Voir l`étude complète - Yalla pour l`éducation des enfants

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Voir l`étude complète - Yalla pour l`éducation des enfants
L’éducation des enfants,
une priorité dans la lutte contre la pauvreté
Aidons les enfants à devenir des
hommes libres
Sœur Emmanuelle
Dossier réalisé par Asmae - Association Sœur Emmanuelle
Octobre 2014
1
Remerciements
Nous tenons à remercier les experts ayant témoigné pour ce dossier :
Valérie Becquet, sociologue, maître de conférences HDR, université de CergyPontoise,
Nolwen Henaff, économiste, chargée de recherche à l'IRD (Institut de recherche
pour le développement), UMR Ceped (IRD-Paris Descartes-INED),
Bruno Suchaut, professeur en sciences de l’éducation à l’université de Lausanne,
Chantal Zaouche Gaudron, professeure de psychologie de l'enfant, directrice de
l'Ecole Doctorale CLESCO, université Toulouse Jean Jaurès.
2
Sommaire
Favoriser le développement des enfants pour lutter contre la pauvreté : les points clés…….4
L’enfant, un acteur à protéger et à associer…………………………………………………...5
1. Accompagner la famille, au bénéfice du développement du jeune enfant…………………..6
2. Accéder à un enseignement primaire de qualité pour sortir de la pauvreté…………….....8
3. Favoriser l’autonomie et l’acquisition de compétences adaptées à la vie active et sociale en
accompagnant les adolescents……………………………………………………………….10
Conclusion…………………………………………………………………………………….12
Bibliographie…………………………………………………………………………………..13
3
Favoriser le développement des enfants pour lutter contre la pauvreté : les
points clés
Des acquisitions fondamentales se jouent à chaque âge de l’enfance. Elles déterminent la
capacité de l’enfant à éviter ou à sortir de la pauvreté.
Des inégalités marquées au Nord comme au Sud
 58 millions d’enfants en âge d’être scolarisés ne vont pas à l’école aujourd’hui dans le
monde26.
 En Afrique Subsaharienne près de 38 millions d’enfants renoncent chaque année aux
études24.
 Dans les pays en développement, les enfants des ménages les plus pauvres ont 3 fois
moins de chances de fréquenter l’école primaire que ceux des ménages les plus
riches30.
 En France, la probabilité de quitter l’école sans diplôme est 4 fois plus importante
pour les enfants de familles pauvres que pour les autres4.
14
 En France, 2,7 millions d’enfants vivent en dessous du seuil de pauvreté et 30 000
32
enfants sont sans domicile .
Ces situations constituent un facteur d’appauvrissement supplémentaire pour ces millions
d’enfants et leurs familles.
Impact de l’Education comme un levier pour sortir de la Pauvreté
 L’augmentation d’un an du niveau moyen d’éducation d’une population contribue à
l’augmentation du revenu par habitant d’environ 12%5. Participer au maintien dans le
système scolaire permettra le développement économique des ménages.
 Chaque dollar dépensé dans l'éducation d'un individu génère durant sa vie active 10 à
15 dollars de croissance économique24.
 En Afrique subsaharienne, on estime à 1,8 million le nombre d'enfants dont les vies
auraient pu être sauvées en 2008 si leurs mères avaient suivi au moins des études
secondaires24.
Le développement des enfants a des bénéfices économiques individuels et collectifs
Impact de l’Education sur l’enfant et sur son « pouvoir d’agir » dans la société
 Poursuivre ses études permet d'augmenter les chances que les individus s'investissent
pour leur pays (investissement politique, bénévolat) : dans les pays de l’OCDE, le
niveau d’instruction individuel explique 14% des écarts observés en matière de
bénévolat, 21% des écarts relatifs au degré d’intérêt pour la politique16.
 Augmenter le niveau d’étude de l’enfant, c’est accroître son développement, ses
compétences intellectuelles et son estime de soi2.
3
 Les parents accroissent le capital humain de l’enfant et donc sa capacité à devenir un
acteur positif dans la société.
