelligence économique est primordiale dans ce secteur. On ne peut plus, de nos jours, accorder, comme l’a fait le Cameroun, sans doute trop confiant envers l’ambassadeur américain qui les a conseillés (voir Les Afriques N° 70), un permis d’exploitation d’un des plus grands gisements d’uranium au monde à une société qui ne dispose même pas d’une adresse fixe, ni d’un personnel technique ou administratif ! LA : Et que peut faire le Cameroun dans la situation actuelle ? DB : Selon moi, le Cameroun a déjà amorcé la bonne stratégie en créant le Douala Stock Exchange. C’est un outil formidable qui peut lui permettre de se prémunir contre les sociétés écrans, les penny stock trading et autres évasions fiscales. Pour cela, je conseillerais aux autorités camerounaises d’édicter une loi qui définit son secteur des matières premières comme un domaine d’activités stratégiques qui touche à sa sécurité nationale. Il pourra, sur cette base, exiger de tous les investisseurs étrangers qui souhaitent explorer ou exploiter les gisements camerounais de s’inscrire à la Bourse de Douala et d’y fournir toutes les informations nécessaires à un contrôle strict de leurs activités. LA : Le cas du Cameroun, qui a confié l’essentiel de son secteur minier à des juniors minières, est-il plutôt une exception ou une règle générale ? DB : Nous avons mis en place un tracker, un système de veille informationnelle qui suit en temps quasi réel les activités de toutes les sociétés qui opèrent sur les marchés africains des matières premières. Au jour d’aujourd’hui, nous recensons une cinquantaine de sociétés juniors minières qui sont actives dans 40 des 53 pays d’Afrique. La plupart d’entre elles agissent selon le même modèle d’affaires que leurs consoeurs au Cameroun. LA : Le secteur minier africain est-il bradé ? DB : Trop souvent, oui. L’Union africaine s’est inquiétée de la mainmise étrangère sur les terres arables africaines en concluant à la nécessité pour les pays du continent de « ne plus brader leurs terres par pans entiers aux pays, notamment asiatiques, qui cherchent à s’assurer leur sécurité alimentaire ». De la même manière, j’implore les pays africains de ne plus brader leurs gisements de matières premières stratégiques. Ils doivent cesser de conclure avec des juniors minières des accords léonins. Nous sommes à leur disposition pour leur apporter toutes nos informations et tout notre savoir-faire, pour contribuer, à notre modeste mesure, à faire émerger du sous-sol africain tous les moyens nécessaires au développement du continent. LA : Selon vous, mieux valorisé, le sous-sol africain pourrait financer le développement de l’Afrique ? DB : Largement ! Lorsqu’on dit que l’Afrique est riche, ce n’est pas un vain mot. Selon nos calculs, la valeur financière des gisements de matières premières du continent peut être estimée à 46 200 milliards $ ! Il suffirait de 12% de cette valeur totale pour doter tout le continent d’infrastructures du même niveau que celles des pays développés. Avec une telle richesse sous nos pieds, allons-nous encore longtemps nous comporter comme un continent pauvre ? Les règles douteuses des Bourses Canadienne La Securities Exchange Commission des Etats-Unis, exige des sociétés minières qui y sont cotées qu’elles distinguent formellement dans leurs communications corporate, les « ressources » des « réserves » qu’elles déclarent posséder. La bourse de Toronto n’a pas cette loyauté à l’égard des investisseurs. La différence est pourtant essentielle. Les « ressources » relèvent d’une estimation approximative du minerai contenu dans le sous-sol que détient l’entreprise, alors que les « réserves » attestent du minerai réellement exploitable et susceptible de correspondre à un rendement établi. Qui plus est, les ressources en minerais sont évaluées à partir des estimations des géologues travaillant pour l’entreprise alors que les réserves sont prouvées. En confondant les conjectures et les attestations, la Bourse de Toronto permet aux juniors minières d’entretenir un flou juridique, financier et informationnel particulièrement propice aux actions spéculatives. En se cotant à la bourse de Toronto, ces juniors minières peuvent émettre des titres sur de simples concessions d’exploration, sans avoir à fournir de données exactes et vérifiées, et donc sans investir un seul penny dans les activités d’exploration et d’évaluation. « Il se lève un ignorant chaque matin » La bourse de Vancouver (VSE), et dans une moindre mesure celle de Calgary, a longtemps été le foyer de douteuses juniors minières. Un éminent psychiatre canadien Robert Hare, déclarait un jour que s’il ne lui était plus donné de suivre des psychopathes en prison, il irait les retrouver à la Bourse de Vancouver. Entre 1907 et 2001, la bourse de Vancouver était considérée comme un « financial freak show of sorts » qui ne représentait que des cas de la fraude à l’état institutionnel. Cette bourse cotait n’importe quoi, comme par exemple un aéroport en pleine forêt nordique. Des milliers des sociétés de ce type se sont cotées à la bourse de Vancouver et certaines arnaques resteront gravées dans les annales de l’histoire comme les affres du canadien Irving Kott qui s’achetait à luimême, via ses sociétés enregistrées dans les paradis fiscaux, des titres bidons sur une obscure méthode détectant les restes d’or dans la boue déjà traitée, pour majorer leur prix et créer un intérêt factice. Vancouver est connu comme un registre du penny stocks des actions à un cent. Un des directeurs d’un holding très actif sur ce marché, Altaf Nazerali déclarait un jour : « Il se lève un ignorant chaque matin, à nous de le trouver pour en faire notre client ».