Sénégal-Les instruments stratégiques de politique agricole

Transcription

Sénégal-Les instruments stratégiques de politique agricole
Juillet 1999
Projet TCP/6713/SEN
FONGS/FAO Renforcement des capacités techniques et
d’analyse des Organisations paysannes
Formation en matières de politiques agricoles
Manuel 2 : Politiques agricoles
Les instruments stratégiques de politique agricole
Fédération des Organisations
Non-ouvernementales du Sénégal
(FONGS)
Thiès, Sénégal
Service du soutien aux politiques agricoles,
Organisation des Nations Unies pour
l’Alimentation et l’Agriculture (FAO)
Rome, Italie
Téléphone: 221 951 12 37
Fax: 221 951 20 59
Téléphone: 39 06 5705 4838
Fax: 39 06 5705 5107
e-mail: [email protected]
e-mail: [email protected]
Manuel 2 :
Les instruments stratégiques de politique agricole
Préface
Ce manuel de formation a été conçu dans le cadre du projet TCP/6713/SEN financé par le
programme de Coopération Technique (PCT) de l’Organisation des Nations Unies pour
l’Alimentation et l’Agriculture (FAO).
Ce projet qui a débuté en septembre 1997 à la demande du gouvernement sénégalais, consiste
en un appui technique de la FAO au Conseil de Coordination et de Coopération des Ruraux (CNCR)
et à la Fédération des Organisations Non Gouvernementales du Sénégal (FONGS) et vise le
renforcement des capacités techniques et d’analyse de ces organisations paysannes.
Ce renforcement des capacités techniques des organisations paysannes prend tout son sens
dans le contexte du désengagement de l’état, du processus de décentralisation et de restructuration
des services agricoles où les producteurs sont de plus en plus impliqués dans les processus de
décisions qui les conduisent à formuler et mettre en œuvre les politiques agricoles en collaboration
avec leur gouvernement.
Ce deuxième ouvrage sur les instruments stratégiques des politiques agricoles, est issu d’une
série d’activités menées en collaboration entre plusieurs divisions techniques de la FAO, l’Unité de
Politique Agricole (UPA) du Ministère de l’Agriculture sénégalais, le CNCR et la FONGS pendant 2
ans.
Ce manuel a été élaboré pour permettre à l’équipe de formateurs de la FONGS de créer et
d’adapter des matériaux pédagogiques en langue locale pour l’organisation de formation avec les
agriculteurs. Il est donc destiné à un public non spécialisé ayant cependant quelques connaissances
sur l’agriculture et les politiques agricoles. Il pourra aussi être utilisé avec profit par des
fonctionnaires ou des représentants de la société civile qui ne souhaitent pas rentrer dans des détails
trop techniques mais souhaitent avoir une compréhension globale des enjeux et des questions liées
aux politiques agricoles et économiques et à leur formulation. De même, des enseignants du
secondaire ou du premier cycle universitaire pourraient utiliser cet ouvrage pour des présentations à
caractère général.
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PROJET FAO/FONGS (TCP/SEN/6713)
Manuel 2 :
Les instruments stratégiques de politique agricole
L’objectif de ce manuel est de présenter les instruments de politiques agricoles. Le premier
chapitre est tout naturellement consacré aux instruments de politiques qui interviennent sur les prix
des marchés agricoles. Le
second chapitre est consacré aux instruments de politiques
d’accompagnement qui permettent de renforcer le développement de l’agriculture et qui peuvent
accompagnés les mesures de politiques présentées au chapitre 1. Le troisième chapitre est consacré
aux politiques de crédit et leur lien avec le développement de l’agriculture. Enfin, le dernier chapitre
présente les filières agricoles et agro-alimentaire comme moyen de coordination et de création de
valeur ajoutée.
Ce manuel de formation traduit la volonté de la FAO de s’impliquer de manière croissante
dans le soutien et l’assistance technique à tous les acteurs de la société civile. Nous espérons qu’il
permettra aux professionnels agricoles du Sénégal, d’avoir une meilleure compréhension de leur
environnement économique national et international afin qu’ils puissent pleinement jouer leur rôle
dans l’élaboration de politiques agricoles qui prennent en compte les contraintes et les opportunités
générées dans ce nouveau contexte.
2
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Manuel 2 :
Les instruments stratégiques de politique agricole
Sommaire
Chapitre 1: Instruments de politique agricole agissant directement sur les prix
p.4
Le rôle des prix
p4.
Instruments macro-économiques
p.7
Instruments fiscaux
p.9
L’aide alimentaire
p.12
Limite des politiques agissant directement sur les prix
p.12
Chapitre 2: Mesures d’intervention complémentaires aux politiques de prix
p.16
Le rôle des mesures complémentaires
p.16
Identification et choix des mesures complémentaires : un cadre conceptuel
p.17
Domaines et mesures d’intervention
p.26
Chapitre 3: Politiques de crédit et de finances rurales
p.35
Le contexte macroéconomique des politiques de crédit
p.35
Du crédit agricole aux finances rurales
p.38
Chapitre 4: La filière comme outil de gestion de l’économie agricole
p.48
Qu’est ce qu’une filière ?
p.48
L’approche filière pour mieux comprendre le fonctionnement de l’économie agricole
p.49
L a filière : un cadre de gestion de l’économie agricole
p.53
Les limites de l’approche filière
p.55
Conclusion
p.56
Annexes
3
PROJET FAO/FONGS (TCP/SEN/6713)
Manuel 2:
Les instruments d’une politique agricole
Chapitre 1:
Instruments de politique agricole agissant directement sur les prix
Chapitre 1
Instruments de politique agricole agissant directement sur les prix
Objectifs du chapitre
Les objectif de ce chapitre sont:
• de préciser l’importance des prix dans une économie de marché;
• de passer en revue divers instruments de politique agissant directement sur les prix tout
en indiquant l’impact probable sur les prix, les producteurs et les consommateurs.
Le rôle des prix
Dans une économie de marché1, les prix jouent trois rôles
principaux:
• ils sont un facteur essentiel de choix de production pour les
producteurs et de consommation pour les consommateurs;
• ils contribuent à la répartition des revenus entre agents
économiques;
• ils déterminent les domaines vers lesquels l’investissement va
être orienté.
Par rapport au choix des producteurs et des consommateurs, ce qui
compte le plus n’est pas le niveau absolu des prix, mais leur niveau
relatifs. Par exemple, un producteur ne sera prêt de diminuer sa
superficie en arachide pour produire du maïs, que si le prix du maïs
est très intéressant par rapport à celui de l’arachide. De même, le
consommateur diminuera par exemple sa consommation de riz en
faveur d’une autre céréale, si le prix du riz augmente de façon
importante par rapport au prix de cette autre céréale. Bien entendu,
le prix n’est pas la seule variable déterminant les choix des
producteurs et consommateurs, mais c’est certainement un élément
de plus en plus important, au fur et à mesure que se développe
l’accès et la participation au marché des agents économiques.
1
voir cadre No.1
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Manuel 2:
Les instruments d’une politique agricole
Chapitre 1:
Instruments de politique agricole agissant directement sur les prix
Cadre 1:
Qu’est-ce qu’une économie de marché?
Une économie de marché est une économie où les échanges sont
fondés sur des prix résultant de l’interaction d’une multitude de
choix de produire effectués par les producteurs et de consommer
effectués par les consommateurs.
Cette notion s’oppose à celle d’une économie où les prix sont fixés
par l’état et/ou la production et la consommation sont déterminées
par d’autres facteurs (par exemple: objectifs de production imposé
par l’état, consommation fondé sur le rationnement ou la tradition,
etc.).
Les prix déterminent aussi la répartition des revenus entre agents
économiques. Il est clair qu’au moment de l’échange entre un
producteur et un commerçant, plus le prix reçu par le producteur
sera élevé, plus son revenu sera élevé. Inversement, toute
augmentation du revenu du producteur se fera au détriment du
commerçant2. Le prix sera fixé par négociation entre producteurs et
commerçants. Pour que le prix reflète la valeur réelle du produit, il
faut qu’il y ait concurrence entre plusieurs producteurs et plusieurs
commerçants. Au cas où il n’y aurait qu’un seul commerçant, celuici constituant l’unique débouché pour les producteurs, pourrait
profiter de cette situation pour payer un prix excessivement bas aux
producteurs.
Enfin, des prix relativement favorables à l’agriculture, par rapport
l’industrie ou au commerce, auront tendance augmenter les profits
dans l’agriculture, et à attirer des investisseurs. Au contraire, des
prix bas risquent de faire baisser l’investissement agricole,
d’entraîner une agriculture plus extensive et de pousser la
population à se consacrer des activités non-agricoles, voire migrer
de façon irréversible vers les villes.
Le niveau (même relatif) des prix n’est pas le seul aspect qui
influence les opérateurs économiques. Leur variation est un autre
aspect important. Un prix très variable d’une année sur l’autre
constitue un risque et peut décourager la production. Des prix très
stables tout au long de l’année, au contraire, découragent ceux qui
font l’effort de stocker le produit.
2
le commerçant cherchera bien entendu à répercuter toute augmentation du prix au producteur au niveau du
consommateur en augmentant son prix de vente, mais cette répercussion ne sera que partielle et dépend des
condition du marché, notamment de l’ouverture du marché sur l’extérieur.
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Manuel 2:
Les instruments d’une politique agricole
Chapitre 1:
Instruments de politique agricole agissant directement sur les prix
De ce qui vient d’être dit, il est clair que les prix sont un facteur
important conditionnant le comportement des agents économiques.
Ce sont aussi des facteurs que l’état peut relativement facilement
influencer par des mesures de politiques. Dans ce texte, nous allons
brièvement passer en revue les divers instruments à la disposition de
l’état pour influencer directement les prix, et part conséquent la
production agricole, le revenu ainsi que le niveau d’investissement
dans le secteur.
Cadre 2: Comment les prix sont-ils déterminés?
Les prix, dans un marché libre, sont le résultat d’un processus de
négociation entre le vendeur et l’acheteur. Cette négociation
s’opère cependant à l’intérieur d’une fourchette de prix déterminée
par les conditions objectives de l’offre et de la demande pour le
produit concerné.
Du point de vue de l’offre, à un prix de marché donné, seuls les
producteurs dont le prix de revient est inférieur au prix du marché
peuvent l’approvisionner de façon durable (en faisant des
bénéfices). Ceux des producteurs dont les coûts de production sont
plus élevés opéreront à perte et, à terme, chercheront à produire
d’autres biens pour lesquels le marché sera plus favorable.
Du point de vue de la demande, plus les prix seront élevés, moins
les consommateurs seront prêts à le payer pour satisfaire leurs
besoins. Plus les prix d’un produit augmentent, plus nombreux
seront les consommateurs qui se détourneront du produit concerné
pour acheter autre chose.
A l’intérieur d’un pays, considéré comme un système fermé, les
forces de l’offre et de la demande tirent donc les prix dans des
directions opposées, et leur interaction aura tendance à aboutir à la
fixation d’un prix où l’offre et la demande seront égales.
En fait, les pays sont en général ouverts sur l’extérieur et ils
échangent leurs produits avec le reste du monde. Le prix mondial et
l’offre et la demande extérieure au pays agiront alors aussi sur le
prix observé sur le marché local. Pour un produit librement exporté,
le prix intérieur sera égal au prix mondial FOB3 ajusté des
éventuelles taxes ou subventions à l’exportation. Pour un produit
importé le prix intérieur sera égal au prix mondial CAF4 ajusté des
éventuelles taxes ou subventions à l’importation.
3
4
Prix FOB (Free On Board: à l’embarquement) : prix mondial - frais de transport et d’assurance
(exportations)
Prix CAF (Coût Assurance et Fret): prix mondial + frais de transport et d’assurance (importations)
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Manuel 2:
Les instruments d’une politique agricole
Chapitre 1:
Instruments de politique agricole agissant directement sur les prix
Instruments macroéconomiques
Les principaux instruments macro-économique influençant les prix
sont (i) le taux de change; (ii) le taux l’intérêt; et (iii) les
instruments de la politique de commerce extérieur.
Le taux de change
Le taux de change détermine le prix des produits offerts ou
demandés sur le marché mondial en monnaie nationale.
L’importance du taux de change s’est bien vu au moment de la
dévaluation du Franc CFA: les prix locaux des produits importés
ont augmenté immédiatement et les recettes d’exportation (en
FCFA) ont également augmenté5. Ceci a eu pour conséquence une
tendance générale à l’augmentation des prix relatifs des produits
échangés par rapport à ceux non-échangés (services notamment). En
général, on estime qu’une dévaluation est favorable aux prix relatifs
agricoles, et à la rentabilité financière de l’agriculture (ceci est
d’autant plus vrai que l’agriculture utilise relativement peu
d’intrants importés). L’état dispose cependant de certains
mécanismes qui peuvent réduire la transmission des effets de la
dévaluation sur les prix observés dans le pays. En absence
d’intervention de l’état, l’effet d’une variation du taux de change
peut être très fort.
Le taux d’intérêt
Le taux d’intérêt est le prix de l’argent. Une augmentation du taux
d’intérêt contribue à l’augmentation des charges des exploitations
endettées et à la réduction de leur bénéfice. Ces exploitations
chercheront donc à augmenter le prix de leurs produits pour
maintenir leur bénéfice. Il n’est cependant pas certain qu’elles y
parviennent: cela dépend de la nature du marché et notamment de
son degré d’ouverture vers le marché mondial. Il faut note
également que cette hausse aura comme effet bénéfique
d’encourager l’épargne et d’orienter l’investissement vers les
activités les plus rentables
Les instruments du
commerce extérieur
Dans une situation de commerce extérieur totalement libéralisé, les
prix observés dans le pays pour les produits échangés varient en
fonction du prix mondial. Il est cependant rare d’observer une telle
situation de libéralisation totale dans la réalité, la plupart des pays
intervenant d’une façon où une autre sur leurs échanges extérieurs.
Les tarifs ou taxes à l’importation viennent s’ajouter au prix
mondial. Ils contribuent à augmenter les prix intérieurs. En ce sens
ils constituent une protection pour les producteurs nationaux et une
taxe sur les consommateurs.
Les taxes à l’exportation captent une partie des recettes obtenues
5
il faut noter cependant qu’une dévaluation s’accompagne presque toujours d’inflation qui a pour effet de
diminuer l’augmentation “réelle” des prix, c’est la raison pour laquelle la dévaluation pour être efficace doit
être accompagnée de mesures anti-inflation (contrôle de l’offre de monnaie et des dépenses publiques).
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Manuel 2:
Les instruments d’une politique agricole
Chapitre 1:
Instruments de politique agricole agissant directement sur les prix
par les ventes sur le marché mondial. Elles contribuent donc à
diminuer le prix domestique pour le produit concerné et agissent
comme taxes sur les producteurs et subvention pour les
consommateurs.
Les quota d’importation sont une limitation des quantités
importées. Ils tendent à limiter l’offre disponible sur le marché
intérieur et par conséquent ont pour effet d’augmenter les prix. Ce
sont donc des mesures déguisées de protection des producteurs et de
taxation des consommateurs, comme les tarifs. Ces quotas peuvent
être soit géré directement par un organisme public ayant le
monopole de l’importation, soit par un système de licences
d’importation.
Les quota d’exportation sont une limitation (en général imposée
par des accords internationaux) des exportations. Ils contribuent, en
limitant l’offre extérieure, à une diminution des prix domestiques et
sont donc équivalents à une taxe d’exportation (sauf qu’ils ne
constituent pas une recette pour l’état!). Les interdictions
d’exporter, et dans certains cas les monopoles d’état de
l’exportation, ont un effet similaire.
Les dépôts de garantie sont une obligation pour les importateurs de
déposer auprès d’un organisme financier un montant équivalent à
une proportion de la valeur des importations qu’ils comptent
effectuer. Ce sont là sont d’autres mesures réduisant les
importations et agissant comme des tarifs, et contribuant donc à une
augmentation des prix intérieurs
Les obligations de change imposent aux exportateurs de convertir
en monnaie locale une partie au moins de leur recettes d’exportation
en monnaie locale. Pour les exportations ces obligations peuvent
agir comme freins aux exportations et contribuer à une diminution
des prix intérieurs.
Les règles sanitaires et phytosanitaires peuvent constituer des
mesures protectionnistes déguisées et ainsi contribuer à protéger les
produits nationaux et augmenter leur prix intérieur.
En vue de stabiliser leur prix domestiques, certains pays à politique
des échanges extérieurs libérale adoptent des mesures de
stabilisation des prix de frontière connue sous la dénomination de
bandes de prix. La taxe d’importation ou d’exportation est ajustée
la baisse ou à la hausse pour réduire l’impact de fortes variations du
prix mondial. On peut s’assurer que le système ne constitue pas une
mesure de protection (importations) ou de taxation (exportations)
supplémentaires en calculant l’ajustement des taxes en fonction
d’une moyenne du prix mondial calculée sur une période
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Manuel 2:
Les instruments d’une politique agricole
Chapitre 1:
Instruments de politique agricole agissant directement sur les prix
suffisamment longue (60 mois), et en déclenchant cet ajustement
que si la variation du prix mondial dépasse la moyenne calculée de
plus d’un pourcentage prédéterminé. Dans le passé, d’autres
systèmes de stabilisation ont souvent abouti soit à une taxation trop
importante des exportations soit à des coûts trop importants qui ont
grevé de façon excessive le budget de l’état.
6
Les instruments
fiscaux
Les taxes sur les produits et le intrants agricoles ont un effet direct
sur les prix de ces produits sur le marché intérieur. Ces taxes,
surtout appliquées aux produits d’exportation, ont été
traditionnellement une source majeure de revenu pour les états.