2, 12
 La qualité de l’éducation réduit le décrochage scolaire
et donc la capacité à
accéder à un niveau de qualification qui favorise l’insertion professionnelle.
L’Education globale dépasse la scolarité et favorise la capacité à devenir un acteur de lutte
contre la pauvreté.
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L’enfant, un acteur à protéger et à associer
L’enfance est le moment de tous les possibles, une période de construction du
soi que l’on sera à l’âge adulte. Selon leur origine, leur environnement de vie et leurs
ressources, tant matérielles que culturelles, selon qu’ils sont fille ou garçon… Parce que
vivant dans une grande précarité, vivant dans la rue, maltraités… Les injustices dont certains
enfants sont victimes ont des conséquences graves sur leur avenir.
Dans les pays en développement comme dans les pays développés, les enfants dont le
foyer vit en dessous du seuil de pauvreté sont plus vulnérables au niveau de leur
développement (physique, cognitif, affectif et social) que les enfants issus de milieux plus
favorisés33. Les enfants des ménages les plus pauvres ont 3 fois moins de chances de
fréquenter l’école primaire que ceux des ménages les plus riches30.
L’éducation de l’enfant, au sens large, joue un rôle déterminant dans le
développement de l’enfant et apparaît comme un moyen essentiel de lutter
contre la pauvreté.
Mais qu’est-ce que se développer ?
Le développement de l’enfant implique le passage d’un comportement
immature à un comportement mature. L’enfant apprend à gérer des situations de plus
en plus complexes dans les domaines moteur, intellectuel et affectif ainsi que dans son
interaction avec les autres et avec les objets de son environnement. L’enfant dépendant
devient ainsi un adulte autonome.
Au niveau du développement des Etats, l’aspect économique (subvenir à ses
besoins matériels) est important mais n’est pas le seul critère à considérer.
L’indice de développement humain prend en compte non seulement les richesses par
habitant, mais aussi l’espérance de vie à la naissance, le taux d’alphabétisation et le taux de
scolarisation1.
Par ailleurs, l’éducation de l’enfant ne se résume pas à sa scolarité. Elle a lieu tout
d’abord dans son foyer, lorsque les parents et la famille mènent des activités d’instruction
non structurées. L’éducation se poursuit lorsque l’enfant est accueilli dans une structure
collective et lors de l’éducation formelle, à l’école. L’environnement de vie (la famille, le
quartier, les amis) continue en parallèle de contribuer à l’éducation de l’enfant.
Les familles et les acteurs locaux sont porteurs de changements bénéfiques pour l’avenir des
enfants et nous travaillons main dans la main avec eux. Ensemble, nous devons donner un
maximum d'ampleur et d'efficacité aux actions locales, au bénéfice des enfants, dès la
naissance, au bénéfice de leur famille et de leur communauté. Nous devons contribuer à
garantir un avenir pour l’enfant et des progrès pour l’avenir de son pays, c’est
une question de justice.
« L’enfant porte en lui toutes ses potentialités; il est doté de droits, de devoirs,
de responsabilités mais aussi de besoins spécifiques. Il mérite toutes les
attentions de son environnement : famille, communauté, pouvoirs publics. C’est
un acteur à protéger et à associer. »
Asmae – association Sœur Emmanuelle
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1. Accompagner la famille, au bénéfice du développement du jeune
enfant
Les jeunes enfants possèdent une capacité d’apprentissage beaucoup plus développée que
celle des adultes. A leur naissance, le cerveau n’est pas structuré de façon définitive. Les
connexions vont se multiplier, responsables du développement des voies sensorielles, des
habiletés langagières et plus tard, des fonctions cognitives supérieures15. L’environnement
de vie, les stimulations et les soins prodigués pendant cette période ont une
influence sur la santé, le comportement et les apprentissages ultérieurs de
l’enfant11.
