LES CONCEPTS DE BASE EN PSYCHOLOGIE SOCIALE
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LES CONCEPTS DE BASE EN PSYCHOLOGIE SOCIALE
Page 1 sur 41 QUATRIEME PARTIE : LES CONCEPTS DE BASE EN PSYCHOLOGIE SOCIALE Page 2 sur 41 I. INTRODUCTION Le cours sur le développement de la personnalité nous a permis de faire une transition entre le cours précédent consacré à la psychologie clinique / analytique qui s'est notamment axé sur l'importance du psychisme et plus particulièrement sur son aspect individuel et la psychologie sociale qui nous permet de comprendre les phénomènes sous un autre angle afin de repérer des processus nouveaux. La fin du cours précédent nous a progressivement amenés à parler du rapport de l'enfant et de l'adolescent à l'environnement et à la découverte du monde dit « social », c'est-à-dire au monde audelà de son noyau familial qui lui a servi d'étayage et au sein duquel il a évolué. Bien sûr l'environnement et le contexte sont présents d'emblée dans la vie et l'ensemble de l'environnement contribue à l'intégration du sujet humain au sein d'une communauté. Cependant, si la psychologie clinique aborde l’être humain à partir de l’Inconscient en tant que donne individuelle construite au sein et à partir d’un groupe, la psychologie sociale aborde l’être humain à partir de son statut « d’être social » ou « d’homme social » c’est-à-dire d’un individu engagé dès les premiers moments de son existence dans des rapports sociaux avec son entourage. La psychologie sociale nous permet donc d'aborder les faits à travers une approche sensiblement différente mais complémentaire à la psychologie clinique et elle nous permet de comprendre les phénomènes à partir d'un point de vue lui aussi « méta » c'est-à-dire du dessus. Contrairement à ce que nous pourrions penser, la psychologie sociale n’est pas une approche sociale de l’être humain ou une « psychologie du social » car il s’agit davantage d’une discipline transdisciplinaire qui tient compte des apports de toutes les approches en philosophie, en sociologie en psychologie ou même en anthropologie. Faire de la psychologie sociale ce n’est donc pas penser à partir d’une position bien définie, mais plutôt approcher les phénomènes de manière complexe. C'est pourquoi nous allons aborder divers thèmes typiques de la psychologie sociale qui vont nous permettre de lire différemment et de compléter les apports précédents de ce cours. Page 3 sur 41 Les questions qui sont souvent posées en rapport avec le thème du « social » sont les suivantes : Qu'est-ce que l'Homme en société ? L’homme peut-il se définir hors d’un groupe ou d’une société ? Qu’est-ce que le « social » ? Comment nous représenter notre relation aux autres et notre position au sein des différents groupes auxquels nous appartenons ? Pourquoi sommes-nous différents en fonction des situations que nous vivons ou selon les groupes au sein desquels nous sommes engagés ? Qu’est-ce qui nous fait agir au point de ne pas toujours nous reconnaître lorsque nous sommes en groupe ? Quels mécanismes et quels processus a priori « invisibles » sont impliqués dans la manière dont nous évoluons aujourd'hui dans notre société ? La psychologie sociale s'intéresse préférentiellement aux processus qui définissent, organisent et structurent la position du sujet dans son rapport aux autres et au monde. Elle se base sur une approche qui permet d'appréhender le sujet humain dans sa globalité et à partir d'une posture d'observation des phénomènes aussi bien tirés de situations de laboratoires qu'à partir de situations en milieu dit « naturel ». I.1. DÉFINITION : LA PSYCHOLOGIE SOCIALE Donner une définition de la psychologie sociale est très compliqué. La psychologie sociale est une branche de la psychologie qui s’intéresse à la façon avec laquelle les individus se forment une identité dans un groupe social. Voici une première définition de la Psychologie sociale : La psychologie sociale s’intéresse aux conflits entre l’individu et la société ainsi qu’aux processus culturels par lesquels, dans une société donnée, s’organisent les connaissances, s’établissent les rapports des individus à leur environnement, rapports toujours médiatisés par autrui, se canalisent les structures par lesquelles les individus se conduisent, se codifient leurs rapports inter-individuels et inter-groupes, se construit une réalité sociale commune et partagée qui s’origine autant dans les Page 4 sur 41 rapports avec les autres que dans les rapports avec l’environnement autour duquel nous construisons ensemble des règles et dont nous investissons les valeurs. En voici une seconde définition : La psychologie sociale est une science du comportement social, c’est-à-dire celui qui implique une référence à une autre personne ainsi qu'à des normes qui sont actualisées et qui se manifestent dans toutes les situations dans lesquelles le sujet se trouve en face d’autrui, ou alors si autrui est absent. Elle étudie donc les processus mentaux des individus en lien avec leurs comportements dans leurs interactions aussi bien actuelles que passées. Idéologie Valeurs Groupe Interactions Normes I.2. L'OBJET DE LA PSYCHOLOGIE SOCIALE Pierre MOSCOVICI précise l'objet de la psychologie sociale ainsi : L’objet central et exclusif de la psychologie sociale sont les phénomènes ayant attrait à l’idéologie et à la communication ordonnées au plan de leur genèse, de leur structure et de leur fonction. En somme, il s'agit de la science des organisations des rapports sociaux depuis leur constitution, jusqu’à leur effet sur nos comportements. La psychologie sociale se différencie de la sociologie et de l’anthropologie par son regard porté sur Page 5 sur 41 l’expérience observée. Si la sociologie s'intéresse à la société, la psychologie sociale porte son regard sur l'individu en société. A l'individu, l'objet, la psychologie sociale oppose et relie l'autrui, l'ALTER, l'autre ainsi que l'EGO c'est-à-dire le semblable, le même. Ces disciplines se recoupent et recouvrent par endroit un même territoire vu sous un angle différent. I.3. LES NIVEAUX D'ANALYSE DE LA PSYCHOLOGIE SOCIALE La psychologie sociale invite à plusieurs niveaux d'analyse. Willem DOISE propose quatre niveaux de lecture des phénomènes : − Le niveau intra-individuel − Le niveau inter-individuel − Le niveau positionnel − Le niveau idéologique Niveau idéologique Niveau positionnel Niveau inter-individuel Niveau intra-individuel Page 6 sur 41 I.3.1. Le niveau intra-individuel ou intra-psychique Le niveau intra-individuel ou intra-psychique correspond à l'étude des mécanismes qui permettent au sujet humain de s'organiser, de localiser la source de ce qui l'affecte et de catégoriser ses expériences. Il s'agit de processus, ils sont donc évolutifs. Ce niveau tente d'expliquer comment les individus organisent leurs expériences. Nous pourrions dire qu'il correspond à ce que nous avons vu en terme de conflictualité psychique dans la partie du cours consacrée à la psychologie clinique / analytique lorsque nous avons abordé la topique psychique. I.3.2. Le niveau interindividuel ou groupal Le niveau inter-individuel ou groupal s'aborde cette fois à partir de ce qui se joue entre les individus. Ce niveau de lecture fait appel aux principes de l'interactionnisme et notamment à ce que nous avons vu en parlant d'épigénèse interactionnelle. Ce niveau tente d'explorer la manière dont les individus construisent leurs liens et leur interactions. I.3.3. Le niveau positionnel Le niveau positionnel correspond à une lecture à partir des différentes positions des sujets en fonction de leur statut ou de leur place au niveau des structures ou des institutions. C'est le niveau par exemple qui définit la place d'enseignant, d'élève, de formateur...comme à l’I.R.F.S.S. Ce niveau tient compte des différents systèmes de classification et de catégorisation dans la société. I.3.4. Le niveau idéologique ou représentationnel Le niveau idéologique ou représentationnel correspond au niveau des pensées, des croyances, des valeurs, des normes, que nous retrouvons dans toutes sociétés. Ce niveau est le plus complexe car il prend en compte un ensemble de facteurs importants. Page 7 sur 41 I.4. QUELQUES DATES DE LA PSYCHOLOGIE SOCIALE 1890 : en France apparaissent les « Lois de l'imitation de Tarde » du nom de Gabriel TARDE. 1895 : est publiée la « psychologie des foules » de Gustave LEBON. 1898 : est édité un autre livre de Gabriel TARDE intitulé « Etude de psychologie sociale ». 1902 : Paolo ORANO écrit Psicologia sociale. 