Le cinéma, le juriste, la médiathèque – Les usages en médiathèque
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Le cinéma, le juriste, la médiathèque – Les usages en médiathèque
Le cinéma, le juriste, la médiathèque – Les usages en médiathèque 4 – Les usages en médiathèque 4.1 – Des droits spécifiques Toute utilisation d’un document audiovisuel impose de disposer de droits correspondant à cette utilisation. Cela implique que chaque document (ou ensemble de documents) soit accompagné de documents écrits - contrats, accords,... - qui déterminent et précisent ces droits, et les conditions de leur exercice. L’achat d’un DVD dans le commerce ne permet qu’une représentation gratuite dans le cercle de famille. L’enregistrement capté à l’antenne ou téléchargé sur le web d’une émission de télévision n’autorise qu’un usage privé – donc ni prêt, ni consultation, ni représentation publique. Un établissement scolaire, une entreprise, une institution ne peuvent en aucun cas être considérés comme « cercle de famille ». Les sanctions encourues en cas d’infraction : - emprisonnement de 3 mois à 2 ans ; - amende de 6 000 à 120 000 francs ; - sanctions doublées en cas de récidive - confiscation totale ou partielle du matériel -fermeture pour une durée maximale de cinq ans de l’établissement ayant servi à commettre l’infraction. Cependant, aucune condamnation n’a pour l’instant été prononcée à l’encontre d’enseignants utilisant pendant leur cours des émissions de télévision, que ce soit en direct ou en différé. En revanche, il y a eu des condamnations (toujours des amendes uniquement) pour d’autres usages : prêts de supports dans le cadre d’une médiathèque organisée par un enseignant ou un comité d’entreprise ; projection d’un dessin animé lors d’une fête de fin d’année ; fermeture de la Cinémathèque Universitaire pour avoir projeté des longs métrages dans un but uniquement pédagogique à des étudiants en cinéma… Seront jugés responsables le responsable de la structure (directeur, chef d’entreprise,…), éventuellement la tutelle (Maire,…), ainsi que toute personne ayant directement contribué à l’acte délictueux. 1 Jean-Yves de Lépinay – Octobre 2014 Le cinéma, le juriste, la médiathèque – Les usages en médiathèque 4.2 – Acquisition Pour intégrer un document audiovisuel dans le fonds d’une médiathèque, il faut passer un contrat de cession avec le propriétaire des droits de ce document. Pour des raisons historiques, il n’y a pas d’équivalence entre les contraintes limitant la liberté des bibliothèques dans leurs choix d’acquisition des films et leur liberté dans le choix d’acquisition des livres. Il n’existe pas de loi organisant la perception des droits d’auteur en bibliothèque pour les documents audiovisuels. De nombreux producteurs et distributeurs, titulaires des droits patrimoniaux attachés aux films, considèrent les bibliothèques comme concurrentes de leurs autres exploitations. Le résultat est que toute la production audiovisuelle éditée n’est pas accessible aux bibliothèques, qui ne peuvent acheter que les titres pour lesquels les droits ont été négociés. Par ailleurs, de nombreux films, et surtout œuvres audiovisuelles, ne sont jamais été éditées, et donc restent largement indisponibles pour les bibliothèques. Les droits attachés à l’acquisition de documents audiovisuels par les bibliothèques sont de trois ordres : droit de prêt, de consultation, de projection. Les fournisseurs ne parviennent pas à obtenir systématiquement l’ensemble des droits : certains DVD ne sont ainsi disponibles que pour telle ou telle utilisation, à l’exclusion d’une ou des autres. Autre contrainte, les droits négociés et achetés sont attachés au support. Cela signifie que si la bibliothèque souhaite racheter un DVD qu’elle a perdu ou acheter un double ou triple exemplaire pour satisfaire une forte demande, elle doit payer à nouveau les droits, qu’elle n’avait achetés que pour l’exemplaire perdu ou détérioré. Enfin, un titre ne figure jamais au catalogue d’un fournisseur de manière définitive car les prix sont renégociés chaque année et un producteur peut tout à fait décider de retirer un titre du marché, ou d’en augmenter le montant des droits. Le titre devient alors indisponible, sans garantie qu’il réapparaisse au catalogue, ou plus cher Cette acquisition peut se faire directement auprès des ayants droit (les auteurs) ou de leurs représentants (les producteurs). Ou encore auprès de distributeurs spécialisés, qui agissent comme des « centrales d’achats ». Le contrat de cession est un contrat qui peut comprendre toutes sortes de clause, et donc il est possible d’acquérir des droits très divers. Lorsque ce contrat est négocié avec un producteur, en particulier, on peut acquérir des droits éventuellement très larges, qui prévoiront par