L`éléphant devenu tigre - Audace Institut Afrique

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L`éléphant devenu tigre - Audace Institut Afrique
L’éléphant devenu tigre
20 ans de réforme économique en Inde
Par Swaminathan S. Anklesaria Aiyar
Analyse publiée initialement par le CATO institut : http://www.cato.org/
Traduction d’Audace Institut Afrique : http://www.audace-afrique.net/
Publié en juillet 2011
Résumé
Confrontée à une crise des devises étrangères en 1991, l’Inde dût abandonner des décennies de socialisme
marqué par un repli sur elle-même, pour adopter des réformes économiques qui transformèrent l’éléphant
pataud en denier né des tigres asiatiques. Lors de la dernière décennie, le taux de croissance du Produit
Intérieur brut de l’Inde (PIB) a atteint plus de 8 pour cent en moyenne, et en l’espace de deux décennies,
le revenu par habitant a connu une très forte progression, passant de 300$ à 1700$. L’Inde récolte un
énorme dividende démographique, au moment où la Chine est vieillissante, si bien qu’au cours de la
prochaine décennie, l’Inde pourrait dépasser la Chine en termes de croissance. Dès la mise en œuvre des
réformes, en 1991, de nombreux critiques prédirent que l’Inde souffrirait d’une « décennie de croissance
perdue » à l’instar des pays africains qui s’étaient soumis aux politiques de la Banque Mondiale et du FMI
dans les années 80. Ils mettaient en garde contre l’ouverture vers l’extérieur qui risquait provoquer
l’écrasement des entreprises indiennes par les multinationales, quand parallèlement des mesures fiscales
rigoureuses étrangleraient la dépense sociale, et les filets de protection, affectant les personnes pauvres et
les régions. Toutes ces terribles prédictions se sont avérées fausses. Les hommes d’affaires indiens s’en
sont très bien sortis, et plusieurs d’entre eux ont réussi à hisser leurs entreprises au rang de
multinationales. Les énormes recettes provenant de la croissance rapide ont impulsé un taux record aux
dépenses du gouvernement dans les secteurs sociaux et les filets de protection, même si l’on y note du
gaspillage et de la corruption à grande échelle. Ainsi, d’un taux préalable de 45,3 pour cent enregistré lors
de l’année fiscale 1994, la pauvreté a chuté à 32 pour cent au cours de l’année fiscale 2010, et en l’espace
de deux décennies, le taux d’alphabétisation est passé de 52,2 pour cent à 74 pour cent, ce qui représente
la plus grande performance jamais réalisée par l’Inde. Plusieurs des états les plus pauvres ont vu leur taux
de croissance doubler ou tripler depuis 2004 et les moyennes salariales y ont augmenté de plus de 50 pour
cent au cours des trois dernières années. Pourtant, l’Inde souffre toujours de la mal gouvernance et d’un
environnement défavorable aux affaires.
Environ un quart des districts ont connu des violences de type Maoïste et la corruption demeure une
préoccupation majeure. L’Inde se classe très bas dans les indicateurs du Doing-business. Une
règlementation du travail très stricte ne permet pas aux entreprises indiennes de se doter d’usines
d’envergure dotées d’une main d’œuvre suffisante pour optimiser leurs exportations comme en Chine.
L’inde a autant besoin de réformes économiques que d’une meilleure gouvernance car sur ce dernier point,
les progrès sont insuffisants ; il est donc primordial de faire avancer les choses en vue d’impulser les
réformes économiques.
Swaminathan Aiyar est chercheur au Cato Institute’s Center for Global Liberty and Prosperity. Il a été
l’éditeur des deux plus grands journaux indiens relatifs à la Finance, the Economic times and Financial
Express.
L’éléphant devenu tigre - par Swaminathan S. Anklesaria Aiyar
Introduction
Confrontée à une crise des devises étrangères en
1991, l’Inde entama des réformes économiques
progressives, inégales, mais continuelles qui ont
changé son niveau de vie et sa place dans le
monde en l’espace de deux décennies. En 1991,
l’Inde donnait au monde l’image d’un infatigable
quémandeur d’aide internationale, touché de
façon récurrente par des crises alimentaires et
des crises de devises étrangères, et englué dans
une gigantesque toile de contrôles au nom du
sacrosaint socialisme que les politiciens
utilisaient pour s’enrichir et tisser des réseaux
d’influence. Au début de cette année là, le
magazine Economist mena une étude sur l’Inde
intitulée « le Tigre en cage ». Cette étude
concluait malheureusement que l’Inde resterait
encagée, sans parvenir à se hisser au rang des
autres tigres asiatiques qui sont devenus des
modèles de miracle économique (1). De
nombreux analystes comparaient l’Inde à un
éléphant pataud, tout le contraire du tigre
chinois.
Vingt ans plus tard, l’éléphant indien s’est en
réalité mué en tigre. Il a enregistré une croissance
de 8,5 pour cent au cours de la précédente
décennie et n’a connu que de faibles secousses
lors de la grande récession de 2007-09, avant de
retrouver une croissance de 8,5 en 2010-11 (voir
tableau 1) (2). De 300$ en 1991, son revenu par
habitant a connu une forte augmentation,
atteignant environ 1700$ aujourd’hui. Cette
année, son Produit intérieur Brut excédera
largement les 2 trillions de dollars (3), et pourrait
être de 4,5 trillions en termes de parité du
pouvoir d’achat, ce qui en ferait la troisième plus
grande économie mondiale, après les Etats-Unis
et la Chine. L’Inde est aujourd’hui considérée
comme une potentielle super puissance, et les
Etats-Unis l’ont même plébiscitée pour
l’obtention d’un siège de membre permanent au
conseil de sécurité des Nations Unies. Les
analystes politiques l’entrevoient comme le seul
pays asiatique capable de contrer l’hégémonie
chinoise au XXIe siècle. Selon les prévisions de
nombreux analystes (au nombre desquels
Goldman Sachs à qui l’on doit le terme de
BRIC’s à savoir Brésil, Russie, Inde et Chine),
l’Inde surclassera bientôt la Chine en terme de
croissance économique rapide dans le monde (4).
Cependant, il y a toujours un vaste programme
de réformes à entreprendre. Dans le rapport du
Doing Business(5) de la Banque Mondiale, l’Inde
ne se classe qu’à la 134ème place sur 183 pays en
termes de facilité d’entreprendre des affaires.
Dans l’index de développement des Nations
Unies, l’Inde occupe seulement la 121ème, et ses
indicateurs au plan alimentaire font partie des
plus alarmants dans le monde (6). Un quart des
districts du pays souffre d’insurrection de type
Maoïste. Des réformes majeures au plan
économique et au plan de la gouvernance
s’imposent dans les années à venir.
Bref historique des 20 années de réforme
Après l’indépendance en 1947, l’Inde opta pour
un modèle de développement socialiste,
priorisant l’autosuffisance et la prédominance du
secteur public. Cela se traduisit par une attitude
de repli sur soi et de scepticisme vis-à-vis des
marchés et du commerce international.
Dans les années 70, le taux d’imposition sur les
revenus pouvait atteindre 97,75 pour cent, avec
en prime, un impôt sur la richesse à hauteur de
3,5 pour cent, prélevé pour promouvoir la
politique du garibi hatao (abolir la pauvreté) de
Indira Ghandi. Or la pauvreté n’en fut pas pour
autant éradiquée durant les trois décennies post
indépendance, et la moyenne de croissance du
PIB ne représenta que 3,5 pour cent par an, (le
fameux « taux Hindou » de croissance), la moitié
de la performance réalisée par les Tigres
asiatiques pratiquant l’ouverture et des politiques
tournées vers le marché.
L’éléphant devenu tigre - par Swaminathan S. Anklesaria Aiyar
Tableau 1
Accélération de la croissance du PIB de l’Inde
Croissance du PIB %
1950-1980
3.5
1980-1992
5.5
1992-2003
6.0
2003-2010
8.5
Source : Calcul établi d’après les tableaux du gouvernement Indien, (Etude économique 2010-2011)
Economic survey 2010-2011 : http://indiabudget.nic.in/es2010-2011estat1.pdf.
