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Réforme de la biologie : impacts sur l’informatique des laboratoires
Alain CŒUR - Alain Cœur Conseil
La réforme de la biologie engendrera une réorganisation en profondeur de la biologie médicale.
Directement ou indirectement, elle aura de très nombreux impacts sur les systèmes informatiques
utilisés dans les laboratoires d’analyses médicales ainsi que sur les règles de gestion de ces systèmes.
Nous proposons dans cette présentation une évaluation de ces impacts et les changements concrets
qu’ils impliqueront à terme.
I - Evolution de la structure des laboratoires de biologie médicale
Le premier impact est lié à l’évolution des laboratoires de biologie médicale (LBM) vers des structures
de taille de plus en plus importantes, organisées en fonctionnement multi-sites, et ce aussi bien dans le
secteur privé que dans celui de la biologie hospitalière. Des plateaux techniques seront mis en
commun, le nombre de sites d’une même structure juridique va augmenter, des échanges interhospitaliers vont se multiplier et on assistera probablement à un renforcement de la collaboration entre
le public et le privé. Il en découlera des besoins informatiques nouveaux, allant d’un accroissement des
volumes de communication de données biologiques entre systèmes hétérogènes, démarche déjà
courante dans la biologie privée, à la mutualisation et au partage de l’information entre laboratoires
publics ou privés utilisant un même système informatique de gestion.
On peut dans ce contexte identifier plusieurs besoins qui devront être couverts :
Base patients commune ou non à tous les sites, avec traitement différencié par laboratoire pour
l’enregistrement des demandes, la saisie des résultats, la validation biologique, l’édition des
résultats et les statistiques. En cas de base patients communes et en l’absence d’un identifiant
national de santé permettant d’identifier chaque patient de manière univoque, la gestion de
plusieurs numéros d’identifiant permanent, « NIP », et numéros de séjour ou numéros de
dossiers administratifs devra être possible.
Consultation des demandes et résultats depuis chaque site, avec la possibilité de ne présenter
que les dossiers du site concerné, par défaut, ou l’ensemble des dossiers, selon les droits
d’accès.
Présentation, ou non, des antériorités en validation biologique, même si elles correspondent à
des demandes provenant d’autres sites, avec mention du laboratoire exécutant. Si les
antériorités d’autres sites sont présentées, elles devront être accompagnées des valeurs de
référence du laboratoire exécutant, éventuellement différentes selon les sites.
Présentation, ou non, des antériorités effectuées dans un autre site sur les éditions de résultats,
avec les mêmes points à traiter que pour la validation biologique.
Règles d’éditions (complets, partiels, éditions par secteurs) éventuellement différentes selon
les sites.
Dictionnaire d’analyses commun ou non, avec valeurs de références et techniques
éventuellement spécifiques à chaque site.
Statistiques différenciées par site, avec consolidation.
Pour la biologie privée, regroupement éventuel de la télé-facturation sur un seul site (avec
traitement différencié par site des relevés).
Concernant le secteur hospitalier, communication d’un même système de gestion de
laboratoire (SGL) avec plusieurs serveurs d’identités et de mouvements, de prescriptions, de
résultats et plusieurs dossiers médicaux informatisés.
Au-delà de ces aspects fonctionnels , les SGL devront pouvoir traiter des volumes de données
nettement supérieurs à ceux rencontrés actuellement, en garantissant des niveaux de performance, de
fiabilité et de sécurité optimaux, avec une automatisation accrue de certains traitements tout en offrant
une disponibilité proche de 100 %. Les architectures matérielles devront être revues, avec par
exemple des systèmes en cluster permettant le basculement automatique sur un deuxième serveur en
cas de panne, voire une externalisation de la gestion informatique via des formules d’hébergement
encore assez peu mises en œuvre dans le domaine de la biologie. Les réseaux devront eux aussi être
redondants et hautement sécurisés pour garantir une disponibilité maximale du système informatique.
II - Accréditation des laboratoires
Les laboratoires de biologie médicales ont jusqu’à fin octobre 2016 pour être accrédités par le
COFRAC pour l’ensemble de leurs activités, en respectant la norme ISO 15189 (1). Cette accréditation
a des impacts très importants sur les systèmes informatiques utilisés par les LBM ainsi que sur les
modalités de gestion par les biologistes ou services informatiques de ces outils.
Là encore, les systèmes de gestion de laboratoire ou des logiciels annexes (2) devront pouvoir présenter
de nouvelles fonctionnalités parmi lesquelles ont peut citer :
La gestion centralisée du contrôle de qualité, accessible en validation biologique, avec
traitements statistiques (diagrammes de Levey-Jennings, archivage et suivi des coefficients de
variation, corrélations inter-automates).
La gestion des documents (manuel d’assurance qualité, procédures, modes opératoires) avec
gestion des versions, listes de diffusion et accusés de lecture.
La gestion d’indicateurs « qualité » (délais de rendus, suivi des non-conformités, etc.)
La gestion des réclamations, non-conformités et dysfonctionnements internes (traçabilité,
exploitation à chaud, actions curatives, statistiques)
La traçabilité des actions de « coopérations avec les cliniciens » (Staffs, résultats téléphonés,
etc.)
