RUE CASES-NÈGRES Dossier Pédagogique 6

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RUE CASES-NÈGRES Dossier Pédagogique 6
RUE CASES-NÈGRES
De EUZHAN PALCY
Dossier Pédagogique 6e-5e
Collège au cinéma 53
Par Yannick Lemarié, action culturelle, Rectorat de Nantes
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Sommaire
1- Documents divers
2- La Martinique : deux traditions
3- Magie et religion
4- La communauté
5- Les limites
6- Destin d’un enfant, destin d’un peuple
7- Du roman vers le film, extraits
Annexes
p.3
p.6
p.8
p.11
p.14
p.17
p.19
p.22
Pour tous renseignements, observations, exploitation du dossier en dehors du
département 53
[email protected]
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1- Documents divers
Le film est inspiré du roman de Joseph Zobel, édité en poche par Présence africaine. Les
changements sont particulièrement nombreux et radicaux (absence de Léopold et de son père,
présence de la mère de José dans la dernière partie, long épisode de la communion à peine
évoqué dans le film, etc).
A- Documents écrits. Pratiques pour les enseignants qui n’ont pas beaucoup de temps et qui
veulent avoir des supports pour les élèves.
http://crdp.ac-amiens.fr/ingedoc/carte_ressources/pdfdames/rusticansmall.pdf
Sur ce site vous trouverez les fiches-élèves suivantes, réalisées par Cédric Chaigne :
1- Avant la projection
9 Questionnaire sur l’affiche
9 Photogrammes. À partir de trois photogrammes, essayer d’imaginer le ton du film, son
contenu.
9 Recherche sur la Martinique
2- Un roman, un film
9 Le générique : début et fin.
9 L’adaptation cinématographique. Repérer les différences et les similitudes entre le
roman et le film, mettre en avant le travail d'adaptation cinématographique.
9 Le point de vue.
9 Les dialogues.
9 Les récits de Médouze.
3- Les personnages
9 Les personnages.
9 José et Léopold : parcours croisés.
9 L’éducation de José. L’éducation de José se fait à l’école mais aussi au dehors : quels
personnages favorisent son évolution ? Qui ? Comment ?
4- Thématiques
9 La négritude : Comment les personnages suivants considèrent-ils le fait d’être Noirs ?
En ont-ils honte ? En sont-ils fiers ? En tirent-ils avantage ?
9 La pyramide sociale. Déterminer comment la réalisatrice montre la hiérarchie sociale
dans la Martinique des années 30.
http://www.memoireonline.com/03/08/980/m_refus-linearite-adaptation-cinematographiquerue-cases-negre-zobel17.html
Pour les enseignants qui veulent aller plus loin dans la comparaison entre le film et le roman.
Extrait (auteur : Théophile Muhire)
La différence organisationnelle n'est pas très remarquable dans ces deux récits, du moins pour
l'oeil d'un spectateur / lecteur ordinaire. Cependant, malgré toutes les ressemblances
observées dans la structure d'ensemble des deux récits, rien n'empêche qu'on puisse déceler un
bon nombre de divergences, pour peu qu'on utilise son discernement.
Les trois parties du roman ont été reprises avec une certaine différence par la cinéaste […] :
3
La première partie correspond à l'enfance de José lorsqu'il n'avait pas encore l'âge de
commencer l'école (sept ans). Il a pour compagnons Gesner, Romane, Tortilla et Médouze.
L'intrigue se déroule à la rue Cases-Nègres et dans la plantation de cannes.
La deuxième partie se rapporte à la vie scolaire de José. Il étudie à Petit-Bourg et vit avec
M'man Tine à la Cour Fusil. Ses compagnons sont notamment Jojo, Raphaël, Camille et
Vireil.
La troisième partie commence avec le départ de José pour Fort-de-France. L'intrigue se joue
au lycée Schoelcher et aux quartiers Sainte-Thérèse et Route Didier. Il vit avec sa mère
M'man Délia et ses compagnons sont Carmen, Jojo et Bussi.
Le film, lui, se présente sous forme d'un amalgame des trois parties précédées d'un prologue
et suivies d'un épilogue. Le prologue n'est qu'un exposé des contrastes entre les trois
composantes de la population martiniquaise. Le premier acte du film semble condenser les
deux premières parties du roman. José enseigne déjà l'alphabet à Carmen avant qu'il ne
commence l'école. A moins que la position de cette séquence ne relève d'une erreur de
montage, elle n'a pas de sens et ne fait que brouiller la trame du récit. Au troisième acte du
film, José vit toujours avec sa grand-mère puisque sa mère ne figure nulle part dans le film
qui est finalement structuré, agencé et découpé de manière tout à fait différente,
indépendamment du roman. La différence de structure entre les deux récits, ainsi que le
rapport nombre de pages / durée du film seront développés au chapitre IV entièrement
consacré à l'analyse temporelle du film par rapport au roman.
