CHAMBERY dans l`Histoire des communes savoyardes
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CHAMBERY dans l`Histoire des communes savoyardes
Histoire des communes savoyardes Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey CHAMBÉRY Appellations anciennes: Camefriacum, Cambariacum , Chambéricum, Chamberium . Depuis des siècles, l'on s'interroge sur le sens et l'origin e de cette dénomination . Fodéré y voit le souvenir du fondateur de la ville, Berius, paladin du roi Arthur. Rochet préfère la référence à Caturige, 13e roi des Allobroges. Ne serait-ce pas un dérivatif du latin Cammaro, Gamberi signifiant écrevisse? mais dans ce cas, faut-il le relier aux marais de la région qui auraient été riches en crustacés ou faut -il se contenter du souvenir d'un propriétaire gallo-romain affublé de ce surnom comm e on en a retrouvé un homonyme dans le Midi ? Certains enfin veulent tout simplement relier Chambéry à « Camera », la Chambre de Justice et de Commerce ... Habitants .' les Chambériens. Population : 1335 : 435 feux (soit 2 000 à 2 500 hab,) - 1338 : 452 feux 1431 : 570feux (estimation de Gillio) 1551 : 831 feux - 1605 : 520 feux 1622 : 563 feux - 1730: 2 196 feux 1776 : 9 755 hab. - 1787: II 621 hab. dont 10 656 pour la seule ville: 5 754 intra-muros et 4 894 dan s les faubourgs - 1802: 11 911 hab. - 1820: 13 225 hab. - 1848: 161 09 hab. 1861: 19953 hab. (dont 15055 permanents) - 1881 : 19622 hab. - 1911 : 22958 hab. (dont 18535 permanents) - 192 1 : 20617 hab. - 1936 : 28075 hab. - 1954 : 32 139 hab. - 1968: 51056 hab. (avec Bissy et Chambéryle- Vieux dorénavant) - 1976: 56788 hab. Altitude : 270 m. étagement de 260 à 400 m. Superficie : 2 099 ha (la commune a doublé sa superficie par l'ann exion de Bissy et de Chambéry -Ie- Vieux en 1961). Armoiries: de gueule à la croix pleine d'argent à l'étoile d 'or au côté dextre, blason de la Maison de Sa voie donn é par privilège à la ville capitale, augmenté de l'étoile d'or distinctive (et diminutive ?), des lévriers (symbole de fidélit é) et de la devise « CuSTODIBUS ISTlS » (( à ces gardiens » ou « de la part de ces gardiens? »). Au XVIIIe siècle, Chambéry en tant que capitale du duché est la résidence du gouverneur et de l'intendant général de Savoie et de SavoiePropre. Depuis 1559, elle est le siège du Sénat doublé pour les juridictions inféri eures d' un juge mage provinCial et d' un juge de mandement. VictorAm édée Il lui a enlevé la Chamb re des Comptes, mais lui a attribué un Conse il de Ré forme (pour l' instruction publ ique): Chambéry est, bien sür, auss i le siège du Protomédicat (pour l'hygiène et la san té publique) et d'ull ills inuateurdu tabe lli o n (e nreg istrement) pour toute la rég io n. Pendant la Révolution , Chambéry perd, au profit d'Annecy, so n évêque pourtant obtenu tardivement en 1779 . Elle n'est plus qu e le chef-lieu du département du Mont-Bl anc, doté en 1797-99 d' une éco le centrale. Sous le Co nsulat et l'Empire, la ville reste chef-lieu de d épa rtem ent avec un e école seco ndai re co mmuna le, une age nce forestière et deux brigades de gend armerie (un e à pi ed et l'au tre à cheval). En 1802, C hambéry est de nouveau évêché. En 18 15, Cha mb éry retrou ve ses institu ti ons d'A ncien Régim e: le go uve rn eur, l' inten dant généra l, le sous-intendant général, le Sénat, le Magistrat de Sa nté, le Co nsul at (Tribu nal de Commerce) et la Réfo rm e. 19 Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD Editions Horvath, Roanne, 1982 1 sur 111 Histoire des communes savoyardes Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey Les armoiries de Chambéry En 1842, Charles-A lbert la dote d ' un congrès provinc ial (de notable s) pour la Savoie- Propre, qui est absorbé en 1848 dans un conseil division naire. A cette date fondam enta le, le gouverneur général est remplac é par un comma ndant général de la division militair e de savoie et l'intend ant général par un intenda nt divi sionnaire ; le Sénat est liquidé pour laisser la place à une cour d'appel et la judicat ure-ma ge dispara