Dans les années 80, la croissance atteignit 5,5
pour cent, du fait d’une certaine libéralisation
économique assortie de dépenses publiques
incontrôlées. Mais cela se fit à coût d’emprunts
massifs et l’aventure prit fin de manière
dramatique lorsque l’Inde se retrouva à court de
devises étrangères en 1991. Alors que Rajiv
Ghandi, le grand favori des élections de juin
1991, fut assassiné par un terroriste Sri-lankais,
aucun parti ne remporta la majorité absolue, et le
parti du congrès forma une faible minorité
gouvernementale conduite par Narasimha Rao,
qui ne pesait pas très lourd sur la scène politique.
Ainsi présentées, les conditions politiques et
économiques n’étaient guère favorables. L’Union
Soviétique s’effondrait, signe patent qu’une dose
plus élevée de socialisme n’était pas la solution.
Pendant ce temps, Xiaoping avait révolutionné la
Chine, montrant que le marché était la voie à
suivre. Ainsi, beaucoup plus encline au triste
réalisme qu’au triomphe idéologique, l’Inde se
détourna du socialisme pour un semi libéralisme.
Il n’y avait ni Ronald Reagan, ni Margaret
Thatcher en Inde, la réforme fut un processus
pragmatique. Les partis d’opposition accusant
l’Inde de s’être vendue au Fonds Monétaire
International, jurèrent d’inverser les réformes
dès leur accession au pouvoir. Mais en deux ans,
les réformes restaurèrent les finances de l’Inde,
et au bout de trois ans, c'est-à-dire de 1994-1997,
l’Inde enregistrait une moyenne de croissance de
7,5 pour cent du PIB, inscrivant un nouveau
record. Avec un succès aussi fulgurant, il ne fut
plus jamais question d’inverser les choses, et
l’Inde s’attela toujours à poursuivre le
programme des réformes quelque soit la
combinaison politique en place.
Certes, le processus fut hésitant, changeant, ou
parfois partiellement inversé, mais de façon
globale, les choses évoluèrent dans le même
sens. Puisqu’aucun parti n’osa libéraliser le cadre
juridique trop restrictif du marché du travail,
l’Inde ne put s’imposer sur le plan des industries
qui nécessitent une main d’œuvre à grande
échelle. Pourtant à la surprise générale, l’Inde
émergea comme une puissance majeure dans le
domaine des industries de haute technologie,
notamment dans la production de logiciels
d’ordinateur, le tourisme médical, l’exportation
de voitures, les travaux de recherche et de
développement (R&D).
La crise financière asiatique de 1997-1999 fut le
premier test de la résilience des réformes
indiennes. Bien que la croissance en prit un
coup, en partie parce qu’il s’agissait d’une
économie relativement fermée, le pays s’en tira
néanmoins sans grands dommages, sans imposer
de nouveaux contrôles sur les capitaux, et
surtout sans avoir recours aux aides du FMI,
comme l’ont fait de nombreux voisins asiatiques.
En effet, il s’agit de la période au cours de
laquelle l’industrie indienne de conception de
logiciels informatique acquit ses lettres de
noblesse, en jouant un rôle de premier plan dans
la production de logiciels capables de
contrecarrer le fameux problème Y2K.
La récession de 2001 conduisit à une plus grande
délocalisation
d’entreprises
de
services
informatiques, et de logiciels, et l’Inde tira partie
de cette opportunité. Durant la décennie
suivante, l’Inde gravit encore des échelons en
proposant une technologie de plus en plus
élevée, preuve que l’Inde ne disposait pas
seulement d’une main d’œuvre bon marché, mais
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de compétences de premier rang. En 2000,
l’Inde affichait sa compétence à l’échelle
mondiale en services informatiques, plutôt que
dans l’industrie où les gros poids lourds de la
Chine
écrasaient
toute
possibilité
de
concurrence. Avec des lois du travail restrictives,
il était pratiquement impossible pour des
entreprises comptant déjà plus de 100
travailleurs d’accroître leur main d’œuvre. Du
fait de cette rigidité, l’Inde ne pouvait, à l’instar
des autres tigres d’Asie, miser sur une croissance
liée à des exportations massives nécessitant une
main d’œuvre importante. Les entrepreneurs
indiens prudents quant à l’implantation de
grandes unités de production pour l’exportation
de vêtements par exemple, ont donc été
supplantés par le Bangladesh dans ce secteur.
Mais après avoir pris le temps de se mettre à
l’heure de la mondialisation et du libéralisme (ce
à quoi s’opposait le Club de Bombay, un groupe
influent et quasi protectionniste de l’industrie)
les industries indiennes ont grandement amélioré
leur productivité et sont devenues très
compétitives dans bien des domaines à l’échelle
mondiale. A titre d’exemple et pour renseigner
sur le chemin parcouru, en 1991, le premier
budget du ministre des Finances Manmhoman
Singh’s réduisit la taxe maximale sur
l’importation à un taux toujours aussi
faramineux de 150 pour cent. Ladite taxe était
montée jusqu’à 300 pour cent. Au jour
d’aujourd’hui, la norme n’est plus que de 10
pour cent de taxe sur l’importation, et le taux
effectif pour de nombreux articles s’articule
autour de 7 pour cent, moyenne proche des pays
situés beaucoup plus au sud de l’Asie. Toujours
en 1991, les industries de taille moyenne
n’avaient pas le droit de produire plus de 800
articles, tandis que le secteur public bénéficiait
d’une quote-part de production beaucoup plus
élevée. Ces restrictions ont été progressivement
réduites sur plus d’une décennie. Les contrôles
sur la production industrielle, les importations, la
technologie et les devises extérieures ont été
supprimés ou assouplis de manière considérable.
Alors qu’il relevait jusque là du monopole quasitotal de l’Etat, le secteur financier est aujourd’hui
libéralisé avec l’admission de plusieurs acteurs
privés ou étrangers. Il demeure cependant
toujours aussi fortement régulé, puisque l’Etat
contrôle notamment 70 pour cent du secteur des
banques. L’investissement étranger a été
libéralisé dans plusieurs secteurs, bien que
beaucoup reste encore à faire dans les industries
de service comme la banque et l’assurance. Les
privatisations se sont faites à échelle très réduite,
mais
l’investissement
privé
dans
les
infrastructures et les autres domaines autrefois
réservés à l’Etat a transformé le pays, surtout
dans le secteur des télécommunications. Quand
l’Inde amorçait ce programme de réforme 20 ans
plus tôt, il y avait de nombreux sceptiques. Les
critiques gauchistes prédirent même que l’Inde
s’exposait à connaître le sort de l’Afrique et de
l’Amérique Latine, victimes d’une « décennie
perdue » en termes de croissance économique
dans les années 80, pour avoir suivi les directives
de la Banque Mondiale et du Fonds Monétaire
Internationale.
Selon
leurs
prédictions,
l’ouverture vers l’extérieur et les réductions de
taxes sur l’importation provoqueraient un
chômage massif et la désindustrialisation de
l’Inde. Toujours selon eux, les géantes
multinationales prendraient le contrôle de
l’économie indienne, et les entreprises indiennes
feraient faillite ou deviendraient des sous-fifres
d’étrangers. En outre, la rigueur fiscale imposée
par le FMI étoufferait les dépenses sociales et les
filets de sécurité, fragilisant ainsi les pauvres.