De manière générale, le film est moins rigoureusement construit et répond à une logique
quelque peu différente de celle du roman. On constate que les événements sont moins
contrastés, les drames moins violents, les joies moins intenses. Le film tend vers un
nivellement, le roman, au contraire, vers un écartement maximal de l' « amplitude
émotionnelle ». A ce sujet, on ne peut pas comparer par exemple la tristesse, l'émotion, la
tension, et la révolte avec lesquelles José prononce ces phrases lorsqu'il était au lycée
Schoelcher ainsi que leur mise en scène :
« personne ne me ressemble. Personne n'a d'ailleurs fait attention à moi. Serais-je repoussant à
ce point quant à ma tenue ? »
Dans le film, José est certes montré solitaire, mais aucune trace de tristesse ne se lit sur son
visage.
Inversement (mais rarement), certaines séquences filmiques deviennent plus éloquentes que
les pages du roman. Par exemple la rencontre avec Médouze devient plus émotionnelle dans
le film que dans le roman, notamment lorsqu'il lui raconte la révolte des « esclaves » contre
les békés. Médouze parle d'Afrique pour donner plus de force à l'idée de Zobel qui parle
plutôt de Guinée dans son livre. Le vieil homme joue davantage un rôle de guide spirituel
pour José et ses interventions deviennent plus longues dans le film que dans le roman.
Sur le plan rythmique, la structure dramatique du roman épouse exactement celle du
déroulement narratif ; c'est-à-dire que les bouleversements émotionnels se confondent avec
les pivots narratifs du roman (misère des nègres, travail éreintant, solitude à l'école etc.). Les
deux rythmes, dramatique et narratif, se superposent parfaitement, ce qui rehaussent les
tensions. Le film, lui, joue davantage sur des effets de syncope, tout en maintenant la tension
(même amoindrie). Palcy et ses scénaristes ont su rythmer même les passages du roman les
plus dénués de rythme avec l'insertion des chants et des danses créoles, simplement évoqués
dans le roman.
B- Documents audio-visuels
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http://site-image.eu/index.php?page=film&id=94
Le plus intéressant : les deux séquences analysées par Joël Magny. Clair, didactique et parfait
pour montrer aux élèves que le cinéma est affaire de mise en scène.
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Rôles
Mise en scène
Deux séquences analysées par Joël Magny : « le bol cassé » et « transmettre le savoir »
Pistes de travail
Autour du film
Outils
http://site-image.eu/index.php?page=palcy
Interview d’Euzhan Palcy dans laquelle elle évoque son enfance, son parcours professionnel
et Rue Cases-Nègres.
C- Documents audio
1- http://www.cddp95.ac-versailles.fr/cinema/spip.php?article505
Documents audio à partir de la conférence de Claudine Le Pallec-Marand.
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Présentation du film (environ 8 minutes)
Un film historique et narratif (environ 12 minutes)
Le travail romanesque (environ 6 minutes)
La question de l’adaptation (environ 11 minutes)
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2- La Martinique : deux traditions
Travaux possibles
a) Situer la Martinique sur un planisphère. Retrouver sur une carte Petit-Bourg, Le Diamant,
Rivière Salée et Fort de France. [cf. Carte en annexes]
b) Deux cultures, deux transmissions / épisodes avec Médouze ; épisodes de l’école.
c) Une langue régionale : le créole
1- La transmission
La culture martiniquaise a été élaborée de deux façons :
a) Transmission orale / racines africaines
[Commentaire sur les contes et proverbes tiré de Mariella Aita Solimendo, Le réel merveilleux
dans l’œuvre de Simone Schwartz-Bart, 2006]
Plusieurs fois nous voyons Médouze (dont les ancêtres étaient guinéens) s’adresser à José. A
lui seul, il représente la transmission orale et les racines africaines.
Les proverbes et les contes constituent des éléments essentiels de Krik krak
cette tradition orale.
É krik é krak
Les contes ne sont pas seulement racontés, ils sont joués et le conteur Mistikrik mistikrak
comme maître de cérémonie veille à ce que son auditoire participe
activement à son récit. Pour cette raison, il fait appel aux divers Mysié krik mysié krak
procédés qui marquent le discours oral (intonation, rythme, façon Kriké kraké
d’attirer l’attention). Il lance des « hé cric ! » auxquels le public Krik ! reté kouté
répond par des « hé crac ! »
Krak ! kouté pour
(→ Jakobson parle à ce sujet de la fonction phatique du langage /
Aux Antilles, on remplace parfois cric et crac par d’autres konpwann (écoutez
pour comprenre !)
interpellations. Cf. ci-contre)
Les contes sont racontés à la tombée du jour et le jeu, le chant et la musique (on notera
dans le film les éléments de la bande-son et les danses qui précèdent l’intervention du
conteur) convergent pour consolider les rapports dans la communauté en ravivant le passé.
Les rôles du conte sont variés :
9 Fonction ludique ;
9 Fonction psychologique : il libère l’imaginaire (dans le film, il faut faire le lien entre
cette initiation au récit et le devoir réussi de l’enfant à la fin) ;
9 Fonction sociale : le conte permet le lien entre les générations (entre les histoires :
africaine, antillaise…) et l’intégration de valeurs communes.