1908 : William MCDOUGALL publie son livre « Introduction à la psychologie sociale ». La première notion centrale de la psychologie sociale est celle de « Socialisation ». II. LA SOCIALISATION II.1. GÉNÉRALITÉS SUR LA NOTION DE SOCIALISATION L’histoire de la psychologie sociale est continue mais ses origines sont difficiles à déterminer. Si la psychologie clinique propose une approche intéressante, nous pouvons constater que l'être humain ne peut pas être observé que dans son intériorité profonde que celle-ci soit biologique ou psychologique au sens de la réalité psychique individuelle. L'Inconscient n'est d'ailleurs pas qu’individuel puisque nous avons vu ensemble que l'Inconscient est un groupe (le Moi, le Ca et le Surmoi). En effet, l'Homme est un « animal social », un être qui vit au sein de différents groupes de diverses natures et de formes différentes. Comme nous l’avons vu en psychologie clinique, le groupe précède la constitution de l’être humain mature et le guide tout au long de son existence jusqu’à sa mort. Dès sa naissance, l’Homme est pris dans un tissu social qui l’accueille et le berce, qui l’assigne à une place réelle et fantasmée et qui lui donne une empreinte des règles et des enjeux liés au fonctionnement du groupe social et de la société à laquelle il appartient. La psychologie sociale est une discipline en construction permanente guidée par un besoin actuel de compréhension des enjeux de la construction de l’individu à partir du monde qui l’entoure. La question de la socialisation se repose au niveau du sujet de l'inné et de l'acquis. Les « anciens » pensaient qu'il existait une langue originelle commune à tous les hommes et qui Page 8 sur 41 précéderait l'acquisition des autres langages que nous apprenons, c’est-à-dire que nous aurions un héritage muet d’un langage universel qui serait bien antérieur à l’apprentissage de la communication verbale. Les singes, nos « cousins les plus proches » disposent d’une période de gestation tout à fait importante. Ils naissent dans un environnement qui assure leur développement rapide en tant qu’individu autonome. Contrairement à ces espèces, l’Homme ne naît pas dans un environnement matériel spécifique et il naît prématuré. Ceci est notamment dû à un rétrécissement du bassin et à l'acquisition de la bipédie. Cette prématurité a permis la conquête rapide de la surface de la terre. Le cas des enfants que l'on a élevé sans jamais leur parler et qui se sont laissés mourir ou encore celui des « enfants sauvages », nous a permis de comprendre qu'il y a des étapes, des moments charnières dans l'existence humaine, des temps d’au-delà desquels certains processus deviennent « Forclos », c’est-à-dire bloqués pour de bon sans possibilité de reprise ultérieure. Un enfant qui n’est jamais mis au contact de l’humain et d’un langage verbal articulé présentera des difficultés majeures de socialisation et d’intégration au groupe social, du fait d’une impossibilité d’utiliser à son tour et pour son propre compte un langage verbal articulé. De même, nous avons constaté que des jumeaux séparés dès la naissance pouvaient développer des situations de vie tout à fait différentes malgré un même héritage génétique. Nous voyons bien que l'environnement a un effet très important sur le développement de l'Homme. Ce qui conduit à la maturité de l'être humain c'est notamment le processus de socialisation. La socialisation repose sur un ensemble de processus que nous pouvons observer au quotidien et que nous pouvons définir. II.2. DÉFINITION DE LA SOCIALISATION La socialisation est un processus complexe par lequel sont transmises des valeurs et des normes dans le but de construire une identité sociale et d'intégrer l'individu à la société. La socialisation fait d'un individu un être social, c'est-à-dire un sujet intégré dans un tissu de liens et d'interactions, créateur de lien social. Avant cela, l’individu est un être potentiellement humain. La socialisation est donc l’apprentissage de la vie en société. Elle consiste en l’apprentissage des comportements, des valeurs et des normes sociales qui sont des notions que nous allons aborder plus en détail dans la suite de ce cours . C’est un processus d’intériorisation par chacun, des valeurs et des normes du groupe et de la société dont il est membre . C’est le processus d’acquisition des Page 9 sur 41 connaissances, des modèles, des valeurs, des symboles, bref des "manières de faire, de penser et de sentir" propres aux groupes et à la société où l’individu est appelé à vivre. La socialisation est un processus par lequel les valeurs et les normes sont dans un premier temps extériorisées, pour être par la suite intériorisées par l'individu dans un va-et-vient que nous pouvons repérer chez l’enfant par exemple. De cette définition découle tout d'abord que l'homme ne naît pas social, il le devient. Ensuite, cela donne une part importante à l'environnement qui modèle l'individu naissant. Enfin, la socialisation est un processus. La socialisation implique une fonction micro-sociologique qui s'intéresse à l'individu dans son rapport à la société, mais aussi à ce que nous nommons la « cohésion sociale », c'est-à-dire à ce qui concerne l'agencement et l'organisation des rapports entre les individus dans la société. Il s'agit donc de la question de l'altérité, de la reconnaissance et de l'acceptation de la différence des êtres, de la conception d’avoir affaire avec un autre semblable mais différent de soi. La structuration, l'organisation et le fonctionnement de la société reposent sur des valeurs, des règles et des normes qui sont instituées et qui régissent les rapports entre les individus. La socialisation est un processus continu qui se développe durant toute la vie du sujet. II.3. LES GRANDS PRINCIPES DE LA SOCIALISATION II.3.1. Introduction à l'idée de Valeur Lorsque nous grandissons, nous allons acquérir des valeurs. Une valeur est un idéal propre à une société, un repère qu e se donne un groupe d'individus ou une société. Les valeurs définissent notre manière d'agir et de réfléchir. Par exemple, la valeur se traduit par les règles édictées par l'école de la Croix Rouge Française qui donne un cadre de référence à tous les individus qui s'en réclament. Page 10 sur 41 II.3.2. Introduction à l'idée de Norme Lorsque nous grandissons, nous allons être confrontés à des normes. Une norme se définit comme un modèle de règles de conduite auxquelles les individus doivent se soumettre et se conformer pour vivre ensemble. Ces normes reposent justement sur les valeurs qui les légitiment et les justifient. Tout comme les valeurs, les normes sont susceptibles d'évolution. II.3.3. Introduction à l'idée de Rôle Les valeurs et les normes instituées pour les faire respecter conduisent à définir des rôles aux individus appartenant aux groupes. Un rôle est un comportement qu'un individu doit assumer et suivre en fonction de sa position et de son statut dans le groupe auquel il appartient. A partir de son statut, un individu va disposer d'un ensemble de rôles qui vont lui être attribués. C'est par exemple le cas, actuellement, comme nous l'avons vu à travers l'asymétrie qui existe entre nous, durant ce cours magistral. Les rôles évoluent également et se transforment dans le temps. La socialisation est assurée par des agents de socialisation ou agents socialisateurs qui sont des acteurs sociaux ayant une influence essentielle sur la formation de l’individu. Voici une représentation très schématique de ces enjeux de construction de la socialisation. Socialisation Idéal Normes Valeurs Page 11 sur 41 II.4. LES AGENTS SOCIALISATEURS Il existe des agents socialisateurs ou agents de socialisation de diverses natures et de fonctions différentes. Les principaux agents socialisateurs sont la famille, l'école, les médias, l'entreprise, les associations, mais aussi, le chemin de l'école et la rue. Nous pouvons distinguer la socialisation primaire et la socialisation secondaire ainsi que d'autres agents de socialisation. II.4.1. Les agents de socialisation primaire Les agents de socialisation primaire sont la famille et l'école. Tout comme le terme « primaire » le laisse suggérer, il s'agit de quelque chose de premier, de fondamental dans le développement de l'individu. La famille est l’institution fondamentale en matière de socialisation car c'est au sein de la famille que naît, évolue, grandit, vieillit et meurt l'individu. L’école est aussi un agent de socialisation. Elle éduque, transmet des règles de conduite et enseigne des connaissances et des savoir-faire en tant que premier lieu, autre que l'univers familial. Pour les enfants de catégorie sociale dominante, l’école renforce la culture familiale. Des inégalités existent en fonction des catégories sociaux-professionnelles. Il arrive souvent dans les familles émigrées, que ce soient les enfants qui socialisent leurs parents à la culture du pays d’accueil. Dans ce cas, les individus utilisent l'école comme un espace-temps de socialisation pour les adultes. La socialisation primaire n'est donc pas nécessairement attachée à un âge particulier. II.4.2. Les agents de socialisation secondaire Les agents de socialisation secondaire ont pour fonction d'adapter un être social à une situation précise. Parmi ces structures, nous rencontrons l'entreprise, le groupe de pairs, puis plus tard encore la discothèque ou encore la bibliothèque. Les agents de socialisation secondaire offrent la possibilité d'une reprise des bases acquises à travers et dans les agents de socialisation primaire. Page 12 sur 41 II.4.3. Les autres agents de socialisation Parmi les autres agents de socialisation nous trouvons l'Eglise ou encore les médias. Nous pouvons remarquer que la socialisation peut passer par des méthodes différentes. Par exemple, lorsque la socialisation est diffuse et non pas explicite et avouée, elle s'opère de manière inconsciente, « naturelle », et prend autant d'importance. II.5. LES ÉTAPES DE LA SOCIALISATION La socialisation se déroule en deux étapes : une socialisation primaire et une socialisation secondaire. II.5.1. La La socialisation primaire La socialisation primaire est un processus dont bénéficie le sujet humain au sein de son groupe d'origine qui est généralement sa famille. Ce premier groupe laisse une empreinte très importante, nous l’avons vu notamment sur le plan individuel, en abordant le concept de l’ étayage (support, empreinte, écart et reprise). La socialisation primaire donne les premières formes de différenciation et définit les rapports aux objets et aux expériences tels que ce que nous nommons « les goûts et les couleurs ». Elle est aussi interactive, c'est-à-dire que chaque individu est à la fois socialisé et socialisateur dans son rapport aux autres à travers un système de boucle de rétroaction. II.5.2. La La socialisation secondaire La socialisation secondaire concerne la période de l'adolescence qui permet une expérimentation secondaire des différents processus opérés dans l'enfance. Il s’agit d’un laboratoire visant à mettre à l’épreuve et à tester les différentes