Agthe Lepage Harcèlement sexuel

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Agthe Lepage Harcèlement sexuel
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LA SEMAINE DU DROIT LIBRES PROPOS
HARCÈLEMENT SEXUEL
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À propos de l’abrogation de
l’article 222-33 du Code pénal
POINTS-CLÉS ➜ Le Conseil constitutionnel a, dans sa décision du 4 mai 2012, déclaré
contraires à la Constitution les dispositions du Code pénal incriminant le harcèlement sexuel
➜ La décision d’abrogation immédiate a pu paraître brutale, mais le Conseil a expurgé le
Code pénal d’un texte de piètre qualité dont ne pouvait se satisfaire le principe de légalité ➜
Cette décision, qui illustre bien la constitutionnalisation du droit pénal, confirme le diagnostic
posé de longue date d’une certaine propension de la loi pénale à entretenir son propre déclin
Agathe Lepage,
professeur, université
Panthéon-Assas
L
a constitutionnalisation du droit
pénal n’est plus à démontrer (V. L.
Philip, La constitutionnalisation du
droit pénal : Rev. sc. crim. 1985, p. 711 et
s. . - A. Cappello, La constitutionnalisation
du droit pénal, Thèse : Paris II, 2011), mais
la décision du Conseil constitutionnel qui
a déclaré contraires à la Constitution les
dispositions de l’article 222-33 du Code
pénal incriminant le harcèlement sexuel
ne peut que la confirmer (Cons. const.,
déc. 4 mai 2012, n° 2012-240 QPC) ; et,
comme le montre cette décision, le droit
pénal spécial se révèle particulièrement sensible à cette influence. Qu’on en juge par la
moisson des derniers mois. Ce fut au motif
que le législateur avait porté une atteinte
excessive à la liberté d’expression que les
deux articles qui constituaient la loi « visant
à réprimer la contestation de l’existence
des génocides reconnus par la loi » ont été
déclarés contraires à la Constitution par
le Conseil saisi d’un contrôle de constitutionnalité a priori (Cons. const., déc. 28 févr.
2012, n° 2012-647 DC : JCP G 2012, note
425, A. Levade et B. Mathieu. – Notre étude,
Quelques réflexions sur l’échec de l’incrimination de la contestation de l’existence de
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génocides : Comm. com. électr. 2012, étude
12). De son côté, la question prioritaire de
constitutionnalité a donné lieu à de récentes
déclarations d’inconstitutionnalité sur des
points sensibles du droit pénal spécial. Rappelons en particulier qu’en raison de leur
rédaction défectueuse les articles 222-31-1
et 227-27-2 du Code pénal, en matière d’inceste (L. n° 2010-121, 8 févr. 2010 ), ont été
déclarés contraires à la Constitution (Cons.
const., déc. 16 sept. 2011, n° 2011-163 QPC :
Dr. pén. 2011, comm. 130, obs. M. Véron ;
JCP G 2011, note 1160, notre note. – Cons.
const., déc. 17 févr. 2012, n° 2011-222 QPC),
et que vient de l’être l’article 222-33 du
Code pénal par la décision précitée du 4
mai 2012.
À toutes ces décisions les médias n’ont pas
manqué de faire écho, amplifié pour certaines d’entre elles par les réactions épidermiques de telle communauté ou telles associations qui, promptes à accuser le Conseil
constitutionnel quand c’est le législateur
qu’il faut blâmer, réclament à cor et à cri
une nouvelle intervention de celui-ci. Le
pénaliste, lui, voit dans de telles décisions
la confirmation d’un diagnostic déjà posé
depuis quelque temps, celui d’une propension de la loi pénale à entretenir son
propre déclin (V. not. les actes du colloque
sur Le dévoiement pénal : Dr. pén. avr. 95,
supplément). Celui-ci est perceptible, en
l’occurrence, dans la singulière désinvolture du législateur à l’égard des contraintes
qui pèsent sur lui lorsqu’il s’agit d’incrimi-
ner ou même, comme en matière d’inceste
(L. n° 2010-121, préc.), de donner à des
faits une qualification pénale délibérément
déconnectée, sans crainte du paradoxe, de
tout enjeu répressif. Le sens de la mesure
semble trop souvent échapper au législateur
en droit pénal, et c’est une pénalisation à
outrance ou, à tout le moins, mal maîtrisée,
que, dans leur ensemble, les décisions précitées du Conseil constitutionnel révèlent.