Les taxes
Elles peuvent être levées à différents niveaux de la filière: pour des
raisons de commodité, les taxes sur les produits exportés sont
souvent simplement des taxes à l’exportation (plus facile à gérer).
Les taxes sur les intrants agricoles font augmenter les prix de ces
produits pour le producteur agricole et lui sont donc défavorables.
Elles tendent à réduire l’utilisation d’intrants par les agriculteurs ce
qui peut avoir des conséquences graves sur la production et le
revenu des producteurs, et un effet considérable sur la conservation
des ressources naturelles6. D’ailleurs, un nombre croissant de pays
font recours à des taxes sur l’utilisation de ressources naturelles ou
des taxes compensatoires pour la pollution de l’environnement: ces
taxes ont pour vertu de réguler l’utilisation des ressources naturelles
et leurs recettes peuvent servir à recouvrer les coûts encourus (cas
d’infrastructure d’irrigation) et de financer des mesures de
protection de l’environnement. Ces taxes peuvent être perçues par
l’état central ou par les collectivités locales.
Les subventions
L’état a souvent eu recours à des subventions sur les produits
agricoles, surtout alimentaires, en vue d’en abaisser le prix à la
consommation. La politique des prix subventionnés pour les
produits alimentaires a en général surtout bénéficié aux
consommateurs résidant dans les zones urbaines et aux secteurs
autres qu’agricole qui les employaient. Les subventions (directes ou
par l’intermédiaire de subventions sur les intrants) peuvent aussi
servir à encourager la production ou l’intensification de la
production de certains produits agricoles qui autrement ne seraient
pas très rentables financièrement, ce qui réduit l’efficacité
économique du secteur. Ces politiques de subvention sont en perte
de vitesse du fait des restrictions budgétaires que subissent la
plupart des états. Mis à part leur poids très important dans le budget,
ces politiques pouvaient aussi entraîner la prolifération d’activités
de production non efficaces. De plus, les subventions sur les
produits ont en général un caractère socialement régressif, sauf si
Cet effet peut être néfaste, dans les pays où l’utilisation d’intrants est faible (perte de fertilité du sol,
extension des superficies et mise en culture de terres marginales) ou bénéfique en cas d’utilisation excessive
d’intrants (réduction de la pollution de l’eau et des phénomènes d’acidification de la terre).
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PROJET FAO/FONGS (TCP/SEN/6713)
Manuel 2:
Les instruments d’une politique agricole
Chapitre 1:
Instruments de politique agricole agissant directement sur les prix
elles sont bien ciblées: ce sont en effet les plus gros producteurs qui
le plus souvent bénéficient davantage des subventions.
La tendance, à l’heure actuelle est de limiter le plus possible les
subventions agissant directement sur les prix au profit de paiement
direct aux producteurs auxquels on veut venir en aide. Ceci permet
de mieux cibler l’aide et évite d’influencer le fonctionnement des
marchés.
D’après les experts en économie, il est préférable de taxer où
subventionner les producteurs agricoles en utilisant des outils qui ne
soient pas liés directement à une culture. Ainsi, un système de
taxation sur la terre ou un système de subvention par actif agricole
peut générer des ressources où venir en aide à des producteurs
pauvres sans influencer les choix de production des producteurs qui
fonderaient leur choix sur les indications du marché. Il faut
cependant noter que de tels instruments d’intervention qui
n’agissent pas directement sur les prix demandent une bonne
organisation et sont relativement coûteux à mettre en oeuvre.
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Manuel 2:
Les instruments d’une politique agricole
Chapitre 1:
Instruments de politique agricole agissant directement sur les prix
Cadre 3:
Politiques sectorielles ou politiques par produits?
Il faut être conscient que le choix entre une approche sectorielle ou
une approche par produits n’est pas neutre en matière de politiques
des prix agricoles.
Approche sectorielle
Une approche sectorielle implique de définir des règles générales
pour tous les produits agricoles: même fiscalité, mêmes règles pour
le commerce extérieur, etc. Tous les produits étant logés à la même
enseigne, leurs prix relatifs seront alignés sur les cours mondiaux:
c’est là une approche qui privilégie le marché et caractérise une
économie ouverte cherchant à utiliser ses ressources au mieux par
rapport aux conditions du marché international .
Approche par produits
L’approche par produit, au contraire traite chaque produit
différemment, protégeant ou taxant un produit selon des critères
particuliers. Les prix relatifs des produits seront donc différents de
ceux existant si l’on suit une approche sectorielle, et par conséquent
la composition de la production agricole nationale sera différente.
La conséquence d’une telle politique est d’entraîner une
augmentation de la production des produits les plus protégés au
détriment de la production des produits qui le sont moins. La
modification de la structure de la production ainsi induite peut avoir
des effets sociaux positifs mais se traduira par une croissance de la
production moins importante et une balance commerciale agricole
moins bonne (moins excédentaire ou plus déficitaire).Une approche
par produit a également pour conséquence de favoriser certaines
catégories de producteurs ou certaines zones de production
spécialisées au détriment d’autres.
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PROJET FAO/FONGS (TCP/SEN/6713)
Manuel 2:
Les instruments d’une politique agricole
Chapitre 1:
Instruments de politique agricole agissant directement sur les prix
Les investissements et
autres mesures de
facilitation
L’état peut également utiliser ses ressources fiscales pour financer
d’autres moyens d’intervention sur le secteur agricole qui affectent
indirectement les prix agricoles: il s’agit là notamment
d’investissement dans les infrastructures, la mise en place
d’institutions et de mécanismes permettant un fonctionnement plus
efficace du marché. L’état finance également des activités de
vulgarisation, de recherche et d’autres biens et services qui sont mis
à disposition du secteur et qui affectent les prix de façon souvent
très indirectes : elles seront discutées dans un autre document.
L’aide alimentaire
La méthode de disposition de l’aide alimentaire peut influencer
grandement les prix des produits agricoles. Bien que le volume de
l’aide alimentaire est relativement modeste au Sénégal (1 à 2% des
disponibilités) il peut avoir un effet sur les prix. Une distribution
gratuite ou fortement subventionnée pendant une période critique
peut ainsi abaisser fortement le prix de marché et peut
éventuellement dissuader les opérateurs économiques de faire le
stockage et le commerce de certains produits. La façon la plus
neutre de mettre en marché l’aide alimentaire est de la mettre en
vente sur le marché de façon progressive, les recettes pouvant être
utilisée pour créer des infrastructures utiles à l’agriculture. Cette
mise en marché affectera le prix du marché et tous le
consommateurs en profiteront. Alternativement, le gouvernement
peut décider de distribuer l’aide alimentaire à des groupes plus
ciblés particulièrement défavorisés ou dans des zones sinistrées. Le
marché en sera affecté seulement indirectement (diminution de la
demande des groupes bénéficiaires et revente éventuel d’une partie
des produits distribués).
Limite de politiques
agissant directement
sur les prix
L’expérience montre que les producteurs agricoles sont sensibles
aux variations des prix agricoles. La réaction des producteurs à une
variation des prix de certains produits agricoles fortement
commercialisés (notamment les produits d’exportation) peut être
très forte, même à court terme. La production agricole totale, ne
réagit que peu à une variation des prix dans le court terme. Une
telle variation n’influence le niveau de production que si elle est
confirmée dans le temps: ses conséquence peuvent mettre plusieurs
années à se concrétiser.
Il faut s’accorder à dire que le prix n’est qu’un des facteurs
expliquant l’évolution de la production agricole, surtout dans une
agriculture dominée par les petites et moyennes exploitations à
caractère traditionnel. Ces exploitations n’ont en général pas comme
seul objectif la rentabilité financière: la réduction du risque d’un
déficit alimentaire grave y est souvent l’objectif dominant. De plus
ces exploitations rencontrent beaucoup de contraintes limitant leur
capacité de réponse aux incitations du marché: manque d’accès au
marché, à l’information et la formation, difficulté d’accès aux
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PROJET FAO/FONGS (TCP/SEN/6713)
Manuel 2:
Les instruments d’une politique agricole
Chapitre 1:
Instruments de politique agricole agissant directement sur les prix
intrants, manque de capacité financière et de technologies bien
adaptées aux petites exploitations, faiblesse du niveau de formation,
problèmes de santé, et, accès limité au facteur primortdial de
production, la terre.
Il faut noter que les conséquences de l’augmentation des prix
agricoles sur la gestion des ressources naturelles et l’environnement
peuvent être très importantes. Le cadre 3 en présente les principales
telles qu’identifiées par Cleaver.
Cette situation suggère autant d’autres domaines auxquels les
politiques doivent s’attaquer afin de créer un environnement
économique favorable à la croissance du secteur agricole. Ces
domaines sont traités dans le chapitre 2 de ce manuel.
Tableau des impacts probables des instruments de politique agricoles agissant
directement sur les prix
Cadre 4
(basé sur Cleaver 1985)
Possibles impacts sur l’environnement d’une augmentation
des prix agricoles
Augmentation des prix aux producteurs
Réaction des producteurs
Changement de la
structure de la production
Substitution
entre cultures
commerciales
L’impact
dépend de
La nature des
cultures favorisées et
leur impact sur
l’environnement et
des techniques de
conservation
Augmentation de la
production totale
Substitution entre
cultures commerciales
et cultures vivrières
Dans le cas
d’une agriculture
extensive
Dans le cas
d’une agriculture
intensive
L’impact
dépend de
La nature des
cultures favorisées et
leur impact sur
l’environnement et
des techniques de
conservation
Le déplacement
de la production
vivrière vers des
zones
marginales
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Risque de
déforestation et
d’érosion
Possibilité de
dégâts dus aux
intrants (engrais,
eau, pesticides)
PROJET FAO/FONGS (TCP/SEN/6713)
Manuel 2:
Les instruments d’une politique agricole
Chapitre 1:
Instruments de politique agricole agissant directement sur les prix
Impacts
Instruments
Prix
Impact sur
producteurs
Impact sur
consommateurs
Dévaluation
Taux d’intérêt
augmentent
?
favorable
défavorable
défavorable
défavorable
Tarif
Taxe sur exportations
Quota sur exportations
“ sur importations
Dépôt de garantie
Obligation de change
augmentent
baissent
baissent
augmentent
augmentent
baissent
favorable
défavorable
défavorable
favorable
favorable
défavorable
défavorable
favorable
favorable
défavorable
défavorable
favorable
moins de risques
prix + stables
augmentent
?
défavorable
défavorable
défavorable
?
Subventions sur
produits
baissent
?
favorable
Aide alimentaire
baissent
défavorable
favorable
Bandes de prix
Taxes sur produits
Taxes sur intrants
Schéma récapitulatif
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PROJET FAO/FONGS (TCP/SEN/6713)
Manuel 2:
Les instruments d’une politique agricole
Chapitre 1:
Instruments de politique agricole agissant directement sur les prix
Taux d’intéret
Taxes sur produis
Subventions sur produits
Frontière
Consommateurs
Aide Alimentaire
Taxes sur produis
Subventions sur produits
Commerçants/
Transformateurs
Exportateurs/
Importateurs
Marché Mondial
Producteurs
Taux d’intérêt
Taxes sur produits
Taxes sur intrants
Subventions sur produits
Subventions sur intrants
Taxes sur ressources
Dépot de garantie
Obligation de change
Taux de change
Tarifs
Quota
Taxe exportation
Règles sanitaires et
phytosanitaires
Bandes de prix
Pays
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Manuel 2: Les instruments d’une politique agricole
Chapitre 2: Mesures d’intervention complémentaires aux politiques des prix
Chapitre 2
Mesures d’intervention complémentaires aux politiques des prix
Objectifs du chapitre
• préciser le rôle des mesures d’intervention complémentaires aux politiques des prix ;
• définir un cadre conceptuel pour l’identification des mesures d’intervention de l’état ;
• proposer une revue des domaines ainsi que des mesures d’interventions principales ;
Ce chapitre complète la revue et l’analyse des mesures que le Gouvernement a à disposition
pour améliorer le fonctionnement du marché et atteindre ses objectifs de développement.
Alors que les chapitres 1 et 3, respectivement “Instruments de politique agricole agissant
sur les prix” et “Politique de crédit et finances rurales”, se sont concentrés sur les politiques
des prix et de marché proprement dites, le chapitre 2 sera consacré tout particulièrement aux
mesures complémentaires aux politiques des prix.
Le rôle des mesures
complémentaires
Les raisons pour lesquelles les Gouvernements font recours aux
mesures complémentaires aux politiques des prix ont déjà été
expliquées dans le manuel 1, chapitre 1 “Politiques économiques:
une politique agricole dans son contexte national et international –
Stratégies, politiques, programmes et projets”. Nous nous limiterons
ici à rappeler les deux raisons les plus importantes et à souligner dès
à présent que les politiques des prix et les mesures complémentaires
sont toutes les deux des conditions nécessaires mais non suffisantes
pour atteindre les objectifs de développement d’un pays donné. Une
politique de libéralisation des prix, par exemple, pourrait ne pas
atteindre les objectifs souhaités tant que subsistent des obstacles non
liés directement au marché, tels que une circulation insuffisante de
l’information sur les marchés ou une mauvaise infrastructure des
transports.
Les mesures complémentaires sont nécessaires pour deux raisons
principales: (i) le marché n’est pas toujours en mesure de prendre en
compte la juste valeur des ressources employées dans les activités
de production, transformation et consommation (défaillances du
marché). Ceci est vrai surtout pour les ressources naturelles et
l’environnement, la valeur économique desquels est souvent sousestimée; (ii) l’objectif principal des politiques de marché est de
créer les conditions pour optimiser l’efficience dans l’allocation des
ressources économiques du pays, alors que les objectifs de
développement d’un pays peuvent avoir une dimension autre que
économique,
notamment
sociale,
politique,
stratégique,
environnementale. Le concept de développement durable, par
exemple, suggère que les politiques de développement devraient
viser à atteindre un équilibre entre trois fonctions/objectifs
différents, souvent en conflit entre eux: efficience économique,
préservation de l’environnement, équité sociale.
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Manuel 2: Les instruments d’une politique agricole
Chapitre 2: Mesures d’intervention complémentaires aux politiques des prix
En bref, l’on peut affirmer que le rôle des mesures complémentaires
est d’une part d’“aider” les politiques des prix et de marché à mieux
fonctionner, et de l’autre de créer un environnement propice pour
atteindre des objectifs non directement économiques mais tout aussi
importants.
Identification et choix
des mesures
complémentaires :
un cadre conceptuel
Une panoplie de mesures complémentaires sont à disposition du
Gouvernement pour assurer les deux rôles rappelés ci-dessus.
L’identification et le choix des mesures les plus appropriées
dépendront de plusieurs facteurs. En premier lieu des nombreuses
fonctions exercées par l’agriculture. Ensuite des priorités de
développement que s’est donné un pays (par exemple, sécurité
alimentaire, réduction de la pauvreté) et des contraintes qui en
entravent la réalisation (par exemple, niveau de scolarisation des
agriculteurs, insuffisance des infrastructures, etc.). Enfin des
interactions entre l’agriculture et toutes les autres activités en amont
(approvisionnement en intrants et équipement) et en aval
(transformation, commercialisation, consommation, etc.) de la
production, au niveau local (district/sous-région) et national. Les
interactions, à leur tour, seront influencées par les facteurs de
développement: capital naturel, capital technique, capital humain
(savoirs locaux), capital social (institutions), ainsi que par le
fonctionnement du marché. En fonction de tous les éléments
évoqués, les mesures d’intervention choisies pourront avoir un effet
à court, moyen ou long terme.
Une représentation graphique de ce cadre complexe est offerte par
la Fig. 1. Trois dimensions principales à la base du développement
des systèmes agricoles et ruraux peuvent être retenues: les facteurs
de développement, le fonctionnement de la production, les
objectifs/fonctions des systèmes agricoles. Pour des raisons de
simplification, il a été décidé, dans ce document, de restreindre
l’examen aux mesures adressées directement au secteur agricole et
au monde rural, en les isolant du monde extérieur. Toutefois, il ne
faut pas oublier, comme il ressort clairement des manuels 1 et 3,
ainsi que des autres chapitres de ce manuel, que le secteur agricole
agit à l’intérieur d’un environnement composé par d’autres secteurs
économiques avec lesquels l’agriculture entretien des relations plus
ou moins intenses. Il en découle que toute intervention du
gouvernement, indépendamment du secteur (agricole ou non) ou du
niveau (local, district, national) auquel elle est mise en place, se
répercutera sur le développement agricole et rural.
D’autre part, dans la plupart des pays en développement,
l’agriculture représente le secteur économique le plus important et
dans plusieurs d’entre eux, y compris le Sénégal, le niveau de
développement est fortement dominé par l’agriculture de
subsistance. Il en découle que les interventions de politique les plus
importantes intéressent particulièrement le secteur agricole et rural.
