Section 1. Les clauses de fidélisation de la main
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Section 1. Les clauses de fidélisation de la main
CHAPITRE 2. LES CLAUSES DU CONTRAT DE TRAVAIL Idée de « florilège contrôlé » (A. Mazeaud), elles sont le signe d’une renaissance du contrat comme outil de gestion des rapports de travail. En majorité, elles renforcent les obligations à la charge du salarié et c’est pour cette raison qu’elles font l’objet d’un contrôle jurisprudentiel étroit : - Limitation de la force contraignante de certaines (clause de non-concurrence réduite par ex.). - Annulation d’autres (clause de variabilité pure par ex.). La liberté contractuelle demeure mais elle est surveillée étroitement par le juge du travail. On distinguera, aux fins de classer les clauses les plus fréquentes en droit du travail, trois catégories de clauses : les clauses permettant à l’employeur ou au salarié de s’assurer que la relation contractuelle présentera une certaine stabilité (Section 1), les clauses encadrant les variations de la relation de travail (Section 2), les clauses organisant la rupture et les obligations postérieures à la vie du contrat (Section 3). Section 1. Les clauses de fidélisation de la main-d’œuvre Elles ont deux intérêts principaux : - Conserver certains salariés de l’entreprise (cadres, ingénieurs très qualifiés…). - Rentabiliser une embauche onéreuse notamment en termes de formation. A. Clause de garantie d’emploi Définition : C’est la clause par laquelle l’employeur s’engage à restreindre sa faculté unilatérale de rupture du contrat (L. 122-4 C.T.) pendant une durée déterminée. La clause de garantie d’emploi est toujours mise en place en faveur du salarié et à ce titre, elle n’est pas contraire à l’article L. 121-4 C.T qui dispose qu’« On ne peut engager ses services qu’à temps ou pour une entreprise déterminée ». En outre, son caractère nécessairement déterminé1 permettrait d’écarter tout argument basé sur la violation du droit de l’employeur de rompre unilatéralement le contrat. En effet, la clause de garantie d’emploi n’a pas de conséquence juridique sur la nature du contrat qui demeure à durée déterminée (Cass. Soc. 21 mars 1990). En outre , l’employeur peut toujours rompre un contrat de travail, pendant la période garantie, dès lors qu’il fonde sa décision de mettre fin au contrat sur : - La faute grave du salarié (Cass. Soc. 11 décembre 1990). L’existence d’un cas de force majeure (Cass. Soc. 16 mai 1990). En dehors de ces deux cas, lorsque l’employeur rompt le contrat pendant la période de garantie, le licenciement prononcé sera considéré comme dépourvu de cause réelle et sérieuse (Cass. Soc. 30 septembre 1997) et l’employeur devra indemniser le salarié du solde des salaires restant dûs jusqu’à expiration de la garantie ainsi que du préjudice né du caractère injustifié de la rupture, le cumul 1 Attention cependant à bien noter que la jurisprudence évalue de façon très souple le caractère déterminé dans le temps de la clause de garantie d’emploi (la garantie d’emploi jusqu’à la retraite est par exemple considérée comme étant à durée déterminée : Cass. Soc. 7 novembre 1990). A contrario, la renonciation complète à son droit de licencier par l’employeur est impossible (Cass. Soc. 17 avril 1989). 1 étant possible dans la mesure où ces deux indemnités n’ont pas le même objet (Cass. Soc. 2 juillet 2003). Remarque : Le régime de la rupture de cette clause est calqué sur celui de la rupture du C.D.D. Remarque : En dehors de la faute lourde les juges s’interdisent de réduire ce type de clause. B. Convention de dédit formation Définition : C’est la clause par laquelle le salarié s’engage à rester dans l’entreprise pendant un temps donné ou, à défaut, à indemniser l’employeur du fait de son départ prématuré, dans le but de rentabiliser l’investissement sous forme de formation dont il a fait l’objet. Autrement dit, si le salarié démissionne avant la date fixée par la convention, il devra rembourser à l’employeur