Dans le roman, les rencontres avec Médouze commencent avec des devinettes et la réplique
« Titim’ !» auquel l’enfant répond « Bois sec ! ». Dans le film, on retrouve quelques
devinettes et ces interjections alors que Médouze attend son salaire.
b) Transmission écrite / racines européennes.
Les enseignants apportent une deuxième culture : écrite et européenne.
La langue enseignée est le français. José a également des cours de latin.
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Le petit José est à la croisée de ces deux cultures comme le prouve son devoir. Il évoque en
effet la vie de son peuple (et notamment l’injustice que ce dernier subit) dans la langue des
békés, le français.
Notons par ailleurs que José est lui-même déjà dans la position de celui qui transmet le savoir
puisqu’il donne des leçons à Carmen. Cette scène n’est-elle pas une façon de rendre hommage
à l’auteur qui, par son roman, fait le lien entre son peuple et le monde ?
2- La langue créole
La langue créole est née d’une nécessité : permettre à toutes les ethnies africaines, aux
planteurs venus des différentes provinces françaises voire de différents pays, de se
comprendre. Le film mêle le français et le créole.
Quelques expressions présentes ou non dans le film :
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Annou ay
Béké
Bonjou
Man ka vini
Nèg
Pani pwoblem
Sa ou fè
Si ou plè
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•
•
•
•
Pas de problème
Blanc
Allons-y
Ça va ?
S’il te plaît
Noir
Bonjour
J’arrive
Réponses
Annou ay
Béké
Bonjou
Man ka vini
Nèg
Pani pwoblem
Sa ou fè
Si ou plè
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•
Pas de problème
Blanc
Allons-y
Ça va ?
S’il te plaît
Noir
Bonjour
J’arrive
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3- Magie et religion
Avant de commencer à parler des groupes sociaux et des oppositions entre les Noirs et les
Békés, il est intéressant de s’arrêter sur l’arrière-plan culturel et d’aborder les pratiques
cultuelles, religieuses, magiques. Ce sera l’occasion de montrer que, là également, José se
situe entre deux mondes.
Travail
a) Retrouvez les passages qui évoquent des pratiques religieuses et les manières de présenter
le fait religieux [cf. annexes]
b) Quel jugement portez-vous sur les pratiques magiques de José et de ses camarades ? Que
pensez-vous des pratiques des Békés ? Sont-elles si différentes ?
c) Retrouvez des pratiques « magiques », les superstitions (ne pas passer sous une échelle, par
exemple) dans la société moderne. Imaginez un bref conte, à la manière de Médouze, afin de
justifier une tradition.
d) Lire l’extrait du roman (pp.144-145) consacré aux superstitions et comparer avec le film.
1- Présence de la religion
Le religieux est très présent dans le film (pratiques magiques, superstitions, religion
traditionnelle).
Il apparaît à travers :
•
•
•
•
Des images (Le Sacré-Cœur auquel est assimilée la grand-mère)
Des objets de culte (la croix, les statues de saints guérisseurs, le cabouillat noué). On
remarque à ce sujet que des objets usuels peuvent devenir des objets de culte, comme le bol de
la fille)
Des récits (les zombis, les sorciers, les gens-gagés)
Des pratiques, des gestes (faire le signe de croix sur la langue, jeter le cabouillat)
Images pieuses
Jeter le cabouillat
Faire le signe de la croix sur
la langue
Les zombis, les gens-gagés,
les sorciers
Objet de culte : la croix
Le bol : objet de culte
nouveau
Objet de culte
Des pratiques : la prière
Gri-gri
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À nouveau, José est à la croisée des deux cultures : il croit aux gens-gagés et il suit les cours
de catéchisme (il fait également ses prières avec sa grand-mère, prépare sa communion).
2- Les pratiques semblables en dépit des apparences
Nœuds de cabouillat
(image recadrée)
Saint protecteur
Au-delà des différences réelles, on trouve des pratiques qui se ressemblent. Dans l’épisode du
nœud de cabouillat comme dans celui de l’agonie de Du Terrail, le religieux est invoqué pour
se protéger d’un malheur.
Dans les deux cas, la puissance religieuse passe par un objet : ici du foin avec lequel on fait
des nœuds (nouer pour empêcher une malheur = pratique magique qu’on retrouve, avec la
defixio, chez les Romains), là, des images pieuses de saints guérisseurs.
3- Extrait du roman, pp.144-145.
Nous aimons tous Vireil, et c’est pour moi un très gros avantage d’être à côté de lui. Vireil
connaît des choses et nous en raconte d’éblouissantes, de saisissantes, qui nous ravissent,
nous excitent, nous font frémir.
Des histoires de gens-gagés, par exemple. Des personnes qui, la nuit, se transforment en
n’importe quelle bête ; parfois même en plantes et qui, sous cette apparence, font du mal aux
autres, aux chrétiens sur les ordres du diable.
Vireil a déjà entendu des bâtons-volants : des gens-gagés en forme de bâtons ailés qui, la
nuit, survolent la campagne avec un bruit de vent qui parle, et sèment la maladie, le malheur,
la mort même dans les cases.
Ainsi nous a-t-il recommandé de planter une croix en bois sur le toit de la maison de nos
parents, car, c’est la seule arme qui tue les bâtons-volants.
