L`éléphant devenu tigre - Audace Institut Afrique
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L`éléphant devenu tigre - Audace Institut Afrique
L’éléphant devenu tigre 20 ans de réforme économique en Inde Par Swaminathan S. Anklesaria Aiyar Analyse publiée initialement par le CATO institut : http://www.cato.org/ Traduction d’Audace Institut Afrique : http://www.audace-afrique.net/ Publié en juillet 2011 Résumé Confrontée à une crise des devises étrangères en 1991, l’Inde dût abandonner des décennies de socialisme marqué par un repli sur elle-même, pour adopter des réformes économiques qui transformèrent l’éléphant pataud en denier né des tigres asiatiques. Lors de la dernière décennie, le taux de croissance du Produit Intérieur brut de l’Inde (PIB) a atteint plus de 8 pour cent en moyenne, et en l’espace de deux décennies, le revenu par habitant a connu une très forte progression, passant de 300$ à 1700$. L’Inde récolte un énorme dividende démographique, au moment où la Chine est vieillissante, si bien qu’au cours de la prochaine décennie, l’Inde pourrait dépasser la Chine en termes de croissance. Dès la mise en œuvre des réformes, en 1991, de nombreux critiques prédirent que l’Inde souffrirait d’une « décennie de croissance perdue » à l’instar des pays africains qui s’étaient soumis aux politiques de la Banque Mondiale et du FMI dans les années 80. Ils mettaient en garde contre l’ouverture vers l’extérieur qui risquait provoquer l’écrasement des entreprises indiennes par les multinationales, quand parallèlement des mesures fiscales rigoureuses étrangleraient la dépense sociale, et les filets de protection, affectant les personnes pauvres et les régions. Toutes ces terribles prédictions se sont avérées fausses. Les hommes d’affaires indiens s’en sont très bien sortis, et plusieurs d’entre eux ont réussi à hisser leurs entreprises au rang de multinationales. Les énormes recettes provenant de la croissance rapide ont impulsé un taux record aux dépenses du gouvernement dans les secteurs sociaux et les filets de protection, même si l’on y note du gaspillage et de la corruption à grande échelle. Ainsi, d’un taux préalable de 45,3 pour cent enregistré lors de l’année fiscale 1994, la pauvreté a chuté à 32 pour cent au cours de l’année fiscale 2010, et en l’espace de deux décennies, le taux d’alphabétisation est passé de 52,2 pour cent à 74 pour cent, ce qui représente la plus grande performance jamais réalisée par l’Inde. Plusieurs des états les plus pauvres ont vu leur taux de croissance doubler ou tripler depuis 2004 et les moyennes salariales y ont augmenté de plus de 50 pour cent au cours des trois dernières années. Pourtant, l’Inde souffre toujours de la mal gouvernance et d’un environnement défavorable aux affaires. Environ un quart des districts ont connu des violences de type Maoïste et la corruption demeure une préoccupation majeure. L’Inde se classe très bas dans les indicateurs du Doing-business. Une règlementation du travail très stricte ne permet pas aux entreprises indiennes de se doter d’usines d’envergure dotées d’une main d’œuvre suffisante pour optimiser leurs exportations comme en Chine. L’inde a autant besoin de réformes économiques que d’une meilleure gouvernance car sur ce dernier point, les progrès sont insuffisants ; il est donc primordial de faire avancer les choses en vue d’impulser les réformes économiques. Swaminathan Aiyar est chercheur au Cato Institute’s Center for Global Liberty and Prosperity. Il a été l’éditeur des deux plus grands journaux indiens relatifs à la Finance, the Economic times and Financial Express. L’éléphant devenu tigre - par Swaminathan S. Anklesaria Aiyar Introduction Confrontée à une crise des devises étrangères en 1991, l’Inde entama des réformes économiques progressives, inégales, mais continuelles qui ont changé son niveau de vie et sa place dans le monde en l’espace de deux décennies. En 1991, l’Inde donnait au monde l’image d’un infatigable quémandeur d’aide internationale, touché de façon récurrente par des crises alimentaires et des crises de devises étrangères, et englué dans une gigantesque toile de contrôles au nom du sacrosaint socialisme que les politiciens utilisaient pour s’enrichir et tisser des réseaux d’influence. Au début de cette année là, le magazine Economist mena une étude sur l’Inde intitulée « le Tigre en cage ». Cette étude concluait malheureusement que l’Inde resterait encagée, sans parvenir à se hisser au rang des autres tigres asiatiques qui sont devenus des modèles de miracle économique (1). De nombreux analystes comparaient l’Inde à un éléphant pataud, tout le contraire du tigre chinois. Vingt ans plus tard, l’éléphant indien s’est en réalité mué en tigre. Il a enregistré une croissance de 8,5 pour cent au cours de la précédente décennie et n’a connu que de faibles secousses lors de la grande récession de 2007-09, avant de retrouver une croissance de 8,5 en 2010-11 (voir tableau 1) (2). De 300$ en 1991, son revenu par habitant a connu une forte augmentation, atteignant environ 1700$ aujourd’hui. Cette année, son Produit intérieur Brut excédera largement les 2 trillions de dollars (3), et pourrait être de 4,5 trillions en termes de parité du pouvoir d’achat, ce qui en ferait la troisième plus grande économie mondiale, après les Etats-Unis et la Chine. L’Inde est aujourd’hui considérée comme une potentielle super puissance, et les Etats-Unis l’ont même plébiscitée pour l’obtention d’un siège de membre permanent au conseil de sécurité des Nations Unies. Les analystes politiques l’entrevoient comme le seul pays asiatique capable de contrer l’hégémonie chinoise au XXIe siècle. Selon les prévisions de nombreux analystes (au nombre desquels Goldman Sachs à qui l’on doit le terme de BRIC’s à savoir Brésil, Russie, Inde et Chine), l’Inde surclassera bientôt la Chine en terme de croissance économique rapide dans le monde (4). Cependant, il y a toujours un vaste programme de réformes à entreprendre. Dans le rapport du Doing Business(5) de la Banque Mondiale, l’Inde ne se classe qu’à la 134ème place sur 183 pays en termes de facilité d’entreprendre des affaires. Dans l’index de développement des Nations Unies, l’Inde occupe seulement la 121ème, et ses indicateurs au plan alimentaire font partie des plus alarmants dans le monde (6). Un quart des districts du pays souffre d’insurrection de type Maoïste. Des réformes majeures au plan économique et au plan de la gouvernance s’imposent dans les années à venir. Bref historique des 20 années de réforme Après l’indépendance en 1947, l’Inde opta pour un modèle de développement socialiste, priorisant l’autosuffisance et la prédominance du secteur public. Cela se traduisit par une attitude de repli sur soi et de scepticisme vis-à-vis des marchés et du commerce international. Dans les années 70, le taux d’imposition sur les revenus pouvait atteindre 97,75 pour cent, avec en prime, un impôt sur la richesse à hauteur de 3,5 pour cent, prélevé pour promouvoir la politique du garibi hatao (abolir la pauvreté) de Indira Ghandi. Or la pauvreté n’en fut pas pour autant éradiquée durant les trois décennies post indépendance, et la moyenne de croissance du PIB ne représenta que 3,5 pour cent par an, (le fameux « taux Hindou » de croissance), la moitié de la performance réalisée par les Tigres asiatiques pratiquant l’ouverture et des politiques tournées vers le marché. L’éléphant devenu tigre - par