tout ou partie des frais de formation engagés pour lui en s’acquittant de la somme fixée dans la convention. La jurisprudence a posé plusieurs conditions de licéité de la clause de dédit formation: - Elle doit être la contrepartie de l’engagement pris par l’employeur d’assurer une réelle formation professionnelle. L’indemnité à la charge du salarié en cas de départ prématuré doit être proportionnée aux frais de formation engagés par l’employeur. Les frais de formation doivent être supérieurs aux frais légaux ou conventionnels (Cass. Soc. 21 mai 2002). Elle ne doit pas priver le salarié de sa faculté de rompre unilatéralement le contrat. Elle doit faire l’objet d’une convention particulière, annexée au contrat de travail, qui précise la date, la nature, la durée de la formation et son coût réel pour l’employeur ainsi que le montant et les modalités du remboursement à la charge du salarié (Cass. Soc. 4 février 2004). Remarque : Ce n’est pas une clause pénale car son rôle n’est pas de garantir l’exécution d’une obligation. Remarque : Ce type de clause semble ne pas être promis à un avenir certain dans la mesure où la jurisprudence dessine de plus en plus précisément les contours de l’obligation de formation permanente de l’employeur, comme en témoigne l’insertion dans le Code du travail par la loi du 19 janvier 2000 d’un article L. 932-2 aux termes duquel « l’employeur a l’obligation d’assurer l’adaptation de ses salariés à l’évolution de leurs emplois ». Section 2. Les clauses relatives à la variation de la relation de travail2 Certaines clauses ont pour objet et pour effet de contractualiser des éléments de la relation de travail qui ne relèvent pas par nature du contrat (A).Réciproquement, d’autres clauses font sortir certains éléments du contrat de travail pour les faire entrer dans la sphère des conditions de travail ou organisent leurs variations (B). A. Les clauses qui contractualisent les conditions de travail Toute clause est ici envisageable dans la mesure où elle ne serait pas contraire à l’article six du Code civil. On cantonnera néanmoins nos analyses aux clauses qui font l’objet d’un contentieux et d’une doctrine nourris. 2 Cf. infra sur le thème de la modification du contrat de travail. 2 1. La clause de « sédentarité » Définition : C’est la clause qui stipule que le salarié exécutera son travail exclusivement en un lieu précis. Selon la Cour de cassation (Cf. infra), le lieu de travail contractuel s’assimile au secteur géographique à l’intérieur duquel le travail est effectué (Cass. Soc. 5 mai 1999) et la mutation dans ce périmètre relève du pouvoir de direction de l’employeur et donc des conditions de travail du salarié. Si en principe la mention du lieu de travail dans le contrat de travail n’a que valeur informative, il n’en va pas ainsi dès lors qu’une clause stipule expressément que le travail s’exécutera uniquement en un lieu précis. Ainsi le juge s’attachera ici à l’examen de la précision et de la clarté de la clause litigieuse. Si celle-ci est claire et précise, alors le salarié pourra se prévaloir d’une certaine sédentarité et refuser toute modification définitive3 de son lieu de travail, si infime soit-elle. Ce faisant la clause a pour effet de contractualiser des éléments relevant des conditions de travail du salarié (Cass. Soc. 3 juin 2003). 2. La clause de fixation des horaires Définition : C’est la clause qui stipule que le salarié exécutera son travail exclusivement selon les horaires définis au contrat. Il est de jurisprudence constante que les horaires – sauf bouleversement dans l’économie du contrat4- ne font pas partie du contrat de travail. Ainsi la Haute Juridiction a-t-elle énoncé que « l’employeur en changeant l’horaire (…) fait usage de son pouvoir de direction » (Cass. Soc. 17 octobre 2000) et, plus clairement que « le changement d’horaire consistant dans une nouvelle répartition de l’horaire au cours de la journée, alors que la durée du travail et la rémunération restent identiques, constitue un