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Manuel 2: Les instruments d’une politique agricole
Chapitre 2: Mesures d’intervention complémentaires aux politiques des prix
Facteurs de
développement
Production
Fonctions/Objectifs
Capital Naturel
Economiques
• Température
• Humidité
• Lumière
Cadre
conceptuel
• Sols
pour•l’identification
Eau
des mesures
• Air d’appui
• Flore
• Faune
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
Directs
• Production
alimentaire
• Matières premières
Indirects
•
Loisirs
•
Tourisme
•
Artisanat
Capital Humain
Capacité
Aptitude
Santé
Education
Savoirs
Capital Social
Croyances
Traditions
Organisations
sociales
Règles et lois
•
Biologie
•
Exploitant
•
Exploitation
•
Spéculations
Capital technique
•
•
•
•
•
•
•
•
Recherche
Infrastructures
Communication
Electrification
•
•
•
•
•
•
Sociaux
Cohésion sociale
Culture, tradition,
identité
Pauvreté
Migrations
Inégalités
Scolarisation
Institutions
(organisations, règles,
lois)
Environnementaux
Fertilité naturelle des
sols
Qualité eau
Qualité air
Biodiversité
Politiques
Investissements physiques directs
Programmes d’appui
Réformes institutionnelles
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Manuel 2: Les instruments d’une politique agricole
Chapitre 2: Mesures d’intervention complémentaires aux politiques des prix
Facteurs de
développement
Capital naturel
La croissance des plantes et des animaux est le résultat de processus
biologiques dépendant fondamentalement des conditions naturelles
(exposition des sols, lumière, température, humidité, caractéristique
physiques et chimiques des sols, etc.). En dépit des résultats
considérables obtenus par l’homme dans le contrôle des processus
biologiques, l’agriculture reste encore, surtout dans les pays en
développement, fortement influencée par les aléas du climat
(inondations, sécheresse, pluies torrentielles, etc.) et par la qualité
des ressources naturelles qui en constituent les intrants principaux :
sols, eau, air. La dégradation de ces ressources dans beaucoup de
pays en développement (érosion des sols, eaux salines, pollution de
l’eau et de l’air, etc.) est une des causes principales de la baisse de
fertilité des sols. La prise en compte de l’environnement est donc un
impératif qui se pose aussi bien au niveau des exploitations qu’au
niveau des Gouvernements.
Capital humain et
social
La présence du capital humain est ce qui fait la différence entre la
végétation et la faune à l’état sauvage et l’agriculture ou l’élevage.
L’homme se propose de maîtriser les facteurs naturels qui
permettent la croissance des plantes et la vie des animaux pour
satisfaire ses besoins en nourriture. L’exploitant agricole est appelé
à remplir deux fonctions principales en agriculture : celle du
cultivateur/éleveur et celle de gérant de l’exploitation. Autrement
dit, il doit associer le travail physique des pratiques culturales au
travail mental de la gestion et de la prise de décision. Le
développement de l’agriculture est fortement lié à la capacité et
l’habileté des exploitants agricoles à exercer ces fonctions. Le
développement de ces capacités est un processus complexe qui
dépend des aspirations personnelles des exploitants (ambition d’une
vie meilleure que celle de leur parents) de la propension à
l’apprentissage (non seulement des savoirs des parents ou du village
mais aussi des progrès techniques) de l’imagination dans
l’expérimentation de nouvelles pratiques, du goût pour le risque
(dans l’introduction, par exemple, de nouvelles cultures).
Le capital humain dépend aussi de l’influence de l’évolution de la
démographie, l’état de santé de la population et l’importance de la
pauvreté. Le rôle de la femme dans ce cadre est particulièrement
important. Au niveau du ménage, c’est en général la femme qui
prend en charge l’éducation, la santé, l’alimentation des enfants. Or,
les femmes ont souvent moins accès que les hommes à l’éducation,
à la nourriture et à l’assistance sanitaire. Des programmes publics
spécifiques adressés aux femmes ainsi qu’une plus grande
considération
des
exigences
des
femmes
dans
les
projets/programmes publics (vulgarisation, crédit, formation, etc.)
peuvent trouver une justification à la fois sociale et économique.
L’agriculteur est enfin un être social façonné par la famille et la
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Manuel 2: Les instruments d’une politique agricole
Chapitre 2: Mesures d’intervention complémentaires aux politiques des prix
communauté à laquelle il appartient. Le capital social représenté par
les mœurs, les coutumes, les croyances, les formes d’organisation et
les règles que se donne la collectivité est aussi important que le
capital humain dans le développement agricole car il influence le
comportement et le choix des individus. Le bon fonctionnement du
capital social peut faciliter, par exemple, la collaboration, la
participation et la solidarité entre les membres de la collectivité.
Toute mesure visant à développer le capital humain dans le secteur
agricole doit donc être capable d’identifier parmi les facteurs cidessus ceux qui constituent des obstacles au développement et de
créer un environnement (capital social) favorable à leur élimination.
Capital technique et
physique
Le capital technique et physique est composé par tous les outils,
machines, bâtiments, main d’œuvre, terre, infrastructures (routes,
électricité, communication, réseau d’irrigation, etc.) nécessaires à
exercer l’activité de production agricole et de stockage.
Deux aspects importants du capital technique et physique sont la
disponibilité et l’accès. L’adoption de nouvelles techniques qui
requièrent l’emploi d’engrais et d’eau d’irrigation ne seront pas
adoptées par les agriculteurs si la quantité nécessaire d’eau et
d’engrais n’est pas disponible à un moment donné et à des prix
acceptables ou si les prix des produits agricoles ne sont pas
suffisamment rémunérateurs à cause, par exemple, de la difficulté
d’accès aux marchés.
Ici aussi, l’état peut jouer un rôle décisif. Il peut, par exemple,
intervenir sur le système des prix des facteurs de production et des
produits agricoles si ceux-ci ne reflètent pas leur coût réel (voir
politiques des prix au chapitre 1). Il peut aussi intervenir au niveau
de la fourniture de services de marché (notamment crédit agricole)
et des grandes infrastructures pour favoriser la circulation des
marchandises, des hommes et des informations, ce qui, en général,
entraîne aussi une diminution des coûts de production et de
commercialisation.
Technologie
Bien que la technologie n’apparaisse pas dans le schéma de la figure
1 elle est aussi à considérer comme un facteur de développement
dans la mesure où elle représente la façon dont les facteurs
techniques et physiques, les facteurs humains et sociaux, les
facteurs naturels examinés plus haut sont utilisés dans l’activité de
production agricole; de la préparation des sols à la récolte.
Le progrès technologique est une condition indispensable pour le
développement de l’agriculture. Il consiste à éliminer les facteurs
limitant, par exemple, l’augmentation des rendements. Ainsi, si les
rendements sont faibles à cause d’une fertilité naturelle des sols
insuffisante, l’apport d’engrais représente une amélioration
technologique. Si, au contraire la fertilité naturelle des sols est
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Manuel 2: Les instruments d’une politique agricole
Chapitre 2: Mesures d’intervention complémentaires aux politiques des prix
bonne mais les rendements sont quand-même faibles, une solution
technologique pourrait consister à introduire une nouvelle variété de
culture capable de mieux utiliser la fertilité naturelle.
L’innovation technologique peut avoir plusieurs origines: (i)
imitation des pratiques culturales des agriculteurs les plus
performants de la même région; (ii) importation de technologies
développées dans d’autres régions ou pays ayant les mêmes
caractéristiques agro-écologiques; (iii) expérimentation ciblée (par
exemple, recherche d’antiparasitaires plus efficaces, machines
agricoles plus efficientes, variétés de plantes plus résistantes, etc.).
Toutes ces sources d’innovation technologique font l’objet d’une
activité de recherche et développement (R&D), que ce soit au
niveau de l’exploitation agricole (imitation des pratiques culturales
du voisin), d’industries spécialisées (industrie agro-chimique, etc.),
ou de l’état (recherche de base, recherche appliquée). Si d’une part
l’importance du secteur privé dans les activités de R&D augmente
avec le niveau de développement du pays, il est vrai aussi que l’état
reste un acteur clé non seulement dans la définition des stratégies et
des politiques nationales de R&D mais aussi dans certains domaines
de recherche spécifiques (voir encadré 2).
Les particularités du
fonctionnement de la
production agricole
Certaines caractéristiques de l’activité agricole font que ce secteur
ne peut pas être comparé à d’autres secteurs économiques souvent
plus maîtrisables par l’homme. De ce fait, il demande des
interventions publiques. Nous examinerons ci-dessous les
particularités les plus importantes de l’activité agricole.
Biologie
En dépit des résultats considérables atteints dans le contrôle des
processus biologiques qui affectent la croissance des plantes et des
animaux, l’homme n’est pas encore capable de modifier certaines
particularités de l’agriculture comme, par exemple, la nécessité de
grands espaces, la dépendance des conditions climatiques et des
sols, le respect des calendriers de production.
Tous ces aspects font que, l’activité agricole, contrairement à, par
exemple, l’activité industrielle, dépend fortement de toute une série
d’investissements et services qui ne peuvent pas être assurés par le
secteur privé à lui seul. Ainsi les grands espaces comportent la
présence d’une infrastructure de transport efficiente si l’on veut que
les exploitations soient approvisionnées en intrants et que les
produits de l’agriculture arrivent sur les marchés de destination. Une
grande variété de conditions climatiques et de sols dans de petits
espaces suggère qu’il existe des services de vulgarisation efficaces,
capables d’orienter les agriculteurs dans le choix des cultures et des
pratiques culturales les plus appropriées (par exemple
diversification de la production plutôt que monoculture).
p.21
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Manuel 2: Les instruments d’une politique agricole
Chapitre 2: Mesures d’intervention complémentaires aux politiques des prix
Encadré 1
Facteurs de développement au Sénégal: un aperçu
Facteurs naturels1
Pendant les vingt dernières années, les ressources naturelles du Sénégal ont subi une
dégradation croissante qui met en cause la préservation de la base productive du pays.
Quelques indicateurs de base peuvent aider à mieux apprécier l’envergure du problème.
La dégradation des ressources en eau se manifeste notamment par l’intrusion marine. A cela
s’ajoute la pollution des eaux douces souterraines par l’infiltration des eaux de ruissellement
drainant des pesticides, des germes pathogènes provenant de mauvais systèmes
d’assainissement.
Les sols convenant à l’agriculture sont limités et sont estimés à 19% de la surface totale. Ils se
dégradent sous l’effet conjugué de la sécheresse, de la diminution de la couverture forestière
et de l’utilisation insuffisante ou inapropriée de fertilisants, ce qui engendre une forte
réduction des rendements agricoles.
La déforestation est évaluée à 80.000 ha par an. Les forêts naturelles qui, en 1980,
représentaient 8,1 millions d’hectares sur un total de 11 millions d’hectares de ressources
forestières ne constituaient plus en 1990 que 7,5 millions d’hectares, soit une disparition de
quelque 7,4% des ressources végétales en 10 ans. Entre 1980 et 1990, les ressources ligneuses
ont accusé une baisse moyenne annuelle d’environ 2 millions de m3. Au même moment, la
productivité naturelle des formations forestières en voie de dégradation a connu une baisse de
0,1 à 0,4 m3. par hectare par an dans la moitié Nord et 1,5 à 3 m3 par hectare par an dans la
moitié Sud.
Facteurs humains2
Education. Le taux d’analphabétisme de la population âgée de 15 ans et plus atteint 62%; le
taux d’analphabétisme féminin se situe à environ 77%, l’enseignement secondaire ne touche
globalement que 11% de la population d’âge scolaire (7% seulement des filles).
Santé publique. Le paludisme, les maladies respiratoires, les maladies diarrhéiques, toutes
véhiculées par l’eau, auxquelles s’ajoute le SIDA occupent la première place des causes de
morbidité et de mortalité au Sénégal. Le paludisme en particulier est particulièrement
préoccupant dans la mesure où il touche les femmes enceintes, les jeunes enfants, les couches
les plus défavorisées, entraînant par là de lourdes pertes économiques dans le monde rural. A
celles-ci s’ajoutent d’autres maladies plus ou moins importantes selon les régions telles que la
biharziose qui a fait son apparition récemment dans la zone du bassin de l’Anambé et
l’onchocercose qui sévit à Vélingara. Par ailleurs, les indicateurs principaux du service
sanitaire révèlent que seulement 40% de la population ont accès aux soins de santé et que la
population par médecin atteint 31.903 personnes.
Population. Même selon les hypothèses les plus optimistes de baisse de la fécondité, en 2020
la population du Sénégal aura doublé pour dépasser les 16 millions d’habitants. A cette
époque, la population urbaine sera de 9 millions. Cela intensifiera les pressions sur les
services aux consommateurs et le secteur social. La résistance traditionnelle au changement
dans le domaine de la fécondité et la faible disponibilité de services dans le domaine de la
santé familiale surtout en milieu rural constituent des contraintes majeurs dans ce domaine.
Pauvreté. Près de 43,9% des ménages au Sénégal ont moins de 600 000 F CFA de revenu par
1
FAO, 1999, Stratégie de développement de la petite irrigation au Sénégal, Version provisoire
Guissé M., 1999, Les instruments stratégiques de politique agricole: les instruments de politiques non liées aux
prix, Preojet de Renforcement des Capacités Techniques et d’Analyse des Organisations Paysannes, FAO
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2
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Manuel 2: Les instruments d’une politique agricole
Chapitre 2: Mesures d’intervention complémentaires aux politiques des prix
an soit 50000 F CFA par mois. Plus précisément en milieu rural cela touche 61% des
ménages.
Il faut constater par ailleurs que la part de l’agriculture dans le revenu du ménage est faible
(3,2%). Il est même dépassé par celui de l’élevage (11,2%).
En milieu rural les ressources non agricoles prédominent également (39,2%). L’agriculture et
l’élevage ont un poids de 22,7% .
Au Sénégal des tendances préoccupantes se dessinent indiquant que les pauvres sont à la fois
victimes et auteurs de la dégradation de l’environnement. La diminution des terres de culture
et leur appauvrissement associés à une croissance démographique de 2,6% par an sont en
grande partie à l’origine de l’exode rural accéléré. Entre 1990 et 1996 la proportion des
citadins est passée de 35% à 42% avec tout le lot de problèmes environnementaux qui en
découlent : i) infrastructures sanitaires insuffisantes; ii) pollution à l’intérieur des bâtiments;
iii) insuffisance des services d’enlèvement et de gestion des déchets; iv) précellence des
maladies transmises par l’eau et des maladies contagieuses.
Facteurs techniques et physiques3
Engrais chimiques. En général, en Afrique subsaharienne les engrais sont encore peu
employés par rapport aux autres régions du monde. Ceci est dû à l’insuffisance des
infrastructures routières, ce qui rend les coûts de distribution plus élevés, à l’absence de
débouchés commerciaux pour la production, et souvent à la faible réponse des rendements
aux risques élevés que comporte l’utilisation des engrais dans des systèmes de culture
traditionnels de subsistance. Bien que la consommation d’engrais au Sénégal soit aussi assez
faible par rapport aux autres régions du monde, le pays se positionne néanmoins à un niveau
plus élevé que les pays voisins et en particulier des pays de la Commission Economique des
Pays de l’Afrique de l’Ouest (ECOWAS). La consommation par hectare d’engrais était en
effet de 2,8 tonnes au Sénégal contre 1,96 tonnes dans la région ECOWAS (Nigéria exclu).
La consommation du Sénégal a toutefois connu une forte baisse à partir de 1994, lorsque elle
avait atteint 3,2 tonnes/ha. Cette baisse se justifie par la dévaluation du FCFA.
Machines. L’utilisation de machines agricoles est aussi très faible en Afrique subsaharienne
par rapport aux autres régions du monde. Avec un nombre de tracteurs de 550 unités environ,
le Sénégal présente un coefficient de machines agricoles par 1000 hectare (0,068 en 1997)
plus faible que la moyenne des autres pays ECOWAS (0,089 la même année). Le coefficient
est resté quasiment stable au cours de la décennie.
Irrigation. La surface irriguée au Sénégal représente en moyenne environ 1% de la surface
agricole totale contre 0,3% en moyenne dans la région ECOWAS (Nigéria exclu). En chiffres
absolues, les surfaces irriguées effectivement exploitées au Sénégal se situent aux environs de
61.000 hectares, alors que le potentiel irrigable est de 350.000 hectares et les surfaces
aménagées représentent 102.000 hectares.
Exploitant
Comme il a été rappelé plus haut, l’agriculteur est appelé à exercer
plusieurs fonctions, alors que les travailleurs des autres secteurs
économiques sont généralement spécialisés dans une fonction. Ces
fonctions sont d’autant plus compliquées que les conditions des sols
et du climat varient considérablement et que les activités menées par
l’agriculteur sont fortement diversifiées.
L’éducation,
la
formation,
la
communication,
la
création
3
FAO, 1999, Stratégie de développement de la petite irrigation au Sénégal, Version provisoire et Statistiques
FAO
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Manuel 2: Les instruments d’une politique agricole
Chapitre 2: Mesures d’intervention complémentaires aux politiques des prix
d’associations de producteurs, la vulgarisation, la décentralisation,
la participation, la bonne gouvernance, constituent autant de
domaines d’intervention de la part du secteur public qui pourraient
contribuer au développement de conditions favorables à
l’amélioration des savoirs des paysans.
Exploitation
Spéculations
Les rôles de
l’agriculture
Economique
L’exploitation est composée de (i) un groupe humain qui met en
valeur des (ii) ressources naturelles (sols, eau, etc.) à l’aide de (iii)
moyens techniques et matériels, ainsi que de (iv) savoirs.
L’exploitation n’est pas une entité fixe. L’extension et la
composition même des structures qui la composent changent avec
les conditions naturelles et les méthodes et techniques de production
employées. Ainsi dans une même région peuvent cohabiter des
types d’exploitation très différentes entre elles avec des modes de
production aussi différents que l’agriculture itinérante ou sédentaire,
l’utilisation de communs. L’introduction de nouvelles technologies
peut comporter une transformation des dimensions et des systèmes
de production. Ces transformations ont des implications importantes
en termes de politique car elles mettent en cause des domaines tels
que les droits de propriété, la recherche, le cadastre foncier, jusqu’à
la réforme agraire lorsque, par exemple, persistent dans un pays
donné des situations de rente très importantes.