Swaminathan S. Anklesaria Aiyar Tableau 1 Accélération de la croissance du PIB de l’Inde Croissance du PIB % 1950-1980 3.5 1980-1992 5.5 1992-2003 6.0 2003-2010 8.5 Source : Calcul établi d’après les tableaux du gouvernement Indien, (Etude économique 2010-2011) Economic survey 2010-2011 : http://indiabudget.nic.in/es2010-2011estat1.pdf. Dans les années 80, la croissance atteignit 5,5 pour cent, du fait d’une certaine libéralisation économique assortie de dépenses publiques incontrôlées. Mais cela se fit à coût d’emprunts massifs et l’aventure prit fin de manière dramatique lorsque l’Inde se retrouva à court de devises étrangères en 1991. Alors que Rajiv Ghandi, le grand favori des élections de juin 1991, fut assassiné par un terroriste Sri-lankais, aucun parti ne remporta la majorité absolue, et le parti du congrès forma une faible minorité gouvernementale conduite par Narasimha Rao, qui ne pesait pas très lourd sur la scène politique. Ainsi présentées, les conditions politiques et économiques n’étaient guère favorables. L’Union Soviétique s’effondrait, signe patent qu’une dose plus élevée de socialisme n’était pas la solution. Pendant ce temps, Xiaoping avait révolutionné la Chine, montrant que le marché était la voie à suivre. Ainsi, beaucoup plus encline au triste réalisme qu’au triomphe idéologique, l’Inde se détourna du socialisme pour un semi libéralisme. Il n’y avait ni Ronald Reagan, ni Margaret Thatcher en Inde, la réforme fut un processus pragmatique. Les partis d’opposition accusant l’Inde de s’être vendue au Fonds Monétaire International, jurèrent d’inverser les réformes dès leur accession au pouvoir. Mais en deux ans, les réformes restaurèrent les finances de l’Inde, et au bout de trois ans, c'est-à-dire de 1994-1997, l’Inde enregistrait une moyenne de croissance de 7,5 pour cent du PIB, inscrivant un nouveau record. Avec un succès aussi fulgurant, il ne fut plus jamais question d’inverser les choses, et l’Inde s’attela toujours à poursuivre le programme des réformes quelque soit la combinaison politique en place. Certes, le processus fut hésitant, changeant, ou parfois partiellement inversé, mais de façon globale, les choses évoluèrent dans le même sens. Puisqu’aucun parti n’osa libéraliser le cadre juridique trop restrictif du marché du travail, l’Inde ne put s’imposer sur le plan des industries qui nécessitent une main d’œuvre à grande échelle. Pourtant à la surprise générale, l’Inde émergea comme une puissance majeure dans le domaine des industries de haute technologie, notamment dans la production de logiciels d’ordinateur, le tourisme médical, l’exportation de voitures, les travaux de recherche et de développement (R&D). La crise financière asiatique de 1997-1999 fut le premier test de la résilience des réformes indiennes. Bien que la croissance en prit un coup, en partie parce qu’il s’agissait d’une économie relativement fermée, le pays s’en tira néanmoins sans grands dommages, sans imposer de nouveaux contrôles sur les capitaux, et surtout sans avoir recours aux aides du FMI, comme l’ont fait de nombreux voisins asiatiques. En effet, il s’agit de la période au cours de laquelle l’industrie indienne de conception de logiciels informatique acquit ses lettres de noblesse, en jouant un rôle de premier plan dans la production de logiciels capables de contrecarrer le fameux problème Y2K. La récession de 2001 conduisit à une plus grande délocalisation d’entreprises de services informatiques, et de logiciels, et l’Inde tira partie de cette opportunité. Durant la décennie suivante, l’Inde gravit encore des échelons en proposant une technologie de plus en plus élevée, preuve que l’Inde ne disposait pas seulement d’une main d’œuvre bon marché, mais L’éléphant devenu tigre - par Swaminathan S. Anklesaria Aiyar de compétences de premier rang. En 2000, l’Inde affichait sa compétence à l’échelle mondiale en services informatiques, plutôt que dans l’industrie où les gros poids lourds de la Chine écrasaient toute possibilité de concurrence. Avec des lois du travail restrictives, il était pratiquement impossible pour des entreprises comptant déjà plus de 100 travailleurs d’accroître leur main d’œuvre. Du fait de cette rigidité, l’Inde ne pouvait, à l’instar des autres tigres d’Asie, miser sur une croissance liée à des exportations massives nécessitant une main d’œuvre importante. Les entrepreneurs indiens prudents quant à l’implantation de grandes unités de production pour l’exportation de vêtements par exemple, ont donc été supplantés par le Bangladesh dans ce secteur. Mais après avoir pris le temps de se mettre à l’heure de la mondialisation et du libéralisme (ce à quoi s’opposait le Club de Bombay, un groupe influent et quasi protectionniste de l’industrie) les industries indiennes ont grandement amélioré leur productivité et sont devenues très compétitives dans bien des domaines à l’échelle mondiale. A titre d’exemple et pour renseigner sur le chemin parcouru, en 1991, le premier budget du ministre des Finances Manmhoman Singh’s réduisit la taxe maximale sur l’importation à un taux toujours aussi faramineux de 150 pour cent. Ladite taxe était montée jusqu’à 300 pour cent. Au jour d’aujourd’hui, la norme n’est plus que de 10 pour cent de taxe sur l’importation, et le taux effectif pour de nombreux articles s’articule autour de 7 pour cent, moyenne proche des pays situés beaucoup plus au sud de l’Asie. Toujours en 1991, les industries de taille moyenne n’avaient pas le droit de produire plus de 800 articles, tandis que le secteur public bénéficiait d’une quote-part de production beaucoup plus élevée. Ces restrictions ont été progressivement réduites sur plus d’une décennie. Les contrôles sur la production industrielle, les importations, la technologie et les devises extérieures ont été supprimés ou assouplis de manière considérable. Alors qu’il relevait jusque là du monopole quasitotal de l’Etat, le secteur financier est aujourd’hui libéralisé avec l’admission de plusieurs acteurs privés ou étrangers. Il demeure cependant toujours aussi fortement régulé, puisque l’Etat contrôle notamment 70 pour cent du secteur des banques. L’investissement étranger a été libéralisé dans plusieurs secteurs, bien que beaucoup reste encore à faire dans les industries de service comme la banque et l’assurance. Les privatisations se sont faites à échelle très réduite, mais l’investissement privé dans les infrastructures et les autres domaines autrefois réservés à l’Etat a transformé le pays, surtout dans le secteur des télécommunications. Quand l’Inde amorçait ce programme de réforme 20 ans plus tôt, il y avait de nombreux sceptiques. Les critiques gauchistes prédirent même que l’Inde s’exposait à connaître le sort de l’Afrique et de l’Amérique Latine, victimes d’une « décennie perdue » en termes de croissance économique dans les années 80, pour avoir suivi les directives de la Banque Mondiale et du Fonds Monétaire Internationale. Selon leurs prédictions, l’ouverture vers l’extérieur et les réductions de taxes sur l’importation provoqueraient un chômage massif et la désindustrialisation de l’Inde. Toujours selon eux, les géantes multinationales prendraient le contrôle de l’économie indienne, et les entreprises indiennes feraient faillite ou deviendraient des sous-fifres d’étrangers. En outre, la rigueur fiscale imposée par le FMI étoufferait les dépenses sociales et les filets de sécurité, fragilisant ainsi les