L’animal dont les gens-gagés revêtent le plus communément est le lièvre. Une nuit, vous
revenez d’une fête, par exemple, et brusquement quelque chose de blanc traverse d’un seul
bond le chemin : un lapin ! C’est un gens-gagé ! Signez-vous.
Les gens-gagés se présentent quelquefois aussi sous forme de chiens énormes qu’on
rencontre, la nuit, à un carrefour, les yeux projetant des lueurs aveuglantes, la gueule pleine
de flammes.
Quel ne fut pas notre émoi, le jour où Vireil nous apprit que, chaque nuit, le bourg est
parcouru de haut en bas par un énorme cheval qui n’a que trois pattes. Dans un silence
absolu, tous les gens du bourg, paraît-il, peuvent entendre les pas de ce monstrueux animal.
[…]
Il nous a donné des recettes pour nous préserver des méfaits des zombis : toujours porter à
même la peau comme lui, une fibre de mahot autour des reins.
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Confirmant ce que m’avait appris M. Médouze, Vireil nous a dit que tous les békés, tous
les richards, sont des voleurs gagés.
Mise en scène / trois point à signaler
1 -Le récit de Vireil est éclaté entre plusieurs locuteurs, ce qui permet de donner du
dynamisme à la scène par le montage.
2- Les plans rapprochés voire les gros plans permettent de donner la priorité à la parole
et aux réactions des personnages / les plans moyens situent l’individu dans le groupe.
3- Un personnage est introduit ici : le sceptique. Léopold refuse de croire à ces traditions :
il est du côté de son père qui rejette ces récits et ces pratiques qui ne sont pas chrétiennes. On
voit ici les conséquences du colonialisme qui impose une forme d’acculturation dénoncée par
Césaire et Senghor.
Dans la mise en scène, Léopold est exclu du groupe. Et lorsque les trois enfants jurent de
ne pas parler, un contre-champ nous montre qu’il ne fait rien, se plaçant ainsi délibérément du
côté des Békés (dont il rappelle la présence par le chapeau colonial qu’il porte).
Champ
Contre-champ
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4- La communauté
Travail
a) Analyse de photogrammes : Une société hiérarchisée
b) Analyse de photogrammes : Importance du groupe
c) Étude des personnages de Léopold et Flora.
A- Une hiérarchisation fortement marquée
1-
2-
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4-
5-
6-
Dans le film, la hiérarchie est fortement marquée entre les békés et les noirs.
Pour indiquer la hiérarchie sociale, la cinéaste use de plusieurs moyens, certains évidents
d’autres plus subtils.
• Des habitations très différentes (4 / à comparer avec la case de José. Celle de Léopold
occupe tout le plan et est prise en contre-plongée pour signifier la hauteur)
• Des fonctions différentes. Celui qui parle et celui qui agit (3).
• Des « montures » de tailles différentes ou de natures différentes (1&2 : voiture, cheval,
mulet / aller à pied)
• Des vêtements et des coiffes différents : blancs avec un chapeau colonial pour ceux
qui dirigent (5&6).
• On remarquera que les chapeaux sont ou non portés (l’enlever est un signe de
soumission, de reconnaissance de la supériorité de l’interlocuteur, 5&6 / le
comportement Du Terrail est, à cet égard, frappant).
B- Appartenance à un groupe
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Entre ces trois photogrammes, un point commun : le groupe. Euzhan Palcy rappelle
constamment l’importance du groupe, aussi bien dans les moments de joie que dans les
moments de peine.
Le groupe permet de :
¾ Ne pas s’ennuyer (pour les enfants / l’ennui pointe lorsque José est sorti du groupe par
sa grand-mère alors que les autres enfants travaillent).
¾ S’inscrire dans une histoire (ainsi que le rappelle Médouze).
¾ Ne pas être oublié (le groupe continue à se souvenir de Médouze ; le conteur fait
d’ailleurs de Médouze un personnage de conte) / S’inscrire dans une mémoire
collective.
¾ Lutter (le dernier photogramme qui met au premier plan une chaîne rappelle que la
lutte contre l’esclavage ou l’exploitation est collective, en aucun cas individuelle). Le
groupe est aussi une façon de se situer, de connaître ses origines.
3- La bâtardise
L’appartenance à un groupe est une façon de savoir d’où l’on vient, est le meilleur moyen de
s’inscrire dans une histoire. Le film donne des exemples de personnages qui sont malheureux
parce qu’ils ne savent pas qui ils sont ou parce qu’ils renient leurs origines.
1
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Trois personnages ont des problèmes d’identité : Léopold, sa mère et Flora.
¾ Léopold n’appartient ni aux mondes des Noirs (ses vêtements, son refus de la
tradition, son mode de vie le coupent des autres comme le suggère le photogramme 1,
même s’il sympathise avec José) ni au monde des Békés (photogramme 2 : il reste sur
le seuil de la chambre de son père qui vient de refuser de la reconnaître).