positions et les valeurs transmises dans l’enfance. Attention, la socialisation secondaire qui se produit à l'adolescence se déroule bien après que le sujet ait été en contact avec les agents de socialisation secondaire tel que le groupe de pairs ou la bibliothèque. La socialisation a un effet important sur nous, puisqu’en dépit de nos efforts d'émancipation de cet héritage familial, nous avons tendance à répéter les schémas expérimentés étant enfant. Page 13 sur 41 Les agents de socialisation primaire : Groupe famille école Les agents de socialisation secondaire : Groupe Famille école groupe de pairs Entreprise Page 14 sur 41 II.6. LES PROCESSUS DE LA SOCIALISATION II.6.1. Le premier processus de socialisation : l'Institutionnalisation Le processus d’institutionnalisation est un mécanisme qui s'observe à travers notre tendance à faire répéter les choses de manière identique et à construire un ensemble de règles liées à la ritualisation des comportements qui nous permet d’anticiper l’avenir, de prévoir les réactions d’autrui et de diminuer l’angoisse devant la nouveauté. L'institutionnalisation nous conduit à faire passer une règle personnelle pour une règle impersonnelle qui prend alors la valeur de vérité absolue. Nous pourrions dire que nous construisons un ensemble complexe qui va définir une méthode de reproduction du principe de base qui a été énoncé auparavant. Nous pouvons faire un pont, ici entre la psychologie sociale et la psychologie analytique en parlant de ce que nous avons vu précédemment du phénomène de « départicularisation du Surmoi ». Nous l’observons par exemple dans ce que l’on nomme « l’effet de routine ». Pour l'enfant, le monde que les parents lui transmettent est LE MONDE au sens où ce premier ensemble de règles et de valeurs s'impose au sujet comme une totalité et une universalité. C’est ce qui fait que l’enfant attribue aux autres les mêmes modes de pensée, les mêmes schémas d’origine ainsi que les mêmes systèmes de valeurs qui sont petit à petit définis par le « c’est comme ça chez nous ». Dès notre plus jeune âge nous avons appris à reproduire ce que l'on nous a enseigné et à l’étendre à d’autres situations de plus en plus éloignées de l’origine du cercle familial. L'institutionnalisation nous conduit à faire passer une règle personnelle pour une règle impersonnelle qui prend alors la valeur de vérité absolue. Nous pourrions dire que nous construisons un ensemble complexe qui va définir une méthode de reproduction du principe de base qui a été énoncé auparavant. L'institutionnalisation est un processus dans lequel nous baignons en permanence et notamment à l'Hôpital et dans toute institution au sein de laquelle vous interviendrez à travers les « projets d’établissements » ou « les projets de soins ». Ceci rejoint ce processus que nous pouvons repérer par exemple à l’Hôpital mais aussi à l’école d’infirmières.... L’Institutionnalisation peut conduire à des excès et des dérives dans certains cas. Au-delà de la crise dans le couple du fait d’une « routine » qui s’installe, l’Institutionnalisation qui s’oppose à la Page 15 sur 41 spontanéité d’un comportement, nous conduit à effectuer des tâches pour elle-même sans nous soucier de l’objectif final vers lequel ces tâches tendent. Ce phénomène se repère facilement en Hôpital où la procédurisation et l’idéologie de transparence conduisent les soignants à consacrer une très grande partie de leur temps à laisser une trace sur un ensemble de supports, pour justifier de leur activité en dehors de la rencontre avec le patient. L'administratif et la justification tendent à devenir autonomes des processus qui étaient visés par les protocoles. Ce qui est mis en place en termes de procédures ou de façon de faire, est appelé l'Institué. L'agent qui met en place cette procédure est appelé l'Instituant. Lorsque l'institué supplante l'instituant, c'est-à-dire lorsqu'une tâche s'autonomise des personnes qui l'ont mise en place, alors l'institution tombe dans l'aliénation qui commence par une « crise de sens » dans les équipes, une « démotivation et de l'absentéisme qui peuvent déboucher sur des somatisations, des souffrances graves, des arrêts de travail, voire parfois des tentatives de suicides. Un autre pont peut être fait avec ce que nous avons vu des mécanismes de défenses : en effet, comme tout processus institué, l’Institutionnalisation qui a pour vocation de sécuriser et de protéger les sujets, peut aussi à l’excès, conduire à un déséquilibre et à la souffrance. II.6.2. Le deuxième processus de socialisation : la légitimation La légitimation est un processus qui concerne la manière dont nous justifions les catégories que nous avons instituées auparavant. Dans notre société la légitimation est notamment incarnée par la science qui vient assurer la crédibilité et vient poser la vérité des règles instituées. En somme la légitimation c'est donner une raison valable à ce que nous faisons. Par exemple dans la publicité, l’habit du chercheur vient donner du crédit à l’institutionnalisation du comportement d'achat, de consommation régulière d’un certain produit. Au sein de l'Hôpital, la légitimation peut s'entendre à travers le fait que l'Hôpital est un lieu au sein duquel il est évident de travailler pour soigner les gens. La légitimation permet d'expliquer et de « valider » une démarche que nous avons mise en place. En général, la légitimation rassure l’individu, de la place qu’il occupe au sein du groupe social et dans l’organisation de la tâche qui lui est allouée. La légitimation peut cependant amener à des excès, lorsque par exemple elle vient prendre la place de la réflexion, sur la pratique. Elle peut être à la source de la résistance aux changements que vous rencontrerez au sein des équipes des institutions de soin où des collègues refuseront de manière passive de modifier leur pratique car « c’est ainsi que l’on fait ici, et pour preuve, cela fait l’objet d’un suivi à travers la rédaction d’un document ». Elle peut également être source de souffrance au Page 16 sur 41 sein des équipes de soin au sujet de la question des soins palliatifs et de la fin de vie. La légitimation se trouve par exemple dans les tentatives répétées de certains médecins à soigner à tout prix certains malades du cancer, car tel est leur rôle de médecin, légitimé par l'Ordre des Médecins, ainsi que par leur contrat de travail et de par leur fonction au sein du service de l'Hôpital. Un médecin qui ne voulait pas annoncer un pronostic de mort à court terme à un patient âgé de moins de cinquante ans lui a ainsi proposé une cure de chimiothérapie car il ne lui semblait pas très « adapté » de ne rien proposer. Les médecins sont par exemple des professionnels dont la fonction et l’intervention sont légitimées par un projet de rétablissement du patient. Lorsque survient la question de l’arrêt des traitements, voire les enjeux de la fin de vie, leurs représentations professionnelles de celui qui sait, comment et quoi soigner et guérir est remise en question. Ils ne se sentent donc pas à leur place d’annoncer qu’ils ne peuvent plus rien entreprendre d’autre. C’est pourquoi, dans le meilleur des cas, ils vont se tourner vers un collègue qui travaille en soins palliatifs pour lui adresser le patient. Enfin, les étudiants infirmiers qui partent en stage à l'étranger font l'expérience d'une différence de légitimation dans la pratique. Par exemple, il arrive que les soignants dans certains pays ne réagissent pas aux plaintes de douleurs de leurs patients et n'utilisent pas la morphine disponible, car le rapport à la douleur est différent dans ces pays et l'utilisation de substances antalgiques n'est pas légitimée par la culture. II.6.3. Le troisième processus de socialisation : l’incorporation L'incorporation est un processus qui se rapporte à la manière dont les normes de comportement qui nous sont transmises et imposées transforment notre manière de nous mouvoir. Il s’agit d’un processus entre déterminisme et interactionnisme. L'incorporation est donc caractéristique de la socialisation que nous avons subis. Nous sommes des êtres façonnés par les règles, les valeurs et les normes, que notre environnement nous a transmis et des contraintes qui nous ont été imposées du fait de notre rencontre avec la réalité, mais toujours en dialogue avec ce qui nous constitue depuis notre naissance. Si l'incorporation a des bases liées à l'activité de nourrissage, elle a aussi son application dans le domaine des règles sociales qui sont progressivement intériorisées sous la pression du groupe social. Page 17 sur 41 II.6.4. Le quatrième processus de socialisation : l’actualisation L'actualisation est un processus qui définit la façon dont les normes sociales sont construites au quotidien dans nos vies et donc de la manière dont elles sont rendues présentes par la répétition et leur reprise. L’actualisation permet de comprendre que ce n’est pas tant ce qui nous est transmis qui fait héritage et qui révèle la socialisation en nous, mais la manière dont nous reproduisons et transférons dans le présent, dans le quotidien, ces normes et ces valeurs. Il y a donc un aller-venu entre ce qui est virtuellement déjà là en nous, du fait de notre rapport aux autres et ce que nous remettons à jour régulièrement dans la pratique. Ce processus s’observe par exemple dans la pratique infirmière qui dispose d’un ensemble de règles qui définissent à un moment donné une pratique particulière qui est alors rendue présente à chaque fois sur le terrain. L’actualisation peut être un phénomène à l’origine d’une souffrance chez les jeunes professionnels, qui par exemple se rendent à l’étranger pour travailler et qui découvrent comment les normes qu’ils ont apprises vont devoir être actualisées dans un contexte différent de celui qu’ils ont