pauvres. Toutes ces sinistres prédictions s’avérèrent fausses ; loin de souffrir une décennie perdue, l’Inde devint un miracle économique, avoisinant une croissance de 8,5 pour cent dans les années 2000. En lieu et place de la désindustrialisation annoncée, l’industrie de l’Inde s’est plutôt hissée à de hauts niveaux, grâce à l’abolition des contrôles et de nombreux géants ont alors pu émerger. Les firmes multinationales ont inévitablement pris le contrôle de quelques entreprises locales, mais la plupart s’en sont bien tirées, si bien que des dizaines d’entreprises se sont hissées au rang de multinationales par leurs propres moyens, en achetant des entreprises à travers le monde. L’Inde commença d’ailleurs à concurrencer la Chine en termes d’achats à l’étranger. Loin de voir les dépenses sociales s’amoindrir avec la baisse de la pression fiscale, les énormes revenus générés par la croissance fulgurante du PIB ont permis de financer la dépense sociale de manière significative. Cependant, l’échec de la réforme des prestations de services a eu pour conséquence le gaspillage ou le détournement de ce revenu additionnel à d’autres fins, intensifiant la corruption. Malgré tant de gaspillage, l’Inde connut une progression de l’alphabétisme, au cours des deux décennies de réforme, et la pauvreté recula de manière considérable. Cependant, certains indicateurs sociaux tardèrent à s’améliorer (7). L’Inde comptait une proportion de 46,7 pour cent L’éléphant devenu tigre - par Swaminathan S. Anklesaria Aiyar d’enfants en sous poids, ce qui la plaçait au troisième rang mondial, en terme de malnutrition. C’est l’une des raisons pour lesquelles l’Inde se classe loin derrière, dans l’indice de Développement Humain des Nations Unies. Vingt ans après le début des réformes, les populations sont irritées par la corruption galopante, conséquence d’un capitalisme entre groupuscules de copains, ce qui limite l’impact des réformes. De nombreux analystes s’inquiètent également du fait que les inégalités vont croissantes, les pauvres n’en ont pas assez bénéficié de la croissance. De telles critiques sont en général exagérées ou carrément fausses. Bien que la pauvreté existe, les populations les plus pauvres, autant que les états et les castes, ont bénéficié de manière considérable du progrès. Cependant, il reste encore beaucoup de réformes à réaliser. Points clés de réussite des 20 ans de réforme La réforme a produit des changements inespérés, elle a induit de l’innovation. On pourrait en résumer les points clés de cette réussite de la manière suivante : La croissance rapide du PIB de 8,5 pour cent alimente la perspective de voir l’Inde dépasser la Chine en termes de croissance au cours de la prochaine décennie. Les réformes s’opérant de manière progressive et hésitante, l’impact met du temps avant de se faire sentir. Après trois années de réformes, la croissance du PIB a connu une accélération de 7,5 pour cent par année, de 1994-1995 à 1996-1997. Tableau 2 Taux de l’épargne indienne en nette progression 1980-1981 Taux de l’épargne/PIB,% 18.5 1990-1991 22.8 2000-2001 23.7 2010-2011 34 Source : Gouvernement indien, Economic Survey 2010-2011, www.indiabudget.nic.in Ensuite la croissance ralentit à une moyenne de pour cent de croissance durable. Le taux élevé de 5,5 pour cent par an, à cause de la crise l’épargne domestique signifie que l’Inde dépend financière asiatique (1997-1999), deux relativement peu de l’afflux étranger, ce qui lui sécheresses majeures (2000 et 2002) et la confère une capacité de résilience en période de récession de 2001. Mais après l’année 2003, la crise financière. croissance s’emballa nettement et atteignit Le revenu par habitant de l’Inde est presque 9,5 pour cent annuellement, pendant passé de 300 $ en 1991 à environ 1700 $ trois années consécutives, de 2005-2006 jusqu’à aujourd’hui. L’impact direct n’a pas 2007-2008. La grande récession de (2007-2009) seulement été l’augmentation des entraîna la chute de la croissance qui resta tout salaires et de l’emploi, mais une très de même remarquable : 6,8 pour cent pendant la forte hausse des fonds alloués à la période 2008-2009, suivi d’un retour rapide à 8 dépense publique, aux infrastructures et puis 8,5 pour cent au cours des deux années aux programmes de lutte contre la suivantes. Le taux de l’épargne grimpa de 21,5 pauvreté, grâce aux énormes revenus pour cent du PIB en 1992-1993 puis à environ générés par la croissance. 34 pour cent en 2010-2011 (voir tableau 2), permettant la hausse de l’investissement, de 22,1 pour cent du PIB à environ 37 pour cent. Cette La croissance rapide de l’Inde n’est pas moyenne d’investissement élevée a permis 8 à 9 liée à l’exploitation d’une main d’œuvre L’éléphant devenu tigre - par Swaminathan S. Anklesaria Aiyar bon marché pour l’exportation de masse, contrairement à la Chine et autres tigres asiatiques. La forte progression du volume des exportations est liée à la mise en valeur des compétences. Une grande première pour un pays en voie de développement. Ce qui signifie que l’Inde est bien partie pour gravir d’autres échelons. L’Inde est mieux connue grâce à l’exportation de logiciels informatiques, bien que ce secteur ne représente guère plus de 2 pour cent de son PIB. D’autres biens d’exportations (légal, ingénierie, services médicaux, R&D) ont connu un essor et ont dépassé 10 milliards de $ en 20102011. Les exportations de voitures et de biens d’ingénierie se sont considérablement accrues, grâce à de nouvelles techniques de fabrication et un nouveau design. L’Inde demeure une économie s’appuyant surtout sur la demande domestique bien que la part de l’exportation ait connu une hausse substantielle. rapport à leur valeur réelle, pour accumuler d’énormes excédents de balance commerciale. L’Inde dispose de nombreux mécanismes de régulation et pendant des décennies, sa banque centrale a maintenu de manière officieuse le taux de change à la moyenne de 1993 sur les marchés. Le but étant typiquement parlant, de cumuler un modique déficit du compte courant, à ne pas confondre avec l’excédent de la balance commerciale. La banque centrale n’intervient plus dans les marchés, et le déficit du compte courant de l’Inde en 2010-2011 était de 2,8 pour cent du PIB financé par l’afflux de capitaux (8). Voilà un modèle de développement beaucoup plus sain et durable que la manipulation de devise. Le vocable indien « jugaad » s’est glissé dans le langage du management. A défaut de pouvoir s’offrir une machine, certains paysans ont eu l’idée de fixer une pompe d’irrigation à un cadre d’acier pourvu de quatre pneus ; le but L’Inde est devenue le leader mondial de étant de fabriquer un engin roulant, le « l’ingénierie faible », un concept « jugaad », dès lors, le jugaad est devenu méconnu dix ans plus-tôt et qui renvoie le terme clé pour désigner une invention à l’habilité de faire le design, puis de permettant de contourner n’importe produire des biens qui ne coûtent pas quel obstacle, tant dans le domaine du seulement 10 ou 15 pour cent, mais 50 à design, que de la vente, de la gestion, 90 pour cent moins cher qu’en Europe. que pour contourner les contrôles de Tata Motors a produit la voiture la l’Etat. Ainsi donc le « jugaad » inclut moins cher au monde, la Nano qui pêle-mêle certaines formes de coûte 2500 $. Bajaj auto est sur le point capitalisme entre groupuscules de de lancer une voiture concurrente, pour copains, la fraude fiscale