Le point de vue de Chantal Zaouche Gaudron, professeure de psychologie de
l’enfant, sur le développement de l’enfant dans un milieu de vie défavorisé
Bien que presque un enfant sur 5 vive en dessous du seuil de pauvreté, il y a peu de
recherche en France sur la situation des enfants de 0-6 ans. Les recherches menées au
Royaume-Uni et au Canada montrent que ces enfants peuvent se trouver dans des situations
d’insécurité, sont plus désorganisés, plus désorientés, ont des difficultés d’adaptation sociale,
ont davantage de comportements extériorisés comme l’agressivité et de comportements
intériorisés, comme le repli sur soi. On trouve qu’ils ont plus de difficultés que les autres
enfants sur les aptitudes verbales et de calcul. Or, le développement du jeune enfant est un
enjeu important pour la suite, pour sa scolarisation.
L’environnement de vie joue un grand rôle dans le développement de l’enfant. Les enfants ont
besoin d’un espace à eux dans le logement pour rêver, penser. Ils ont aussi besoin de parents
disponibles et à l’écoute. Comment faire lorsque la famille habite dans une seule pièce, dans
des conditions insalubres, où le risque de tomber malade est plus important ? Lorsque les
parents n’arrivent pas à s’en sortir au niveau de leur travail et de leur couple ?
Heureusement que des associations font un travail remarquable sur les soins, le soutien
scolaire, en allant à la rencontre des familles.
Ouvrage en lien : Zaouche-Gaudron C. (2005). Les conditions de vie défavorisées influent-elles sur le
développement du jeune enfant ? Ramonville Saint-Agne : Erès.
Entre 0 et 6 ans, l’enfant, développant ses capacités motrices, intellectuelles,
affectives et sociales, devient un individu « prêt à apprendre »8, 26. Si, pendant cette période,
le jeune enfant vit des expériences négatives (rejet de la mère, alcoolisme des parents…),
cela a des conséquences graves sur son développement et sur sa santé, à court et à long
terme19. Pour parvenir à bien se développer, le jeune enfant doit pouvoir bénéficier d’un
cadre structurant, avoir des référents qui se positionnent comme des adultes responsables
et bienveillants17.
Dans un environnement où il se sent en confiance, l’enfant va pouvoir jouer et
développer son imaginaire. On sait aujourd’hui que ces activités sont une aide au
développement cognitif et affectif9.
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La pauvreté a des conséquences directes sur ce parcours. En France, 2,7 millions
d’enfants vivent en dessous du seuil de pauvreté14 et 30 000 enfants sont sans domicile32. La
probabilité de quitter l’école sans diplôme est 4 fois plus importante pour les enfants de
familles pauvres que pour les autres.
L’écart entre enfants issus de familles en situation de précarité et les autres se
constitue dès l’école maternelle ou plus tôt encore: bien choisie, la structure
d’accueil collective peut compenser certaines carences du milieu familial11 et les enfants ayant
accès à des classes préscolaires poursuivent leur scolarité pendant plus longtemps que les
enfants n’y ayant pas accès3, 18.
Il est primordial d’accompagner les parents en situation de précarité dans
l’éducation de leur enfant, pour qu’ils puissent définir et poser un cadre sécurisant, favorable
à son développement. En parallèle, il est nécessaire pour les parents de retrouver un mode
de vie stable et ceci passe notamment par le travail. Trouver un emploi décent, non
dangereux et conciliable avec le travail domestique est un puissant moyen pour les familles
en bas de l’échelle de revenus de lutter contre la pauvreté infantile12. Les parents accroissent
le capital humain de l’enfant3 et donc sa capacité à devenir un acteur positif dans la société.
Les soins prodigués pendant les premières années de la vie
de l’enfant ont une influence sur sa santé, son
comportement et ses apprentissages ultérieurs10
Ce qu’en dit Asmae
Les programmes d’Education et de Protection de la petite enfance favorisent la survie, la
croissance, le développement et l’apprentissage des enfants de la naissance à l’école primaire.
Bien que la petite enfance soit une période offrant un grand potentiel, c’est aussi une période
où les enfants sont particulièrement fragiles et vulnérables.
Les premières expériences de l’enfant constituent la base de tous les apprentissages
ultérieurs.