ît, remplac ée par un tribuna l de premièr e instance . En 1859, Chamb éry retrouv e un gouverneu r division naire assisté d'un vice-go uverneu r et d'un conseil général provinc ial. Entre 1817 et 1823, l'évêqu e a dû renonce r à Genève , Annecy , Moutie rs et Saint-J ean, mais il est promu archevè que métropo litain . En 1860, Chamb éry devient cheflieu du départe ment de la Savoie, subdivi sion de la 22 e division mili- taire, siège de la 26 e légion de gendarmer ie, d'une académ ie et d'une cour d'appel , directio n régiona le des tabacs, chef-lie u d'arron dissem ent forestie r avec une école prépara toire à l'e nseigne ment s upérieu r. Hamea ux et lieux-dits : Angleterre, Les Barandiers, Beauvoir, Bellevue, la Bionnaz, Biollay, le Petit-Biollay, La Boisse, Vieux-Capucins, Caramagne, la Cardini ère, la Cassine, Chambéry, le Chaney, les Charmettes, la Chaumière, les ChallX, Comba-Rochet, les Combes, Côte- Rousse , Croix-Rouge dessous et dessus, la favorite, Grabera, Hauturin, Joppet , Lémenc, la Martinière, Mérande, le Mollard, les Monts, Montjay, la Moutarde, Montraeul, Nezin, le Noyer, le Pioch et, la Planté. le Plat. Pugnet. le Ravet. La Reveria z. les Rochets, Saint-Georges. Saint-Martin. Saint-Saturnin, La Trouvière. La Truanderie, la Violette . 20 Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD Editions Horvath, Roanne, 1982 2 sur 111 Histoire des communesN savoyardes Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey i o 100 200 ! 250 m CHAMBER Y AU DEB UT DU XI Ve SIEC LE 1. 2. 3. 4. S. 6. Porte Maché . Porte Aec lu s. Fors Porte. Poterne de la Cité. Poterne des Granges. Poterne des Frères Mineurs. 7. Poterne des rattes. l>Jonnes ou des Mina - 8. Poterne des Peyroliers . 9. Poterne des Filles. lO.Juiver ie (actuelle rue Trésorerie ), 11 . Eglise Saint- Léger (1250). 12 . Hôpital des Bonivard. 13. Hôpital Sainte-Cr oix des Chabod. 14.Rue de Villeneuv e (actuelle rue Bonivard). ~ ~ Salnto-Cl aire Horslav lUe 15, Rue du Bourg Neuf (actuelle rue Juiverie) . 16. Rue sous le Château ou de Bellecombette (actuelle rue basse du Château). 17 . Rue du four ou de Sainte Appolonn ie, 18. Rue du Meysel (actuelle rue du Sénat). 19 . Rue de la Cité ou des Boursiers ( actuelle rue de Lans). 20, Grande Rue, 2 1 , Rue Grenateri e. 22. Aue Forti s Portam. Saint-Jea n du temple et les Antonins datent du dobut du XIIe siècle, les Cordeliers de et les Clarisses de 1230, SaintLéger est construit en 1250 et SaintPierre-sou s-C h âteau en 1318 . CHAMBERY AU XV e SIECLE Vernoy '00 200m Chapelle Saint-Sébas tien , . HOtel·Die u , vers 1350. 2. Eglise des Antonins . 1355-137 2 . 3 . Hôpital des Pèlerins ; vers 1400 . 4 . Nouvelles Boucherie s, vors 1401 . 5 . Les Domin icains. 1418 . 6 , Eglise de Lémenc . 1445 . 7 . Eglise Francisca ins. 1439- 1488. Sous la direction dedes Philippe PAILLARD, avec 8 . Sainte-Ma rle l'Egyptien ne. 1453. Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, 9. Sainte-Cla ire en Ville, 1771 . 10, Hôpital du Parad is, vers 1470, Editions Horvath, Roanne, 1982 11 ,Atelier de monnaie , la collaboration de André PALLUEL-GUILLARD Sainte Marle 3 sur 111 Histoire des communes savoyardes Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey o CHAMBERY AUX XVlle - XVIIIe SlECLES 1. Maison de ville. 1605. (Place de Lans, 1615 ). 2. La Grenette. 1575. 3. Le Sénat ; cour de justice créée en 1535, confirmée et installée ici en 1559. 4. 5. Le jeu de Paume . 1629. L 'hôpita l de Paradis . 1649 . 6. La Charité. 1656. 7. Les Incurable s, hôpital fondé en 1630, installé au Reclus en 1742, dans le c lo s de!: Annoncia des, transféré à Sainte-Ma rie en '777. 8. L 'Hôtel Dieu, fondé en 1647. installé ici en 1679, inauguré en 1713. 9. Les J ésuites, arrivés à Chambéry en 1564, installés ici en 1577 . , O. Les Augustins . 1619. 11 . Les Carmélite s, fondées en 1634. Couvent de 1641. , 2 . Les Annoncia des, arrivées au Reclus en 1641, puis au faubourg Mont-Mél ian Quelques années plus tard . 13.Les Carmes, fo nd és en 1636 . Couvent de 1639. 14 . Les Ursulines. 1625. 