et l’ingénierie le prix de 3000 $ et consommant 3,785 faible. Une telle connotation négative litres /90 miles (US Gallon). L’Inde entache la crédibilité du terme. Aux possède l’Industrie de dires de certains, les entrepreneurs qui télécommunication la moins coûteuse au ont réussi à maitriser la jungle des monde, avec une tarification de 2 contrôles de la lourde bureaucratie ont centimes par appel. Quant au tourisme acquis de véritables compétences médical, l’une des raisons tiendrait des managériales qui les rendent aujourd’hui tarifs réduits pratiqués en Inde. Narayan plus fort dans la conquête des marchés Hudrayala et Aravind Netrayala, des mondiaux. Il est tout à fait probable que hôpitaux spécialisés dans la chirurgie des certains hommes d’affaires qui ont yeux et du cœur, pratiquent des coûts prospéré sur les bases de ce capitalisme respectivement 1/21ème moins chers entre groupuscules de copains, se que les tarifs en Europe. classent aujourd’hui à l’échelle mondiale, avec à la clé des contrats un peu partout dans le monde, et des affaires colossales. L’on accuse la Chine et certains pays En 1991, de nombreux critiques asiatiques de manipuler volontairement prédirent la faillite ou la prise de leurs devises en les sous évaluant par contrôle des entreprises indiennes par L’éléphant devenu tigre - par Swaminathan S. Anklesaria Aiyar les multinationales du fait d’une concurrence mondialisée. La réalité des faits est que non seulement les entreprises indiennes ont réussi à tirer leur épingle du jeu, mais elles ont réussi l’exploit de se hisser au rang de multinationales. D’ailleurs, au titre des investissements directs étrangers dus à son ouverture l’Inde avec un taux de 0,9 pour cent a surclassé la Chine qui elle est à 0,6 pour cent(9). La firme multinationale Arcelor dont le siège se trouve en Inde est aujourd’hui la plus grande entreprise d’acier au monde. L’entreprise indienne Tata Steel a pris le contrôle de Corus, une entreprise angloallemande six fois plus grande et est parvenue à la redresser. Le groupe Birla a redressé Novellis, une entreprise canadienne, faisant d’elle la sixième plus grande entreprise d’aluminium au monde. Tata Motors a acheté et redressé Jaguar Land Rover, une entreprise emblématique qui avait généré de lourdes pertes sous le contrôle de BMW et Ford, ses précédents acquéreurs. Plusieurs grandes entreprises indiennes de logiciels et de produits pharmaceutiques ont acheté des filiales à l’étranger et sont devenues des multinationales. Reliance Industries Ltd a construit la plus grande raffinerie du monde à Jamnagar, et son « crack » (prix variant selon qu’il s’agisse de brut ou du produit fini) est nettement supérieur à celui des meilleures raffineries de Singapour. Bharti Airtel a pris le contrôle des actifs de Zain’s télécom dans 14 pays africains et projettent d’y casser les prix comme en Inde (10). Les envois de fonds sont restés stables tout au long de la crise financière asiatique et de la grande récession de 2007-2009 et ont grandement contribué à enrayer l’instabilité du portefeuille de capital étranger dans les moments difficiles. L’Inde a notifié aux petits donateurs tels les pays scandinaves que l’Etat n’accepterait plus aucune aide en provenance d’eux, mais qu’en revanche, ils pouvaient directement donner de l’argent aux Organisations non gouvernementales. L’Inde a accru ses emprunts auprès de la Banque Mondiale, mais la part des emprunts a chuté : d’environ 100 pour cent dans les années 70, ils sont désormais à moins de 30 pour cent. L’Inde est en outre devenue un donateur important, et a récemment offert au Bangladesh un programme d’aide de 1 milliard de dollars. Le Premier ministre Manmohan Singh a annoncé des crédits d’une valeur de 5 milliards de dollars aux pays africains (12), lors de sa récente tournée à l’intérieur du continent. L’Inde a progressivement libéralisé ses lois sur l’investissement direct étranger, mais il existe encore des barrières de taille (surtout au niveau de l’agriculture, du détail et des finances), raison pour laquelle les flux en Inde sont moins importants qu’en Chine. Les investissements directs étrangers ont atteint 26 milliards de dollars en 20092010 avant de chuter à 19,4 milliards l’année suivante. Cependant, la plupart des 500 entreprises les plus riches font maintenant des affaires en Inde, surtout dans les services aux entreprises, les En 1991, l’Inde donnait l’image d’un logiciels, la Recherche et infatigable quémandeur d’aide développement. Accenture et IBM y extérieure. Selon les normes mondiales, emploient beaucoup plus de personnes l’afflux d’aide en Inde paraît toujours qu’aux Etats Unis. Des entreprises aussi important ; en 2009-2010, l’afflux comme Microsoft et Intel ont d’abord de l’aide était de 5,9milliards, mais cela été attirées par la main d’œuvre bon représente peu au regard de marché, avant d’en faire leur pilier des l’investissement étranger, (action + compétences. L’Inde est devenue le afflux du portefeuille) de 51,2 milliards principal centre de production pour de dollars, les emprunts commerciaux Suzuki, Hyundai, Bosch, Ford, Abots (qui étaient de 62,8 milliards brut et 10,4 Labs, Daiichi sankyo, Pfizer et autres. milliards de dollars net) et les transferts L’Inde est également devenue un de fonds de la diaspora indienne à important centre pour les activités de hauteur de 53,9 milliards de dollars (11). recherche et de développement dans L’éléphant devenu tigre - par Swaminathan S. Anklesaria Aiyar l’industrie pharmaceutique, les logiciels d’ordinateurs, les entreprises automobiles, étant donné que la recherche et les essais cliniques reviennent moins chers qu’en occident. Kotak Bank, Yes Bank). Certains (notamment dans l’immobilier et les infrastructures) proviennent d’ententes entre amis, mais les autres ne doivent leur réussite qu’à leur propre mérite. Plusieurs entreprises illustres des décennies passées ont mis la clé sous la Les réserves du marché indien étaient à porte (Hindustan Motors, Premier juste titre perçues comme des pièges, automobiles, JK Synthetics, DCM). Sur avec une poignée de courtiers fixant les les 30 entreprises auparavant membres prix de manière illégale, une pléthore de du Sensex (l’équivalent indien du Dow faux certificats d’actions et des périodes Jones Index), seules 9 en font encore de règlements pouvant aller jusqu’à partie, preuve d’une concurrence très plusieurs mois, en fonction des humeurs rude (13). Le Premier ministre des courtiers. En 1992, un énorme Manmohan Singh a dit à propos des scandale éclata, provoquant le nouveaux entrepreneurs, qu’ils n’étaient remaniement du marché financier. pas des fils de riches, mais des enfants L’Inde se dota d’un nouveau marché de la libéralisation (14). boursier sans aucun plafond, le National Stock Exchange, créé bien avant ceux L’Inde récolte aujourd’hui les fruits de de Londres et de New York. Ce l’augmentation de la proportion de nouveau système cassa les prix, et travailleurs qui permet une baisse du supprima toutes formes d’illégalité. Les taux de personnes à charge. Les états de actions furent dématérialisées, l’ouest et du sud ont d’abord adopté le représentées sous une forme processus de régulation des naissances électronique afin de contrer l’usage de avant de récolter le dividende faux certificats. Les temps de paiement démographique à partir des années 80. furent réduits de manière drastique en Les états arriérés