connu jusque-là. Vos collègues qui effectuent un stage en Afrique par exemple sont parfois très décontenancés face à ce qu'ils interprètent comme une absence de réaction des soignants sur place. Le stage permet une confrontation entre les connaissances transmises en cours et ce que vous allez expérimenter sur le terrain. Il va y avoir un processus d'actualisation. Actualiser c'est faire présente et rendre vivante une pratique. II.7. CONSÉQUENCES DE LA SOCIALISATION La socialisation induit elle-même certains processus : l’Habitus et l’Anomie. II.7.1. L’Habitus L’Habitus L’Habitus correspond à l’ensemble des goûts, des comportements, des manières de percevoir, de ressentir et de dire, qu’un individu reçoit de sa famille et de son milieu social. C’est en fonction de cet habitus hérité que tout homme agit dans la société. L'Habitus est un terme utilisé pour définir la synthèse qui s’effectue entre le déterminisme c'est-àdire ce qui est donné d'emblée au sujet, notamment son héritage biologique et génétique, autant que Page 18 sur 41 son contexte de naissance et ce qui se rapporte aux expériences et aux échanges que l'individu va vivre et qui vont permettre une actualisation de ce qui lui a été transmis. L'être humain est ainsi quelque part entre la position d'objet de la société et celle de sujet, s'émancipant des contraintes liées à sa condition humaine et à sa vie. Cette définition se rapproche de ce que nous avons abordé en parlant de « contrat narcissique » lors du cours sur le développement de la personnalité. II.7.2. L'anomie L'anomie Si la socialisation contribue à construire un tissu ou un réseau de liens qui structure la place de l’individu dans la société et définit les moyens et buts de ses interactions sociales, l’ anomie représente le moment où le sujet vit une perte de ses repères culturels, du fait d’un affaiblissement des valeurs et des normes, entraînant alors l'isolement du sujet. L'anomie est également liée à un écart de plus en plus important entre les buts proposés par la société et les moyens mis à disposition pour y parvenir, créant alors une perte du cadre de référence pour le sujet. Émile DURKHEIM a proposé l'idée que l'anomie pouvait être à l'origine de certaines formes de suicide. Nous pourrions voir cette hypothèse dans les phénomènes de suicide au Japon chez les jeunes adultes qui échouent à entrer dans les grandes écoles. Dans cette société, l’échec à l’examen d’entrée correspondant à une perte de repères culturels qui sont alors détruits et font vivre une perte potentielle d’identité sociale. II.8. LES EFFETS DE LA SOCIALISATION La socialisation produit également des effets que nous allons aborder. II.8.1. La reproduction sociale Lorsque l’être humain passe par la phase de l’adolescence, il va réactualiser les modèles anciens qui lui avaient été transmis par son groupe d’origine. Les études montrent, qu’en dépit des systèmes mis en œuvre pour « l’égalité des chances » et ce que nous entendons parfois en terme de « discrimination positive » n’empêchent pas une forme de reproduction par les enfants des parcours parentaux, voire de la répétition de l’Histoire de la lignée générationnelle dont ils sont les dépositaires. En effet, peu de fils d’ouvrier parviennent à changer Page 19 sur 41 de « rang social » pour se retrouver universitaire ou Président Directeur Général d’une grande entreprise. Selon Pierre BOURDIEU, la reproduction de l’ordre social passe par une reproduction des hiérarchies sociales et par une légitimation de cette reproduction. La société contribue ainsi à renforcer les positions prédéfinies, en conduisant les enfants de familles appartenant à la classe dominante, à fréquenter les meilleurs établissements et à obtenir les meilleurs diplômes afin d’assurer les plus hautes fonctions et ainsi à pérenniser le système déjà en place. Un autre effet est lié au fait que le savoir dispensé aux élèves est plus proche de la culture et du savoir des classes dites « dominantes ». C’est pourquoi, même lorsque nous observons des initiatives visant à atténuer cet effet, nous pouvons remarquer que les individus qui bénéficient de l’accès aux grandes écoles sont beaucoup plus rares à réussir, ce que nous nommons une « ascension sociale ». Ceci permet de comprendre en quoi le politique passe rapidement sur ces questions en pensant que prendre des mesures conduit à régler le problème : lorsque les donnes institutionnelles changent, ce sont nos propres assises qui sont ébranlées car se remettent en Jeu les interactions dynamiques entre valeurs, normes, légitimation, Habitus etc… Ce phénomène de reproduction sociale est sous-tendu par une violence symbolique portée par les Institutions mais totalement ignorée des agents qui dispensent les valeurs sociales que nous intériorisons. Afin de garantir la continuité de notre lien avec les personnes auprès desquelles nous sommes engagés affectivement, nous préférons reproduire, plutôt que de risquer la perte ou l’abandon. Ce poids conduit les individus à reproduire ainsi les structures pré-établies comme si la répétition était le garant d’une stabilité sociale, source d’équilibre. La socialisation et les processus qui lui sont attachés telle que la reproduction sociale produit des effets dès les premiers instants de l’existence et jusque dans les choix de carrière, car derrière la réussite sociale d’un individu se profile les enjeux de transmission, de liens et de légitimité de sa place dans le monde. C'est ce qui fait bien souvent, en tout cas, comme à l'époque, qu'un fils de médecin devient médecin à son tour. Page 20 sur 41 II.8.2. L’étiquetage L L’étiquetage est un processus lié à la socialisation que nous pouvons définir comme un mécanisme par lequel nous attribuons des qualités à quelqu’un, simplement parce que nous disposons d’un seul critère ou d’un trait unique à son sujet. L’étiquetage s’observe par exemple dans les expériences avec les enfants. Des expériences ont montré qu’un enfant habillé en bleu sera considéré comme un garçon si la couleur est le seul critère de distinction disponible. Si en revanche il est habillé en rose, il sera plutôt considéré comme une fille. De même, si l’enfant est habillé en jaune, sans possibilité de se référer à une couleur ou à un autre critère, nous aurons tendance à dire que c’est un garçon si nous disons qu’il est « fort, robuste, costaud, grognon, énergique, dynamique, colérique, violent » etc… Inversement si le terme employé pour parler de lui est « gentille, douce, calme, fine, délicate, mignonne »…nous aurons tendance à le définir comme une fille. Nous pouvons voir ici un effet de la socialisation au sens où les normes et valeurs qu’elle transmet, en terme de représentations sociales ont une influence sur la manière dont nous percevons alors les autres, de façon « intuitive » et stéréotypée. L'étiquetage se retrouve bien sûr dans la pratique infirmière. Tous les jours, vous entendrez : « c'est un glyobastome », « elle, c'est une hystérique ». L'étiquetage nous rassure, mais paradoxalement, son effet nous conduit à banaliser les situations en les catégorisant. II.8.3. Les plafonds de verre ou plafond de mère L’expression plafond de verre et son cas particulier de plafond de mère sont utilisés pour désigner un processus par lequel certains niveaux hiérarchiques dans les structures sociales ne sont pas accessibles à certaines catégories de personnes et notamment les femmes. Au-delà d’une position de victimisation de cette catégorie de population, le concept de plafond de mère renvoie davantage à l’idée que les femmes seraient mises à l’écart en même temps qu’elles s’autolimiteraient dans leurs choix de carrière, du fait du poids de l’héritage social et des processus liés à la socialisation qui tendent à leur donner une légitimité en tant que mère. Les femmes vont donc éviter d’entreprendre de longues carrières ou faire preuve de moins d’ambition que les hommes dans leurs objectifs. Ceci justifiant l’étiquetage et leur position au sein de la société. Page 21 sur 41 Nous sommes donc bien loin d’explication simpliste sur une société « machiste » qui imposerait ce choix aux femmes. Les choses sont beaucoup plus complexes. II.8.4. Les couloirs de verre L’expression « couloirs de verre » est utilisée pour désigner le processus par lequel certaines structures ou certains parcours de vie ou de formation sont massivement investis par une catégorie de personnes qui révèlent ainsi la position et la valeur de ces organisations dans la société. Le phénomène des couloirs de verre s’observe lorsque nous regardons le panorama de la répartition des sexes en fonction des filières de formation. Jusqu’à récemment, nous pouvions dire que pour savoir quels étaient les parcours les plus valorisés, il suffisait de regarder où il y a le moins de femmes. Par exemple en France, les filières les plus valorisées socialement et celles qui bénéficient des apports financiers les plus importants, tels que la recherche en sciences exactes comme les mathématiques, l’informatique, la chimie…sont parfois désertées par les femmes. Inversement, les sciences humaines qui sont beaucoup moins valorisées et surtout moins soutenues par les budgets sont massivement fréquentées par les femmes. L’exemple typique est celui de la psychologie par rapport aux mathématiques appliquées. La psychologie est une discipline massivement fréquentée et pratiquée par les femmes. Inversement, les mathématiques ou certaines filières dites de « haute technologie », les femmes y sont pratiquement absentes. Plus proche de nous, nous pouvons repérer l’effet des codes sociaux à travers la manière dont sont portées différemment les filières générales au lycée. La filière scientifique est très majoritairement investie par « tout le monde », mais surtout par les hommes, tandis que la