15. La Visitation , au Reclus en 1624, couvent co nstruit de 1640 à 1760. 16 . Les Bernardin es, à Chambéry en 1644 , couvent à Maché en 1652. 17 .Saint-Pie rre de Maché. 1721. 1B . Clos Regard de Vars. 19 . Clos de Lescherai ne. 20.Clos Clermont de Mont-Sai nt-Jean . 21 . Clos Bracorand de Savoiroux . A. Les pénitents '"'blancs, fondés en 1594 à Saint-Jean du Temple, près de la porte du Reclus, installés près des Cordelier s en 1765. B . Les pénitents noirs, eu x aussi fondés en 1594 . C . En 1637, les Cistercien s feuillants remplacen t les Bénédicti ns, à Lémenc. 22 Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD Editions Horvath, Roanne, 1982 4 sur 111 Histoire des communes savoyardes ...~~", .:.;,. ·','hIt.·,; " l'''Jt< .:.., .....I_~ .. Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey ~i ....... .~ '..I." ~- Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD Editions Horvath, Roanne, 1982 5 sur 111 Histoire des communes savoyardes Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey 17 .Palais de justice. 1855-1859 . ,. Halles. 1863 . 1 8 . Maison Saint-Benoit . 1820 . 2. HOtelde Ville . 1867 . 19 .Ma ison Sainte-Hélène pour les indi 3. Théâtre . 1823 et 1864. gents. 1830. 4 . Grene"e. 1843 . Convertie en biblio· 20 . 0rphelines de la Providence, restauthèque-musée en 1887 -1889 . rées en 1823, installé es aux Carmes 5 . 20 grenette. 1887 . en 1853. 5. Collège des Jésuites, 1827 , devenu 21. Sacré ·Cœu r . 1820 . lycée et refait en 1890 . 22. Calvaire. 1820. 7. Lycée de filles. 1891 . 23 . Les Capucins instal1és dans le clos des B. Ecole normale. 1886. Annonciades en 1818. 9. Gare. 1856. 24.Saint-Pl er re de Maché. 1832 . 10. Cimetière de Paradis. 25 . Le Carmel. 1824. 11. Caserne d 'I nfanterie. 1803-1815 . 26.La Visitation è Lémenc en 1799 . 12.Caserne de cavalerie. 1817-1830 . 27. Noviciat des frères des Ecoles Chré13. 10 gendarmerie. 1793 (chez les Ursu · tiennes. 1844· 51. Converti en école lines). primaire en 1878. 14. 20 gendarmerie . 1878 . 29. Le 80n Pasteur. 1839 . 15. Manège. 1846 . Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de. 181 2. 30 . Rel igieuses de Saint-Joseph 16. HOpital milita ire dans Sa inte·Claire 1830. Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD Editions Horvath, Roanne, 1982 31 . L es - Marc el lines de Saint-Ambroise. 1876 . 32 . Ecole primaire publique de la place Porte- Reine . 1866 . 34.Collège St· François fondé en 1878, i nstallé dans le Clos Longe en 1882. 35.Le nouvel hôp ital de Montjay. 18981910. 1. L a rue 1863 . Favre (du prince impérial). Il . Le Champ de Mars. 1793 . III. La ruedeBoigne . 1830 . IV. Rue et place Port e- Re ine. 1900. V . Route et avenue de Lyon . 1822. VI. Rue de la banque. 1861 . VII. Rue Sommeiller . 1847 . VIII. Avenue P . L anfrey. 1882 . IX. Avenue du Comte Vert . 1861 . 6 sur 111 Histoire des communes savoyardes Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey Genève Annecy Aix Montmélian ~,"".::::;;;:::~~;:;;-V Mont-Ce ni s o 2km L'agglomération chambérienne à la fin du XXe siècle • Chambéry à la fin du XIXe siècle Il/lA Les nouveaux quartiers de 1890 à 1940 Quartiers industriels et commerçants contemporains o D Villages anciens Les nouveaux quartiers depuis 1950 Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de ~ Zones vertes l.±..!:-±.J Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD Editions Horvath, Roanne, 1982 7 sur 111 Histoire des communes savoyardes Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey CHRONOLOGIE DE L'HISTOIRE CHAMBÉRIENNE Il e s. ap. J.c. : Lemencum apparaît vraiment comme « statio » sur la grande route impériale reliant Vienne à Milan. Modeste bourg sur un carrefour routier, Lémenc n'a pas de rempart, pas de therme et pas de monument sinon un temple à Mercure, dieu des voyageurs et des montagnes dont il reste le caducée et la main d ' une statue colossale. L'ensemble paraît avoir été détruit au Ille siècle. l029. Fondation à Lémenc par le roi de Bourgogne Rodolphe III et sa femme Ermengarde d' un prieuré bénédictin sou s la dépendance de l'abbaye lyonnaise d' Ainay. En fait , il s'agirait plutôt d 'une restauration, d 'a utres documents parlant de deux moines d' Ainay, Geoffroy et Anselme, fondant ici un prieuré au Vie Th omas I CI' siècle. De toutes les façons , le baptistère confirme une implantation religieuse au moins dès le Ville siècle. 