Pour Asmae, accompagner les familles dans la résolution de leurs problématiques éducatives,
économiques et de santé est envisagé comme un levier complémentaire indispensable pour
favoriser l’accès et le maintien à l’école des enfants.
7
Zoom sur l’action d’Asmae en France, auprès de jeunes mères isolées et de
leur(s) enfant(s).
En France, 8 millions de personnes, dont 1 million d'enfants vivent en dessous du seuil de
pauvreté. Conscient de ce problème, Asmae s'implique en favorisant l'autonomie des
jeunes mères en détresse. Ainsi, le centre maternel la Chrysalide accueille les mères
seules fragilisées avec leurs enfants en bas âge, pour une durée moyenne de 2 ans.
Durant ce séjour l'association leur réapprend à devenir parents et à reprendre confiance en
elles. Puis à reconstruire un projet de vie. Elles participent à des ateliers collectifs, à des
ateliers émotions, mais aussi à des moments pour réapprendre des taches de la vie de tous
les jours comme des cours de cuisine ou l’apprentissage de la gestion de son budget.
Pour permettre aux mères d’avoir du temps pour elles, La Chrysalide est pourvue d'une
crèche, "L'ile aux Enfants". Dans cette crèche familiale, les assistantes maternelles veillent sur
le développement physique et affectif des enfants. La crèche permet aux parents de concilier
vie familiale et professionnelle et lors de périodes difficiles, elle propose un accueil de nuit.
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2. Accéder à un enseignement primaire de qualité pour sortir de la
pauvreté
Entre 6 et 12 ans, l’enfant développe entre autres ses capacités d’analyse du monde, passant
de l’analyse intuitive à un raisonnement objectif, basé sur ses expériences passées. Il trouve
un équilibre entre ses besoins internes et les exigences de son environnement. Il se tourne
vers l’extérieur et apprend le respect, la collaboration.
Le début de l’éducation formelle, avec l’entrée à l’école, est l’occasion pour
l’enfant de confronter ses expériences avec celles de ses pairs et de se
socialiser31.
Actuellement, l’éducation n’est pas accessible à tous. Près de 58 millions d’enfants dans
le monde ne sont pas scolarisés et, bien que ce chiffre réduise année après année, plus
de 4 enfants non scolarisés sur 10 n’iront jamais à l’école26.
Les raisons de cet échec sont nombreuses. Des causes inhérentes au contexte du pays dans
lequel l’enfant vit freinent son accès à l’école, notamment lorsque les institutions publiques
n’investissent pas suffisamment dans l’éducation, dans les pays en guerre, ou encore lorsque
les conditions de santé sont difficiles. Les conditions de vie de la famille jouent également un
rôle : vivre en dessous du seuil de pauvreté, risquer de souffrir de malnutrition, travailler dès
l’enfance pour subvenir aux besoins de la familles, mendier...
Le point de vue de Bruno Suchaut, professeur en sciences de l’éducation, sur les
problèmes rencontrés et les bénéfices de la scolarité de l’enfant en Afrique
Subsaharienne
La définition d’Objectifs du Millénaire pour le Développement lors du forum de Dakar, en
2000, a permis d’engager les pays sur certaines priorités du développement. Si des progrès
ont été réalisés depuis, notamment en Afrique, sur l’accès à l’éducation, l’égalité des sexes
dans cet accès et sur la baisse du décrochage scolaire, le problème n’est pas résolu. Les filles
restent moins scolarisées que les garçons et les classes sont souvent surchargées. Le
gouvernements ne recrutant pas de nouveaux enseignants, ces postes sont laissés à des
personnes sous contrat parfois non qualifiées et cumulant deux emplois. En ajoutant le
manque de matériel et de manuels scolaires, on comprend pourquoi la qualité de l’éducation
baisse dans cette région. Les 4000 heures nécessaires à l’apprentissage de la lecture, de
l’écriture et du calcul ne sont pas toujours atteintes du fait des absences répétées des élèves
et des enseignants.