filière littéraire est très majoritairement liée aux femmes. II.9. LA SOCIALISATION ET LE GENRE II.9.1. Définition du Genre Le processus de socialisation fait une place importante à la question du Genre. Nous parlons de sexe sur le plan chromosomique, hormonal et de manière plus précise, même à ce qui se rapporte à la sexualité en tant que comportement et au plaisir qu’elle procure. Nous parlons de Genre lorsque nous évoquons le plan psycho-social qui se réfère davantage à une place liée à la socialisation du sujet et à un rôle social. Page 22 sur 41 II.9.2. L’identité L’identité de Genre et l’identité l’identité profonde II.9.2.1. L’identité L’identité de Genre L’identité de Genre c’est la connaissance que nous avons d’être homme ou femme. Il s’agit d’un sentiment d’appartenance à une identité masculine ou féminine indépendamment des caractéristiques biologiques et de l’orientation sexuelle. II.9.2.2. L’identité L’identité profonde L’identité profonde se développe avec toutes sortes de modèles. Elle concerne la conviction d’être un être humain sexué, indépendamment du Genre auquel le sujet est affilié. II.9.2.3. Les effets de l’identité de Genre Les expériences et les travaux effectués au sujet du Genre ont conduit les chercheurs à repérer que le genre peut être dissocié de la morphologie sexuelle. Par exemple, élever un garçon comme une fille va conduire à un adulte qui développera une identité de fille, aussi forte que dans le cas d’une fille élevée comme une fille. L’effet de la dénomination du sexe de l’enfant à la naissance s’appelle le sexe d’affiliation. A partir de ces travaux nous pourrions dire que l’être humain équilibré serait quelqu’un avec des traits masculins et des traits féminins. II.9.3. Les effets de l’identité de Genre Conséquences de l’introduction du concept de Genre II.9.3.1. L’intersexualité L’intersexualité L’intersexualité c’est la situation dans laquelle l’enfant a des organes génitaux ambigus, du fait d’un dysfonctionnement hormonal. Il y a alors eu pour certains enfants une « erreur » dans la désignation du sexe. L’identité de Genre serait fixée aux alentours de deux ans. Alors, si les parents ont élevé l’enfant Page 23 sur 41 comme un membre du sexe opposé, celui-ci aura une identité de Genre stable, conformément aux projections et aux discours parentaux. II.9.3.2. Le transsexualisme Dans le transsexualisme il n’y a pas d’ambiguïté ou d’anomalies hormonales ou chromosomiques. Malgré un sexe d’assignation à l’adolescence, le transsexuel affirme avoir une âme de femme dans un corps d’homme ou inversement. Il va tout faire pour se transformer et obtenir un changement d’état civil. Le transsexualisme reposerait sur une distorsion de la relation précoce mère/bébé. II.9.3.3. Le travestisme Le travestisme peut se comprendre comme un comportement de jouissance et de transgression qui ne révèle pas un trouble de l’identité profonde. II.9.3.4. L’homosexualité L’homosexualité n’est pas un problème d’identité. Il ne s’agit pas d’un trouble de l’identité profonde, mais d’un choix d’objet d’amour différent. II.10. CONCLUSION SUR LA SOCIALISATION Même s’il est difficile de conclure sur le thème de la socialisation, l’important est de retenir que la socialisation est un processus complexe faisant appel à un ensemble de mécanismes en interactions et qui suppose une réflexion sur de très nombreux facteurs, afin de ne pas tomber dans une lecture simpliste. III. LA DYNAMIQUE DE GROUPE III.1. LE GROUPE Le groupe est un thème basique de la psychologie sociale. Nous allons l’aborder de la manière la plus complète possible tout en tenant compte de la limite liée à ce parcours de formation. Page 24 sur 41 Comme pour le reste de ce cours, de manière globale, il s’agit là d’esquisse qui implique un approfondissement ultérieur. III.1.1. Définition : le Groupe Comment peut-on comprendre que des gens « bien sous tous rapports » se mettent soudain à effectuer des choses complètement étonnantes, voire dangereuses et criminelles lorsqu’ils se trouvent en groupe ? L’exemple avait été donné au sujet de cette situation où des hommes « bien sous tous rapports », « équilibrés » se sont mis à prendre à parti un jeune pompiste homosexuel qu’ils ont tué en lui mettant la pompe à essence dans l’anus… Ces hommes qui individuellement n’auraient jamais fait cela, sont-ils « fous » ? « déséquilibrés » ? Ou le fait d’être en groupe aurait-il eu un effet sur leur comportement de groupe et donc sur leurs intentions ? Le processus que nous appelons parfois « hystérie collective » ne traduit-il pas un « état » particulier que nous acquerrons lorsque nous sommes en groupe et dans certaines circonstances ? Ces procédés sont largement exploités dans de nombreuses situations qui nous sont rapportées dans les médias et qui sont instrumentalisées parfois par certains groupes à des fins mercantiles… Le terme Groupe nous vient de l'Italien : il désigne un ensemble d'individus . Son utilisation est liée à la métaphore du nœud, de la grappe. Le groupe est alors désigné pour parler de la réunion de personnes et de l'intérêt de se rassembler : « l'Union fait la force ». Le groupe c'est d'abord une volonté de rapprochement d'autrui à partir d'une solidarité implicite à des fins de partage, de création commune du fait de la solitude. Il repose sur une mise en commun d’un affect, d’un catalyseur qui donne l’illusion d’être semblable. Le groupe est un ensemble d’individus qui ont entre eux des relations réciproques. Au sein d’un groupe existe un système d’échange entre les individus qui le compose. Le groupe poursuit un but commun, un sentiment d’inter-dépendance ainsi qu’une relation affective jouant sur des tensions, une conflictualité psychique externalisée en conflit entre les individus, des sympathies et des antipathies, des enjeux de pouvoirs et de rivalités. Le groupe se constitue autour d’une illusion Page 25 sur 41 (notamment au sens du trouvé/créé que nous avons abordé précédemment dans ce cours) d’un partage d’intérêts en commun. Il se fonde, établit ses propres règles d’organisation et de fonctionnement autour de valeurs communes, qui régissent, puis meurent. Un groupe constitue plus que la sériation ou la juxtaposition des membres qui le compose. Il consiste en un espace de structuration des rapports entre les individus et de support de leur identité. Le groupe se définit également comme un ensemble social, identifiable et structuré, caractérisé par un nombre restreint d’individus, à l’intérieur duquel ceux-ci établissent des liens réciproques, jouent des rôles selon des normes de conduite de valeur commune dans la poursuite de leur objectif. Le groupe parle à travers le « nous » employé dans le langage, nous qui traduit un lien de réciprocité mais qui peut également se transformer en « On » lorsque nous sommes dans une expérience d’indifférenciation. C’est alors que l’on parle du groupe avec la métaphore du corps : « nous », sommes les « membres » du groupe et nous avons besoin de « ne faire qu’un », de nous unir, d’articuler nos actions respectives… III.1.2. Nos réactions face/à l’intérieur du groupe Le groupe peut rassurer l'individu ou devenir une menace pour ses membres, qui peuvent alors, soit désirer cette intégration, soit au contraire se sentir dépossédé par le groupe. Face au groupe, nous avons plusieurs réponses possibles. Nous pouvons nous y intégrer/être intégré Nous pouvons le rejeter/être rejeté Nous pouvons être indifférent/ne pas être intéressé Quoi qu’il en soit le groupe fait toujours vivre potentiellement le risque de s’y perdre, de perdre son jugement, son individualité, d’être potentiellement dépossédé de son libre-arbitre… III.1.3. Évolution et fonctionnement du groupe La psychanalyse autant que les apports des sociologues nous apprennent qu'un groupe nait, se construit, grandit, évolue et meurt. Il se structure à partir d’une illusion de similitude, d’un partage Page 26 sur 41 d’affect et d’un sentiment d’appartenance en référence à une enveloppe qui différencie l’intérieur du groupe de l’extérieur (« nous »… « on »… « Les autres »). Nous faisons tous partie d'un groupe, c'est pourquoi nous avons tous fait l'expérience de certains processus propres à notre participation au sein du groupe. La métaphore du groupe est celle du hérisson : nous sommes tous comme des hérissons qui tentent de se rapprocher pour se tenir chaud, mais qui finissent par se piquer mutuellement et donc par s'éloigner à nouveau. La preuve ici en « direct » : vous êtes tous et nous sommes tous, si je m’inclus dans ce temps de cours magistral, des êtres humains nés d’un homme et d’une femme, donc des êtres humains formant, émergeant au sein d'un premier groupe. Au-delà de notre famille, nous sommes membre du groupe des « étudiants », du groupe des « jeunes gens », du groupe des administrés dans le cas où nous payons des impôts. Aujourd’hui, le groupe d’étudiants rencontre l’enseignant et ensemble nous formons le groupe ponctuel du cours magistral de ce jour. III.1.4. Les facteurs de définition du groupe Nous trouvons beaucoup de synonymes de groupe. Parmi les facteurs de définition du groupe nous trouvons : − le degré d'organisation − la fonction du groupe − les modes d'intégration qui existent entre les membres du groupe − la taille. Page 27 sur 41 III.1.5. Les dimensions du groupe Un groupe présente plusieurs dimensions parmi lesquelles : − la dimension fonctionnelle qui définit la manière de fonctionner du groupe − la dimension psychologique qui concerne les liens psychiques à partir desquels se tissent les inter-relations entre ses membres − la dimension historique qui relate le mythe à partir duquel se construit la vie du groupe − la dimension dynamique qui dévoile les processus évolutifs qui sous-tendent l'évolution du groupe. III.1.6. Schématisation