Toutes ces sinistres prédictions s’avérèrent
fausses ; loin de souffrir une décennie perdue,
l’Inde devint un miracle économique, avoisinant
une croissance de 8,5 pour cent dans les années
2000. En lieu et place de la désindustrialisation
annoncée, l’industrie de l’Inde s’est plutôt hissée
à de hauts niveaux, grâce à l’abolition des
contrôles et de nombreux géants ont alors pu
émerger. Les firmes multinationales ont
inévitablement pris le contrôle de quelques
entreprises locales, mais la plupart s’en sont bien
tirées, si bien que des dizaines d’entreprises se
sont hissées au rang de multinationales par leurs
propres moyens, en achetant des entreprises à
travers le monde. L’Inde commença d’ailleurs à
concurrencer la Chine en termes d’achats à
l’étranger. Loin de voir les dépenses sociales
s’amoindrir avec la baisse de la pression fiscale,
les énormes revenus générés par la croissance
fulgurante du PIB ont permis de financer la
dépense sociale de manière significative.
Cependant, l’échec de la réforme des prestations
de services a eu pour conséquence le gaspillage
ou le détournement de ce revenu additionnel à
d’autres fins, intensifiant la corruption. Malgré
tant de gaspillage, l’Inde connut une progression
de l’alphabétisme, au cours des deux décennies
de réforme, et la pauvreté recula de manière
considérable. Cependant, certains indicateurs
sociaux tardèrent à s’améliorer (7). L’Inde
comptait une proportion de 46,7 pour cent
L’éléphant devenu tigre - par Swaminathan S. Anklesaria Aiyar
d’enfants en sous poids, ce qui la plaçait au
troisième rang mondial, en terme de
malnutrition. C’est l’une des raisons pour
lesquelles l’Inde se classe loin derrière, dans
l’indice de Développement Humain des Nations
Unies. Vingt ans après le début des réformes, les
populations sont irritées par la corruption
galopante, conséquence d’un capitalisme entre
groupuscules de copains, ce qui limite l’impact
des réformes. De nombreux analystes
s’inquiètent également du fait que les inégalités
vont croissantes, les pauvres n’en ont pas assez
bénéficié de la croissance. De telles critiques
sont en général exagérées ou carrément fausses.
Bien que la pauvreté existe, les populations les
plus pauvres, autant que les états et les castes,
ont bénéficié de manière considérable du
progrès. Cependant, il reste encore beaucoup de
réformes à réaliser.
Points clés de réussite des 20 ans de réforme
La réforme a produit des changements inespérés,
elle a induit de l’innovation. On pourrait en
résumer les points clés de cette réussite de la
manière suivante :

La croissance rapide du PIB de 8,5 pour
cent alimente la perspective de voir
l’Inde dépasser la Chine en termes de
croissance au cours de la prochaine
décennie. Les réformes s’opérant de
manière progressive et hésitante,
l’impact met du temps avant de se faire
sentir. Après trois années de réformes,
la croissance du PIB a connu une
accélération de 7,5 pour cent par année,
de 1994-1995 à 1996-1997.
Tableau 2
Taux de l’épargne indienne en nette progression
1980-1981
Taux de
l’épargne/PIB,%
18.5
1990-1991
22.8
2000-2001
23.7
2010-2011
34
Source : Gouvernement indien, Economic Survey 2010-2011, www.indiabudget.nic.in
Ensuite la croissance ralentit à une moyenne de
pour cent de croissance durable. Le taux élevé de
5,5 pour cent par an, à cause de la crise
l’épargne domestique signifie que l’Inde dépend
financière
asiatique
(1997-1999),
deux
relativement peu de l’afflux étranger, ce qui lui
sécheresses majeures (2000 et 2002) et la
confère une capacité de résilience en période de
récession de 2001. Mais après l’année 2003, la
crise financière.
croissance s’emballa nettement et atteignit
 Le revenu par habitant de l’Inde est
presque 9,5 pour cent annuellement, pendant
passé de 300 $ en 1991 à environ 1700 $
trois années consécutives, de 2005-2006 jusqu’à
aujourd’hui. L’impact direct n’a pas
2007-2008. La grande récession de (2007-2009)
seulement été l’augmentation des
entraîna la chute de la croissance qui resta tout
salaires et de l’emploi, mais une très
de même remarquable : 6,8 pour cent pendant la
forte hausse des fonds alloués à la
période 2008-2009, suivi d’un retour rapide à 8
dépense publique, aux infrastructures et
puis 8,5 pour cent au cours des deux années
aux programmes de lutte contre la
suivantes. Le taux de l’épargne grimpa de 21,5
pauvreté, grâce aux énormes revenus
pour cent du PIB en 1992-1993 puis à environ
générés par la croissance.
34 pour cent en 2010-2011 (voir tableau 2),
permettant la hausse de l’investissement, de 22,1
pour cent du PIB à environ 37 pour cent. Cette
 La croissance rapide de l’Inde n’est pas
moyenne d’investissement élevée a permis 8 à 9
liée à l’exploitation d’une main d’œuvre
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bon marché pour l’exportation de
masse, contrairement à la Chine et
autres tigres asiatiques. La forte
progression du volume des exportations
est liée à la mise en valeur des
compétences. Une grande première
pour un pays en voie de développement.
Ce qui signifie que l’Inde est bien partie
pour gravir d’autres échelons. L’Inde est
mieux connue grâce à l’exportation de
logiciels informatiques, bien que ce
secteur ne représente guère plus de 2
pour cent de son PIB. D’autres biens
d’exportations (légal, ingénierie, services
médicaux, R&D) ont connu un essor et
ont dépassé 10 milliards de $ en 20102011. Les exportations de voitures et de
biens
d’ingénierie
se
sont
considérablement accrues, grâce à de
nouvelles techniques de fabrication et
un nouveau design. L’Inde demeure une
économie s’appuyant surtout sur la
demande domestique bien que la part de
l’exportation ait connu une hausse
substantielle.


rapport à leur valeur réelle, pour
accumuler d’énormes excédents de
balance commerciale. L’Inde dispose de
nombreux mécanismes de régulation et
pendant des décennies, sa banque
centrale a maintenu de manière
officieuse le taux de change à la
moyenne de 1993 sur les marchés. Le
but étant typiquement parlant, de
cumuler un modique déficit du compte
courant, à ne pas confondre avec
l’excédent de la balance commerciale. La
banque centrale n’intervient plus dans
les marchés, et le déficit du compte
courant de l’Inde en 2010-2011 était de
2,8 pour cent du PIB financé par l’afflux
de capitaux (8). Voilà un modèle de
développement beaucoup plus sain et
durable que la manipulation de devise.

Le vocable indien « jugaad » s’est glissé
dans le langage du management. A
défaut de pouvoir s’offrir une machine,
certains paysans ont eu l’idée de fixer
une pompe d’irrigation à un cadre
d’acier pourvu de quatre pneus ; le but
L’Inde est devenue le leader mondial de
étant de fabriquer un engin roulant, le
« l’ingénierie faible », un concept
« jugaad », dès lors, le jugaad est devenu
méconnu dix ans plus-tôt et qui renvoie
le terme clé pour désigner une invention
à l’habilité de faire le design, puis de
permettant de contourner n’importe
produire des biens qui ne coûtent pas
quel obstacle, tant dans le domaine du
seulement 10 ou 15 pour cent, mais 50 à
design, que de la vente, de la gestion,
90 pour cent moins cher qu’en Europe.
que pour contourner les contrôles de
Tata Motors a produit la voiture la
l’Etat. Ainsi donc le « jugaad » inclut
moins cher au monde, la Nano qui
pêle-mêle
certaines
formes
de
coûte 2500 $. Bajaj auto est sur le point
capitalisme entre groupuscules de
de lancer une voiture concurrente, pour
copains, la fraude fiscale et l’ingénierie
le prix de 3000 $ et consommant 3,785
faible. Une telle connotation négative
litres /90 miles (US Gallon). L’Inde
entache la crédibilité du terme. Aux
possède
l’Industrie
de
dires de certains, les entrepreneurs qui
télécommunication la moins coûteuse au
ont réussi à maitriser la jungle des
monde, avec une tarification de 2
contrôles de la lourde bureaucratie ont
centimes par appel. Quant au tourisme
acquis de véritables compétences
médical, l’une des raisons tiendrait des
managériales qui les rendent aujourd’hui
tarifs réduits pratiqués en Inde. Narayan
plus fort dans la conquête des marchés
Hudrayala et Aravind Netrayala, des
mondiaux. Il est tout à fait probable que
hôpitaux spécialisés dans la chirurgie des
certains hommes d’affaires qui ont
yeux et du cœur, pratiquent des coûts
prospéré sur les bases de ce capitalisme
respectivement 1/21ème moins chers
entre groupuscules de copains, se
que les tarifs en Europe.
classent aujourd’hui à l’échelle mondiale,
avec à la clé des contrats un peu partout
dans le monde, et des affaires colossales.