Pourtant, les analyses internationales des connaissances scolaires montrent qu’une éducation
de qualité permet de meilleurs niveaux d’acquisition. Une éducation de qualité diminue les
chances que les élèves quittent l’école, car alors parents et enfants y trouvent un intérêt
supérieur au fait de rester à la maison pour s’occuper des frères et sœurs ou d’aller travailler.
D’autre part, on sait que des enfants en meilleure santé iront plus à l’école que des enfants en
mauvaise santé, c’est pourquoi un autre pan du travail à accomplir porte sur l’amélioration de
la santé des familles.
Ouvrage en lien : Mingat A. Suchaut B. (2000). Les systèmes éducatifs africains, une analyse économique
comparative. Editions de Boeck.
9
De plus, comme le souligne l’économiste Nolwen Henaff, avoir accès à l’école nécessite non
seulement que l'offre existe, mais aussi que les parents en soient informés. Or le fait pour les
parents d’avoir été eux-mêmes scolarisés ou d’être familiarisés avec le milieu de
l’enseignement augmente leurs chances d'accéder à cette information, indépendamment de
leur niveau de revenu. La non-scolarisation des enfants et l’échec scolaire sont l’une
des dimensions de l’état de pauvreté, car les enfants les plus pauvres sont également les
moins susceptibles de bénéficier des acquisitions scolaires13.
Par ailleurs, la qualité de l’éducation, devant permettre aux élèves d’être motivés,
d’apprendre grâce à des enseignants compétents, utilisant des pédagogies actives, suivant des
programmes scolaires adaptés, n’est pas toujours au rendez-vous22. Une éducation de
mauvaise qualité freine l’apprentissage des élèves et les conduit à quitter l’école
trop tôt25. Les pays en développement sont confrontés à des manques d’investissement
politique, à des manques de moyens matériels et humains, au niveau des infrastructures, du
personnel et des manuels scolaires. Les classes se trouvent souvent surchargées27.
Les recherches psycho-sociales suggèrent qu’à une augmentation du niveau d’études
est associée un effet libérateur bénéfique pour l’enfant, c’est-à-dire un
accroissement des compétences et de l’estime de soi2. Apprendre à lire et à écrire
ouvre la possibilité de jouir de libertés nouvelles comme l’accès à l’information et l’utilisation
de services auxquels on a droit29. La scolarité impacte également sur l’économie individuelle
et collective : l’augmentation d’un an du niveau moyen d’éducation d’une population
contribue à l’augmentation du revenu par habitant d’environ 12%6 et chaque dollar dépensé
dans l'éducation d'un individu génère durant sa vie active 10 à 15 dollars de croissance
économique2.
Enfin, l’accès à l’école et la poursuite de la scolarité permettent une moindre vulnérabilité
face aux maladies ou au changement écologique28. Par exemple, en Ouganda, 12% des jeunes
adultes habitant dans une zone rurale et n’ayant pas été scolarisés sont atteints du VIH,
contre 6% des jeunes adultes scolarisés en primaire et 2% de ceux ayant étudié au
secondaire24. En Afrique subsaharienne, on estime à 1,8 million le nombre d'enfants dont les
vies auraient pu être sauvées en 2008 si leurs mères avaient suivi au moins des études
secondaires24.
Des mesures ont déjà porté leurs fruits dans certains pays du monde. Au Burundi,
un an après la suppression des droits de scolarité, le taux de scolarisation, qui était de 54 %
en 2004, est passé à 74 %. En 2010, il atteignait 94 %24. Au Vietnam, le programme scolaire a
accordé une attention particulière aux apprenants désavantagés, adaptant son programme et
faisant passer le pourcentage d’enfants qui n’étaient jamais allés à l’école de 3,8 % en 2000 à
1,7 % en 201024.
Dans les pays en développement, les enfants des ménages les plus pauvres
ont 3 fois moins de chances de fréquenter l’école primaire que ceux des
ménages les plus riches30.