La gestion des stocks et des approvisionnements, avec notamment traçabilité des lots de
réactifs et contrôle des péremptions.
Le suivi des actions d’amélioration continue (audits internes, revues de direction, etc.)
La centralisation des relevés des températures des enceintes thermiques.
La traçabilité et la sécurité d’accès sur les systèmes informatiques devra aussi être renforcée avec :
La gestion des habilitations, profils différents avec accès limités à certaines fonctions selon
les utilisateurs.
Traçabilité de l’ensemble des actions effectuées, et notamment de toutes modifications de
résultats ou de valeurs de références.
Sécurisation des résultats validés biologiquement, non modifiables par des personnes non
autorisées.
Archivage pérenne des données biologiques.
De plus, l’annexe B de l’ISO 15189 préconise une gestion rigoureuse des systèmes informatique. Les
points qui suivent énoncés dans ce document doivent donc être considérer :
B.1 Généralités
Il est important d’établir une politique destinée à protéger les patients contre les
inconvénients causés par la perte ou la modification des données.
B.2 Environnement
B.2.1 Installations et équipements informatiques propres, bien entretenus.
B.2.4 S’équiper d’un système d’alimentation ininterrompue (onduleur).
B.2.5 Installations informatiques protégées contre tout accès non autorisé.
B.3 Manuel de procédures
B.3.1 Manuel de procédures informatiques complet.
B.3.2 Manuel de procédures informatiques révisé et approuvé.
B.3.3 Protéger les données ou l’équipement informatique en cas d’incendie ou de
défaillance du matériel ou des logiciels.
B.4 Sécurité du système
B.4.1 Programmes informatiques protégés afin d’éviter toute détérioration ou
destruction par des utilisateurs occasionnels ou non autorisés.
B.4.2 Politique stricte en ce qui concerne l’autorisation d’utilisation du système
informatique.
B.4.3 Ne pas laisser le SIL compromettre la sécurité des données d’autres systèmes.
B.5 Saisie des données et enregistrement
B.5.1 Données figurant dans les comptes rendus et les présentations écran comparées
périodiquement avec les données saisies au départ afin d’assurer l’intégrité du
transfert de données.
B.5.2 Tables (intervalles de référence biologiques par exemple) à la fois dans le
système informatique du laboratoire et dans celui de l’hôpital (veiller à la cohérence
des copies).
B.5.7 Inscrire sur les comptes rendus les commentaires concernant la qualité des
spécimens.
B.5.8 Mécanisme d’audit destiné à identifier tout individu ayant introduit ou modifié
des données.
B.6 Récupération et stockage des données
B.6.2 Ordinateur en mesure de reproduire en totalité les résultats d’analyse archivés, y
compris l’intervalle de référence biologique attribué au départ pour cette analyse et
l’ensemble des indicateurs, notes de bas de page ou commentaires d’interprétation
associés à ces résultats.
B.7 Matériel et logiciels
B.7.1 Procédure écrite et enregistrement complet de l’ensemble de la maintenance
préventive de la totalité du matériel informatique.
B.7.2 Vérifier le système après chaque sauvegarde ou restauration des fichiers de
données afin de s’assurer qu’aucune détérioration accidentelle ne s’est produite.
B.7.4 Vérifier, valider et documenter complètement toute modification apportée à un
logiciel ou au matériel du système.
B.7.9 Le laboratoire doit désigner un responsable auquel sont signalés rapidement tous
les dysfonctionnements informatiques significatifs.
B.8 Maintenance du système
B.8.2 Procédures documentées relatives à l’arrêt et au redémarrage de tout ou partie
du système afin d’assurer l’intégrité des données ainsi qu’une prestation
ininterrompue des services et le fonctionnement correct du système après le
redémarrage.
B.8.3 Procédures écrites relatives à l’indisponibilité des autres systèmes tels que le
système informatique de l’hôpital.
B.8.4 Documenter toute indisponibilité informatique non planifiée, ainsi que toute
baisse des performances (temps de réponse).
B.8.5 Développer et de rédiger des plans de secours afin d’assurer les prestations dans
l’éventualité d’une défaillance informatique.
III - Conclusion
La réforme de la biologie conduira inévitablement à une réforme des systèmes informatiques. Les
fournisseurs devront adapter leurs outils mais aussi les services proposés aux exigences et contraintes
nouvelles.
L’approche des biologistes par rapport au projet informatique devra elle aussi se professionnaliser. Le
choix d’un système informatique devra se faire dans le cadre d’une démarche « projet » (rédaction
d’un cahier des charges, analyses des offres, contractualisation des relations avec le fournisseur,
définition des modalités de test et de déploiement, à terme utilisation de progiciels certifiés). Les
budgets et moyens humains, actuellement très inférieurs à ceux consacrés à l’informatique dans les
PME/PMI, devront probablement être revus à la hausse. L’environnement informatique devra être
amélioré. Enfin, un management de la qualité des systèmes informatiques similaire à celui des
automates devra impérativement être mis en œuvre.
Références
(1) Norme ISO 15189 : Laboratoires d'analyses de biologie médicale - Exigences particulières
concernant la qualité et la compétence.
(2) CŒUR A., les logiciels de gestion informatique de la qualité dans les LABM, Spectra Biologie,
2008, 169, 27, 75-83.