de l`or dans le canoë français

Transcription

de l`or dans le canoë français
• 1,50 EURO. PREMIÈRE ÉDITION NO9711
MERCREDI 1ER AOÛT 2012
WWW.LIBERATION.FR
DE L’OR DANS LE CANOË FRANÇAIS
SUZANNE PLUNKETT . REUTERS
PAGES 18­19
A compter d’aujourd’hui,
dans 38 agglomérations,
les hausses des prix à la relocation
sont limitées. PAGES 2­5
VINCENT NGUYEN. RIVAPRESS
Bail bail
aux loyers
fous
CAHIER
En chantier:
la parité pas à pas
Série: le jour où
j’ai claqué la porte
FEUILLETON, BD, CHRONIQUES, QUIZ...
8 PAGES CENTRALES
Gennevilliers
accepte le jeûne
des moniteurs
Syrie: à Alep,
la vie au rythme
des combats
Après avoir suspendu quatre
employés qui observaient le
ramadan, la mairie renonce à
leur imposer de déjeuner.
Les violences continuent
dans la ville qui accueille de
nombreux réfugiés et a tourné
le dos à Bachar al-Assad.
PAGE 13
PAGES 6­7
IMPRIMÉ EN FRANCE / PRINTED IN FRANCE Allemagne 2,20 €, Andorre 1,50 €, Autriche 2,80 €, Belgique 1,60 €, Canada 4,50 $, Danemark 26 Kr, DOM 2,30 €, Espagne 2,20 €, Etats­Unis 5 $, Finlande 2,60 €, Grande­Bretagne 1,70 £, Grèce 2,60 €,
Irlande 2,35 €, Israël 19 ILS, Italie 2,20 €, Luxembourg 1,60 €, Maroc 16 Dh, Norvège 26 Kr, Pays­Bas 2,20 €, Portugal (cont.) 2,30 €, Slovénie 2,60 €, Suède 23 Kr, Suisse 3 FS, TOM 410 CFP, Tunisie 2,20 DT, Zone CFA 1 900 CFA.
2
•
EVENEMENT
LIBÉRATION MERCREDI 1ER AOÛT 2012
ÉDITORIAL
Par ÉRIC DECOUTY
Loups
Les loyers sont bloqués et
personne n’ose s’en
indigner. Même les
professionnels qui ont
hurlé un temps au loup
socialiste dans la bergerie
libérale ont la décence de
ne plus s’offusquer de la
première grande décision
gouvernementale. Alors
que les loyers parisiens ont
augmenté de 50% en
moyenne au cours des dix
dernières années, la
dénonciation du blocage
aurait eu du mal à
convaincre… Désormais,
les propriétaires ne
pourront donc plus
augmenter les loyers selon
leur bon vouloir à chaque
changement de locataire.
Et ceux-ci seront soumis
au même tarif que les
sortants. Mais cette
mesure populaire et
finalement partagée ne
suffira pas. Les loyers
élevés le resteront et les
difficultés pour les
étudiants, les familles
modestes ou même les
revenus moyens
perdureront après le
décret. Cet encadrement
acté, il appartient au
gouvernement d’agir sur
les causes et pas seulement
sur les effets de la crise
immobilière. La pénurie de
logements, notamment
sociaux, le refus de
nombreuses institutions
d’ouvrir aux particuliers
des immeubles de bureaux
restés vides, en même
temps que la hausse
exorbitante des prix de
vente des appartements,
sont autant de raisons
profondes d’un mal qui
gangrène la vie
quotidienne de millions de
Français. La construction
de logements est un besoin
impérieux et, puisque le
gouvernement a promis
pour l’année prochaine
une vaste loi, c’est sur ce
texte plus que sur
l’affichage du blocage
cosmétique des loyers que
Cécile Duflot est attendue.
Le décret encadrant les loyers a été publié.
Une mesure peu contestée qui ne suffira pas
à stopper les niveaux exorbitants du locatif.
La hausse du m2
en repos forcé
REPÈRES
La France compte 27,8 millions de rési­
dences principales: 16,1 millions de
ménages sont propriétaires (58%) con­
tre 11,7 de locataires. Le parc public
(HLM, sociétés d’économie mixte,
foyers…) représente 5,1 millions de loge­
ments. Le privé, dont une partie sera
soumise au décret d’encadrement à la
relocation, en compte 6,6 millions.
32,3%
Tel est le pourcentage de
hausse des loyers subie par
les locataires percevant des
allocations logement pendant
la période 2000­2010.
Par TONINO SERAFINI
Photo VINCENT NGUYEN. RIVAPRESS
F
inalement, l’encadrement des
loyers qui s’applique à partir
d’aujourd’hui n’aura pas suscité les
polémiques que d’aucuns redoutaient à gauche. Ce texte, qui interdit pour
un an des hausses de tarifs à la relocation
(quand le locataire change) supérieures à
celle de l’indice de référence des loyers
(sauf en cas de travaux ou si le loyer pratiqué est manifestement sous-estimé par
rapport au voisinage), est passé politiquement comme une lettre à la poste.
Les associations de bailleurs, comme les fédérations de professionnels – qui avaient
fait part de leur hostilité durant la campagne électorale– ont protesté pour la forme:
pas de diatribes promettant une catastrophe sur le marché locatif, pas de dénonciation radicale du texte. «Ce décret n’a pas été
une surprise. François Hollande avait claire-
L’Etat consacre 16 milliards d’euros
(près de 1% du PIB) aux allocations
logement destinées aux ménages
modestes. Mais leur efficacité a décliné
en raison de la hausse des loyers dans le
privé. Le taux d’effort (part du revenu
consacré au logement) est passé de
27,5% en 2001 à 34,4% en 2010 pour
2,3 millions de locataires du privé.
•
LIBÉRATION MERCREDI 1ER AOÛT 2012
Maquette d’un
projet immobilier
privé, à Amiens.
L’ESSENTIEL
LE CONTEXTE
Un décret, publié aujourd’hui,
interdit la hausse des loyers à la
relocation dans 38 agglomérations.
L’ENJEU
Pour 2013, le gouvernement prépare
une loi globale sur le logement.
ment fait état de ses intentions, souligne René
Pallincourt, président de la Fédération nationale de l’immobilier (Fnaim). La mesure
prise par Cécile Duflot n’a fait que confirmer
ce qui avait été annoncé.»
«PLAFOND». Le décret va s’appliquer dans
38 agglomérations (27 de métropole et 11
d’outre-mer), dont les plus importantes
50%
C’est la hausse des loyers à la reloca­
tion à Paris entre 2001 et 2011, selon
l’Observatoire des loyers de l’aggloméra­
tion (+ 43% en petite couronne).
«À LA RAISON». En revanche, l’Ile-deFrance demeure la terre de tous les abus.
Les bailleurs y sont très décomplexés. Cette
semaine dans De particulier à particulier,
346 deux-pièces sont proposés à la location
à Paris: 226 à plus de 1100 euros, dont une
quinzaine de 2000 à 3000 euros. «Ce n’est
pas avec ce décret que l’on va enrayer les
hausses. Ce texte ne remet pas en cause les
pratiques outrancières qui ont eu lieu jusqu’ici.
J’ai envie de dire: un peu d’audace, Mme Duflot!» affirme Jean-Yves Mano, adjoint (PS)
au maire de Paris pour le logement. «Le
gouvernement a donné un signal, admet-il,
mais il faudra passer à un stade ultérieur pour
ramener les tarifs à la raison. Sur les appartements familiaux, les professionnels sérieux
pratiquent à Paris des loyers dans une fourchette de 16 à 22 euros du m2. Ce sont des niveaux dont il convient de s’inspirer.»
Au ministère du Logement, on considère
que ce décret n’est qu’une première étape,
en attendant une loi plus globale sur l’habitat. Elle s’attaquerait aux tarifs excessifs en
mettant en place des observatoires de
loyers ville par ville, avec des prix plafonds
à ne pas dépasser. Ce texte serait présenté
en 2013. A cette occasion, le gouvernement
va aussi s’interroger sur l’efficacité des allocations logement, qui atteignent 16 milliards d’euros (presque 1% du PIB), dont
9 milliards au parc privé et 6 aux HLM. Un
rapport de l’Igas publié la semaine dernière
montre que, dans le parc privé, l’aide publique ne parvient plus à suivre le rythme
effréné des loyers. Les ménages les plus
modestes, bénéficiaires de ces allocations,
ont subi une hausse du m2 de 32,3% entre 2001 et 2010 alors que leurs revenus
n’ont progressé que de 8,1%.
Autrement dit, l’aide d’Etat soulage moins
les locataires pauvres et permet aux
bailleurs d’augmenter leurs loyers, aucune
condition et limite tarifaire ne leur étant
jusqu’ici imposée. •
«Le taux communal de
logements sociaux sera porté
à 25%, les amendes seront
quintuplées.»
Jean­Marc Ayrault hier. Le Premier
ministre veut relever le seuil de logements
sociaux de 20% à 25%.
Pierre-Yves Geoffard, économiste:
«L’encadrement sera
négatif à long terme»
P
ierre-Yves Geoffard est professeur à l’Ecole d’économie
de Paris et directeur d’Etudes
à l’EHESS. Il a récemment signé une
chronique qui brocarde l’encadrement des loyers dans Libération (pages Rebonds du 10 juillet).
Pourquoi êtes-vous contre l’encadrement des loyers alors qu’ils sont chers?
En général, des prix élevés révèlent un déséquilibre entre l’offre et la demande. Se loger
coûte cher là où le nombre de logements proposés sur le marché locatif est insuffisant
comparé aux besoins. Pour lutter durablement contre les loyers élevés, il faut augmenter l’offre ou réduire la demande. Un encadrement des prix peut avoir des effets positifs
sur le court terme. En période de crise, on
peut même considérer qu’il s’agit d’une mesure légitime, puisque la situation de l’emploi
se détériore et que le revenu des ménages
progresse moins vite. Mais, sur le long terme,
les conséquences négatives sont indéniables.
Un prix élevé est avant tout un thermomètre:
il révèle une pénurie. Sa grande vertu est
d’inciter le secteur privé comme les pouvoirs
publics à agir pour augmenter l’offre. Casser
le thermomètre ne fait pas baisser la fièvre.
A Paris, des deux-pièces sont loués à 1500,
2000 ou même 3000 euros! La loi de l’offre
et de la demande ne sert-elle pas de cachesexe à des abus scandaleux?
C’est vrai que des loyers apparaissent absurdement élevés. Le problème est bien réel
dans les zones centrales des grandes métropoles. Les loyers augmentent parce que les
revenus des ménages augmentent. Mais la
cherté des loyers résulte surtout
d’une demande qui se focalise de
plus en plus dans les secteurs
centraux, car ils concentrent
souvent l’activité économique.
Une baisse durable des loyers ne
pourra être obtenue qu’en construisant des logements en nombre dans ces secteurs.
C’est théorique. Dans les zones centrales, ne
manque-t-on pas de terrains à bâtir?
Là où le foncier est rare, il est possible de déverrouiller les règles d’urbanisme pour construire en hauteur. On peut aussi desserrer la
contrainte en permettant aux gens d’habiter
plus loin à des coûts et des temps de transports acceptables. Pour décongestionner le
cœur des agglomérations, on peut également
imaginer d’implanter davantage les activités
économiques à la périphérie. Ce qui inciterait
les gens à y habiter, puisqu’ils seraient près
de leur lieu de travail. Il existe bien une élasticité de la demande locative. Pour empêcher
qu’elle ne se focalise en un seul lieu, il faut
mailler la politique du logement avec des
transports pertinents.
Un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales montre que les allocations logement sont moins efficaces pour les locataires
en raison de la hausse des loyers. Que pensezvous de cette situation?
Lorsque l’offre est insuffisante, toute subvention de la demande va se traduire par une
hausse des prix. Dans la situation de pénurie
qui est la nôtre dans de nombreuses villes,
toute aide au locataire vient nourrir la rente.
DR
(Paris, Lyon, Bordeaux, Marseille-Aix,
Nice, Toulouse…) mais aussi dans des zones
urbaines nettement plus petites, comme
Beauvais, Caen, ou Amiens (lire page 5).
L’absence de polémique semble due à la
mauvaise conjoncture du marché. Au bout
de plus de quinze ans de hausses à répétition des tarifs à la relocation, le prix du m2
a atteint des niveaux de moins en moins
compatibles avec les revenus des locataires,
spécialement dans les zones où existe une
distorsion entre l’offre et la demande.
«Les professionnels de l’immobilier se rendent
compte qu’ils peinent de plus en plus à trouver
des locataires aux prix actuels, affirme un
expert du logement, ex-membre d’un cabinet ministériel. Ils savent que les loyers ont
atteint un plafond. Ce décret ne représente pas
une contrainte démesurée au vu de la conjoncture. C’est l’une des raisons pour lesquelles les
professionnels ont fait profil bas.» Malgré
tout, le texte est «quand même indispensable
pour envoyer un message aux bailleurs qui ont
pris l’habitude de louer toujours plus cher».
Selon René Pallincourt, dans de nombreuses localités, il faut à présent revoir le loyer
à la baisse pour trouver un locataire. La
crise économique est passée par là.
3
Recueilli par T.S.
x Nombre de communes
de l’agglomération concernées
par l’encadrement
Beauvais
des loyers
11,2 €
Le Havre
Source : ministère
du Logement
12,3 €
Caen
12,7 € 21
4
18
59
67
11
22
412
6
13 Rennes
Lille
13,5 €
Douai - Lens
9,6 € - 11,5 €
Amiens
11,8 €
Creil
11,9 €
15 Forbach
12,9 €
Meaux
Strasbourg
11,8 €
12,3 € 23
12 €
Prix moyen des loyers au m2
de la commune centrale
Martinique
4 Fort-de-France
11 Le Robert
Guadeloupe
6 Basse-Terre
11 Pointe-à-Pitre/
Les Abymes
Guyane
3 Cayenne
Mayoe
1 Mamoudzou
Réunion
1 Saint-André
1 Saint-Louis
2 Saint-Denis
3 Saint-Paul
3 Saint-Pierre
Moins de 10 euros
De 10 à 11,9 euros
De 12,2 à 14,3 euros
14,5 euros et plus
Non communiqué
Paris
23,1 €
24 Nantes
11,6 €
Source : www.clameur.fr
La Rochelle
10 14,5 €
34
Lyon
12,3 €
64
130
53
Bordeaux
12,3 €
Toulouse
11,5 €
19
Annemasse
12,5 €
Annecy
12,9 €
Grenoble
11,8 €
Arles Marseille/Aix
12,2 € 12,3 €
(Marseille)
73
22
Montpellier
13,7 €
2
49
3
Nice
14,3 €
51
9 Menton
25
Fréjus
Toulon 11,6 €
10,6 €
Pour déterminer les zones dans lesquelles va s’appliquer l’encadrement des loyers, les
experts du ministère du Logement ont retenu deux critères. Le décret concerne les
agglomérations dans lesquelles les loyers ont augmenté deux fois plus vite que l’indice
de référence (soit 3,2% par an sur la période 2001­2010) et où les tarifs sont déjà supé­
rieurs à la moyenne nationale majorée de 5%, soit 11,10 euros/m2.
4
•
LIBÉRATION MERCREDI 1ER AOÛT 2012
EVENEMENT
A Ambilly et Gaillard, en janvier. Un logement à Gaillard, commune française la plus proche de la frontière avec Genève, peut se louer jusqu’à 32 euros du m2. PHOTO PIERRE ABENSUR
Poussés par le pouvoir d’achat helvète, les prix dans les villes frontalières approchent des niveaux parisiens.
Loyers suisses pour paie française à Annemasse
A
quel prix le studio de 18 m²
«à côté de la piscine, au
calme, proche centre» ?
470 euros charges comprises. Bienvenue à Annemasse (Haute-Savoie), commune sans charme
particulier, parfois moche. Son
principal attrait ? Etre située «à
deux pas de Genève», comme le
vante l’office
REPORTAGE du tourisme.
En France,
mais à la frontière suisse. Chaque
jour, la moitié de la population de
l’agglomération va travailler chez
les Helvètes. Sur ce total, quelques
milliers de Suisses résident en
France. Les premiers recherchent
des salaires plus élevés. Les seconds
des loyers plus bas.
«Insoutenable». Conséquence du
pouvoir d’achat élevé de ces deux
catégories de population : une
flambée des prix de l’immobilier.
Mais, souligne François Bigeon,
président de l’Union départementale Haute-Savoie de la Confédération syndicale des familles (CSF),
«tout le monde n’a pas des salaires
suisses. Pour ceux qui travaillent en
France, au Smic, c’est insoutenable.
Ici, le prix du mètre carré locatif est
quasiment au niveau de la région pa- locations, et je l’aide», dit sa mère.
risienne». Soit: entre 13 et 18 euros, Qui ajoute : «Pour les Suisses, c’est
selon Christian Dupessey, le maire pas cher. Pour nous, ça l’est horriblePS d’Annemasse. Et jusqu’à ment. Mais il n’y a pas que les loyers,
32 euros à Gaillard, commune ici tout est cher.»
française la plus proche de la fron- Simon (1) est serveur dans une
tière avec Genève.
brasserie du centre-ville. «J’ai de la
Sans surprise, Annemasse et ses chance, je paie 600 euros pour un pevoisines sont visées par le décret tit F3. Ma maman paie le même prix
sur l’encadrement des loyers. pour un studio de 35m2.» Un collèComme l’agglomération d’Annecy, gue intervient : «C’est normal, on
à une quarantaine de kilomètres au est très près de la frontière. Si on veut
sud de Genève, où le prix du m2 lo- payer moins cher, faut s’éloigner. A
catif est tout aussi exorbitant: de 15 Thonon [à une trentaine de kilomèà 20 euros, selon Jean-Claude Ri- tres au nord-est de Genève, au bord
gaud, maire Nouveau Centre. «De- du lac Léman, ndlr], c’est déjà
puis le temps que je me demandais 100 euros de moins.» «Vers Bonnequand quelqu’un fera quelque chose ville [à une trentaine de kilomètres
pour nous», soupire Monique (1) qui au sud de Genève, dans les terres,
habite chez sa fille dans un immeu- ndlr], c’est moins cher de 20%»,
ble au cœur d’Annemasse. Cette confirme la patronne d’une grosse
dernière, fonctionnaire, mère de agence immobilière d’Annemasse.
famille divorcée,
Cette professionLac
25 km
gagne 1 500 euros
nelle «penche pour
Léman
par mois. Son loyer
un blocage des
SUISSE
Genève
est de 870 euros
loyers». «Genève,
Annemasse
AIN
charges non comne construisant pas
HAUTEprises, pour un apassez, est saturée.
Annecy SAVOIE
partement
de
Du coup, ça n’ar100 m² au 3e étage
rête pas d’augmenITALIE
sans ascenseur.
ter, il n’y a plus de
SAVOIE
«Elle touche des allimites.»
Selon cette agent immobilière,
cette manne attire «des investisseurs extérieurs à la région qui peuvent espérer entre 10 et 11% de rentabilité». Elle dit comprendre le calcul
des propriétaires. «Un électricien qui
bosse à Genève gagne 7 000 francs
suisses [5828 euros, ndlr]. Pourquoi
Comme son homologue annécien,
Christian Dupessey consent un
«effort important en matière de logements aidés». «Nous en avons plus
de 25%», affirme-t-il. Jean-Claude
Rigaud revendique un taux supérieur à 20% à Annecy.
Les deux élus souhaiteraient que
l’Etat facilite l’accession
sociale à la propriété mais
«Pour les Suisses, c’est pas
divergent, en revanche,
cher. Pour nous, ça l’est
sur les effets de l’encahorriblement. Mais il n’y a pas
drement des loyers. Le
que les loyers, ici tout est cher.» maire d’Annecy s’inquiète d’une «mesure qui
Une habitante d’Annemasse
aurait pour effet de faire rerefuseraient-ils de lui louer un bon tirer des logements du marché dans
prix ?» Mais, «à côté, un Français une ville qui en manque». Comprenlambda n’a aucune chance de voir son dre que les propriétaires pourraient
dossier passer».
décider de ne plus louer. «C’est un
Effort. Comme elle, Christian Du- fantasme», rétorque son homologue
pessey est favorable à une maîtrise annemassien. Selon lui, «les invesdes loyers. «Les prix des logements tisseurs ne construisent pas pour
dans le privé atteignent des niveaux rien. Ils ont intérêt à louer». Et, s’ils
insupportables, y compris pour les s’intéressent à la Haute-Savoie,
classes moyennes, explique le maire. c’est parce que cette région est
Je connais des couples d’Annemas- dynamique économiquement. Et
siens qui travaillent tous les deux, ont épargnée, pour l’instant, par les efdes revenus corrects et n’arrivent pas fets de la crise.
à se loger, sauf à y consacrer 40 à
Envoyée spéciale en Haute-Savoie
50% de leur revenu. Ça n’est pas
CATHERINE COROLLER
possible de continuer comme ça.» (1) Les prénoms ont été changés.
LIBÉRATION MERCREDI 1ER AOÛT 2012
EVENEMENT
•
5
Dans la petite agglomération picarde, où
les salaires flirtent souvent avec le Smic,
le décret d’encadrement est bien accueilli.
A Amiens,
«des taudis
loués 500 euros»
L
AISNE
Manche
En juillet à Boves, à 9 km d’Amiens, secteur concerné par la loi d’encadrement. PHOTOS VINCENT NGUYEN.RIVA PRESS
a région parisienne évidem- des dizaines de chambres de 9 à
ment, la Côte d’Azur bien 12m² sont proposées à des tarifs de
entendu, mais personne ne 200 à 350 euros par mois. Soit de
s’attendait à ce que le décret d’en- 22 à près de 30 euros par m².
cadrement des loyers concerne Localement, le blocage n’a pas
aussi des agglomérations de la surpris tout le monde. «C’est une
taille d’Amiens, dans la Somme : excellente mesure», commente Da134 000 habitants pour la ville niel Parisot, maire (sans étiquette)
centre et près de 30000
de Boves, commune
dans dix communes
REPORTAGE de 3 000 habitants sialentours, où les tarifs
tuée à 9km d’Amiens.
des locations sont réglementés à «Ici, des taudis sont loués de 400
partir d’aujourd’hui.
à 500 euros», souligne cet ex-offiParmi elles : Camon, petite ville cier à la retraite. Pour corriger la
verdoyante et pavillonnaire de situation dans le secteur, il juge
4665 habitants, située à cinq kilo- nécessaire d’abonder les crédits de
mètres du centre d’Amiens. Jean- l’Agence nationale d’amélioration
Claude Renaux, maire communiste de l’habitat (Anah), afin d’aider
de la localité, n’est pas surpris de les petits propriétaires à réhabilivoir son secteur concerné par le ter leurs biens.
décret. Et il y est favorable : «On «Marre». Pour faire baisser la fièest dans une zone de loyers chers. vre des loyers, Amiens Métropole,
Le marché du logement est surévalué la communauté d’agglomération,
au regard des ressources des gens», construit 300 logements sociaux
souligne-t-il. On a même l’im- par an pour recevoir dignement et
pression d’entendre un élu pari- à des prix abordables les habitants.
sien lorsqu’il raconte que «beau- «Chaque commune a des objectifs de
coup de personnes viennent [le] construction précis, pointe Parisot.
voir parce qu’elles
Si nous les tenons,
ont des problèmes
dans dix ans, on
PAS-DEpour se loger avec
devrait parvenir à
CALAIS
leurs revenus».
une situation satisLa Picardie est
faisante.»
SOMME
une terre de salaiEn attendant, le
res souvent équimarché dicte sa loi
SEINEvalents ou à peine
et ses prix. Dans la
Amiens
MAR.
supérieurs au
ville voisine de
25 km
OISE
Smic. Les budgets
Longueau, égaledes familles sont
ment concernée
parfois constitués du revenu d’un par le décret, on croise Yohann,
emploi à temps plein et d’un autre 32 ans, employé dans la restauraà temps partiel. «Dans les commis- tion. Il habite la résidence les Lonsions d’attribution de HLM, on voit gues Rivières, construite grâce aux
passer des familles qui demandent dispositifs fiscaux Robien ou Scelun logement social, car elles ont des lier. Pour un F3, il paye 582 euros.
revenus de l’ordre de 1 500 euros et «Mais le chauffage électrique et
payent des loyers de 600 à l’eau sont en sus. Pour me loger, je
800 euros pour un F3 ou un F4», dépense environ 700 euros par mois
rapporte le maire de Camon.
pour un salaire de 1 200 euros.»
Piaules. Une cherté qui se con- Il a pu obtenir ce logement grâce
firme dans les annonces immobi- au Pass-GRL (un mécanisme de
lières. Dans sa commune, l’unique cautionnement public). «Les locastudio (26 m², avec parking) pro- taires en ont marre de payer de tels
posé à la location sur Seloger.com loyers. Ici, ça déménage plus que ça
est à 505 euros, près de 50% d’un n’emménage», dit-il. Dans la
Smic. «On a du mal à trouver une même résidence, Marie-Olga Lelocation dans le secteur. On trouve grand, mère de deux enfants, loue
à acheter mais très peu à louer. Du pour 690 euros un F3. Avec l’éleccoup, tout ce qui est loué est très tricité et l’eau, elle dépense plus de
cher», confirme Sylvain, patron 800 euros par mois. Cette emdu bar PMU face à la mairie.
ployée en hôtellerie reçoit une alA Amiens, ville universitaire, la si- location logement de 181 euros.
tuation est pire. Les marchands de «Pour se loger, dit-elle, tout le
sommeil sévissent: ils achètent de monde se sacrifie: les gens se privent
grandes maisons qu’ils redécou- de vacances, de sorties et de plein de
pent en petits logements loués très choses quand ils font leurs courses.»
chers aux étudiants ou aux jeunes
Envoyé spécial à Amiens
salariés. Toujours sur Seloger.com,
TONINO SERAFINI
Dans un lotissement de logements sociaux à Boves, qui, eux, sont déjà réglementés.
Pour parer la hausse des loyers, l’agglomération d’Amiens Métropole construit 300 logements sociaux par an.
6
•
MONDE
LIBÉRATION MERCREDI 1ER AOÛT 2012
AAlep,«leprixdusang
aquadruplé»
Par téléphone ou Internet, les habitants de la grande ville du nord
de la Syrie témoignent de leur quotidien alors que la bataille fait rage.
Par HALA KODMANI
gerie où ils ont tout emporté en menaçant
les ouvriers», raconte N. Tous les servies discussions et les paris sur la ces publics et municipaux se sont arrêprovenance et la nature des dif- tés. Les volontaires des organisations
férents tirs sont devenus l’une humanitaires ont tout pris en charge :
des principales distractions des transports, circulation, approvisionneAleppins ces derniers jours. «Verticaux ments, ramassage des ordures… «Alep
ou horizontaux? Lancés par les hélicoptè- est désormais une ville autogérée», explires, les mortiers ou les mitrailleuses
que-t-il.
lourdes ? Sur le quartier de
RÉCIT Tout souriants à côté des grands
Sakhour, au Nord, ou de Salahedsacs-poubelle noirs sur les phodine, au Sud ? A 500 mètres ou à 5 kilo- tos publiées sur leurs pages Facebook,
mètres de chez nous ? Mes deux fils ado- des garçons et des filles en baskets,
lescents sont devenus experts à force jeans et tee-shirts du quartier chic de
d’entendre les bombardements», dit une Souleimanyeh, balais et pelles à la main
habitante d’un quartier résidentiel pro- et visages couverts de masques hygiéniche de la citadelle d’Alep. «Mardi soir, ques, ramassent les ordures dans les
ils ont été surpris d’identifier un tir de rues où les éboueurs ne se montrent
mortier contre le siège des renseignements plus. Ces étudiants chrétiens d’Alep
militaires. Ils en ont conclu que la brigade n’ont pas voulu suivre leurs parents en
Al-Tawhid de l’Armée syrienne libre (ASL) «vacances» dans la montagne libanaise.
avait reçu une nouvelle livraison d’armes «Nous devons veiller sur notre ville et sa
plus puissantes que les RPG antichars population aujourd’hui dans l’épreuve»,
avec lesquels ils fanfaronnaient jus- commente Lina, 20 ans. Nombre de
que-là», dit la mère de famille avisée, chrétiens restés à Alep sont mobilisés
jointe par Skype.
ces jours-ci, pour venir en aide aux réfugiés des quartiers populaires livrés
RACKET. A 1h30 du matin mardi, «c’est aux combats. Ils préparent les repas et
relativement calme en comparaison avec vont les porter à l’heure de l’iftar dans
les jours précédents», raconte le Dr N., les écoles ou les jardins publics, où sont
qui se trouve dans l’un des quartiers entassées des familles entières. Les éconord de la ville «entouré de zones militai- les religieuses, dont celle des Frères mares». Comme lui, «les combattants mar- ristes, préparent les salles de classe et
quent une pause entre l’iftar et le sou- les préaux pour accueillir de nouveaux
hour» (les repas de rupture du ramadan réfugiés. «Cet engagement au nom de la
et celui qui précède le jeûne), lui per- charité permet aux chrétiens de se rattramettant aussi de se connecter sur per, après s’être longtemps retranchés
Skype. Depuis une quinzaine de jours,
le jeune médecin ne peut plus se rendre
à l’hôpital universitaire où il travaille
REPÈRES
habituellement, en raison des tirs mais
Quartiers où sont implantés
aussi des différents barrages armés qui
les rebelles
Alep
divisent les quartiers de la ville et du
Damas
Haidari
H
aidariy
ariya
iya
y
manque d’essence. Il s’occupe donc
ALEP
Hananu
Han
Ha
an nu
surtout de gérer l’aide médicale et huSaakhour
a hour
akh
urr
Gare
manitaire aux civils, victimes des bomVieille
Vieil
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e
Jamiliya
Jamiliy
Ja
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m liiya
mil
mi
bardements: «Les hôpitaux sont déborVillee
Nouv llllee
Nouvell
dés de blessés venus des quartiers
A ep
Ale
Alep
Citadelle
embrasés. Mais le plus gros problème est
Grande
le sang. La banque du sang dépend du mimosquée
Aéroport
nistère de la Défense et non de la Santé, et
international
SSalahedinne
llah di ne Sikkkaarri
Bastionn
les soldats surveillent les entrées des hôpi1 km
ddes rebelles
es
taux. En moins d’une semaine, le prix de
la poche de sang a quadruplé.»