10
Ce qu’ en dit Asmae
Les familles que l’on accompagne à travers les projets des partenaires vivent pour beaucoup
dans une précarité extrême. Leur préoccupation première est souvent de trouver la
nourriture du jour. L’éducation des enfants est loin de pouvoir être une priorité pour tous.
Pourtant, pour grandir et devenir un adulte, un enfant a besoin de développer l’ensemble de
ses capacités afin de pouvoir développer son intelligence, faire le lien entre les différents
éléments qui l’entourent et acquérir une meilleure compréhension du monde.
Or, l’école est un espace où les enfants acquièrent les apprentissages de base devant leur
permettre de poursuivre leurs études, de maîtriser les outils tant pratiques que conceptuels
qui les conduiront à apprendre un métier.
Zoom sur l’action d’Asmae au Mali, avec l’IRED, en appui au projet d’accès à une
éducation de qualité en milieu rural enclavé à travers la santé, l’hygiène et
l’assainissement dans deux communes.
En Afrique Subsaharienne, près de 38 millions d’enfants renoncent chaque année aux
études24. Plus de la moitié des enfants non scolarisés vivent dans cette région du monde 29. Le
Mali est l’un des pays les plus pauvres au monde et la guerre sévit depuis 2012. Si 8 enfants
sur 10 suivent le premier cycle de l’école, seuls 3 enfants sur 10 poursuivent leur scolarité
au-delà29. Il y est très difficile de proposer un enseignement de qualité, participatif et un bon
suivi des élèves. Asmae accompagne l’association IRED pour la mise en place de son projet
dans les communes de Pimperna et Gongasso. Ce projet vise à responsabiliser toute la
communauté - et en premier lieu les enfants - sur la santé, grâce notamment à la formation
pédagogique des enseignants, à la création de clubs d’enfants et à un meilleur suivi des soins
de santé. En partenariat avec des associations locales, Asmae donne les moyens, facilite les
mises en réseaux, les échanges d’expériences et appuie les initiatives pour mettre en œuvre
des projets collectifs et faire face aux problèmes des habitants.
11
3. Favoriser l’autonomie et l’acquisition de compétences adaptées à
la vie active et sociale en accompagnant les adolescents
L’adolescence est une période de « mue », une transition entre l’état d’enfant et celui
d’adulte7. L’adolescent doit acquérir son autonomie par rapport à ses parents. C’est une
période d’affirmation de son identité et de recherche de sens, de part l’expérience concrète
du monde. Enfin, l’adolescence est une période d’intégration sociale et culturelle
et l’un de ses aboutissements est de faire pleinement partie de la société10.
Mais comment s’intégrer lorsque l’on ne dispose pas des clés nécessaires ? Comment
préparer son avenir lorsque les parents ne peuvent pas être présents ? En Asie du Sud par
exemple, un élève sur 3 inscrits en première année quittera l’école avant d’avoir atteint la
dernière année21. Or, poursuivre ses études permet d'augmenter les chances que les
individus s'investissent pour leur pays (investissement politique, bénévolat) : dans les pays de
l’OCDE, le niveau d’instruction individuel explique 14% des écarts observés en matière de
bénévolat, 21% des écarts relatifs au degré d’intérêt pour la politique16. L’UNESCO (2012)
recommande de « reconnaître le potentiel des adolescents en tant qu’acteurs du
changement. Les programmes et politiques doivent reconnaître cette capacité à apporter
une réelle contribution à leur communauté. »
Il est important que des personnes référentes, des modèles, soient présentes
pour accompagner les adolescents, leurs donnant les moyens d’atteindre leurs
objectifs.
Par ailleurs, dans certains pays en développement, les gouvernements ont pris conscience de
l’intérêt des structures d’éducation au-delà du secondaire, pour augmenter les
capacités comportementales, cognitives et techniques des adolescents. Des
individus mieux éduqués, mieux formés, sont plus à même d’absorber les technologies
modernes et d’innover13.