Il faut que Léopold soit arrêté pour qu’il retrouve ses origines et qu’il soit réintégré à
la communauté (cf. : la foule derrière les grillages et la chanson qui accompagne
Léopold pendant qu’il est tiré par les gendarmes). Il redevient à cet instant le Noir
humilié.
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¾ Parce qu’elle refuse la couleur de sa peau, Flora devient prisonnière de ses rêves
absurdes. Le rêve n’est pas mauvais en soi, il l’est lorsqu’il ne permet plus d’avancer.
¾ Cette difficulté à se situer concerne enfin la mère de Léopold qui écoute la chanson de
Joséphine Baker, J’ai deux amours et qui, plusieurs fois, semble partagée entre deux
mondes, celui des noirs et celui des Békés.
La maîtresse et sa servante dans le reflet du
miroir / deux mondes apparemment séparés
mais si proches…
Deux mondes fortement séparés par le
montant du lit. La mère de Léopold croit
appartenir au monde des maîtres (même
plan), elle découvre qu’il n’en est rien.
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5- Les limites
Les seuils sont extrêmement importants dans le film. Ils permettent d’indiquer des limites
entre les différents groupes sociaux, de marquer des étapes voire de signaler des
transgressions.
Travail
a) Indiquer des passages où des seuils, des portes, barrières sont filmés.
b) Essayer de retrouver les fonctions de ces seuils, limites, barrières…
c) Quelle est la première porte qui assure la liberté ?
d) En quoi José sort-il des limites qu’on lui a imposées ?
A- Fonctions des seuils
À partir de ces photogrammes, on pourra distinguer différentes fonctions. Le but n’est pas de
faire une analyse détaillée ; c’est surtout de montrer l’importance de la mise en scène.
1- Les seuils-géographiques : indiquer le passage d’un monde vers un autre
Ils permettent de séparer deux espaces, la ville et la campagne par exemple (c’est le
rôle de l’embarcadère).
2- Les limites sociales
Ces seuils permettent de faire une séparation entre deux
classes sociales, les riches et les pauvres. Le plan des enfants
qui regardent l’économe passer oppose deux mondes
antagonistes (adultes/enfants ; riches/pauvres ; Békés/Noirs).
De même que le plan de la villa cernée par des grillages.
Cette séparation peut-être illusoire. La mère de Léopold a eu
l’impression de s’élever (choix d’une contre-plongée), mais ce
n’est qu’un rêve. La mort de son mari la précipitera dans la déchéance sociale comme son fils.
Ces limites existent entre les Békés et les Noirs ; elles existent également à l’intérieur de
chaque collectivité. Lorsque José mange chez Madame Léonce, il ne rentre pas dans la
maison. Le roman en précise les raisons : Madame Léonce prend José pour un domestique,
une créature inférieure, corvéable à merci. Il doit cirer les chaussures, faire la vaisselle,
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balayer la cour, faire les courses. Joseph Zobel, l’auteur de La Rue Cases-Nègres, parle de
« sentiment de rabaissement » (p.119), de « prison » (p.117), de torture (p.123), de « petit
chien dans un corridor » (p.117), oppression (p.117). La fuite de l’enfant, après qu’il a cassé
une cruche de Madame Léonce, s’apparente à celle de l’esclave qui fuit son maître (p.124-125
/ « Je me suis échappé ! Me voilà sauvé ! »).
3- Inclusion, exclusion : choix d’une vie.
Moins faciles à percevoir, ces seuils permettent de mettre en scène des choix
importants. Léopold est ainsi montré successivement en train de rentrer dans la maison de Du
Terrail puis en train d’en sortir, en courant. De même, rester sur le seuil de l’école ou pénétrer
dans l’école peut changer toute la vie de José.
Les départs de Man’Tine et de José dans des maisons différentes dessinent les étapes
d’une émancipation.
4- Les transgressions
Les seuils appellent la transgression. Une transgression malhonnête parfois : le vol de
l’œuf et des légumes ; une transgression nécessaire dans certains cas : celle des esclaves qui
rompent leur chaîne comme le suggère le plan final.
5- Seuil de la vie et de la mort.
Plusieurs fois le seuil suggère le passage de la vie vers la mort : la porte fermée de
Médouze est de ce point de vue parfaitement explicite.
Médouze insiste sur l’importance du cycle de la vie et de la mort (on peut en relever
toutes les occurrences dans le film).
B- Première ou deuxième porte ?
« L’instruction est la clé qui ouvre la deuxième porte de notre liberté »
Ce commentaire mérite qu’on s’y arrête. Pour deux raisons :
• d’une part, il confirme que la porte est un objet important et le seuil une thématique
essentielle.
• d’autre part, il évoque une première porte.