1232. Le comte Thomas achète à Berlion de Chambéry ses droits sur la ville pour 32000 « sols forts de Suse» et accorde aussitôt des franchises aux habitants. 1295. Amédée V le Grand achète à François de la Rochette le château de C ha mbéry, dont il va faire sa résidence principale en Savoie. 1330. Un acte du 13 janvier crée deux syndics et deux économes pour gérer les affaires de la cité. 1376. Chambéry se dote d'une enceinte continue avec 14 tours contre les risques des grandes compagnies. Elle ne sera terminée qu'en 1444 et ne semble pas n'avoir jamais servi . remetlal1t les f ranchises à la commune de Chambéry - Mon.ument de Thomas l eI' à l' abbaye d' Hau.tecombe ( 1830) 26 Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD Editions Horvath, Roanne, 1982 8 sur 111 Histoire des communes savoyardes 1416. Améd ée VIII , qui a commencé depui s huit a ns la construction d 'u ne gra nde chapelle pour so n château, reçoit magnifiquement à Chambéry l'e mpereur Sigismond qui lui confère le titre ducal. 1470. Les juifs sont expulsés de Savoie; cette mesure clôt un siècle de lois et décisions antisémites. Chambéry perd les derniers éléments d'une communauté qui fut aussi nombreuse qu 'acti ve pendant plus d e deux siècles. 1483. Antoine Neyret install e à Maché la première imprimerie de Savo ie, 13 ans après celle de son compatriote Fichet à Paris. 1496. Philippe II , beau-frère du roi Loui s XI, réorgani se l'administration municipa le, s upprimant de fait l'assemblée générale des bourgeoi s et confiant le pouvoir à deux syndics aidés de deux conseils de 12 et 36 membres se recrutant par cooptation et élisant eux-mêmes les sy ndics . L'année suivante, le duc revient de Turin mourir à C hambéry d a ns la tour de Lémenc, dernier souverain à s'être considéré comme C hambérien. 1502. Le Saint-Suaire est d éfinitivement insta llé à C hambéry. Il ma nque dispa raître dans l' incendie de la Sainte-Chapelle en 1532. 1527. Le nombre des syndics passe de deux à quatre (deux nobles et deu x bourgeoi s). 1536. Les Français entre nt à C ha mbéry 04 il s installent un Parlement. Ils vo nt y rester 23 a ns. 1559. C ha mbéry est évacuée pa r les Français, ma is si en 1560 Emmanu e l-Philibert y crée un Sénat rempl aça nt le Pa rlement de François 1er , il s'étab lit d ès 156 1 à Turin d o nt il fait sa ca pital e définitive et où il tra nsfère le Saint-Suaire en 1578. « Les épidémies de peste so nt tellement rapprochées que l'idée de peste Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey devient une co nstante de la mentalité » (Gres lou). Le commerce décline des deux tie rs en un e génération. Les Jésuites s' insta ll ent à C hambéry en 1564. On vient de terminer enfin la première gra nd e digue le long de la Leysse, en a mont de la ri vière pour éviter un e inondation a uss i catastrophique que celle de 1551. 1600. Henri IV et Sully arri vent e n août à C ha mbéry ava nt de mettre le siège à Montmélian. « Mme de Sully eut l'id ée de faire chez so n hôtesse un e asse mbl ée d es principales dames d e la vill e où le bal fut tenu avec la même liberté et gaieté que s'i l y eut un an que le roi en fut maître .. . » Antoine Favre, sénateur depuis 1588, devient président du Sénat en 1610 jusqu 'à sa mort en 1624; il a fo nd é en 1594 la confrérie d es Pénitents Noirs . 1625-50. C hambéry s'e ntoure d'une ceinture de clos monastiqu es. En ma i 1630, Loui s XIII entre à C ha mbéry ravagée depui s deu x ans par la peste. C hri stine de France, régente de 1637 à 1663, donne une nouvelle façade à la Sainte-Chapelle pen dant que les Jésuites achèvent cell e d e leur chapelle (Notre-Dame) en 1644. En 1633, Victor-Amédée 1er acco rde quatre foires franches à C ha mb éry. 1690. Les Français d e Saint-Ruth entrent à C ha mbéry, qui se ra occupée jusqu'en 1696. Ils y rev iennent de 1703 à 1713. En 1679, Mgr Le Gamus a fait échouer le projet des Jésuites de créer une université à C hambéry. 