simple changement des conditions de travail, relevant du pouvoir de direction du chef d’entreprise » (Cass. Soc. 22 février 2000). En revanche, ces règles s’appliquent « sauf clause contractuelle expresse prévoyant l’horaire quotidien » : lorsque les horaires sont contractualisés, l’employeur ne peut prétendre les modifier sans l’accord du salarié (Cass. Soc. 11 juillet 2001 par ex.). B. Les clauses d’exclusion des éléments essentiels ou de variation de ceux-ci 1. La clause de mobilité Définition : La clause de mobilité est une clause par laquelle le salarié donne son accord à l’avance pour voir son lieu5 de travail modifié. Elle fait sortir le lieu de travail des éléments essentiels du contrat6 pour le faire entrer dans les conditions de travail (Cass. Soc. 30 septembre 1997). Le contrôle du juge sur cette clause est un contrôle : 3 V. infra à propos du régime du déplacement occasionnel. Comme le passage d’un horaire de jour à un horaire de nuit par exemple (Cass. Soc. 27 février 2001). 5 Qui, répétons-le, s’assimile au secteur géographique à l’intérieur duquel le travail est effectué. 6 Sauf référence expresse dans le contrat, le lieu de travail s’élargit dans la majorité des cas au secteur géographique (cf. partie sur la modification du contrat). Tout l’intérêt d’une clause de mobilité est donc de permettre à l’employeur de faire changer son salarié de secteur géographique. 4 3 - • • • De l’excès dans la détermination de la clause : la clause doit être limitée dans l’espace (Cass. Soc. 19 mai 2004 bien que l’arrêt émane d’une formation restreinte de la Cour et qu’il n’a pas été publié au bulletin). De la mise en œuvre de la clause par l’employeur, en effet, la clause ne produit son plein effet que lorsque sa mise en œuvre est : Conforme à l’intérêt de l’entreprise (Cass. Soc. 23 février 2005). Exempte d’abus : (Cass. Soc. 18 septembre 2002). Mise en œuvre de bonne foi (Cass. Soc. 18 mai 1999). Par exemple, l’employeur, qui doit exécuter de bonne foi le contrat de travail (L. 120-4 C.T.) ne peut se prévaloir d’une clause de mobilité licite dès lors que son salarié se trouve dans une situation familiale critique. Notons cependant que la bonne foi contractuelle est toujours présumée comme le rappelle l’arrêt du 23 février 2005 précité. Remarque : La clause doit être rédigée en des termes clairs et précis destinés autant à informer le salarié qu’à limiter le pouvoir d’interprétation du juge (Cass. Soc. 27 mai 1998). Si la clause est ambiguë, le juge aura tendance à l’interpréter dans un sens favorable au salarié, conformément à l’article 1162 du Code civil (Cass. Soc. 12 mai 2004). Remarque : Le salarié qui refuse de se voir appliquer une clause de mobilité licite et mise en œuvre conformément au droit positif commettra une faute qu’il appartiendra à l’employeur de sanctionner par un licenciement. A moins que cette mobilité ne s’accompagne d’une baisse de la rémunération du salarié, en effet, la clause du contrat réservant à l’employeur le droit de modifier unilatéralement le secteur de prospection et par conséquent la rémunération est inopérante (Cass. Soc. 16 juin 2004). 2. La clause de variation de la rémunération Définition : C’est la clause qui définit par avance les modalités selon lesquelles l’employeur pourra faire varier la rémunération de son salarié. Ainsi, elle permet d’aménager le caractère éminemment contractuel de la rémunération tel que dégagé par l’arrêt « Di Giovanni » de la Chambre sociale de la Cour de Cassation (19 mai 1998). Ainsi, il ne s’agit pas tant de la faire sortir du champ contractuel que de permettre d’en atténuer la rigueur. Si la chambre sociale a clairement condamné les clauses contractuelles autorisant l’employeur à modifier unilatéralement un élément du contrat de travail (Cass. Soc. 27 février 2001 « Gan Vie ») et en particulier la rémunération (Cass. Soc. 30 mai 2000), il n’en va pas de même s’agissant de la clause de variation de la rémunération qui (Cass. Soc. 2 juillet 2002) : - Est fondée sur