du Nord et du Centre T+3 (paiement intervenant trois jours s’inscrivent à présent dans la même après une transaction), l’un des modes logique. Au cours de la dernière de paiements les plus rapides au monde. décennie, le nombre d’enfants âgés de 0 Le marché financier de l’Inde s’inscrivait à 6 ans a baissé de 3,08 pour cent, une ainsi au nombre des marchés les plus grande première depuis l’indépendance. crédibles et les plus efficaces d’Asie, Les baisses les plus significatives ont été raison pour laquelle, les flux financiers enregistrées dans les états pauvres (15). ont y été parmi les plus élevés en Asie, Un récent article de deux économistes contrairement à l’investissement direct du FMI Shelkar S. Ayar et Ashoka étranger qui continue à stagner. Mody (16) met en évidence que le dividende démographique peut justifier 40 pour cent de la croissance Dans plusieurs pays en développement, additionnelle du PIB depuis 1980. Ils grâce à leurs relations politiques, un estiment l’augmentation de la croissance groupuscule de copains capitalistes ont à 1,74 pour cent du PIB dans les années dominé le secteur de l’industrie ; l’Inde 2000 et projettent environ 2 pour cent ne constitua pas une exception à cette de croissance lors des deux prochaines règle, jusqu’à l’année 1991. A partir de décennies avant d’enregistrer une baisse. cette année là, la libéralisation a permis La Chine a cumulé son dividende l’émergence de nouveaux entrepreneurs. démographique beaucoup plus tôt, grâce Les plus connus opèrent dans les à la politique de l’enfant unique de Mao, logiciels, mais un grand nombre s’est mais cela ne pourrait plus être possible imposé dans l’univers pharmaceutique d’ici peu, car le pays se fait vieillissant. (Sun Pharma, Glenmark, Dr Reddy’s C’est la raison pour laquelle des Labs, Ranbaxy), dans les infrastructures, économistes comme Goldman Sachs (Adani, Lanco, VMR, GKV, IVRCL), prédisent que l’Inde surclassera la Chine dans les télécoms (Bharti, Airtel), dans en termes de PIB (GDP) au cours de la l’acier (Jindal, Bhushan), dans la finance prochaine décennie. (ICICI Bank, HDFC Bank, Axis Bank, L’éléphant devenu tigre - par Swaminathan S. Anklesaria Aiyar Comment les réformes ont profité à la moitié la plus pauvre. De nombreuses critiques ont dénoncé le fait que les réformes de ces 20 dernières années avaient court-circuité les régions pauvres, de même que les tranches les pauvres de la popultaion à l’instar des « dalits » (autrefois appelés les intouchables) ; ces pauvres gens auraient en désespoir de cause adhéré au Maoïsme, qui aujourd’hui affecte environ un quart de tous les districts. Les critiques dénoncent également le fait que les indicateurs sociaux et les indicateurs de pauvreté ne se sont pas rapidement améliorés. Ces critiques relèvent essentiellement de l’exagération ou du mensonge. Les régions pauvres Selon de nombreux critiques, les régions pauvres ont été court-circuitées par la croissance rapide du PIB. A titre d’exemple, James Lamont écrivit un article dans le Financial Times intitulé « high growth fails to feed India’s hungry » (17) « quand la très forte croissance ne parvient pas à nourrir l’Inde affamée ». C’est tout à fait inexact. La proportion de personnes se plaignant de souffrir de la faim de façon permanente ou périodique est passée de 17,3 pour cent en 1983 à 2,5 pour cent en 2004-2005. Six états pauvres et arriérés qui totalisent la moitié de la population indienneUttar Pradesh, Bihar, Madhya Pradesh, Orisha, Chhattisgarh, et Jharkhand- ont enregistré une croissance exceptionnelle ces dernières années, dépassant de loin la moyenne nationale. D’un point de vue historique, les états de l’ouest et du sud de l’Inde ont toujours fait office de dynamos, tandis que les états du nord et du centre fermaient la marche loin derrière. Cependant, au cours des cinq années allant de 2004 à 2009, le taux de croissance a grimpé de manière fulgurante dans les états pauvres du nord et du centre (voir tableau 3)- Bihar (12, 4 pour cent), Chhattisgarh (9,7 pour cent) Jharkhand (8,5 pour cent), Madhya Pradesh (6,6 pour cent), Orissa (10,2) et Uttar Pradesh (6,7 pour cent) (18). Les critiques posaient sans arrêt la question « A quel moment la croissance profiterait enfin aux régions pauvres ? » Une telle interrogation est dénuée de sens dans le contexte indien. La réalité dans certaines petites nations riches en minerais, c’est que le revenu se trouve concentré entre une poignée de mains, par conséquent, la croissance rapide que génère le minerai peut court-circuiter le plus grand nombre. Cela n’est pas envisageable dans un pays aussi vaste et diversifié que l’Inde avec un coefficient de Gini relativement égalitaire de 0,37 (le coefficient de Gini est l’unité de mesure de l’inégalité du revenu qui va de 0 pour une égalité complète à 1 pour une inégalité complète). Un taux de croissance de 8,5 pour cent dans un tel pays est possible, si et seulement si le plus grand nombre améliore sa productivité, comme c’est justement le cas. Cette croissance rapide des états pauvres a généré la croissance exceptionnelle du PIB à l’échelle nationale. Ainsi pour ce qui est du contexte indien, le cumul des taux de croissance des états pauvres vient accélérer la vitesse de la croissance nationale, au lieu que ce soit l’impact de cette vitesse qui provoque le relèvement des régions pauvres, même si bien entendu, la forte augmentation de la croissance nationale a généré davantage de revenus qui furent redistribués à ces états. Problèmes résultants du Maoïste Selon de nombreux critiques, le niveau élevé de l’insurrection Maoïste dans certains états pauvres proviendrait de la lenteur de la croissance et du manque de développement dans ces régions. Or, l’insurrection en Inde est en étroite corrélation avec des divisions d’ordres ethniques et religieuses ; elle n’est pas liée à la pauvreté ou aux privations. De 1979 à 1993, Punjab, l’état le plus riche de l’Inde a connu une insurrection menée par la communauté la plus riche (Jah Sikhs), tandis que la plus pauvre (Mazbhi Sikhs) restait loyale à l’Inde. Le Kashmir, état indien qui affiche le taux de pauvreté le plus bas, a été frappé par une insurrection menée par les Musulmans Kashmiri qui revendiquaient leur indépendance avec à la clé 70.000 morts depuis 1988. A Assam, une insurrection sécessionniste visant surtout les immigrants pauvres venus du Bengal, a été menée par la caste la plus élevée, les Hindous. Tableau 3 Accélération du PIB dans les états pauvres Moyenne % Croissance 2000-2004 Moyenne % Croissance 2004-2009 Bihar 4.5 12.4 Chhattisgarh 6.1 9.7 Jharkhand 1.9 8.5 Madhya Pradesh 1.9 6 Orissa 4.8 10.2 Uttar Pradesh 3.3 6.7 Tout le pays 5.6 8.5 Source : calcul établi à partir des données du Central Statistical Organization (Organisme Centrale des Statistiques), www.mospi.nic.in Tableau 4 Accélération du taux d’Alphabétisation Vue ensemble 1950–51 1960–61 1970–71 1980–81 18.3 28.3 34.4 43.6 1990–91 52.2 2000–01 64.8 2010–11 74.0 Source : Gouvernement de l’Inde, Recensement de l’Inde 2011, www.Censusindia.gov.in La violence Maoïste s’est concentrée dans des régions tribales de l’Inde Centrale et apparaît plutôt comme un conflit ethnique entre des membres d’une tribu et d’autres personnes non membres de cette tribu, (quoique que la pauvreté aggrave les tensions ethniques) (19). Les états les plus pauvres et qui connaissent le plus grand nombre de violence Maoïste (Bihar, Orissa, Jharkhand, et Chhattisghar) ont enregistré une croissance exceptionnelle du PIB et du taux d’alphabétisation. La croissance a atteint une moyenne impressionnante de 15 pour cent à Orissa, Jharkhand et Chhattisghar. Elle n’est pas seulement liée à l’exploitation des mines, (facteur souvent à l’origine de la dépossession des terres) mais à l’industrie de transformation.