Dans les quartiers d’Alep qu’elles contrôlent encore, les forces gouvernemen«La Syrie bascule dans
tales, essentiellement des chabiha (les
une tragédie humanitaire
milices), se sont pour la plupart recyqui rappelle les drames de
clées dans un racket généralisé, profil’ex-Yougoslavie.»
tant des pénuries de pain, de gaz de cuisine et d’essence. «Ils mettent la main
Kristalina Georgieva commissaire
sur ces produits essentiels pour les reveneuropéenne chargée de l’aide
dre cinq à dix fois leur prix. J’ai vu un
groupe ce matin s’attaquer à une boulanhumanitaire, hier
L
derrière la peur du régime ou de sa chute,
considère le chercheur Salam Kawakibi,
originaire d’Alep. En outre, la population
sinistrée a tendance à faire davantage
confiance aux organisations chrétiennes,
notamment pour les soins médicaux,
parce que le Croissant-Rouge syrien est
considéré comme infiltré par le régime.»
la cité U et envoyée par Skype, une
fillette accroupie derrière un mur de
rambarde tente de se faire plus petite
qu’elle n’est. Ce n’est pas pour se protéger des rafales de mitraillettes que l’on
entend clairement au loin. «Elle joue à
cache-cache avec les autres enfants réfugiés, précise Momo, nous essayons aussi
d’aider psychologiquement ces enfants
CACHE­CACHE. Ingénieur de 38 ans, traumatisés par des nuits de bombarde«Momo», selon son pseudo sur Skype, ments et leurs mères angoissées pour leurs
s’est engagé avec un groupe de jeunes frères ou leurs maris qui livrent les comchrétiens autour d’un père jésuite du bats.» La générosité et la solidarité de
couvent de Deir Wartan pour venir en tous les habitants d’Alep ne se tarissent
aide aux familles déplacées. «Nous pas, selon l’ingénieur bénévole. «Des
avons commencé il y a cinq mois à nous restaurateurs se sont engagés à fournir des
mobiliser pour les réfugiés de Homs, pour centaines de repas par jour tout au long du
leur trouver des logements, parfois des ramadan, tandis que les gens vendent leurs
emplois et collecter des fonds pour subve- bijoux pour contribuer à l’aide aux réfugiés», affirme-t-il.
«Nous nous sommes mobilisés pour La population de la capitale
économique du pays, qui
les réfugiés de Homs. Je n’aurais
comptait pour 40% du PIB
jamais cru que je ferais la même
syrien, ne manque pas de
chose pour des familles d’Alep!»
ressources. Le retournement
Momo ingénieur engagé avec de jeunes chrétiens d’Alep et de sa population
représente une perte subsnir à leurs besoins. Je n’aurais jamais cru tantielle pour le gouvernement, aussi
que j’en viendrais à faire un jour la même bien sur le plan économique que sur cechose pour des familles d’Alep!» dit celui lui de la sécurité. «Elle ne coûtait rien au
qui s’occupe surtout aujourd’hui des ré- régime puisque sa docilité ne nécessitait
fugiés à la cité universitaire. Situé à pas la mobilisation de forces armées pour
quelques kilomètres au nord de Sala- la contrôler», observe Salam Kawakibi.
heddine, épicentre des combats, le Les chabiha sunnites de la ville, financampus accueille 7 000 personnes ve- cés par les hommes d’affaires proches
nues des quartiers sous le feu. Dans la du régime, suffisaient à tenir en respect
vidéo tournée hier matin dans le parc de toute velléité protestataire jusqu’en mai,
quand l’étincelle est partie de la cité
universitaire où quatre étudiants ont été
tués. Depuis, la ville a basculé. La contestation a gagné les quartiers populaires périphériques tenus aujourd’hui par
l’ASL, tandis que les habitants plus riches ont fui à l’étranger ou attendent
dans l’angoisse l’issue des batailles.
C’est le nombre de personnes
Sans être dupes, tous suivent aussi la
déplacées par les combats à l’inté­
guerre psychologique et médiatique que
rieur de la ville d’Alep, «dans des
se livrent les forces de Bachar al-Assad
écoles, des mosquées et des édifi­
et les hommes de l’ASL. Dimanche déjà,
ces publics», selon le Haut­Com­
la télévision officielle affirmait que «le
missariat de l’ONU aux réfugiés
quartier de Salaheddine est désormais
(HCR), qui évoque une fourchette
sous le contrôle de l’armée arabe syrienne
allant jusqu’à 18200 personnes.
qui poursuit le nettoyage après avoir tué
un grand nombre d’hommes armés et arrêté beaucoup d’autres». «Mensonge! Ils
A Alep, les rebelles ont pris pour
n’ont pas avancé d’un mètre», a répliqué
cible des lieux symboliques du
un porte-parole des insurgés. «On est
pouvoir: le tribunal militaire, un
focalisé sur l’issue de la bataille dans ce
QG du parti Baas et deux com­
quartier, mais quand il tombera, ce qui me
missariats. Au moins 40 policiers
semble inévitable, toute la ville sera transont été tués. L’opposant Haytham
formée en Salaheddines», craint Dr N.,
al­Maleh a annoncé hier avoir été
persuadé que la bataille d’Alep va durer
chargé de former un gouverne­
encore de longues et douloureuses sement en exil basé au Caire.
maines. •
15000
LIBÉRATION MERCREDI 1ER AOÛT 2012
MONDE
•
7
Face aux massacres, la France, qui vient
de prendre la tête du Conseil de sécurité,
va demander une réunion d’urgence.
Paris espère
sortir l’ONU
du piège syrien
ès aujourd’hui, la France
prend la présidence du
Conseil de sécurité de
l’ONU, mais les possibilités de
sortir de la paralysie sur le dossier syrien restent minces,
quinze jours après les veto russe
et chinois –les troisièmes depuis
le début de la crise il y a seize
mois– qui bloquent toute résolution contraignante vis-à-vis de
Damas. Mais, face à l’intensification des combats sur le terrain
et au risque de massacres de
grande ampleur à Alep, le temps
presse. «Il faut tout tenter», a
rappelé lundi le ministre français
des Affaires étrangères, Laurent
Fabius, sur RTL, annonçant que
Paris allait demander une réunion d’urgence au niveau ministériel de cette instance sur la
Syrie.
Isolement croissant. L’avantveille, le président François Hollande s’était adressé à Moscou et
Pékin, depuis le Gers où il visitait
un élevage de production de foie
gras, «pour qu’ils prennent en
considération que ce sera le chaos
et la guerre civile si Bachar al-Assad n’est pas à un moment empêché». «Le régime sait qu’il est
condamné et donc il va utiliser la
force jusqu’au bout», a insisté le
président français.
Nicolas Sarkozy, dans des propos
rapportés dimanche par le Parisien, aurait critiqué la passivité
du gouvernement socialiste sur
le sujet : «On m’a critiqué sur la
Libye, mais moi, au moins, j’ai
agi.» Des propos démentis par
les proches de l’ancien président, aussitôt taclé par Laurent
Fabius, qui a déclaré avoir «pour
seul souvenir de l’action de Nicolas
Sarkozy sur la Syrie» l’invitation
de Bachar al-Assad à la parade
du 14 juillet 2008. Mais, au-delà
de ces polémiques politiques, la
marge de manœuvre de la
France, comme des Occidentaux
et des pays de la Ligue arabe,
reste limitée, même si la réunion
au sommet à Paris début juillet
de quelque 109 pays «amis de la
Syrie» a une nouvelle fois montré l’isolement croissant du régime syrien et de ses alliés.
La situation est aujourd’hui diplomatiquement au point mort.
Le Conseil de sécurité a voté le
prolongement pour une «ultime
période de trente jours» de la mission des 300 observateurs désarmés de l’ONU qui avaient été
D
Un combattant
rebelle se repose
dans l’entrée
d’un immeuble
du quartier
de Salaheddine,
dimanche. PHOTO
PIERRE TORRES. AFP
déployés en avril dans le cadre
du plan de paix de l’émissaire
spécial des Nations unies, Kofi
Annan. Mais il s’agit surtout de
préparer leur retrait en bon ordre, à moins d’un changement
de la donne sur le terrain. «A
quoi bon envoyer des employés de
l’ONU sans armes en Syrie pour
observer les violences dues au régime Assad, quand il n’existe pas
de dispositif pour que le régime subisse les conséquences d’avoir
manqué à ses obligations?» avait
martelé Susan Rice, ambassadrice américaine à l’ONU, soulignant que «le Conseil de sécurité
a totalement échoué dans sa tâche
la plus importante de cette année».
Le plan Annan, qui prévoyait un
arrêt des combats, la libération
des prisonniers et la mise sur
pied d’une transition politique,
est de fait mort-né. Mais il n’y a
aucun projet alternatif.
Avoirs gelés. La résolution bloquée le 20 juillet sur un durcissement des sanctions économiques
et diplomatiques contre Damas
était placée sous le chapitre VII,
seul cadre légal autorisant un
éventuel recours à la force, mais
elle excluait toute forme d’intervention militaire. Moscou et Pékin y ont opposé leur veto, la jugeant «déséquilibrée». Tout autre
texte contraignant subira le
même sort. A court terme, donc,
chacun joue sa partie. L’UE avait
renforcé la semaine dernière ses
propres sanctions économiques
contre Damas et élargi la liste
des personnes et sociétés syriennes interdites de visa dont les
avoirs sont gelés. Les capitales
occidentales les plus engagées
augmentent quant à elle leur
soutien à l’opposition, sans pour
autant fournir du matériel militaire à l’Armée syrienne libre. «Il
y a des armes qui leur sont livrées
à la fois par le Qatar, l’Arabie
Saoudite, probablement d’autres,
mais pas par nous», a assuré
Laurent Fabius.
Washington se veut tout aussi
discret sur le sujet, mais insiste
sur sa volonté «d’accélérer la
transition politique», comme l’a
encore rappelé hier Barack
Obama à l’issue d’un entretien
téléphonique avec le Premier
ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, dont le pays est stratégiquement et politiquement un acteur clef de l’après-Assad.
MARC SEMO
8
•
LIBÉRATION MERCREDI 1ER AOÛT 2012
MONDE
saire», explique Elizabeth Wilner,
qui analyse la campagne pour le
groupe publicitaire Kantar. Les attaques contre Romney détournent
l’attention de son bilan économique
et ternissent l’image du républicain, qui comptait, justement,
mettre en avant son expérience
d’homme d’affaires. Mais le camp
républicain n’est pas en reste.
Depuis qu’Obama occupe la Maison
Blanche, ses opposants n’ont cessé
de mettre en doute son patriotisme: ils le dépeignent en «socialiste», «d’inspiration européenne»,
qui n’aurait de cesse d’étouffer le
génie américain sous l’impôt et
l’endettement. D’innombrables
clips de la campagne Romney ou
des Super PAC qui le soutiennent
montrent l’Amérique dévastée par
Obama : visages tirés par le chômage, bouches édentées par le
manque de soins… Un récent spot
de Romney attaque même Obama
pour… sa campagne trop négative:
«Qu’est-il advenu de l’espoir et du
changement [promis par Obama
en 2008, ndlr] ?»
dans le portefeuille –euh, le cœur– de mes illimitées en publicités négatives
Mitt Romney, explique la voix off. Il sans que le nom du candidat soit dia placé des millions dans les banques rectement associé à ces attaques.
suisses.» Une autre publicité intro- Puis le fait que les partis américains
duit Rafalca, la jument de dressage sont de plus en plus polarisés. Et, ende Ann Romney, l’épouse du can- fin, le fait que les deux candidats en
didat : «Mitt danse autour du pot», lice ont leurs défauts. Le bilan d’Obadit le clip, montrant les pirouettes ma n’est pas parfait et Romney prête
de Rafalca pour illustrer les ba- aussi le flanc à la critique.»
fouillages de Romney
au sujet de ses feuilles «C’est la campagne la plus
d’impôts
négative depuis l’avènement
«La campagne actuelle
est clairement la plus de la télévision, en 1952.»
négative depuis l’avè- John G. Geer professeur de sciences politiques
nement de la télévision,
en 1952, observe le professeur de Très différente de celle de 2008, où
sciences politiques John G.Geer, son message était beaucoup plus
auteur d’un ouvrage sur les atta- positif (le fameux «Yes, we can»),
ques négatives dans les campagnes la campagne d’Obama est particuprésidentielles (1). J’y vois trois rai- lièrement agressive : «L’économie
sons : d’abord la création des Super n’étant pas en très bonne forme, le
PAC [les comités d’action politique, président sortant a calculé que, pour
ndlr], qui peuvent dépenser des som- être réélu, il doit démolir son adver-
«DÉMON». Maudites et sans cesse
décriées, ces publicités négatives
ont un argument clé en leur faveur:
elles marchent. Au dernier baromètre NBC-Wall Street Journal, Obama
et Romney voient leur impopularité
augmenter autant que leur popularité… Obama reste nettement plus
populaire que Romney, avec 49%
d’opinions favorables, mais il voit
aussi s’accroître le nombre d’Américains ayant une opinion «très négative» de lui (32% contre 27%
en juin). Mitt Romney fait plus pâle
figure derrière, avec 35% d’opinions favorables, mais une augmentation aussi (de 22 à 24%) des
opinions «très négatives».
Si féroce semble-t-elle, la campagne américaine ne fait pourtant pas
–encore– feu de tout bois. Jusqu’à
présent, les attaques se concentrent
surtout sur les compétences économiques des deux candidats. La couleur de peau de Barack Obama ou la
religion (mormone) de Mitt Romney restent remarquablement taboues. «Les deux camps savent que
toute attaque sur la race ou la religion
des candidats se retournerait certainement contre eux, explique le professeur John G. Geer. Mais cela ne
veut pas dire que la campagne ne va
pas devenir plus méchante encore.»
Le 6 novembre, les Américains
auront le choix entre «un démon que
l’on connaît» (Obama) et «un démon
que l’on ne connaît pas» (Romney),
a résumé Chris Cillizza, un blogueur du Washington Post : «Le
vainqueur ne sera pas tant celui qui
triomphe que celui qui survit.» •
(1) «In Defense of Negativity: Attack
Advertising in Presidential Campaigns».
TROIS MOIS DE CAMPAGNE DÉCISIFS
«Kiss my ass!»
Les prochains grands rendez­
vous de la campagne seront les
conventions des deux partis, du
27 au 30 août à Tampa (Floride)
pour les républicains, et du 3 au
6 septembre à Charlotte (Caro­
line du Nord) pour les démocra­
soit «embrasse mon c…!»,
lancé par Rick Gorka un porte­
parole du républicain Mitt Romney,
mardi, à des journalistes qui
harcelaient le candidat de leurs
questions
Captures d’écran de spots publicitaires anti­Obama (en haut à gauche et en bas à droite) et anti­Romney. PHOTOS POLITICO
MittRomneyetBarackObama,
entrecoupsbasetspotscracra
A cent jours de la présidentielle, les deux camps multiplient les pubs agressives.
Par LORRAINE MILLOT
Correspondante à Washington
fortune à l’étranger pour échapper
au fisc américain. Un clip publicitaire particulièrement féroce le
un planque ses millions montre en train de chanter America
aux îles Caïmans, il a the Beautiful, sur fond d’entreprises
anéanti des milliers d’em- dévastées et de bureaux déserts,
ploi et vibre pour la
figurant les emplois qu’il a
délégation chinoise ou birRÉCIT fait délocaliser en Chine, au
mane aux Jeux olympiques…
Mexique ou en Inde, du
L’autre propage des «mensonges temps où il dirigeait le fonds d’invicieux», détruit l’emploi améri- vestissement Bain Capital. «Romcain en masse, ne comprend rien à ney n’est pas la solution. Il est le prol’esprit d’entreprise et condamne blème», conclut la pub.
les Américains à vivre de l’aide
sociale… A un peu moins de JUMENT. Un autre clip, payé par
cent jours de la prochaine élection Priorities USA Action, un des «coprésidentielle américaine, la cam- mités d’action politique» qui soupagne ressemble plus que jamais tiennent la campagne d’Obama,
à un pugilat d’attaques person- présente Mitt Romney saluant les
nelles.
délégations chinoise, indienne ou
A coups de spots télévisés, la cam- suisse aux Jeux olympiques qu’il
pagne de Barack Obama campe son avait organisés à Salt Lake City
rival républicain, Mitt Romney, en en 2002. «Nous savons que les
millionnaire apatride qui cache sa Suisses occupent une place spéciale
L’
REPÈRES
46%
Barack Obama et Mitt Romney
sont à égalité en pourcentage
d’intentions de vote, selon le
dernier baromètre Gallup.
tes. D’ici là, Mitt Romney devra
aussi annoncer le nom de son
colistier pour la vice­présidence.
En octobre, trois débats télévisés
opposeront Obama et Romney
(les 3, 16 et 22 octobre), avant le
vote prévu le mardi 6 novembre.
LIBÉRATION MERCREDI 1ER AOÛT 2012
«Le tribunal a jugé
impossible
d’examiner l’affaire
en l’absence de
la prévenue.»
Le président du tribunal de
Kharkiv, Kostiantin
Sadovski fixant au 14 août la
prochaine audience du
procès pour fraude fiscale
de l’ex­Première ministre
ukrainienne emprisonnée,
Ioulia Timochenko
7
C’est le nombre de
membres d’une délé­
gation du Croissant­
Rouge iranien enlevés
hier par des hommes
armés à Benghazi, dans
l’est de la Libye. Plus tôt
dans le mois, un groupe
armé avait également
enlevé le président du
comité olympique libyen,
Nabil al­Alam, relâché au
bout d’une semaine.
LES GENS
L’EX­FEMME DE
DUTROUX RESTE
EN PRISON
Le parquet général de
Mons, en Belgique, a intro­
duit un pourvoi en cassa­
tion suspendant la remise
en liberté de Michelle
Martin, l’ex­femme du
pédophile Marc Dutroux
qui a purgé plus de la moi­
tié de sa peine de 30 ans
de réclusion. Dans la jour­
née, un tribunal l’avait auto­
risée à entrer au couvent
des sœurs clarisses de
Malonne, près de Namur, à
condition de se «tenir à dis­
tance» des familles des vic­
times. Michelle Martin,
52 ans, a été reconnue cou­
pable d’avoir séquestré
plusieurs des jeunes victi­
mes de Marc Dutroux et
d’avoir laissé mourir de
faim Julie Lejeune et
Melissa Russo, âgées de
8 ans, emmurées dans un
cachot à l’intérieur de sa
maison de Marcinelle, près
de Charleroi. Dutroux a, lui,
été condamné à perpétuité
pour le viol de six fillettes
et adolescentes et la mort
de quatre d’entre elles.
PHOTO AFP
MONDEXPRESSO
Deuxièmejourde
black-outgéantenInde
AFGHANISTAN L’armée française a officiellement quitté
hier le district de Surobi,
près de Kaboul, une étape
sur la voie du retrait total de
ses troupes d’Afghanistan,
prévu pour la fin 2013.
électricité hier, notamment à New Delhi et Calcutta.
D
l’Intérieur lors d’un miniremaniement ministériel annoncé hier. Le ministre de
l’Intérieur, P. Chidambaram,
a, lui, été nommé aux Finances, où il remplace Pranab
Mukherjee, élu président du
pays le 22 juillet. Le nouveau
ministre des Finances aura
pour tâche de relancer l’économie du pays, qui a enre-
gistré sa plus mauvaise performance trimestrielle en
neuf ans au cours du dernier
trimestre 2011-2012 (+5,3%
en janvier-mars). Victime de
la crise mondiale, le pays a
déjà révisé ses perspectives
de croissance, avec un taux
qui passe de 7,3% à 6,5%
pour 2012-2013.
S.Etr
9
CUBA Les autorités cubaines
ont inculpé d’homicide l’Espagnol Angel Carromero, qui
conduisait le véhicule dans
lequel est mort le dissident
Oswaldo Paya le 22 juillet.
ÉNERGIE Six cents millions d’habitants sont restés sans
eux cents mineurs
pris hier au piège dans
une mine de charbon
au Bengale-Occidental ont
été secourus après des heures
sous terre, où ils étaient retenus par la gigantesque panne
d’électricité qui a frappé
pour la deuxième journée
consécutive l’Inde, et a laissé
dans le noir la moitié de ses
1,2 milliard d’habitants. Les
mineurs avaient reçu la consigne de se déplacer vers un
site souterrain doté d’une
meilleure ventilation avant
d’être extraits du site.
Le ministre fédéral de l’Energie, Sushilkumar Shinde, a
assuré que la panne, d’une
ampleur sans précédent,
survenue aux alentours de
13 heures, était due au fait
que des «Etats avaient dépassé leurs capacités autorisées d’approvisionnement sur
leur réseau», provoquant un
effet domino. «Notre message à la population est: “Vous
êtes entre de bonnes mains,
nous sommes dans le métier
depuis des années”.»
Une zone s’étendant de la
frontière pakistanaise aux
confins du Nord-Est, près de
la Chine, a été affectée, incluant New Delhi, la capitale,
Calcutta et Lucknow. C’est la
moitié du pays (nord, est et
nord-est) qui est sans courant. Parmi les effets les plus
marquants, on a noté l’arrêt
de 400 trains, l’immobilisation pendant plusieurs heures des métros de New Delhi
et le cauchemar d’une circulation chaotique sans feux de
signalisation dans des villes
peuplées de millions d’habitants. Sans parler des climatiseurs ou des ordinateurs
devenus inutiles.
La veille, une première
panne de plusieurs heures, la
pire depuis onze ans, avait
touché le nord du pays. En
Inde, les coupures de courant sont fréquentes, mais ne
durent pas. Celle-ci est exceptionnelle. Elle va certainement relancer le débat
sur les sources d’approvisionnement en énergie. Une
aubaine pour les pronucléaires, qui voudraient, au détriment du charbon, faire passer la part de cette énergie
de 3 à 25%.
Sans qu’il y ait un lien de
cause à effet, le ministre indien de l’Energie s’est vu attribuer le portefeuille de
•
RUSSIE Alexeï Navalny
(photo), un opposant à Vladimir Poutine, a été inculpé
mardi d’abus de confiance et
de détournement, charges
passibles de dix ans de prison. PHOTO REUTERS
BRÉSIL La Cour suprême
brésilienne jugera à partir de
demain 38 personnes compromises dans le scandale de
corruption impliquant le
Parti des travailleurs, qui a
failli coûter, en 2006, sa
réélection à l’ancien président Lula.
En #Syrie, diffuser l’information tue.
Brisez le silence. Flashez.
liberation164x219.indd 1
25/07/12 12:56
10
•
FRANCE
LIBÉRATION MERCREDI 1ER AOÛT 2012
Agauche,
letraitéde
touslesnon
Le «pacte budgétaire» européen doit
être examiné au Parlement à la rentrée.
Au sein de la majorité comme au Front
de gauche, l’opposition se prépare.
Par LILIAN ALEMAGNA
REPÈRES
«Quoi que dise le Conseil
constitutionnel, j’ai dit aux
Français que la règle d’or,
le retour à l’équilibre
budgétaire, ne figurerait pas
dans la Constitution.»
François Hollande le 14 juillet
LE TSCG
Le traité budgétaire européen sur «la
stabilité, la coordination et la gouver­
nance au sein de l’union économique
et monétaire», signé le 2 mars, vise à
renforcer la discipline budgétaire
dans la zone euro, avec l’adoption
dans tous les pays d’une «règle d’or»
sur l’équilibre des comptes publics.
Elle prévoit que les Etats s’engagent
à avoir des «budgets équilibrés» ou
«en excédent» sur un cycle écono­
mique, soit, dans le détail, un déficit
structurel (hors éléments exception­
nels et service de la dette) d’un
niveau maximal de 0,5% du produit
intérieur brut.
«Je souhaite que ce débat
donne de la force en Europe
au président de
la République et qu’il ait
une majorité clairement
rassemblée à ses côtés
autour de ce texte.»
Bruno Le Roux président du groupe
socialiste à l’Assemblée nationale, hier
54,67%
C’est le score obtenu par le non
au référendum du 29 mai 2005
sur la Constitution européenne.
C
omme un air de 2005. Le traité
européen «sur la stabilité, la coordination et la gouvernance» (TSCG)
doit débarquer au Parlement en septembre. A gauche, comme il y a sept ans,
certains refusent ce «pacte budgétaire» qui
impose aux Etats membres de l’UE de garantir l’équilibre de leurs comptes publics, à travers la fameuse «règle d’or», interdisant les
Etats à livrer un déficit supérieur à 0,5%
du PIB. Approuver ou pas? Demander un référendum ou se contenter de la voie parlementaire prévue? En 2005, opposé au «traité
établissant une Constitution pour l’Europe» (TCE), une partie de la gauche avait
fait une campagne victorieuse: 54,7% pour
le non au référendum convoqué le 29 mai par
le président de l’époque, Jacques Chirac.
L’extrême gauche, les communistes, des associations comme Attac, des personnalités Benoît Hamon, chef de file de l’aile gauche du PS, en novembre 2010. PHOTO LEA CRESPI
tels José Bové et une partie du PS emmenée
par Jean-Luc Mélenchon avaient fait tréteaux dent les opposants au TSCG, qui contient la rant avec Benoît Hamon. Et on verra où en est
communs contre le texte. Ils lui reprochaient «règle d’or» sur l’équilibre des comptes pu- l’Europe en septembre…» «Ce serait un aveu
notamment d’«inscrire dans le marbre» cons- blics. Un traité qui menace, à la rentrée, de d’échec qu’au sein du PS ceux qui ont voté non
titutionnel les «politiques libérales» de l’UE fracturer de nouveau la gauche sur les ques- en 2005 ne se fassent pas entendre», tance
et de ne pas aller assez loin dans les garanties tions européennes. Même si la droite votera Alexis Corbière, soutien de Mélenchon au
démocratiques. Ecologistes et soun texte signé sous l’ère Sarkozy, Parti de gauche (PG) et ex-socialiste.
cialistes, après référendum interne,
ENQUÊTE permettant ainsi d’abréger le temps Mais, à entendre les responsables du courant
avaient fait campagne en faveur du
des divisions socialistes et écologis- Hamon, on sent que la pente du «vote contre»
TCE. Mais, dans leurs camps, plusieurs voix tes. Hier, le patron des députés socialistes, est prise. «C’est la pire manière d’organiser
s’étaient élevées pour le non, et nombre de Bruno Le Roux, a souhaité que la majorité l’Europe, explique Cherki. On prive les Etats
militants avaient rejoint les troupes de la présidentielle soit «clairement rassemblée» de leur souveraineté économique et budgétaire,
gauche anti-TCE. Sept ans après, la question autour du chef de l’Etat. Vœu pieu ?
on ne fait pas un seul pas démocratique, et on se
européenne s’invite de nouveau dans les détourne vers la protection de la rente.» La vingLa
position
instable
bats de la gauche.
taine de députés étiquetés aile gauche du PS
de la gauche du PS
Si le Conseil constitutionnel décide, probaa commencé à attaquer en réunion de groupe.
blement le 9 août, qu’il faut une révision de Un «verrou libéral». Un «enfermement à double «Je suis très surpris de la virulence qui confine
la Constitution pour ratifier le traité, François tour des politiques économiques de chaque Etat souvent à la maladresse des mecs d’Hamon»,
Hollande devrait choisir la voie du Congrès membre de la zone euro». Les socialistes de grince un député. «Il est probable que je vote
du Parlement à Versailles. Car pas question l’aile gauche du PS ont un «sérieux problème» contre», assure déjà Jérôme Guedj, nouvel élu
pour le chef de l’Etat d’opter pour un réfé- avec ce traité, euphémise le député de Paris de l’Essonne. «Ce n’est pas de la défiance, asrendum. François Hollande garde un trop Pascal Cherki. Autant la droite serait au pou- sure cet ex-protégé de Mélenchon. Il y a bemauvais souvenir de 2005. La défaite du oui, voir, la gauche du PS n’aurait eu aucune hési- soin de faire de la pédagogie et de pouvoir enfonqu’il portait comme premier secrétaire du tation. Comme en 2005, ces socialistes cer le clou dans les prochaines négociations
PS, lui avait coupé l’élan vers une candida- auraient déjà annoncé un vote contre le texte. européennes.» Sa contribution, déposée la seture présidentielle en 2007. Pas question non Comme fin février, où ils figuraient parmi la maine dernière avec la sénatrice Marie-Noëlle
plus de prendre le risque d’un rejet du texte quinzaine de députés socialistes qui ont voté Lienemann en prévision du congrès PS de
et d’une nouvelle pagaille européenne.
contre le mécanisme européen de stabilité Toulouse en octobre, est plus claire: «Nous ne
Durant la campagne présidentielle, il avait (MES) alors que le PS –encore dans l’opposi- pouvons voter le TSCG en l’état, et nous plaidons
juré qu’il allait «renégocier» un traité déjà ra- tion– appelait à s’abstenir. Et maintenant que pour une véritable renégociation.» Ces sociatifié par plusieurs pays. Le chef de l’Etat est la gauche est au pouvoir ? Sortiront-ils du listes réclament «le contrôle des capitaux»,
rentré du sommet de Bruxelles fin juin avec rang? «On va voir les textes qu’ils nous propo- «l’harmonisation fiscale garantissant une juste
un «pacte de croissance». Trop peu, répon- sent, élude Henri Emmanuelli, leader du cou- redistribution des richesses», la transformation
LIBÉRATION MERCREDI 1ER AOÛT 2012
FRANCE
Jean­Vincent Placé, patron des sénateurs EE­LV, en juin 2010. PHOTO LAURENT TROUDE
des «missions de la banque centrale qui doit
prêter directement aux Etats, racheter les dettes
souveraines, recapitaliser des banques». «J’entends les mots. J’attends les actes», lance Alexis
Corbière, du PG. On n’entend pas les proches
de Fabius et Peillon, tous deux porteurs du
non en 2005. Un fidèle de Montebourg, lui
aussi ancien noniste, adresse un satisfecit à
Hollande : «Il est rentré de Bruxelles avec des
outils de croissance. Je ne pensais pas qu’on
aurait des leviers comme ça au niveau européen.» Bien loin des tirades anti-austérité du
défenseur de «la démondialisation».