des éléments objectifs indépendants de la volonté de l’employeur : ils doivent être précis et vérifiables7. Ne fait pas porter le risque de l’entreprise sur le salarié. N’a pas pour effet de réduire la rémunération en-dessous des minima légaux et conventionnels. Dans cette espèce, un avocat salarié reprochait à son employeur de lui avoir fait baisser sa rémunération en application d’une clause indexée sur le chiffre d’affaires or, soutenait-il, le départ de deux avocats de renommée de ce grand cabinet s’était soldé par une perte substantielle de clients et donc de chiffre d’affaires. Selon lui, cette perte relevait d’une cause « structurelle propre à l’entreprise » qui, toujours 7 Ce critère est par exemple respecté lorsque la clause prévoit que la partie variable de la rémunération du salarié sera constituée d’un pourcentage sur le chiffre d’affaires (CA) (par ex. 0,6% sur le CA jusqu’à X, 1,2% jusqu’à Y, 3% à partir de Y…). V. en ce sens Cass. Soc. 4 mars 2003. 4 selon ses dires, devait l’indemniser des conséquences de cette baisse. Sans prendre la peine d’énoncer que cette clause ne faisait pas peser sur les épaules du salarié le risque de l’entreprise, la Cour de Cassation rejette le pourvoi du salarié en évoquant la seule objectivité de la clause et, partant, sa licéité : « Et attendu que la Cour d’appel, qui a constaté qu’une partie de la rémunération du salarié était constituée par un pourcentage sur le chiffre d’affaires de la société et que ce dernier avait baissé pour des motifs indépendants de la volonté de l’employeur, a légalement justifié sa décision ». Section 3. Les clauses relatives à la rupture du contrat et aux obligations postcontractuelles A. Clause d’objectifs Définition : C’est la clause par laquelle le salarié s’engage à atteindre certains objectifs (commerciaux ou autres) au cours d’une période de temps déterminée. L’employeur est libre d’assigner des objectifs à ses salariés. Ils peuvent être fixés de manière générale pour toute l’entreprise ou ne concerner qu’une équipe ou même un seul salarié. Les objectifs peuvent prendre pour support : - Une décision unilatérale de l’employeur (relevant de son pouvoir de direction). Une convention collective. Une clause du contrat de travail. Notons à cet égard que le choix du support des objectifs et en particulier sa nature contractuelle n’a pas d’effet sur les conséquences de l’échec du salarié (Cass. Soc. 14 novembre 2000). Tout le problème réside justement dans l’effet de la non-réalisation de ses objectifs par le salarié : - Elle peut justifier une baisse de rémunération8 ou la perte d’une prime conformément aux dispositions de la clause. Elle ne peut pas, en principe, constituer une cause de licenciement dans la mesure où d’une part, l’insuffisance de résultat n’est pas une cause réelle et sérieuse de licenciement et que, d’autre part, elle serait contraire à l’article L. 122-14-4 du Code du travail, en effet : « nul ne peut se pré-constituer par avance un motif de licenciement ». A l’inverse, un salarié pourra être licencié sur le fondement du non-respect de ses objectifs dès lors que : • • Les objectifs sont considérés par le juge comme étant raisonnables et compatibles avec le marché (Cass. Soc. 30 mars 1999). Et que la non réalisation des objectifs relève de la faute du salarié ou de son insuffisance professionnelle (Cass. Soc. 3 avril 2001 « Affichage Giraudy »)9. B. La clause de non-concurrence (C.N.C) 1. Définition et critères de validité Définition : C’est la clause par laquelle le salarié s’engage à ne pas exercer d’activité concurrente à compter de la rupture de son contrat. 8 Si toutefois les règles relatives à la variation de la rémunération sont respectées (Cf. Supra). On notera à ce titre que, la faute et l’insuffisance professionnelle étant des causes autonomes de licenciement, la référence à des objectifs n’a plus aucun intérêt en matière de licenciement du salarié depuis l’arrêt « Affichage Giraudy ». 