(20) Les Dalits, pauvres d’entre les pauvres L’éléphant devenu tigre - par Swaminathan S. Anklesaria Aiyar D’après les critiques, la libéralisation économique n’aurait profité qu’à une petite élite, au grand dam des pauvres, surtout la caste inférieure des Dalits. Leurs conditions de vie sont mauvaises dans les états septentrionaux comme Uttar Pradesh, l’état le plus vaste de l’Inde qui compte à lui seul près de 200 millions d’habitants (21). Mais une étude bien informée, ciblant deux districts de l’Uttar Pradesh a révélé des améliorations importantes au niveau de la qualité de vie des Dalits au cours des deux dernières décennies. Le nombre de personnes possédant une télévision était passé de 0 à 45 pour cent, le nombre de personnes possédant un téléphone, de 0 à 36 pour cent, le nombre de personnes possédant un véhicule deux roues (motocyclettes, scooters, cyclomoteurs) de 0 à 12,3 pour cent. Le taux d’enfants se nourrissant des restes d’aliments a connu une baisse drastique de 95,9 pour cent à 16,2 pour cent. L’innovation de taille était l’amélioration constatée dans le statut des Dalits. Le nombre de cas où les Dalits s’asseyaient en groupes isolés lors des mariages avait chuté de 77,3 à 8,9 pour cent. Le nombre de personnes non Dalits acceptant de manger ou de boire chez des Dalits passait de 8,9 pour cent à 77,3 pour cent, le taux de halwaha (travail gagés) a chuté de 32 à 1 pour cent ; les Dalits utilisant des voitures lors de cérémonies nuptiales est passé de 33 à presque 100 pour cent. La proportion de Dalits gérant leurs propres affaires, est passée de 6 pour cent à 37 pour cent, et la proportion de Dalits travailleurs agricoles a chuté de 46,1 pour cent à 20,5 pour cent. Aux yeux des Dalits, l’amélioration de leur statut revêt encore plus d’importance que celle de leurs revenus. Certains Dalits sont devenus des hommes d’affaires riches à millions. Ils ont également mis sur pied la Chambre de Commerce et d’Industrie Dalit(22). La réforme a énormément profité aux Dalits, même s’ils se classent toujours au bas de l’échelle sociale et de l’échelle des revenus. Tableau 5 Baisse du taux de pauvreté 1993–94 Taux de pauvreté, % 45.3 2004–05 2009–10 37.2 32.0 Source : Gouvernement de l’Inde (Etude économique 2011), Economic Survey 2011, indiabudget.nic.in ; PTI news items in Business World April 20, 2011. Tableau 6 L’on a enregistré très peu de ménages affectés par la faim au cours des 12 derniers mois. 1983 Taux de personnes souffrant de la faim 1993-1994 17.3 5.2 1999-2000 3.6 2004-2005 2.5 Source : Angus Deaton and Jean Dreze (‘’ Alimentation et Nutrition en Inde : Faits et interprétations’’) ‘’Food and Nutrition in India : Facts and interpretations’’ Economic and political weekly (India), February 14, 2009 Puisque l’alphabétisation concerne essentiellement les pauvres, il est encourageant de noter qu’en l’espace de deux décennies, notamment à partir de 1991, l’alphabétisation au plan national a fortement progressé, passant d’un taux préalable de 21,83 points à 74,4 pour cent (voir tableau 4). La moyenne enregistrée lors des deux décennies précédentes, n’étant que de 17,8 points, chiffre que l’on pourrait revoir à la baisse, si l’on considère qu’avant 1991, le taux d’alphabétisation incluait les personnes âgées de 5 ans et plus, pour n’inclure que les personnes âgées de 7 ans et plus dès 1991. Lors de la décennie passée, la moyenne de progression du taux d’alphabétisation de manière générale (9,7 points) a été largement dépassée par plusieurs états pauvres : Bihar (16,82 pour cent), Uttar Pradesh (11,45 pour cent), Orissa (10,37 pour cent), et Jharkhand (16,07 pour cent). L’alphabétisation féminine a enregistré une progression formidable. Avoisinant les 11,8 points au plan national, elle est nettement élevée à Bihar (20,2 pour cent), Uttar Pradesh (17,1 pour cent), Orissa (13,9 pour cent), et Jharkhand (15,3 pour cent)(23). Pauvreté Le ratio de pauvreté calculé d’après les données du National Sample Survey Office (NSSO) (Bureau National d’Etude et d’Echantillonnage) a chuté d’un taux préalable de 45,3 pour cent en 1993-94 à 32 pour cent en 2009-10 (voir tableau 5) Certains trouveront que les choses n’évoluent pas assez vite. Or, les études du NSSO prennent seulement en compte 43 pour cent de la consommation calculée à partir des données du PIB, contre 87 pour cent dans les années 1970(24). De plus, par crainte de perdre les avantages aux quels elles ont droit, les populations pauvres peuvent minimiser leur qualité de vie réelle. Par conséquent, les calculs établis pourraient surévaluer la réalité des faits. Le taux de personnes se plaignant de souffrir de la faim en permanence ou de manière périodique a fortement baissé dans les états les plus pauvres. Au plan national le chiffre est passé de 17,3 pour cent en 1983 à 2,5 pour cent en 2004-2005 (voir tableau 6). (25) Grâce aux revenus générés par la croissance durant la réforme, le gouvernement central et les gouvernements des états ont pu augmenter les dépenses de manière considérable, notamment les subventions et programmes d’emploi destinés aux pauvres. En dépit de la fraude et des détournements notoires, on note tout de même des avancées. La croissance rapide a entraîné la hausse des salaires du travail temporaire, et le manque de main d’œuvre se ressent dans tous les secteurs, même dans l’agriculture et les travaux de construction autrefois réservés à une main d’œuvre non qualifiée. Sur une période de 35 mois, jusqu’à décembre 2010, les salaires dans le secteur agricole ont connu une augmentation de 106,5 et 84,4 pour cent dans les états agricoles riches comme Andra Pradesh et Punjab respectivement. Ils ont également connu une forte hausse dans les états habituellement touchés par l’exode, en l’occurrence Bihar (58,3 pour cent), (Orissa 62,9 pour cent), Uttar Pradesh (62,4 pour cent), Madhya Pradesh (56,2 pour cent)(26). La croissance rapide a fait reculer la pauvreté de manière plus significative que les plans d’aide sociale (27). Le programme inachevé Le constat est qu’après deux décennies de mise en œuvre des réformes, un vaste programme reste toujours à entreprendre au plan économique, de même qu’au plan de la gouvernance où le chantier paraît plus vaste encore. Liberté économique et monde des affaires L’index de la liberté économique 2011 de l’Heritage Foundation (Index 2011 of Economic Freedom) ne classe l’Inde qu’à la 124ème place sur 183 pays (28). Le rapport sur la liberté économique dans le monde 2010 du Fraser Institute (Report on Economic Freedom of the World) lui attribue un rang un peu plus honorable 87ème sur 141 pays (29). sur 183 pays, montrant que la route demeure encore longue avant que l’Inde ne soit déclarée comme un pays propice aux affaires. L’Inde occupe l’un des derniers rangs du classement mondial dans les domaines suivants : facilité d’entreprendre des affaires (165ème), obtention de permis de construire (177ème), exécution des contrats (182ème) (30). Le rapport Doing Business de la Banque Mondiale ne classe l’Inde qu’en 134è position C’est la