Le Front de gauche
réclame la voix du peuple
Ils sont les héritiers du non de gauche
en 2005. Et ils auraient bien rêvé revivre
l’histoire. Au Front de gauche, on revendique
depuis déjà plusieurs mois un référendum sur
un texte qu’on renomme «traité de l’austérité» : «Ce texte a été négocié par Nicolas
Sarkozy et engage la France. Pour avoir plus de
force dans la renégociation, il aurait fallu demander son avis au peuple», avance Eric Coquerel au Parti de gauche. Communistes et
mélenchonistes ne lâchent pas l’affaire, ils
réclament une consultation populaire. L’Humanité a lancé, le 20 juillet, une pétition pour
la tenue d’un référendum sur le TSCG. Le
Front de gauche va faire des questions européennes le «combat» de ses «estivales» fin
•
11
Jean­Luc Mélenchon, animateur du Front de gauche, en mai. PHOTO FREDERIC STUCIN
août à Grenoble et de la Fête de l’Humanité
mi-septembre. Ses responsables estiment que
ce texte vise la mise en œuvre de «politiques
d’hyperaustérité» qui «conduisent à la récession», analyse Olivier Dartigolles, porte-parole du PCF. «Si François Hollande emprunte
ce chemin-là, automatiquement, il ne pourra
pas tenir ses engagements», poursuit-il.
En tête des critiques, la règle d’or. «Il y a une
idéologie du refus de la dépense publique, s’insurge Martine Billard, coprésidente du PG.
Le seul objectif est d’inscrire à perpétuité des
baisses de dépenses publiques. Or il faut partir
des besoins: à quoi servent les dépenses? Quelles sont nos recettes?» «La règle d’or contraint
la France à une politique qu’elle ne pourra pas
choisir, ajoute André Chassaigne, chef des
députés Front de gauche. C’est un coup très
grave porté à la souveraineté populaire.» Pour
Dartigolles, une telle règle «priverait un gouvernement de la possibilité de faire face à l’urgence sociale en faisant de la dépense utile». «Il
n’y a qu’à regarder la Grèce pour comprendre
ce que ça donne», renchérit l’antilibérale Clémentine Autain, soutien de Mélenchon dans
la campagne présidentielle. Le pacte de
croissance ramené de Bruxelles par Hollande
ne suffit pas à compenser ? «C’est un habillage qui n’a pas la puissance de feu du traité
budgétaire», rétorque Dartigolles. Non, c’est
non. Comme en 2005. Députés et sénateurs
Front de gauche voteront contre. Question
d’identité, martèle Autain: «Cette bataille est
structurante entre la gauche sociale-démocrate
et la gauche radicale.»
Les écologistes
en ordre dispersé
Leur vote au Parlement européen début
juillet annonce la couleur. Sur 16 eurodéputés, 7 ont voté en faveur d’une résolution approuvant les conclusions du sommet de
Bruxelles –donc le traité budgétaire et celui
sur la croissance–, 6 se sont abstenus et 3 ont
voté contre. Preuve de la difficulté des prises
de position à venir, José Bové, farouche partisan du non au TCE en 2005, a voté pour le
nouveau texte. En revanche, Eva Joly a voté
contre. «José a énormément évolué. Il est entré
dans une vraie logique de compromis depuis
qu’il est eurodéputé, observe Pascal Durand,
numéro 1 d’EE-LV. Eva, elle, se met dans la
peau du citoyen grec qui souffre. Donc elle ne
peut pas accepter ce traité.»
Les écologistes vont se coltiner la question
européenne dès leurs journées d’été à Poitiers
mi-août. Daniel Cohn-Bendit a prévu d’animer une plénière sur ce thème-là. «Je vais
cogner ! Le débat sera très dur !» prévient le
chef des eurodéputés écologistes. Partisan
d’un vote des parlementaires, Cohn-Bendit
critique la «posture» des présidents de groupes Jean-Vincent Placé et François de Rugy,
prêts à voter contre le TSCG à la rentrée. «Ils
sont incohérents… Ils accordent leur confiance,
et ensuite ils rejettent ce texte ! tacle CohnBendit. Ils ne veulent pas rater l’occasion de
prouver qu’ils sont à gauche.» Réponse du sénateur Placé: «J’approuve la politique d’efforts
qui nous est demandée par le gouvernement.
C’est pour cela que je voterai le budget. Mais si
cela réussit, sommes-nous obligés de continuer ? Je ne veux pas graver dans le marbre
l’austérité voulue par les conservateurs allemands.» Avec ses homologues députés, François de Rugy et Barbara Pompili, Placé a fait
part de sa position au Premier ministre.
«Hollande a obtenu des petits bougés, mais
est-ce que ça change vraiment la donne?» s’interroge Rugy. «A titre personnel», il «penche»
pour un vote contre. «On est proeuropéens,
mais ça ne veut pas dire que tout ce qui est estampillé UE est bien !» se justifie-t-il. «J’ai
peur qu’une partie de leurs prises de position
soit assez politicienne et non pas sur des convictions profondes», critique Martine Billard
(PG), ex-responsable des Verts. «Chaque
avancée européenne est bonne à prendre, mais
les contreparties ne sont pas claires», défend
Pascal Durand, qui veut que son parti «parle
d’Europe» avant de prendre une position. «Il
faut regarder ce qui va être mis au vote», patiente celui qui a succédé à Cécile Duflot à la
tête d’EE-LV. Il est sûr d’une chose : «Avec
Dany à Poitiers, ça va être chaud. Il est en capacité de retourner une salle.» •
12
•
LIBÉRATION MERCREDI 1ER AOÛT 2012
FRANCEXPRESSO
LES GENS
XAVIER BERTRAND
COMME UN POISSON
DANS L’UMP
Pas un jour sans qu’un candidat, déclaré ou putatif, à la
présidence de l’UMP ne se rappelle au bon souvenir des
adhérents, qui devront désigner leur futur chef en novem­
bre. Hier, c’est l’ancien ministre Xavier Bertrand qui s’est
déclaré «déjà en phase» avec les militants du parti «sur le
type d’opposition à incarner». Pour l’ex­secrétaire général
du parti qui annoncera fin août s’il est candidat à la prési­
dence de l’UMP, l’opposition doit être ainsi caractérisée:
libe2012.fr
«combativité sans
concession ni agressivité». «Ceux qui
me soutiennent ont lancé un appel à parrainage», ajoute
le député de l’Aisne. A une question sur Jean­François
Copé qui se déclarera le 26 août, Xavier Bertrand
répond: «Sa candidature est un secret de polichinelle et je
ne fixe pas mon calendrier en fonction des autres.» «Rien
n’est impossible à mes yeux», déclare l’ancien ministre au
sujet d’une éventuelle alliance avec Nathalie Kosciusko­
Morizet. «Au lendemain de l’élection, celui qui gagnera
devra tendre la main et les perdants devront la saisir.
L’objectif, c’est le rassemblement.» PHOTO AFP
UMP Plusieurs jeunes res- tions» visant les gens du
ponsables de l’UMP ont an- voyage en supprimant nononcé hier le lancement de tamment le carnet de circu«Demain la droite», «un lation auquel ils sont soumis.
nouveau mouvement», qu’ils «Les gens du voyage veulent
entendent faire entériner un statut proche du droit comlors du congrès de l’UMP en mun, qui préserve leur mode
novembre, où les militants de vie», et cette proposition
éliront également le nouveau de loi «souhaite […] renforcer
président du parti (lire ci- leurs droits», souligne le sédessus). «Demain la droite» nateur de Haute-Savoie.
entend «rassembler tous les
adhérents et les militants qui SÉCURITÉ La protection stamettent au cœur du projet de tique de l’ex-ministre des
notre famille politique le re- Affaires étrangères et de
nouvellement et la reconquête, l’Intérieur Michèle Alliotcelles et ceux qui se fixent pour Marie (UMP) devant son domission d’identifier les nouvel- micile de Ciboure (Pyrénéesles frontières et les nouvelles Atlantiques) a été levée le
idées de demain», déclarent- 27 juillet avec son accord.
Chroniques,
enquêtes,
ils dans un communiqué.
L’utilité
et le coût de cette
directs, reportages,
protectionphotos,
impliquant deux
PROPOSITION Lediaporamas,
sénateur cars tribunes,
de CRS et une voiture
(UMP) Pierre Hérisson a in- banalisée postés en permavidéos,
diqué hier avoir déposé
une quiz,
nenceblogs…
devant ce domicile
proposition de loi visant à étaient contestées par cer«mettre fin aux discrimina- tains habitants de la ville.
PHOTO LAURENT TROUDE
SUIVEZ
LES PREMIERS PAS
DE LA GAUCHE
AU POUVOIR
LIBE2012.FR
21769895
C’est, en euros, les dépenses de François Hollande lors
de la campagne présidentielle. Selon les comptes
publiés hier au Journal officiel, le chef de l’Etat est le
candidat qui a le plus dépensé. Il devance Nicolas
Sarkozy, qui a dépensé 21339664 euros. Viennent ensuite
Jean­Luc Mélenchon (9514317 euros), puis Marine
Le Pen (9095908), François Bayrou (7042962) et Eva
Joly (1812947). Le plafond de dépenses pour le premier
tour est de 16,851 millions et, au second, il est
de 22,509 millions. Les candidats avaient jusqu’au 6 juillet
pour déposer leurs comptes.
libe2012.fr
Unesessionjugée
pastrèsextraordinaire
PARLEMENT Derniers travaux hier pour les élus. La
droite a raillé le peu de textes examinés en un mois.
André Chassaigne
chef de file des députés
du Front de gauche, hier,
à l’Assemblée nationale
L’HISTOIRE
TULLE MISE SUR
LA CARTE
FRANÇOIS
HOLLANDE
Sur les bancs de la droite, hier, à l’Assemblée nationale. PHOTO MEHDI FEDOUACH. AFP
es vacances, c’est
maintenant. Le Parlement a clôturé hier un
mois de session extraordinaire, essentiellement marquée par l’adoption du collectif budgétaire et de la loi
sur le harcèlement. «Tout ça
pour ça», a entonné la droite,
déplorant la longueur des
travaux au regard du peu de
textes soumis à l’Assemblée.
Plusieurs dossiers, dont la loi
de programmation pluriannuelle des finances publiques
et la réforme bancaire, attendront la rentrée.
«Défaire». Le président du
groupe UMP, Christian Jacob,
a fustigé «une session extraordinaire gâchée et qui ne répond pas aux préoccupations
des Français». L’ex-ministre
Nathalie Kosciusko-Morizet,
candidate à la présidence de
l’UMP, critiquant, elle, des
travaux «quasi exclusivement
consacrés à défaire ce qui a été
fait: défaire, annuler, abroger,
casser sans rien construire».
Faire table rase du sarkozysme, enterrer le «travailler
plus pour gagner plus»,
c’était effectivement une des
urgences revendiquées par la
L
nouvelle majorité. Exit donc
la hausse de la TVA, la défiscalisation des heures sup,
l’allégement de l’ISF, etc. Ce
premier collectif budgétaire
de l’ère Hollande prévoit une
hausse d’impôts de 7,2 milliards d’euros et 1,5 milliard
d’économies.
«Un matraquage fiscal»,
d’après Jacob, qui a regretté
«l’absence de mesures pour
soutenir le pouvoir d’achat des
Français et la compétitivité des
entreprises». A l’UMP, la
consigne était aussi de pointer «le décalage d’ambition
criant entre les textes présentés
par la nouvelle majorité avec
les textes votés en 2007». La
première session de la précédente majorité avait en effet
vu l’adoption de textes sur la
défiscalisation des heures
sup, le bouclier fiscal, le RSA,
l’autonomie des universités
ou le service minimum dans
les transports publics.
Mais à nouveau pouvoir,
nouvelle méthode. «Quand
on voit les précédents, on se dit
qu’il vaut mieux prendre son
temps pour réfléchir, discuter
avec les partenaires sociaux»,
dit-on dans l’entourage de
Jean-Marc Ayrault, en arguant que «ce qui n’est pas
accepté ne marche pas». Un
changement de style qui ravit jusqu’au député Modem
Jean Lassalle, qui salue «la
bonne volonté d’engager le
dialogue».
Retraite. En marge de la
dernière séance des questions d’actualité, désertée
par l’UMP, des ministres ont
défendu ce premier bilan législatif. Rappelant que le
gouvernement a eu recours à
des décrets pour l’encadrement des loyers, la retraite à
60 ans, le bonus-malus écologique ou la limitation du
salaire des patrons d’entreprises publiques. Et le ministre de l’Economie sociale et
solidaire, Benoît Hamon,
animateur de l’aile gauche du
PS, d’assurer: «On construit
patiemment, c’est important
car nous sommes dans une situation très difficile.» Hier,
après que le Parlement eut
définitivement adopté ce
premier budget, l’UMP a décidé de saisir le Conseil
constitutionnel sur la légalité
de l’ensemble des textes.
SUIVEZ LES PREMIERS PAS
DE LA GAUCHE AU POUVOIR
Chroniques, enquêtes, directs, reportages,
photos, diaporamas, tribunes, vidéos, quiz, blogs…
PHOTO LAURENT TROUDE
«En gros, nous ne
souhaitons pas que
[la réforme fiscale]
reste en termes
de bricolage. […]
Nous apprécierons
sur actes
les propositions
du gouvernement
en la matière.»
LIBE2012.FR
J.B-P et Q.L.
Tulle entend surfer sur
l’impact médiatique de
l’élection de François Hol­
lande, trois mois après le
scrutin, en proposant, à
compter d’aujourd’hui, de
marcher «sur les pas d’un
président» dans cette ville,
à travers les lieux emblé­
matiques de sa carrière
politique. «Ce produit est
la réponse à une demande.
Depuis le 6 mai, un certain
nombre de visiteurs sont
venus, attirés par la
lumière soudainement por­
tée sur la cité tulliste, et on
a souhaité leur faire décou­
vrir notre riche patrimoine»,
explique Anne Bestault,
directrice de l’office de
tourisme intercommunal
de Tulle, ville dont le chef
de l’Etat a été maire. En
mai­juin, des Français et
des étrangers, notamment
des Japonais et des Néer­
landais, se sont pressés
aux comptoirs de l’office
du tourisme, de la mairie
ou du conseil général, en
quête d’informations sur
les lieux fréquentés par
l’actuel président pendant
ses trente ans de vie politi­
que corrézienne. Les plus
avides de détails intimes
sur la vie tulliste du prési­
dent risquent de rester sur
leur faim. La permanence
du PS ou l’appartement où
dormait Hollande ont été
exclus de la visite. Celle­ci
coûte entre 22 et 35 euros,
déjeuner compris.
LIBÉRATION MERCREDI 1ER AOÛT 2012
FRANCE
•
13
ColoniesdeGennevilliers:lamairie
reculedevantlalignejeûne
Des monos qui faisaient le ramadan ont été suspendus. Mais l’interdiction est levée pour août.
Par RACHID LAÏRECHE
et CÉLIA LEBUR
Dessin LAURENT
LOLMÈDE
«colère» demeurent chez les
quatre jeunes toujours suspendus, même si leurs salaires seront versés. Samir se
dit pris dans une spirale: «Je
suis complètement dépassé par
la tournure des événements. Je
ne m’attendais pas à une telle
pression médiatique, je cherchais simplement à savoir si
j’étais dans mon droit.»
M
arche arrière à
la mairie de
Gennevilliers
(Hauts-deSeine). Après avoir suspendu
en juillet quatre animateurs
de colonie de vacances qui
faisaient le ramadan, le
maire PCF a estimé que l’article de leur
RÉCIT contrat de travail imposant
de bien se nourrir a été «mal
interprété». Jacques Bourgoin
a donc décidé de ne pas l’imposer aux animateurs des
colos du mois d’août. Mais
les quatre restent suspendus.
Le problème ne date pas
d’hier. La plaie est ouverte
depuis le 25 août 2009. En
séjour dans la Nièvre, cinq
ados accompagnés de leur
animatrice grimpent dans un
minibus pour rejoindre le lac
des Settons. L’allure est
bonne, l’ambiance aussi. Il
est 17 heures, l’animatrice
s’endort au volant. Le minibus se couche dans un fossé.
Les six passagers sont blessés, l’un d’entre eux grièvement. Aujourd’hui, il en
garde des séquelles, son bras
est à moitié paralysé. Un
choc à Gennevilliers.
CONTRÔLE. Les causes du
malaise de l’animatrice ne
sont pas connues, et ne le seront jamais. Toujours en procès avec les familles, la mairie retiendra seulement que
la jeune femme était à jeun.
L’accident s’est déroulé en
pleine période de ramadan.
Ni eau ni nourriture du coucher au lever du soleil.
Depuis, tous les contrats des
animateurs ont été modifiés.
Une clause nouvelle a fait son
apparition, à l’article 6 :
«L’animateur veille à ce que
lui-même, ainsi que les enfants
participant à la vie en centre de
vacances, se restaurent et
s’hydratent convenablement,
en particulier durant ses repas,
et doit être en pleine possession
de ses moyens.» Même si le
mot ramadan n’est jamais
mentionné, ni dans les contrats ni lors des entretiens
d’embauche, c’est bien de
cela qu’il s’agit. Les quatre
animateurs ont donc été suspendus au lendemain d’une
PLAINTE. Hier, plusieurs associations sont venues les
soutenir. Le Collectif contre
l’islamophobie en France
(CCIF) a même prévu une
manifestation symbolique
samedi soir: rompre le jeûne
devant la mairie de Gennevilliers. De son côté, le Conseil français du culte musulman envisage une plainte
pour discrimination. La
mairie de Gennevilliers a ses
soutiens, parfois inattendus,
comme celui du Front national. Elle a reçu des appels de
parents de toutes confessions disant «comprendre
leur démarche». Pas sûr que
ça suffise à éteindre le
feu. •
REPÈRES
Le respect du ramadan
est imposé aux musul­
mans adultes. Femmes
enceintes ou allaitant,
malades, voyageurs en sont
dispensés, sous réserve de
l’observer dès qu’ils sont à
nouveau en état de le faire.
70%
visite de contrôle d’un responsable le 20 juillet, premier jour du ramadan. En
off, la mairie explique :
«Compte tenu de l’intensité et
de la rythmique de la colo, ne
pas s’alimenter et ne pas s’hydrater peut assez rapidement
altérer la patience et favoriser
l’irritabilité des encadrants,
et donc avoir une incidence sur
la qualité de la pédagogie du
séjour.»
Au programme de la colo :
surf, skate, rando à vélo…
Les journées à Port-d’Albret
(Landes) peuvent êtres longues, et les gamins, âgés de
9 à 15 ans, réclament l’attention des animateurs dès
vrai qu’on peut avoir des petits
moments de fatigue, mais
c’est la même chose pour une
personne qui a trop mangé à
midi et qui
aura un coup
«L’inaptitude physique doit
barre vers
être constatée par un médecin. de
15 heures», dit
Ce n’était pas le cas ici.»
l’instituteur
de 28 ans.
Me Mohand Yanat avocat des suspendus
Avant de jouer
7 heures du matin jusqu’à habilement avec le contrat :
environ minuit. Mais Samir, «On a toujours respecté notre
l’un des quatre «suspen- contrat. On s’est toujours bien
dus», ne voit pas le ramadan hydratés pendant les repas. Un
comme un handicap. «C’est le matin et un le soir.»
Avant le revirement de la
mairie, l’avocat des quatre
jeunes menaçait de la traîner
devant les prud’hommes.
Pour Me Mohand Yanat, l’article 6 n’avait rien de légal.
«Seuls trois motifs permettent
de rompre un CDD : l’inaptitude physique, la faute grave
ou la force majeure. Or,
l’inaptitude physique doit être
constatée par un médecin. Ce
n’était pas le cas ici, aucun
protocole n’a été respecté»,
explique-t-il. En attendant,
«l’incompréhension» et la
des musulmans de France
(estimés à 3,5 millions, dont
800000 pratiquants régu­
liers) déclaraient observer
le ramadan, selon un son­
dage Ifop de 2009.
«Est-ce qu’on fait
sortir des terrains de
football les joueurs
qui pratiquent le
ramadan? C’est une
ingérence dans la vie
privée des gens.»
Abdallah Zekri
président de l’Observatoire
contre l’islamophobie
14
•
LIBÉRATION MERCREDI 1ER AOÛT 2012
FRANCEXPRESSO
«Les détenus sont fondés à soutenir qu’ils
ont été incarcérés dans des conditions
n’assurant pas le respect de la dignité
inhérente à la personne humaine.»
CARNET
DécèS
Extrait d’un jugement du tribunal administratif
de Nouvelle­Calédonie qui a condamné hier l’Etat
à indemniser 30 détenus de la prison de Nouméa
Jean-Xavier de Lestrade,
président de la Scam
(Société civile des auteurs
multimedia)
Et les membres du conseil
d'administration,
ont appris avec tristesse le
décès de
LES GENS
MANUEL VALLS VEUT
DE LA RÉTENTION POUR
LES SANS­PAPIERS
Chris Marker,
auteur, réalisateur,
survenu le 29 juillet
le jour de ses 91 ans.
Il avait reçu le Grand Prix
Scam pour l'ensemble de son
œuvre en 1992.
SouvenirS
Vendredi 27 juillet
Philippe Chauveau
(libraire libre de son état)
nous a quittés.
Sa famille, ses amis
vous invitent aux obsèques
le jeudi 2 août à 16h45
au cimetière
de St Rémy de Provence
Philippe CHAUVEAU
"CHAMBO
11ème anniversaire
de tes obsèques.
Tu n'étais pas là pour les
50 ans des Rolling Stones"
LA RÉUNION LE REQUIN­BOULEDOGUE MIS À PRIX
Silhouette trapue, mais vigoureuse. Museau court et aplati. Dents du haut triangulaires,
très dentelées; dents du bas verticales et pointues. Ainsi sévit le requin­bouledogue
dans les eaux de la Réunion, hautement suspecté d’être à l’origine des attaques mortelles
contre des surfeurs, dont la dernière remonte au 23 juillet. De quoi décider le député
Thierry Robert (Modem), maire de Saint­Leu à la Réunion, de publier un arrêté autorisant
la chasse au requin­bouledogue «par tous moyens, y compris par chasse sous­marine, de
jour comme de nuit, sur tout le territoire maritime de la commune». La ville propose aux
pêcheurs de racheter leurs prises, alors que leur vente est interdite, en raison d’une
toxine marine (ciguatera) présente dans la chair de la bête. PHOTO IMAGO. PANORAMIC
PhilippeCourroye,fin
derègneàNanterre
JUSTICE Le Conseil supérieur a confirmé la mutation
de l’ex-procureur, fortement contesté en interne.
est une confirmation
sans surprise. Hier, le
Conseil supérieur de
la magistrature (CSM) a
rendu un «avis favorable» à
la proposition de la chancellerie de muter le procureur
de Nanterre Philippe Courroye au poste d’avocat général à la cour d’appel de Paris.
La ministre de la Justice,
Christiane Taubira, avait fait
savoir qu’elle respecterait
cette recommandation. La
mutation doit être officialisée par décret.
Miné. Vu l’unanimité des
syndicats de magistrats représentés au CSM –Syndicat
de la magistrature (SM) et
Union syndicale des magistrats (USM) – sur l’urgence
«d’assainir» la situation au
parquet de Nanterre, cette
décision était attendue. Le
procureur s’est quand même
«battu, les armes à la main»,
dit son avocat Francis
Teitgen. Pendant deux heures et demie, Philippe Courroye a œuvré à démonter les
motifs à l’origine de cette
mutation qu’il vit comme
une «sanction». Premier volet, la plainte déposée contre
lui par le journal le Monde
C’
ALAIN
6 ans
sans ta présence
en nous ton sourire moqueur
accion toujours !
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Le Carnet
Christiane Nouygues
0140105245
[email protected]
dans «l’affaire des fadettes»
–soit le fait d’avoir tenté, via
l’examen de leurs factures
de téléphone, de découvrir
les sources des journalistes
travaillant sur l’affaire Bettencourt. Deuxième volet, le
climat exécrable au tribunal
de Nanterre, miné par le
duel l’opposant à la juge
d’instruction Isabelle Prévost-Desprez, ainsi que par
le suicide d’un substitut du
procureur.
Philippe Courroye a rappelé
que les poursuites pénales
dans l’affaire des fadettes ont
été annulées en appel (mais
le Monde s’est pourvu en cassation, et les poursuites disciplinaires sont toujours en
cours). Et a martelé que le
suicide du magistrat n’était
«en aucun cas» lié à ses conditions de travail. Reste que
le climat au tribunal était devenu invivable, et que c’est
surtout à cela qu’il doit sa future mutation.
A l’USM, Virginie Valton, vice-présidente, salue une décision «qui va permettre enfin
à la juridiction de respirer».
Mais demande à ce que soit
engagée une réflexion plus
globale sur le statut du par-
quet, réclamant «plus d’indépendance pour les procureurs». Au SM, Odile Barral,
secrétaire générale, rappelle
que, bien que son syndicat
ait «depuis très longtemps dénoncé l’attitude de Philippe
Courroye», il ne peut se satisfaire, sur le principe,
«qu’un magistrat soit muté
contre son gré hors d’une procédure disciplinaire». Et réclame «l’indépendance du
parquet». Les deux syndicats
demandent aussi qu’une inspection ait lieu sur le fonctionnement du parquet de
Nanterre.
«Bride». Philippe Courroye,
de son côté, se refusait hier à
tout commentaire. Son avocat Me Teitgen parlait pour
lui «d’un assassinat professionnel lié à des motifs politiques». C’est, ajoutait-il, «le
très mauvais signe que la
chancellerie n’a pas l’intention
de lâcher la bride du parquet».
Les divers scénarios de riposte (introduire un recours
devant le Conseil d’Etat, devenir avocat) précédemment
évoqués n’ont pas été reconfirmés. «Il est extrêmement
peiné, pour lui mais aussi pour
la magistrature. Je pense qu’il
va devoir prendre un peu de
temps pour digérer.»
ONDINE MILLOT
La garde à vue des sans­papiers ayant été interdite par la
Cour de cassation le 5 juillet, Manuel Valls a une idée
pour la remplacer. Le ministre de l’Intérieur, qui s’expri­
mait hier devant les préfets, a annoncé un projet de loi
prévoyant douze heures de rétention administrative pour
les clandestins. Le texte, qui sera présenté à l’automne,
vise à préserver «l’efficacité de la politique d’éloigne­
ment» des sans­papiers. Depuis l’arrêt en cassation, les
policiers ne disposent plus que de quatre heures, le
temps normal pour un contrôle d’identité, avant d’enga­
ger une procédure d’expulsion. Un délai qu’ils jugent
impossible à tenir. Depuis le 5 juillet, le nombre de recon­
duites à la frontière aurait fortement baissé, selon Eric
Ciotti. Lundi, le député UMP évoquait un «effondrement
de près de la moitié des reconduites». Le ministère de
l’Intérieur ne donne aucun chiffre. Mais Pierre Henry, pré­
sident de France Terre d’asile, assurait hier dans Libéra­
tion que «le taux d’occupation des centres de rétention
administrative est tombé entre 35% et 45%». En 2011,
33000 personnes ont été reconduites à la frontière,
record historique. Pour cette année, Valls n’a avancé
aucun objectif. PHOTO AFP
JUSTICE La veuve de Yasser
Arafat a déposé plainte hier
pour assassinat au tribunal
de Nanterre. Huit ans après
la mort du leader palestinien, Souha Arafat veut que
la justice creuse les soupçons
d’empoisonnement révélés
par un récent documentaire
d’Al-Jezira. Il y était fait état
d’une «quantité anormale de
polonium», une substance
radioactive, découverte sur
les effets d’Arafat.
PÉTARDS Un enfant de 10 ans
décédé et trois de ses camarades de 9 à 11 ans grièvement brûlés, c’est le résultat
d’un jeu qui a mal tourné
lundi soir à Tourcoing
(Nord). Sans surveillance, les
enfants auraient tenté de fabriquer une fusée à partir de
produit inflammable, de pétards et d’un bâtonnet de feu
d’artifice. Le bidon a explosé
et aspergé les enfants.
60
DROGUE Deux hommes,
dont un policier, ont été
blessés hier lors de l’interpellation d’un go-fast. Le
policier qui voulait contrôler
un suspect au péage de
La Gravelle (Mayenne) a été
fauché par le conducteur du
véhicule rapide. Un autre
fonctionnaire a ouvert le feu
sur le suspect, le blessant au
ventre. Le policier a été touché au cou et à la mâchoire.
Le véhicule contenait 100kg
de cannabis.
CHANCE Le souffle d’un
train a encore sauvé la vie
d’un suicidaire. Un homme
de 25 ans, qui tentait hier
de se jeter sous un TER à Rosières-aux-Salines (Meurthe-et-Moselle), a été projeté sur le ballast en raison
du souffle. Samedi à Montpellier, une femme avait raté
son coup pour les mêmes
raisons.