Il faut acquérir des compétences de base, mais aussi transformer les savoirs acquis à l’école
en savoirs utiles dans la vie de tous les jours et en compétences professionnelles23. Certains
systèmes d’éducation ont complété l’apprentissage des connaissances dans les
matières habituelles avec des apprentissages à « la vie réelle » (« real life
literacy »). Cela peut consister en l’écriture d’un journal sur ses propres activités, en la
planification temporelle et budgétaire d’une sortie de classe...
Les associations partenaires d’Asmae prennent en charge la scolarité d’enfants défavorisés et
tentent également d’accompagner ces enfants dans leur éducation. Les adolescents sont
heureux de trouver un soutien et des activités qui leur correspondent. Ces associations
jouent un grand rôle dans l’éducation de la communauté/du quartier, dans la transmission
des valeurs et également dans l’accompagnement des familles pour l’éducation de leurs
enfants.
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Le point de vue de Valérie Becquet, sociologue, sur l’engagement des jeunes
L’engagement des jeunes est pluriel. Il se déploie au sein de différents espaces sociaux : les
mouvements sociaux, les dispositifs publics (conseil de jeunes, service civique, etc.) et les
collectifs d’engagement (associations, partis politiques, syndicats). Les motifs d’engagement
varient en fonction des modalités et des lieux privilégiés et changent avec l’âge et les
conditions de vie : l’envie de rencontrer et de partager des activités s’articule avec celle d’être
utile aux autres ou de se former. Il existe de réelles disparités entre les jeunes : par exemple,
plus les jeunes sont issus de milieux favorisés ou sont diplômés plus leur engagement apparaît
élevé. A l’inverse, ceux issus de milieux défavorisés ou sans diplômes ou connaissant des
situations de précarité apparaissent moins investis. Ils peuvent ne pas se sentir à la hauteur
d’une pratique qu’ils perçoivent comme exigeante et pratiquent une certaine forme
d’autocensure. Leur inégale présence invite à s’interroger sur les conditions de l’engagement
et sur le rôle des associations : sont-elles si ouvertes aux jeunes en général et à ceux en
difficulté en particulier ? Certaines proposent des activités spécifiques et développent des
pratiques d’accompagnement adaptées, évitant ainsi de renvoyer ces jeunes à leurs
incertitudes et à leurs difficultés et permettant de légitimer leurs capacités d’action. La
démocratisation de l’engagement est d’autant plus importante que ces pratiques sont sources
de nombreux apprentissages techniques et sociaux qui complètent les apprentissages scolaires
et apparaissent utiles à l’intégration socio-économique.
Dernier ouvrage : Valérie Becquet (dir.) (2014). Jeunesses engagées, Editions Syllepse.
Poursuivre ses études permet d'augmenter les chances que les individus s'investissent
pour leur pays (investissement politique, bénévolat) : dans les pays de l’OCDE, le
niveau d’instruction individuel explique 14% des écarts observés en matière de
bénévolat, 21% des écarts relatifs au degré d’intérêt pour la politique54.
Ce qu’ en dit Asmae
La participation de l’Enfant s’appuie sur une vision dynamique de l’enfant, en le plaçant au
cœur de son développement personnel et de celui de son environnement : l’enfant comme
acteur social, être actif, compétent et personne à part entière.
La participation a un impact à la fois sur le développement personnel des enfants, mais
également sur le développement sociétal, communautaire et sur les programmes de
développement.
Avec deux postulats essentiels :
Les enfants ont une meilleure perception que les adultes des questions qui les touchent
et sont capables d’y apporter des solutions souvent plus adéquates.
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Les enfants sont des vecteurs de changement et de communication efficaces sur ces
questions; ils ont donc un impact direct sur les autres enfants et le reste de leur
environnement. Ils sont des éléments moteurs de changement (motivation, constance,
auto éducation, transmission de messages..).
Lorsque les adolescents sont soutenus et encouragés par des adultes, ils s’épanouissent et
assument pleinement leur rôle au sein de leur communauté ; ils sont alors en capacité de
jouer un rôle positif dans la résolution des conflits et des problèmes sociaux.
Zoom sur l’action d’Asmae aux Philippines, auprès d’adolescents vivant dans la
rue.