Quelle est cette première porte ? Deux hypothèses :
o 1- l’abolition de l’esclavage.
o 2- la religion (nous sommes dans une école catholique). Dans la Bible (Nouveau
Testament), nous trouvons des allusions à la « porte étroite » : « Et il leur dit : Luttez
pour entrer par la porte étroite ; car beaucoup, je vous le dis, chercheront à entrer et ne
pourront pas » (Luc 13:24). Accepter la nouvelle religion, cela signifie entrer par la
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porte étroite. C’est pour cela que les Juifs devaient lutter. À la parabole de la porte
étroite, on ajoute celle de la porte fermée :
« Dès que le maître de la maison se sera levé, et aura fermé la porte, et que vous vous serez
mis à vous tenir dehors et à heurter à la porte, en disant : Seigneur, ouvre-nous ! et que,
répondant, il vous dira : Je ne vous connais pas ni ne sais d’où vous êtes ; alors vous vous
mettrez à dire : Nous avons mangé et bu en ta présence, et tu as enseigné dans nos rues. Et il
dira : Je vous dis, je ne vous connais pas, ni ne sais d’où vous êtes ; retirez-vous de moi, vous
tous, ouvriers d’iniquité. Là seront les pleurs et les grincements de dents, quand vous verrez
Abraham et Isaac et Jacob et tous les prophètes dans le royaume de Dieu, mais vous, jetés
dehors. Et il en viendra d’orient et d’occident, et du nord et du midi ; et ils s’assiéront dans le
royaume de Dieu. Et voici, il y a des derniers qui seront les premiers, et il y a des premiers qui
seront les derniers » (Luc 13:25-30).
C- José ou comment sortir des limites
Le récit de Rue Cases-Nègres est celui d’une émancipation. Pour grandir, José doit sortir du
groupe et vivre sa vie. Les étapes de sa vie correspondent à des changements de lieux : il est
d’abord Rue Cases-Nègres puis il déménage dans le bourg voisin avant de partir à Fort-deFrance.
Il doit également emprunter une voie étroite, forcer les portes, notamment celle de
l’instruction. D’autres, comme Carmen, choisissent des voies plus faciles (« les portes
larges »).
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6- Destin d’un enfant, destin d’un peuple
Dans cette partie, on montrera comment le destin de José diffère de celui de ses camarades.
On montrera également que son destin a une valeur exemplaire. Il est une invitation à lutter
contre les injustices.
Travail
a) Comparer le destin de José à celui de ses camarades. Comment l’écart entre José et ses
compagnons est-il indiqué dans le film ?
b) Quelles sont les injustices évoquées dans le film ?
c) Émancipation.
A- Comparaison des destins
1
2
4
3
5
Ces cinq photogrammes nous montrent le destin possible de José mais également le destin
réel de tous ses compagnons.
Les photogrammes 1, 2 3 donnent les possibilités qui s’offrent à José :
9 Rester comme il est. C’est le cas de Tortilla. Alors que les gros plans montrent qu’elle
a le même appétit de savoir que José, elle est condamnée par son père à conserver la
même vie dans la rue Cases-Nègres.
9 Devenir le larbin des Békés. En s’habillant comme sa maîtresse, en l’imitant, Carmen
montre surtout sa déchéance. Sur le photogramme, la photo de la patronne domine les
deux hommes et semble, même absente, continuer à les commander.
9 Tomber dans une révolte irréfléchie. Bouleversé par sa situation, Léopold commet un
délit et se fait arrêter.
José est lui-même menacé ; il pourrait finir comme le jeune cireur de chaussures qu’il regarde
en arrivant à Fort-de-France. Il a déjà connu cette situation chez Madame Léonce.
Dans la mise en scène, la réalisatrice montre l’écart qui s’instaure entre José et ses
compagnons :
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9 Phot. 1 : la profondeur de champ montre la séparation entre José et Tortilla (nous
restons avec José tandis que Tortilla s’éloigne de nous pour totalement disparaître du
récit)
9 Phot. 2 : à nouveau, la réalisatrice joue avec la profondeur de champ. Carmen, au
premier plan, s’oppose à José au second plan. La diagonale et le regard outré de José
accentue l’écart.
9 Phot. 3 : des plans distincts séparent José et Léopold.
B- Destin d’un peuple
Le destin de José se confond avec celui de son peuple : il essaie de fuir l’injustice comme son
peuple. L’injustice qu’il subit face au maître blanc est un écho à l’injustice initiale que
subissent les parents devant les grands propriétaires.
Il essaie également, à l’instar de son peuple, de s’émanciper et de se libérer comme le montre
le plan final (importance de la chaîne !).
Cette émancipation n’est possible cependant que par :
• La mémoire : Médouze rappelle à José d’où il vient. Et ce dernier doit le retenir même
s’il parcourt le vaste monde (la dernière leçon du vieil homme s’achève dans la
montagne par un plan d’ensemble).
• L’éducation : l’école est pour José le meilleur moyen d’acquérir la liberté. Cette leçon
vaut pour tous (le choix de Léopold –le recours à la violence destructrice- est, selon
l’auteur du roman et la réalisatrice, une erreur).
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Du roman vers le film, extraits
Extrait 1 : La mort de Médouze / pp.96-98.
[après que José eut remarqué l’absence de M. Médouze et qu’il eut averti sa grand-mère, les
hommes du village partent à la recherche du vieillard]
Je n’ose parler. Je suis avide d’entendre tout ce qu’on dit de M. Médouze, de savoir pourquoi
il n’est pas rentré, et je crains je ne sais quoi pour ces hommes qui sont partis à sa recherche,
bien qu’ils soient armés comme s’ils devaient se battre. Quant à moi, j’ai une vague intuition
que M. Médouze est parti pour un de ces pays dont il parlait dans les contes.