9 5 Elle trouve à s’appliquer quelle que soit la forme de la rupture du contrat (démission, licenciement justifié ou non, rupture amiable…). Elle est légitime dans la mesure où elle vise à limiter les fuites de compétences propres à l’entreprise, mais elle pose problème au regard de la liberté du travail du salarié10, d’où le strict contrôle du juge. Pour être licite, cette clause va devoir cumulativement : être limitée quant à son objet (donc dans le temps et l’espace, ce cumul datant de l’arrêt du 10 juillet 2002 (supra)). • tenir compte des compétences du salarié et de la possibilité pour lui d’exercer ailleurs les activités correspondant à sa formation et à son expérience professionnelle (Cass. soc. 25 mars 1998). Il ne faut pas qu’elle l’empêche concrètement de retrouver du travail (ex : une clause portant sur l’intégralité du domaine de compétence du salarié). Elle peut en conséquence être réduite par le juge dans le temps et l’espace (Cass. Soc. 18 septembre 2002). • être nécessaire à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise. Ici, le juge appréciera de façon concrète le caractère indispensable de la clause de non-concurrence, au regard des fonctions exercées par le salarié (Cass. soc. 14 mai 1992 « Laveur de vitres »). « Mais attendu qu'ayant fait ressortir qu'en raison des fonctions du salarié, la clause de nonconcurrence n'était pas indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise, la Cour d'appel a pu décider que l'employeur ne pouvait se prévaloir de cette clause ; qu'elle a par ce seul motif, légalement justifié sa décision ». • Les fonctions du salarié doivent donc correspondre à une qualification spéciale qui pourrait, si elle était employée dans une optique de concurrence, porter préjudice aux intérêts légitimes de l’entreprise : ainsi selon l’arrêt Cass. Soc. 19 novembre 1996 : « Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors qu'il résultait de ses propres constatations, d'une part, que les fonctions du salarié ne correspondaient pas à une qualification spécialisée et n'exigeaient pas qu'il soit en contact avec la clientèle, d'autre part, que l'activité de son ancien employeur était la vente, la réparation et l'entretien de véhicules, ce qui n'impliquait qu'indirectement et de manière accessoire, la vente de pièces détachées, la Cour d'appel, qui n'a pas précisé en quoi, compte tenu des fonctions exercées par son ancien salarié, la société Auto Service 34 justifiait l'existence d'un intérêt légitime dont la protection rendait nécessaire l'insertion au contrat de travail de l'intéressé d'une clause lui interdisant d'exercer l'activité litigieuse, a privé sa décision de base légale ». Ces arrêts mettaient en exergue le problème du recours systématique aux clauses de non-concurrence par certains employeurs à l’égard de tous leurs salariés. En l’espèce, il s’agissait de salariés dont le métier consistait pour l’un à nettoyer des vitres (arrêt de 1992), pour l’autre à ranger des articles en magasin (arrêt de 1996) donc on avait a priori affaire à des salariés très faiblement qualifiés. A ce titre, la Haute Juridiction énonce dans les deux espèces que la CNC à leur égard ne pouvait, au vu de leurs faibles qualifications, être considérée comme étant indispensable à la sauvegarde des intérêts légitimes de l’entreprise. • Enfin, depuis un revirement de jurisprudence du 10 juillet 2002, la clause de nonconcurrence ne sera valide que si elle prévoit une contrepartie financière pour le salarié11. Selon les arrêts en question, pris sur la base du « moyen relevé d'office, pris de la violation du principe fondamental de libre exercice d'une activité professionnelle » : 10 Mais aussi de la liberté d’entreprendre dont il bénéficie tout autant (Cass. Soc. 19 novembre 1996). Autrefois on considérait que le bénéfice de l’embauche était la contrepartie de la clause. Aujourd’hui, l’idée est que l’obligation perd sa cause lorsque la contrepartie fait défaut. 