L’on accuse la Chine et certains pays
En 1991, de nombreux critiques
asiatiques de manipuler volontairement
prédirent la faillite ou la prise de
leurs devises en les sous évaluant par
contrôle des entreprises indiennes par
L’éléphant devenu tigre - par Swaminathan S. Anklesaria Aiyar
les multinationales du fait d’une
concurrence mondialisée. La réalité des
faits est que non seulement
les
entreprises indiennes ont réussi à tirer
leur épingle du jeu, mais elles ont réussi
l’exploit de se hisser au rang de
multinationales. D’ailleurs, au titre des
investissements directs étrangers dus à
son ouverture l’Inde avec un taux de 0,9
pour cent a surclassé la Chine qui elle
est à 0,6 pour cent(9). La firme
multinationale Arcelor dont le siège se
trouve en Inde est aujourd’hui la plus
grande entreprise d’acier au monde.
L’entreprise indienne Tata Steel a pris le
contrôle de Corus, une entreprise angloallemande six fois plus grande et est
parvenue à la redresser. Le groupe Birla
a redressé Novellis, une entreprise
canadienne, faisant d’elle la sixième plus
grande entreprise d’aluminium au
monde. Tata Motors a acheté et redressé
Jaguar Land Rover, une entreprise
emblématique qui avait généré de
lourdes pertes sous le contrôle de BMW
et Ford, ses précédents acquéreurs.
Plusieurs grandes entreprises indiennes
de
logiciels
et
de
produits
pharmaceutiques ont acheté des filiales à
l’étranger et sont devenues des
multinationales. Reliance Industries Ltd
a construit la plus grande raffinerie du
monde à Jamnagar, et son « crack » (prix
variant selon qu’il s’agisse de brut ou du
produit fini) est nettement supérieur à
celui des meilleures raffineries de
Singapour. Bharti Airtel a pris le
contrôle des actifs de Zain’s télécom
dans 14 pays africains et projettent d’y
casser les prix comme en Inde (10).


Les envois de fonds sont restés stables
tout au long de la crise financière
asiatique et de la grande récession de
2007-2009 et ont grandement contribué
à enrayer l’instabilité du portefeuille de
capital étranger dans les moments
difficiles. L’Inde a notifié aux petits
donateurs tels les pays scandinaves que
l’Etat n’accepterait plus aucune aide en
provenance d’eux, mais qu’en revanche,
ils pouvaient directement donner de
l’argent
aux
Organisations
non
gouvernementales. L’Inde a accru ses
emprunts auprès de la Banque
Mondiale, mais la part des emprunts a
chuté : d’environ 100 pour cent dans les
années 70, ils sont désormais à moins de
30 pour cent. L’Inde est en outre
devenue un donateur important, et a
récemment offert au Bangladesh un
programme d’aide de 1 milliard de
dollars. Le Premier ministre Manmohan
Singh a annoncé des crédits d’une valeur
de 5 milliards de dollars aux pays
africains (12), lors de sa récente tournée à
l’intérieur du continent.
 L’Inde a progressivement libéralisé ses
lois sur l’investissement direct étranger,
mais il existe encore des barrières de
taille (surtout au niveau de l’agriculture,
du détail et des finances), raison pour
laquelle les flux en Inde sont moins
importants
qu’en
Chine.
Les
investissements directs étrangers ont
atteint 26 milliards de dollars en 20092010 avant de chuter à 19,4 milliards
l’année suivante. Cependant, la plupart
des 500 entreprises les plus riches font
maintenant des affaires en Inde, surtout
dans les services aux entreprises, les
En 1991, l’Inde donnait l’image d’un
logiciels,
la
Recherche
et
infatigable
quémandeur
d’aide
développement. Accenture et IBM y
extérieure. Selon les normes mondiales,
emploient beaucoup plus de personnes
l’afflux d’aide en Inde paraît toujours
qu’aux Etats Unis. Des entreprises
aussi important ; en 2009-2010, l’afflux
comme Microsoft et Intel ont d’abord
de l’aide était de 5,9milliards, mais cela
été attirées par la main d’œuvre bon
représente
peu
au regard
de
marché, avant d’en faire leur pilier des
l’investissement étranger, (action +
compétences. L’Inde est devenue le
afflux du portefeuille) de 51,2 milliards
principal centre de production pour
de dollars, les emprunts commerciaux
Suzuki, Hyundai, Bosch, Ford, Abots
(qui étaient de 62,8 milliards brut et 10,4
Labs, Daiichi sankyo, Pfizer et autres.
milliards de dollars net) et les transferts
L’Inde est également devenue un
de fonds de la diaspora indienne à
important centre pour les activités de
hauteur de 53,9 milliards de dollars (11).
recherche et de développement dans
L’éléphant devenu tigre - par Swaminathan S. Anklesaria Aiyar
l’industrie pharmaceutique, les logiciels
d’ordinateurs,
les
entreprises
automobiles, étant donné que la
recherche et les essais cliniques
reviennent moins chers qu’en occident.


Kotak Bank, Yes Bank). Certains
(notamment dans l’immobilier et les
infrastructures) proviennent d’ententes
entre amis, mais les autres ne doivent
leur réussite qu’à leur propre mérite.
Plusieurs entreprises illustres des
décennies passées ont mis la clé sous la
Les réserves du marché indien étaient à
porte (Hindustan Motors, Premier
juste titre perçues comme des pièges,
automobiles, JK Synthetics, DCM). Sur
avec une poignée de courtiers fixant les
les 30 entreprises auparavant membres
prix de manière illégale, une pléthore de
du Sensex (l’équivalent indien du Dow
faux certificats d’actions et des périodes
Jones Index), seules 9 en font encore
de règlements pouvant aller jusqu’à
partie, preuve d’une concurrence très
plusieurs mois, en fonction des humeurs
rude (13).
Le Premier ministre
des courtiers. En 1992, un énorme
Manmohan Singh a dit à propos des
scandale
éclata,
provoquant
le
nouveaux entrepreneurs, qu’ils n’étaient
remaniement du marché financier.
pas des fils de riches, mais des enfants
L’Inde se dota d’un nouveau marché
de la libéralisation (14).
boursier sans aucun plafond, le National
Stock Exchange, créé bien avant ceux
 L’Inde récolte aujourd’hui les fruits de
de Londres et de New York. Ce
l’augmentation de la proportion de
nouveau système cassa les prix, et
travailleurs qui permet une baisse du
supprima toutes formes d’illégalité. Les
taux de personnes à charge. Les états de
actions
furent
dématérialisées,
l’ouest et du sud ont d’abord adopté le
représentées
sous
une
forme
processus de régulation des naissances
électronique afin de contrer l’usage de
avant de récolter le dividende
faux certificats. Les temps de paiement
démographique à partir des années 80.
furent réduits de manière drastique en
Les états arriérés du Nord et du Centre
T+3 (paiement intervenant trois jours
s’inscrivent à présent dans la même
après une transaction), l’un des modes
logique. Au cours de la dernière
de paiements les plus rapides au monde.
décennie, le nombre d’enfants âgés de 0
Le marché financier de l’Inde s’inscrivait
à 6 ans a baissé de 3,08 pour cent, une
ainsi au nombre des marchés les plus
grande première depuis l’indépendance.
crédibles et les plus efficaces d’Asie,
Les baisses les plus significatives ont été
raison pour laquelle, les flux financiers
enregistrées dans les états pauvres (15).
ont y été parmi les plus élevés en Asie,
Un récent article de deux économistes
contrairement à l’investissement direct
du FMI Shelkar S. Ayar et Ashoka
étranger qui continue à stagner.