Lorsque des politiques de développement agricoles sont identifiées,
il ne faut pas oublier de considérer leur possible impact sur les
réactions des exploitants quant au choix des spéculations et des
systèmes de production. Les décisions des exploitants sont toujours
prises sur la base des coûts et des recettes ou bénéfices. Ces coûts et
bénéfices peuvent être monétaires et non monétaires (prestige,
respect, satisfaction morale, responsabilité à l’intérieur de la
communauté, etc.). Autrement dit, les exploitants vont toujours se
demander non pas si de nouvelles technologies vont être efficaces,
mais si leur introduction va leur permettre d’augmenter leur
bénéfices nets. Le critère de décision sur les spéculations d’une
exploitation qui produit principalement pour l’autoconsommation
sera sans doute basé sur la possibilité d’obtenir assez de produit
pour la satisfaction des besoins de la famille. Le critère de décision
d’une exploitation ouverte au marché sera au contraire basé sur la
possibilité d’accès au marché et sur les prix relatifs des produits.
Enfin, le critère pour un exploitant qui a, par exemple, des
opportunités de travail à l’extérieur du secteur agricole pendant une
période de l’année sera celui de choisir des spéculations qui ne
demande pas de travail pendant la saison où il est absent.
La contribution de loin encore la plus importante de l’agriculture à
l’économie des pays en développement est la production d’aliments
pour nourrir une population en forte croissance. S’ajoute ensuite la
production de matières premières destinées à l’exportation et en
moindre partie à la transformation domestique. Les revenus des
exportations représentent une part considérable des réserves en
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Manuel 2: Les instruments d’une politique agricole
Chapitre 2: Mesures d’intervention complémentaires aux politiques des prix
devises étrangères avec lesquels les pays peuvent financer les
importations. Dans beaucoup de pays, le secteur agricole est une
source de capitaux pour le développement des secteurs non
agricoles, que ce soit sous forme de taxes payés à l’état, transferts
en argent ou en espèce aux membres de la famille émigrés en ville,
main d’œuvre. Enfin, les populations des zones rurales constituent
encore le principal consommateur de produits non agricoles. Avec
le développement agricole se développent aussi d’autres valeurs
économiques dans les zones rurales, telles que le tourisme/loisir et
l’artisanat, qui peuvent être complémentaires ou en conflit avec la
production agricole.
Social
L’agriculture n’a pas qu’une fonction productive. Dans beaucoup de
pays, elle est encore associée à des valeurs perçues comme
positives, telles que culture, langue, tradition, identité, qui
représentent le fondement de la cohésion sociale non seulement
pour les résidents dans les zones rurales mais aussi pour les
membres de la famille émigrés en ville qui restent, au moins dans
un premier temps, fortement liés à leur terroir. L’évidence montre
que souvent le développement agricole est accompagné par une
déstructuration plus ou moins importante de ces valeurs due
principalement aux phénomènes d’exode rural. D’autre part, il est
vrai aussi que le développement introduit d’autres valeurs sociales
telles qu’une meilleure éducation des résidents dans les zones
rurales, un plus grand dynamisme des agriculteurs, qui peuvent se
traduire ensuite par une réduction de la pauvreté, ainsi que des
inégalités sociales (sexe et classes d’âge).
Environnemental
L’environnement assure trois fonctions économiques principales :
intrants pour la production agricole (sols, eau, oxygène, lumière) ;
absorption des déchets produits par les activités économiques ;
aménités (beauté du paysage, etc.). La dégradation de ces fonctions
se répercute sur le développement économique et social des pays.
En prenant l’exemple de l’agriculture, des systèmes de production
comportant un recours excessif aux produits chimiques, à
l’irrigation et au travail mécanisé du sol peuvent entraîner des effets
néfastes comme la pollution de l’eau, l’érosion des sols, la réduction
de la capacité de résistance et de la diversité des écosystèmes. Ceci
augmente la vulnérabilité des sols aux aléas climatiques (sécheresse,
inondations, pluies torrentielles, etc.) et les risques liés à la
production agricole avec toutes les conséquences sociales et
économiques qui en découlent. Le respect de l’environnement est
donc une condition nécessaire pour un développement durable de
l’agriculture.
Les politiques d’intervention seront choisies en fonction des
priorités de développement du pays. Selon la situation spécifique du
pays, celles-ci pourront porter une préférence sur l’une ou l’autre
fonction de l’agriculture. Mais ce qui est important est que les
mesures de politique retenues soient mise en place en pleine
p.25
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Manuel 2: Les instruments d’une politique agricole
Chapitre 2: Mesures d’intervention complémentaires aux politiques des prix
conscience des répercussions en termes de coûts et d’avantages
qu’elles peuvent avoir sur l’une ou l’autre fonction de l’agriculture.
Ainsi si la priorité de développement d’un pays donné est de
augmenter la production agricole à travers une utilisation accrue de
produits chimiques, les possibles coûts ou avantages économiques,
environnementaux et sociaux en termes, par exemple de sécurité
alimentaire, doivent être également pris en considération.
Domaines et mesures
d’intervention
Aux paragraphes précédents nous avons analysé les raisons pour
lesquelles l’intervention de l’état peut se rendre indispensable pour
le développement agricole et rural. Des implications possibles en
termes de mesures d’intervention ont aussi été évoquées. Dans ce
paragraphe sont proposées une classification des mesures de
politique possibles et l’analyse du cadre dans lequel elles peuvent
être appliquées.
Les mesures de politique peuvent être classifiées sur la base des
objectifs visés (par exemple, politiques des ressources naturelles,
politiques d’accès aux intrants, marchés, crédit), ou sur la base des
modalités de mise en œuvre. Dans ce document nous avons opté
pour cette dernière classification parce qu’elle permet une
distinction plus nette entre les différentes catégories qui la
composent. Trois grandes catégories peuvent être retenues: (i)
investissements directs en projets de développement; (ii)
programmes d’appui; (iii) législation et réformes institutionnelles.
En général, ces mesures sont adressées au développement du capital
humain, capital naturel et capital technique et physique.
Investissements publics
directs en projets de
développement
Depuis quelques années on assiste à un désengagement progressif
de l’état de la production de biens et services. Ceci est en général
justifié d’une part par les hauts niveaux de l’endettement et des
déficits de budget des pays en développement et de l’autre par les
résultats pas toujours satisfaisants du contrôle direct des activités de
production, transformation, commercialisation et services de
support de la part de l’état lors des décennies précédentes. Dans des
conditions spécifiques il se peut, toutefois, que l’état puisse jouer
aussi un rôle important comme producteur et fournisseur de biens et
services. C’est le cas, par exemple, de certaines activités qui
demandent des investissements qui: (i) ne sont pas rentables du
point de vue financier mais qui ont une rentabilité économique
élevée; (ii) concernent des biens publics ou qui génèrent beaucoup
d’externalités4; (iii) supportent des coûts élevés au début du projet et
produisent les bénéfices à long terme.
4
Les externalités sont des coûts ou des bénéfices générés par une activité économique et imposés à des tiers en
dehors de toute compensation monétaire. Ainsi, par exemple, un investissement en infrastructures routières
utilisera des matériaux de constructions, des machines, de la main d’oeuvre pour lesquels l’entreprise de
construction assume un coût monétaire (prix d’achat ou salaire). Mais la réalisation du projet entraîne d’autres
coûts possibles, cette fois non compensés, tels que la pollution de l’eau, la dégradation des sols, etc., qui sont
assumés par toute la collectivité sous forme de pertes économiques (eau non potable), de loisirs (eau impropre à
la baignade), etc. Ces coûts ne sont pas compensés car l’entreprise de construction n’indemnise pas les
populations victimes de cette pollution. Ces coûts non indemnisés sont en général dénommés “externalités” ou
p.26
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Manuel 2: Les instruments d’une politique agricole
Chapitre 2: Mesures d’intervention complémentaires aux politiques des prix
Ces types d’investissements peuvent intéresser les trois catégories
de facteurs de développement identifiés à la Fig.1. Ainsi les grands
ouvrages qui concernent le capital naturel (projets de conservation
des sols, de protection de la biodiversité, de reboisement, etc.) mais
aussi le capital humain (formation, vulgarisation, assistance
technique, R&D, etc.) et le capital physique et technique
(infrastructures routières, irrigation, chemins de fer, communication,
électricité, écoles, centres de recherche, etc.) seront très
probablement pris en charge par le Gouvernement car ils présentent
tous une ou plusieurs des caractéristiques évoquées ci-dessus.
Ceci ne veut pas dire toutefois que les privés ne puissent pas être
impliqués dans ces investissements. Au contraire, l’expérience
montre qu’il existe des complémentarités et des synergies possibles
entre les investissements privés et les investissements publics. Les
meilleurs résultats en termes de rendements aussi bien financiers
que économiques sont souvent atteints lorsque les politiques
d’investissements publics sont accompagnées par un système
d’incitations aux investissements privés et par une implication et
une responsabilisation directe des bénéficiaires. Une approche de ce
type a été adoptée, par exemple, dans la formulation de la
« Stratégie de développement de la petite irrigation et plan
d’action »5 pour le Sénégal, qui prévoit la prise en charge par l’état
de l’élaboration du cadre normatif , l’étude, la programmation et la
réalisation des ouvrages structurants, l’entretien et la réhabilitation
des aménagements structurants, et la mise en place d’un système
d’incitations à l’investissement privé, alors que le secteur privé et
les collectivités locales sont appelées à mettre en œuvre les
périmètres irrigués, de gérer les ressources (foncières et hydriques)
et les ouvrages, de mettre en place les actions d’appui, de formation
et de sensibilisation. Une revue des investissements directs
généralement pris en charge par l’état est proposée à l’encadré 2.
Programmes d’appui
Bien que les programmes d’appui ne visent généralement pas
directement le développement du secteur agricole, ils peuvent jouer
un rôle d’accélérateur du développement, surtout lorsque ils
intéressent des domaines tels que l’éducation et la formation, la
santé publique, la démographie, la lutte contre la pauvreté.
L’éducation, par exemple, est sans doute un facteur essentiel pour le
développement durable du secteur agricole dans la mesure où elle
permet la mise à jour des connaissances et l’amélioration des
compétences et de l’habilité dans la mise en œuvre des
connaissances acquises. Dans les pays en développement, le bas
“déséconomies externes”. Les externalités peuvent être négatives (coûts), comme dans notre exemple, ou
positives (bénéfices).
5
FAO, 1999, Stratégie de développement de la petite irrigation au Sénégal, Rapport N. 99/025 CP-SEN, Version
provisoire
p.27
TCP/6713/SEN
Manuel 2: Les instruments d’une politique agricole
Chapitre 2: Mesures d’intervention complémentaires aux politiques des prix
niveau d’instruction des agriculteurs et le manque d’expertise des
techniciens agricoles comptent souvent parmi les contraintes les
plus importantes à l’adoption de technologies de production plus
productives. Ce problème est particulièrement important au Sénégal
(voir encadré 1).
La santé aussi représente souvent une contrainte au développement
agricole. Celle-ci n’affecte pas seulement la productivité des
personnes atteintes lorsqu’elle touche la population active, mais elle
peut coûter très cher aux ménages affaiblis et aux institutions,
notamment pour les raisons suivantes: réorientation des fonds
d'investissement vers les soins de santé, coûts des funérailles,
absentéisme, coûts de recrutement et de remplacement du personnel,
perte de personnel qualifié ou non, baisse de productivité due au
manque de personnel expérimenté (voir encadré 1 sur la situation de
la santé publique au Sénégal).
La population des pays en développement augmente à des taux plus
élevés que le produit intérieur brut. Ceci se répercute sur les revenus
des ménages (surtout des plus pauvres) et sur la capacité de ceux-ci
de s’approvisionner en intrants. Par ailleurs, la croissance rapide de
la population pose un problème de pression sur les ressources
naturelles d’où une chute de la productivité qui s’accompagne d’un
taux d’adoption de nouvelles technologies très bas. La réduction du
taux de croissance de la population devient donc un élément
fondamental dans toute stratégie de l’état visant au développement
agricole et à la réduction de la pauvreté.
La pauvreté dans les pays en développement touche surtout les
populations rurales. La difficulté d’accès de celles-ci à la terre et
aux intrants fait qu’elles se trouvent à exploiter les sols plus fragiles,
d’où une baisse de productivité et une insécurité alimentaire
croissante, soit elles “sortent” du secteur agricole pour s’engager
dans des activités non agricoles (c’est le cas, par exemple, du
Sénégal). Par ailleurs la fécondité des couches les plus pauvres est
beaucoup plus élevée que la moyenne, ce qui accentue le problème
de pression démographique et de dégradation des ressources
naturelles. Il a déjà été rappelé plus haut que la femme joue un rôle
essentiel dans la lutte contre la pauvreté. Des programmes publics
spécifiques adressés aux femmes pourraient se révéler les plus
efficaces à ce sujet. Un programme d’éducation des jeunes femmes
actives pourrait, par exemple, avoir des effets bénéfiques sur la
productivité des femmes ainsi que sur la santé, l’alimentation et
l’éducation des enfants.
Les mesures prises par le Gouvernement du Sénégal pour faire face
aux problèmes de l’éducation, de la santé, de la démographie et de
la pauvreté sont résumées à l’encadré 3.
p.28
TCP/6713/SEN
Manuel 2: Les instruments d’une politique agricole
Chapitre 2: Mesures d’intervention complémentaires aux politiques des prix
Encadré 26
Quelques investissements publics directs typiquement pris en charge par l’état dans les
pays en développement
Recherche & Développement (R&D). Le développement agricole d’un pays est strictement
lié à la capacité de celui-ci d’adapter les technologies de production aux changements des
conditions de marché et de l’évolution générale de la société. La R&D est le moyen par le
biais duquel cette adaptation peut être réalisée. Celle-ci vise en général trois objectifs: (i)
augmentation des rendements; (ii) meilleur accès à la nourriture; (iii) amélioration de la
qualité des produits agricoles. Les impacts des résultats de la recherche se répercutent au
niveau économique, social et environnemental. Les gains de productivité, par exemple,
peuvent faire baisser les prix des denrées alimentaires et réduire les importations
(économique), améliorer la sécurité alimentaire des groupes sociaux les plus vulnérables
(social), réduire l’exploitation des terres agricoles les plus sujettes à dégradation
(environnement). Le Sommet Mondial de l’Alimentation (SMA) résumait ainsi les résultats
de R&D des dernières décennies dans les pays en développement: (i) des disponibilités
alimentaires accrues et plus stables au niveau national et dans les ménages; (ii) la baisse des
prix céréaliers sur les marchés internationaux et nationaux; (iii) une moindre dépendance visà-vis de l’aide alimentaire, mesurée en pourcentage de la consommation totale d’aliments; (iv)
l’accroissement de l’emploi et des revenus grâce à une croissance économique induite par
l’agriculture; (v) le recul de la pauvreté.
La prise en charge par l’état de ces activités est en général justifiée sur la base de deux
éléments: (i) les coûts considérables d’investissement et de fonctionnement et les risques
élevés associés aux résultats; (ii) aspect multifonctionnel de la recherche (technique,
économique, social, environnemental).
Bien que la tendance soit vers un transfert progressif de ces activités vers le secteur privé
(dans les pays industrialisés, 30 à 40% de la recherche est assurée par des groupes privés,
alors que ce pourcentage se situe encore aux environs de 5% dans les pays en
développement), l’état conservera toujours un rôle important dans la recherche et tout
particulièrement dans les domaines qui intéressent de plus près les impacts sociaux et
environnementaux des technologies mises au point (par exemple, les impacts
environnementaux de l’intensification).
Au Sénégal la politique de R&D ainsi que définie dans le cadre du Programme des Services
Agricoles et d’Appui aux Organisations des Producteurs (PSAOP) mis en place par le
gouvernement sur financement de la Banque mondiale et avec l’assistance technique de la
FAO ne révèle pas une tendance vers la privatisation de ces services mais souligne
l’importance d’une plus grande implication des organisations paysannes et des services de
conseil agricole et rural dans la définition des stratégies de recherche agricole.
Irrigation L’accroissement de la production qui permettra de satisfaire la demande
alimentaire croissante de la population mondiale sera assurée en grande partie par l’irrigation.
D’après les experts, 80% des gains de production vivrière proviendront de l’agriculture
irriguée. Mais beaucoup de pays en développement, surtout en Afrique, n’ont pas
suffisamment de ressources en eaux ou elles sont difficilement exploitables. Dans ce
continent, un nombre toujours plus grand de personnes est menacé par les effets de
sécheresses inévitables, d’ampleur variable. En Afrique subsaharienne, la productivité
agricole par habitant n’a pas progressé aussi vite que la population et la situation
nutritionnelle de la région est moins bonne aujourd’hui qu’il y a 30 ans: la production vivrière
a progressé d’environ 2,5 pour cent par an, alors que la population a augmenté au rythme de
6
Guissé M. (op. cit.) et Documents techniques du Sommet Mondial de l’Alimentation (1996)
p.29
TCP/6713/SEN
Manuel 2: Les instruments d’une politique agricole
Chapitre 2: Mesures d’intervention complémentaires aux politiques des prix
plus de 3 pour cent l’an. Auparavant, l’Afrique continuait à produire davantage d’aliments
grâce à l’expansion des superficies cultivées, mais comme les bonnes terres encore
disponibles se raréfient dans la région, elle devra intensifier les systèmes de production pour
accroître les rendements. La mise en valeur des ressources en eau sous ses diverses formes,
allant de la récolte de l’eau à l’irrigation moderne par canalisation, est appelée à jouer un rôle
de premier plan dans la transformation de l’efficacité et de la sécurité des approvisionnements
alimentaires en Afrique.
L’état continuera à jouer un rôle important dans la mise en valeur de cette ressource surtout en
ce qui concerne la réalisation des infrastructures, mais encore plus important sera le rôle qu’il
sera appelé à jouer dans la mise en place d’incitations (droits de propriété, association
d’usagers, responsabilisation des usagers, législation appropriée, etc.) capables d’assurer une
bonne gestion des structures. Faute de quoi, les agriculteurs (et les consommateurs) auront
beaucoup moins de possibilités de bénéficier de toutes les techniques agricoles existantes.