Aux Philippines, moins d’un adolescent sur 2 termine le collège20 et il y a au niveau du pays
un déficit de qualifications techniques6. Le système éducatif est gratuit mais les familles les
plus pauvres ne peuvent subvenir aux frais inhérents à la scolarité de leurs enfants. Le fort
taux de chômage et la faible qualité de l'enseignement sont également les causes de ce
décrochage.
Asmae, conscient de ces difficultés, œuvre en partenariat avec l’association Kanlungan pour
aider les enfants vulnérables de Manille. Grâce aux foyers pour enfants et parents, aux
centres d'accueil de jour, à l’apprentissage, au parrainage et aux interventions psychosociales pour les enfants des rues, tout est mis en œuvre pour promouvoir le
développement des enfants et pour leur permettre de devenir des membres actifs de leur
communauté.
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Conclusion
L’enfant, à travers son environnement de vie (dont la famille proche et élargie, le quartier
d’habitation, les pairs), à travers la situation de précarité dans laquelle certaines familles se
trouvent (faible niveau d’éducation, chômage, faible niveau de vie) et le contexte politique et
social du pays dans lequel il vit (investissement du gouvernement dans l’éducation, guerre,
conditions d’hygiène), peut être freiné dans son développement. Il peut développer de
moindres compétences motrices, intellectuelles, affectives et sociales.
Ceci a des conséquences graves sur le bien-être, la santé, les revenus et
l’investissement dans la vie politique et sociale de l’individu une fois devenu
adulte.
L’éducation formelle ne permet pas forcément de réduire ces inégalités de développement,
les enfants de familles défavorisées ayant plus de risques de recevoir un
enseignement de moindre qualité et d’abandonner l’école sans avoir obtenu un
diplôme.
Pourtant, à l’augmentation du niveau d’étude des enfants sont liés de multiples effets
bénéfiques sur le développement. L’augmentation du niveau d’étude permet d’accroître
non seulement les compétences mais également l’estime de soi. Elle permet
aussi d’être en meilleure santé. Poursuivre ses études augmente les chances que les
individus s'investissent pour leur pays, agissant pour le bien de la société en
s’engageant en politique ou dans le bénévolat. La qualité et la durée de la scolarité ont
également un effet positif sur les revenus individuels et sur la croissance économique
des Etats, engendrant innovation, entreprenariat et productivité.
Pour accompagner les familles et les enfants, de la naissance à l’adolescence, pour tenter de
fournir une éducation de qualité pour tous, l’engagement des gouvernements est nécessaire
mais reste trop souvent insuffisant. Il faut agir en complément, en s’appuyant sur des
réseaux maîtrisant les tenants et les aboutissants de l’éducation dans les
quartiers et communautés défavorisés et connaissant les familles.
Asmae agit dans huit pays dans le monde, dont la France, le Mali et les
Philippines. Le travail réalisé auprès des enfants, avec les enfants, part toujours d’un
partenariat avec des associations locales, ces associations étant expertes des problématiques
et des solutions à apporter à l’enfant et à son environnement de vie.
Les actions d’Asmae visent à soutenir les enfants les plus démunis dès le plus
jeune âge et jusqu’à l’âge adulte par des programmes de Protection et
d’Education. Leur autonomisation est favorisée par l’accès à une éducation de qualité, par
la sensibilisation des parents à la cause de l’éducation, par la prévention, par les soins de
santé et par un accompagnement psychosocial.
Asmae permet à ces enfants défavorisés de vivre et de grandir dignement avec
leur famille et leur environnement, pour devenir des femmes et des hommes
libres, acteurs de la société.
15
Bibliographie
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Baudelot C. Leclerq F. Chatard A. Gobille B. Satchkova E. (2004). Les effets de l’éducation. Rapport à l’intention
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Bruniaux C. Galtier B. (2005). Quel avenir pour les enfants de familles défavorisées ? L’apport des travaux
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Sandrine de Carlo - email : [email protected]
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Immeuble le Méliès - 259-261 rue de Paris - 93100 Montreuil
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