Mody (16) met en évidence que le
dividende démographique peut justifier
40 pour cent de la croissance
Dans plusieurs pays en développement,
additionnelle du PIB depuis 1980. Ils
grâce à leurs relations politiques, un
estiment l’augmentation de la croissance
groupuscule de copains capitalistes ont
à 1,74 pour cent du PIB dans les années
dominé le secteur de l’industrie ; l’Inde
2000 et projettent environ 2 pour cent
ne constitua pas une exception à cette
de croissance lors des deux prochaines
règle, jusqu’à l’année 1991. A partir de
décennies avant d’enregistrer une baisse.
cette année là, la libéralisation a permis
La Chine a cumulé son dividende
l’émergence de nouveaux entrepreneurs.
démographique beaucoup plus tôt, grâce
Les plus connus opèrent dans les
à la politique de l’enfant unique de Mao,
logiciels, mais un grand nombre s’est
mais cela ne pourrait plus être possible
imposé dans l’univers pharmaceutique
d’ici peu, car le pays se fait vieillissant.
(Sun Pharma, Glenmark, Dr Reddy’s
C’est la raison pour laquelle des
Labs, Ranbaxy), dans les infrastructures,
économistes comme Goldman Sachs
(Adani, Lanco, VMR, GKV, IVRCL),
prédisent que l’Inde surclassera la Chine
dans les télécoms (Bharti, Airtel), dans
en termes de PIB (GDP) au cours de la
l’acier (Jindal, Bhushan), dans la finance
prochaine décennie.
(ICICI Bank, HDFC Bank, Axis Bank,
L’éléphant devenu tigre - par Swaminathan S. Anklesaria Aiyar
Comment les réformes ont profité à la moitié la plus pauvre.
De nombreuses critiques ont dénoncé le fait que
les réformes de ces 20 dernières années avaient
court-circuité les régions pauvres, de même que
les tranches les pauvres de la popultaion à l’instar
des « dalits » (autrefois appelés les intouchables) ;
ces pauvres gens auraient en désespoir de cause
adhéré au Maoïsme, qui aujourd’hui affecte
environ un quart de tous les districts. Les
critiques dénoncent également le fait que les
indicateurs sociaux et les indicateurs de pauvreté
ne se sont pas rapidement améliorés. Ces
critiques relèvent essentiellement de l’exagération
ou du mensonge.
Les régions pauvres
Selon de nombreux critiques, les régions pauvres
ont été court-circuitées par la croissance rapide
du PIB. A titre d’exemple, James Lamont écrivit
un article dans le Financial Times intitulé « high
growth fails to feed India’s hungry » (17) « quand
la très forte croissance ne parvient pas à nourrir
l’Inde affamée ». C’est tout à fait inexact. La
proportion de personnes se plaignant de souffrir
de la faim de façon permanente ou périodique
est passée de 17,3 pour cent en 1983 à 2,5 pour
cent en 2004-2005. Six états pauvres et arriérés
qui totalisent la moitié de la population indienneUttar Pradesh, Bihar, Madhya Pradesh, Orisha,
Chhattisgarh, et Jharkhand- ont enregistré une
croissance exceptionnelle ces dernières années,
dépassant de loin la moyenne nationale. D’un
point de vue historique, les états de l’ouest et du
sud de l’Inde ont toujours fait office de
dynamos, tandis que les états du nord et du
centre fermaient la marche loin derrière.
Cependant, au cours des cinq années allant de
2004 à 2009, le taux de croissance a grimpé de
manière fulgurante dans les états pauvres du
nord et du centre (voir tableau 3)- Bihar (12, 4
pour cent), Chhattisgarh (9,7 pour cent)
Jharkhand (8,5 pour cent), Madhya Pradesh (6,6
pour cent), Orissa (10,2) et Uttar Pradesh (6,7
pour cent) (18).
Les critiques posaient sans arrêt la question « A
quel moment la croissance profiterait enfin aux
régions pauvres ? » Une telle interrogation est
dénuée de sens dans le contexte indien. La réalité
dans certaines petites nations riches en minerais,
c’est que le revenu se trouve concentré entre une
poignée de mains, par conséquent, la croissance
rapide que génère le minerai peut court-circuiter
le plus grand nombre. Cela n’est pas
envisageable dans un pays aussi vaste et
diversifié que l’Inde avec un coefficient de Gini
relativement égalitaire de 0,37 (le coefficient de
Gini est l’unité de mesure de l’inégalité du
revenu qui va de 0 pour une égalité complète à 1
pour une inégalité complète). Un taux de
croissance de 8,5 pour cent dans un tel pays est
possible, si et seulement si le plus grand nombre
améliore sa productivité, comme c’est justement
le cas. Cette croissance rapide des états pauvres a
généré la croissance exceptionnelle du PIB à
l’échelle nationale. Ainsi pour ce qui est du
contexte indien, le cumul des taux de croissance
des états pauvres vient accélérer la vitesse de la
croissance nationale, au lieu que ce soit l’impact
de cette vitesse qui provoque le relèvement des
régions pauvres, même si bien entendu, la forte
augmentation de la croissance nationale a généré
davantage de revenus qui furent redistribués à
ces états.
Problèmes résultants du Maoïste
Selon de nombreux critiques, le niveau élevé de
l’insurrection Maoïste dans certains états pauvres
proviendrait de la lenteur de la croissance et du
manque de développement dans ces régions. Or,
l’insurrection en Inde est en étroite corrélation
avec des divisions d’ordres ethniques et
religieuses ; elle n’est pas liée à la pauvreté ou
aux privations. De 1979 à 1993, Punjab, l’état le
plus riche de l’Inde a connu une insurrection
menée par la communauté la plus riche (Jah
Sikhs), tandis que la plus pauvre (Mazbhi Sikhs)
restait loyale à l’Inde. Le Kashmir, état indien qui
affiche le taux de pauvreté le plus bas, a été
frappé par une insurrection menée par les
Musulmans Kashmiri qui revendiquaient leur
indépendance avec à la clé 70.000 morts depuis
1988. A Assam, une insurrection sécessionniste
visant surtout les immigrants pauvres venus du
Bengal, a été menée par la caste la plus élevée, les
Hindous.
Tableau 3
Accélération du PIB dans les états pauvres
Moyenne % Croissance 2000-2004
Moyenne % Croissance 2004-2009
Bihar
4.5
12.4
Chhattisgarh
6.1
9.7
Jharkhand
1.9
8.5
Madhya Pradesh
1.9
6
Orissa
4.8
10.2
Uttar Pradesh
3.3
6.7
Tout le pays
5.6
8.5
Source : calcul établi à partir des données du Central Statistical Organization (Organisme Centrale des Statistiques), www.mospi.nic.in
Tableau 4
Accélération du taux d’Alphabétisation
Vue
ensemble
1950–51
1960–61
1970–71
1980–81
18.3
28.3
34.4
43.6
1990–91
52.2
2000–01
64.8
2010–11
74.0
Source : Gouvernement de l’Inde, Recensement de l’Inde 2011, www.Censusindia.gov.in
La violence Maoïste s’est concentrée dans des
régions tribales de l’Inde Centrale et apparaît
plutôt comme un conflit ethnique entre des
membres d’une tribu et d’autres personnes non
membres de cette tribu, (quoique que la pauvreté
aggrave les tensions ethniques) (19).