Infrastructures physiques (routes, électrification, communication, hydraulique rurale,
dispensaires, écoles). La nécessité de favoriser le désenclavement des zones de production,
de faciliter l’évacuation des produits agricoles et le transport des intrants et marchandises,
d’améliorer le stockage, la conservation , la transformation des produits agricoles et les
conditions de vie ont une influence importante sur la compétitivité du secteur agricole.
L’expérience montre que, pour assurer la durabilité de l’infrastructure et des services ruraux,
il est essentiel que les bénéficiaires et les communautés concernés se sentent propriétaires et
qu’ils assument (comme pour l’irrigation) les plus grandes responsabilités possibles de
l’exploitation et du maintien en état dans la phase après-investissement.
Les investissements dans la transformation après-production, la commercialisation et la
distribution doivent être planifiés conjointement, plutôt que partagés entre les secteurs public
et privé. Le secteur privé ne pourra être efficace que si ses investissements concordent en lieu
et en temps avec les investissements faits par l’état dans la création de routes, marchés et
autres infrastructures.
Réformes
institutionnelles
Le système institutionnel d’un pays est l’ensemble des
organisations et groupements, publics ou privés, ainsi que des
règles qui sous-tendent leur fonctionnement. Le système
institutionnel joue un rôle de premier ordre dans le développement
rural et du secteur agricole en particulier car il: (i) influence
l’efficacité et la qualité du cadre législatif intéressant le secteur
agricole; (ii) fournit les bases pour une meilleure prise de
conscience, circulation et communication de l’information (voir,
par exemple, l’importance dans le développement agricole des
informations sur les prix des produits agricoles, sur les prévisions
météo, sur les droits de propriété, etc.); (iii) assure le respect de
l’application des règles; (iv) peut encourager et faciliter la
participation et la négociation entre les parties intéressées.
En général, toutefois, le système institutionnel des pays en
développement, et particulièrement celui des zones rurales, n’est
pas suffisamment développé pour assurer efficacement les services
mentionnés à cause d’une série de problèmes tels que la dispersion
et la fragmentation des exploitations, les difficultés d’accès des
agriculteurs aux marché et aux services, le manque de personnel
qualifié, la faible collaboration et coordination des institutions, la
compétition entre les institutions, l’insuffisance des ressources
p.30
TCP/6713/SEN
Manuel 2: Les instruments d’une politique agricole
Chapitre 2: Mesures d’intervention complémentaires aux politiques des prix
financières, la désignation des responsabilités peu claire, le peu ou
pas d’implication des organisations privées.
En outre, le système institutionnel souffre très souvent d’une
centralisation excessive, ce qui fait que il ne reflète pas toujours les
exigences réelles venant de la base ou bien il n’assure pas
suffisamment d’autonomie et de ressources aux institutions locales.
L’état peut intervenir à deux niveaux en ce qui concerne les
politiques institutionnelles: la réforme du cadre législatif et la
réforme des organisations.
En ce qui concerne le cadre législatif, il est important de souligner
qu’un système de lois clair, solide et fiable est essentiel dans le
développement agricole ainsi que pour tout autre activité
économique. Les droits de propriété, les obligations contractuelles,
les groupements et associations doivent être supportées par un
système de règles et de lois capables d’éviter ou réprimer les
transgressions.
Le réforme du cadre législatif entraîne aussi généralement une
réforme de l’organisation de l’administration publique et la création
ou adéquation des organisations privées pour en assurer la mise en
œuvre, le respect et le suivi. Les réformes institutionnelles qui ont
intéressé de plus près les pays en développement dans ces dernières
décennies sont: (i) la décentralisation; (ii) la libéralisation; (ii) la
privatisation; (iii) la réforme du régime foncier; (iv) gestion des
ressources en eau.
Les politiques envisagées par le gouvernement du Sénégal dans ces
domaines sont présentées à l’encadré 4.
Encadré 37
Programmes nationaux : éducation, santé et pauvreté au Sénégal
Le Programme de Développement des Ressources Humaines (PDRH) cofinancé par l’état,
les collectivités locales et leur partenaires au développement, a permis la construction et
l’équipement de 2.482 classes pour l’enseignement scolaire, le recrutement annuel de 500
maîtres et 1 200 volontaires de l’éducation. Ce programme a permis de faire passer le taux de
scolarisation à 61,7% en 1998 contre 54,6% en 1994, avec un accroissement plus substantiel
du taux de scolarisation des filles, et la correction de disparités régionales.
Au niveau de l’éducation de base (alphabétisation des adultes et promotion des langues
nationales), le Gouvernement a adopté la stratégie du « faire faire » aux travers des projets
d’opérateurs en alphabétisation. Les effectifs des auditeurs ont progressé de 44.749 en 1993 à
160.039 en 1997 et ont plus que triplé en 5 ans (1993 – 1997) avec un cumul de 583.965
auditeurs dont 382.972 femmes (79%) dans les 6 langues nationales et dans 5.300 classes.
L’objectif final est l’éradication de l’analphabétisme par la réduction de 5% par an du taux
d’analphabétisme estimé à 52,78%, ceci à travers une démarche qui privilégie la correction
7
Guissé M. (op. cit.)
p.31
TCP/6713/SEN
Manuel 2: Les instruments d’une politique agricole
Chapitre 2: Mesures d’intervention complémentaires aux politiques des prix
des disparités entre sexes, âges et régions.
Lettre de Politique Sectorielle (LPS). Le Gouvernement a adopté une Lettre de Politique
Sectorielle (LPS), qui doit être mise en œuvre dans le cadre du Programme de Développement
Intégré de la Santé (PDIS, 1998 – 2002). La LPS comporte les principales réformes
suivantes : (i) la réorganisation du Ministère de la Santé et le renforcement de ses capacités,
(ii) la réforme hospitalière, (iii) la réforme pharmaceutique, (iv) le financement de la santé, (v)
la réforme du système d’information et de gestion, (vi) le développement du partenariat. Un
guide du partenariat contenant les différents éléments contractuels devant lier la Ministère de
la santé et les ONG a été défini. Par ailleurs, la communauté rurale reçoit la compétence
relative à la construction, la gestion, l’entretien et l’équipement de postes de santé, de
maternités et de cases de santé ruraux. En matière de dépenses publiques, l’état a pris
l’engagement depuis 1992 d’augmenter chaque année de 0,5% la part du budget de la santé,
qui a atteint 8,25% du budget national en 1998. La participation financières des populations
aux frais de santé est passée de 300 millions en 1980 à plus de 4 milliards en 1996.
Plan de développement économique et social. Dans le cadre du 9° plan de développement
économique et social (1960-2001), le gouvernement a retenu un projet de programme national
de lutte contre la pauvreté comprenant des stratégies et un plan d’action. Les stratégies sont
axées sur des programmes d’investissements sectoriels qui seront complétés par des activités
génératrices de revenus et de création d’emplois pour les groupes vulnérables (notamment les
femmes et les jeunes chômeurs). Ce programme sera fortement décentralisé et consultatif.
La stratégie du Gouvernement pour atteindre ces objectifs repose sur un principe de cogestion
et de partage des coûts de réalisation et de maintenance entre l’état et les collectivités
décentralisées. L’état, au travers des administrations déconcentrées, veillera au respect de la
légalité par les collectivités décentralisées et structures associatives à la base dans leur
décision, mode de fonctionnement, et gestion des programmes de développement; mettra à la
disposition de ces structures des appuis, notamment en matière de réglementation; facilitera la
concertation entre les différents acteurs du développement local; veillera à la cohérence des
instruments, actions et programmes d’aménagement et de développement à l’échelon national,
régional et local (harmonisation entre les plans locaux de développement, les schémas
régionaux d’aménagement du territoire et le plan d’aménagement du terroir).
Les populations, par le biais de leurs collectivités décentralisées et de leur structures
associatives à la base ont la compétence s’occuperont de: (a) choisir et mettre en œuvre les
priorités du développement communautaire en matière d’infrastructures sociales et de
services sociaux essentiels ; et (b) promouvoir un environnement local, notamment en termes
d’infrastructures économiques essentiels, qui soit propice aux initiatives privées génératrices
de revenus.
p.32
TCP/6713/SEN
Manuel 2: Les instruments d’une politique agricole
Chapitre 2: Mesures d’intervention complémentaires aux politiques des prix
Encadré 4
Politiques de réforme institutionnelle au Sénégal
Décentralisation8. Les réformes économiques des années 1990 ont été accompagnées par
l’élargissement et la clarification du cadre législatif et réglementaire de la décentralisation.
L’évolution institutionnelle en matière de décentralisation remonte à l’époque coloniale avec
la mise en place de 4 communes urbaines à la fin du siècle dernier (Dakar, Rufisque, Gorée et
Saint-Louis). C’est seulement en 1972 que la décentralisation fut élargie aux zones rurales
avec la promulgation des lois 72-02 et 72-25, sous une forme toutefois fort limitée. En effet
malgré la mise en place du conseil rural (CR), c’est le sous-préfet qui préparait et exécutait le
budget, en tant qu’ordonnateur des crédits. Ce pouvoir ne sera atténué qu’en 1990 à travers la
loi 90-37 qui confère désormais la compétence de la gestion financière des communautés
rurales aux présidents de CR. En outre les compétences des CR en matière de développement
local étaient peu claires. La dernière étape de ce processus est constituée par l’adoption en
1996 de nouvelles lois de la décentralisation, accompagnées par plusieurs décrets
d’application, qui prévoient trois types de collectivités territoriales décentralisées : la région,
la commune et la communauté rurale qui sont dotées de la personnalité morale et de
l’autonomie financière et s’administrent librement par des conseils élus. Les textes prévoient
aussi : (i) le transfert de 9 domaines de compétences aux régions, communes et communautés
rurales ; (ii) la transformation de la majorité des contrôles à priori en contrôles de légalité à
posteriori.
Libéralisation et privatisation9. La libéralisation du secteur agricole, mise en œuvre en 1984
avec la NPA (Nouvelle Politique Agricole) et se poursuivant jusqu’à maintenant avec le
PASA (Programme d’Ajustement du Secteur Agricole-1994), vise globalement à réformer le
système d’administration des prix, de taxation et de subvention, mais aussi le système
institutionnel, le mode d’investissement et de distribution des intrants, de vulgarisation, de
commercialisation et de financement de l’agriculture.
Avec l’avènement de la NPA en 1984, la fonction de crédit , assurée jusque là essentiellement
par les sociétés Régionales de Développement Rural (SRDR) et les projets, est confiée au
secteur privé. La CNCAS, créée dans ce cadre en 1985, constitue la pièce maîtresse du
système de crédit agricole mis en place.
Les actions menées dans le cadre de la nouvelle politique agricole ont porté sur une plus
grande responsabilisation du paysan avec un transfert de certaines missions anciennement
dévolues aux organismes publics grâce à la réforme du système coopératif et à la révision du
mode d’encadrement; une révision de la politique en matière d’intrants axée sur : (i) la
suppression progressive des subventions engrais jusqu’en 1990 ; (ii) le transfert au secteur
privé des fonctions de distribution ; (iii) la libéralisation des importations d’intrants; (iv) une
réduction du rôle des organismes publics et des subventions qui leur étaient octroyées.
Cette politique est renforcée en 1994 par le PASA. Au niveau du secteur agricole, la politique
d'ajustement s'articule autour des axes ci-après:
Désengagement de l'Etat des activités marchandes, de production, de transformation et de
commercialisation.
Exercice effectif et efficient par l'Etat des missions de service public que sont la définition
des politiques et programmes, la réglementation des activités agricoles, la recherche
agricole, l'appui-conseil aux producteurs, la promotion d'un système de crédit rural viable,
adapté et sécurisé et la réalisation d'investissements structurants et collectifs.
8
9
Guissé M. (op. cit.)
Guissé M. (op. cit.)
p.33
TCP/6713/SEN
Manuel 2: Les instruments d’une politique agricole
Chapitre 2: Mesures d’intervention complémentaires aux politiques des prix
La privatisation des activités marchandes et, par suite, la responsabilisation des
producteurs dans la conduite de leur exploitation.
La libéralisation des prix et du commerce des produits agricoles.
La promotion d'organisations de producteurs, légalement constituées et fortement
représentatives capables de prendre en charge efficacement les intérêts et préoccupations
de leurs mandants.
Régime foncier10. La loi foncière au Sénégal (Loi n. 64/46 du 17 juin 1964, revue et corrigée)
divisait le domaine national en quatre catégories: les zones urbaines, les zones classées, les
zones de terroir, et les zones pionnières. Avec l’introduction de la loi sur le domaine national,
les droits traditionnels de tenure étaient en principe supprimés, et les conseils ruraux investis
du pouvoir en matière foncière, y compris celui d’allouer les droits d’usage de terres
disponibles selon la capacité de mise en valeur des paysans en quête de terre. Dans une
première phase, qui culmine avec la réforme territoriale de 1972, l’Etat sénégalais assure son
monopole foncier sur les terres du domaine national, dont, en 1964, il n’assurait que la
détention. Par le contrôle du fonctionnement des communautés rurales, l’état sénégalais va
orienter les pratiques foncières locales. A partir de 1981, l’administration sénégalaise a
préféré favoriser la libre entreprise et l’émergence d’une catégorie de petits propriétaires
agraires. Les lois de décentralisation de 1996 ont modifié certaines dispositions relatives aux
compétences foncières entre l’état et les collectivités locales dans la gestion du domaine de
l’état. La loi nouvelle associe les collectivités locales à la procédure de prise de décisions
relatives à leur occupation et leur utilisation. Tout le système a été conçu dans l’esprit de
privilégier la participation paysanne dans la gestion de la ressource foncière et de promouvoir
un développement réalisé à la base par les paysans au sein de leur terroir. Mais
paradoxalement, avec les lois de décentralisation, le pouvoir foncier des conseils ruraux est à
nouveau transféré à l’état. Cette démarche se justifie par la volonté de l’état d’attirer dans le
secteur agricole des acteurs nouveaux avec des capacités financières et entrepreneuriales,
capables de mettre en valeur les ressources foncières et les aménagements réalisés par l’état.
Gestion des ressources en eau. Les modalités de gestion de l’eau au Sénégal fait l’objet
d’une réglementation récente (Loi 81-13 portant Code de l’eau), mais la mise en œuvre du
code ne paraît pas encore satisfaisante, à cause surtout de procédures trop lourdes
d’autorisation pour le captage de l’eau, la non application des décrets (par exemple, les
redevances prévues par le code ne sont pas prélevées), la séparation des utilisateurs de la
gestion de l’eau (cette dernière de compétence exclusivement de l’administration centrale
déconcentrée). Ces contraintes suggèrent une révision des procédures de gestion de la
ressource.
Autres réformes11. A ces réformes s’ajoutent au Sénégal une série de mesures visant:
- à la restructuration de la recherche agricole et agro-alimentaire;
- à la réorganisation du Ministère de l’Agriculture et notamment au renforcement des
capacités d’analyse de conception et de formulation des politiques agricoles et à
l’amélioration des statistiques agricoles;
- au renforcement des capacités d’impulsion, d’orientation au niveau central et d’exécution
au niveau local;
- à la réorganisation du système de vulgarisation agricole pour mettre en cohérence l’offre
globale en conseil agricole (acteurs publics, organisations paysannes et acteurs privés
compris).
10
Fao, 1987, La réforme du droit de la terre dans certains pays d’Afrique francophone, par E. Le Roy. Etude
législative n. 44, Rome; http://www.fao.org/WAICENT/FAOINFO/SUSTDEV, Accès à la terre pour tous en
Afrique noire: une utopie?, par G. Ciparisse; FAO, 1999, Stratégie de développement de la petite irrigation au
Sénégal, Version provisoire
11
Guissé M. (op. cit.)
p.34
TCP/6713/SEN
Manuel 2:
Instruments de politiques agricole
Chapitre 3.
Politique de crédit et finances rurales
Chapitre 3
Politique de crédit et finances rurales
Objectifs du chapitre:
• donner un aperçu du contexte macro-économique qui détermine les politiques en matière
de crédit agricole et finances rurales;
• expliquer le rôle des banques dans la collecte de l’épargne et le crédit;
• expliquer le mécanisme du taux d’intérêt et sa fonction dans l’ajustement entre épargne et
investissement;
• donner un aperçu de l’expérience des politiques de crédit agricole;
• donner des informations et exemples sur les finances rurales.
Partie I. Le contexte macro-économique des politiques de crédit
Relation entre
épargnes,
investissements et
croissance
Nous avons vu dans le chapitre 2 du Manuel 1 Une politique
agricole dans son contexte national et international la balance des
ressources ou encore la balance épargne-investissement. Dans une
économie fermée, (n’entretenant aucun échange avec le reste du
monde), le volume total des investissements qui peut être réalisé au
cours d’une année par l’ensemble des agents investisseurs
correspond exactement au volume de l’épargne constituée par les
agents économiques. L’épargne, constituée par des biens (par
exemple animaux et bijoux) ou argent, est la différence entre le
revenu total et la consommation.
Plus la part des revenus consacrée à la consommation est
importante, plus la source des investissements sera faible et, en
conséquence, plus la croissance sera faible; à son tour une
croissance faible se traduira à l’avenir par une médiocre progression
des revenus qui ne permettra pas d’augmenter de beaucoup la
consommation. A l’inverse, si une part importante des revenus est
épargnée cette part peut être investie et la croissance pourra être
plus forte si les investissements sont rentables, ce qui se traduira à
l’avenir par des revenus plus élevés et, par la suite, par la possibilité
de consommer davantage.
35
PROJET FAO/FONGS (TCP/SEN/6713)
Manuel 2:
Instruments de politiques agricole
Chapitre 3.