11 6 « Attendu qu'une clause de non-concurrence n'est licite que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise, limitée dans le temps et dans l'espace, qu'elle tient compte des spécificités de l'emploi du salarié et comporte l’obligation pour l'employeur de verser au salarié une contrepartie financière, ces conditions étant cumulatives ». Il s’agit là d’un des plus célèbres revirements de jurisprudence en matière sociale dans la mesure où il met en lumière le pouvoir créateur de la jurisprudence et non simplement interprétatif. La CNC est nulle car illicite si elle ne comporte pas de contrepartie financière au bénéfice du salarié. Ainsi, son caractère rétroactif a été expressément consacré par la Cour de Cassation (Cass. Soc 17 décembre 2004) du fait de l’impérieuse nécessité de protéger la liberté d’exercer une activité professionnelle. Notons à cet égard que le juge semble ici aligner le régime de la rétroactivité des revirements de jurisprudence avec celui de la rétroactivité des lois (Ass. Plén. 23 janvier 2004) du fait de l’exigence nouvelle d’un motif « impérieux » là où, récemment encore, l’on n’évoquait que l’absence de droit acquis pour le justiciable à une jurisprudence immuable (Cass. Soc. 25 juin 2003).12 Face à ce moyen nouveau d’obtenir le prononcé de la nullité d’une clause de non-concurrence, deux débats ont été réactivés par la jurisprudence et la doctrine : - Débat relatif à la renonciation par l’employeur à la CNC : la nullité de la CNC étant relative (Cass. Soc. 17 juillet 1997) et « Instituée seulement dans l’intérêt du salarié », l’employeur ne peut la demander en justice. En revanche, il peut chercher, pour ne pas verser d’indemnité pécuniaire à l’issue du contrat, à renoncer à se prévaloir du bénéfice de ladite clause. Pour ce faire trois conditions cumulatives devront être respectées : • • • - Que la clause permette elle-même que l’employeur puisse y renoncer. Que cette possible renonciation soit assortie d’un délai. Que la renonciation se fasse dans le délai prévu par la clause. Débat relatif à la poursuite en justice du salarié responsable d’une concurrence déloyale envers son employeur. En effet, la nullité d’une clause de non-concurrence pour défaut de contrepartie pécuniaire n’interdit pas à l’employeur de poursuivre ses anciens salariés pour concurrence déloyale (Cass. Soc. 24 mai 2005). Ainsi, la CNC nulle n’écarte pas l’action en justice fondée sur l’article 1382 du Code civil et donc sur la faute qu’il aurait commise en adoptant un comportement déloyal. A titre d’exemple, susciter délibérément une confusion entre soi et son ancien employeur pour capter sa clientèle (Cass. Soc. 5 mai 2004) ou le dénigrer (Cass. Soc. 20 mai 2003) constitue une faute. En outre l’action est toujours possible face au nouvel employeur de ces anciens salariés, devant le tribunal de commerce compétent (Cass. Com. 12 mai 2004)13 y compris si les salariés en question en sont les dirigeants (Cass. Soc. 24 mai 2005 précité). Remarque : La clause de non-concurrence nulle cause nécessairement un préjudice au salarié du fait de l’atteinte portée à sa liberté d’exercer une activité professionnelle. L’indemnisation de ce dernier peut se calculer en fonction de la somme que la clause prévoyait d’attribuer à l’employeur en cas d’irrespect de celle-ci par le salarié. 2. Sanctions encourues en cas d’irrespect d’une C.N.C. licite a) Sanctions encourues par le salarié 12 V. sur le thème passionnant des revirements de jurisprudence le rapport du groupe de travail dirigé par N. Molfessis sur les revirements de jurisprudence, Semaine Sociale Lamy, 20 décembre 2004. 13 Notons que ce type d’action est également valable sur le fondement de la violation d’une clause de non-concurrence par le salarié, à l’encontre du nouvel employeur (voir ci-après au point 2). 