du groupe Le groupe définit une limite, une enveloppe entre l’intérieur et l’extérieur. Il établit des comportements dans un environnement donné et défini. Kurt LEWIN propose l’idée que le comportement C c’est la façon dont un individu P (personn) se représente le Monde E (environment). C= f ( P , E ) Une conséquence directe de ce postulat c’est qu’en modifiant les représentations des individus, nous modifions leur comportement. Pour cela, il convient de laisser les individus discuter entre eux et déconstruire la représentation qu’ils s’étaient donnée dans le groupe. Une application se retrouve dans le soin des personnes en fin de vie ou encore dans les cas de transplantation d’urgence. Imaginez que vous ayez un patient qui ait besoin le plus rapidement possible d’une greffe ou d’une transplantation et qu’un autre patient vienne de décéder sans que la famille de ce dernier soit très au clair avec le souhait du défunt quant au don d’organes. Certes, il existe aujourd’hui un implicite du don d’organes. Mais supposons que la situation soit plus complexe. Alors, en discutant avec la famille du donneur potentiel et en la soutenant dans un travail d’échange sur les représentations de chacun, mais sans les influencer, nous pouvons parfois assister à des changements d’opinion du groupe. Page 28 sur 41 III.1.7. Les catégories et formes de groupe A partir des travaux de Didier ANZIEU nous pouvons dire que le Groupe est le premier horizon social des individus. Le groupe est partout. C’est le lieu où les individus expérimentent directement leur lien aux autres. Nous pouvons distinguer plusieurs formes et catégories de groupes. Bien que le nom « groupe » regroupe justement déjà en lui-même une certaine réalité, nous pouvons repérer les enjeux fondamentaux liés à un rassemblement de personnes. La Masse est une catégorie à part du groupe, puisqu’il s’agit d’un nombre de personnes entre lesquelles se jouent des phénomènes de psychologie collective mais sans que ces individus ne soient rassemblés ou même rassemblables. III.1.7.1. Première catégorie : la Foule III.1.7.1.1. Observation : la Foule Lorsqu’un très grand nombre de personnes isolées, des individus qui sont regroupés malgré eux, par hasard à un endroit qui peut être en général un espace public, au sein duquel ils se retrouvent, sans avoir précisément l’intention de se rassembler et sans partager a priori d’objectif, nous pouvons parler de foule. La foule est la forme de groupe qui passe le plus souvent inaperçue, tant son statut et sa nature sont complexes et simultanément étranges. III.1.7.1.2. Généralités sur la Foule La foule est un rassemblement de personnes dans un même milieu mais avec des communications très réduites. Il y a donc une proximité physique mais pas de communication. L’exemple le plus parlant est la foule que l’on trouve lorsque nous allons en ville, Place BELLECOUR à LYON le samedi après-midi. Elle possède une conscience collective et une forme d’intelligence de niveau inférieur à celui d’un seul de ses membres. Inférieur peut s’entendre ici en terme de capacité de prise de recul, de réflexion, de compréhension et de décision. La foule est guidée par les émotions primaires que sont la peur, la colère, le désir, la joie… Page 29 sur 41 La foule présente un degré d’organisation très faible avec un nombre de participants très important et un fonctionnement sur le registre émotionnel. La foule fonctionne sur un mode de passivité avec une contagion des émotions. Ce qui la rend aisément manipulable notamment par le Leader qui utilise des positions particulières tels que le charisme, l’autorité, la démagogie… Il existe différentes classifications de la foule basée soit sur le degré d'organisation, soit à partir de son caractère plutôt spontané ou artificiel. III.1.7.2. Deuxième catégorie : la Bande III.1.7.2.1. Observation : la Bande Lorsqu’un petit nombre de personnes, ayant pour point commun, un trait particulier se rassemble intentionnellement dans un même lieu avec une certaine proximité physique et une communication plutôt faible, mais pas absente, nous pouvons parler de Bande. L’exemple le plus parlant est celui de la bande d’adolescents, la « bande de potes ». Contrairement à la foule qui présente un caractère dispersé, la bande consiste en un rapprochement des corps avec parfois même une délimitation circulaire de l’espace à travers la manière dont il est meublé et occupé. III.1.7.2.2. Généralités sur la Bande La Bande est un rassemblement limité de personnes dans un même milieu avec un mode de communication complexe, référé à un ensemble de signes qui a trait à une revendication identitaire et à un sentiment d’appartenance fort. La bande a pour fonction de traiter la question du rapprochement homosexuel de manière moins angoissante à partir d’un besoin d’avoir un semblable à Soi. La bande peut donc présenter un caractère homosexuel. Il est question de se retrouver entre semblables. La Bande présente un degré d’organisation faible avec un nombre réduit de participants et un fonctionnement basé sur la recherche d’un semblable pour éviter la solitude et l’isolement. La bande fonctionne sur un mode d’activité minimale avec une impression d’unité spatiale et identitaire faisant appel à des mécanismes de différenciation par rejet de la différence. Dans la bande, les rôles sont implicitement distribués (le leader, le comique, le colérique…). Il vous suffit de voir certains groupes d’adolescents pour vous apercevoir à quel point les Bandes peuvent être « fermées » et discriminantes. Page 30 sur 41 III.1.7.3. Troisième catégorie : les groupements sociaux III.1.7.3.1. Observation : les groupements sociaux Lorsqu’un nombre variable de personnes qui n’ont pas nécessairement de points communs directement identifiables au départ, se regroupent pour échanger et organiser certains événements à un endroit qui peut être aussi bien l’espace public, qu’un lieu privatisé dans l’intention de se rassembler autour d’un but commun, nous pouvons parler de groupements sociaux. Les groupements sociaux sont traditionnellement une forme de groupe basé sur une identité de but. III.1.7.3.2. Généralités sur les groupements sociaux Les groupements sociaux sont des rassemblements éparses de personnes poursuivant un objectif commun mais sans obligatoirement être rassemblées dans un même milieu. Il n’y a donc pas systématiquement de proximité physique ce qui n’empêche pas la communication. L’exemple le plus parlant et actuel est celui du réseau social sur Internet. Les groupements sociaux présentent un degré d’organisation moyen avec un nombre de participants variable et un fonctionnement basé sur des relations superficielles. Seul l’objectif commun rassemble les individus, qui peuvent par ailleurs ne pas se connaître davantage que ce qui est impliqué dans l’organisation de leur tâche partagée. Les groupements sociaux peuvent être plus actifs que les précédentes formes de groupe. Il vous suffit de voir certaines initiatives sur Internet pour vous rendre compte de l’impact des démarches de ces groupes qui sont parfois teintés d’une idéologie remarquable. Le groupement social peut être par exemple l’association des anciens élèves infirmiers de l’I.R.F.S.S. ou le parti politique… III.1.7.4. Quatrième catégorie : le Groupe primaire III.1.7.4.1. Observation : le groupe primaire Lorsqu’un nombre de personnes se rassemble spontanément dans le but d’organiser une action novatrice autour d’un but commun, nous pouvons parler de groupe primaire. Page 31 sur 41 III.1.7.4.2. Généralités sur le groupe primaire Le Groupe primaire est un rassemblement de personnes en nombre restreint de sorte que chacun puisse percevoir les autres individuellement et échanger à travers des relations interindividuelles. Il se structure autour de la poursuite d’un but commun, avec une certaine permanence, et assumé comme but du groupe qui le valorise. Les relations affectives peuvent devenir intenses avec des affinités avec une forte interdépendance des membres qui éprouvent entre eux un sentiment de solidarité. Les rôles de chacun y sont bien différenciés et des normes, croyances et signes sont constitués pour établir les rapports entre les membres. Le groupe primaire présente donc un degré d’organisation très élevé avec un nombre de participants restreint veillant à la réalisation d’une action fondatrice du groupe. III.1.7.5. Cinquième catégorie : le Groupe secondaire III.1.7.5.1. Observation : le groupe secondaire Lorsqu’un nombre de personnes se rassemble de manière intentionnelle dans le but d’organiser une action planifiée autour d’un but commun et précis faisant appel à une forme d’anticipation et de reproduction, nous pouvons parler de groupe secondaire. C’est par exemple le milieu de l’entreprise ou dans celui de l’Hôpital. III.1.7.5.2. Généralités sur le groupe secondaire Le Groupe secondaire est un rassemblement de personnes en nombre relativement restreint, de sorte que chacun ait un rôle précis et répétitif à assurer dans la réalisation de la tâche qui lui incombe. Il se structure autour de la poursuite de tâches qui sont effectuées à partir de relations d’ordre formelles, officielles et impersonnelles ou encore dictées par un organigramme. L’aspect formel du groupe secondaire suppose que chacun s’acquitte de son travail au sein d’un système d’organisation qui définit des objectifs, des statuts et un rendement. Il peut s’agir par exemple du service de soin au sein duquel vous êtes intervenu (e) en stage ou encore de l’entreprise pour laquelle vous avez travaillé pendant ces vacances… Après avoir fait le tour d’horizon des différents types de groupe, nous allons nous atteler aux effets de la dynamique de groupe. Car ce n’est pas le groupe en tant que tel, mais la dynamique de groupe qui induit des effets sur nos