Politique de crédit et finances rurales
Besoin en financement Si l’investissement envisagé est supérieur à l’épargne disponible on
aura un besoin de financement. En règle générale, les ménages,
considérés globalement, ont une capacité de financement (leur
épargne est supérieure aux investissements), tandis que les
administrations et les entreprises dégagent un besoin de
financement (leurs investissements dépassent le volume de leur
épargne).
Comment mettre en
communication les
capacités d’épargne et
les besoins en
financement?
Sans avoir recours à l’extérieur, il existe trois moyens par lesquels
les capacités d’épargne peuvent se mettre en communication avec
les besoins en financement. Ce sont: la collecte de l’épargne et le
crédit bancaire; l’émission et la souscription d’obligations et
l’émission et la souscription d’actions1.
La collecte de
l’épargne et le crédit
bancaire
Le ménage qui désire un prêt ou l’entreprise qui souhaite procéder à
un investissement peuvent s’adresser à une banque pour obtenir de
celle-ci un crédit à moyen ou long terme. La banque, cependant, ne
peut consentir ce crédit, et par suite immobiliser des fonds pour une
durée de 5 à 10 ans, voire davantage, que si elle dispose de
ressources stables. Cela suppose donc que la banque, dans le même
temps où elle accorde des crédits aux agents économiques ayant
besoin du financement, doit se préoccuper d’attirer vers elle
l’épargne des agents économiques ayant des capacités de
financement.
La collecte de
l’épargne est le
complément nécessaire
à l’attribution de crédit
à moyen et long terme
La collecte de l’épargne est donc le complément nécessaire à
l’attribution de crédits, particulièrement à moyen et long terme.
C’est dans la mesure où les banques font l’un et l’autre qu’elles
assurent la mise en correspondance des capacités et des besoins de
financement.
Il n’y a pas dans ce cas de relation directe entre le prêteur et
l’emprunteur. Les banques collectent des fonds auprès des premiers
et prêtent aux seconds. Cela implique, en particulier, que les
risques du prêt sont entièrement supportés par les banques. Si
l’entreprise ou le ménage à qui une banque a consenti un crédit est
dans l’incapacité de rembourser celui-ci à l’échéance, la banque en
supporte seule les conséquences. Cela ne diminue en rien
l’obligation où elle est de restituer le moment venu l’argent qu’elle
a reçu en dépôt des épargnants.
1
Ce mode de financement s’applique aux entreprises cotées en bourse ou aussi en dehors de la bourse.
Les actions sont des titres émis par les entreprises à destination des épargnants. Elles représentent une
part du capital de l’entreprise. La souscription d’une action donne droit au souscripteur, non pas à des
intérêts comme les obligations , mais à une part des bénéfices, ou si elle décide de les utiliser pour
financer des investissements plutôt que de les distribuer à ses actionnaires, ceux-ci ne percevront
aucune rémunération. En outre, les actions, à la différence des obligations, ne donnent pas lieu à
remboursement, de sorte que le souscripteur désireux de récupérer son argent ne peut le faire qu’en
revendant ses actions à d’autres épargnants.
36
PROJET FAO/FONGS (TCP/SEN/6713)
Manuel 2:
Instruments de politiques agricole
Chapitre 3.
Politique de crédit et finances rurales
L’analyse des risques
par les banques
Cela suppose donc que les banques procèdent, avant de consentir un
crédit, à une analyse attentive des risques de l’opération qu’elles
vont financer. Les banques peuvent également demander aux
emprunteurs que ceux-ci leur fournissent des garanties. Par
exemple, dans le cas où une banque finance l’acquisition ou la
construction d’un logement, il sera prévu dans le contrat entre la
banque et l’emprunteur que, dans le cas où celui-ci serait dans
l’incapacité de faire face au paiement des intérêts et au
remboursement du prêt, la banque sera en droit de faire vendre le
logement et de prélever ce qui lui est dû sur le produit de cette
vente. Dans le cas d’un crédit consenti à une exploitation agricole,
la banque pourra de la même manière exiger qu’une partie des terres
appartenant à l’agriculteur serve de garantie au prêt.
La viabilité des
banques
Les banques sont des entreprises qui ont des recettes et des coûts
d’opération (bâtiments, salaires, etc.); comme toute entreprise elles
doivent se préoccuper d’avoir une situation financière saine. Les
banques sont rémunérées pour leurs activités de crédit par la
différence entre le taux d’intérêt qu’elles versent aux épargnants
(taux créditeur) et le taux d’intérêt plus élevé (taux débiteur)
qu’elles facturent aux emprunteurs. Le taux débiteur peut varier en
fonction du risque de l’opération financée et de la nature des
garanties apportées par l’emprunteur : plus l’opération est risquée et
moins il y a de garanties, plus le taux d’intérêt du crédit sera élevé.
Emission et
souscription
d’obligations
A la différence du crédit, l’émission d’obligations établit une
relation directe entre l’emprunteur et le prêteur. Dans beaucoup de
pays, le gouvernement invite les prêteurs (les souscripteurs nationaux ou étrangers-) à mettre à sa disposition tout ou partie de
leur capacité de financement; il s’engage, en contrepartie, à lui
verser annuellement un intérêt et à lui rembourser le capital prêté à
une date convenue à l’avance (10 à 20 ans).
Par exemple, en 1994, le gouvernement sénégalais a émis des
obligations pour une durée de 12 ans qui ont été achetées par les
investisseurs du Sénégal et des autres pays de l’UMEOA.
Comment se fait
l’ajustement entre
épargne et
investissement?
Le taux d’intérêt est le mécanisme par lequel les agents
économiques disposant d’une capacité de financement acceptent de
mettre celle-ci, pour un certain temps, à la disposition des agents
économiques qui ont un besoin de financement. C’est la rencontre
entre l’offre d’argent (agents excédentaires) et la demande d’argent
(agents déficitaires) qui constitue le marché. Le taux d’intérêt est
donc le prix de l’argent pour une période donnée, généralement un
an.
Les défaillances du
marché
Néanmoins il faut dire que toute l’épargne disponible dans
l’économie n’est pas soumise aux mécanismes de marché. Une
partie importante des investissements est autofinancée:
des
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PROJET FAO/FONGS (TCP/SEN/6713)
Manuel 2:
Instruments de politiques agricole
Chapitre 3.
Politique de crédit et finances rurales
ménages, entreprises et gouvernements utilisent leur propre
épargne pour financer la plus large part de leurs investissements et
ne recourent au crédit bancaire ou au marché financier que pour
financer le complément.
En outre, les banques prêtent plus volontiers aux grandes entreprises
qui leur paraissent offrir plus de garanties que les petites entreprises
et agriculteurs, avec moins de risque de non-repaiement et moins de
coûts administratifs dus aux problèmes de joindre des populations
rurales très dispersées. Cette situation a amené l’état à intervenir en
créant des établissements bancaires spécialisés dans le financement
des exploitations agricoles, par exemple, ou prenant à sa charge une
partie des intérêts des prêts consentis par les banques aux petites
entreprises afin de faciliter l’accès de celles-ci au crédit. Le but de
ces interventions a été de promouvoir le développement de
l’agriculture et d’atteindre les ménages agricoles, qui pour leur
dispersion dans le territoire, les risques qu’ils encourent et leurs
besoins en crédit particuliers (par exemple le crédits de campagne,
le crédit pour des services spécifiques, le besoins de formes de
garantie non traditionnelles) nécessitent une attention particulière.
PARTIE II. Du crédit agricole aux finances rurales
Les politiques de développement mises en place dans la plupart des
pays en voie de développement ont été caractérisées jusqu’à
récemment par une intervention très répandue du gouvernement
dans l’économie agricole pour promouvoir les investissements,
réguler les prix, les marchés et les conditions de production.
Au niveau financier, cette politique s’est manifestée par des
mesures cherchant à pallier les défaillances du marché. Il s’agit de:
•
•
•
la création de banques de développement et ayant la tâche de
distribuer un ensemble de ressources et services au secteur
rural;
la promotion de lignes de crédit en faveur du secteur, à des taux
d’intérêt bonifiés; et
l’octroi de crédit par organismes paraétatiques de
commercialisation dont le repaiement par les agriculteurs se
faisait en cédant une partie de la récolte de l’année suivante;
La raison d’être de ces mesures était de donner du crédit agricole
bon marché pour atteindre les agriculteurs et les stimuler à adopter
des techniques de production modernes, et à augmenter la
production et les exportations.
Les taux d’intérêt
bonifiés
Le taux d’intérêt bonifié signifie qu’il est au dessous du taux du
marché (c’est-à-dire le taux déterminé par l’équilibre entre l’offre et
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PROJET FAO/FONGS (TCP/SEN/6713)
Manuel 2:
Instruments de politiques agricole
Chapitre 3.
Politique de crédit et finances rurales
la demande d’argent). Il représente donc un transfert de ressources
du prêteur (celui qui offre l’argent) vers l’emprunteur (celui qui
demande l’argent) et ses activités.
La politique de crédit agricole à un taux d’intérêt bonifié a été
conçue dans l’objectif d’atteindre le plus grand nombre de
bénéficiaires de la population cible, généralement les petits
producteurs pauvres, pour permettre leur développement. Mais les
dépenses implicites (le coût alternatif du temps perdu en procédures
et démarches longues qui exigent des déplacements multiples à la
banque) et explicites (frais de transport pour aller et revenir de la
banque, frais et commissions fixes de crédit, fonds de garanties
qu’il faut payer ou hypothèques qu’il faut inscrire) représentent une
somme plus ou moins fixe par rapport au montant de crédit; ce qui
fait que l’impact de ces dépenses sur le coût du crédit est
inversement proportionnel au montant du prêt. Ces dépenses ont
donc une incidence plus grande sur les petits crédits que sur les
grands, ce qui fait que les coûts non financiers et la multiplication
des démarches sont des facteurs défavorables au petit emprunteur.
L’expérience montre qu’en réalité ce sont surtout les grands
agriculteurs qui ont bénéficié le plus du crédit à des taux d’intérêt
bonifiés. (Il est estimé que seulement 5% des petits agriculteurs en
Afrique et 15% en Amérique Latine et Asie ont eu accès au crédit
formel; le revers de la médaille est que 5% des emprunteurs ont
bénéficié de plus de 80% du crédit agricole).
A l’intérieur des discriminations de facto du crédit vers les petits
emprunteurs, il existe en plus une discrimination vers les femmes.
Par exemple, en 1991, au Sénégal, les femmes ont emprunté
seulement 1.1% du crédit formel, malgré leur présence et leur rôle
dans le commerce. Elles ont reçu seulement 6.2% du crédit octroyé
par la CNCAS (en 1992) malgré le fait qu’elles constituent 45% de la
2
force de travail .
2
Les risques
Lorsque le crédit bonifié est distribué par les banques d’état - ou
parfois même par des banques privées mais sur des ressources
publiques - il peut être dévié par des pressions externes ou internes
à l’institution, vers les secteurs ou groupes qui ont plus de pouvoir,
au détriment des groupes plus pauvres. Le crédit bonifié peut se
prêter aussi à être utilisé comme instrument politique lors de
campagnes électorales.
Le crédit ciblé
L’expérience et les enquêtes montrent aussi que les petits
producteurs et les ménages ruraux (surtout les femmes) demandent
du crédit pour l’utiliser à des fins décidés par eux-mêmes et non
exclusivement pour la production et la commercialisation agricoles,
World Bank, Sénégal. An assessment of Living Conditions, 1995, p. 20 (Report No. 12517-SE)
39
PROJET FAO/FONGS (TCP/SEN/6713)
Manuel 2:
Instruments de politiques agricole
Chapitre 3.
Politique de crédit et finances rurales
comme c’est le cas de certain crédit ciblé. Ainsi certains ménages
demandent du crédit pour des dépenses de consommation liées à
l’éducation/formation ou la santé.
Conclusions générales
Par contraste aux problèmes rencontrés dans l’octroi du crédit
bonifié et du crédit ciblé par les banques de développement
agricoles, qui constituent le système bancaire formel d’un pays,
il faut dire que dans beaucoup de pays ce système a servi à établir
un réseau spatial d’institutions bancaires, à créer des capacités de
gestion du crédit et aussi à introduire des technologies nouvelles.
C’est l’expérience du secteur formel qui a amené à réfléchir sur
comment appuyer son mode d’intermédiation financière avec le
mode d’intermédiation couvert par le concept de ‘finances
rurales’.
De la notion de crédit
aux finances rurales
Ce concept s’appuie sur l’idée que tout producteur agricole a des
épargnes, ou des périodes dans lesquelles il a des excédents de
liquidité et des périodes où il a des besoins de financement. En
l’absence d’un système financier adapté, les épargnes sont placées
en investissements comme animaux, bijoux, etc. Donc il y a un
espace pour la mobilisation de cette liquidité, comme source de
financement. Cependant, une condition sine-qua-non pour ce
processus est l’existence d’un système financier proche et adapté en
dimension, rentabilité et sécurité, aux petits producteurs du secteur
traditionnel.
La différence la plus importante entre crédit agricole et finances
rurales se trouve dans la conception du monde rural comme un tout
composé par agriculteurs et non-agriculteurs; agriculteurs occupés à
temps complet en agriculture et agriculteurs occupés à temps partiel
dans le secteur; ménages et entreprises agricoles et non-agricoles,
qui ont besoin de services financiers et non seulement de crédit
pour des buts de production agricole.
Les institutions
financières
En plus des institutions financières reconnues par le gouvernement
sujettes aux réglementations et contrôles bancaires, on trouve aussi
dans la majorité des pays un secteur semi-formel et un secteur
informel. Les intermédiaires financiers semi-formels se situent en
dehors des réglementations bancaires, mais habituellement
disposent d’une licence et sont supervisés par d’autres organes
gouvernementaux. Les intermédiaires financiers informels (c’est-àdire sans contrats légaux formels) opèrent hors du cadre
réglementaire et de tutelle du gouvernement. Le tableau à l’Annexe
1 indique la gamme d’opérateurs existant dans chaque groupe,
même si les frontières ne sont pas absolues.
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Manuel 2:
Instruments de politiques agricole
Chapitre 3.
Politique de crédit et finances rurales
Le secteur financier
semi-formel
Les intermédiaires du secteur financier semi-formel ne sont pas des
établissements financiers agréés, mais ils sont habilités ou autorisés
à fournir des services et des produits financiers. Ces opérateurs
possèdent des licences et sont surveillés par d’autres organismes
gouvernementaux. Ils disposent normalement de règlements, de
statuts, de constitutions ou de normes de fonctionnement. Dans
beaucoup de pays ces intermédiaires financiers reçoivent le soutien
et les subventions de donateurs et du gouvernement pour leurs
opérations. Des exemples de tels établissements sont: les caisses
de crédit mutuel; les coopératives d’épargne et de crédit et les
banques villageoises.3
Le secteur
informel
Le secteur informel est constituées par des individus qui, comme
occupation principale ou à temps partiel, prêtent de l’argent. Ils
peuvent être des propriétaires de terres qui pratiquent le fermage ou
le métayage combiné ou non avec le crédit, des commerçants ou des
agro-industriels qui font des avances en intrants aux agriculteurs
contre la vente de la production, les “garde-monnaie” ou les
“banquiers-ambulants”, des prêteurs traditionnels (usuriers), etc.
Traditionnellement, ils chargent des taux bien plus élevés que le
taux d’intérêt du marché; cela est dû, selon certains à leur situation
de monopole et aussi, selon d’autres, au risque de ne pas être
remboursés. Le marché informel du crédit est hétérogène et
dispersé et agit hors du contrôle des autorités monétaires.
Durant ces dernières années, il y a eu un intérêt accru à connaître et
étudier certains systèmes de finances semi-formelles et informelles
(de type non-usurier) qui ont fait preuve d’efficacité et de
pertinence par rapport aux besoins en financement des petits
producteurs et des couches les plus pauvres de la population. Le
succès relatif de certains systèmes de crédit rural informel - mis en
place souvent sans contrat écrit - prouve non seulement une bonne
connaissance entre prêteur et emprunteur et une meilleure
adaptation aux intérêts mutuels des deux intervenants, mais aussi
une confiance dans les rapports personnels, qui normalement
n’existent pas dans les contrats des institutions formelles.
Néanmoins en général il existe peu de documentation concernant
l’échelle des activités dans le secteur informel, car les écritures ne
sont pas communiquées aux autorités centrales. Il est donc difficile
et, à ce stade des connaissances, prématuré de tirer des leçons
conclusives sur leur potentiel pour le développement vis-à-vis du
secteur semi-formel et du secteur formel.
3
Pour une revue de l’intermédiation financière et la mobilisation de l’épargne voir la publication FAO, La
protection de l’épargne. Les leçons de l’expérience, Bulletin des services agricoles de la FAO, 1995.
41
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Manuel 2:
Instruments de politiques agricole
Chapitre 3.
Politique de crédit et finances rurales
Selon une étude conduite par l’IFPRI4, les facteurs les plus importants à la base
de la bonne performance, de la viabilité et de l’atteinte des objectifs des systèmes
semi-formels et informels peuvent être synthétisé de la façon suivante:
•
•
•
•
•
le crédit en réponse à une
demande
le crédit est alloué en réponse à une demande spécifique de la part
d’individus ou de groupes;
la possibilité d’ouvrir des comptes d’épargnes, et non seulement du crédit;
le crédit est alloué au taux d’intérêt du marché;
des formes de garantie adaptées
le crédit donné à de petits groupes
Le crédit est alloué en réponse à la demande des individus/groupes. Comme
nous l’avons vu dans la section précédente, cette demande est souvent liée à la
résolution de problèmes contingents, ou à une demande de services sanitaires ou
d’éducation/formation et non seulement à une demande de crédit pour la
production. Cette possibilité de répondre aux exigences des individus est très
importante surtout dans un contexte où il existe des possibilités d’accroître les
revenus en dehors de l’agriculture au sens strict (ce qui est le cas dans la majorité
des pays en Afrique aujourd’hui).