C’est, en millions de dollars (48,8 millions d’euros), le
prix de vente de l’île d’Arros, qui appartenait à Liliane
Bettencourt. Selon le gouvernement des Seychelles, la
milliardaire, qui avait acquis l’île en 1998 pour 18 millions
de dollars, l’a récemment vendue à un mystérieux ache­
teur: la société Chelonia, dont les dirigeants sont des
avocats suisses (a priori des prête­noms).
LIBÉRATION MERCREDI 1ER AOÛT 2012
Euro:
Berlinsupplié
deplier
ECONOMIE
•
15
La valse diplomatique s’intensifie
pour convaincre l’Allemagne de
lâcher la bride à la BCE.
Par JEAN QUATREMER
Correspondant à Bruxelles
facture pour des pays du Sud. Les
Etats-Unis, de plus en plus inquiets
de l’incapacité européenne à juguavenir de la zone euro se ler la crise de l’euro, ne s’y sont pas
joue plus que jamais en trompés: lundi, trois jours avant la
Allemagne. C’est d’elle, réunion décisive de la BCE, Timoen effet, que dépend thy Geithner, le secrétaire au Trél’ampleur de la contre-atsor, n’a pas hésité à trataque que la Banque cenANALYSE verser l’Atlantique pour
trale européenne (BCE),
rencontrer durant une
qui se réunit demain à Francfort, et heure Wolfgang Schäuble, le miles Etats de la zone euro veulent nistre allemand des Finances, dans
mener pour empêcher la chute de sa maison de vacances de l’île de
l’Espagne et de l’Italie durement Sylt (mer du Nord), avant de se
malmenées par les marchés. Une rendre à Francfort pour s’entretepartie des autorités allemandes, en nir avec Mario Draghi, le président
particulier les faucons de la Bun- de la BCE.
desbank, rechigne toujours à engager plus avant leur pays dans la ba- BALLET. Les Américains ne sont pas
taille de peur d’avoir à payer la les seuls à se dépenser pour convaincre Berlin de la nécessité d’une
action de grande ampleur, comme
REPÈRES
le montre l’intense ballet diplomatique de ces derniers jours. Ainsi,
vendredi, François Hollande et, samedi, Mario Monti, le président du
Conseil italien, ont obtenu de la
C’est le taux très attractif
chancelière Angela Merkel qu’elle
auquel le Fond de sauvetage
cosigne des déclarations affirmant
de la zone euro (FESF) a levé
leur volonté commune de «tout
hier 1,484 milliard d’euros
faire pour protéger» la zone euro.
(pour une demande quatre
Monti, encore lui, était hier à Paris
fois supérieure) à une
– avant de se rendre à Madrid deéchéance de trois ans.
main– pour signer une déclaration
qui reprend mot pour mot le communiqué franco-allemand.
Le conseil des gouverneurs
Mais Monti et Hollande ont ajouté
de la BCE réunit demain les
une petite phrase dans laquelle ils
17 présidents de banque cen­
se «félicitent des récentes déclaratrale de la zone euro et
tions du président de la BCE», qui
6 membres de son directoire.
montre que Berlin et ses partenaires
Parmi les plus hostiles à une
sont encore loin d’être sur la même
extension de l’intervention de
longueur d’onde. Jeudi, Mario Drala BCE sur le marché de la
ghi avait été très loin en déclarant:
dette, on compte l’Allemand,
«Dans le cadre de son mandat, la
le Finlandais et le Néerlandais.
BCE est prête à faire tout ce qui est
nécessaire pour préserver l’euro. Et
croyez-moi, ce sera suffisant.» Il
laissait ainsi clairement entendre
«La France et l’Italie
que l’institut d’émission était prêt
ont discuté de la feuille
à prendre des mesures exceptionde route à moyen
nelles pour ramener le calme. Ses
terme pour la zone
propos ont eu un effet de détente
euro et l’UE. Une
immédiat sur les marchés de taux
et de change. Dans un rare ensemnouvelle ambition
ble, les gouvernements ont soutenu
politique doit être
Draghi : «Nous agirons ensemble
trouvée pour la zone.»
avec la BCE», a résumé Jean-Claude
Déclaration conjointe de
Juncker, le Premier ministre
François Hollande et Mario
luxembourgeois et président de
Monti hier
l’Eurogroupe, dans un entretien au
L’
1,162%
François Hollande, Mario Monti, Premier ministre italien, et Jean­Marc Ayrault, hier à l’Elysée. PHOTO C. PLATIAU. REUTERS
Figaro de lundi. «Quand je dis
“nous”, il s’agit du fonds de sauvetage FESF [Fonds européen de stabilité financière, ndlr], c’est-à-dire
des dix-sept gouvernements.»
CONCESSIONS. Que peut faire la
zone euro? Plusieurs solutions sont
envisageables, mais toutes posent
problème. La BCE pourrait reprendre ses achats de dette sur le marché secondaire (celui de la revente),
un programme lancé en avril 2010
et interrompu depuis mars. Mais la
Bundesbank y est opposée et l’a redit vendredi. Ensuite, le FESF pourrait acheter de la dette sur le marché secondaire ou même primaire
(directement auprès de l’Etat).
Mais, cela suppose une demande
formelle de l’Espagne et de l’Italie
et la mise en place d’une tutelle
budgétaire, ce que ces pays refusent. Le FESF pourrait aussi se voir
octroyer une licence bancaire pour
lui permettre de s’approvisionner
directement auprès de la BCE en liquidités bon marché. Mais l’Allemagne n’y est pas favorable car cela
reviendrait à faire fonctionner la
«planche à billets». La BCE pourrait
aussi décider d’un troisième prêt
aux banques commerciales d’un
montant illimité sur trois ans au
taux de 1%. Mais seules les banques
espagnoles ont des problèmes de liquidités, et Francfort a déjà assoupli
les conditions des garanties qu’elle
exige en contrepartie de ses prêts
habituels pour les approvisionner.
Enfin, la BCE pourrait annoncer
qu’elle rachètera sans limites la
dette des Etats dont les taux dépassent un certain seuil. Mais la Bundesbank, encore elle, y est opposée,
car c’est une autre façon de faire
fonctionner la «planche à billets».
Quelles que soient les solutions
adoptées demain, il faudra donc
que l’Allemagne, et sans doute
l’Espagne et l’Italie, fassent de sérieuses concessions. A défaut, ce
sera le blocage, et la déception des
marchés risque d’être terrible pour
l’euro. Certes, Draghi sait qu’il dispose d’une forte majorité au sein du
conseil des gouverneurs de la BCE,
mais passer sur le corps de Jens
Weidmann, le patron de la Bundesbank , pourrait avoir un coût politique énorme, surtout s’il démissionne, comme l’a fait son
prédécesseur, Axel Weber, en février 2011, pour protester contre le
rachat par la BCE des dettes d’Etat.
Draghi et les gouvernements jouent
donc une partie très serrée. Il est
sans doute un peu tôt, comme l’a
fait hier Monti, pour affirmer que la
zone euro «approche de la fin du
tunnel». Barack Obama, le président américain, s’est cependant
voulu rassurant hier : «Je ne pense
pas qu’en définitive les Européens
laisseront l’euro se déliter.» •
16
•
LIBÉRATION MERCREDI 1ER AOÛT 2012
ECONOMIEXPRESSO
RETOUR SUR CE QUI CHANGE DANS LES TRANSPORTS AU 1ER AOÛT
-0,87 % / 3 291,66 PTS
3 090 061 688€ -0,97%
Les 3 plus fortes
ALCATEL-LUCENT
EDF
PEUGEOT
Les 3 plus basses
SOCIETE GENERALE
BNP PARIBAS ACT.A
MICHELIN
13 064,61
2 953,20
5 635,28
8 695,06
-0,06 %
+0,25 %
-1,02 %
+0,69 %
LIBOR La Deutsche Bank a
confirmé hier que certains
de ses employés étaient
impliqués dans le scandale
de manipulation du taux interbancaire, mais a assuré
qu’ils avaient «agi de leur
propre chef» et que«des mesures ont été prises» à leur
encontre.
AGRICULTURE Face à la
flambée du prix des céréales
due à la sécheresse qui sévit
aux Etats-Unis, le ministre
de l’Agriculture, Stéphane
Le Foll (photo), a hier dit
vouloir en «limiter l’impact
négatif» sur le coût de l’alimentation animale. Stéphane Le Foll envisage des
décisions à la rentrée. PHOTO
AFP
TVA RESTAURATION L’Assemblée nationale a décidé
d’une mission d’information
sur l’impact du taux de TVA
réduit dans la restauration sur
les finances publiques. La
commission des finances
rendra ses conclusions en
septembre.
GRÈVE DE LA FAIM Quatre
salariés de MGF Logistique,
à Orchies (Nord) ont entamé
une grève de la faim, lundi,
contre leur licenciement
après la mise en liquidation
du site. Vendredi, ils avaient
levé leur menace d’incendier
des produits dangereux.
«Cet engagement [le blocage des prix des
carburants, ndrl] est d’actualité, il n’est pas
oublié, nous surveillons évidemment les
mouvements des prix du pétrole et nous
n’excluons en rien, en fonction de
l’évolution de la situation, de l’appliquer.»
Pierre Moscovici ministre de l’Economie, remarquant, hier,
que les prix des carburants avaient globalement reflué en
France depuis mars et avril
A Les tarifs SNCF et les bonus auto en hausse
A partir d’aujourd’hui, les tarifs de la
SNCF augmentent de 2% pour les trajets en trains Intercités et TER. Cette
hausse des prix réglementés est indexée sur l’inflation, à la suite d’une
décision du Premier ministre, JeanMarc Ayrault. C’est cependant la seconde en un an: début janvier, ces tarifs avaient déjà augmenté de 3,2%.
Les usagers de TGV et de Transiliens
TÉLÉCOMS Le ministre est remonté au créneau
contre le transfert d’un centre d’appels au Maroc.
rnaud Montebourg
remet la pression sur
la région Ile-deFrance et son président socialiste, Jean-Paul Huchon,
qui a fait scandale en délocalisant au Maroc un centre
d’appels du Stif (l’autorité
régionale en charge des
transports). «Le président de
la République m’a demandé
instamment de téléphoner au
président du Stif [Huchon,
ndlr] pour que celui-ci reprenne ce marché, et je crois
pouvoir vous dire que celui-ci,
qui s’est exprimé de façon tout
à fait nette, reprendra ce
marché», a lancé hier le ministre du Redressement productif devant l’Assemblée
nationale.
Bataille. Mais cette déclaration ne signifie pas que l’appel d’offres est remis en
cause. «Il n’y a rien de nouveau sur le fond» depuis que
l’affaire a éclaté vendredi,
indique-t-on à la région. Huchon avait en effet promis ce
A
jour-là qu’il «étudiera[it] toutes les voies légales possibles
pour faire face à cette situation». La société Webhelp,
qui vient de perdre le marché, a menacé de licencier les
80 salariés français concernés, basés à Saint-Avold
(Moselle) et à Fontenay-leComte (Vendée). Elle a aussi
attaqué la région en référé.
Cette procédure va durer environ un mois. Un délai que
la région va mettre à profit
pour tenter de trouver des
failles juridiques permettant
de casser l’appel d’offres.
«Ce n’est pas tranché. Il faut
voir si c’est légal», préciset-on à la région. «Les analyses juridiques ne sont pas encore conclusives», confirmet-on au cabinet d’Arnaud
Montebourg.
La bataille est donc loin
d’être gagnée. Dans une lettre adressée le 11 juillet à
Montebourg, Huchon avait
plaidé n’avoir pas «eu d’autre
choix» que de confier le mar-
EMMENEZ-LE
COMMENT
FAIRE?
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A NOUS RENVOYER UNE DIZAINE DE JOURS
AVANT VOTRE DÉPART
d’euros du plan de soutien à la filière
automobile– a été publié hier au Journal officiel. Il précise que le bonus pour
les voitures électriques passe de 5000
à 7 000 euros, et celui pour les véhicules hybrides de 2000 à 4000 euros.
Les véhicules «facturés ou pris en location par les administrations de l’Etat»
profiteront aussi de ce petit coup de
pouce.
11,2%
Délocalisation:
Montebourgbatlerappel
MESSAGE RÉSERVÉ À NOS ABONNÉS
[OU LAISSEZ-LE...]
sont, eux, épargnés, alors que les bénéficiaires de l’abonnement «fréquence et forfait» vont subir une
hausse de prix de 1,7%.
A l’inverse, dans le transport individuel, les conducteurs de voitures
«vertes» sont récompensés. Le nouveau barème des «bonus écologiques» pour les voitures électriques et
hybrides –une mesure à 490 millions
A.CHANGEMENT D’ADRESSE
RÉFÉRENCE ABONNÉ(E)
[si vous le connaissez]
ché à la société française B2S,
qui proposait l’un de ses
centres marocains. Ce que
François Hollande a confirmé vendredi. Car le code
des marchés publics favorise
les offres les moins chères et
ne permet pas de pratiquer la
préférence nationale. Montebourg va d’ailleurs «étudier
les évolutions» de ce code,
afin d’essayer de limiter les
délocalisations.
Plans sociaux. La nouvelle
sortie de Montebourg à l’Assemblée confirme en tout cas
que le dossier est devenu une
affaire d’Etat. François Hollande a appelé «tous les acteurs publics à la responsabilité» pour favoriser le marché
français. L’affaire est très
embarrassante pour le gouvernement, car elle tombe au
moment où Arnaud Montebourg cherche à éviter les
plans sociaux dans les télécoms et tente de rapatrier les
centres d’appels en France.
YANN PHILIPPIN
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provisoirement votre abonnement
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A. MERCI DE NOTER MON ADRESSE DE VACANCES
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ADRESSE
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VILLE
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B. MERCI DE SUSPENDRE MON ABONNEMENT
VILLE
DUAU
C’est le taux de chômage
dans la zone euro en juin.
Selon l’office européen
Eurostat, 17,8 millions de
personnes sont concer­
nées, soit 123000 de plus
qu’en mai.
L’HISTOIRE
LA CATALOGNE
SUCRE LES
SUBVENTIONS
Catastrophe sociale. La
Catalogne, région la plus
endettée d’Espagne, a
annoncé hier qu’elle sus­
pendait le versement des
subventions aux organis­
mes sociaux pour juillet,
mettant en avant ses diffi­
cultés à emprunter. Selon
le quotidien espagnol El
País, environ 400 millions
d’euros ne seront ainsi pas
versés aux maisons de
retraite, centres pour han­
dicapés et hôpitaux cata­
lans. Au final, ce sont
100000 personnes qui
pourraient se voir privées
de salaire. La Catalogne,
qui représente un quart du
PIB espagnol, refuse tou­
jours de faire appel à l’aide
de l’Etat. G.Si
meteo du 01:LIBE09 31/07/12 17:53 Page1
LIBÉRATION MERCREDI 1ER AOÛT 2012
A LA TELE CE SOIR
TF1
20h50. Esprits
criminels.
Série américaine :
Résidents surveillés,
Liberté sous condition,
Indigne de confiance.
Avec Shemar Moore,
Thomas Gibson.
23h10. Smash.
Série américaine :
3 épisodes.
Avec Debra Messing,
Jack Davenport.
1h40. 50 mn inside.
Magazine.
FRANCE 2
20h35. Tata Bakhta.
Téléfilm de
Merzak Allouache.
Avec Farida Ouchani,
Jean-François Stévenin.
22h20. Ladies night.
Festival de Ramatuelle.
Spectacle avec
Linda Hardy,
Julien Tortora.
0h00. Dans quelle
éta-gère...
0h05. Journal de la nuit.
0h20. Un jour,
un destin.
•
JEUX­METEO
SUDOKUFACILE
FRANCE 3
5
CANAL +
19h55. Jeux
Olympiques
Londres 2012.
Les épreuves de ce soir :
Hockey H -Handball F Natation 200m brasse
H, 100m nage libres F Football H Natation 200m dos H Basketball F…
Sport.
1h00. Météo.
1h05. Soir 3.
Magazine.
1h30. Vu du ciel.
20h55. Instinct
de survie.
Thriller américain de
Luiso Berdejo, 108mn,
2009.
Avec Kevin Costner,
Ivana Baquero.
22h40. Body of proof.
Série américaine :
L’habit ne fait pas le flic,
Belle à en mourir.
Avec Dana Delany,
Jeri Ryan.
0h00. La prima cosa
bella.
ARTE
M6
FRANCE 4
FRANCE 5
20h50. Cavaliers seuls.
Documentaire.
22h15. Upperdog.
Comédie dramatique
norvégienne de Sarah
Johnsen, 100mn, 2009.
Avec Hermann Sabado,
Agnieszka Grochowska.
23h55. Out of the blue.
Film.
1h25. Personne
ne bouge !
Magazine.
2h10. Mozart superstar.
Documentaire.
20h50. Zone interdite :
les inédits de l’été.
Mauvais temps,
escroqueries, plages
dangereuses : les
galères des vacances.
Magazine présenté
par Mélissa Theuriau.
23h25. La vraie histoire
de... Angelina Jolie.
Documentaire
présenté par
Claire Barsacq.
0h45. La vraie histoire
de... Amy Winehouse.
20h35. SOS
vétérinaires animaux
sauvages.
1 & 2/2.
Documentaire.
23h00. Nouveaux
animaux de
compagnie,
attention : danger !
Documentaire.
23h55. La rage et la
passion - Boxing Beats,
Aubervilliers.
2 épisodes.
Documentaire.
20h35. La maison
France 5.
Magazine présenté par
Stéphane Thebaut.
21h25. Silence,
ça pousse !
Magazine.
22h10. C’est notre
affaire.
Magazine.
22h45. C dans l’air.
Magazine.
23h50. Dangers
dans le ciel.
Documentaire.
PARIS 1ERE
TMC
W9
GULLI
20h40. Franck Riva.
Série française.
L’homme de nulle part,
La croix étoilée.
Avec Alain Delon,
Jacques Perrin.
23h55. Wallander
enquêtes criminelles.
Une place au soleil.
Téléfilm.
1h20. Wallander
enquêtes criminelles.
Téléfilm.
2h45. Programmes
de la nuit.
20h45. Fan
des années 70.
Années 1970, 1971 &
1972.
Divertissement
présenté par
Laurence Boccolini.
23h15. Fan
des années 80.
Années 1980, 1981 &
1982.
Divertissement.
1h45. Incroyable mais
vrai, le mag’.
Divertissement.
20h50. Le convoi
de l’extrême :
les routes des Andes.
À bout de souffle,
L’équipée sauvage.
Docu-réalité
présenté par
Stéphane Rotenberg.
22h35. Le convoi de
l’extrême : la route
de l’Himalaya.
Docu-réalité.
1h15. Le meilleur
du top 50.
3h05. Météo.
20h45. Heartland.
Série canadienne :
Flèche brisée,
Œil du loup.
Avec Nathaniel Arcand.
22h30. Les vies
rêvées d’Erica
Strange.
Série canadienne :
Corps et âme,
Jalousie.
Avec Erin Karpluk,
Michael Riley.
0h00. Dessins animés.
Jeunesse.
NRJ12
DIRECT 8
NT1
DIRECT STAR
20h35. Tellement Vrai :
les grandes histoires.
Épisode n°4 : poids
du bonheur :
la chasse aux kilos.
Magazine présenté par
Matthieu Delormeau.
22h25. Tellement Vrai :
les grandes histoires.
Magazine.
0h10. Hollywood girls.
Épisode 3 : elle est
parfaite pour moi.
Série.
20h50. Les dossiers
secrets du
paranormal.
La fin du monde
aura-t-elle lieu ?
Les lieux maudits
de la planète.
Documentaire.
0h20. Les
bonimenteurs
and guests.
Spectacle.
2h10. Au coeur des
urgences vétérinaires.
20h45. Sœur
Thérèse.com.
Téléfilm de
Franck Olivier.
De main de maître,
Marché conclu.
Avec Dominique
Lavanant,
Martin Lamotte.
0h10. En mode Gossip.
Magazine.
2h10. Les nouvelles
filles d’à côté.
Série.
20h40. Le zap
Direct Star.
Divertissement.
22h20. Skins.
Série britannique :
Le début de la fin,
Cassie, Les adieux.
Avec Hannah Murray.
0h00. Star story.
Beyoncé, divine idole.
Documentaire.
1h00. Top rock.
Spectacle.
1h55. Nuit indé.
Cet été, vos journaux voyagent avec vous.
Directeur de la publication
et de la rédaction
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de la rédaction
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MERCREDI er
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L’Comportements
on neorageuse
peut plusdu
APRÈS-MIDI Évolution
courants
Nord-Pas-de-Calais
aux régions du
Centre. Le temps reste lourd.
LE MATIN Matinée grise dans le Nord- I
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Ouest.
ailleurs.
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JEUDI VENDREDI Mitigé et plutôt frais au nord. Sec en
Méditerranée.
Quelques averses possibles en montagne l'après-midi et sinon d'assez
belles éclaircies dans l'ensemble.
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Tirage du 05/11/11:
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0335-1793.
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Calme
Peu agitée
Agitée
36°/40°
La parité,
féminin singulier
[EN CHANTIER] Tout l’été, déambulation au cœur des constructions,
réelles ou imaginaires. Aujourd’hui, la répartition des genres est­elle
un combat d’arrière­garde, un sujet à la mode ou une utopie?
Par BÉATRICE VALLAEYS
LIBÉRATION Mercredi 1er août 2012 www.liberation.fr
C’
est comme un jeu de
l’oie. On avance, on
passe parfois deux
tours car on est tombé
sur la case «prison»,
on repart, on est près du but et soudain,
patatras, retour à la case «dé-
LIAM NORRIS. CULTURA CRÉATIVE. PHOTONONSTOP
Et aussi : l’académicienne Florence Delay claque la
porte, un quiz sur le genre, des photos de mini­miss…
II •
EN CHANTIER
part», si on ne recule pas carrément en «enfer» lorsque les choses
tournent vraiment mal. Il en est ainsi
des combats pour les libertés, toutes les
libertés. Primo, rien n’est jamais acquis. Secundo, qu’est-ce qu’une victoire? On dit du XXe siècle qu’il est celui des femmes, celui où elles ont
conquis le droit d’être reconnues égales
à l’autre moitié de l’humanité, les hommes. Le siècle où elles ont réussi à obtenir des libertés qui paraissent élémentaires aujourd’hui quand elles ont été
gagnées de haute lutte. La liste est longue et impressionnante, qui montre
combien le sexe dit «faible» stagnait à
la case Moyen Age. Passons au XXIe en
s’attardant sur la loi qui le marquera à
jamais : celle qui inscrit la parité (définitivement?) dans les codes civil et pénal. Au travail d’abord, en politique ensuite. Une loi toujours inappliquée dans
l’un et l’autre domaines. Et si elle était
inapplicable? Et si c’était une chance?
Hurlements des militantes féministes
mais tant pis, on se lance. La parité en
abécédaire pour réfléchir et forger son
opinion hors des diktats.
a
ARISTOTE. «L’habitude
est une seconde nature»,
dit le philosophe grec, qui
parle aussi de «la force de
l’habitude» dans l’Ethique
à Nicomaque. Pour Aristote, les habitudes sont si
naturelles qu’elles sont
ancrées dans nos comportements, de sorte qu’il est très difficile
de s’en débarrasser, comme d’en adopter d’autres. Si l’on convoque Aristote
pour la parité, c’est que l’on ne croit pas
aux vertus de la loi qui se substituerait
à une habitude, de même qu’on ne voit
pas comment elle pourrait en déclencher de nouvelles sans provoquer de
grands dommages. Quand, en 1975, fut
voté le texte légalisant l’avortement en
France, ses détracteurs tonnaient qu’il
allait encourager les femmes à recourir
à l’IVG. Cinq ans plus tard, la loi fut
votée définitivement (c’est la seule loi
de la République à avoir été votée à l’essai), et le nombre d’avortements était
resté le même : ni plus ni moins
qu’avant 1975. L’avortement n’a jamais
été une partie de plaisir, les femmes
avortaient avant la loi, elles ont avorté
après. Grâce à Simone Veil, elles ont pu
choisir, sans risquer de mourir. On ne
fait pas le bonheur des gens contre leur
gré, comme on n’impose pas une vision
du monde à coups de sanctions pénales
ou en s’attaquant au porte-monnaie.
ARC (JEANNE D’). A force d’avoir
fait de cette petite pucelle lorraine
l’emblème national français revendiqué
par toutes les chapelles politiques, on
en a oublié qu’elle fut surtout la première femme égale à l’homme, au point
d’atteindre le statut de «garçonne».
Marina Warner, romancière et historienne britannique, s’est intéressée à
«l’énigme Jeanne d’Arc» (Books magazine n°34, juillet-août 2012): «L’accoutrement masculin de Jeanne était aussi
lourd de sens que sa déférence envers les
voix. […] Une femme n’avait que deux
stratégies pour surmonter les préjugés
l’empêchant de s’affirmer, et Jeanne utilisa les deux. Au départ, elle avait revêtu
des vêtements masculins par commodité,
pour monter à cheval. Mais elle continua
de les porter pour des raisons symboliques. Ils représentaient un désir d’être
neutre, de surmonter les inconvénients de
la féminité. […] Il est clair que son travestissement a contribué à sa chute.»
b
BEAUVOIR
(SIMONE DE). Prê-
tresse inégalée du féminisme au XXe siècle.
Le Deuxième Sexe, son
essai existentialiste,
paraît en 1949, quand Simone de Beauvoir fête ses 41 ans. «On ne naît pas
femme, on le devient», résume l’ouvrage
qui reste l’œuvre majeure de la philosophe. Pour elle, les hommes exercent
bien une oppression sur les femmes, le
sexisme. Elle n’est pour autant pas tendre avec ses «sœurs» qu’elle trouve
passives, soumises, sans ambition. Lire
ou relire le Deuxième Sexe est indispensable pour tous ceux et surtout toutes
celles qui ne voient les femmes qu’en
victimes, courant malheureusement
majoritaire aujourd’hui. Jamais Simone
de Beauvoir n’a imaginé qu’il serait
pertinent de faire une loi sur la parité.
L’émancipation des femmes, pensaitelle, ne pourrait réussir qu’en solidarité
avec les hommes. Candide, Simone ?
Le Deuxième Sexe, qui fit scandale à sa
sortie, reste la référence du féminisme
occidental.
c
CHEF. «Qui est le
chef?» a titré l’Express
fin juin, lorsque Valérie «Twittweiler» a
voulu montrer son «indépendance» à
son homme, président de la République.
Le «chef» demeure dans l’opinion celui
qui commande, soit l’homme à la
femme. Dans les Tontons flingueurs
(Lautner, 1963), il est celui qui répète :
«Je vais montrer qui c’est Raoul !» Dans
le cercle familial, le «chef de famille»
–terme encore employé par l’administration– reste majoritairement le père,
la mère n’accédant à ce statut que dans
la famille monoparentale.
CONDITION FÉMININE. «La
2 et 20 kilomètres. Lire d’urgence Lointain souvenir de la peau, le dernier roman de Russell Banks (Actes Sud).
d
e
DOUCE. Les femmes
sont douces, par nature.
Ce stéréotype a la dent
dure, quand l’histoire du
monde démontre tous les
jours le contraire.
Quelques synonymes du mot doux particulièrement énervants : affectueux,
angélique, câlin, caressant, délicat, reposant, sage, inoffensif…
ENFANT. Simone de
Beauvoir les avait en détestation : «Que l’enfant
soit la fin suprême de la
femme, c’est là une affirmation qui a tout juste la valeur d’un slogan
publicitaire.» Elle était même dérangée
par le spectacle d’une femme enceinte.
Pourtant, s’il est une toute-puissance
qu’aucun homme ne peut ravir à la
femme, c’est bien celle d’enfanter. La
procréation artificielle n’a pas encore
trouvé le moyen d’échapper au ventre
féminin. Mais la dictature du ventre
n’est pas sans risque: elle renvoie illico
les mères à la maison. Pour celles (les
plus nombreuses) qui n’ont pas les
moyens d’engager une nounou, adieu
la carrière professionnelle, l’épanouissement dans le travail, l’indépendance.
Sauf à espérer un coup de main des
pères. Parent est devenu un métier difficile, souvent casse-gueule.
f
FEMME. «Quand Dieu créa
l’homme, Elle plaisantait» :
slogan féministe américain
de 1967. «Il y a plus inconnu
que le Soldat inconnu : sa
femme» : slogan fondateur du
MLF, en août 1970, devant la
flamme de l’Arc de triomphe. «Il y
a plus inconnue que la femme du Soldat
inconnu: son amante lesbienne»: manifestation des homosexuelles en 1999. Au
pluriel, on dit aussi des femmes qu’elles
sont la «moitié du ciel», expression ravissante prêtée à Confucius, couramment employée par Mao Zedong et tous
les Chinois. Elle fut l’étendard des féministes des années 70.
g
condition féminine, c’était, si je puis
dire, un ministère de mission horizontale.» C’est de Françoise Giroud, à
qui Giscard offrit en 1974 le premier
ministère dédié aux femmes. Hollande a cru bon de recréer un ministère des Droits des femmes, confié à Najat Vallaud-Belkacem. Sitôt
nommée, elle a annoncé vouloir
«abolir la prostitution», sans que ce
chantier ô combien colossal soit pour
elle «sujet à polémiquer». Tiens donc !
Depuis, elle a trouvé un autre cheval de
bataille : dans les affaires de violences
conjugales, elle doute de l’efficacité du
bracelet électronique donnant l’alerte
quand un mari surveillé s’approche de
sa femme. Ledit bracelet se déclenche
selon une distance programmée: entre
et de violences sexuelles». Aucun éditeur
français n’a pour l’heure traduit cette
thèse iconoclaste. Dommage. Lire cidessous.