7 Le salarié qui viole sa clause de non-concurrence sera condamné à verser des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par l’ancien employeur. L’obligation en cause étant née du contrat de travail, le Conseil de prud’hommes est exclusivement compétent. Les parties peuvent convenir d’une clause pénale qui fixera à l’avance la somme versée par le salarié, somme qui peut être, en vertu de l’article 1152 du Code civil, majorée ou minorée par le juge. En outre, l’employeur peut faire condamner sous astreinte le salarié à résilier le nouveau contrat de travail conclu (Cass. Soc. 16 oct. 1958) ou à fermer le fonds de commerce ouvert en violation de la CNC. b) Sanctions encourues par le nouvel employeur Deux cas de figure sont à distinguer : - Soit le nouvel employeur ignore l’existence de cette obligation et sa responsabilité civile n’est pas engagée (Cass. Com. 19 oct. 1999). - Soit il en a connaissance (ou aurait dû tenter d’en avoir connaissance sur le fondement de l’article 1383 du Code civil) et il engage sa responsabilité vis-à-vis de l’ancien salarié. Quelques conseils pratiques pour l’examen Face à un cas pratique relatif à une clause du contrat, quelle que soit sa nature, on conseillera au candidat d’adopter la méthode suivante : 1 : Caractériser la nature exacte de la clause litigieuse en confrontant les faits de l’énoncé à la définition de la clause dont on estime qu’il est question (les développements suivants donnent une définition pour chaque clause). 2 : Evaluer la réunion des critères de validité de la clause (objectivité de la clause de variation de la rémunération, caractère limité dans le temps et l’espace de la clause de non-concurrence…). 3 : Evaluer la licéité de la mise en œuvre de la clause (bonne foi, intérêt de l’entreprise…). Retenir l’essentiel Il convient ici de faire un rappel des arrêts essentiels s’agissant des clauses qui font le plus souvent l’objet d’un cas pratique. 1 : Clause de dédit formation : (Cass. Soc. 4 février 2004) elle doit faire l’objet d’une convention particulière annexée au contrat. 2 : Clause de mobilité : (Cass. Soc. 23 février 2005) elle doit être mise en œuvre dans l’intérêt de l’entreprise. 3 : Clause de sédentarité : (Cass. Soc. 3 juin 2003) elle doit être claire et précise pour avoir une réelle valeur contractuelle. 4 : Clause de variation de la rémunération : (Cass. Soc. 2 juillet 2002) elle doit être objective, ne pas faire peser le risque de l’entreprise sur le salarié, ne pas avoir pour effet de faire baisser la rémunération sous les minima légaux ou conventionnels. 8 5 : Clause d’objectifs : (Cass. Soc. 3 avril 2001) seule la faute ou l’insuffisance professionnelle du salarié peuvent légitimer un licenciement fondé sur l’irrespect de cette clause. 6 : Clause de non-concurrence (Cass. Soc. 10 juillet 2002) : elle doit prévoir une contrepartie financière. ÉVALUEZ VOS CONNAISSANCES 1/Un employeur peut rompre un contrat de travail pendant une période de garantie V/F d’emploi dès lors qu’il fonde sa décision sur une cause réelle et sérieuse de licenciement. 2/L’employeur peut toujours renoncer au bénéfice de sa clause de non-concurrence. V/F 3/La clause de dédit formation s’apparente à une clause pénale. V/F 4/La présence d’une clause de mobilité dans le contrat de travail n’est pas incompatible avec la fixation par ce même contrat d’un lieu de travail précis. V/F 5/Il est possible de muter certains salariés en dehors de leur secteur géographique pendant plusieurs mois sans leur demander leur avis et en l’absence de clause de mobilité. V/F 6/Le juge contrôle les clauses de mobilité au niveau de la formation et de l’exécution du contrat. V/F 7/L’employeur n’a pas à faire preuve de bonne foi dans sa mise en œuvre d’une clause de mobilité parfaitement légale. V/F 8/Dans la mesure où elle ne risque pas d’avoir pour conséquence de réduire la rémunération du salarié en-deçà des minima légaux, une clause de variabilité peut valablement lui faire supporter les risques de l’entreprise. V/F 9/La contrepartie financière à la clause de non-concurrence peut être proportionnelle au niveau de contrainte imposée par la clause. V/F 10/Une clause de non-concurrence dont le champ d’application géographique n’est pas défini peut-être licite. V/F EXERCICE PRATIQUE 9