Au Sénégal, par exemple, seulement 10,9% du revenu des ménages dépend
de l’agriculture (23,1% si l’on y adjoint l’élevage [11,8%] et la
cueillette/chasse [0,4%]) tandis que 39,2% du revenu provient d’activités
non-agricoles.
l’offre de
services d’épargnes
L’ offre de services de comptes d’épargnes. Ceci est très important pour les petits
producteurs et les femmes rurales qui ont des liquidités à certaines périodes de
l’année et qui, par des comptes d’épargnes, peuvent réduire le risque d’insécurité
alimentaire.
taux d’intérêt du marché
Le taux d’intérêt est celui du marché ou même plus élevé; celui-ci permet d’attirer
l’épargne et peut contribuer à la viabilité financière de l’institution, c’est-à-dire à
couvrir les coûts et le risque des opérations.
garanties adaptées
Les formes de garantie sont adaptées aux groupes cibles et au contexte dans
lequel l’organisme opère; par exemple, la garantie peut être donnée par un
groupe qui s’engage à repayer au cas où un des membres de ce groupe n’a pas la
capacité de repayer. Certains systèmes de finances informelles demandent qu’un
certain pourcentage du montant demandé soit mis dans un compte d’épargne.
Dans certains cas, les individus demandant le crédit déposent des objets de
valeurs qui leur seront restitués après le remboursement.
crédit aux groupes
Le crédit à des groupes, plutôt qu’à des individus, a marché dans certains cas.
Généralement, les groupes sont homogènes, caractérisés par une cohésion sociale
et culturelle qui est à la base de la caution solidaire du groupe; ce n’est pas
l’intermédiation financière en elle-même et en elle seule qui peut assurer le sens
de responsabilité dans le repaiement et la solidarité du groupe (voir Annexe 2).
Rôle de l’état dans les
finances rurales5
En principe, quel est le rôle que doivent jouer l’état et la banque
centrale6 dans la promotion et le développement des finances
4
5
IFPRI, Rural Finance for Food Security for the Poor, Food Policy Review 4, 1997
Pour informations sur la politique d’assistance de la FAO en matière d’intermédiation financière pour le
secteur rural se référer à FAO, Les financements ruraux à la FAO, Document d’information, Service de la
Commercialisation et des Financements Ruraux, Juin 1994. (Nouvelle version en préparation).
42
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Manuel 2:
Instruments de politiques agricole
Chapitre 3.
Politique de crédit et finances rurales
rurales?
La banque centrale dans la majorité des systèmes
constitutionnels doit être aussi indépendante que possible de l’état,
pour éviter toute interférence de type ‘politique’. Quant à l’état,
comment doit-il ou peut-il intervenir, pour répondre aux besoins en
financement des petits producteurs et pour assurer la viabilité des
intermédiaires financiers?
Les imperfections et les faiblesses structurelles des marchés
financiers dans les pays en voie de développement demandent une
ample contribution de l’état. L’absence de concurrence et de
diversification dans l’offre des services financiers; les “barrières
sociales” implicites dans le caractère urbain de la plupart des
intermédiaires financiers formels; l’information imparfaite sur les
emprunteurs et les faiblesses des rapports contractuels; les coûts
d’intermédiation élevés comme conséquences des risques élevés et
d’une population traditionnellement composée de petits épargnants
et emprunteurs; la rareté des projets “bancables” (due au manque
de capacités d’une part de préparation de projets et de l’autre
d’appréciation de leur rentabilité) sont autant de problèmes qui
militent en faveur d’un état jouant encore un rôle important destiné
à réduire les imperfections, améliorer le fonctionnement et jouer un
rôle “incitatif” au développement des marchés financiers ruraux,
grâce à des mesures tant directes qu’indirectes.
Appui indirect
Contrôle de l’expansion
monétaire et de
l’inflation
règles de surveillance
Comme mesure indirecte il est important de retenir d’abord le
besoin d’une politique de concertation gouvernement - banque
centrale dans leur responsabilités respectives, destinée à
maintenir sous contrôle l’expansion monétaire et l’inflation.
Par ailleurs il faut avoir une réglementation qui garantisse les
déposants et exerce une surveillance des institutions financières
afin de maintenir la confiance du public dans le système.
Il est aussi important d’avoir un système d’appui aux petits
organismes de financement par les grandes banques.
C’est la responsabilité de l’administration d’autoriser et encourager
la création de nouvelles institutions financières et de stimuler une
saine concurrence entre elles. L’appui indirect aux institutions
privées (ONG, fondations, etc.) qui travaillent pour le
développement des marchés financiers ruraux et, en particulier la
mise en place d’un cadre juridique-institutionnel adapté au
fonctionnement de ces institutions, est nécessaire dans beaucoup
de pays. L’importance des systèmes de financement informels a été
un point important de la réforme du secteur bancaire au Sénégal en
1988.
6
En tant que membre de l’Union économique et monétaire ouest africaine (UEMOA) le Sénégal n’a pas sa
banque centrale indépendante mais dépend de la Banque centrale des états de l’Afrique de l’ouest (BCEAO) (cf.
Chapitre 2, Manuel 1).
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Manuel 2:
Instruments de politiques agricole
Chapitre 3.
Politique de crédit et finances rurales
cadre juridique
exemption d’impôts
Appui direct
pour l’établissement de
l’institution
et non pas pour des
taux d’intérêt bonifié
Un cadre adapté devrait garantir avant tout, la liberté d’action de ces
institutions qui est à la base de leur capacité innovatrice. Il doit
donc appuyer l’autonomie de gestion et les décisions
administratives des organismes non-gouvernementaux qui font des
efforts pour atteindre la population rurale. Le cadre doit exiger par
contre l’information et la transparence dans la gestion de comptes
comme n’importe quelle autre entreprise privée; pour ceux qui
n’ont pas de buts lucratif, une mesure convenable serait l’exemption
d’impôts.
D’après l’analyse de plusieurs exemples d’institutions financières
performantes en Afrique sub-saharienne, les conclusions sont que
l’intervention publique a été utile dans l’établissement des
institutions de crédit. Cette intervention peut se faire, pendant la
phase initiale du développement de l’institution, par des ressources
financières ou par des programmes de formation à la comptabilité et
à la gestion. Cette assistance technique peut demander beaucoup de
temps et ressources et donc la phase d’établissement coûte souvent
assez cher. Néanmoins, c’est l’assistance à l’établissement de
l’institution qui paraît fondamentale plutôt que la subvention du
taux d’intérêt.
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PROJET FAO/FONGS (TCP/SEN/6713)
Manuel 2:
Les instruments d’une politique agricole
Chapitre 4:
La filière comme outil de gestion de l’économie agricole
Chapitre 4
La filière comme outil de gestion de l’économie agricole
Objectifs du chapitre
Les objectifs de ce chapitre du Manuel sont:
• de définir et expliquer le concept de filière;
• de montrer comment l’approche filière peut servir à mieux comprendre le fonctionnement
de l’économie agricole;
• de suggérer comment la filière peut servir de cadre pour la gestion du secteur agricole.
Qu’est-ce qu’une
filière?
Une filière est constituée des agents économiques qui participent à
la mise à disposition d’un produit final donné. Elle retrace la
succession des opérations qui, partant d’une matière première
agricole, aboutit, après plusieurs échanges et transformations
éventuelles, à un ou plusieurs produits finaux au niveau du
consommateur ou de l’exportateur.
Exemple de schématype d’une filière
agricole simple
Consommateurs
Frontière
Commercants de détail
Commerçants
de gros
Exportateurs/
Importateurs
Marché Mondial
Transformateurs
Commercants de collecte
Pays
Producteurs
48
PROJET FAO/FONGS (TCP/SEN/6713)
Manuel 2:
Les instruments d’une politique agricole
Chapitre 4:
La filière comme outil de gestion de l’économie agricole
Exemples de filières: la
filière arachide, la
filière riz, la filière
coton, la filière maïs,
etc...
Il est évident que dans la réalité, les filières ne constituent pas des
entités indépendantes: elles se recoupent souvent. Ainsi, la filière
coton a des relations très fortes avec la filière huile, au sens large.
De même, au fur et à mesure du développement des industries de
transformation agro-alimentaires, les filières ont tendance à
converger vers des processus de transformation complexes: par
exemples la filière céréale s’intègre étroitement aux filières sucre et
matières grasses au niveau des unités de biscuiterie.
Il est donc important, quand on parle de filière de bien délimiter la
filière en question. Cette délimitation dépendra de l’objectif que
l’on cherche à atteindre quand on fait recours au concept de filière.
L’approche filière:
pour mieux
comprendre le
fonctionnement de
l’économie agricole
La filière constitue un cadre très utile pour analyser le
fonctionnement de l’économie agricole d’un pays, surtout dans le
cas où l’économie est une économie de marché. Ce sont en effet les
différentes opérations effectuées tout au long de la filière qui
permettent de mettre en contact l’offre de produits agricoles au
niveau des paysans et la demande provenant des consommateurs et
du marché mondial. L’analyse des différentes opérations faites par
les agents de la filière permet d’en analyser: (i) le fonctionnement
technique; (ii) la situation financière de chaque agent économique et
la distribution des revenus entre eux; (iii) la nature des mécanismes
à l’oeuvre sur les marchés où les produits sont échangés; ainsi que,
(iv) l’évolution des prix des produits lors de leur cheminement vers
les utilisateurs finaux.
Avant d’entrer dans le détail de l’analyse d’une filière, il est utile
d’en analyser l’importance dans l’économie nationale (valeur de la
production, emplois créés, etc.), et d’analyser l’évolution récente de
la production, de la consommation et du commerce extérieur de ses
principaux produits.
L’analyse du
fonctionnement
technique d’une filière
L’analyse d’une filière comprend normalement tout d’abord une
analyse des flux physiques entre agents économiques, depuis les
producteurs jusqu’aux consommateurs ou exportateurs.
Cette analyse permet:
• d’identifier tous le produits (y compris les produits dérivés de la
filière);
• de distinguer les différents circuits de la filière et de déterminer
leur importance relative;
• de spécifier les paramètres techniques de chaque agent
économique:
utilisation
d’intrants,
rendement,
taux
d’autoconsommation/commercialisation,
taux
d’extraction,
pourcentage de pertes, etc. Ceux-ci constituent des informations
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PROJET FAO/FONGS (TCP/SEN/6713)
Manuel 2:
Les instruments d’une politique agricole
Chapitre 4:
La filière comme outil de gestion de l’économie agricole
précieuses sur l’efficacité technique des opérateurs. Cette
dernière dépend notamment de leur possibilité d’accès à des
technologies plus performantes.
Elle nécessite la collecte d’une quantité importante d’information.
Celle-ci se fait à partir de sources secondaires (statistiques de
production/consommation, système d’information sur les marchés)
et grâce à des interviews d’opérateurs économiques (producteurs,
transformateurs, commerçants, importateurs/exportateurs, etc.).
L’analyse financière
des agents de la filière
L’analyse financière de la filière consiste à construire un compte
pour chaque agent (voire chaque opération, dans le cas où un agent
effectue plusieurs opération) pour identifier les dépenses, recettes et
bénéfices de chaque agent. Cette analyse permet notamment
d’identifier si certains agents font des sur-profits par rapport aux
autres, ou, au contraire, s’ils sont à la limite de la rentabilité et
risquent donc de ne plus continuer à participer à la filière à moyen
terme -- ce qui pourrait avoir des conséquences graves pour
l’ensemble des agents et pour le pays tout entier.
Elle permet également de voir dans quelles proportions les profits
créés par la filière sont répartis entre diverses catégories d’agent
économiques.
D’un point de vue dynamique, les informations prises en compte
lors de cette analyse permettent de se faire une idée de l’effet
immédiat qu’aurait un éventuel changement du système de taxes et
de subventions sur divers agents de la filière (par exemple quels
sont les agents qui seraient “dans le rouge” au cas d’une diminution/
suppression d’une subvention ou de l’instauration/augmentation
d’une taxe).
L’analyse des marchés
Dans une économie de marché, chaque échange entre agent
économique peut être qualifié de marché. La situation des agents
par rapport au marché et leur stratégie déterminent dans une large
mesure le mode d’interaction existant entre eux et le prix payé (ainsi
que les modalités de paiement) par l’acheteur au vendeur.
La situation par rapport au marché des agents échangeant un
bien dépendent du volume qu’ils manipulent, de leur connaissance
du marché et des conditions d’opération de leur partenaire dans
l’échange, ainsi que de leur possibilité d’accès à un
acheteur/vendeur concurrent. Plus ils manipulent un volume
important et plus grand est leur zone d’action géographique, mieux
ils connaîtront les conditions du marché dans le pays. Si de plus ils
ont connaissance des coûts encourus par leurs partenaires dans
l’échange, et s’ils ont le choix entre un assez grand nombre d’agents
économiques avec qui ils peuvent traiter (concurrence), leur
situation sera plus favorable encore.
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PROJET FAO/FONGS (TCP/SEN/6713)
Manuel 2:
Les instruments d’une politique agricole
Chapitre 4:
La filière comme outil de gestion de l’économie agricole
Par exemple, un petit paysan isolé dans la brousse est en position de
faiblesse par rapport à un commerçant collecteur: il vend une faible
quantité par rapport au volume brassé par le commerçant; il connaît
mal les prix qui ont cours sur les marchés importants du pays1; et il
se peut fort que le commerçant soit le seul qui vienne au village. Au
contraire le commerçant traite avec une multitude de paysans, il
connaît peu près le prix auquel il pourra revendre le produit, et il
connaît également souvent le prix de revient du produit pour les
producteurs. Dans ces conditions, le paysan risque d’accepter de
vendre à un prix inférieur à celui qu’il accepterait s’il était sur un
pied d’égalité avec le commerçant, car:
•
•
•
s’il ne vend pas, cela constitue pour lui une perte capitale de
source de revenu monétaire;
il n’a pas suffisamment de données pour avoir un prix de
référence assez valable pour juger si le prix proposé par le
commerçant est juste ou non; et,
s’il ne vend pas au commerçant, il devra se déplacer au marché
ce qui lui coûtera du temps et des ressources financières2.
Les mesures qui peuvent contribuer à améliorer la symétrie de ces
relations sont bien connues, par exemple: (i) les ventes groupées par
les paysans; (ii) la mise en place d’un système d’information sur les
marchés et sur les coûts des autres agents économiques géré par
l’état et/ou les organisations professionnelles et qui tient les
producteurs informés sur les prix sur les principaux marchés du
pays; et, (iii) l’organisation de ventes directes sur les marchés
d’importance régionale.
Ce type de problématique n’est pas spécifique aux relations entre
producteurs et commerçants et est valable pour les autres échanges
effectués au sein de la filière.
La stratégie des agents joue un rôle déterminant dans la formation
des prix et dépend de toute une série de facteurs qu’il est impossible
de tous énumérer ici. Par exemple, un commerçant qui est nouveau
dans une zone, peut essayer, s’il en a les moyens, de payer un prix
excessif pour chercher à éliminer les concurrents et contrôler le
marché tout seul dans l’avenir (il récupérera alors des sur-profits qui
lui permettront de rattraper les achats à perte effectués en phase
d’installation). Au contraire, un commerçant (ou un transformateur)
qui a le monopole pourra chercher à faire baisser le prix à la limite
inférieure (plancher) où la poursuite de la production reste tout juste
intéressante pour les paysans: ces prix peuvent être très bas dans le
1
2
il ne connaît souvent que les prix pratiqués sur le marché le plus proche
ces coûts seront nettement supérieurs par unité de produit vendu à ceux encourus par le commerçant car ce
dernier manipule des quantités plus importantes (économies d’échelle)
51
PROJET FAO/FONGS (TCP/SEN/6713)
Manuel 2:
Les instruments d’une politique agricole
Chapitre 4:
La filière comme outil de gestion de l’économie agricole
cas de cultures pérennes et nettement inférieurs au prix minimum
nécessaire pour convaincre les paysans de mettre en place la culture.
De même l’éventail des possibilités de production et des sources de
revenus alternatives disponibles au producteur pèsera lourd dans la
détermination des prix qu’il pourra accepter pour ses produits.
D’autres facteurs jouant un rôle déterminant dans le
fonctionnement du marché et la fixation des prix sont le prix de
revient pour le vendeur (qui déterminent la limite inférieure audessous de laquelle le vendeur opérera à perte) et les possibilités de
revente par l’acheteur qui dépendent de la demande nationale
(consommateurs) et des opportunités d’exportation (demande
mondiale).
L’analyse des prix
aux divers stades de la
filière
L’analyse des prix aux divers stades de la filière et de leur
composition (coût de production primaire, coût de transformation,
coûts de transports, autres coûts, taxes et subventions, profits)
donne des informations précieuses sur le mode de fonctionnement
de la filière et les opportunités existant pour en améliorer
l’efficacité.
Les économistes comparent généralement également les prix
observés avec des prix économiques qui prévaudraient si le marché
était parfaitement concurrentiel et efficace, et les échanges
extérieurs entièrement libres. Cette comparaison leur permet
d’identifier les stades de la filière où l’on observe des distorsions et
d’en préciser la source (intervention de l’état sous forme de taxes et
subventions, imperfection de la concurrence, taux de change, etc.).
L’on peut alors pousser l’analyse au niveau de ses stades, et faire
des propositions précises visant à améliorer le fonctionnement des
marchés.
Ainsi, par exemple, la FAO a récemment participé à l’étude de la
filière sucre dans un pays membre. Cette étude a permis de
déterminer la proportion des divers types de coûts dans le prix du
sucre au consommateur et du profit effectué par les agents de la
filière dans le prix du sucre au consommateur. Cette étude a
notamment montré l’importance capitale des frais de transport dans
la formation du prix au consommateur.