Les états les plus pauvres et qui connaissent le
plus grand nombre de violence Maoïste (Bihar,
Orissa, Jharkhand, et Chhattisghar) ont
enregistré une croissance exceptionnelle du PIB
et du taux d’alphabétisation. La croissance a
atteint une moyenne impressionnante de 15 pour
cent à Orissa, Jharkhand et Chhattisghar. Elle
n’est pas seulement liée à l’exploitation des
mines, (facteur souvent à l’origine de la
dépossession des terres) mais à l’industrie de
transformation.(20)
Les Dalits, pauvres d’entre les pauvres
L’éléphant devenu tigre - par Swaminathan S. Anklesaria Aiyar
D’après les critiques, la libéralisation
économique n’aurait profité qu’à une petite élite,
au grand dam des pauvres, surtout la caste
inférieure des Dalits. Leurs conditions de vie
sont mauvaises dans les états septentrionaux
comme Uttar Pradesh, l’état le plus vaste de
l’Inde qui compte à lui seul près de 200 millions
d’habitants (21). Mais une étude bien informée,
ciblant deux districts de l’Uttar Pradesh a révélé
des améliorations importantes au niveau de la
qualité de vie des Dalits au cours des deux
dernières décennies. Le nombre de personnes
possédant une télévision était passé de 0 à 45
pour cent, le nombre de personnes possédant un
téléphone, de 0 à 36 pour cent, le nombre de
personnes possédant un véhicule deux roues
(motocyclettes, scooters, cyclomoteurs) de 0 à
12,3 pour cent. Le taux d’enfants se nourrissant
des restes d’aliments a connu une baisse
drastique de 95,9 pour cent à 16,2 pour cent.
L’innovation de taille était l’amélioration
constatée dans le statut des Dalits. Le nombre de
cas où les Dalits s’asseyaient en groupes isolés
lors des mariages avait chuté de 77,3 à 8,9 pour
cent. Le nombre de personnes non Dalits
acceptant de manger ou de boire chez des Dalits
passait de 8,9 pour cent à 77,3 pour cent, le taux
de halwaha (travail gagés) a chuté de 32 à 1 pour
cent ; les Dalits utilisant des voitures lors de
cérémonies nuptiales est passé de 33 à presque
100 pour cent. La proportion de Dalits gérant
leurs propres affaires, est passée de 6 pour cent à
37 pour cent, et la proportion de Dalits
travailleurs agricoles a chuté de 46,1 pour cent à
20,5 pour cent. Aux yeux des Dalits,
l’amélioration de leur statut revêt encore plus
d’importance que celle de leurs revenus. Certains
Dalits sont devenus des hommes d’affaires riches
à millions. Ils ont également mis sur pied la
Chambre de Commerce et d’Industrie Dalit(22).
La réforme a énormément profité aux Dalits,
même s’ils se classent toujours au bas de l’échelle
sociale et de l’échelle des revenus.
Tableau 5
Baisse du taux de pauvreté
1993–94
Taux de pauvreté, %
45.3
2004–05
2009–10
37.2
32.0
Source : Gouvernement de l’Inde (Etude économique 2011), Economic Survey 2011, indiabudget.nic.in ; PTI news items in Business World April 20,
2011.
Tableau 6
L’on a enregistré très peu de ménages affectés par la faim au cours des 12 derniers mois.
1983
Taux de personnes
souffrant de la
faim
1993-1994
17.3
5.2
1999-2000
3.6
2004-2005
2.5
Source : Angus Deaton and Jean Dreze (‘’ Alimentation et Nutrition en Inde : Faits et interprétations’’) ‘’Food and Nutrition in
India : Facts and interpretations’’ Economic and political weekly (India), February 14, 2009
Puisque
l’alphabétisation
concerne
essentiellement les pauvres, il est encourageant
de noter qu’en l’espace de deux décennies,
notamment à partir de 1991, l’alphabétisation au
plan national a fortement progressé, passant d’un
taux préalable de 21,83 points à 74,4 pour cent
(voir tableau 4). La moyenne enregistrée lors des
deux décennies précédentes, n’étant que de 17,8
points, chiffre que l’on pourrait revoir à la baisse,
si l’on considère qu’avant 1991, le taux
d’alphabétisation incluait les personnes âgées de
5 ans et plus, pour n’inclure que les personnes
âgées de 7 ans et plus dès 1991.
Lors de la décennie passée, la moyenne de
progression du taux d’alphabétisation de manière
générale (9,7 points) a été largement dépassée
par plusieurs états pauvres : Bihar (16,82 pour
cent), Uttar Pradesh (11,45 pour cent), Orissa
(10,37 pour cent), et Jharkhand (16,07 pour
cent). L’alphabétisation féminine a enregistré une
progression formidable. Avoisinant les 11,8
points au plan national, elle est nettement élevée
à Bihar (20,2 pour cent), Uttar Pradesh (17,1
pour cent), Orissa (13,9 pour cent), et Jharkhand
(15,3 pour cent)(23).
Pauvreté
Le ratio de pauvreté calculé d’après les données
du National Sample Survey Office (NSSO)
(Bureau National d’Etude et d’Echantillonnage)
a chuté d’un taux préalable de 45,3 pour cent en
1993-94 à 32 pour cent en 2009-10 (voir tableau
5)
Certains trouveront que les choses n’évoluent
pas assez vite. Or, les études du NSSO prennent
seulement en compte 43 pour cent de la
consommation calculée à partir des données du
PIB, contre 87 pour cent dans les années
1970(24). De plus, par crainte de perdre les
avantages aux quels elles ont droit, les
populations pauvres peuvent minimiser leur
qualité de vie réelle. Par conséquent, les calculs
établis pourraient surévaluer la réalité des faits.
Le taux de personnes se plaignant de souffrir de
la faim en permanence ou de manière périodique
a fortement baissé dans les états les plus pauvres.
Au plan national le chiffre est passé de 17,3 pour
cent en 1983 à 2,5 pour cent en 2004-2005 (voir
tableau 6). (25)
Grâce aux revenus générés par la croissance
durant la réforme, le gouvernement central et les
gouvernements des états ont pu augmenter les
dépenses de manière considérable, notamment
les subventions et programmes d’emploi destinés
aux pauvres. En dépit de la fraude et des
détournements notoires, on note tout de même
des avancées. La croissance rapide a entraîné la
hausse des salaires du travail temporaire, et le
manque de main d’œuvre se ressent dans tous les
secteurs, même dans l’agriculture et les travaux
de construction autrefois réservés à une main
d’œuvre non qualifiée.
Sur une période de 35 mois, jusqu’à décembre
2010, les salaires dans le secteur agricole ont
connu une augmentation de 106,5 et 84,4 pour
cent dans les états agricoles riches comme Andra
Pradesh et Punjab respectivement. Ils ont
également connu une forte hausse dans les états
habituellement touchés par l’exode, en
l’occurrence Bihar (58,3 pour cent), (Orissa 62,9
pour cent), Uttar Pradesh (62,4 pour cent),
Madhya Pradesh (56,2 pour cent)(26). La
croissance rapide a fait reculer la pauvreté de
manière plus significative que les plans d’aide
sociale (27).
Le programme inachevé
Le constat est qu’après deux décennies de mise
en œuvre des réformes, un vaste programme
reste toujours à entreprendre au plan
économique, de même qu’au plan de la
gouvernance où le chantier paraît plus vaste
encore.
Liberté économique et monde des affaires
L’index de la liberté économique 2011 de
l’Heritage Foundation (Index 2011 of Economic
Freedom) ne classe l’Inde qu’à la 124ème place
sur 183 pays (28). Le rapport sur la liberté
économique dans le monde 2010 du Fraser
Institute (Report on Economic Freedom of the
World) lui attribue un rang un peu plus
honorable 87ème sur 141 pays (29).
sur 183 pays, montrant que la route demeure
encore longue avant que l’Inde ne soit déclarée
comme un pays propice aux affaires. L’Inde
occupe l’un des derniers rangs du classement
mondial dans les domaines suivants : facilité
d’entreprendre des affaires (165ème), obtention
de permis de construire (177ème), exécution des
contrats (182ème) (30).