C’est, en effet, un défaut de mesure qui entachait la loi « visant à réprimer la contestation de l’existence des génocides reconnus
par la loi ». Le Conseil a estimé qu’« en réprimant ainsi la contestation de l’existence
et de la qualification juridique de crimes
qu’il aurait lui-même reconnus et qualifiés
comme tels, le législateur a porté une atteinte inconstitutionnelle à l’exercice de la
liberté d’expression et de communication »
(Cons. const., déc. 28 févr. 2012, n° 2012-647
DC). Autrement dit, de la loi n° 2001-70 du
29 janvier 2001, sans portée normative car
constituée d’un article unique énonçant
que « La France reconnaît publiquement
le génocide arménien de 1915 », à la loi qui
incriminait la contestation des génocides
reconnus par la loi et qui « présentait [...]
le risque de permettre la répression de toute
contestation ou minimisation des crimes
de génocide que viendrait à reconnaître
le législateur » (commentaire du Conseil
constitutionnel de sa décision du 28 février
2012, disponible sur le site de celui-ci), ce
dernier a outrepassé la juste mesure qu’ex-
LA SEMAINE JURIDIQUE - ÉDITION GÉNÉRALE - N° 23 - 4 JUIN 2012
LA SEMAINE DU DROIT LIBRES PROPOS
prime l’exigence de proportionnalité des
atteintes à la liberté d’expression. Bref, le
législateur a voulu trop en faire.
La portée excessive d’une incrimination
peut aussi tenir au fait que le législateur
pèche par défaut inverse, celui de ne pas en
faire assez, par souci de facilité, négligence
ou, à tout le moins, mauvaise appréciation
des exigences que fait peser sur lui le principe de la légalité des délits et des peines.
L’incrimination est, fondamentalement,
un acte de sélection. Elle détermine un
périmètre à l’intérieur duquel la loi pénale
contraint. Son tracé doit être ferme, il ne
peut s’accommoder d’un flou qui ferait
naître un doute sur la portée du champ
couvert par l’incrimination. Sans précision,
pas de prévisibilité de la loi pénale. Aussi
le Conseil constitutionnel rappelle-t-il encore dans la décision du 4 mai (consid. 3)
que « le législateur tient de l’article 34 de
la Constitution, ainsi que du principe de
légalité des délits et des peines qui résulte
de l’article 8 de la Déclaration des droits de
l’homme et du citoyen de 1789, l’obligation
de fixer lui-même le champ d’application
de la loi pénale et de définir les crimes et
délits en termes suffisamment clairs et précis ». À cette exigence de précision ne saurait se soustraire un texte qui prétend à la
neutralité répressive en créant une qualification destinée à se superposer à celles déjà
existantes. Déterminant la qualification
d’« incestueuses » des agressions et atteintes
sexuelles commises sur les mineurs, les dispositions des articles 222-31-1 et 227-27-2
du Code pénal manquaient de la précision
qu’exige le principe de la légalité. Dès lors
que ces dispositions faisaient état de la
famille, le législateur, a estimé le Conseil,
« ne pouvait, sans méconnaître le principe
de légalité des délits et des peines, s'abstenir
de désigner précisément les personnes qui
doivent être regardées, au sens de cette qualification, comme membres de la famille »
(Cons. const., déc. 16 sept. 2011, n° 2011163 QPC, préc. - Cons. const., déc. 17 févr.