Structure des coûts de la filière
sucre
Coût de
production
primaire
27%
Profits
32%
Taxes/subventions
Coût de
0%
transport
20%
Coût de
commercialisation
0%
52
coût de
transformation
21%
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Manuel 2:
Les instruments d’une politique agricole
Chapitre 4:
La filière comme outil de gestion de l’économie agricole
L’étude a montré comment les bénéfices créés dans la filière étaient
répartis entre les agents de la filière, paysans, sucreries, grossistes et
détaillants. Les chiffres ont montré que ce sont les transformateurs
qui captent la plus grande partie des profits de la filière.
Enfin, l’étude a permis de montrer dans quelle proportion les
différents agents de la filière bénéficiaient de la protection qui est
donnée à la filière. Il faut en effet savoir que dans le pays concerné,
la filière sucre est fortement protégée contre les importations et le
prix au consommateur est plus de 50% supérieur à ce qu’il serait si
les importations de sucre étaient libres. Ils s’avère que plus de la
moitié du supplément de prix payé par les consommateurs va aux
sucrerie et seulement un peu plus du tiers aux paysans.
Cette étude montre que l’idée que les commerçants tirent un profit
excessif de leur activité ne peut pas être généralisée, loin s’en faut.
En fait, les commerçants fonctionnent souvent avec un bénéfice très
réduit qui peut se justifier par les risques qu’ils prennent et la
fonction très utile qu’ils jouent de lien indispensable entre la
production et la consommation. Les commerçants sont aussi
souvent accusés d’être des "spéculateurs”. En fait, si la spéculation
n’est simplement que l’achat de produits au moment de la récolte, la
prise en charge de leur stockage pendant une partie de l’année, et la
remise en vente au moment de la période “creuse’, c’est là une
fonction très utile permettant de limiter les fluctuations saisonnières
des prix. Il ne faut pas oublier que le stockage coûte (perte de
produits, bâtiments, produits de traitement, frais financiers, etc.).
Bien sûr, il faut aussi reconnaître que dans certaines conditions, des
excès se sont produits...
La filière: un cadre
de gestion de
l’économie agricole
La filière peut également être un cadre de gestion de l’économie
agricole. Les divers agents économiques actifs dans une filière
(ainsi qu’éventuellement l’état) peuvent se retrouver au sein d’une
organisation interprofessionnelle pour discuter et négocier des
mesures ayant pour but d’améliorer le fonctionnement de la filière3.
Bien qu’ayant souvent des intérêts apparemment divergents, ils ont
un intérêt fondamental en commun, celui de voir la filière se
développer.
Les structures interprofessionnelles peuvent contribuer à identifier
3
notons qu’en cas de différentiation suffisamment forte, il peut s’avérer nécessaire d’avoir dans
l’interprofession des représentants de chacune des sous-catégorie d’agents, par exemples: transformateurs
industriels/artisans, commerçant collecteurs, grossistes, détaillants, exportateurs/importateurs, paysans de
diverses catégories de taille ou d’origine géographique différente, etc.... On pourra également avoir la
participation d’agents offrant des services à la filière, tels que les transporteurs, les banques, les producteurs
d’emballage, la recherche, la vulgarisation, certains donateurs, etc...
53
PROJET FAO/FONGS (TCP/SEN/6713)
Manuel 2:
Les instruments d’une politique agricole
Chapitre 4:
La filière comme outil de gestion de l’économie agricole
les actions nécessaires à une amélioration de l’efficacité
économique de la filière (sa compétitivité) et notamment proposer à
l’état des nouvelles mesures de politiques favorables à une telle
évolution.
L’interprofession peut aussi, en cas de dysfonctionnement évident
du marché, chercher à trouver un accord entre les parties prenantes
sur certaines améliorations à apporter aux mécanismes opérant à
différents stades du marché, voire à fixer d’un commun accord des
prix intermédiaires dans la filière permettant une rémunération
équitable des divers agents. Elle peut aussi aider à mettre en place
des systèmes de commercialisation plus efficaces. Ce type d’accord
est particulièrement important dans le cas de produits dont les
caractéristiques rendent difficile le développement de marchés
compétitifs tels que les produits périssables (canne à sucre, fruits et
légumes) ou certains produits d’exportation où les économies
d’échelle sont très importantes et où une forte concentration du
commerce de gros et d’exportation est nécessaire pour que les
produits du pays soient bien placés en arrivant sur le marché
mondial.
Parmi la multitude de fonctions que peut assurer une organisation
interprofessionnelle, on peut citer:
• l’information des agents de la filière sur les conditions du marché
national et mondial;
• leur formation (aspects techniques et de gestion);
• la détermination et la mise en oeuvre d’un système de normes de
qualité visant, au travers notamment d’incitation de prix, à
encourager une progressive amélioration de la qualité des
produits de la filière (ce rôle peut être particulièrement important
pour les filières d’exportation et peut être partagé avec ou
cofinancé par l’état;
• la recherche de nouvelles formes contractuelles entre les agents
de la filière;
• l’organisation de la négociation sur les prix internes à la filière;
• la recherche de nouveaux produits ou techniques de
transformation des produits de la filière;
• la recherche de nouveaux marchés au plan national, régional ou
mondial;
• la proposition à l’état d’effectuer certains investissements à
caractère public susceptibles de contribuer à la stratégie de
développement de la filière;
• la formulation de suggestions en matière de politiques agricoles
ou commerciales (notamment lors de négociations
internationales dans le cas de filières fortement importatrices ou
exportatrices).
54
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Manuel 2:
Les instruments d’une politique agricole
Chapitre 4:
La filière comme outil de gestion de l’économie agricole
Les limites de
l’approche “filière”
A côté de tous les avantages cités, cette approche filière a également
des faiblesses.
La principale faiblesse de l’approche est qu’elle tend à négliger le
fait que la filière fait partie intégrante d’un ensemble économique
plus vaste. Ainsi, les décisions prises par les divers agents
économiques travaillant dans la filière ne sont pas uniquement
déterminées par des facteurs internes à la filière, loin s’en faut.
Ainsi au niveau de l’exploitation agricole, la spéculation produisant
le produit primaire de la filière fait partie d’un système de culture
dans lequel des liens étroits l’unissent avec d’autres productions:
système de rotation/assolement, complémentarités ou compétition
au niveau du calendrier et de l’organisation du travail, de
l’utilisation de la terre, des besoins alimentaires ou monétaires de
l’exploitation.
De façon similaire, les commerçants sont rarement spécialisés en un
produit spécifique, mais au contraire commercialisent toute une
série de produits, afin de bénéficier d’économie d’échelle et de
répartir les risques. Chez eux, les divers produits agricoles qu’ils
manipulent peuvent par exemple être en compétition pour les
capacités de stockages limitées (en espace tant qu’en capacité de
financement).
Même les transformateurs (les moulins par exemple) disposent
souvent d’unités de transformation polyvalentes pouvant traiter
plusieurs produits. Jusqu’au consommateur, qui peut substituer
certains produits, selon l’évolution des prix et des goûts. Tous ces
liens et facteurs font que, souvent, les mesures prises au niveau
d’une filière ne sont pas traduites effectivement en les résultats
escomptés.
Enfin, l’expérience montre, qu’au fur et à mesure qu’un pays se
développe, et notamment que son marché se développe, la fonction
de production (offre) d’un produit, que l’approche filière privilégie
fortement, se trouve de plus en plus dominée par la fonction
commercialisation. C’est cette dernière qui prend le dessus, en
modifiant la logique de fonctionnement de l’économie agroalimentaire, la restructurant en réglant les flux de produits de façon
nouvelle, en déterminant le regroupement de la production et de la
transformation dans certaines zones particulières et en
révolutionnant l’organisation de la commercialisation et de la
distribution des produits agro-alimentaires. Ce phénomène bien
avéré en Europe commence à être observé dans un certain nombre
de pays en développement fortement urbanisés, notamment en
Amérique Latine.
Conclusion
L’approche par filière sert mieux comprendre le fonctionnement de
55
PROJET FAO/FONGS (TCP/SEN/6713)
Manuel 2:
Les instruments d’une politique agricole
Chapitre 4:
La filière comme outil de gestion de l’économie agricole
l’économie agricole, surtout dans des pays où l’offre reste le facteur
déterminant et les marchés sont encore en phase de développement.
L’analyse du fonctionnement technique de la filière, de la situation
des agents économiques y opérant et des mécanismes de marchés
régissant les échanges en son sein aident à formuler des
recommandations pour son développement. La filière peut
également être un cadre de gestion efficace, notamment grâce à la
mise en place d’organisme interprofessionnels où tous les agents
économiques peuvent faire valoir leurs intérêt et négocier avec leurs
partenaires. Il faut cependant veiller à se souvenir qu’une filière
n’existe pas de façon indépendante dans l’économie, et que les
décisions qui y sont prises résultent également d’événements
affectant des produits qui y sont extérieur.
56
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Manuel 2:
Instruments de politiques agricole
Chapitre 3.
Politique de crédit et finances rurales
Annexe 1
Les fournisseurs des services
d’intermédiation financière
Secteur formel
Banque centrale
Secteur semi-formel
Coopératives d’épargne et de
crédit
Banques commerciales
Banques de commerces
Secteur informel
Associations d’épargne
Tontines
Cooopératives à buts multiples
Caisses d’épargne
Banques Rurales
Caisses d’épargne Postales
Caisses de crédit mutuel
Banque des Travailleurs
Cooopératives à forme bancaire
Banques coopératives
Entreprises financières
informelles
• banquiers locaux
• sociétés financières
• sociétés d’investissements
villageois
Banques de développement
• étatiques
• privées
Fonds de placement d’épargne
du personnel
Associations d’auto-assistance
Sociétés d’investissement et de
crédit immobilier
Banques populaires
Prêteurs sur gages
• commerciaux
• non commerciaux (amis,
voisins, parents)
Banques villageoises
Caisses de crédit mutuel
Projets de développement
Institutions de sécurité sociale
Groupes d’auto assistance et
clubs d’épargne
Institutions d’épargne
contractuelle
• fonds de pension
• compagnies d’assurance
Négociants et commerçants
Autres institutions non
bancaires
• sociétés financières
• sociétés de prêts à durée
déterminée
Marchés financiers
• actions et titres
__________________
Source: La protection de l’épargne - Les leçons de l’expérience, 1995, FAO, Bulletin des services
agricoles No 116.
Annexe 2
45
PROJET FAO/FONGS (TCP/SEN/6713)
Manuel 2:
Instruments de politiques agricole
Chapitre 3.
Politique de crédit et finances rurales
Les groupes solidaires
Avec cette approche on cherche à réduire le coût unitaire et le risque de chaque
opération, étant donné que
•
•
pour le prêteur il n’y a qu’un emprunteur - le groupe - et
chaque membre offre sa garantie indivisible et solidaire, c’est-à-dire que tous
les membres du groupe sont débiteurs avec la même responsabilité du total dû
par le groupe
De cette manière le prêteur peut toucher en principe un nombre plus important de
bénéficiaires de la population cible, avec prêts de dimension très minime. Cette
approche fonctionne généralement avec petits groupes de 3 à 10 participants, souvent
des femmes, avec l’appui de trois composantes principales: le crédit et autres
services financiers y compris les facilités d’épargne; la formation et l’assistance
technique des membres du groupe et la promotion à l’organisation et au
développement social.
Le groupe choisit lui-même sa composition et décide collectivement le montant de
crédits de chacun des associés et, par la somme des demandes individuelles, la dette
de tout le groupe. Les membres du groupe doivent assumer eux-mêmes la
responsabilité de collecter les remboursements et de payer au prêteur. Cette
participation collective aux opérations augmente la responsabilité mutuelle, stimule le
dynamisme et la confiance des rapports internes au groupe et fait jouer la pression
sociale comme un puissant instrument pour les remboursements.
Les opérations sont généralement très décentralisées, avec un agent de crédit qui
habite dans la même communauté ou dans une communauté voisine et qui dispose
d’une grande autonomie, ce qui fait les déboursements assez expéditifs. Même si la
plupart de ces expériences commence avec le crédit, elles établissent toutes comme
condition pour continuer les opérations, la constitution d’une épargne qui est
propriété du groupe, à titre collectif ou individuel. Ces ressources sont utilisées par la
suite pour faire des petits prêts d’émergence à l’intérieur même du groupe.
Les prêts suivent une méthodologie très standardisée. En général, ils sont accordés
pour une durée de trois à quatre mois - ce qui est appelé un cycle. Les
remboursements sont très fréquents - normalement hebdomadaires-, en sommes
égales qui incluent le capital, les intérêts, les coûts d’opération du promoteur et
parfois même, un montant destiné à l’épargne. Les taux d’intérêts sont assez élevés et
peuvent arriver jusqu’à 25% et 50% réels. Etant donné que la dette est du groupe,
lorsque l’un des membres ne rembourse pas, tous les autres doivent concourir à
couvrir la différence pour que le groupe puisse avoir accès à un nouveau cycle de
prêts. En général, les prêts au groupe augmentent à chaque cycle, commençant avec
des sommes très petites: de 15.000 à 18.000 FCFA par cycle par bénéficiaire, et
augmente progressivement de cycle en cycle selon le comportement de chaque
groupe.
46
PROJET FAO/FONGS (TCP/SEN/6713)
Glossaire
Agent économique
Catégorie d’opérateur qui interviennent dans l’économie : par
exemple les producteurs
Balance des
ressources
Voir définition p.15 du chapitre 2
Biens échangeables /
non échangeables
Voir définition p19 et 20 du chapitre 2 manuel 1
Dévaluation
Dans un régime de change fixe, politique consistant à ajuster le taux
de change de la monnaie nationale pour le faire correspondre à la
valeur d’échange de la monnaie sur un marché ou les prix des
monnaies s’ajustent librement. Concrètement la monnaie étant
surévaluée, la dévaluation consiste en une dépréciation de la monnaie
nationale par rapport aux autres monnaies.
Exploitation agricole Les exploitations agricoles peuvent être comprises comme un
système composé de trois éléments (i) un groupe humain
ou système
généralement une famille qui met en valeur (ii) des ressources
d’exploitation
naturelles à l’aide de (iii) moyens techniques et matériels
Externalités
Les externalités sont des coûts ou des bénéfices générés par une
activité économique et imposés à des tiers en dehors de toute
compensation monétaire. Ainsi, par exemple, un investissement en
infrastructures routières utilisera des matériaux de constructions, des
machines, de la main d’oeuvre pour lesquels l’entreprise de
construction assume un coût monétaire (prix d’achat ou salaire).
Mais la réalisation du projet entraîne d’autres coûts possibles, cette
fois non compensés, tels que la pollution de l’eau, la dégradation des
sols, etc., qui sont assumés par toute la collectivité sous forme de
pertes économiques (eau non potable), de loisirs (eau impropre à la
baignade), etc. Ces coûts ne sont pas compensés car l’entreprise de
construction n’indemnise pas les populations victimes de cette
pollution. Ces coûts non indemnisés sont en général dénommés
“externalités” ou “déséconomies externes”. Les externalités peuvent
être négatives (coûts), comme dans notre exemple, ou positives
(bénéfices).
Inflation
dépréciation de la monnaie due à la hausse des prix
Intrants
Les intrants sont les produits qui rentrent dans la production agricole
comme les engrais, les semences etc..
Libéralisation
La libéralisation de l’économie fait référence à une école de la
pensée économique qui voit le rôle de l’état dans l’économie comme
devant être réduit au strict minimum (armée, police, justice ...). Une
économie libéralisée idéale serait une économie dans laquelle les
Glossaire
agents économiques (consommateurs et producteurs) ont toute la
latitude pour prendre des décisions de production et de
consommation. Dans ce type d’économie, les prix jouent le rôle
principal dans l’orientation des décisions des producteurs et des
consommateurs. Ce concept s’oppose à celui d’économie planifiée
dans laquelle l’état joue un rôle plus ou moins important suivant les
cas dans les choix de production et de consommation (société d’état,
prix régulés, planification comme en URSS avant 1989...). En
Afrique, on parle de libéralisation à partir des années 1980, pour
parler du processus de désengagement de l’état dans l’économie qui
doit conduire à laisser plus de place et de marge de décisions aux
opérateurs privés dans la conduite de l’économie des pays.
Monopole
Situation économique où une entreprise contrôle entièrement le
marché d’un produit sans aucune concurrence. L’entreprise se trouve
de fait dans une position de force vis à vis de ses fournisseurs ou
clients et peut fixer des prix plus avantageux pour elle de ce qu’ils
seraient dans une situation concurrentielle. Exemple : Monopole de
la SONACOS au Sénégal pour l’arachide jusque dans les années 80.
Obligation
Forme d’emprunt dans lequel l’emprunteur verse des intérêts sur le
capital emprunté annuellement et s’engage à rembourser le Capital
au bout d’une période généralement assez longue (10-20 ans)
Prix CIF (CAF)
Prix Coût Assurance Fret, prix d’une marchandise à la frontière du
pays importateur avant débarquement. Le prix CAF est égal au prix
FOB de la marchandise plus les frais de transport et le coût de
l’assurance.
Prix Franco à Bord du navire au départ du pays exportateur toutes
taxes et frais de chargement payés
Le taux d’intérêt bonifié signifie qu’il est au dessous du taux du
marché (c’est-à-dire le taux déterminé par l’équilibre entre l’offre et
la demande d’argent). Il représente donc un transfert de ressources
du prêteur (celui qui offre l’argent) vers l’emprunteur (celui qui
demande l’argent) et ses activités.
Prix FOB (FAB)
Taux d’intérêt
bonifié
Taux de Change
Prix de référence d’une monnaie : le Taux de change Dollar Franc
CFA était en juillet 1999 de 625 CFA pour un Dollar