Le rapport Doing Business de la Banque
Mondiale ne classe l’Inde qu’en 134è position
C’est la faute aux contrôles, à la bureaucratie, au
retard, (surtout au niveau des gouvernements
L’éléphant devenu tigre - par Swaminathan S. Anklesaria Aiyar
fédérés) malgré la libéralisation effective par le
gouvernement fédéral (31). L’Inde détient le
record mondial des cumuls de procédures légales
(31,5 millions), que l’on mettrait 320 années à
régler selon V.V. Rao (32), juge à la Haute Cour
de justice d’Andrha Pradesh. Les états indiens
ont commencé à améliorer l’environnement des
affaires, mais la tâche reste énorme. Entretemps,
le gouvernement fédéral n’a pas encore levé le
trop grand nombre de restrictions concernant
l’investissement dans les infrastructures, les
ressources naturelles, le secteur financier,
l’éducation et le commerce de détail. Les
contrôles sévères visant les propriétaires terriens
et la circulation des marchandises contrecarrent
la croissance du secteur agricole. Les lois du
travail rigides n’ont pas été amendées, et freinent
la mise sur pied d’industries employant de la
main d’œuvre de masse.
Dépenses sociales et gaspillage
La dépense sociale a augmenté du fait de la
croissance économique. Les changements induits
par la réforme incluent un programme de
garantit de l’emploi rural ; la création d’un projet
portant sur la Sécurité Alimentaire (Food
Security Act) pour une distribution à grande
échelle de la nourriture subventionnée aux
pauvres ; un projet visant à mieux étendre
l’éducation, en complément d’une loi relative au
droit à l’Education ; une mission de santé rurale ;
des
programmes
spéciaux
concernant
l’infrastructure rurale et les problèmes urbains ;
et des projets ciblant les couches les plus
pauvres, les castes et les groupes religieux. D’un
point de vue global, la dépense sociale s’est
accrue, passant de 5,49 du PIB en 2005-2006 à
7,27 pour cent en 2009-2010 (33). Cependant, ces
projets sont minés par la corruption, le
gaspillage, les détournements à grande échelle.
Des prétendues écoles publics et des centres de
santé fonctionnent à peine, obligeant les pauvres
gens à débourser davantage pour se tourner vers
les écoles privées et les médecins payants. Selon
de puissants syndicats, les professeurs, les
travailleurs de la santé (34), et autres
fonctionnaires de l’état ne font preuve d’aucune
responsabilité, l’absentéisme est galopant et il
faut toujours débourser des pots de vin pour des
services supposés gratuits. Il est impérieux
d’entreprendre des réformes majeures au niveau
de l’administration afin de changer les
motivations et rendre les fonctionnaires
responsables vis-à-vis de ceux qu’ils servent.
Nutrition
Les indicateurs nutritionnels de l’Inde font partie
des plus alarmants au monde. L’anémie affecte
plus de 80 pour cent de la population dans
plusieurs états. La malnutrition infantile,
mesurée par rapport au poids insuffisant pour
l’âge, affecte 47,6 pour cent des enfants indiens,
un constat encore plus dramatique que dans
n’importe lequel des pays africains. D’après une
étude de la santé familiale, il n’y a eu aucune
amélioration réelle concernant la malnutrition
infantile entre 1998-1999 et 2005-2006, malgré la
croissance rapide du PIB (GDP). Cependant les
données du National Nutritional Monitoring
Board (Bureau National de la Surveillance
Nutritionnelle) montrent quelques améliorations.
Globalement, les enfants indiens souffrent de
rachitisme, de sous poids et d’amaigrissement.
Le plus déroutant, c’est que la malnutrition
affecte également les groupes qui disposent de
revenus élevés. La consommation de calories est
en baisse, malgré la hausse des revenus. Les gens
pauvres veulent s’élever socialement, et cela se
traduit par la consommation de mets savoureux
au détriment de la nourriture de base porteuse de
plus de calories. Le problème de la nutrition est
nettement plus préoccupant que celui de la faim,
à telle enseigne que le futur programme prévoit
une éducation nutritionnelle et le renforcement
des aliments en vitamines, fer et iode.(35)
Manque de compétences
L’éléphant devenu tigre - par Swaminathan S. Anklesaria Aiyar
Chaque secteur (y compris la construction et
l’agriculture) enregistre une pénurie de main
d’œuvre, mais là où cette pénurie se ressent le
plus, c’est au niveau du travail qualifié. Le
système scolaire public laisse à désirer, et des
millions de personnes quittent les bancs
pratiquement analphabètes. Les normes de
qualité et de quantité sont décevantes qu’il
s’agisse du public ou des établissements privés
d’enseignement supérieur. L’Inde a besoin d’un
grand changement mélioratif au plan de
l’éducation et de la formation professionnelle,
pour bénéficier pleinement de son dividende
démographique. Des programmes d’échanges de
coupons donneraient aux parents le choix
d’inscrire leur enfant dans les écoles privées ou
dans
les
établissements
d’enseignement
supérieur. Le gouvernement devrait autoriser les
écoles à but lucratif (jusque-là interdite) et de
même faciliter l’établissement des universités
étrangères en Inde.
Droit, justice et ordre
La police et les tribunaux jouissent d’une sinistre
réputation car ils sont perçus comme la source
de la corruption et de l’injustice. Les procédures
traînent en longueur sur des décennies, et de
nombreux criminels meurent de vieillesse avant
d’être condamnés, au mépris de la légalité. Les
retards de procédures judiciaires impliquent que
de nombreuses procédures controversées ne
seront jamais réglées. L’Inde compte 14576 juges
au lieu de 17641 postes de magistrats prévus et
budgétisés. Cela induit une marge de 10,5 juges
/million de personnes contre la norme de 50
juges/million suggérée par la Cour Suprême (36).
L’Inde dispose de moins de 1policier/mille
personnes par opposition à la norme standard de
2,2(37) suggérée par les Nations Unies. Les
politiciens utilisent à mauvais escient l’appareil
répressif pour couvrir les malfrats dans leurs
propres rangs et pour cibler les groupes
d’opposition. Les vastes régions rurales de l’Inde
disposent d’un nombre très réduit de policiers,
de tribunaux, et autres voies de recours. Les gens
Corruption
Il s’agit du thème politique le plus sensible en
Inde aujourd’hui. Après des décennies d’une
criminalité galopante, et du règne de la
corruption dans la bureaucratie et la sphère
politique, le peuple a laissé éclater sa colère
contre la corruption. Ceci est un changement
structurel lié à l’émergence d’une classe moyenne
plus sure d’elle, idéalisée et diffusée à grande
échelle par les chaînes de télévision. La politique
est de plus en plus vue comme un milieu
d’affaires et les politiciens comme des
millionnaires. Une telle approche affecte le talon
d’Achille des politiciens, à savoir les résultats
d’élections. Voilà donc une lueur d’espoir. La
plupart des études indiquent qu’aux yeux de la
se plaignent du fait que les quelques policiers
affectés aux zones rurales soient corrompus par
les riches propriétaires terriens et les
commerçants. C’est l’une des raisons liées à
l’implantation des Maoïstes dans les régions
reculées. Ils organisent des procès et appliquent
une justice instantanée et rigide, comblant un
vide créé par l’absence de l’état.