2012, n° 2011-222 QPC, préc.). Issus de la loi
du 8 février 2010, ces deux articles auront
traversé le Livre II du Code pénal tels des
étoiles filantes. Plus ancienne dans ce livre,
l’incrimination de harcèlement sexuel vient
également de succomber devant le Conseil
au motif de l’insuffisante définition des élé-
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Propositions de loi au Sénat pour une nouvelle
définition juridique
6 propositions de lois ont d’ores et déjà été déposées au Sénat par les sénateurs
Philippe Kaltenbach (Soc. - Texte n° 536), Roland Courteau (Soc. - Texte n° 539),
Alain Anziani (Soc. - Texte n° 540), Brigitte Gonthier-Maurin (CRC. – Texte n° 558),
Muguette Dini (UCR. - Texte n° 556) et Chantal Jouanno (UMP. - Texte n° 565). Le Sénat a également mis en place un groupe de travail afin de préparer un texte pour la
reprise des travaux parlementaires. Il entendra l’ensemble des parties concernées :
associations de défense des droits des femmes, magistrats, partenaires sociaux,
avocats ou spécialistes de droit européen, dans l’objectif de préparer l’examen rapide, par le Sénat, des différents textes législatifs déjà déposés ou susceptibles de
l’être. Ces textes pourraient alors être inscrits à l’ordre du jour de la séance publique
dans les meilleurs délais possibles. Sans attendre, un groupe de travail commun aux
commissions des lois et des affaires sociales ainsi qu’à la délégation aux droits des
femmes a été mis en place qui a commencé ses travaux le mardi 29 mai. « Nous voulons que le Sénat soit utile et en situation de proposer un texte d’ici fin juin » affirme
Brigitte Gonthier-Maurin, présidente de la délégation aux droits des femmes (Sénat,
communiqué, 24 mai 2012).
ments constitutifs de ce délit (Cons. const.,
déc. 4 mai 2012, n° 2012-240 QPC, préc.) –
et cette fois, c’est bel et bien une infraction,
punie d’un an d’emprisonnement et de 15
000 euros d’amende, et non pas une qualification symbolique, qui disparaît.
Issu de la réforme du Code pénal, le délit
de harcèlement sexuel fut un temps défini,
après quelques retouches dues à la loi n°
98-468 du 17 juin 1998, comme « le fait de
harceler autrui en donnant des ordres, proférant des menaces, imposant des contraintes
ou exerçant des pressions graves, dans le but
d’obtenir des faveurs de nature sexuelle, par
une personne abusant de l’autorité que lui
confèrent ses fonctions ». Le caractère tautologique de cette définition présentant le harcèlement comme le fait de harceler - autant
dire, ou presque, que l’assassinat consiste à
assassiner autrui – était contrebalancé par
deux conditions cumulatives consistant,
d’une part, en des moyens déterminés de
commission du harcèlement, d’autre part,
en un abus par l’agent de son autorité sur
la victime. La loi n° 2002-73 du 17 janvier
2002 passa par là, emportant avec elle la
moitié de cette définition. Le délit de harcèlement sexuel fut ramené à sa plus simple
expression, devenant « le fait de harceler
autrui, dans le but d’obtenir des faveurs de
nature sexuelle ». En raison de l’extension
majeure ainsi réalisée de l’incrimination et
de l’indétermination de la notion de harcèlement, la doctrine, n’écartant pas d’ailleurs
« l’hypothèse d’une bévue législative » (C.
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Duvert, Harcèlements sexuel in JCl. Pénal
Code, App. Art. 222-22 à 222-33-1, § 5), ne
pouvait que dénoncer le « flou » de cette
incrimination (M.-L. Rassat, Droit pénal
spécial, Infractions du Code pénal : Dalloz,
6e éd., 2011, n° 450 ), ouvrant « la voie à des
solutions à ce point déraisonnables qu’elles
finiront par être ridicules », puisque l’article
222-33, « dans sa lettre, permet[tait] de réprimer aussi toute tentative de séduction »
(Ph. Conte, Une nouvelle fleur de légistique :
le crime en boutons. À propos de la nouvelle
définition du harcèlement sexuel : JCP G
2002, act. 320, Aperçu rapide).