1720. Victor-Amédée II supprime la Chambre des Comptes. En 1725, il enl ève presque tous leurs pouvoirs a u x syndics et aux consei llers de ville so umi s à un vicaire de police. En 1730, le ro i se retire à Chambéry a près so n abdi cation, mais l'a nn ée suivante, il est ramené e n Piémont. 27 Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD Editions Horvath, Roanne, 1982 9 sur 111 Histoire des communes savoyardes Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey Chambér y all XVII" siècle En 1737, C harles-Emmanuel III supprime le vicaire de police. Rousseau séjourne à Chambéry chez Madame de Warens de 1732 à 1742. De 1742 à 1748, C ha mbéry est occupée par les Espagnols. L'ai le royale du château est ravagée par un incendie, mais Don Philippe fait découvrir aux Chambé riens les charmes du théâtre. 1779. C hambéry obtient enfin un évêque qui s' in sta ll e chez les Franciscains. La ville se dote d ' une trentaine de réverbères à huile. On termine le premier théâtre que la Société du Casin a commencé en 1775 . L'abbé Mellarede, recteur de l'université de Turin , se prépare à léguer sa bibliothèque à la ville. La première société savante loca le, la « Société d'agriculture », à peine créée depuis 1774 commence à décliner. 1792. Le 23 se ptembre, le général Montesquiou entre à Chambéry, qui va rester française jusqu'en décembre 1815. L'assemblée des Allobroges vote l' a nnexion à la France en novembre. C hambéry devient cheffieu du département du Mont-Blanc. Les biens et édifices religieux sont confisqués et pillés. Les co uvents sont sécularisés, les remparts du xv- siècle abattus; la cathédrale convertie un temps en «Temple de la raison» ; les clochers « décapités ». Le château est incendié e n 1798. 1805 . Napoléon s'arrête à C ha mbéry ; il y vis ite l'éco le seco ndaire et la caserne (Curial) commencée depuis peu pour conso ler l'arm ée d'avoir été évincée du château accaparé par le préfet. L'architecte Trivelly élabore pe u après le premier plan d 'urbanisme. 1824. Visite à Chambéry du roi Charles-Félix arrivé au pouvoir en 1821 et qui préfère la Savoie calme et conservatrice au Piémont trop agité . Il inaugure le nouveau théâtre, accélère les travaux de la n01,lvelle caserne de cavalerie, honore la Société Royale Académique tout juste créée 28 Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD Editions Horvath, Roanne, 1982 10 sur 111 Histoire des communes savoyardes Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey LES PRINCES QUI ONT LE PLUS FAVORISE CHAMB ERY Thomas le,'. comte de Maurienne et de Savoie (1 1891233). Il ac hète C ham'béry et co ncède à la vi lle ses premières fran chi ses. .... ~ Amédée VI. leComte-VentI343- 1383l. Né à Chambéry, il donne à la cour un faste inégalé j usqu'a lo rs. Il amène à C hambé ry l'eau de la fo nt ai ne Saint-Manin , il commence la construct ion de nou vea ux remparts, il fa it place r une horloge (la premi èrel sur le clocher de Saint-Léger et cède à la ville la prome nade du Verney. Amédée V II 1. comte pui s duc de Savoie ( 139 1- 145 1l . Il reconstruit le c hâteau et éd ifie la chape lle. II insta lle les Dominicains à Chambéry, dont il renforce le rôlede cap itale. mais dont il expul se les juifs . Charles- Fé li x, roi de Pié mont-Sardai gne ( 182 1- 1831 l. <d l suffit que je m'arrête à Chambéry, là au milieu de mes fid è les Savoya rds, je ne c rains plus rien .. » Le ro i vient trois foi s e n di x ans à C hambéry qu ïl préFère à Turin trop libéra le . Il réorganise le co nse il de ville, autorise la création de l'A cadém ie de Savoie et la res taurat ion des Cheva liers tireurs. Il a ide à la construction et à l'embellissement du prem ier théâtre en pierres de la vi lle, il accélère la construction de la caserne de cava lerie, soutient l 'œuvre du généra l de Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration dee t installe les Jésuites au coll ège. Bligne Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD Editions Horvath, Roanne, 1982 11 sur 111 Histoire des communes savoyardes Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey L' el11rée des Frallçais à Chambéry en / 792 (gravure du X/Xc siècle) et autorisée, nomme 32 conseillers à vie pour le conseil de ville; il inaugure les travaux de la route du col du Chat et des digues de l'Isère. La fabrique de gaze de soie de J.B. Franklin à la Calamine créée en 1820 commence à prospérer. 