GUERRE. Remake
des années 70, le
torchon brûle (titre
d’une revue féministe d’alors) entre
les hommes et les
femmes, mais en ce
nouveau millénaire apparaissent
d’autres victimes :
les hommes. Perdus, paumés, vrillés, méprisés, castrés,
ils ne savent plus à quelle sainte se
vouer pour retrouver leur dignité. Un
livre, le Deuxième sexisme (clin d’œil à
Simone de B.), vient de provoquer une
grande agitation outre-Manche mais
n’est hélas pas arrivé jusqu’à nous. Philosophe sud-africain, David Benatar y
soutient que «les hommes sont soumis à
de nombreuses formes de discrimination
LIBÉRATION Mercredi 1er août 2012 www.liberation.fr
GUERRIÈRES. «For starters, he [David
Benatar] is a man – and the thesis of his
latest book, The Second Sexism, is that
males are subjected to “many and quite serious forms of sex discrimination”.» Chez
Actes Sud, Guerrières ! A la rencontre du
sexe fort, de Moïra Sauvage (la bien
nommée ?), à lire absolument pour
comprendre aussi la violence féminine.
h
HOMMES.
Lire ci-dessus.
i
ILLUSION. Non, le
combat pour l’égalité
des sexes n’est pas illusoire. Se répéter inlassablement «A cœur
vaillant rien d’impossible», célèbre devise de
Jacques Cœur (1395-1456). Un peu
scout, d’accord, mais il faut y croire.
C’est le combat qui nourrit la vie, pas le
triomphe. Se reporter à la lettre S.
j
JUPE. Bien sûr il y a les Ecossais, et
notamment le célèbre Sean Connery,
qui raffolent du kilt. Mais il y a surtout
le couturier Jean Paul Gaultier, chantre
du «mélange des genres et des sexes»
qui, depuis des lustres, habille les hommes de jupes. Son credo : au nom de
quoi seules les femmes montreraientelles leurs jambes (lire Jeanne d’Arc à la
lettre A) ? Malgré les apparences, Jean Paul Gaultier est
tout à fait sérieux. Jean Glavany y croit aussi. En lice pour
le perchoir de l’Assemblée nationale
contre, entre autres, Elisabeth Guigou,
il a benoîtement déclaré que la valeur
des candidats ne se mesurait pas à «la
longueur de la jupe». Horrible sexisme,
a rétorqué Roselyne Bachelot, que l’on
croyait plus drôle. Interdit de rire en
politique. Jean Glavany a présenté ses
excuses.
l
LOIS. Sur la parité et l’égalité
des chances, il serait fastidieux
de faire ici l’inventaire de toutes
les lois sur le sujet. Dévorez Internet.
m
MÂLES. «Dans la
bouche de l’homme,
l’épithète “femelle”
sonne comme une
insulte ; pourtant, il n’a pas honte de son
animalité, il est fier au contraire si l’on dit
de lui : “C’est un mâle.”» Simone de
Beauvoir, le Deuxième Sexe. Frémissement de honte chez tous ces jeunes
hommes parfaitement éduqués dans
l’antisexisme. Eux, disent-ils, se sentent
comme «les sacs à main» de leurs
amoureuses. «Elles nous posent à côté
d’elles, on doit dire oui à tout sans quoi
elles nous accusent de machisme. C’est
déprimant. Tant pis pour elles si elles sont
parties pour rester célibataires!» résume
Sébastien, 27 ans. Et si justement elles
voulaient garder le célibat? Pas si sûr…
• III
EN CHANTIER
MÈRES. «Qui va garder les gosses?» est
Jeanne d’Arc (1948), de Victor Fleming, avec Ingrid Bergman. PHOTO RUE DES ARCHIVES. BCA
la blague furieuse de Laurent Fabius accueillant la victoire de Ségolène Royal
à la primaire socialiste, en 2006. Une
blague qui révèle la personnalité de son
auteur, mais surtout l’état des mentalités d’aujourd’hui: une femme sans enfant n’est pas tout à fait une femme.
Retour à la case départ, la mère est redevenue très «tendance». Pis, les femmes sont les premières à les parer de
toutes les vertus. Grave erreur. «Familles, je vous hais !» dit André Gide
dans les Nourritures terrestres. Marcela
Iacub (Libération-Le Mag des 9 et
10 juin) voudrait qu’on «remette en
cause les formes familiales actuelles qui
rendent les femmes dépendantes des hommes et esclaves de leur destin maternel».
Notre chroniqueuse «prône la prise en
charge des enfants par des structures collectives […]. Non pour reproduire les utopies de la fin de la famille qui avait jadis
tant intéressé les groupes de gauche, mais
pour nourrir l’imagination politique [celle
des partisans de la parité, ndlr]».
MARAQUITA. Nom d’une bourgade
colombienne imaginée par l’écrivain
James Cañón dans un livre époustouflant. Dans la ville des veuves intrépides
(Belfond, 2008) est l’histoire fantasque
de femmes livrées à elles-mêmes pendant seize ans car privées d’hommes,
«réquisitionnés» de force par des guérilleros. Magique.
n
o
NON. «Quand une femme
dit non, c’est non!» Slogan
féministe des années 70
qui a le mérite de la
clarté. Enfin, on l’espère.
OPPRESSION. Il serait
indécent de prétendre qu’il
n’existe pas d’oppression
masculine. Absurde aussi
de laisser croire que toutes
les femmes sont armées pour la combattre. Faire le ménage (encore !) dans
toutes ces lois censées les aider devient
une priorité, tant le législateur, de
droite comme de gauche, y a mis d’entrain démagogique.
Simone de Beauvoir au Café de Flore, en 1945. PHOTO DENISE BELLON. AKG­IMAGES
Najat Vallaud­Belkacem, ministre des Droits des femmes. PHOTO JÉRÔME BONNET
pq
PRÉFÉRENCE­
QUOTAS. Geneviève
Fioraso est la toute nouvelle ministre de
l’Enseignement supérieur et de la Recherche. Parmi ses
hantises : ne rien
devoir à la parité.
En clair, être ministre pour ses compétences, et non
parce qu’elle est née femme.
Désormais, 155 députées siègent, contre
107 jusqu’alors. Un record dans l’histoire de l’Assemblée nationale. La gauche et surtout les Verts ont fait un effort
pour appliquer la loi sur la parité (50%
de femmes candidates), contrairement
à l’UMP, qui devra payer une amende
(sur 194 députés UMP, 27 étaient des
femmes). Roselyne Bachelot (décidément) a fait le calcul : 28% de femmes
à l’Assemblée nationale, «ça fait 72%
LIBÉRATION Mercredi 1er août 2012 www.liberation.fr
d’hommes !» On est
loin du compte.
Dernier «détail»: le
plus jeune député
est une femme,
Marion
Maréchal-Le Pen. Bonne
nouvelle, non ?
RÉSISTER. Evi-
r
demment, mais à toutes les toxicités
humaines. Les hommes n’en ont pas le
monopole. C’eût été plus simple…
s
SISYPHE. «Les dieux
avaient condamné Sisyphe à
rouler sans cesse un rocher
jusqu’au sommet d’une
montagne d’où la pierre retombait par son propre
poids. Ils avaient pensé avec quelque raison qu’il n’est pas de punition plus terrible
que le travail inutile et sans espoir […]. Je
laisse Sisyphe au bas de la montagne! On
retrouve toujours son fardeau. Mais Sisyphe enseigne la fidélité supérieure qui nie
les dieux et soulève les rochers. Cet univers désormais sans maître ne lui paraît
ni stérile ni stupide. Chacun des grains de
cette pierre, chaque éclat minéral de cette
montagne pleine de nuit, à lui seul, forme
un monde. La lutte elle-même vers les
sommets suffit à remplir un cœur
d’homme. Il faut imaginer Sisyphe heureux.» Albert Camus, le Mythe de Sisyphe, 1942.
t
uv
wx
y
TRAVAIL. A travail égal, sa-
laire égal. Les femmes gagnent encore environ 20% de
moins que les hommes à des
postes équivalents. Pourquoi?
Mystère, même si ce pourcentage intègre le travail à temps partiel, lot quasi
exclusif des femmes qui conservent un
pied à la maison pour
«garder les gosses».
VIRILITÉ. Tout
reprendre et en
particulier les
lettres G et M.
z
ZÈLE. «Quand on est une femme, il faut
avoir 20 sur 20 pour avoir la moyenne.» Une
ministre socialiste, en 1992. •
Quelques citations sont extraites de «l’Esprit
au féminin», de Macha Méril et Christian
Moncelet (éditions du Cherche­Midi),
qui en ont recueilli de très savoureuses.
[DEMAIN: LE COMBI VW]
IV •
SÉRIE
Srinagar fait foi
de tout bois
[LIEUX SAINTS 4/6] La mosquée du soufi Shah
Hamadan, havre de paix dans le Cachemire.
Par CÉLIAN MACÉ
L’
œil s’habitue à catégoriser
les formes. Surtout architecturales. Une mosquée est
ainsi rapidement identifiable. Mais à Srinagar, dans le
Cachemire indien, quand le rickshaw
vous dépose devant le khanqah de Shah
Hamadan, ça ne fait pas tilt. L’édifice en
bois ne ressemble à rien de connu. A la
rigueur, un temple shinto japonais? Un
palais d’été perse ? Non, la raison reprend lentement le dessus, aidée par
quelques indices : des individus avec
une calotte, des chaussures devant la
porte, un vieillard se lavant les pieds. Le
rickshaw ne s’est pas trompé: c’est bien
la mosquée de Shah Hamadan, la plus
ancienne de la région (1395).
L’entrée du lieu est interdite aux noncroyants, et les photos de l’extérieur
sont autorisées contre un don généreux
au gardien. On peut faire le tour du monument et reluquer le travail du bois,
éblouissant de finesse et de patience,
propre aux artisans musulmans. Risquer
un coup d’œil à l’intérieur, admirer la
La mosquée date de 1395. PHOTOS M. TUREK. GETTY IMAGES. A.PISTOLESI. PHOTONONSTOP
décoration en papier mâché multico- maître soufi s’est assis ici, en 1372. Là où
lore, qui rend le lieu léger, aérien, pres- se tient la mosquée, qui a d’abord été un
que fragile. Comme s’il pouvait s’envo- khanqah, une maison de soufis.
ler. Ou partir en fumée. Il y a un mois, Shah Hamadan sait qu’il n’est pas le
dans le quartier, le mausolée soufi de Pir premier à venir prêcher dans cette valDastgir Sahib, vieux de deux cents ans, lée fertile. Mais il a emmené 700 bons
a entièrement brûlé en quelques heures. musulmans pour coloniser la région. Et
Comment aurait-il pu en être autrement son entreprise est un succès. En tant
pour une bâtisse faite de bois et de pa- que soufi, Shah Hamadan n’est pas un
pier? Les journaux ont relaté l’impuis- dogmatique, mais un créatif. Il refuse de
sance des secours, la détresse des habi- se contenter de longs prêches brumeux.
tants, les heurts entre les jeunes Il se veut réformateur social (l’islam
Cachemiris et l’armée, les blessés…
condamne le système des castes) et
A Srinagar, tout événement impliquant s’appuie sur l’agriculture et l’économie,
les forces de l’ordre tourne à l’affronte- important le savoir-faire perse. L’art du
ment. Le Cachemire est censé être tapis, la calligraphie, le tissage des
«apaisé» depuis quelchâles : tout ce qui fait
Srinagar
ques années (un mantra AFGH
la renommée de l’artiCHINE
répété pour les tourissanat cachemiri est inPAK
tes), mais les violences
venté à cette époque.
New Delhi
B
y sont fréquentes. De
Même en matière de reINDE
même que les tensions
ligion, Shah Hamadan
religieuses, en dépit des
s’adapte. A commencer
discours louant le mulpar l’architecture. Son
SRI
ticulturalisme historikhanqah est bâti avec le
LANKA
500 km
que de la région. Réébois des forêts de la
crit-on l’histoire pour
vallée. Sa conception
les besoins de la paix, de la sécurité et est un chef-d’œuvre de syncrétisme,
du tourisme? Très certainement, puis- mêlant motifs à fleurs de lotus et toit
que le Cachemire a connu des périodes bouddhistes, techniques perses et dide cruelles persécutions religieuses, mensions (carrées) du temple hindou.
notamment sous le règne du sultan Si- En une génération, les conversions (non
kandar Butshikan, dit l’Iconoclaste forcées) explosent. C’est le temps –as(1389-1413) : instauration de la charia, sez court– de la cohabitation heureuse,
conversions forcées, massacres à avant que Sikandar l’Iconoclaste n’argrande échelle, destruction des lieux rive au pouvoir, cinq ans après la mort
saints bouddhistes et hindous…
de Shah Hamadan.
Mais il est aussi vrai que cinquante ans Le Cachemire d’aujourd’hui a hérité de
plus tôt, l’arrivée de l’islam dans la ré- cette histoire. Même si la mondialisagion relevait davantage de l’assimilation tion tend à uniformiser les pratiques,
pacifique que de la conquête. Le grand son islam reste réputé pour son libéraimportateur de la religion du prophète lisme et sa créativité. Et l’étonnante et
dans les montagnes du Cachemire est fragile mosquée en bois de Shah Hamajustement Shah Hamadan. On dit qu’en dan se dresse vaillamment au centre de
arrivant de sa Perse natale, après avoir la vallée pour en témoigner. •
fui les persécutions timourides, emprunté la longue route de la soie, discuté [DEMAIN: LE MONASTÈRE DE DAVID
théologie à Samarcande et Peshawar, le GAREDJA, EN GÉORGIE]
LIBÉRATION Mercredi 1er août 2012 www.liberation.fr
PHOTO
• V
[MÉTAMORPHOSES ­ IDENTITÉ 3/5]
Tu seras une miss, ma fille
MARION GRONIER
Née en 1976 en Ile­de­France, vit à Paris.
Série «I Am Your Fantasy», 2009­2011.
Et également un livre «I Am Your Fantasy»
(Images en Manœuvres Editions).
Marion Gronier a d’abord photographié
en Asie des visages grimés d’acteurs, à
Marseille des portraits de gitans sédentaires. Aujourd’hui, lors de concours de
mini-miss, des visages, des diptyques
«mères-filles». Ni confrontation ni face-à-face, ils illustrent un prolongement de soi qui révèle la double ambiguïté de ces manifestations. L’enfant est
tantôt la projection fantasmatique des
LIBÉRATION Mercredi 1er août 2012 www.liberation.fr
rêves enfouis de sa mère, tantôt l’objet
de désir prisonnier de cette féminité à
outrance. Ces mères s’effacent aux yeux
de la photographe, pour mieux renaître
à travers leurs filles.
VI •
FEUILLETON
Florence Delay, en 2009.
PHOTO JEAN­LUC BERTINI
«Des
cicatrices
pour la vie»
[CLAQUER LA PORTE 4/6] Ils sont comédien,
scénariste, réalisatrice… Un jour, au dernier
moment, ils ont renoncé à ce qui leur était
le plus précieux. Aujourd’hui, l’auteure
Florence Delay. Après avoir lancé sa
compagnie théâtrale en 1963, elle divorce
et quitte provisoirement le milieu.
Par ANNE DIATKINE
F
lorence Delay dit qu’elle n’a
jamais su claquer de porte.
Mais qu’en revanche beaucoup la lui ont claquée au nez.
Elle est tout de même entrée
à l’Académie française, par la seule
porte possible, sans effraction, en 2000.
Mais avec une certaine discrétion. Et
après avoir foré des textes rares, le plus
souvent avec le poète Jacques Roubaud.
Florence Delay défriche, déchiffre, traduit, bifurque. Ne claque rien, puisqu’il
y a toujours un souterrain à creuser, qui
rend la porte inutile. Elle est l’inverse
de l’Ernesto de Marguerite Duras, qui
ne veut plus aller à l’école car on y apprend ce qu’il ne sait pas. Enseignante
à l’université, elle privilégiait les «navigations» vers des terres inconnues. Et
c’est ainsi qu’elle a publié, en 1988,
Partition rouge, anthologie de la poésie
des Indiens d’Amérique du Nord.
Sa vie de jeune adulte commence par un
violent claquage de porte. En 1956, elle
a 15 ans et, comme beaucoup de jeunes
gens de cette génération, elle est abonnée au TNP, le théâtre national populaire créé par Jean Vilar. «Il disait que “le
TNP est un service public, comme l’eau,
le gaz, et l’électricité”. Il n’y a pas mieux
que cette conception.» A cette époque,
elle s’adonne aussi au théâtre buissonnier. En douce, elle s’est inscrite à
l’école du Vieux Colombier. «J’en garde
l’idée qu’il est presque toujours possible de
faire deux choses à la fois.» Et, l’été 1963,
elle obtient une place de régisseur stagiaire au Festival d’Avignon, au côté de
Vilar lui-même. «Fonction dont le spectre allait de balayer la grande scène jusqu’à souffleur.» La même année, munie
de son expérience de stagiaire, elle
fonde une compagnie. «J’avais traduit
la Dame fantôme, de Calderón, embauché des comédiens reconnus, on avait
commencé les répétitions, une salle était
réservée et on connaissait même la date de
la première.» Le château n’est pas en sable. Mais il s’écroule d’un coup. «Un
divorce et j’ai tout lâché.» Pourquoi? «Je
m’étais mariée très jeune, par amour, et
par amour du théâtre. L’un n’allait pas
sans l’autre. Ma vie de théâtre s’est arrêtée net, comme on s’arrête de parler au
milieu d’une phrase.»
A 22 ans, rien. Ne plus être actrice, renoncer à une vie de couple et de troupe,
et être à la tête d’une compagnie effondrée. Florence Delay bifurque, sans
imaginer qu’il ne suffit pas de prendre
une autre voie pour ne pas recroiser, à
un carrefour, la même route embroussaillée, quelques décennies plus tard.
Mais claque-t-on toujours les mêmes
portes? «Non. Même si j’en ai gardé des
cicatrices pour la vie.» Il s’appelle Antoine Vitez, dirige le théâtre de Chaillot
et l’invite à traduire la Célestine, de Fernando de Rojas, qu’il montera. A l’instar de Vilar, Vitez ne dissocie pas le
théâtre d’un engagement politique.
«Aujourd’hui, on starifie les metteurs en
scène et on a complètement oublié la portée citoyenne du théâtre. Dommage.»
Un oui qui ferme
Il s’appelle Jacques Roubaud, et à deux,
en trente-cinq ans, ils se sont lancés
dans l’aventure de Graal Théâtre, soit
dix pièces qui racontent toutes les mythologies arthuriennes, «sans être médiéviste, et avec le projet d’origine de faire
œuvre collective. Car le merveilleux du
théâtre est de n’être jamais seul avec
l’écriture». Il y a deux ans, Florence Delay tenait le rôle de l’évêque Carlisle
Vilar était dû au mistral qui avait emporté
ses mots, à un trou de mémoire ou à un effet choisi qu’il fallait que je respecte. Prendre en charge la mémoire de l’autre était
mille fois plus angoissant qu’être sur
scène, muette par défaut.» Elle s’en sort
en demandant à Podalydès, Richard II,
de reprendre ses esprits : «Relève, toi,
roi.» Qui saisit aussitôt le double sens de
la phrase et enchaîne.
Elle a gardé une diction étonnante. Si on
l’entend à la radio, on interrompt tout
pour l’écouter. D’où vient cette voix qui
sort du poste ? «De Robert Bresson,
peut-être. Il m’a appris à faire entendre le
point à la fin d’une phrase et à baisser
d’un ton. Et aussi à dépouiller sa voix de
toute intention pour ne faire
entendre que les mots.» Elle
ajoute : «Probablement que
Jean Vilar avait accepté de
me confier une petite responsabilité à Avignon, parce que
je venais de tourner la
Jeanne d’Arc de Bresson.»
Elle dit ce grand rôle dans un grand
film, au détour d’une phrase, comme
s’il s’était agi de cueillir des fraises des
bois. Et ajoute : «J’avais bien rempli ma
fonction, mais je ne me voyais pas du tout
actrice. A l’époque, les acteurs déclamaient beaucoup, et Bresson faisait de
l’antithéâtre.» L’écrivain Natacha
Michel, son amie de lycée, qui avait fait
des essais pour Pickpocket, la présente
«Robert Bresson m’a appris
à faire entendre le point
à la fin d’une phrase.»
dans Richard II, avec Denis Podalydès,
à Avignon. Le spectacle ne fait pas date,
mais c’est une entrée imprévue sur la
scène tant balayée qui fascinait son
adolescence. Une porte à nouveau
ouverte: «Un soir, j’ai tout oublié. J’avais
le thème de la tirade, mais pas le son. Et
m’est revenu une angoisse très ancienne,
de l’époque où j’étais souffleur. J’ignorais
toujours si le blanc dans l’élocution de Jean
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FEUILLETON
• VII
QUIZ
[IDENTITÉ] Trans, bi, intersex, XY…
Les mots pour le dire.
Genre ou sexe
dans le texte
Par ANGELINE MONTOYA
genre, c’est:
Une personne dont
1 B.LeA.Une
Une construction sociale.
8
l’identité de genre n’est pas
donnée biologique.
en concordance avec son sexe
C. Une vaste fumisterie.
Une personne qui a un
2
vagin, des ovaires, un utérus
et une poitrine développée est:
A. Une femme.
B. Un homme.
C. On ne peut pas toujours
le déterminer.
sexe d’une personne
3A.LeseLesdétermine
par:
organes sexuels
externes et internes.
B. Les gonades.
C. Les hormones.
D. La génétique (XX, XY…).
E. Tous ces éléments à la fois.
déclaré à l’état civil
4A.LeestLessexe
fondé sur:
organes sexuels
Bifurcations multiples
En ce moment, Florence Delay écrit sur
ses aventures théâtrales. «Un prétexte
pour relire Musset, Marivaux, revenir sur
mes propres bifurcations. Comment j’ai
tourné en rond, en fait.» Elle regrette le
théâtre citoyen, que ce soit celui de Vilar, qui se disait «régisseur», honnis-
sant le terme de metteur en scène, ou
celui de Lorca qui, en 1931, sillonne
l’Espagne avec la troupe de la Barraca.
On lui dit que les manières de jouer
vieillissent. S’enthousiasmerait-on si
Gérard Philipe ressuscitait? Elle songe:
«Le même mystère entoure les traductions. Pourquoi prennent-elle le temps,
alors que les originaux restent intacts? Je
vous assure: on peut lire Don Quichotte,
de Cervantès, en espagnol. Alors que ses
versions françaises finissent toujours par
tomber en poussière.» Quand la porte du
théâtre a claqué, elle a dit «oui à la mère
Université». Elle a passé son agrégation
d’espagnol, a enseigné pendant des décennies à la fac, n’a jamais regretté son
choix: «J’aime bien être une passerelle.»
Certains mots ouvrent toutes les portes,
mais pas pour tout le monde.
«Il me semble, mesdames…» C’est par
ces mots de Marguerite de Navarre
qu’elle attaqua son discours de réception à l’Académie française, ce qui fit
son effet devant le parterre d’hommes
qui l’écoutaient. Et c’est cet incipit qui
forme le titre de son dernier ouvrage,
paru chez Gallimard. Tandis, dit-elle,
qu’inlassablement «les personnages
permettent aux romans d’exister grâce à
leur faux pas, bifurcations, trajectoires
contrariées, portes claquées». •
[DEMAIN: LA RÉALISATRICE ET
ACTRICE VALÉRIE DONZELLI]
rôle de genre, c’est:
5B.LeA.UnUn
terme théâtral.
jeu dont vous êtes
le héros.
C. Le rôle que la société
attribue aux hommes et aux
femmes selon le sexe assigné
à la naissance.
femme qui a des doutes
9A.Une
sur son identité de genre:
Est attirée par les femmes.
B. Est attirée par les hommes.
C. Ça dépend de son
orientation sexuelle.
Une personne transgenre
10
et homosexuelle qui a été
assignée à la naissance de sexe
féminin préfère:
A. Les femmes
B. Les hommes.
C. Les poissons rouges.
Qui a écrit: «C’est
11
l’ensemble de la civilisation
qui élabore ce produit
intermédiaire entre le mâle
et le castrat qu’on qualifie
de féminin»?
A. Judith Butler (1999).
B. Simone de Beauvoir (1949).
C. Amanda Lear (1969).
Qui a écrit: «On est femme
12
si l’on fonctionne comme
telle au sein du cadre
hétérosexuel dominant»?
A. Judith Butler (1999).
B. Simone de Beauvoir (1949).
C. Amanda Lear (1969).
L’identité de genre, c’est:
Quel est le pays qui vient
6(hétéro,
A. Une orientation sexuelle
13
de permettre le
homo, bi…).
changement de sexe sur les
B. La plus ou moins grande
adhésion d’une personne au
rôle de genre lié à son sexe
dans une culture donnée
(être douce pour une femme,
être fort pour un homme…).
C. Le sexe d’une personne.
de genre est
7A.L’identité
déterminée par:
La biologie.
B. La société.
C. L’individu.
papiers d’identité sur simple
déclaration à l’état civil?
A. Les Pays-Bas.
B. La Suède.
C. L’Argentine.
Le transsexualisme
14
n’est plus considéré
comme une maladie mentale
en France depuis:
A. 1970.
B. 1990.
C. 2010.
Réponses: 1. a; 2. c; 3. e (mais tous les niveaux de sexe ne coïncident pas
forcément: on peut avoir un pénis et être XX); 4. f; 5. c; 6. b; 7. b ou c (on peut
ne pas se sentir en concordance avec l’identité de genre que la société attend
de nous); 8. b (le contraire est appelé «cisgenre»); 9. c (l’orientation sexuelle est
indépendante de l’identité de genre); 10. b; 11. b; 12. a; 13. c; 14. c.
au cinéaste, comme elle-même présentera plus tard Anne Wiazemsky à Bresson. Une ronde qui montre qu’aussi
gracieuses soient-elles, les jeunes inconnues de Bresson ne sont pas repérées
par hasard dans la rue. Ce que Florence
Delay résume d’un lapidaire : «Les
grandes rencontres sont souvent désignées.»
C’était l’été, le tournage allait vite.
Quelques prises seulement, contrairement à la mythologie qui entoure le cinéaste. Avec une difficulté : dire
«oui suivi d’un point». Un oui qui ferme.
Elle y parvient avec peine. «Le “non”,
en français, ne pose aucun problème. Il
claque. “Oui” est l’un des plus beaux
mots qui soit, mais les trois voyelles qui se
suivent sont un obstacle lorsqu’on doit
baisser la voix en même temps. Peut-être
est-ce la raison de sa disparition. On dit:
“tout à fait”, “absolument”, “je suis absolument candidat”. C’est horrible.» Et
propose un manifeste: «une réhabilitation du oui.»
externes et internes.
B. Les gonades.
C. Les hormones.
D. La génétique (XX, XY…).
E. Tous ces éléments à la fois.
F. Ce que décide le corps
médical en voyant les
organes externes du bébé.
assigné à la naissance est une
personne…
A. Travestie.
B. Transgenre.
C. Intersexuelle.
D. Cisgenre.
LIBÉRATION Mercredi 1er août 2012 www.liberation.fr
VIII •
[HÉROS D’UN LIVRE]
[SOIZIC CONSEIL SERVICE]
Le cheval
des fleuves
Quelle pâtée
de sable?
C’
PHILIPPE LANÇON
«M
a Zoé (8 ans) a profité de la plage pour enterrer
vivantes ses trois meilleures amies, noyer le teckel de
tante Jeannine, et est en train de poursuivre LouisAgénor avec un pic à glace.» (Sharon S., Malibu)
Je réponds : est-ce qu’en plus votre Zoé fait un drôle de bruit en
parlant? Si oui, confisquez-lui d’urgence le DVD de l’Exorciste. Si
en plus elle écrit «M.U.R.D.E.R.» à l’envers sur le sable, c’est
qu’elle est la fille cachée de Shining. Mon conseil? Fuyez! Surtout
si elle propose de jouer à Chucky, la poupée de sang.
KILLOFFER
est le nom que les anciens, au Kenya,
donnaient à l’hippopotame. Cet animal, nous dit Jean-Christophe Bailly
dans l’Oiseau Nyiro, «ce sont d’abord
des bruits : une industrie de souffles et de sonorités
graves et lourdes –orchestre accordant ses tubas, ses
bassons et ses trompes: il n’existe peut-être pas dans
toute la nature de conformité aussi grande entre la
manifestation sonore et l’apparence». Après celui
pour qui «le plaisir de l’eau est toute la vie» défile
toute la faune de la réserve de Samburu, jusqu’à
la girafe, qui déteste l’eau. Quant à l’oiseau Nyiro,
il n’existe pas : c’est un néologisme phonétique
imaginé par l’auteur, la réserve étant traversée par
une rivière appelée Uaso Nyiro. Un vers de Borges,
cité dans le chapitre sur les damans, «petites boules
vivantes avec des yeux» douées d’une «vivacité qui
semble s’équilibrer dans la paresse», résume ce naturalisme verbal: «Les animaux paisibles s’approchent de moi pour que je dise leurs noms.»
SOIZIC VON FESSENHEIM
[VIVE LE BONHEUR]
Comment lire
un livre?
C’
est pourtant pas compliqué. Un livre est un objet
de forme parallélépipédique, mais pourvu d’une
épaisseur variable, au propre comme au figuré. La
coutume réclame qu’on commence par la fin en
déchiffrant le texte écrit au dos et le nom de l’assassin. Si le cœur
vous en dit et qu’il pleut sur la plage abandonnée, on peut revenir au début, mais il ne faut pas venir se plaindre après que ça
n’en finit pas alors que l’engrenage n’aurait jamais fonctionné
sans votre doigt dûment lubrifié.
G.L. et M.L.