Je serais si content qu’il en fût ainsi !
Pourquoi ?
Peut-être par je ne sais quel désir de voir M. Médouze devenir simplement le héros d’une
aventure semblable à celles où il a souvent engagé mon imagination.
Je crois aussi que de me trouver en pleine nuit dans une telle conjoncture incite d’autant mon
esprit au fantastique.
Soudain, un cri :
- Les voilà !
Une confusion de voix lui fait écho et, en même temps, tout le groupe, Gesner en tête,
m’entraînant avec lui, se porte vers le chemin.
Loin dans la nuit, au fond, une grosse lumière, un groupe de torches qui s’avancent.
- Mon Dieu, Seigneur, la Vierge ! Chuchotent les femmes autour de moi.
Mon cœur s’est mis à battre, et je me réfugie près de m’man Tine qui murmure
machinalement d’imperceptibles paroles.
- A la façon dont ils marchent vite, Médouze doit pas être avec eux, remarque Mam’zelle
Valérine.
- Ils retourneraient pas, s’ils n’avaient pas trouvé Médouze, réplique m’man Tine.
- Médouze doit en être, dit un autre ; voyez comme tous ils s’arrêtent de temps en temps.
Vous ne voyez pas ?
- Oui, à cause de lui sans doute, conclut M. Saint-Louis.
Puis le convoi apparaît au bas bout du chemin.
Nous nous avançons encore, et voilà des silhouettes bien distinctes dans la clarté.
- Ils apportent quelque chose !
- Mon Dieu !
- Mais oui, voyez comme ils marchent.
Aussitôt, une fébrilité plus vive que celle qui avait précédé le départ des hommes s’élève dans
le groupe et tout le monde parle à la fois. Les uns disent que Médouze a dû tomber d’un mal
caduc, d’autres insinuent qu’il n’avait pas mangé de la veille et qu’un ver lui a piqué
l’estomac. Pour d’autres, il a dû boire trop d’eau, étant en sueur. Une profusion de paroles qui
m’effarent et m’empêchent de réaliser ce qui se passe.
Mais réellement, quatre ou cinq hommes portent ensemble une chose noire, longue, osseuse et
mivêtue de haillons, pareille à M. Médouze.
Et c’est bien M. Médouze.
- Si nous n’étions pas allés le chercher, les mangoustes s’en seraient régalées ! S’exclame M.
Hopace.
Tous ils halètent et suent d’abondance. Quelques-uns ont marché si vite qu’ils titubent sous le
poids du vieillard, et leur voix n’est plus qu’un murmure qui se fait à peine entendre quand ils
disent :
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- Si nous avions su, nous aurions porté un hamac ; car tout seul il avait l’air d’une paille, mais
avec la mort qu’il a dans le ventre, il pèse comme le malheur.
Et c’est dans le grand éclat de rire déclenché par une boutade de Carrnélien que le cadavre de
Médouze arrive à la rue Cases-Nègres et rentre dans sa cabane.
Tant de gens l’entourent que c’est en vain que je cherche à le voir. Je ne porte aucune
attention aux bribes de récit de ceux qui l’ont découvert ; mais il y a un tel mélange
d’apitoiement, de lamentations, de soupirs, de rires et de galéjades, que je ne peux savoir
exactement si c’est un événement triste ou bien un fait banal, de peu de conséquence. Cela
ressemble vaguement à une fête, mais quelques personnes, dont m’man Tine, ont des airs qui
m’empêchent de me sentir gai.
Des gens entrent et sortent. M’man Tine m’a recommandé de ne pas bouger de la place où je
me trouve, puis elle est sortie. Beaucoup de femmes sortent aussi, Je me faufile alors parmi
les quelques personnes qui entourent M. Médouze.
Il est étendu sur le dos, M. Médouze, et vêtu de son pagne couleur de sa peau. II a été étiré,
pour ainsi dire, le long de son étroite planche noire, afin que ses deux pieds et ses bras
puissent y trouver place. Ses yeux sont entrouverts, comme s’il ne dormait pas ; mais ce ne
sont pas ces mêmes yeux qui reflétaient les autres soirs la lueur des feux que nous allumions.
Remarques par rapport au film (49’-52’ environ)
1- La situation est renversée : Dans le film, José est acteur et non pas spectateur des
recherches. Il trouve le corps du vieil homme.
2- Le film insiste sur la construction d’une collectivité autour de la mémoire des morts par de
trois façons :
9 Le son (celui que produit le coquillage) réunit les plans séparés des hommes qui sont
à la recherche du vieillard ;
9 Quand Médouze est retrouvé par José, les flambeaux se regroupent pour rejoindre le
corps de Médouze : 2 plans d’ensemble avec plongée = position de Dieu ou des
esprits / lien entre l’esprit de Médouze et la collectivité des vivants.
9 Le chant puis le conteur font de Médouze une créature de conte. Le groupe encercle le
conteur qui devient la voix vivante et unique de la collectivité.