1838. Chambéry se remet des troubles anticléricaux et révolutionnaires de 1832-1834. On vient de terminer le nouveau bâtiment du collège des Jésuites, et Vicario achève ses peintures dans les principales églises chambériennes. On inaugure en grande pompe la colonne des Eléphants élevée en hommage au richissime bienfaiteur de Boigne grâce auquel a été percée la grande rue des Portiques en 1827-31 , et l'on s'apprête à inaugurer la voie ferrée qui mène au port du Bourget et par là aux vapeurs faisant le service de Lyon. Stendhal, qui vient de quitter Chambéry, écrit: « Chambéry ne paye presque pas d'impôts et le gouvernement y dépense beaucoup. Les affaires de la ville sont cent fois mieux menées que celles d'une commune française ... le soir, société et femmes fort aimables ... » . 1848. Depuis octobre 1847, Chambéry vibre d'une fièvre révolutionnaire intense à la nouvelle de la promulgation du « Statuto » . Les Jésuites so nt expulsés mais en avril, la ville est envahie par les Voraces, ouvriers lyonnais, en partie d'origine savoyarde, venus proclamer la République et, s'il le faut, l'a nnexion à la France en accélérant la Révolution. La bourgeoisie affolée se ressaisit au bout de 24 neures et rétablit l'ordre avec l'aide des habitants du faubourg Maché. Le gouvernement transforme le Sénat installé depuis peu à l'Hôtel d' Allinges en cour d'appel, mais en compensation lui concède enfin un Palais de Justice. 1860. Le Palais de Justice est juste terminé; on pense déjà à la statue du président Favre qui en ornera l'entrée. Chambéry vote dans l'enthou- 30 Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD Editions Horvath, Roanne, 1982 12 sur 111 Histoire des communes savoyardes sias me en fa veur de l'a nnexion et reço it dans l' all égresse le coupl e impéria l. Depuis qu atre a ns, la vill e a le chemin de fer, et d epuis troi s ans elle est ra ccord ée a u résea u fra nça is. Le nouvea u régim e se lance tout de suite dans de grands trava ux, pour un nou vel Hôtel de Ville, pour un e nouve ll e préfecture, pour un nouvea u th éâtre, pour de nouvell es ha ll es, po ur de nouvell es ru es (Favre et de la Ba nqu e) ; néa nm oins, la ville vo it ses industri es décliner et son rôle faiblir. 1890. La municipa lité « républica ine » prépare da ns la fi èvre les cérémoni es du ce nten aire de l'annex ion de 1792 et cherche un sculpteur pour un monument digne de l'occas ion. Ell e vie nt, en attendant, d'obteni r enfin l' in stall ati on ici d'un bataill on de chasseurs alpins qu i sera logé à Joppet et non au fa ub ourg Montm él ian comme on le pensa it ; il Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey faut bi en qu e Chambéry ait quelq ues ava ntages après le nouvea u refus d u go uvernement d'y étab lir une manufacture de tabac. La ba taille scolaire bat son pl ein, l' éco le publ ique Caffe s'oppose à l'éco le des frères du Verney et la nouvell e éco le de fi ll es de la ru e de la Banqu e à cell e des re li gieuses de Saint-J oseph de la p lace d' Itali e. La gra nde affa ire est le remodelage de tou t le quart ier entre la viei ll e vi ll e et le Verne y. On vient d'édifier somptueuse ment un e no uve ll e bibli oth èqu e et l'o n es t sur le point d'achever to ute une ci té scola ire sur les ruines de l'ancien couve nt de la Vi sitation et au-delà. Cepend ant il n'est pas qu esti on pour le moment d'envisage r l'avenir des terra ins marécage ux, de l'a utre côté du Verney. On pense néa nmoin s au tra nsfert de l'H ôtel-Dieu et de la Charité décidément bi en in co