«L’Oiseau Nyiro», La Dogana, 124pp., 18€.
deux strips par jour
pour le prix d’un
LIBÉRATION Mercredi 1er août 2012 www.liberation.fr
Par YASSINE
et TOMA BLETNER
18
•
SPORTS
LIBÉRATION MERCREDI 1ER AOÛT 2012
Tony Estanguet (en haut), hier, en demi­finale, et Michal Martikan (en bas), lors des qualifications, dimanche. PHOTOS OLIVIER MORIN. AFP ET LUCY NICHOLSON.REUTERS
Estanguet S
etMartikan,
géants
duslalom
Par OLIVIER BERTRAND
Envoyé spécial à Londres
Avec un troisième titre aux JO,
le Français devance désormais
son rival, qui décroche le bronze.
sur le toit. En 1996, Patrice (39 ans les meilleures trajectoires. «Avec
à présent) se qualifie pour les JO Michal, disait-il hier, on s’est tiré la
d’Atlanta et décroche le bronze. bourre pendant toute notre carrière,
ur le podium, le Slovaque a Laissant l’or à Martikan, déjà. Qua- mais on n’utilise pas les mêmes bale geste lent, le regard triste. tre ans plus tard, il espère prendre teaux, on prend des trajectoires très
Michal Martikan,
sa revanche à Sydney, mais différentes. Je n’ai jamais essayé de
33 ans, semble porter
RÉCIT son petit frère lui passe de- l’imiter, je n’en suis pas capable. J’ai
toute la peine du monde, en
vant, se qualifiant pour trois développé autre chose.» Plus stramême temps que sa médaille de petites secondes. Il y décroche alors tège, il a raflé sa deuxième médaille
bronze en canoë slalom monoplace. à 22 ans sa première médaille d’or. d’or en 2004 à Athènes. Hier, il est
A ses côtés, le Français Tony Estan- Contre Martikan, toujours.
devenu le premier français triple
guet, 34 ans, vient de décrocher sa
champion olympique dans la même
troisième médaille d’or dans la dis- LIRE L’EAU. Les deux hommes discipline.
cipline. Une de plus que lui. Les sont très différents. Deux types Sortis du bateau, les deux hommes
deux hommes se tirent la bourre brillants, autonomes, qui s’entraî- ne se ressemblent pas plus. Le Slodepuis si longtemps. A la fin de la nent en marge du système. Michal vaque est taciturne, timide, taiMarseillaise, le Français se tourne est plus petit, râblé, avec un centre seux. Le Français est une vitrine
vers l’éternel rival et lui serre la
pour sa fédération. Il
main, plus longtemps que d’ordi- «Je n’ai jamais essayé de l’imiter,
parle bien, a le sounaire. Ils savent qu’ils soldent là
rire facile et la fosje
n’en
suis
pas
capable.
une très vieille histoire.
sette charmeuse. Il
J’ai
développé
autre
chose.»
Michal Martikan se fade la famille
est candidat pour inEstanguet depuis un moment. Tony Estanguet à propos de son adversaire
tégrer la commission
Avant Tony, il y avait eu son frère slovaque Michal Martikan
des athlètes du CoPatrice. Les deux frangins avaient
mité international
été initiés par leur père, Henry, dé- de gravité proche de la ligne de olympique. En 2008, à Pékin, il
cédé en 2005, qui descendait ses ri- flottaison. Il joue en virtuose de la était loin de ça. Et son duel avec
vières des Pyrénées à la pagaie au pagaie, la sort moins souvent que Martikan avait tourné court. Le temoment de la fonte de neiges et qui les autres. Le travail invisible, sous nant du titre avait coulé en demia filé le virus à ses mômes, en les l’eau, rend le canoë aérien. Tony, finale (9e) tandis que Michal Martitraînant très jeunes dans l’aven- grand gaillard au nez long, à l’œil kan décrochait sa deuxième méture, avec la caravane, les bateaux vif, est doué pour lire l’eau, trouver daille d’or. «Mais grâce à Pékin, di-
LONDRES 2012
LIBÉRATION MERCREDI 1ER AOÛT 2012
sait Estanguet hier, j’aurais vécu
l’expérience de Jeux sans médaille.
J’y ai appris à me reconstruire, à
m’ouvrir, à travailler différemment,
en intégrant mon frangin.» Patrice
s’occupe désormais de ses stratégies de course. Il était à ses côtés
hier, pour l’ultime règlement de
comptes.
Quand la demi-finale commence,
Tony et Michal en sont à deux médailles d’or chacun. Le ciel est
chargé de nuages sombres au-dessus du superbe bassin, très technique: 250m de long, 5,5 de dénivelé.
Tony s’élance avant Michal. Il ne
fait pas d’erreur, ne touche aucune
porte, mais cela reste laborieux,
manque de fluidité. Il décroche le
troisième temps. «Elle n’est pas
belle, sa demie, commente après
coup Philippe Graille, directeur
technique national. S’il pagaie
comme ça en finale, il finira dans la
deuxième partie du tableau. Mais il
sera dans la conquête, plus dans la
gestion du risque.» Estanguet confirmera : «Je savais que je n’avais
pas de marge pour accéder à la finale.» De toute façon, Michal n’est
pas mieux. D’entrée, il touche une
porte (deux secondes de pénalité),
puis finit juste derrière Tony, ce qui
lui vaudra de s’élancer juste avant
lui en finale. Estanguet raconte la
suite.
BALLERINE. «Quand je monte sur le
tapis roulant pour rejoindre le start [le
bassin de départ, ndlr], je me dis :
“Prépare-toi, il va probablement taper un temps”. Et là, j’entends le public crier, je me dis qu’il a dû faire
fort. Pour me détendre, je me dis que
le moteur n’est pas l’adversaire. Que
c’est avec la rivière qu’il faut pagayer.» Il se place dans le petit bassin, au-dessus de l’entrée du slalom. «Quand vous êtes dans le start,
vous êtes à poil. Vous êtes seul.» Il
s’élance et l’on sent que cela passe
mieux qu’en demi-finale. Il semble
par moments ricocher sur l’eau, rebondir sur les rouleaux. Vers la fin
de sa course, quand il franchit une
porte en remontant le courant, on
pense à une ballerine, dans une
boîte à musique. C’est déjà fini
(97,06 points). Il lève la tête vers un
écran, voit qu’il a mis 1,25 seconde
de moins que Martikan, lève les
bras, alors qu’il reste deux concurrents. «Quand on est devant Martikan, on n’est pas loin du compte»,
dira-t-il. Une fois les deux derniers
descendus, il enlace son frère pendant que le ciel crève, que l’orage
dégringole. Quelqu’un le recouvre
d’un drapeau tricolore, les autres
concurrents viennent le féliciter.
Martikan, troisième, pagaie un peu
plus loin, regarde ailleurs.
Avant la Marseillaise, un membre de
la délégation demande à son voisin:
«Tu me ramènes ce soir si je suis
bourré?» Ils savent qu’ils viennent
sûrement de vivre la dernière
séance. «La fin se rapproche», éclairera seulement Tony Estanguet.
Avant d’ajouter: «Avec Michal, nous
avons vécu une étrange histoire. Toute
ma carrière, il m’a obligé à donner
le meilleur.» Pour la première fois,
le Slovaque se tourne vers lui et
sourit. •
REPÈRES
TONY ESTANGUET
Né le 6 mai 1978 à Pau.
1,86m, 76 kilos.
w Champion olympique
de slalom en canoë mono­
place en 2000, 2004 et
en 2012.
w Champion du monde
en 2006, 2009, 2010,
et 2e en 2003, 2005, 2007.
w Champion d’Europe
en 2006 et 2011.
MICHAL MARTIKAN
Né le 18 mai 1979 à Lipto­
vsky Mikulas, en Slovaquie.
1,70m, 74 kilos
w Champion olympique de
slalom en canoë en 1996 et
en 2008, 2e en 2000 et
en 2004, 3e en 2012.
w Champion du monde
en 1997, 2002, 2003, 2007;
2e en 2006, 2009, 2010;
3e en 1995, 1999 et 2005.
w Champion d’Europe
en 2007 et 2008.
«C’est dur pour moi
de dire que tout
est fini, que tout va
s’arrêter. Parce que
j’aime trop ça.
J’ai pris tellement
mon pied pendant
ces vingt dernières
années. Ouf.
C’est probablement
la décision la plus
difficile à prendre.
Je ne vais pas
la prendre
aujourd’hui.
J’aime trop ça.»
Tony Estanguet hier
«Dans quelques
semaines, dans
quelques mois,
je serai heureux avec
le bronze, mais pour
l’instant, je suis très
déçu. Je voulais
tellement l’or.»
Michal Martikan hier
•
SUR LIBE.FR
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olympique minute
par minute.
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interviews, quiz…
En vidéo, une personna­
lité raconte ses souve­
nirs des Jeux.
SPORTS
•
19
Avec l’argent sur 200m nage libre hier, la Niçoise stakhanoviste
échoue de peu dans sa quête du doublé olympique.
Camille Muffat,
du chlore à l’ouvrage
amille Muffat n’a pu décrocher que l’argent sur 200 m,
hier soir. L’Américaine Allison Schmitt était trop loin devant.
La Française termine à 1”97 derrière celle qu’elle avait battue
sur 400 m dimanche. «J’ai assuré
tout ce que je pouvais assurer, a-telle reconnu. J’avais dit que, quoi
qu’il arrive sur le 200, ce serait un
plus. Mais ça n’a rien à voir. Ça n’a
pas la même saveur que le 400 m.
Alors pas de regret car Schmitt était
loin devant.» Quoi qu’il en soit, la
mission est accomplie à Londres
pour Muffat.
La nageuse était programmée pour
ces Jeux. La jeune femme de 22 ans,
entraînée par Fabrice Pellerin à
l’Olympic Nice Natation depuis
qu’elle en a 10, a prouvé qu’elle
avait gagné en maturité, réussissant
à se remettre dans le bain en demifinale du200m, malgré les aléas des
lendemains de médaille. Grand gabarit de 1,83 m, la Niçoise a enfin
pris le pouvoir dans le bassin et
oublié des Jeux de Pékin où elle
avait terminé 12e en individuel dans
le 200 m 4 nages.
«Fiable». Dire que Camille Muffat
est bosseuse est un euphémisme.
Déterminée comme personne, elle
ne raterait une minute d’entraînement pour rien au monde. Celle que
Pellerin a surnommé «Huissier
Muffat» parce qu’elle est «pointilleuse sur les règles et principes» est
une bête de somme, dans l’eau sept
jours sur sept depuis octobre.
«C’est moi qui m’entraîne le plus»,
fanfaronne-t-elle, même si, dans le
groupe, tout le monde est censé
faire la même chose. «Je l’entraîne
comme un garçon, précise Fabrice
Pellerin. D’ailleurs, elle nage aussi
vite qu’eux. Elle se fiche de la condition féminine… Elle a le même temps
de départ, de repos que les autres.»
Et ça fonctionne.
Née d’un père kiné et d’une mère
assistante maternelle, elle n’a jamais quitté le giron familial. Après
une école de commerce, sa sœur
travaille partout dans le monde :
Italie, Etats-Unis, Chine… Son
frère, plus jeune, est en terminale.
Lui aussi a nagé, mais a préféré
se tourner vers le cyclisme. «Il a
pris 15cm cette année, rigole-t-elle.
Ma mère faisait de la natation au niveau régional. A une époque, dans ma
famille, on nageait tous. Ensuite, ma
sœur s’est mise au patinage.» Camille ne s’éloigne jamais trop des
siens. Comme son club ne possède
pas d’infrastructures spéciales, il
n’est pas rare que ses parents fassent office de famille d’accueil pour
des nageuses. Mais, depuis deux
ans, elle a un appartement à elle,
C
Camille Muffat, après son titre sur 400m, dimanche. PHOTO MICHAEL SOHN. AP
qu’elle partage avec son ami, nageur également. «J’habite à cinq minutes de la piscine et je mène une vie
très saine, assure-t-elle. J’alterne le
cinéma, la télé et les périodes de lecture. Mais si je ne le fais pas, ça ne me
manque pas.» Elle se dit déterminée
dans le sport, mais aussi en dehors.
Qui oserait en douter? «Camille est
très organisée, très fiable, avec une
juste estimation de l’investissement,
continue Pellerin, intarissable sur
sa championne. Ça lui permet de savoir construire sa course. Tout est hyper contrôlé.»
Apothéose. A 16 ans, l’ex-entraîneur de Laure Manaudou, Philippe
Lucas, avait voulu la débaucher. Il
faut dire que, quelques mois plus
tôt, elle avait battu sa protégée.
Muffat continue depuis à grappiller
le bas de laine de l’ex-meilleure nageuse française. Mais elle ne cède
pas au chant des sirènes. «Je connaissais le personnage», dit-elle
simplement. En mars, à Dunkerque, elle efface le dernier record de
Manaudou sur 400 m. Une page
se tourne.
Aujourd’hui, ces Jeux en apothéose
sont une consécration. Et, si elle ne
pense pas pour l’instant à fonder
une famille, elle sait déjà que
l’odeur du chlore ne fera pas partie
de son avenir : «J’ai plein de choses
à découvrir quand j’arrêterai. J’ai du
mal à m’imaginer dans une seule voie
toute ma vie. Je ne sais pas ce que je
vais faire, mais je ne tiens pas à rester
enfermée dans une piscine !»
Envoyé spécial à Londres
DINO DIMEO
APRÈS L’OR, L’ARGENT POUR LE RELAIS
Le mauvais souvenir des Jeux de Pékin, où Alain Bernard se fait passer
par l’Américain Jason Lezak dans le relais 4x100 m, n’a pas quitté les
esprits. Depuis quelques jours, cette médaille d’or enfin autour du cou,
les entraîneurs ont pu cibler l’autre relais, le 4x200 m, discipline
on ne peut plus représentative de la santé d’une équipe.
Il y a un an, à Shanghai, les Français devenaient vice­champions du
monde derrière les Américains. Hier soir, Yannick Agnel, Amaury
Leveaux, Grégory Mallet et Clément Lefert ont renouvelé la
performance. Toujours derrière les Américains. A cette occasion,
Michael Phelps, médaillé d’argent sur 200m papillon quelques
instants plus tôt, a ajouté une 19e médaille olympique à son palmarès.
Un record absolu dans l’histoire des Jeux.
Quant à Yannick Agnel, il aura l’occasion d’en remporter une
quatrième ce soir en finale du 100m nage libre, après avoir réalisé
le 7e temps des demi­finales. Fabien Gilot, lui, ne sera pas de la
partie. D.D. (à Londres)
LONDRES 2012
LIBÉRATION MERCREDI 1ER AOÛT 2012
48
LA PERF
GÉVRISE ÉMANE VA
CHERCHER LE BRONZE
AVEC LES TRIPES
Hier dans l’Equipe, son entraîneur prévenait: «Elle n’est
pas loin d’être intouchable.» Mais hier, avant de pénétrer
sur le tatami, Gévrise Emane prévenait son coach qu’elle
sentait mal la journée: pas de jus, pas de sensations. Alors,
même si elle est championne du monde en titre et n’avait
perdu qu’un combat depuis un an et demi, même si l’or
olympique lui manque toujours, cette breloque de bronze
en moins de 63 kilos, qu’elle est allée chercher au bout de
combats poisseux d’indécision, Emane, 30 ans, la savou­
rait: «Ce n’est pas celle que je voulais, mais elle me fait du
bien parce qu’en plus elle a le goût de l’effort. J’avais une
boule au ventre et je me disais que les Jeux, ce n’était pas
pour moi. Mais pour tous ceux qui m’ont reboostée, je
devais décrocher une médaille.» C’est la quatrième du
judo français à Londres (toutes en bronze). PHOTO AFP
LE BIDE
LE PAYS HÔTE MAL LOTI
AU TABLEAU
DES MÉDAILLES
«Une médaille d’or, dans n’importe quel sport, mais une
médaille d’or», implorait hier le Sun, alors que les hôtes
des Jeux n’avaient toujours pas glané de titre, à 22 heures
hier, et que leur compteur restait bloqué à deux médailles
d’argent et deux de bronze, soit à la 21e place. Parmi les
déceptions, le cycliste Mark Cavendish (photo), favori de
la course sur route samedi. Johnatan Edwards relatait sur
Twitter ce scud d’un journaliste français: «Vous avez eu les
Jeux, nous avons les médailles.» «Bien vu», a dû concéder
la légende du triple saut britannique. Et que dire de
l’Espagne, qui n’a placé aucun de ses ressortissants sur un
podium, contrairement à d’immenses nations sportives
comme la Moldavie, l’Ouzbékistan ou le Qatar? PHOTO AP
FOOT Les Françaises se sont
qualifiées pour les quarts
de finale grâce à leur victoire
(1-0) face à la Colombie hier.
Les joueuses de Bruno Bini
affronteront la Suède vendredi à Glasgow. Les quarts
proposeront l’affiche Japon-
Etats-Unis, revanche de la
finale du Mondial 2011.
TIR Nasser al-Attiyah est
médaillé de bronze en skeet.
Ce Qatari est aussi connu
pour sa victoire dans le
Dakar 2011.
APPEL D’OFFRES - AVIS D’ENQUÊTE
01.49.04.01.85 - [email protected]
COMMUNIQUE DU MINISTERE DE LA CULTURE
ET DU TOURISME DE TURQUIE
Le Ministère de la Culture et du Tourisme de Turquie lance un appel
d’offres pour réaliser les campagnes publicitaires qui seront organisées au
cours de l’année 2013, en accord avec la stratégie de promotion et de marketing déterminée par le Ministère.
Le cahier des charges techniques et administratives relatif aux stratégies de
communication et de marketing ainsi que le budget publicitaire, peuvent être
obtenus au :
Service de la Culture et de l’Information de l’Ambassade de Turquie à Paris
102, Avenue des Champs Elysées - 75008 Paris
Tel : 01.45.62.78.68 Fax : 01.45.63.81.05
E-mail : [email protected]
et de l’adresse web : www.kulturturizm.gov.tr
Les soumissions doivent être remises ou envoyées au plus tard le
6 Septembre 2012 au Bureau de la Culture et du Tourisme de Turquie
à Madrid :
Consejería de Información de Turismo de Turquía
C/ Antonio Maura nº 18 - 2 D 28014 Madrid/ESPANA
Telfs. +34915597014 / 7114 Fax: +34915476287
Web: http://www.turismodeturquia.com
e-mail: [email protected]
Les candidatures déposées après la fin légale de journée de travail le
6 Septembre 2012 ainsi que les réceptions tardives au-delà de cette date ne
seront pas prises en compte.
L’appel d’offre aura lieu du 9 au 14 Septembre 2012 au Bureau de la
Culture et du Tourisme de Turquie à Madrid, en Espagne.
La star Ruolin Chen (à gauche) et sa partenaire Hao Wang, hier, en finale. PHOTO LEON NEAL.AFP
Synchro-saintes
Chinoises
PLONGEON Ruolin Chen et Hao Wang ont remporté,
hier, le concours de haut-vol (10 mètres).
n a filé hier voir la finale du plongeon
synchronisé féminin
de haut-vol (10 mètres) sans
rien y comprendre, du moins
au moment où on est entré
dans le Centre aquatique des
Jeux. On a vu une légende: la
Chinoise Ruolin Chen,
19 ans, double championne
olympique en synchro de
haut-vol depuis hier – avec
sa compatriote Hao Wang –
et tenante d’un titre en individuel qu’elle devrait conserver en écrasant le concours le 9 août.
On est tombé sur une ligne
claire : pas un mouvement
parasite ni en l’air ni au sol
quand elles attendent leur
tour, les cheveux courts ou le
chignon de rigueur, le
«floc» discret –tant l’entrée
dans l’eau est verticale – de
deux filles d’une quarantaine de kilos dans un bassin, des applaudissements
respectueux quand elles sortent de l’eau et, ouste, on
passe à la suivante. Jamais
un sourire.
Manège. Puis, l’œil s’habitue. Ce sont les rites qui frappent en premier: il n’y a pas
deux couples pour monter au
front de la même façon.
Quand l’Allemande Christin
Steuer surjoue la décontraction, sa compatriote Nora
Subschinski se sèche encore
frénétiquement une poignée
de secondes avant le plongeon suivant. A l’inverse, les
Canadiennes Meaghan Benfeito et Roseline Filion, qui
termineront en bronze, sont
O
parfaitement synchronisées
dès les premières marches
menant au plongeoir.
La Mexicaine Paola Espinosa
Sánchez (24 ans) couve discrètement son équipière,
Alejandra Orozco Loza
(15 ans), qui en dira plus
tard : «Elle m’a tout appris.
Chaque jour passé à ses côtés
fut un bonheur.» Surtout,
l’affaire va crescendo. Les
premiers sauts sont simples:
ça aura valu aux Anglaises
leur quart d’heure de gloire
warholien, la tête du concours après le premier des
cinq plongeons. Ça s’active.
Les filles tournent de plus en
plus vite, rentrent dans l’eau
de moins en moins proprement, comme si elles mon-
Mitch Geller : «Quand tu
grandis, tu apprends naturellement à te mouvoir sur terre, et
pour certains humains dans
l’eau. Ça vient avec la domestication de ton environnement.
La grandeur du plongeon, c’est
que tout se passe dans l’air.
Tout ce que tu fais dans l’air,
tu commences à l’apprendre le
jour où tu débutes ce sport,
c’est forcément le fruit d’une
discipline. Je ne connais rien
d’autre qui signifie ça.»
«Robotique». Interrogée
sur le sujet, Ruolin Chen rira
de bon cœur : «Le plongeon
m’a apporté quelque chose de
différent. Ça m’a donné ce que
d’autres personnes [le commun des mortels, croit-on
comprendre, ndlr] ne peuvent
pas avoir.» La
«La grandeur du plongeon, Chinoise s’est rec’est que tout se passe
plongée aussi sec
dans la contemdans l’air.»
plation de son
Mitch Geller coach des Canadiennes
iPhone. Geller :
taient dans un manège qui, «C’est la plus grande de tous
accélérant sans fin, les éjec- les temps. Elle a passé le stade
terait les unes après les de l’exécution robotique, elle a
autres.
même passé celui de l’interIl y a là l’idée de la souf- prétation : elle est au-delà,
france: après sa victoire, Hao dans une sorte d’âge adulte.»
Wang évoquera la dureté du En parlant de ça, le CIO
travail quotidien avec sa su- doute sérieusement de ses
perstar d’équipière et ce ré- 19 ans, sa date de naissance
gime draconien suivi tous les initiale (le 26 avril 1994)
jours pendant quatre ans s’étant transformée en
pour qu’elle puisse tourner à 12 décembre 1992 à l’approla même vitesse que la double che de Mondiaux 2007
championne olympique de qu’elle n’aurait pas eu le
Pékin. Du coup, on a eu du droit de disputer à 13 ans.
mal à reconnaître le «sport Disons qu’aux Jeux, le mysfun» vanté dans un cri du tère ajoute au charme.
cœur par Meaghan Benfeito
Envoyé spécial à Londres
après sa médaille. Son coach,
GRÉGORY SCHNEIDER
C’est le nombre de jeux
dans le troisième set
entre le Canadien Milos
Raonic et Jo­Wilfried
Tsonga, hier. Le Français
l’emporte finalement 3­6,
6­3, 25­23 en quatre heures,
dont trois pour la dernière
manche. En huitième, le
numéro 1 français rencon­
trera le vainqueur du
match entre Feliciano
López et Juan Mónaco.
C’est fini en revanche pour
Richard Gasquet, incapable
de battre œ (6­4, 6­4), qui a
rendez­vous avec Andy
Murray.
FINALES DU JOUR
w Aviron deux de pointe
femmes (11h10), quatre
de couple femmes (11h20),
huit hommes (11h30).
w Kayak K1 slalom hommes
(16h15).
w Cyclisme contre­la­mon­
tre femmes (13h30),
contre­la­montre route
hommes (15h15).
w Escrime épée individuel
hommes (21h), sabre
individuel femmes (21h30).
w Gymnastique concours
individuel hommes (17h30).
w Haltérophilie ­69kg
femmes (16h30), ­77kg
hommes (20h).
w Judo ­70kg femmes (17h),
­90kg hommes (17h10).
w Natation 200m brasse
hommes (20h30),
100m nage libre hommes
(21h20), 200m papillon
femmes (21h12),
4x200m nage libre
femmes (22h04).
w Plongeon 3m
synchronisé hommes (16h).
w Tennis de table femmes
(16h30).
w Tir pistolet 25m femmes
(16h30).
LESMÉDAILLES
PARPAYS
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Chine
Etats­Unis
France
Corée du S.
Corée du N.
Kazakhstan
Italie
Allemagne
Russie
Afrique du S.
Japon
Australie
Roumanie
Brésil
Hongrie
Pays­Bas
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Géorgie
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LONDRES 2012
LIBÉRATION MERCREDI 1ER AOÛT 2012
COULISSES UNE SAOUDIENNE COMBATTRA TÊTE COUVERTE MAIS SANS VOILE
F Kimono et couvre-chef sur le tatami
Après l’identité du dernier porteur de
flamme, voici la nouvelle énigme des
JO de Londres: que portera sur la tête
vendredi à 10 h 33 la judokate saoudienne Wodjan Ali Seraj Abdulrahim
Shahrkhani en entrant sur le tatami?
Après cinq jours de négociations sous
l’égide du CIO, la Fédération internationale de judo (FIJ) et le Comité
olympique saoudien sont parvenus à
un accord: la judokate ne participera
pas au tournoi des plus de 78 kilos
voilée, comme l’exigeait l’Arabie
Saoudite, mais le chef couvert d’un
attribut qui reste à découvrir. La FIJ
précise que «la solution adoptée garantit un bon équilibre entre la sécurité et les
considérations culturelles». Jacques
Rogge, président du CIO, qui avait obtenu, deux semaines avant l’ouver-
ture, que l’Arabie Saoudite envoie
pour la première fois des femmes aux
Jeux (outre la judokate, une coureuse
de 800 m), peut pousser un ouf de
soulagement. Cette avancée de l’universalisme olympique – plus aucun
pays ne présente de délégation uniquement masculine – valait sans
doute, à ses yeux, une entorse aux
règles de la FIJ.
GYMNASTIQUE L’AGRÈS CULTURE INTENSIVE DES AMÉRICAINES
Les Américaines (Kyla Ross, photo) ont remporté hier le
concours par équipes de gymnastique artistique, devant
les Russes et les Roumaines. Les Chinoises, tenantes du
titre, échouent au pied du podium. En 2004 et 2008, les
Etats­Unis n’avaient pas réussi à transformer en or olym­
pique l’or mondial conquis un an plus tôt et avaient dû se
contenter de la médaille d’argent. Cette année, elles ont
enfin franchi la passerelle entre les sommets mondial
et olympique. En revanche, les gymnastes russes n’y arri­
vent toujours pas: jamais elles n’ont décroché le titre
par équipes depuis la disparition de l’URSS. Hier, c’est à la
poutre qu’elles se sont vautrées, Viktoria Komova man­
quant même de s’assommer contre l’agrès lors de sa
sortie. PHOTO DYLAN MARTINEZ.REUTERS
SPORTS
•
21
SHORT STORIES
Par SONIA DELESALLE­STOLPER
Les Jeux, épouvantail
à touristes
n nous avait promis
l’Armageddon des
transports. Depuis
des mois, les gares, les métros et les bus londoniens
sont tapissés de messages
d’encouragement du genre:
«Ça va être un cauchemar
pour les JO, pourquoi ne pas
marcher?» Des panneaux indiquent comme, finalement,
votre bureau est bien plus
proche de votre domicile que
vous ne le pensiez. Une
heure trente à pied, une peccadille. Depuis des mois, la
voix nasillarde du maire
conservateur de Londres, le
déjanté Boris Johnson, hante
les couloirs du métro pour
suggérer aux Londoniens de
penser à prendre des vacances, voire d’opter pour le
télétravail pendant les JO.
Son catastrophisme a effrayé
nombre de touristes. Le trafic routier, en dépit des fameuses et controversées Games Lanes, réservées à la
famille olympique, est parfaitement fluide.
O
Les transports publics fonctionnent également à peu
près correctement. Certes,
une des lignes de métro a été
interrompue hier pendant
une bonne heure après une
alerte incendie, mais l’incident relève de la banale routine pour les transports publics britanniques. Même les
rues semblent moins prises
d’assaut que d’habitude.
Théâtres, musées, magasins
et restaurants du centre de
Londres sont bien moins
remplis qu’à l’accoutumée,
à cette période de l’année,
alors que les hôtels bradent
les prix de leurs chambres.
L’Association of Leading Visitor Attractions (Alva), qui
regroupe les principaux musées et attractions de la capitale, rapporte une baisse
de 30% à 35% des visites par
rapport à l’an dernier. «Deux
types de visiteurs manquent.
Les touristes étrangers “classiques” qui ne sont pas venus
pensant que Londres allait être
plein de monde. Et les Londoniens et Britanniques à qui on
a expliqué que les transports
allaient être un cauchemar»,
précise Bernard Donoghue,
directeur de l’Alva.
Le marché de Greenwich, au
sud-est de Londres, a déposé
une plainte auprès du comité
d’organisation. Alors qu’il
attendait un afflux de visiteurs, grâce à la proximité
des épreuves d’équitation et
de pentathlon, les lieux sont
vides, parce que deux barrières de sécurité empêchent
le public d’y accéder. A
Weymouth, où se déroulent
les épreuves de voile, une
immense portion de plage,
prévue pour accueillir
15000 spectateurs, n’en voit
pas plus de 1000 par jour. Et
le centre de la station balnéaire est désert. Les retombées économiques immédiates des Jeux, que le
gouvernement a vantées et
qui faisaient douter les économistes, ont du plomb dans
l’aile. •
UN SPORT À LA LOUPE
lun dim lun mar mer jeu
28 29 30 31
2
1er
ven sam dim
3
4
5
lun mar
6
7
Compétition
L'ARRACHÉ
La barre est soulevée du sol et
amenée au-dessus de la tête
en un seul mouvement.