Extrait 2 : La faim / pp.228-230.
[Dans le roman, la question de la faim est importante. José ne cesse de se plaindre de ne pas
assez manger. Le film effleure cette problématique, sauf lors de l’épisode du morceau de
pain]
Aussi, je commence par m'emplir d'eau sous robinet, dans un coin de la cour, et de temps en
temps, j'y retourne, essayant de noyer mon estomac pour le faire taire. De même, je tâche de
dissimuler dans la foule pour échapper à Bussi. Je me sens pas l'envie ni la force de parler. Il
m'en coûte déjà assez de paraître tranquille, indifférent, repu même, comme tout le monde.
Mais Bussi parvient à me dépister. Je l'aperçois, il m'a vu ; impossible me dérober. II arrive,
tenant un long morceau pain dont la mie blanche et légère comme mousse a été fendue en
deux pour recevoir des œufs frits.
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Il me paraît plus impressionnant avec ce demi-pain entre les doigts qu'Asselin, que j'ai connu
dans mon enfance à Petit-Morne. Je le trouve terrible.
Mais Bussi est un gentil camarade. Voyant que je ne goûte pas, il me tend son pain d'un geste
naturel.
- Casse-le.
- Non, dis-je, merci.
- Casse-le donc avec moi.
Il braque son pain sur moi. Ce pain doré et blanc, spongieux et bourré d'œufs frits, sentant
bon.
Non, je maintiens mon refus, et d'un air blasé : à son insistance, ma faim submergée ou
refoulée par je ne sais quel orgueil cabré devant ce qui pou être un mouvement de pitié de la
part de ce garçon, ma faim n'existe plus. Mais lui-même il rompt le pain et me tend un
morceau, un gros morceau, bien gonflé de jaunes d'œufs.
- Allons, fais pas de façons, tiens.
Je mets mes deux mains derrière moi, et, avec un calme sourire, je m'accroche à mon refus.
Alors, pour en finir, Bussi hausse les épaules, pirouette, donne un gros coup de dents à son
pain et nous parlons d'autre chose. Nous arpentons la cour. Cela me détend de la lutte que je
viens de soutenir.
Tout en parlant, Christian Bussi mange.
Au bout d'un moment, coupant court notre conversation, il me dit:
- Tu n'as pas voulu partager mon goûter, et voilà que j'en ai trop. Ma maman me donne
toujours trop à manger.
Il me montre, en effet, d'un air rassasié, un gros tronçon de son énorme sandwich et, d'un
geste de dégoût, le lâche, le rattrape prestement, avant qu'il ait touché terre, d'un coup de pied
qui le projette vers un coin de la cour.
Et je trouve assez d'empire sur moi-même pour paraître indifférent à son geste et sourire
niaisement comme pour applaudir à l'habileté avec laquelle il a « shooté » le pain.
Mais ce n'est plus contre la faim que je lutte en ce moment; c'est contre une soudaine et féroce
impulsion de flanquer aussi, de toutes mes forces, un coup de pied à Bussi. Car ce qu'il vient
de faire résonne en moi comme si c'était moi qui l'avais reçu, en plein dans le derrière; ou
plutôt, comme si c'était un petit garçon, exactement semblable à moi, dont Bussi eût botté le
derrière, en ma présence.
Là-dessus, Christian a tiré de sa poche de pantalon son joli porte-monnaie et, en me disant: «
Excuse-moi », il a couru vers l'échoppe de la concierge. Puis il revient en mordant goulûment
dans une tranche de gâteau large de deux doigts, et cette se dispensant de la peine inutile de
m'en of renoue notre bavardage, qui se poursuit jusqu'à de la récréation.
Alors, comme tout le monde, nous nous précipitons aux urinoirs puis aux fontaines. Bussi,
pour laver les doigts, laissant dans le bassin le reste de gâteau; moi, pour me remplir d'eau une
de fois.
Remarques par rapport au film
La séquence filmée est réduite à très peu, à peine une minute (77’56’’-78’34’’)
Chrisitan Bussi n’est pas identifié : ce n’est qu’un camarade parmi d’autres qui offre un
morceau de pain. Le refus est simplement signalé par un champ/contre champ et la posture de
José.
Une différence importante : à la fin de la séquence, José se précipite sur le pain qui a été jeté.
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Annexes
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La communauté
1- Que nous apprennent ces photogrammes sur les relations dans la société martiniquaise ?
1-
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3-
4-
5-
6-
2- Pourquoi, selon vous, Euzhan Palcy multiplie-t-elle ce type de plans dans le film ?
3- Que nous apprennent ces photogrammes sur la situation sociale de Léopold et Flora ?
Comment cette situation est-elle traduite visuellement ? Pourquoi les deux personnages se
retrouvent-ils dans une telle situation ?
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Magie et religion
A- Indiquez sous chacune des images si la réalisatrice évoque :
¾ Une pratique religieuse ou magique
¾ Un geste
¾ Un objet de culte
¾ Un récit
B- Surlignez ceux qui appartiennent à la tradition chrétienne.
C- À quelle tradition José se réfère-t-il ?
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