mm odes da ns leurs Chambély se donne à /a'Fran ce en / 860 31 Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD Editions Horvath, Roanne, 1982 13 sur 111 Histoire des communes savoyardes vieux bâtimen ts sur les bouleva rds. Les amateu rs de nouvea uté s'extasient sur les travaux de restaura tion et de modern isation de la cathédr ale tandis que les partisan s des vieilles pierres recomp tent avec fièvre celles de l'ancien portail des domini cains que l'on va remont er au château . On travaill e avec acharne ment aux égouts, à l'a pprovis ionnem ent en eau et à l'éclaira ge de Chamb éry. 1914. Chamb éry s'engag e dans l'épreuv e de la guerre; celle-ci va lui faire oublier une série d'autres accidents: la mort de son ancien maire et leader républi cain Antoine Perrier (qui fut garde des Sceaux en 1911), et celle de so n maire actuel Vey rat. Qui a déboulo nné la statue de Rousse au au clos Savoiro ux que le préside nt Fallières avait inaugur ée en grande pompe en 1910? En 1912, le congrès nationa l des institut eurs a fait vibrer la grenette de slogans antimili taristes, mais les Chamb ériens appré- Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey cient peu le déclin de leur garniso n du fait du rapproc hement franco-italien. Chauvi nisme et nationa lisme aidant, l'inaugu ration du monum ent « aux morts de 1870-71 » a été une belle cérémo nie militair e et patrioti que dont chacun se souvien t avec émotion . Mgr Dubilla rd, champi on du conserv atisme, s'est réfugié dans une villa au Pont des Carmes et l'ancien évêché vient d'être transfo rmé en musée savoisie n. Quant au grand sémina ire dont on ne sait que faire, on y a logé... un garage. L'usine d'alumi nium et la nouvell e banque de Savoie symbol isent le renouve au économ ique, la ville comme nce à escalader les collines environ nantes, les Chamb ériens découv rent le sport et le cinéma . 1928. L'a ncien préside nt Poincar é vient inaugur er le nouvea u monument aux morts. Chamb éry a moins perdu d'homm es en proport ion que bien d'autres commu nes rurales, elle Les ruilles de Chambéry après le bombardement du 26 mai 1944 (Cliché Musée Savois ien) 32 Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD Editions Horvath, Roanne, 1982 14 sur 111 Histoire des communes savoyardes Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD Editions Horvath, Roanne, 1982 15 sur 111 Histoire des communes savoyardes Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey ----. Chambéry,1 Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD Editions Horvath, Roanne, 1982 16 sur 111 Histoire des communes savoyardes Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey '-------. ue générale Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD Editions Horvath, Roanne, 1982 17 sur 111 Histoire des communes savoyardes Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD Editions Horvath, Roanne, 1982 18 sur 111 Histoire des communes savoyardes Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey est même en pleine expansion; l'industrie prospère maintenant et si l'on a perdu le recteur en fonction depuis 1860, on se console avec le succès de la foire créée depuis six ans. On finit de préparer les plans de la nouvelle cité de Bellevue. La municipalité cherche un terrain pour y transférer les vieilles prisons et s'inquiète de plus en plus de la vogue de Maché, de son intempérance et de ses excès de langage. 1945. Chambéry, libérée en août 1944, sort pétrifiée de la guerre. Le bombardement de mai 1944 a détruit irrémédiablement une bonne partie de la vieille ville entre le Verney , l'Hôtel de Ville, les boulevards et la Gare. Les dégâts sont immenses et si l'église Notre-Dame est sauvée, l'hôtel Costa est détruit avec ses collections et combien d'autres! Des milli ers de sans-logis errent dans les ruines. La ville se couvre de baraques de bois pour les loger, on va même édifier près du musée une rue couverte pour abriter les commerces sinistrés. La foule, qui a applaudi le général de Gaulle en novembre 1944, était sans doute composée des mêmes personnes qui accueillaient le maréchal Pétain en septembre 1941. Pour le moment, on acclame l'épuration et les libérateurs même si la guerre continue sur la frontière jusqu'en mai 1945. La politique touche même les statues: le président Favre « neutre » est remonté sans difficulté sur son socle, la Jeanne-d'Arc érigée en grande pompe en 1942 est exilée au Ve rney et une souscription est lancée pour la réfection de la « Sasson » déboulonnée en 1941 et maintenant symbole du pillage allemand. 