comportements et nos positions. Page 32 sur 41 III.1.8. Un des effets de la dynamique de Groupe : la désindividuation Tout individu qui appartient à un groupe peut être amené à agir de manière totalement différente par rapport à des situations où il se retrouve seul. Lorsqu’il appartient à la foule, l’individu peut se montrer violent, voire meurtrier. La foule a un effet désinhibant sur le sujet qui se trouve alors diminué dans sa culpabilité et son sentiment de responsabilité. La foule ou le groupe de type foule est le lieu de la désinhibition et des atteintes aux corps, aux mœurs ou aux valeurs morales. Un cas particulier est celui de l’orgie qui traduit le passage à l’acte sexuel et la levée de toutes les inhibitions qui conduisent à une indifférenciation des corps des partenaires. Le concept de désindividuation renvoie à l’opposé de celui de conscience de Soi : le sujet semble se perdre dans l’anonymat de la masse, comme si son identité personnelle se diluait dans le nombre. L’anonymat semble être l’un des facteurs à l’origine d’un sentiment d’impunité qui va rendre possible la transgression qui ne serait pas effectuée en temps normal. L’approche psychanalytique nous apprend également que le groupe de manière générale a une fonction plus ou moins désinhibante, car il est le lieu de la projection personnelle de l’appareil psychique, qui est avant tout comme nous l’avons vu, une formation groupale (Moi, Ça et Surmoi/idéal du Moi se disputant la domination de l’espace mental). Le groupe fait donc vivre un vécu de redéploiement du groupe interne, ce qui peut expliquer également le phénomène d’abandon de la liberté de pensée auprès du leader, qui vient jouer le rôle de surmoi de groupe. III.1.8.1. La désindividuation et la diminution de la responsabilité Une des applications du caractère fragmentant du groupe et de son effet de déresponsabilisation s’observe dans les expériences réalisées sur la levée de charge. Les travaux de recherche ont permis de comprendre que le groupe produit une dilution de la responsabilité, c’est-à-dire que le partage de la responsabilité entre plusieurs personnes les fait se sentir moins engagées et moins contraintes à être efficaces et appliquées. Dans un premier temps, il est demandé aux membres d’un groupe de tirer sur une corde afin de soulever une charge par le biais d’un système de poulie. La masse totale soulevée est alors notée. Puis il est demandé à chaque individu d’effectuer la même opération mais cette fois seul, donc en l’absence des autres. La valeur de la masse soulevée est également notée pour comparaison. Les résultats montrent qu’un individu seul soulève une masse plus importante que lorsqu’il le fait en présence et avec les autres membres de son groupe d’appartenance. Page 33 sur 41 III.1.8.2. Un des effets du Groupe : l’effet de co-action Les travaux sur la co-action ont permis de dégager plusieurs points de vue intéressants qui révèlent que les choses sont fonction de notre interprétation en tant qu’observateur. Gordon Willard ALLPORT compare les performances à une série de tests d’un groupe de sujets placés dans des situations isolées ou en co-action, c’est-à-dire avec d’autres sujets effectuant la même tâche. Soit les sujets doivent faire la tâche seule, soit ils doivent être mis en présence de rivaux. Cet auteur constate que les performances sont grandement améliorées lorsque les sujets sont en situation de co-action. Les résultats aux performances sont bien meilleurs lorsqu'un rival est présent. Cette amélioration des performances s’explique par la présence des autres membres qui sollicitent un mécanisme d’imitation et par la présence d’autrui, comme source de rivalité donc d’invitation au dépassement de soi en dépassant l’autre. Il semble que la présence d’autres personnes et notamment de spectateurs non-agissant induise un effet sur les performances. Pour Norman TRIPLETT la co-actions permet une amélioration des performances. Pour Maximilien RINGELMANN, la coopération des membres d’un groupe en co-action diminue les performances individuelles. Ce serait l’une des bases de la « paresse sociale ». III.2. LES CONSTITUANTS DU GROUPE III.2.1. Premier constituant : la norme sociale III.2.1.1. Définition de la Norme sociale Le terme Norme sociale est un terme utilisé pour désigner les règles formelles ou informelles qui exercent des pressions sur les individus et les groupes, qui déterminent et commandent leur modalité de relation et qui influencent leurs comportements et leurs conduites. La norme sociale renvoie à un concept de valeur, de jugement de valeur, d’opinion, de croyance qui permettent la constitution d’une forme de permanence et de constance rendant les comportements prévisibles. Les normes sociales sont donc des constructions sociales qui indiquent la manière dont les membres Page 34 sur 41 d’un groupe agissent et sont en relation, en même temps qu’elles déterminent la manière dont le groupe agit lui-même, se structure et s'organise, en représentant des types de comportement jugés acceptables. Nous définissons alors des normes comportementales. III.2.1.2. Caractéristiques de la Norme sociale Les normes facilitent la prise de décision en imposant une conduite et une pratique qui sont ensuite actualisées, c'est-à-dire reproduites, donc rendues vivantes dans le groupe auquel elle s'impose. Certaines peuvent être transgressées mais elles le sont plus souvent en période de tranquillité qu'en période de crise, puisque le sentiment d'insécurité et l'instabilité conduit les individus à se rassembler autour des normes qui donnent l'illusion de ne pas tomber dans l'anarchie. Les normes constituent donc des systèmes d'évitement, elles décident des moyens de censures et instaurent des tabous, d’influence et de soumission. La norme influence donc notre comportent mais elle ne change pas nécessairement les aptitudes individuelles, puisque l'individualité précède la groupalité selon cette approche de la psychologie sociale. III.2.1.3. Fonctions et rôles de la Norme sociale La norme sociale régule les interactions sociales. Elle indique donc la manière dont nous devons agir : ce qu’il faut faire et ce qu’il ne faut pas faire. Elle permet de faciliter la prise de décision en réduisant les incertitudes et les doutes : elle s’impose indépendamment de tous critères de vérité. Elle permet d'anticiper le comportement des gens en renforçant l'identité : elle facilite la prévisibilité. Elle constitue un système d'évitement donc de protection des individus qui vont l’exécuter en toute liberté et avec leur consentement, jamais sous la contrainte. Elle émane toujours d’un groupe social et agit donc comme un différenciateur. Outre une fonction globale de ré-assurance, la norme permet l’évitement du conflit et l’instauration d’une continuité, en offrant la possibilité de ne pas remettre en cause la situation initiale qui a conduit à l’instauration de cette norme. Page 35 sur 41 III.2.1.4. Effets de la Norme sociale La norme sociale induit plusieurs types d’effets que nous pouvons appeler influence. Parmi les effets observés, nous trouvons : - la soumission à l’autorité - la polarisation - la normalisation - le conformisme III.2.1.5. Illustrations du rôle de la Norme sociale III.2.1.5.1. L’effet d’influence de la norme : la normalisation La normalisation est un processus qui permet de faire converger vers une norme commune. Il s’agit d’un processus graduel de convergence des opinions et des comportements des membres d’un groupe, aboutissant à la création d’une norme commune. L’effet de la normalisation a été exploré par Muzafer SHERIF à partir de ce qu’il nomme l’effet auto-cinétique. A l’aide d’un point lumineux de faible intensité, il créer une sorte d’illusion de déplacement de ce point et demande au sujet seul, puis seul, et après en groupe et ensuite en groupe, puis après seul, de déterminer la distance et le mouvement de ce point. L’illusion de déplacement se produit même si le sujet sait que la lumière ne se déplace pas. Lorsque les participants répondent seuls, chacun va utiliser son propre système de référence c’est-àdire, une norme individuelle. Lorsque les participants répondent d’abord seuls puis en groupe, les normes de chacun tendent à converger comme s’ils cherchaient un compromis ou un consensus. Les normes individuelles sont donc modifiées pour l’adoption d’une norme de groupe. Lorsque le groupe décide directement de ce critère, nous pouvons constater que le Leader a une influence puisque c’est autour de sa position que se construit la norme sociale. Lorsque les participants répondent d’abord en groupe, puis seuls, ils utilisent la norme de groupe. Page 36 sur 41 La norme sociale n’est donc pas une « moyenne » des normes individuelles, mais bien une nouvelle construction qui s’impose alors et influence par la suite les références individuelles. Cette situation se rencontre à l’Hôpital autour du diagnostic d’un malade et de la position que chacun dans l’équipe peut avoir. A force de discuter, s’installe un point de vue commun, une marche à suivre et un consensus autour de ce cas. Cependant, un leader peut se tromper dans le cas de la médecine et emporter pourtant l’adhésion des autres membres du groupe. III.2.1.5.2. L’expérience de l’effet modérateur d’autrui sur le jugement : le conformisme Le conformisme est un mécanisme par lequel un individu change d'opinion et va dans le sens des opinions affichés par la majorité qui porte la norme. Gordon Willard ALLPORT fait une expérience à partir d’une demande d’évaluation de poids et d’odeurs. Il découvre alors que les sujets du groupe vont avoir tendance à juger un poids lourd, moins lourd et un poids léger moins léger, lorsqu’ils sont en présence des autres qui réalisent la même expérience, sans communiquer, en comparaison avec la situation