exemple la reproduction, la diffusion sur le web, sur une télévision locale… tout est libre du moment que le cédant est bien titulaire des droits qu’il cède (ce qui n’est pas toujours le cas ! A vérifier attentivement, notamment au Registre public du cinéma et de l’audiovisuel – RPCA) 2 Jean-Yves de Lépinay – Octobre 2014 Le cinéma, le juriste, la médiathèque – Les usages en médiathèque 4.3– Fournisseurs Certains ayants droit concèdent à des distributeurs spécialisés les droits de représentation qu'ils détiennent sur des œuvres préenregistrées sur vidéogramme (généralement sur support DVD), pour un secteur non commercial dont l’étendue est précisée dans les contrats. En fonction des différents contrats conclus entre les ayants droit et ces distributeurs, ces derniers proposent les œuvres qu’ils ont en portefeuille pour des séances non-commerciales en vente ou location. pour le prêt, la consultation sur place et/ou les projections publiques exclusivement dans l’emprise de l’organisme acquéreur (ce qui est le plus fréquent) ou non auprès de structures particulières : bibliothèques, associations, hôpitaux, établissements pénitentiaires, établissements scolaires etc. en fonction de ce qui a été contractualisé entre les parties. La structure qui loue ou achète le support (DVD…) doit s’informer avec précision du contenu de ces contrats et, par conséquent, des droits qui lui sont octroyés. D’une façon très générale, les droits acquis auprès des fournisseurs imposent que la consultation et le prêt doivent être gratuits (mais tolérance pour un abonnement ou une adhésion). Quelques fournisseurs : - Publics : Images de la culture, Catalogue national Privés : ADAV, Colaco, CVS, RDM, VHS,… ou autres (L’Harmattan, Re :Voir,…) Généralement, les films sur support argentique 16mm ou 35mm sont loués auprès des sociétés de distribution concessionnaires des droits de représentation publique des œuvres. 4.4 – Marchés publics Les acquisitions de DVD se font, comme pour les acquisitions d’autres supports, par l’intermédiaire de fournisseurs, comme le veut la législation rassemblée dans le Code des marchés publics, qui oblige tout établisse ment public à passer une commande selon des règles devant garantir le libre accès à l a commande publique et la transparence administrative. Mais les fournisseurs de DVD ne sont pas de simples libraires. Ce sont eux en 3 Jean-Yves de Lépinay – Octobre 2014 Le cinéma, le juriste, la médiathèque – Les usages en médiathèque effet qui négocient pour les bibliothèques les montants des droits attachés aux films auprès de leurs propriétaires. La nécessité de passer par le Code des marchés publics a mis en concurrence ces fournisseurs, qui sont contraints de proposer à leur catalogue le plus grand nombre possible de références afin d’être en mesure de rivaliser et d’obtenir le marché. D’aucuns déplorent cette situation car elle a pour conséquence de rendre pléthorique, donc peu lisible, l’offre des catalogues, en rendant accessibles à l’achat par les bibliothèques de très nombreux titres qui n’intéressent en fait pas les acquéreurs, noyant ainsi l’offre de films dits de qualité dans un ensemble disparate. La question la plus sensible tient au fait que les catalogues des différents fournisseurs ne sont pas identiques. La bibliothèque peut donc se trouver dans l’impossibilité d’acquérir un titre ne figurant pas au catalogue du fournisseur avec lequel elle a passé le marché. L’article 35, III, 4° du Code stipule que « peuvent être négociés sans publicité préalable et sans mise en concurrence les marchés qui ne peuvent être confiés qu’à un prestataire déterminé pour des raisons techniques, artistiques ou tenant à la protection des droits d’exclusivité. » Ceci doit permettre, au moins en théorie, d’acquérir directement auprès de producteurs ou d’éditeurs n’ayant pas confié leurs œuvres à un fournisseur. Dans d’autres cas, il est aussi possible de demander au prestataire attributaire du marché un certificat par lequel il attestera de son impossibilité à fournir. Dans ce cas, l’achat pourra se faire sans formalités, dans la limite de 4000 euros. Les bibliothèques peuvent également demander au fournisseur de lancer une négociation pour les droits d’un titre dont elles souhaitent absolument faire l’acquisition et qui ne figure pas encore au catalogue. 