faute aux contrôles, à la bureaucratie, au retard, (surtout au niveau des gouvernements L’éléphant devenu tigre - par Swaminathan S. Anklesaria Aiyar fédérés) malgré la libéralisation effective par le gouvernement fédéral (31). L’Inde détient le record mondial des cumuls de procédures légales (31,5 millions), que l’on mettrait 320 années à régler selon V.V. Rao (32), juge à la Haute Cour de justice d’Andrha Pradesh. Les états indiens ont commencé à améliorer l’environnement des affaires, mais la tâche reste énorme. Entretemps, le gouvernement fédéral n’a pas encore levé le trop grand nombre de restrictions concernant l’investissement dans les infrastructures, les ressources naturelles, le secteur financier, l’éducation et le commerce de détail. Les contrôles sévères visant les propriétaires terriens et la circulation des marchandises contrecarrent la croissance du secteur agricole. Les lois du travail rigides n’ont pas été amendées, et freinent la mise sur pied d’industries employant de la main d’œuvre de masse. Dépenses sociales et gaspillage La dépense sociale a augmenté du fait de la croissance économique. Les changements induits par la réforme incluent un programme de garantit de l’emploi rural ; la création d’un projet portant sur la Sécurité Alimentaire (Food Security Act) pour une distribution à grande échelle de la nourriture subventionnée aux pauvres ; un projet visant à mieux étendre l’éducation, en complément d’une loi relative au droit à l’Education ; une mission de santé rurale ; des programmes spéciaux concernant l’infrastructure rurale et les problèmes urbains ; et des projets ciblant les couches les plus pauvres, les castes et les groupes religieux. D’un point de vue global, la dépense sociale s’est accrue, passant de 5,49 du PIB en 2005-2006 à 7,27 pour cent en 2009-2010 (33). Cependant, ces projets sont minés par la corruption, le gaspillage, les détournements à grande échelle. Des prétendues écoles publics et des centres de santé fonctionnent à peine, obligeant les pauvres gens à débourser davantage pour se tourner vers les écoles privées et les médecins payants. Selon de puissants syndicats, les professeurs, les travailleurs de la santé (34), et autres fonctionnaires de l’état ne font preuve d’aucune responsabilité, l’absentéisme est galopant et il faut toujours débourser des pots de vin pour des services supposés gratuits. Il est impérieux d’entreprendre des réformes majeures au niveau de l’administration afin de changer les motivations et rendre les fonctionnaires responsables vis-à-vis de ceux qu’ils servent. Nutrition Les indicateurs nutritionnels de l’Inde font partie des plus alarmants au monde. L’anémie affecte plus de 80 pour cent de la population dans plusieurs états. La malnutrition infantile, mesurée par rapport au poids insuffisant pour l’âge, affecte 47,6 pour cent des enfants indiens, un constat encore plus dramatique que dans n’importe lequel des pays africains. D’après une étude de la santé familiale, il n’y a eu aucune amélioration réelle concernant la malnutrition infantile entre 1998-1999 et 2005-2006, malgré la croissance rapide du PIB (GDP). Cependant les données du National Nutritional Monitoring Board (Bureau National de la Surveillance Nutritionnelle) montrent quelques améliorations. Globalement, les enfants indiens souffrent de rachitisme, de sous poids et d’amaigrissement. Le plus déroutant, c’est que la malnutrition affecte également les groupes qui disposent de revenus élevés. La consommation de calories est en baisse, malgré la hausse des revenus. Les gens pauvres veulent s’élever socialement, et cela se traduit par la consommation de mets savoureux au détriment de la nourriture de base porteuse de plus de calories. Le problème de la nutrition est nettement plus préoccupant que celui de la faim, à telle enseigne que le futur programme prévoit une éducation nutritionnelle et le renforcement des aliments en vitamines, fer et iode.(35) Manque de compétences L’éléphant devenu tigre - par Swaminathan S. Anklesaria Aiyar Chaque secteur (y compris la construction et l’agriculture) enregistre une pénurie de main d’œuvre, mais là où cette pénurie se ressent le plus, c’est au niveau du travail qualifié. Le système scolaire public laisse à désirer, et des millions de personnes quittent les bancs pratiquement analphabètes. Les normes de qualité et de quantité sont décevantes qu’il s’agisse du public ou des établissements privés d’enseignement supérieur. L’Inde a besoin d’un grand changement mélioratif au plan de l’éducation et de la formation professionnelle, pour bénéficier pleinement de son dividende démographique. Des programmes d’échanges de coupons donneraient aux parents le choix d’inscrire leur enfant dans les écoles privées ou dans les établissements d’enseignement supérieur. Le gouvernement devrait autoriser les écoles à but lucratif (jusque-là interdite) et de même faciliter l’établissement des universités étrangères en Inde. Droit, justice et ordre La police et les tribunaux jouissent d’une sinistre réputation car ils sont perçus comme la source de la corruption et de l’injustice. Les procédures traînent en longueur sur des décennies, et de nombreux criminels meurent de vieillesse avant d’être condamnés, au mépris de la légalité. Les retards de procédures judiciaires impliquent que de nombreuses procédures controversées ne seront jamais réglées. L’Inde compte 14576 juges au lieu de 17641 postes de magistrats prévus et budgétisés. Cela induit une marge de 10,5 juges /million de personnes contre la norme de 50 juges/million suggérée par la Cour Suprême (36). L’Inde dispose de moins de 1policier/mille personnes par opposition à la norme standard de 2,2(37) suggérée par les Nations Unies. Les politiciens utilisent à mauvais escient l’appareil répressif pour couvrir les malfrats dans leurs propres rangs et pour cibler les groupes d’opposition. Les vastes régions rurales de l’Inde disposent d’un nombre très réduit de policiers, de tribunaux, et autres voies de recours. Les gens Corruption Il s’agit du thème politique le plus sensible en Inde aujourd’hui. Après des décennies d’une criminalité galopante, et du règne de la corruption dans la bureaucratie et la sphère politique, le peuple a laissé éclater sa colère contre la corruption. Ceci est un changement structurel lié à l’émergence d’une classe moyenne plus sure d’elle, idéalisée et diffusée à grande échelle par les chaînes de télévision. La politique est de plus en plus vue comme un milieu d’affaires et les politiciens comme des millionnaires. Une telle approche affecte le talon d’Achille des politiciens, à savoir les résultats d’élections. Voilà donc une lueur d’espoir. La plupart des études indiquent qu’aux yeux de la se plaignent du fait que les quelques policiers affectés aux zones rurales soient corrompus par les riches propriétaires terriens et les commerçants. C’est l’une des raisons liées à l’implantation des Maoïstes dans les régions reculées. Ils organisent des procès et appliquent une justice instantanée et rigide, comblant un vide créé par l’absence de l’état. Au titre du respect des contrats, l’Inde se classe pratiquement en queue de liste 182ème place sur 183 pays selon la Banque mondiale. On l’appelle miracle économique, mais le vrai miracle est de savoir comment l’Inde parvient à générer une croissance rapide en dépit d’une base institutionnelle aussi défectueuse. La seule bouffée d’oxygène