où ils se trouvent seuls avec l’expérimentateur. De même, les odeurs sont jugées de manière moins catégorique lorsque la situation est groupale. Tout se passe comme si l’individu allait chercher à se rapprocher d’une tendance au consensus en vue d’interagir avec les autres. Il y a ici une tendance à vouloir s’intégrer à un groupe social. Cette tendance du sujet à observer, imiter pour éviter l’exclusion du groupe et la marginalisation est appelée ; l’auto-conformisme. III.2.1.5.3. L’effet de la participation sur la modification de la norme : la polarisation collective Nous avons vu que Kurt LEWIN définit le comportement comme la façon dont l'individu ou la personne P se représente le monde ou l'environnement E sur le plan psychologique. Kurt LEWIN propose une expérience afin d'étudier la modification d'une norme par un groupe de personnes que l'on fait participer au processus de discussion et de décision. Il fait une expérience pour changer la représentation que les gens ont des abats, qu'ils étaient jusqu'alors réticents à préparer. Le fait de les faire discuter ensemble de ce principe, conduit à Page 37 sur 41 modifier leurs représentations individuelles et donc à modifier leur comportement d'achat. Leur réticence pour les abats concernait ce que nous pouvons nommer le lien avec les viscères et ce qui tourne autour des abats en termes de « sale », « urines »...En faisant discuter les participants, Kurt LEWIN constate qu'un mécanisme de déconstruction de la norme s'opère. C'est ce que nous avons fait très brièvement au début de ce cours mais sans aller plus loin dans l'échange. III.2.1.5.4. Les autres effets liés à la normalisation Parmi les effets liés à la norme et son instauration nous trouvons : − L'effet de majorité qui se traduit par le fait que la quantité fait foi (« la majorité l'emporte ») − L'effet d'intériorisation ou effet d'expertise (« ils sont plus intelligents que moi ») − L'effet de suivisme ou de complaisance (« je préfère me référer à l'opinion commune ») III.2.2. Deuxième constituant : les Objectifs Tout groupe se définit des objectifs qui définissent et répartissent les rôles de chacun. Par exemple à l'hôpital, les positions et les rôles des divers intervenants sont définis à travers les enjeux de la prise en charge des patients hospitalisés. Les objectifs qui sont nécessaires sont pourtant difficiles à définir du fait que les normes ainsi que les individualités de chacun supposent une mise en tension et une conflictualité au sein du groupe. Les objectifs constituent alors bien souvent le plus difficile à atteindre en dépit de tout ce qui est mis en œuvre, ainsi que du discours manifeste. Dans les Institutions, la prise en charge du patient finit parfois par être reléguée à l'arrière plan tant les objectifs de chacun sont devenus prioritaires. Les objectifs constituent des orientations en fonction des individus et leur comportent, mais ils sont difficiles à atteindre car l'efficacité d'un groupe dépend parfois de la distance qui sépare les activités d'un groupe et les orientations posées. Un groupe qui fonctionne est un groupe plus ou moins cohérent, un ensemble dynamique en perpétuelle évolution. Lorsqu'il est « à l'équilibre » le groupe peut être le théâtre de conflits, d'attaques et de tentatives de destitution des instances régulatrices ou de remplacement du leader. En revanche, lorsqu'il est attaqué, le groupe se vit de nouveau comme une enveloppe qui doit protéger ses membres de l'extérieur : les conflits s'atténuent alors. Page 38 sur 41 III.2.3. Troisième constituant : les Valeurs Comme nous l'avons vu, les normes sont mises en place pour définir des objectifs qui établissent des rôles. Ces mécanismes sont comme nous l'avons déjà abordé sous-tendus par des valeurs. III.2.3.1. Définition : les Valeurs Le concept de valeur a été introduit notamment par le philosophe et sociologue polonais Florian Witold ZNANIECKI qui postule que les valeurs sont le résultat d'un compromis et d'une interaction entre les conduites possibles, ce qui est réalisable et ce qui est acceptable/accepté par le groupe social. Les valeurs d'une société sont des « normes culturelles » établies à partir d'un jugement social résultant des interactions qui existent entre l'individu et la société. Elle se construisent à partir de confrontation entre les désirs des individus et leur environnement qui imposent des contraintes. Les valeurs sont donc le résultat d'un dialogue et d'un passage entre l'individu en tant qu'unité seule et isolée et l'environnement au sein duquel il évolue. III.2.3.2. Le concept de Valeurs Les valeurs sont ce que nous disons lorsque nous disons : « ce sont mes valeurs ». Les valeurs nous offrent une vision du monde, une certaine conception de notre rapport à la réalité de la société et de la vie. Nous avons donc tous des valeurs en fonction de nos mérites et de nos besoins. Nous pouvons dire que les valeurs sont les idéaux des sociétés et que l'énoncé de ces valeurs nous permettent d'évoluer dans la société et dans les différents groupes auxquels nous appartenons en construisant des conduites qui nous socialisent et qui participent à notre intégration. Les valeurs donnent les objectifs de la société et lui donnent de la cohérence sans pour autant signifier que tout est cohérent dans la société. La question des valeurs introduit ainsi l'idée d'une conflictualité inhérente à la vie en société. Pour faire un pont ici avec les cours précédents nous pouvons dire que la société suppose en ellemême un aspect dynamique abordé par la métapsychologie psychanalytique. Page 39 sur 41 Cette dynamique s'observe à la fois à travers les contradictions entre les groupes et les individus et entre différents secteurs de la vie. La société propose ainsi des valeurs, des tentatives de solutionnement de ces conflits et des rapports entre les individus. Certaines valeurs sont dominantes : ce sont les valeurs tangibles. Avec le temps, les valeurs changent. III.2.3.3. Les typologies des valeurs Plusieurs typologies ou classifications des valeurs ont été proposées. Tout d'abord, il y a les valeurs qui relèvent de la conception qu'on a de l'homme et de la nature. Ensuite, il y a les valeurs qui concernent les relations interpersonnelles Enfin il y a les valeurs qui découlent des relations qui existent entre l'homme et la nature. Une autre typologie propose par exemple trois valeurs de base : Tout d'abord il y aurait les valeurs autocentrées sur soi-même et l'indulgence envers soi-même. Ensuite, il y aurait les valeurs liées à notre tendance à manipuler et à refaire le monde. Enfin il y aurait les valeurs se rapportant au dépassement de Soi. IV. LA SOUMISSION LIBREMENT CONSENTIE Nous allons aborder un exemple de la dynamique groupale en lien avec l'ensemble des concepts que nous avons vu précédemment. IV.1. DÉFINITION DE LA SOUMISSION LIBREMENT CONSENTIE La soumission librement consentie correspond à une situation dans laquelle une personne est amenée à adopter une conduite avec l'illusion qu'elle avait fait le choix d'effectuer cette tâche ou non. On lui fait croire qu’elle maîtrise en utilisant cette prédisposition naturelle à maintenir une certaine cohésion. Page 40 sur 41 Nous avons vu que le Moi a pour fonction de préserver la continuité et la cohésion du sujet. IV.2. LES TECHNIQUES DE SOUMISSION LIBREMENT CONSENTIE IV.2.1. Première technique de soumission librement consentie : le « pied dans la porte » Comment amener un individu à commettre un acte préparé par une première conduite peu couteuse ? Le simple fait de prendre dans les mains un tract dans la rue, de serrer la main à un inconnu ou d'accepter un contact IV.2.1.1. Première illustration du « pied dans la porte » L'argument factice était le suivant : il fallait faire accepter aux ménagères de laisser des chercheurs fouiller leurs placards pendant deux ans. S’il n'y a aucun acte d'intéraction avant la demande, peu de personnes acceptent la demande. Si on téléphone juste une semaine avant, certaines personnes acceptent au moins d'écouter la demande. Si on engage la discussion sur la consommation donc sur un thème en lien avec ce qui est demandé, les individus sont plus nombreux encore à accepter. Si en plus de cela on fait passer un questionnaire, alors la majorité des personnes acceptent. IV.2.1.2. Deuxième illustration du « pied dans la porte » Ici on fait deux demandes différentes : une demande accidentelle et une demande implicite. Dans un supermarché, on demande à une personne de garder un de nos sacs de course le temps d'aller chercher un dollar ou un portefeuille. Dans une deuxième version on ne demande rien mais on fait tomber un sac par terre et on attend. Plus l'acte préparatoire était engageant et fort, plus le sujet avait tendance à ramasser de lui-même le sac tombé par terre. Page 41 sur 41 IV.2.1.3. Observations et explications Plus la personne est touchée physiquement et plus l'acte demandé est précédé d'un acte engageant avec une requête peu couteuse, plus le sujet sera enclin à poursuivre dans ce sens, même de manière implicite. IV.2.2. Deuxière technique de soumission librement consentie : la « porte au nez » Comment amener un individu à commettre un acte sur la base d'un refus préalable ? Le simple fait de refuser une demande importante place le sujet dans une prédisposition à accepter une demande moins importante en terme d'engagement. IV.2.2.1. Illustration de la « porte au nez » L'argument factice était le suivant : on faisait une demande volontairement importante à une personne en s'attendant à essuyer un refus de sa part et avant de lui faire une requête bien plus simple à accepter. IV.2.2.2. Observations et explications Plus la personne est « préparée » et plus la seconde demande est peu engageante par rapport à la première, plus elle accepte.