Au titre du respect des contrats, l’Inde se classe
pratiquement en queue de liste 182ème place sur
183 pays selon la Banque mondiale. On l’appelle
miracle économique, mais le vrai miracle est de
savoir comment l’Inde parvient à générer une
croissance rapide en dépit d’une base
institutionnelle aussi défectueuse. La seule
bouffée d’oxygène provient de ce que
contrairement à la lenteur excessive des
procédures civiles, les tribunaux indiens font
preuve de célérité dans la vérification des
mesures arbitraires de l’Etat ; toute chose qui est
du goût des hommes d’affaires nationaux ou
étrangers.
population, la corruption devient insoutenable,
avec les plus grands coupables classés dans
l’ordre suivant : les politiciens, la police et les
bureaucrates. Cependant, il semble probable que
l’opinion publique laisse de plus en plus éclater
sa colère, donnant l’impression que la corruption
a atteint d’autres niveaux records. En effet,
l’Index de Perception de la Corruption de
Transparency International classe L’Inde au rang
de 87ème sur 178 pays, derrière la Chine 78ème,
mais loin devant le Bangladesh 134ème, et le
Pakistan 143ème (38). Car en fait, l’Inde a
légèrement amélioré sa performance, de 2,7 sur
10 en 2002 à 3,3 en 2010. Cela pourrait
s’expliquer par le fait que la corruption a été
endiguée par la dérégulation intervenue dans
plusieurs secteurs (permis industriels, licences
d’importations, autorisations de monopoles,
autorisations de devises étrangères), même si cela
tend à contrebalancer la hausse de la corruption
dans les champs des allocations politiques
(ressources naturelles, immobilier, et les contrats
du gouvernement). Ainsi la corruption a pris une
telle ampleur dans les trois axes précités,
enrichissant davantage les politiciens, que la
colère de l’opinion publique est montée en force,
rajoutant de l’eau au moulin des critiques qui
assimilent la libéralisation à un stratagème pour
enrichir les politiciens et un groupuscule de
copains capitalistes. L’on ne se rend pas
forcément compte du fait que la cause réelle du
problème est imputable au caractère insuffisant
de la libéralisation qui laisse trop de place au
favoritisme et à la discrétion politique.
Infrastructure
L’insuffisance d’infrastructures constituera un
obstacle majeur à la croissance dans les années à
venir, et cela est dû à la corruption. Les routes,
l’énergie, les ports, les chemins de fer et les
télécommunications ont tous un lien avec les
trois grands axes de corruption : ressources
naturelles, terres et contrats du gouvernement.
L’interdiction concernant l’exploitation des
mines de charbons par des privés reste toujours
en vigueur. Il est interdit de transformer une
terre agricole en terre non agricole, pour des
besoins industriels ou autres services sans
l’autorisation préalable de l’Etat, ce qui exclut la
mise en œuvre de perspectives intéressantes.
L’Inde a besoin de procédures plus transparentes
et plus ouvertes, alliant la suppression de la
discrétion politique dans ces domaines, non pas
seulement pour assainir son administration, mais
aussi
pour
accélérer
la
fourniture
d’infrastructures.
Criminels dans l’arène politique
Lors des élections de 2009, 150 des 542 sièges
ont été remportés par des politiciens pourvus
d’un casier judiciaire pour s’être rendus
coupables d’infractions graves : viols, vols et
même meurtres. Ils sont encore plus nombreux
qu’à la suite des élections de 2004 (39) où ils
étaient au nombre de 128. L’état des lieux est
tout aussi déplorable dans les législatures des
états fédérés. L’incapacité des tribunaux à
condamner les gens au mépris de la légalité,
emmène les voyous à faire l’usage de la force et
de l’argent en toute impunité. Cela conduit à un
cercle vicieux au plan politique. Ainsi donc les
parties politiques courtisent les voyous qui
intègrent la sphère politique pour bloquer les
procédures judiciaires dont ils sont l’objet. Cette
détérioration de la moralité politique est de très
près liée à l’augmentation de la corruption des
gros bonnets et la grogne publique qui en
découle. Au titre des réformes envisageables, il y
a la mise sur pied d’institutions indépendantes
pour enquêter sur la corruption incriminant des
ministres et des personnages politiques de haut
rang. Une autre proposition envisageable serait
de décréter une instruction de haut niveau pour
toute affaire concernant un législateur élu. Une
fois que les voyous auront réalisé que se faire
élire ne leur confère plus aucune immunité pour
leurs crimes et délits, ils perdront tout intérêt
pour la politique, entraînant de facto
l’assainissement du milieu (40).
Conclusion
Réformer la gouvernance est à présent la solution
Le programme inachevé des réformes en Inde
concerne aujourd’hui deux axes majeurs : la
réforme économique et la réforme de la
gouvernance. L’un des deux, la réforme de la
gouvernance ne connaît pas d’avancée réelle. Il
urge donc d’y pallier. Si la réforme économique
en Inde a été assez profonde pour être en
mesure de générer 8,5 pour cent de croissance et
lui conférer le statut de miracle économique, on
ne peut pas en dire autant de la gouvernance. A
L’éléphant devenu tigre - par Swaminathan S. Anklesaria Aiyar
ce propos, le véritable miracle réside dans le fait
que l’Inde ait pu réaliser une croissance aussi
rapide, malgré tant de mal gouvernance. Bien
que la réforme économique puisse améliorer la
gouvernance dans des domaines clés, la bonne
gouvernance est souhaitable en soi, car elle
constitue un ingrédient essentiel pour une
croissance économique plus rapide. La libre
concurrence, terreau des affaires n’est possible
qu’avec une gouvernance correcte. La réforme
du système politico judiciaire ne sera pas
seulement profitable à la détection du crime et la
réparation des torts, mais elle améliorera
également le respect du contrat et la protection
des droits de propriété. Si les terres, les permis
d’exploitation
de
minerais,
les
télécommunications, font l’objet d’appels
d’offres transparents, plutôt que d’être attribués
de façon partisane, cela aidera non seulement à
endiguer la corruption mais à accroître la
productivité et à réduire les relations politiques,
condition fondamentale pour une compétition
dynamique. Supprimer la corruption liée aux
contrats passés par l’Etat ne fera pas qu’assainir
la politique et l’administration, mais augmentera
le nombre des soumissionnaires, tout en
réduisant les coûts tout en accélérant la mise en
œuvre des projets. Bouter les criminels hors de la
sphère politique ne donnera pas simplement le
signal que les escrocs et les groupuscules de
copains ne bénéficieront plus d’immunité, mais
cela réduira une cause majeure de la corruption
et la recherche de pots de vin, tout en libéralisant
davantage les marchés dans le souci d’accroître la
compétition. C’est là le chemin que l’Inde doit
suivre.
Analyse publiée par le CATO Institute en juillet 2011. Traduction par Audace Institut Afrique
Notes
1. Clive Crook, “The
Economist,May 4, 1991.
Caged
Tiger,”
The
2. India’s fiscal year runs from April 1 toMarch 31.
FY 2011, for example, is often referred to as 2010–
11.
3. Government of India, The Economic Survey
2010–11, www.indiabudget.nic.in. This puts GDP at
current market prices at Rs 79 trillion in 2010–11.
With expected nominal growth of 15 percent
this year, GDP should exceed Rs 90 trillion orUS$2
trillion.
4. Goldman Sachs, “Dreaming with the BRICS: The
Path to 2050,” Global Economics Paper 99, 2003,
http://www2.goldmansachs.com/ideas/brics/book/
99-dreaming.pdf.
5. World Bank/International Finance Corporation,
Doing Business 2011 (Washington: World Bank,
2010).
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Human Development Report (New York:Oxford
University Press, 2010).
7. Angus Deaton and Jean Dreze, “Food and
Nutrition
in
India:
Facts
and
Interpretations,”Economic and Political Weekly
(India), February14, 2009. The authors show that the
mean body mass index in India is 20.5, the fourth
lowest in the world, and below the sub-Saharan
African average of 21.9.
8. Economic Advisory Council to the Prime Minister,
“Economic Outlook for 2010/11” New Delhi, July
2010.
L’éléphant devenu tigre - par Swaminathan S. Anklesaria Aiyar
9. Aditya Matoo and Arvind Subramanian,“India and
Bretton Woods II,” Economic and Political Weekly,
November 8, 2008.
10. Swaminathan S. A. Aiyar, “India’s Global Image
Is Driven by Private Initiatives,” The Times of India,
January 9, 2011.
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Demographic Dividend: Evidence from the Indian
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23. Census Commissioner of India, Census of India
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40. Swaminathan S. A. Aiyar, “Ten Commandments
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L’éléphant devenu tigre - par Swaminathan S. Anklesaria Aiyar