provient de ce que contrairement à la lenteur excessive des procédures civiles, les tribunaux indiens font preuve de célérité dans la vérification des mesures arbitraires de l’Etat ; toute chose qui est du goût des hommes d’affaires nationaux ou étrangers. population, la corruption devient insoutenable, avec les plus grands coupables classés dans l’ordre suivant : les politiciens, la police et les bureaucrates. Cependant, il semble probable que l’opinion publique laisse de plus en plus éclater sa colère, donnant l’impression que la corruption a atteint d’autres niveaux records. En effet, l’Index de Perception de la Corruption de Transparency International classe L’Inde au rang de 87ème sur 178 pays, derrière la Chine 78ème, mais loin devant le Bangladesh 134ème, et le Pakistan 143ème (38). Car en fait, l’Inde a légèrement amélioré sa performance, de 2,7 sur 10 en 2002 à 3,3 en 2010. Cela pourrait s’expliquer par le fait que la corruption a été endiguée par la dérégulation intervenue dans plusieurs secteurs (permis industriels, licences d’importations, autorisations de monopoles, autorisations de devises étrangères), même si cela tend à contrebalancer la hausse de la corruption dans les champs des allocations politiques (ressources naturelles, immobilier, et les contrats du gouvernement). Ainsi la corruption a pris une telle ampleur dans les trois axes précités, enrichissant davantage les politiciens, que la colère de l’opinion publique est montée en force, rajoutant de l’eau au moulin des critiques qui assimilent la libéralisation à un stratagème pour enrichir les politiciens et un groupuscule de copains capitalistes. L’on ne se rend pas forcément compte du fait que la cause réelle du problème est imputable au caractère insuffisant de la libéralisation qui laisse trop de place au favoritisme et à la discrétion politique. Infrastructure L’insuffisance d’infrastructures constituera un obstacle majeur à la croissance dans les années à venir, et cela est dû à la corruption. Les routes, l’énergie, les ports, les chemins de fer et les télécommunications ont tous un lien avec les trois grands axes de corruption : ressources naturelles, terres et contrats du gouvernement. L’interdiction concernant l’exploitation des mines de charbons par des privés reste toujours en vigueur. Il est interdit de transformer une terre agricole en terre non agricole, pour des besoins industriels ou autres services sans l’autorisation préalable de l’Etat, ce qui exclut la mise en œuvre de perspectives intéressantes. L’Inde a besoin de procédures plus transparentes et plus ouvertes, alliant la suppression de la discrétion politique dans ces domaines, non pas seulement pour assainir son administration, mais aussi pour accélérer la fourniture d’infrastructures. Criminels dans l’arène politique Lors des élections de 2009, 150 des 542 sièges ont été remportés par des politiciens pourvus d’un casier judiciaire pour s’être rendus coupables d’infractions graves : viols, vols et même meurtres. Ils sont encore plus nombreux qu’à la suite des élections de 2004 (39) où ils étaient au nombre de 128. L’état des lieux est tout aussi déplorable dans les législatures des états fédérés. L’incapacité des tribunaux à condamner les gens au mépris de la légalité, emmène les voyous à faire l’usage de la force et de l’argent en toute impunité. Cela conduit à un cercle vicieux au plan politique. Ainsi donc les parties politiques courtisent les voyous qui intègrent la sphère politique pour bloquer les procédures judiciaires dont ils sont l’objet. Cette détérioration de la moralité politique est de très près liée à l’augmentation de la corruption des gros bonnets et la grogne publique qui en découle. Au titre des réformes envisageables, il y a la mise sur pied d’institutions indépendantes pour enquêter sur la corruption incriminant des ministres et des personnages politiques de haut rang. Une autre proposition envisageable serait de décréter une instruction de haut niveau pour toute affaire concernant un législateur élu. Une fois que les voyous auront réalisé que se faire élire ne leur confère plus aucune immunité pour leurs crimes et délits, ils perdront tout intérêt pour la politique, entraînant de facto l’assainissement du milieu (40). Conclusion Réformer la gouvernance est à présent la solution Le programme inachevé des réformes en Inde concerne aujourd’hui deux axes majeurs : la réforme économique et la réforme de la gouvernance. L’un des deux, la réforme de la gouvernance ne connaît pas d’avancée réelle. Il urge donc d’y pallier. Si la réforme économique en Inde a été assez profonde pour être en mesure de générer 8,5 pour cent de croissance et lui conférer le statut de miracle économique, on ne peut pas en dire autant de la gouvernance. A L’éléphant devenu tigre - par Swaminathan S. Anklesaria Aiyar ce propos, le véritable miracle réside dans le fait que l’Inde ait pu réaliser une croissance aussi rapide, malgré tant de mal gouvernance. Bien que la réforme économique puisse améliorer la gouvernance dans des domaines clés, la bonne gouvernance est souhaitable en soi, car elle constitue un ingrédient essentiel pour une croissance économique plus rapide. La libre concurrence, terreau des affaires n’est possible qu’avec une gouvernance correcte. La réforme du système politico judiciaire ne sera pas seulement profitable à la détection du crime et la réparation des torts, mais elle améliorera également le respect du contrat et la protection des droits de propriété. Si les terres, les permis d’exploitation de minerais, les télécommunications, font l’objet d’appels d’offres transparents, plutôt que d’être attribués de façon partisane, cela aidera non seulement à endiguer la corruption mais à accroître la productivité et à réduire les relations politiques, condition fondamentale pour une compétition dynamique. Supprimer la corruption liée aux contrats passés par l’Etat ne fera pas qu’assainir la politique et l’administration, mais augmentera le nombre des soumissionnaires, tout en réduisant les coûts tout en accélérant la mise en œuvre des projets. Bouter les criminels hors de la sphère politique ne donnera pas simplement le signal que les escrocs et les groupuscules de copains ne bénéficieront plus d’immunité, mais cela réduira une cause majeure de la corruption et la recherche de pots de vin, tout en libéralisant davantage les marchés dans le souci d’accroître la compétition. C’est là le chemin que l’Inde doit suivre. Analyse publiée par le CATO Institute en juillet 2011. Traduction par Audace Institut Afrique Notes 1. Clive Crook, “The Economist,May 4, 1991. Caged Tiger,” The 2. India’s fiscal year runs from April 1 toMarch 31. FY 2011, for example, is often referred to as 2010– 11. 3. Government of India, The Economic Survey 2010–11, www.indiabudget.nic.in. This puts GDP at current market prices at Rs 79 trillion in 2010–11. With expected nominal growth of 15 percent this year, GDP should exceed Rs 90 trillion orUS$2 trillion. 4. Goldman Sachs, “Dreaming with the BRICS: The Path to 2050,” Global Economics Paper 99, 2003, http://www2.goldmansachs.com/ideas/brics/book/ 99-dreaming.pdf. 5. World Bank/International Finance Corporation, Doing Business 2011 (Washington: World Bank, 2010). 6. United Nations Development Programme, 2010 Human Development Report (New York:Oxford University Press, 2010). 7. 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