L'ÉPAULÉ-JETÉ
La barre est amenée
aux épaules dans un
seul mouvement.
La barre ne doit pas toucher la poitrine
avant d’atteindre cette position. Les
coudes et les avant-bras ne doivent pas
toucher les genoux ni les cuisses.
Barre en acier
et disques de
différents poids
enveloppés de
caoutchouc.
La barre est projetée
au-dessus de la tête
et les bras sont
tendus.
L’HALTÉROPHILIE
Le score final est égal
à la somme du meilleur essai
à l’arraché et du meilleur essai
à l’épaulé-jeté.
L'haltérophile peut reposer la barre
dès que les arbitres estiment que
toutes les parties de son corps sont
immobiles.
CATÉGORIES DE POIDS (EN KILOS)
Hommes 56, 62, 69, 77, 85,
94, 105, + de 105
Poignets et
genoux bandés.
Des genouillères
élastiques sont
autorisées.
Femmes
48, 53, 58, 63, 69,
75, + de 75
POIDS DES DISQUES
25 kg
Ceinture
de force
20 kg
Le Chinois
Liao Hui,
médaille d’or
en moins de 69 kg aux
JO de Pékin en 2008.
15 kg
10 kg
Source : Reuters
JUILLET
AOÛT
22
•
SPORTS LONDRES 2012
LIBÉRATION MERCREDI 1ER AOÛT 2012
«Enchier,jusqu’à
laperfection»
Lors des Mondiaux de Catane (Italie), en octobre 2011, au cours desquels Gauthier Grumier a remporté l’or par équipes. PHOTO GIUSEPPE CACACE. AFP
L’épéiste Gauthier Grumier, qui entre en lice aujourd’hui avec l’objectif d’ouvrir
les compteurs de l’escrime tricolore, revient sur sa carrière et sa préparation.
Par GRÉGORY SCHNEIDER
Envoyé spécial à Londres
R
de théâtre. Jeannet voulait faire un
beau match, alors qu’Abajo venait le
tuer. Ça m’a interpellé. J’ai compris
d’un coup que, dans certaines circonstances, le mental primait sur la
technique.»
emplaçant aux Jeux de Pékin en 2008, l’épéiste français Gauthier Grumier
(28 ans) s’est hissé au sommet de sa discipline, jusqu’à une INVERSER LE PROCESSUS
place de numéro 1 mondial (2009), «J’ai alors compris que j’étais plus
une médaille d’argent mondiale centré sur les autres que sur ma per(2010) et quatre titres mondiaux par sonne. Je m’explique : lors d’un
équipes (2006, 2009,
tournoi, je me disais “si
2010, 2011). En piste
TÉMOIGNAGE untel perd à tel tour, il a
aujourd’hui en indivitant de points, il ne peut
duel dans un contexte tricolore mo- plus me rattraper…” Je me suis rerose (aucune médaille jusqu’ici), mémoré la phrase de John Fitzgerald
l’actuel 7e mondial, escrimeur sur- Kennedy: “Ne vous demandez pas ce
doué, raconte sa métamorphose.
que votre pays peut faire pour vous,
mais ce que vous pouvez faire pour voPÉKIN DANS LES TRIBUNES
tre pays.” J’ai fait mon diagnostic.
«Il était temps de réfléchir sur moi. Techniquement: bien. Mentalement:
Titulaire en équipe de France pas au niveau. Physiquement : pas
en 2006, remplaçant en 2003 et au niveau, ça va sur une ou deux tou2008 ; toujours placé, jamais ga- ches mais ensuite je mettais des chognant : pas dans le coup. Or, je ne ses en place pour souffler, remettre
suis pas le genre “remplaçant heu- la chaussette, etc. Il fallait à la fois
reux”. J’en ai conclu la chose sui- progresser dans ces domaines (maivante: “Tu hausses ton niveau de jeu grir, par exemple) et activer les
ou tu passes à autre chose.” En ob- bonnes ressources.»
servant le tournoi olympique, j’avais
eu l’impression qu’on [les Bleus, S’APPUYER SUR L’EXTÉRIEUR
parmi lesquels les frères Jeannet, ndlr] «En décembre 2008, mon meilleur
laissait un peu faire. L’Espagnol ami, doctorant au Canada, vient viJosé Luis Abajo [médaillé de bronze] vre chez moi parce qu’il en a marre
sort Jérôme Jeannet, alors numéro 1 du froid. Comme il est chercheur, il
mondial, le matin : Abajo ne bou- me raconte des tas de trucs, “pour te
geait pas, il avait la tête basse, fer- qualifier tu fais ci, tu fais ça”, c’est un
mée, alors que Jeannet était plus ex- peu n’importe quoi, mais mine de
pressif, comme s’il jouait une pièce rien ça ressemble à une petite prépa-
ration mentale. Surtout, il est agressif
avec moi, il me dit les choses, et je
comprends que l’agressivité que j’ai
envers lui en retour doit être réorientée sur la piste. Les résultats suivent
vite. En 2010, on est trois [lui, Ulrich
Robeiri et Jérôme Jeannet, ndlr] à se
qualifier très tôt pour les Mondiaux
de Paris. Du coup, il y a du confort.
On ne va pas dans le fond des choses.
Mes performances sont bonnes, mais
je sens que ça ne va pas: je décide de
prendre la leçon à Levallois avec Stéphane Leroy. A l’Insep, tout allait
bien, tout est beau, les locaux sont
neufs… Je dois fuir la routine. Il me
faut un regard neuf.»
d’Europe et du monde 2011, je me
fais éclater. En février 2012, au Qatar,
à Doha, je perds au premier tour face
au Français Daniel Jerent, susceptible
de prendre une place [c’est-à-dire la
sienne, ndlr] aux Jeux. Hugues Obry,
l’entraîneur adjoint chez les Bleus,
me fait un retour: “Tu tires comme un
junior, sans agressivité.” J’étais retombé dans la gestion sans m’en rendre compte. Obry m’a parlé un dimanche. Dès la leçon du mardi à
Levallois, j’étais différent. Mon adversaire est plus fort? Je m’entraîne
plus. C’est mal arbitré? A moi d’être
très au-dessus, hors de portée du
truc à la con.»
REVENIR DANS L’INSTANT
«A Levallois, je comprends qu’un
geste technique peut être un viatique
vers les dimensions mentales et physiques de mon sport. Exemple : une
fente [on tend l’épée vers l’avant, genou droit fléchi, ndlr]. La pointe qui
tombe un peu? Je recommence. Une
légère boucle de la main? Je recommence. Une poussée insuffisante sur
les jambes ? Je recommence. En
chier, jusqu’à la perfection. Mais en
termes de rigueur, tout est là. Je deviens vice-champion du monde à
Paris. Je n’ai jamais débriefé cette finale perdue. Aucune envie de voir
que j’aurais pu la gagner. Dès novembre 2010, on a tous la tête aux
Jeux. On ne pense plus qu’à ça. Du
coup, en compétition, je plonge. Je
suis là sans l’être. Aux championnats
RÊVER
«(Enigmatique.) Oui, j’ai fait un
rêve sur les Jeux. Mais je vais vous
parler d’un autre, qui remonte à
l’automne 2010: je perdais sur décision arbitrale – une touche à terre
comptabilisée –, et mes coachs ne
levaient pas le petit doigt. Lors des
Mondiaux suivants à Catane, en Sicile, je mène contre le Kazakh Elmir
Alimzhanov, mais quelque chose ne
va pas : je sens un défaut dans le timing des touches doubles. Je parle de
la machine à mon entraîneur, il me
répond sur mes actions: la communication est rompue. Je suis resté
dans un registre défensif et, comme
souvent dans ces cas-là, j’ai perdu,
comme dans le rêve. Bizarre, non ?
Quant au premier rêve sur Londres,
on verra bien.» •
REPÈRES
GAUTHIER
GRUMIER
Né le 29 mai 1984 à
Nevers, 1,88m, 82 kilos.
w Club Levallois Sporting
Club.
w Palmarès Vice­cham­
pion du monde en 2010;
champion du monde
par équipes en 2006,
2009, 2010, 2011; cham­
pion de France 2002,
2008, 2011.
115
C’est le nombre de
médailles olympiques
remportées par la
France en escrime
depuis 1896 (41 or,
38 argent, 36 bronze),
c’est plus qu’aucun autre
sport.
LE FLEURET
BREDOUILLE
Toujours pas de médaille
pour l’escrime française
après quatre épreuves.
Hier, Les fleurettistes
Erwann Le Péchoux et
Victor Sintès ont perdu
en 8e. Enzo Lefort s’était,
lui, incliné en 16e.
LIBÉRATION MERCREDI 1ER AOÛT 2012
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24
•
REBONDS
LIBÉRATION MERCREDI 1ER AOÛT 2012
Henri Guaino: une subjectivité
négatrice de l’histoire
Par SUZANNE
CITRON
Historienne
«M
a France, elle n’était pas à Vichy,
elle était à Londres depuis le
18 juin. Il n’a pas parlé au nom
de la France que j’aime», a
déclaré Henri Guaino, en réplique au discours de François
Hollande commémorant la rafle des 16 et 17 juillet 1942.
Comme historienne, mais surtout en mémoire de ce
que j’ai vécu dans ma vingtième année, j’ai ressenti
l’envie d’une réponse à Henri Guaino. Verra-t-on surgir un nouveau genre de négationnisme, au nom des
subjectivités et des ego de quelques notables de la politique ? Les propos de M. Guaino, opposant «sa»
France au constat de faits historiques avérés, et à sa
suite ceux de Bruno Le Maire ou de Jean-Pierre Chevènement, ergotant au nom de distinctions sémantiques
floues sur la nation et l’Etat, pourraient en effet s’apparenter à une sorte de néonégationnisme de l’existence matérielle de la France de Vichy. Aucun de ces
déclarants n’a mentionné la phrase clé du discours de
M. Hollande. «La vérité, c’est que la police française,
sur la base de listes qui avaient été établies, s’est chargée
d’arrêter des milliers d’enfants et de familles. […] La gen-
darmerie les a escortés jusqu’aux camps d’internement
[…]. La vérité, elle est dure, elle est cruelle, c’est que pas
un soldat allemand, pas un seul, ne fut mobilisé pour
l’ensemble de cette opération. La vérité, c’est que le crime
fut commis en France par la France.»
Par pur opportunisme d’opposants, Henri Guaino et
Bruno Le Maire ont éludé également l’importance
historique des mots de Jacques Chirac reconnaissant
que «la France, ce jour-là, accomplissait l’irréparable».
En opposant sa France à celle de Vichy, Henri Guaino,
jamais cédé à la tentation totalitaire. Elle n’a jamais
exterminé un peuple. Elle n’a pas inventé la solution
finale, elle n’a pas commis de crime contre l’humanité
ni de génocide.»
Quant à Bruno Le Maire, il assène : «On confond la
France et l’Etat français et je le regrette. […]. Il aurait été
plus juste de dire que la rafle a été organisée par l’Etat
de Vichy et pas par la France.» Pour le député de
l’Eure, la rafle du Vél d’Hiv restera une «tache noire
dont l’Etat français est responsable» mais «pas la
France comme nation». Ce brillant produit des grandes écoles pourrait se raLes arguties sémantiques sur la responsabilité
la mémoire en se replongeant un
ou non de «la France» dans la rafle du Vél d’Hiv fraîchir
instant dans l’Etrange Défaite de Marc
et dans la solution finale sont en réalité forcloses Bloch. Moins péremptoire dans ses disdepuis le discours fondateur de Chirac.
tinguos, il se demanderait alors si, entre
l’exode aveugle des foules, la débandade
du reste, conteste ses propres affirmations lorsque, des armées, l’abandon des ministères parisiens, le
le 9 mars 2007, à Caen, il faisait dire au candidat gouvernement en errance, les comploteurs autour de
Sarkozy: «Ce que je sais, c’est qu’il n’y a qu’une histoire Pétain ce n’était pas la France entière qui était plonde France et non pas deux, parce qu’il n’y a qu’une seule gée dans le chaos.
France.» Mais le négationnisme affleurait puisque, Quand toute une administration fait allégeance,
dans le même discours, le candidat récusait toute quand tous les magistrats sauf un acceptent de prêter
participation à la solution finale : «La France n’a serment, quand la majorité des députés de la Chambre
élue en 1936 (hormis ceux partis sur le Massilia) votent
les pleins pouvoirs à Pétain, s’agit-il de la France ou
de l’Etat et peut-on exonérer la nation de s’être
fourvoyée, sans parler des foules qui, jusqu’en
L'ŒIL DE WILLEM
juin 1944, se pressaient pour accueillir «le maréchal» ?
On ne devrait, au contraire, jamais oublier que, en
juin 1940 et jusqu’à l’occupation de la France entière,
ils ne furent qu’une poignée autour de «la France libre» de De Gaulle à Londres et dans les premiers groupements de résistance. En face, une «France» de Vichy a existé réellement avec ses dénaturalisations, son
statut des Juifs, ses camps de jeunesse, sa milice en
béret basque, le portrait de Pétain dans les écoles,
l’hymne au maréchal, la propagande anti-anglaise,
la chasse aux «terroristes», les dénonciations…
Les arguties sémantiques sur la responsabilité ou non
de «la France» dans la rafle du Vél d’Hiv et dans la
solution finale sont en réalité forcloses depuis le discours fondateur de Chirac. Elles ne tiennent
aujourd’hui que de la polémique politicienne et du
désaveu implicite des fortes paroles de 1995. En prétendant à tout prix gommer les quatre années d’une
France de Vichy et donc de ses prémices dans la
IIIe République, on élude toute réflexion critique sur
les menaces dans le présent d’un toujours possible
basculement dans une horreur inattendue.
La complexité et la polysémie du mot France devraient
donc être analysées. La multiplicité contradictoire de
son emploi par les gouvernants comme par les citoyens doit être reconnue: tantôt Etat, tantôt nation,
tantôt essence sacralisée, tantôt le tout à la fois. Mais
la transmission d’une histoire officielle construite sur
l’idée d’une nation essentialisée confondue avec l’extension d’un pouvoir monarchique légitimé par la raison d’Etat –et sublimée dans le postulat d’une République une et indivisible au-dessus de tout soupçon–
ne fait qu’entériner les faux débats sémiologiques au
gré des subjectivités de chacun.
Pour la France, la rafle du 16 juillet marque la mise
en œuvre décisive du génocide des Juifs européens
voulu par les nazis. Sa commémoration ne pourraitelle être l’occasion de la fin des arguties et d’une réflexion apaisée sur les fondamentaux de l’histoire
transmise ?
Auteure de: «Mes Lignes de démarcation», Syllepse 2003.
LIBÉRATION MERCREDI 1ER AOÛT 2012
REBONDS
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Turquie: des avocats
sur le banc des accusés
Deux promesses
à tenir…
Par RUSEN AYTAC
Avocat au barreau de Paris
Par CATHERINE CADOU
Traductrice et scénariste
C’
onsieur le président de la République,
J’ai attendu avec un espoir
que je croyais insubmersible
votre intervention télévisuelle du
14 juillet et je l’ai suivie avec la plus
grande attention. J’ai espéré, envers et
contre tout, et surtout contre les ricanements de ceux qui, blasés, me parlaient de votre quasi légendaire aptitude au non-choix, que vous nous
annonceriez les deux mesures «phares» pour lesquelles je m’étais personnellement engagée, lors de mes tournées de porte-à-porte dans les XIIIe et
XVIIe arrondissements de Paris. Je veux
parler du non-cumul des mandats et du
droit de vote des étrangers aux élections lo- Monsieur le président,
cales.
j’ai espéré que vous annonceriez
Pendant ces tournées de
ces deux mesures «phares», je veux
porte-à-porte, où je faisais équipe avec des mi- parler du non-cumul des mandats
litants plus ou moins et du droit de vote des étrangers
habitués aux promesses aux élections locales.
électorales non tenues,
et qui ne voulaient surtout plus du Si c’est par la tête que le poisson poursarkozysme, je parlais à des citoyens rit, c’est par la tête que la vie revient
assez désabusés avec la force de con- dans un corps social et politique en voie
viction de celle qui voulait être con- de décomposition.
vaincue et je leur certifiais que, cette Vous avez parlé de priorité donnée
fois, ce ne serait plus pareil.
aux jeunes et à la justice. Votre réponse
Pour moi, il était évident que vous fe- est contenue dans ces deux mesures
riez passer ces deux mesures hau- (le non-cumul des mandats et le droit
tement symboliques dès la session de vote des étrangers aux élections
parlementaire extraordinaire de cet locales). Elles ne sont pas négociables
été… comme François Mitterrand et elles sont belles si elles sont
l’avait fait pour l’abolition de la peine votées dans leur intégralité brute. Il
de mort.
suffit d’une phrase par mesure.
Je ne sais ce qui fait le plus mal: la satis- Monsieur le Président, ne laissez pas
faction narquoise de ceux qui n’ont s’étioler l’espoir que votre élection a fait
jamais cru que vous feriez ce que vous naître. En ces temps de crise, bienvenue
avez dit ou votre capitulation devant à des mesures symboliques fortes et qui
une fronde extraordinairement habile ne coûtent rien. Vous l’avez promis.
de la «représentation nationale» dont Pourquoi attendre ?
niques et des échanges de courriers
électroniques. Pourtant, selon la législation
turque, toute instruction relative aux avocats
est dans le plus grand Palais de agissant dans l’exercice de leur profession
justice d’Europe, inauguré en nécessite l’autorisation préalable du minismars 2011, au palais de Caglayan, tère turc de la Justice. Or, aucune saisine n’a
à Istanbul, que s’est ouvert, le eu lieu, l’instruction a fait fi de ces disposi16 juillet, le procès des avocats poursuivis tions et la cour a rejeté sans motivation des
pour avoir assuré la défense d’Abdullah Öca- requêtes répétées en ce sens.
lan, chef du Parti des travailleurs du Kurdis- En l’espèce, les autorités turques reprochent
tan (PKK), détenu dans l’île-prison d’Imrali principalement aux avocats d’avoir transmis
depuis 1999: 46 avocats, dont 36 détenus, un des messages d’Abdullah Öcalan aux médias
journaliste et trois membres de leur person- et aux cadres du PKK, omettant sciemment
nel se trouvent sur le banc des accusés.
le fait que tous les entretiens avec le leader du
C’est pourtant dans une petite salle, de quel- PKK se déroulent en présence d’un responques dizaines de sièges, que les audiences se sable turc, avec enregistrement complet des
sont déroulées, en présence d’une forte mo- rencontres. Au demeurant, l’audition du
bilisation de la gendarmerie et des policiers. témoin principal, Abdullah Öcalan, sollicitée
Aussi, les familles des accusés détenus depuis par les avocats de la défense, n’a jamais eu
plus de huit mois, les avocats étrangers (no- lieu.
tamment français), mobilisés dans le cadre Dans le contexte de ce procès politique, cerd’une mission d’observation et venus mani- tains avocats détenus, engagés à la fois dans
fester leur solidarité auprès de leurs confrè- un combat politique et juridique, ont pris la
res, les parlementaires du Parti de la paix et parole en kurde et réclamé la reconnaissance
de la démocratie (BDP, prokurde) et les quel- de leur langue maternelle. «L’accusé a parlé
en langue kurde. Nous n’avons pas
compris», a acté le président. Que
Selon l’acte d’accusation, les réunions
dire, si ce n’est qu’il s’agit, en l’esentre avocats chargés de la défense
pèce, de la seule avancée notable
d’Öcalan constituent la preuve même
du tribunal du céans, puisque le
de l’existence d’une «bande organisée kurde n’a pas été qualifié, pour une
fois, de «langue inconnue». Touteà caractère terroriste».
fois, la cour a exigé l’usage unique
ques journalistes n’ont pu tous accéder à de la langue turque, seule «langue officielle de
cette salle, pleine à craquer et suffocante. Pis l’Etat» turc, selon l’article 3 de la Constituencore, de nombreux avocats de la défense tion, article dont même la proposition de
ont dû s’asseoir à même le sol, au pied du tri- révision est interdite.
bunal. Piètre et triste image de la justice mais Comble de l’ironie, sur le mur, face au public,
image fidèle et conforme de la place accordée est inscrit Adalet mulkun temelidir («la justice
en Turquie au droit de la défense, en général, est le fondement de l’Etat»). Sur ces trois
et dans cette cour, en particulier.
mots, deux sont de l’arabe et le troisième du
Certes, il ne s’agit plus, depuis 2004, des tris- grec.
tement célèbres cours de sûreté de l’Etat A l’issue des trois jours d’audiences, neuf
(DGM), longtemps en charge des procès poli- avocats ont été mis en liberté sous contrôle
tiques et/ou collectifs, dépendantes et par- judiciaire. Toutes les requêtes, visant notamtiales, avec la présence affichée d’un militaire ment l’incompétence du tribunal, l’antien son sein. Mais il s’agit bel et bien de juri- constitutionnalité de certains articles du
dictions d’exception, jouissant de pouvoirs code pénal turc et les mises en liberté des
assurément extraordinaires.
avocats ont été rejetées, pour la plupart sans
Le système a atteint un tel niveau d’absurdité motivation. L’audience a été renvoyée au
qu’un des avocats, Yașar Kaya, confondu par 6 novembre 2012 et, en raison de l’insuffihomonymie avec l’ancien président du Parle- sance des conditions matérielles, délocalisée
ment kurde en exil, a été détenu, pendant à la cour d’assises spéciale de Silivri.
huit mois, pour des propos et activités attri- Reste que 27 avocats demeurent en détention
bués au second.
provisoire, mesure qui n’a aucun caractère
Le juge de cette cour spéciale, statuant en exceptionnel en Turquie. Les ordonnances
qualité de président, est celui-là même qui a seront signifiées dans un mois, alors que le
délivré un mandat d’arrêt à l’encontre de délai légal d’appel est fixé à sept jours. Les
certains avocats. Ce cumul de fonctions judi- avocats devront ainsi former des recours sans
ciaires méconnaît, bien sûr, le droit à un tri- connaître les motivations des différents
bunal impartial garanti par l’article 6 § 1er de maintiens en détention. Seule consolation,
la Convention de sauvegarde des droits de ces avocats détenus connaissent un meilleur
l’homme, pourtant maintes fois rappelé par sort que ceux qui, au temps de la junte milila Cour européenne des droits de l’homme taire, connurent la prison de Diyarbakir,
dans ses nombreuses condamnations d’An- classée alors comme l’une des plus dures au
kara. Selon l’acte d’accusation, de 892 pages, monde, où la torture était systématique.
les réunions entre avocats chargés de la dé- Certes, la Turquie a fait des progrès, mais les
fense d’Abdullah Öcalan constituent la autorités turques se doivent de veiller au respreuve même de l’existence d’une «bande pect des principes fondamentaux des droits
organisée à caractère terroriste». L’acte d’ac- de la défense, et aux règles d’un procès équicusation se fonde principalement sur des per- table, si elles désirent réellement effacer
quisitions de cabinets, des écoutes télépho- Midnight Express de l’imaginaire collectif.
M
je ne suis pas assez masochiste pour
vous faire ici le florilège. Ce que je sais,
c’est qu’en confiant cette «moralisation
de la vie publique» à une énième commission (au fait, combien en avez-vous
nommé depuis votre intronisation ?),
vous prenez le risque majeur d’enterrer
ces deux mesures qui, annoncées et
votées dès cet été, seraient passées, en
force certainement, mais sans coup
férir.
C’est pour cela que nous vous avons
élu: pour le changement, c’est maintenant! Ces mesures qui ne coûtaient rien
étaient de fabuleux vecteurs de changement : modernisation de la vie politique; adéquation avec les valeurs pour
lesquelles nous, les porte-à-portistes,
nous sommes battus ; renouvellement
et diversification de la classe politique.
26
•
CULTURE
LIBÉRATION MERCREDI 1ER AOÛT 2012
IMAGES Etabli dans le village breton, le festival Peuples & Nature défend son credo
environnemental. Avec un casting 2012 allant de Robert Doisneau à Cédric Delsaux.
La Gacilly, berceau
de la photosynthèse
Par GILLES RENAULT
Envoyé spécial à La Gacilly (56)
U
n million d’abeilles, 2 250 habitants, 600 photographies exposées. Même à l’échelle planétaire,
il paraît très improbable de pouvoir trouver une localité, autre que La Gacilly, présentant de semblables caractéristiques. Depuis un bon bout de temps, ce village
du Morbihan a fait de l’écologie son cheval
de bataille. Mais, joignant le geste culturel à
la parole verte, on observe aussi depuis le début du XXIe siècle un mouvement de foule,
chaque année à la belle saison (ou supposée
telle, on est en Bretagne…), vers le festival
photo local, Peuples & Nature – ce qui, admettons-le, ne constitue pas l’axe de réflexion le plus restrictif qui soit.
Un credo se dégage toutefois, ainsi résumé
par Auguste Coudray, président de la manifestation: «Aventure humaine qui a du sens et
se fixe le devoir d’étonner, le festival présente
le travail de photographes professionnels sur le
rapport que l’homme entretient avec l’environnement ; ce qui est également une façon de
s’intéresser à d’autres milieux et façons de vivre. Profitant du contexte particulier qu’offre
le village, nous cherchons en outre une adéquation entre chaque exposition et le lieu dans
lequel elle sera montrée, avec en plus un éclairage variable selon l’heure ou la météo et la nature en fond sonore.»
NA’VIS CELTES. Contextuellement réfractaire
au cube blanc, l’image s’émancipe ainsi, chez
nos Na’vis celtes, de ruelle escarpée en bord
de rivière, comme de passerelle en «chemin
des libellules». Tout est gratuit et il arrive de
se retrouver à côté d’autres visiteurs plus
sensibles aux boutures de marjolaine ou de
passiflore. Une attitude qui n’empêche pas
Jacques Rocher, le fondateur du festival (entre autres) d’insister sur une exigence qualitative vérifiable notamment dans la qualité
des tirages (parfois en très grand format) qui,
pour bien résister aux éléments et tenir la
aujourd’hui remporté et, au-delà de cet aspect,
je suis particulièrement sensible à la réaction
positive des professionnels et des institutionnels,
comme cette année Julio Bittencourt, Peter Bialobrzeski ou les deux filles de Robert Doisneau.»
Pour assouvir ses ambitions populaires, La
Gacilly se doit effectivement d’accrocher des
têtes de série. Bien que son
rapport avec l’essence du
Tout est gratuit et il arrive de se retrouver
festival nous échappe quelà côté d’autres visiteurs plus sensibles aux
que peu, Doisneau fait donc
partie du lot, à travers pluboutures de marjolaine ou de passiflore.
sieurs clichés présentant,
distance réglementaire version course de outre leur splendeur intrinsèque, l’attrait de
fond (quatre mois !), sont toilettés au mini- la rareté – à l’instar de ce charbonnier acmum tous les deux jours: «Lors de la présen- coudé au zinc en parangon de working class
tation du projet, certaines personnes du minis- hero dont la suie rehausse paradoxalement
tère de la Culture nous ont dit “Vous n’y pensez l’éclat prolo. Ailleurs, alternant constat alarpas!” Pourtant, ce combat pour l’accession de miste et sursaut contemplatif, on relève bien
la culture au plus grand nombre semble d’autres scènes. Ici, vus du dessous, des na-
LIBÉRATION MERCREDI 1ER AOÛT 2012
CULTURE
Photographies
extraites
de la série Nous
resterons sur Terre.
PHOTOS CÉDRIC
DELSAUX
le peintre sétois expose à La Rochelle.
La vie grand format
selon Di Rosa
Prunier, La Rochelle (17). Jusqu’au 9 août,
de 10 heures à 20 heures.
Rens.: 0546459090.
A voir aussi, une autre exposition de
Di Rosa, «Yhayen (procession)», au Carré
Sainte­Anne, Montpellier (34).
Jusqu’au 14 octobre. Rens.: 0467608211.
a première constatation qui
s’impose devant les œuvres
d’Hervé Di Rosa est la formidable énergie qu’elles dégagent. Depuis ses premiers pas au début des
années 80, époque où il est l’un des
fers de lance du mouvement de la
figuration libre (notamment avec
Robert Combas), son travail se caractérise en effet par une dynamique du
trait, des couleurs vives, une prolifération des images et un télescopage
des figures.
Cette impression de vitalité est
d’autant plus frappante dans son
exposition à La Rochelle que, pour investir l’important volume de l’Espace
Encan, ancienne criée, Di Rosa (né à
Sète en 1959) a pris le parti de privilégier ses très grands formats.
Kraft. C’est ainsi par une grande fresque de 42 mètres de long sur 3 de
haut, la Vie des pauvres –créée pour la
Fiac en 1993–, que débute le parcours.
Présentée dans une configuration en
trapèze, peinte en noir sur papier
kraft marouflé sur toile, elle évoque,
comme l’indique son titre, la misère
du monde en une succession de saynètes sur fond de prostitution, de
dope, d’alcoolisme, de viols.
Pour montrer une autre dimension de
son travail, Hervé Di Rosa et Henri
Jobbé-Duval (commissaire de l’exposition) ont également choisi de montrer certaines œuvres de la série
Autour du monde. C’est en 1990, pour
L
SKYLINE. Appréhendé dans son ensemble,
le sujet le plus marquant reste cependant celui de Cédric Delsaux qui, en une quarantaine
de grands tirages couleur, la plupart du
temps associés en diptyques, dresse un état
des lieux certes pessimiste, mais aussi souvent teinté d’une mélancolique étrangeté.