4.5 – Valorisation Dans le cas des catalogues publics, les droits sont larges : ils comprennent la projection publique. Dans le cas des catalogues « privés », c’est plus complexe, et les informations les plus contradictoires circulent, y compris de la part des fournisseurs eux-mêmes. En l’absence de droits pour la projection publique, la consultation peut cependant être collective (ou plutôt semi-collective - cas d’une classe menée par un enseignant ou un animateur), mais il ne peut y avoir de publicité en dehors de la médiathèque qui comporterait une indication de titre et/ou de réalisateur, d’horaire précis, etc. Le matériel publicitaire, mis à disposition par les distributeurs pour les séances commerciales (affiches de films, etc.), ne peut en aucun cas être utilisé pour l’organisation de séances gratuites ou payantes régies par la réglementation du secteur non commercial. Les 4 Jean-Yves de Lépinay – Octobre 2014 Le cinéma, le juriste, la médiathèque – Les usages en médiathèque projections non commerciales restent exceptionnelles et doivent se distinguer clairement de l’offre proposée par les salles de cinéma autorisées par le CNC. L’annonce des projections peut être faite, dans le cadre d’une communication sur la programmation culturelle générale, notamment par le biais des sites internet des structures organisatrices et dans les journaux locaux. Cette annonce peut indiquer le nom de l’organisme responsable, le caractère de ses activités et le ou les titre(s) projeté(s) mais ne doit pas revêtir une forme commerciale. Déclaration à la SACEM Il est indispensable que tout organisateur entre en rapport préalable avec la SACEM (Société des Auteurs, Compositeurs et Editeurs de Musique) exerçant dans sa zone, en vue de déterminer le montant de la redevance particulière à acquitter. La seule autorisation de la SACEM, bien que nécessaire pour la partie musicale, ne suffit en aucun cas pour permettre la diffusion en public d'une œuvre. 4.6 - Désherbage Les droits (prêt et diffusion) sont attachés au support, donc pour la durée de vie du DVD. En cas de remplacement, le nouveau support devra être acquis avec les droits. Pas de cession possible à un autre établissement ou à des particuliers. Ou même de dons. 4.7 - Quelques questions pratiques Peut-on reprendre et diffuser des films sur Youtube, Dailymotion, Viméo, etc ? Il est possible de donner accès à Internet sur un poste de consultation dans la bibliothèque, et de composer des pages de sélection et de mise en valeur de films. L’usage du poste devra être individuel. Il est possible de faire la même mise en valeur sur un site internet, un blog ou une page Facebook. En revanche, il n’est pas possible de les télécharger, ou d’en faire des représentations publiques. Dans tous les cas, les films ainsi mis en valeur devront être légalement disponibles sur Internet. La charge de ce contrôle peut être reportée sur ces trois hébergeurs, leur responsabilité étant engagés. 5 Jean-Yves de Lépinay – Octobre 2014 Le cinéma, le juriste, la médiathèque – Les usages en médiathèque Il serait imprudent de faire cette mise en valeur à partir de sites douteux, et bien sûr d’utiliser un site de téléchargement ou une plateforme peer-to-peer. Peut-on montrer des extraits, créer ses propres montages ? Quel coût ? On peut montrer des extraits dans les limites du droit de citation (cf plus haut). Hors de ce cadre, il faut négocier des droits, ce qui est un travail difficile, parfois très long ou qui peut même ne jamais aboutir, et dont le coût est pratiquement impossible à prévoir, en l’absence de normes précises sur les tarifs appliqués. A noter qu’il est important de ne pas confondre citation et extrait. La citation est encadrée par une exception strictement encadrée par le Code de la propriété intellectuelle. Un remontage, un « mashup », un fragment inséré dans une nouvelle œuvre, ne sont pas des citations, quelle que soit la durée de l’extrait. Quelle utilisation peut-on faire des bande-annonces ? Les bandes-annonces ne sont pas, contrairement à ce que l’on entend dire ici ou là, libres de droits. Comme ce sont des œuvres publicitaires, leurs propriétaires sont en général très favorables à ce qu’elles sont reprises, utilisées, projetées dans des contextes variés, et sans que leur accord soit sollicité. Mais c’est surtout vrai pendant la période de promotion du film. Mais ces titulaires de droits seraient fondés à attaquer une personne qui les utiliseraient pour les intégrer dans une nouvelle œuvre, par exemple ; ou qui en ferait un usage commercial ; ou une utilisation dépréciative ; etc. Une foire aux DVD ? On ne peut accepter des dons mais peut-on les donner au public ? En d’autres termes, les usagers déposent leurs dons dans une caisse et d’autres les prennent. On ne peut effectivement pas mettre dans les rayons des DVD donnés par le public, puisque les droits spécifiques n’ont pas été acquis. On ne peut pas non plus donner les DVD acquis par la médiathèque au public, puisque les droits sont « attachés au support », et que ces droits ne peuvent pas être revendus (donc, le support non plus). En revanche, on peut tout à fait permettre l’échange de DVD appartenant aux usagers, entre usagers. 6 Jean-Yves de Lépinay – Octobre 2014