Il faut donc savoir gré au Conseil constitutionnel d’avoir expurgé le Code pénal
d’un texte d’une piètre qualité dont ne
pouvait se satisfaire le principe de la légalité. Il reste que le grief d’imprécision qui
a scellé le sort de l’article 222-33 du Code
pénal peut aussi bien être adressé à l’article
L. 1153-1 du Code du travail aux termes
duquel « Les agissements de harcèlement
de toute personne dans le but d'obtenir des
faveurs de nature sexuelle à son profit ou au
profit d'un tiers sont interdits » (et punis
d’un emprisonnement d’un an et d’une
amende de 15 000 euros : C. trav., art. L.
1155-2). Sans être strictement identique à
l’article 222-33 du Code pénal, ce texte en
est suffisamment proche, spécialement par
la formule en son coeur, pour que l’inconstitutionnalité du premier n’épargne pas le
second. Mais il ne peut s’agir pour l’instant
que d’une menace. Tel est le mécanisme de
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la question prioritaire de constitutionnalité, qui veut que son autorité ne s’étende
pas au-delà de la disposition abrogée par
la décision d’inconstitutionnalité – et cela,
même si un texte est rigoureusement identique à celui abrogé, comme l’ont montré
les articles 222-31-1 et 227-27-2 du Code
pénal qui nécessitèrent deux décisions
d’inconstitutionnalité (Cons. const., déc. 16
sept. 2011, n° 2011-163 QPC, préc. - Cons.
const., 17 févr. 2012, n° 2011-222 QPC,
préc.), la seconde étant la stricte réplique
de la première. Les effets de la procédure
de question prioritaire de constitutionnalité se manifestent, en revanche, dans leur
plénitude, lorsque, telle un couperet, la
déclaration d’inconstitutionnalité prend
effet à compter de la publication de la décision, ce qui est le cas concernant le harcèlement sexuel. L’abrogation immédiate du
délit a pu paraître brutale. Mais il ne paraît
pas opportun d’ajouter à la souffrance des
victimes de ces actes en leur faisant croire
qu’elles sont en outre victimes d’une injustice du Conseil constitutionnel. L’article 62
de la Constitution énonce, en matière de
QPC, qu’« une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l’article 61-1
est abrogée à compter de la publication de la
décision du Conseil constitutionnel ou d’une
date ultérieure fixée par cette décision ».
Pour le Conseil, le principe, qu’il rappelle
encore dans la décision du 4 mai 2012, est
que « la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à l'auteur de la question
prioritaire de constitutionnalité et la disposition déclarée contraire à la Constitution
ne peut être appliquée dans les instances en
cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ». Certes,
des considérations pragmatiques peuvent
l’amener à différer l’effet de décisions QPC
de non conformité. Sont concernées essentiellement, en droit pénal, des décisions
relatives à la procédure, qu’il s’agisse par
exemple de la garde à vue (Cons. const.,
déc. 30 juill. 2010, n° 2010-14/22 QPC : JCP
G 2010, act. 914, Aperçu rapide F. Fournié – cela avait d’ailleurs été reproché au
Conseil –, de la composition du tribunal
pour enfants (Cons. const., déc. 8 juill. 2011,
n° 2011-147 QPC) ou bien encore des perquisitions dans les lieux classifiés au titre du
secret de la défense nationale (Cons. const.,
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10 nov. 2011, n° 2011-192 QPC). Compte
tenu de la nouvelle organisation procédurale et pratique qu’implique l’abrogation de
ces dispositions, le Conseil, se livrant à une
appréciation globale de la situation, tend
à privilégier l’effet différé, afin d’éviter des
« conséquences manifestement excessives »
ou de permettre à « l’autorité administrative
de tirer les conséquences de cette inconstitutionnalité » (Cons. const., 10 nov. 2011, n°
2011-192 QPC). En revanche, en matière
de peines (par ex. Cons. const., déc. 11 juin
2010, n° 2010-6/7 QPC. - Cons. const., déc.
10 déc. 2010, n°2010-72/75/82 QPC), de fait
justificatif (Cons. const., déc. 20 mai 2011, n°
2011-131 QPC) ou de qualification, même
dépourvue de répression spécifique (V. en
matière d’inceste Cons. const., déc. 16 sept.
2011, n° 2011-163 QPC, préc. - Cons. const.,
déc. 17 févr. 2012, n° 2011-222 QPC, préc.),
la rigueur juridique paraît sans concession
et l’abrogation, dès lors, d’effet immédiat.