Vaste hutte ancestrale bafouée par la
présence d’une antenne… Lotissement américain dont seul le nom, Spring Mountain, incite à l’évasion… Skyline anthracite d’où ne
se détachent que des enseignes commerciales… Montagne de pneus au milieu de
laquelle une demi-douzaine d’arbres refusent
de capituler… La virée porte un titre, Nous
resterons sur Terre, sans qu’aucun cartel ne
vienne éclairer l’itinéraire (en réalité une dizaine de pays parcourus entre 2007 et 2008:
Islande, France, Ukraine, Chine, Brésil…). Un
choix voulu par Cédric Delsaux qui, souhaitant une «fiction sans narration», illustre de
la sorte «une histoire du monde moderne
comme on l’a bâti et détruit, avec un mélange
de mauvaise conscience et de génie qui, même
dans les lieux les plus affreux, exprime à la fois
puissance et poésie». Dénonciation sourde de
la folie consumériste, ses photos sont avalées,
à La Gacilly, dans les circonvolutions d’un
labyrinthe végétal. Comme une petite forme
de revanche, si on veut. •
REPÈRES
L’INITIATIVE ROCHER
Du bel hôtel surplombant la ville, dont la
déco intérieure fourmille de livres et
d’appareils anciens, à la Maison de la pho­
tographie trônant en plein centre du
bourg, nul doute que la photo n’a rien
d’une tocade à La Gacilly. A l’origine de cet
engouement, on trouve Jacques Rocher,
fils du défunt Yves Rocher, qui a pris sa
succession à la tête de l’entreprise fami­
liale et, en 2008, de la mairie. Passionné
par le médium, Rocher a commencé une
collection il y a dix ans. Tournée vers la
photographie humaniste, celle­ci com­
prend notamment des œuvres de Pentti
Sammallahti, Nick Brandt, René Burri,
Marc Riboud et Sophie Zénon.
Envoyé spécial à La Rochelle
HENRI-FRANÇOIS DEBAILLEUX
C’est le nombre total d’expositions
qu’accueille cette année le festival
Peuple & Nature. Il y en avait 14 en 2011.
CÔTES-D'ARMOR
ILLE-ETVILAINE
FINISTÈRE
MORBIHAN
La Gacilly
Vannes
PEUPLES & NATURE 9e festival photo de
La Gacilly (56). Jusqu’au 30 septembre, entrée
libre. Rens.: www.festivalphoto­lagacilly.com
lier son art à une aventure, que l’artiste décide de voyager. Lui qui s’est
toujours passionné pour les cultures
populaires, créant à Sète en 2000,
avec Bernard Belluc, le Musée international des arts modestes (Miam),
veut aller à la rencontre d’autres savoirs. Avec la Bulgarie comme point
de départ et Israël comme destination
la plus récente, Di Rosa en est aujourd’hui à sa 18e étape. La plupart
d’entre elles (Mexique, Cameroun,
Miami…) sont ici représentées au travers de quelques œuvres qui montrent
parfaitement comment il conjugue sa
propre démarche à d’autres savoirfaire, travaillant et dialoguant avec
des artisans locaux. En témoignent
notamment ces œuvres réalisées en
Afrique du Sud avec du câble de téléphone tressé, ou au Vietnam avec de
la laque et de la nacre.
Bâches. Deux dernières salles, enfin,
hissent les grands formats avec des
toiles de cinq à sept mètres de haut
(sur cinq de large), qui magnifient la
passion de l’artiste pour la BD –dont
les comics –, la SF ou le rock. On découvre aussi ses impressions numériques, une technique idéale
pour l’agrandissement, commencée
en 2008 et continuée encore aujourd’hui, avec quatre bâches spécialement réalisées pour l’occasion.
En un survol d’environ trente ans de
travail, l’ensemble montre que, derrière l’apparente diversité, se tisse un
solide fil conducteur, évocation de la
vie, de l’humain, du dialogue avec
l’autre, qu’incarnent ses monstres,
robots, super-héros et personnages
récurrents –Raymond, Mimi, Raphaël
et la fameuse famille des René. Toute
une mythologie personnelle en guise
de miroir du monde.
19
25 km
Océan
Atlantique
LOIREATLANTIQUE
27
ARTS Fer de lance de la figuration libre,
HERVÉ DI ROSA–GRANDS
FORMATS Espace Encan, quai Louis­
geurs glissant sur le toboggan d’un centre
aquatique à Soweto, qui ressemblent à des
insectes posés sur une feuille verte translucide (Stuart Franklin) ; là, un jeune berger
noir, lisant sous un parapluie à côté de son
troupeau de chèvres (Juan Manuel Castro
Prieto).
•
Hervé Di Rosa montre la vitalité de son œuvre, comme avec cette toile
en paillette sur tissu, Haiti: Pawn Shop. PHOTO COLLECTION HERVÉ DI ROSA
28
•
LIBÉRATION MERCREDI 1ER AOÛT 2012
CULTURE CINEMA
NOCES Nouvelle comédie virtuose de la génération Apatow, qui se joue avec finesse des règles du genre.
«5 ans de réflexion», autel California
5 ANS DE RÉFLEXION
de NICHOLAS STOLLER
avec Jason Segel, Emily Blunt… 2h05.
e l’hégémonie actuelle des
productions de Judd Apatow
sur le rire hollywoodien, depuis le tour de force de 40 ans toujours puceau (2005), Supergrave et
En cloque, mode d’emploi (2007), on
a dit et répété en quoi elle reposait
sur l’émergence d’une talentueuse
constellation d’individualités plutôt que d’un génie solitaire : acteurs, scénaristes, réalisateurs et
producteurs qui, d’un film à
l’autre, échangent aussi volontiers
leurs casquettes.
On n’a peut être pas assez écrit
pourtant à quel geste infiniment
généreux et avisé tient la soudaine
éclosion d’une si prodigieuse communauté de talents ramifiés; combien Apatow a pouliné bon nombre
de ses affidés à l’intérieur d’une
école des champions dont le principe roué n’appartient qu’à lui –en
gros, quelque chose comme : écris
un bon scénario, et de toi j’en ferai
la star (même si tu ne ressembles à
rien).
Second couteau. Inconnu du système il y a seulement cinq ans, un
Seth Rogen, en rejeton archétypal
de cette méritocratie par le script,
enchaîne ainsi les projets comme
producteur et scénariste, tandis
qu’il court désormais les blockbusters plus gros que lui, du premier
rôle du Green Hornet de Michel
Gondry à Kung Fu Panda 2. Jason
Segel a débuté tout comme Rogen
dans la sublime série Freaks &
Geeks, produite il y a douze ans par
D
Jason Segel (à gauche) et Emily Blunt. L’éternel second rôle Segel cosigne le scénario. PHOTO DR
Apatow. Echassier dégoulinant de
douceur, il avait pu paraître alors
promis par son physique falot à une
carrière de second couteau dans le
ventre mou de la fiction télé américaine (et, de juste, il s’est fait connaître du grand public par la sitcom
How I Met Your Mother).
Quatre ans après le délicat Sans
Sarah rien ne va, déjà réalisé par
Nicholas Stoller, Segel tient aujourd’hui néanmoins le premier
rôle de 5 ans de réflexion, dont il a
également cosigné le scénario virtuose, et qui se révèle de loin la plus
étincelante comédie de la saison.
Avec la gaucherie émolliente qui est
sa patte, il y joue Tom, la trentaine
tranquille, cuistot promis à une jolie carrière de chef derrière les
fourneaux d’une enseigne gastronomique de San Francisco. Il forme
sent à mesure qu’une averse ininterrompue d’imprévus s’abat sur
eux et diffère sans cesse leurs noces
promises au soleil de Californie: dilemmes entre ambitions carriéristes et cohésion amoureuse, dissensions,
Les fiançailles de Tom et Violet
infidélités et, surtout,
s’enlisent à mesure qu’une averse un déménagement piégeux dans la froidure
ininterropue d’imprévus s’abat
terne d’Ann Arbor, Misur eux.
chigan.
aussi un couple harmonieux avec Rien que de très conventionnel,
Violet (Emily Blunt, au meilleur de soit. Le titre lui-même joue la carte
sa fougue comique), ravissante thé- du no suspense, et 5 ans de réflexion
sarde en psycho qu’il demande en applique le strict protocole de la
mariage. Mais les fiançailles s’enli- comédie de remariage actualisée à
une époque où l’on se rue moins à
l’autel. Mais c’est que l’ambition du
film, et son tempérament profond
auquel le déjà-vu ne fait pas peur,
relèvent moins d’un dynamitage en
règle des standards éreintés du
genre que d’un art subtil et décalé
du rebond sur la convention qu’il
fait mine de reconduire.
Cela tantôt par une fulgurance désopilante de montage ou un pas
chassé de son écriture agile, tantôt
par la seule verve histrionne d’un
acteur de second rôle –en tête, Alison Brie, découverte dans les séries
Mad Men et Community, vole la vedette à quiconque partage un plan
où elle figure.
Candeur tendre. Tout semble dit
dès la séquence d’ouverture. Alors
qu’ils se rendent à une soirée, Tom
insiste balourdement auprès de
Violet pour marquer un détour par
le restaurant où il travaille afin de
régler une tracasserie administrative. Elle renâcle, lui s’empêtre
dans son plan et finit par lui avouer
qu’il avait là-bas le dessein de la
demander en mariage.
On pourrait s’en tenir là, mais la
scène s’étire, et les amants se prêteront tout de même au jeu de sa
mise en scène éventée, certes déjà
instruits de ses rouages (comme
l’est aujourd’hui à l’avance tout
spectateur d’une comédie romantique), mais pleins d’une candeur
tendre qui en fera peu à peu dériver
les enjeux. La séquence est magistrale, mais c’est aussi un programme, et le film le tiendra près
de deux heures avec un brio et une
drôlerie jamais entamés.
JULIEN GESTER
REPRISE L’œuvre de jeunesse d’Antonioni renaît à Paris.
D’AUTRES FILMS
«Femmes entre elles», cibles des hommes
Inutile de le cacher : cette
semaine de sorties n’est pas la
plus rutilante de l’année. En vrac,
il faudra néanmoins avoir un mini­
mum d’estime pour THE COLOR
WHEEL, de et avec Alex Ross
Perry, virée d’un frère et d’une
sœur chez l’ex de cette dernière,
qui pointe au rayon comédie
américaine pas bégueule.
Un humour social qui irrigue
pareillement FRIENDS WITH KIDS,
de et avec (décidément) Jennifer
Westfeldt, dont on a déduit – à
tort ou à raison ? – que le titre
pouvait dispenser de visionnage.
Deux gars et une fille, c’est aussi
le line­up d’ANNALISA, de Pippo
Mezzapesa, bluette italienne qui
ne devrait faire se retourner
aucun des grands spécialistes
d’antan dans leur tombe.
Enfin, REBELLE vante la force de
caractère d’une princesse écos­
saise façon Pixar, «avec la partici­
pation exceptionnelle de
Bérénice Béjo», nous assure l’affi­
che – sans qu’on ait encore com­
pris le sens de cette accroche.
omme souvent à cette époque (1955), le titre
original vaut beaucoup mieux que sa traduction: Le Amiche –les amies– de préférence à
Femmes entre elles qui vaporise un parfum homosexuel. Les amies sont une dizaine d’habitantes de
Turin, qui fricotent dans la bourgeoisie artiste ou
oisive, et ses mondanités. Leur métier (ou leur vacuité) consiste à voir ou se faire voir : mannequin,
artiste, coquette, presque pute. Mais le regard qui
les construit ou les détruit (un suicide dans le rôle
du retour du réel) est celui des hommes. Fiancé,
mari, amant, qui ne voient en elles que l’occasion
de s’assouvir sexuellement ou de les massacrer
moralement. Du coup, c’est l’aveuglement général
et, au milieu de tous, comme un liant paradoxal, le
néant (des sentiments, des relations humaines, de
la lutte des classes avortée). Antonioni, alors encore
balbutiant, filme à l’aune de cette pavane pour une
société pourrissante: sa caméra très mobile chorégraphie le ballet des apparences, qui culmine lors
d’un défilé de mode particulièrement funèbre. Une
pluie d’atomes chute dans le vide. Il fait froid.
Antonioni relève le col de sa veste et disparaît, dans
La Notte.
C
Le Amiche, en français Femmes entre elles, de Michelangelo Antonioni. PHOTO LES ACACIAS
GÉRARD LEFORT
LIBÉRATION MERCREDI 1ER AOÛT 2012
CULTURE
LE FESTIVAL
À CAPBRETON,
LE CONTE
EST BON
Aïtal, le burlesque en toute modestie
Succédant à la Piste là, qui lui a permis de se
faire connaître à travers le monde, la compagnie Aïtal promène depuis fin 2011 son nouveau spectacle, Pour le meilleur et pour le pire.
Troupe de cirque aux format et ambition modestes, l’affaire – dont les numéros privilégient le main à main– tourne autour du couple que forment le gaillard toulousain Victor
Cathala et sa compagne, la fluette Finlandaise Kati Pikkarainen, anciens membres du
Centre national des arts du cirque de
Châlons-en-Champagne. Ajoutons à cela une
voiture facétieuse, un petit chien qui fait de
la figuration et l’on obtient une heure indéniablement plaisante qui trouve son juste
équilibre entre burlesque et poésie. G.R.
PHOTO MARIO DEL CURTO
«Pour le meilleur et pour le pire», compagnie
Aïtal, dans le cadre de Paris quartier d’été.
Parc de Bercy (75012), jusqu’à dimanche, 20h30
en semaine, 17heures le dimanche.
Rens.: www.quartierdete.com
Le conte poursuit son petit
bonhomme de chemin
dans la commune estivale
de Capbreton, dans les
Landes, avec la 23e édition
du festival local qui a pour
thème «Gens d’ailleurs».
Les élus ont désormais
incrusté le genre dans le
paysage à l’année, avec la
maison de l’oralité et du
patrimoine qui sert notam­
ment de lieu de résidence.
Le festival, qui s’ouvre ce
matin à 10 heures, se
déroule dans plusieurs
lieux de la ville, sur les
places et dans les salles.
Formes orales et musicales
pour enfants et adultes
s’égrènent toute la journée,
jusqu’à l’apéro­conte et le
spectacle du soir. On peut
y découvrir la performance
musicale de Michèle
Nguyen (Le vent n’est pas
tout seul dans l’air, ce soir
à 21h30); le spectacle de
mime de Nozomi Horie et
Takeshi Shibasaki (Silences
amusants d’un couple en
blanc, aujourd’hui et
demain à 10h30 et 12h15);
la création sur le Moyen­
Nord québecois de Renée
Robitaille (le Chant des os,
vendredi à 21h30) ou
encore celle de Catherine
Zarcate (l’Arche du temps,
samedi à 14h30). F.Rl
•
29
«The Hobbit» sera une trilogie
New Line Cinéma et Warner Bros ont annoncé lundi que
l’adaptation de Bilbo le Hobbit, prévue pour être réalisée en
deux films, serait complétée par un troisième épisode. Le
réalisateur Peter Jackson justifie cette décision par «la richesse de l’histoire, ainsi que certains épisodes relatés dans les
appendices du Seigneur des anneaux». Les deux épisodes déjà
tournés sortiront en décembre 2012 et 2013.
Décès de l’écrivaine Maeve Binchy
L’écrivaine irlandaise Maeve Binchy est morte lundi à 72 ans.
Ancienne journaliste, elle a vendu plus de 40 millions de livres dans le monde. Célèbre pour ses descriptions minutieuses de la vie irlandaise, Binchy est notamment l’auteur du
Cercle des amies, adapté au cinéma en 1995.
Des citations inventées de Bob Dylan
Jonah Lehrer, auteur d’une biographie de Bob Dylan, a reconnu avoir inventé ou manipulé des citations du chanteur
dans son dernier livre, qui s’est déjà vendu à 200000 exemplaires. Journaliste au New Yorker, il a dû démissionner après
qu’un autre journaliste, spécialiste de Dylan, l’a confondu.
LE DISQUE
THE HUNDRED IN THE
HANDS, ROUGE COMME
LA NUIT
The Hundred in the Hands passe la seconde. Vingt mois
après la sortie d’un opus initial emballant, le duo electro
formé en 2008 à Brooklyn revient avec Red Night. Soit
dix titres à l’éclat moins évident et au charme nettement
plus complexe que leurs aînés. Le premier album comp­
DÉMESURE Le milliardaire dément avoir hypothéqué
tait quelques mélodies d’obédience pop­disco dans son
Voie Rapide:Mise en page 1 31/07/12 11:29 Page1
la «plus grande maison des Etats-Unis».
propos electro cold­wave et post­punk. Avec Red Night,
le couple formé à la scène comme à la ville par la Califor­
nienne Eleanore Everdell (voix et synthé) et le Sud­Afri­
cain Jason Friedman (guitare et machines) livre un essai
exigeant, au charme sombre, dépourvu de titre dansant.
Les deux corbeaux underground n’ont pas vraiment dévié
Charte Graphique :
EXEMPLE / Format: 122x111
- quadri
de leur
route labyrinthique sous influence gothique, mais
accéléré. Résultat: ce manifeste sans concession ne
Festival du conte, Capbreton
`
décevra pas leurs supporteurs. Quant aux amateurs du
(Landes), jusqu’à samedi.
Pas de césure dans l’encart
chant délicat d’Everdell, ils trouveront avec Red Night la
Rens.: 0556448047 ou
avid Siegel tient sa Le film suit le quotidien moral», permet au specta- www.capbreton.fr/festivaldu­
BO de promenades vaporeuse au soleil de minuit. Ph.B.
«Versailles de Floride»:
Siegel au pied du mur
D
revanche. Ce mil- flamboyant du millionnaire teur d’avoir de l’empathie
liardaire américain et de sa femme, et scrute pour ces super-riches qui
de 77 ans, à la tête de la l’impact de la crise sur leur ont aussi vécu la crise, le
chaîne d’hôtels Westgate Re- vie. Il s’achève sur la suspen- procès est toujours en cours,
sorts, répète à qui veut l’ension
des travaux
du palais, en et d’autres pourraient suivre.
Neutraface
Display
Light
tendre qu’il va reprendre la une «allégorie de l’hubris Façade. Après avoir tenté
Corps 24(sur deux lignes) (18/20sur trois lignes) – Noir
construction de «la plus américain» selon la réalisa- d’annuler la projection à
grande maison des Etats- trice, Lauren Greenfield.
Sundance, Siegel mène
Unis». Cette propriété Récompensée au dernier fes- aujourd’hui une campagne
d’Orlando, qui dépasse tival de Sundance, Green- de communication assidue
les 8000 m², a été pensée sur field a aussi été gratifiée d’un pour sauver la face, alors que
Suite accroche :Neutraface Display Medium
le modèle de Versailles. Elle procès pour diffamation de la le film est projeté dans les
corps 24part
couleurde
noirSiegel : le film sug- salles américaines. Selon le
doit comprendre dix cuisines, un terrain de base-ball,
milliardaire,
trois piscines et un cinéma. L’arrêt de la construction de la
non seulement
Les fenêtres à elles seules vason entreprise
Titling
Displayd’Orlando
40 Neutraface
propriété
fait
l’objet
lent 4 millions de dollars
fait de noucyan 50%noir qui a fait
: 100%
corps14 couleur
d’un
documentaire
(3,2 millions d’euros). De
veau des progagner
à
total
au
DVD
quoi rivaliser avec le château sortir Siegel de ses gonds.
fits, mais elle
Bold
Display
Neutraface
californien de William Rann’a «jamais été
noir
couleur
12
corps
dom Hearst – magnat de la gère que la maison a été hy- aussi rentable». Il affirme
presse mort en 1951 et mo- pothéquée et que l’entreprise également être en train de
dèle de Citizen Kane –, de- a fait faillite, ce qu’il dément boucler les formalités pour
venu monument historique. formellement, ajoutant que reprendre les travaux de la
un DVD
Pour recevoir
Limousine. Mais la consde nombreux
éléments façade de la maison et, pourMedium
Display été
Neutraface
truction a été interrompue
il auraient
mis en scène, quoi pas, achever le bâtiment
couleur noir
corps : 12comme
y a trois ans, alors que l’enquand son épouse entier. Conquérant donc,
treprise touristique de Siegel emmène ses enfants dans un mais pas fou: le «Versailles»
subissait les [email protected]
de drive-in en limousine.
floridien est toujours en
Display Bold
: Neutraface
Policeque
Mail libé :Bien
la crise. Cet épisode est le suGreenfield
ait souli- vente, au prix de 75 millions
noir
couleur
corps : 12 gné
jet d’un documentaire tout
vendredi
sur le réseau de de dollars tel quel, ou
juste sorti en salles aux Etats- télévision publique PBS que 100 millions achevé.
Unis, The Queen of Versailles.
documentaire,
ANNE LEC’HVIEN
adresse un «conte
précisezlevotre
conte
The Hundreds in the Hands, «Red Night» (Warp)
Découvrez
Tsai Ming-Liang !
Neutraface Display Medium
corps 12
INVITATION
Libération vous invite à découvrir le premier film de Christophe
Sahr, Voie Rapide, qui met en scène la vie d’Alex, 25 ans, passionné
de tuning, de vitesse et de route.
Avec Christa Théret et Johan Libéreau.
15 invitations pour 2 personnes valables
dans toutes les salles de cinéma.
Pour recevoir une invitation,
adressez votre demande à :
[email protected]
Précisez votre adresse postale complète.
Vous disposez d’un droit d’accès, de rectification et de suppression de vos informations personnelles (art.27 de la loi informatique et libertés). Les informations recueillies
sont destinées exclusivement à Libération et à ses partenaires sauf opposition de votre part en nous retournant un email à l’adresse mentionnée ci-dessus.
•
Par Carlos Giménez
30
BD
LIBÉRATION MERCREDI 1ER AOÛT 2012
BD
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RÉSUMÉ DES
ÉPISODES
PRÉCÉDENTS
Espagne
franquiste,
années 50. Pepe
est un trop bon
dessinateur.
Il travaille chez
Producciones
ilustradas,
dirigées par
un dénommé
Truffaut.
En librairie à partir
du 27 septembre
A suivre...
LIBÉRATION MERCREDI 1ER AOÛT 2012
LIBÉRATION MERCREDI 1ER AOÛT 2012
PORTRAIT FRANÇOIS KORBER
Sorti de prison il y a trois ans, l’autoproclamé «Robin des lois» est
un redoutable procédurier. Qui se bat contre l’institution carcérale.
Ferrailleur de la taule
Par MATHIEU PALAIN
Photo YANN RABANIER
O
n pense tout de suite à un renard chétif à carquois
et chapeau vert qui détrousse des riches en forêt
de Sherwood. On relit le pseudo. Raté, c’est Robin
«des lois» et pas «des bois». Du coup, on réalise
que ce grand dégingandé se passionne dans l’épluchage des
Dalloz à la lampe torche. Moins fun.
François Korber est Robin des lois. Ce n’est pas de la schizophrénie mais l’histoire d’un sexagénaire qui a vécu deux
vies. Dans la première, il est fils de grands bourgeois bordelais, scout et choriste, diplômé d’Henri-IV, marié à 22 ans
et propriétaire d’un domaine de 70 hectares avec le manoir
et la ferme qui vont avec. Dans la seconde, il est un ex-taulard
au RSA qui se bat dur avec peu, pour défendre les 70000 détenus de France. Entre les deux, il a beaucoup raté.
Commençons par la première vie. Adolescent studieux, François Korber fait ses classes dans le privé catholique. Ses parents l’envoient ensuite à la capitale: «Tu feras khâgne et Normale, mon fils.» Korber aime les lettres et le latin mais la
motivation pour le concours ploie sous les heures passées à
la Cinémathèque. Il n’aura pas Normale mais trouve Carine.
Elle à 20 ans, lui 22. Les deux rebelles se marient contre l’avis
de la famille Korber qui interdit toute cérémonie avant l’agrégation. Jusqu’ici tout va bien. Après, il choisira à chaque fois
la route qui l’entraînera un cran plus bas.
Korber se lance en politique à 26 ans. Jacques Chaban-Delmas
est «un ami de la famille». Le jeune Bordelais rentre au bercail
et perd les municipales. Aux législatives, il se fait battre à
nouveau. «On m’a refilé la circonscription la plus ingagnable
d’Aquitaine, elle votait à gauche à 65%. On ne peut pas lutter
à ce point contre la sociologie.» Sa carrière politique va se déliter à tel point qu’en 1982 le voilà à sa permanence, avec
le cadavre d’un ancien associé troué de deux balles et le
meurtrier à ses côtés. S’en suit un scénario rocambolesque
où le corps est roulé dans un carré de moquette puis balancé
d’un pont. «Je ne souhaite à personne de se trouver avec un
cadavre sur les bras, dit-il, sérieux. J’étais médusé, incapable
d’aligner une idée.» Pour preuve, sous le pont, la Dordogne
coule à sec. Le corps sera découvert le lendemain. Korber
prend quinze ans.
Depuis sa cellule, il rumine sa revanche. Contre qui? «Ceux
qui m’ont trahi. Ce n’est pas la gauche qui m’a fait tomber, ce
sont mes amis.» Il n’y aura pas de come-back car Korber
tombe encore deux fois : des chèques volés et une histoire
d’attouchement sur mineurs qu’il a toujours niée. Il est sorti,
il y a trois ans. Fin de la première vie.
La seconde raconte une longue bataille contre la prison. Derrière les murs, là où d’autres trouvent leur évasion dans la
religion ou les haltères, Korber se plonge dans le droit. 1994,
réforme du code pénal. Son œil pétille : «L’offensive a commencé là.»
On lui refuse un permis de visite, il attaque, et gagne. Il est
comme ça Korber, on lui dit non, il attaque. Une autre fois,
il a mal au dos et demande à voir un kiné. On lui propose le
généraliste de la prison. Il saisit le tribunal administratif au
nom du «droit au libre choix de son médecin». En 2000, il souhaite acheter son poste de télévision quand tout le monde le
loue au mois. Il veut un ordinateur aussi. Il aura les deux, mais
son acharnement à traquer la faille lui vaudra un tombereau
de sanctions et de transferts disciplinaires. Il surprend en
citant par cœur la note transmise par un des directeurs à la
pénitentiaire : «Il convient de l’affecter dans un petit établissement le plus loin possible de sa région d’origine afin de limiter
au maximum sa capacité de nuisance envers l’institution.» Le
petit établissement sera Riom,
122 places. Il fronce les sourcils EN 6 DATES
sous ses cheveux bien peignés.
«Là-bas, ils ont voulu me tuer. 1952 Naissance à Paris.
Au mitard, j’ai cru mourir de 1977 Débuts en politique.
froid.» Sorti vivant, il fait 1982 Incarcération pour
constater par un huissier l’hu- complicité d’assassinat.
midité qui trempe jusqu’aux os 3 avril 2009 Libération et
naissance de l’association
et les courants d’air qui glacent
Robin des lois.
la cellule.
Février 2011 Obtient la
Spécialiste du droit péniten- télé à 8 euros par mois
tiaire, l’universitaire Martine pour tous les détenus.
Herzog-Evans loue son savoir Avril 2012 Contribue à la
juridique et le décrit en poil à non­élection de PPDA à
gratter. C’est ça. Elle pourrait l’Académie française.
aussi dire pitbull. On le soupçonne de prendre plaisir à naviguer dans ce dédale procédural
fait de requêtes avec accusés de réception. On ne sait pas
comment le présenter. Lui, dit sans hésiter : «Je fais la pute
pour la bonne cause. Ce serait pareil si je vendais des bagnoles
ou des parfums, je suis un démarcheur.» C’est vrai. En 1991,
il racolait les vétos pour vendre des assurances pour chiens
et chats.
Pour populariser son combat, il a écrit à chaque académicien,
feignant de soutenir PPDA, en campagne pour la Coupole,
tout en faisant malicieusement la liste de ses faux pas. Ce qui
a précipité la chute du postulant.
François Korber parle beaucoup. Trop, parfois. Il suffit de
poser une question pour ouvrir les vannes. On a fait le test,
il tient un quart d’heure sans relance, tranquille. C’est sa
force, il crie pour les sans-voix et balade chaque jour sa R19
en fin de vie entre la bibliothèque de droit et son appartement
submergé par les dossiers. On lui demande pourquoi il n’a
pas rendu les armes une fois dehors. Il esquive. «Je n’ai pas
toujours le moral, parfois j’ai envie de tout arrêter.» L’association Robin des lois vivote. Ils sont cinq bénévoles à entourer FK, ils payent le téléphone à tour de rôle et tous tirent
la langue à la fin du mois. «Il nous faut 200000 euros de budget
annuel», lance-t-il, en chercheur de mécène.
Il faut parler famille pour toucher la fêlure. Sa carcasse de
deuxième ligne se fige lorsqu’il raconte la fracture avec ses
parents. Ils n’ont pas supporté la mauvaise réputation et ont
coupé les ponts. Carine aussi l’a quitté. Elle est partie en Afrique du Sud avec Edouard, leur fils de 2 ans qui en a 30
aujourd’hui. François Korber, qui vit seul désormais, ne l’a
jamais revu. Pour ses 18 ans, il a tenté le coup du cadeau surprise : «J’avais loué un hélicoptère pour l’apercevoir dans le
jardin. Sa mère m’a interdit d’approcher.» Il laisse un ange passer. Le premier depuis des heures. Puis il repart de plus belle
sur son «nouveau combat», une bourse du travail pénal.
«L’idée, c’est de démarcher les patrons pour qu’ils embauchent
des détenus en conditionnelle. Quand tu sors de taule, on te refuse
même les boulots de merde.» La politique l’intéresse toujours
mais il reste déchu de ses droits civiques. «Je dois les récupérer
vers 2032, c’est absurde.» S’il avait pu, il aurait voté Hollande
aux deux tours, sans conviction. «Il ne me fait pas bander,
mais il fallait virer l’autre.» A peine élu, le Président a reçu une
lettre signée Korber. «Une demande pour créer un secrétariat
d’Etat à la condition pénale.» Ah, et qui pour le poste? «Si on
me donne cinq personnes à temps plein, dans trois ans, on a
10 000 détenus de moins.» Il est sérieux. •