La méconnaissance du principe de la légalité que constituait l’article 222-33 du Code
pénal justifiait une telle abrogation.
Il appartient donc désormais au législateur
de remettre son ouvrage sur le métier. Peutêtre cherchera-t-il à s’inspirer des définitions
du harcèlement moral dans les relations
de travail (C. pén., 222-33-2 ; C. trav., art.
L. 1152-1) et entre conjoints (C. pén., art.
222-33-2-1) qui font état d’ « agissements
répétés » outre qu’ils décrivent assez précisément l’objet ou l’effet du harcèlement –
sans exclure cependant une marge certaine
d’appréciation du juge. Peut-être aussi serat-il tenté de se tourner vers la définition du
harcèlement sexuel que livre la Directive
2006/54/CE du 5 juillet 2006 relative à la
mise en œuvre du principe de l’égalité des
chances et de l’égalité de traitement entre
hommes et femmes en matière d’emploi
et de travail. Mais elle le fait de façon tellement confuse – le harcèlement sexuel y est
présenté comme « la situation dans laquelle
un comportement non désiré à connotation
sexuelle, s’exprimant physiquement, verbalement ou non verbalement, survient avec
pour objet ou pour effet de porter atteinte à la
dignité d’une personne et, en particulier, de
créer un environnement intimidant, hostile,
dégradant, humiliant ou offensant » - qu’il
y a plutôt lieu de craindre l’influence mal
maîtrisée de ce texte sur le législateur. La ré-
férence à la dignité pourrait, cependant, être
utilement méditée, invitant, par le truchement d’une réflexion sur la valeur protégée
par l’incrimination, à reconsidérer la place
de celle-ci dans le Code pénal. La cohérence
de la section relative aux agressions sexuelles
(C. pén., art. 222-22 à 222-33-1) laisse à
désirer, c’est le moins que l’on puisse dire.
Une succession de paragraphes énumère
le viol, les autres agressions sexuelles, mais
encore – ce que ne laisse pas entendre la
catégorie précédente, dont l’intitulé devrait
au contraire permettre de penser qu’elle clôt
la liste – l’inceste commis sur les mineurs –
ne correspondant, d’ailleurs, à aucune incrimination autonome – puis, réunis dans un
même paragraphe, l’exhibition sexuelle et le
harcèlement sexuel. Ce dernier se trouvait
ainsi séparé du harcèlement moral, érigé
en objet unique d’une section qui suit celle
relative aux agressions sexuelles. L’insertion
du harcèlement sexuel dans cette dernière
catégorie est loin d’être évidente. À tout le
moins, le contenu confus de la section des
agressions sexuelles brouille la distinction
entre les atteintes à la liberté sexuelle supposant un contact physique avec la victime et
celles qui en sont dépourvues (V. Ph. Conte,
Droit pénal spécial : LexisNexis, n° 241), ce
qui est le cas de l’exhibition et du harcèlement sexuels. Mais la « nature morale » de ce
dernier (M.-L. Rassat in JCl Pénal Code, Art.
222-22 à 222-33-1, fasc. 20, § 18), en ce qu’il
exclut tout contact physique avec la victime,
pourrait même le prédisposer à une place
autre dans le Code pénal. Ainsi les travaux
parlementaires en matière de harcèlement
sexuel ont-ils été inspirés par la considération de la dignité de la personne humaine
(C. Duvert, op. cit., § 49). Le législateur n’en
a manifestement pas tiré toutes les conséquences, insérant finalement ce délit dans
la section des agressions sexuelles et non
dans le chapitre des atteintes à la dignité (C.
pén., art. 225-1 à 225-25). Il est vrai que luimême ne brille pas par la cohérence de son
contenu, formant un ensemble hétérogène
aux lignes directrices bien floues... Ce ne
serait, somme toute, peut-être pas l’un des
moindres mérites de la décision du Conseil
constitutionnel abrogeant le délit de harcèlement sexuel que d’inviter à une réflexion
sur la cohérence de la construction du Livre
II du Code pénal.
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