1960. Chambéry se délecte dans l'euphorie et le narcissisme historique en fêtant le centenaire de l'annexion. Cérémonies et célébrations se succèdent -pendant toute l'année pour la pl us grande joie des touristes Chambéry en /960 33 Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD Editions Horvath, Roanne, 1982 19 sur 111 Histoire des communes savoyardes et des Chambériens et pour la plus grand e gloire de la jeune muni cipalité Dumas, qui symbolise le nouvea u régime et le réve il de la vill e après les a nnées un peu ternes de la IVe République. Le général de Gaulle vient d'ailleurs co uronner par sa présence la fi èv re de la célébration historique et du renouveau po litique. Les fêtes ont permis le rava lement des Portiques et la restauration (très radica le) de la Sainte-Chapelle et de la Cath édrale. Mais pour l'heure, on préfère s'extasier sur les blocs du centre-ville maintenant reconstruits, le goût est en effet au moderne ; on s'enthousiasme pour la couverture de la Leysse et pour les nouveaux gratteciel (la tour du Centenaire n'est-e lle pas le phare de la croissance de la Savoie française ?). Les habitants du quartier Nicolas-Parent ont peu apprécié le transfert au Verney de la grande poste qui les coupe du centre-ville et le nouveau palais de la foire ne saurait les calmer, mais ceci n'est que détail dans la sensation de bien-être du moment. Les Chambériens commencent à prendre goût aux sports d'hiver et à la télévision, mais personne ne voit là le germe d' un changement radical de vie qui va provoquer bientôt la fin des « vogues» et des cavalcades. La satisfaction règne! Les ind ustries se font de plus en plus nombreuses, certes l'on regrette Gillette passée à Annecy, mai s le « Verre Textile» est en pleine expansion tout comme Bailly et combien d'autres. Pour loger les ouvriers, on a co nstruit la grande cité du Biollay, mais l'on pense déjà à d'autres grands projets: pourquoi pas un centre universitaire ? pourquoi pas une nouvelle cité vers la CroixRouge (si l'o n peut mener à bien Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey l'a nnexion de C hambéry- le-Vieux), une zone industrielle vers Bissy (s i l'o n peut absorber cette dernière), une nouvelle cité hospitali ère (si l'on peut fu sionner avec Jacob) ? On se prépa re à démolir le vieux Maché, à quoi bon tant de vieilleri es! et penda nt qu 'o n y est, pourquoi ne pas « aérer » la vieille vill e par des percées modernes et efficaces pour la circulation automobile? cette dernière en plein progrès pose la qu estion des future s autoro utes. On pense déjà au C hambéry de l'an 2000. 1977. Chambéry découvre avec stupeur qu 'elle s'est donnée une muni cipa lité de ga uche, ce que l'on n'ava it pas vu ici depuis le début du siècle, terreur des un s, enth ous ias me des autres. C'est que depuis quelque temps les polémiques n'ont cessé de croître en ville : qu e faire des casernes rachetées par la muni cipa li té ? que dire du projet de silo à voitures sur l'emplacement des halles? que penser des proj ets de lotisse ment des Charmettes? La piétonnisation de la place Sai nt-Lége r a beaucoup inquiété les com merçants et qui va payer le ravalement des façades et les futures restaurations? Certes C hambéry est une vill e calme et les 2 000 étudiants du Centre Universitai re (qui désespère de passe r Université) ne so nt pas assez nombreux ni assez vifs pour créer ici de l'agitation (même .en 1968, ils ont été calmes), mais les habita nts de la ZUP se plaignent d'être négligés par les autorités et depui s 1973 les affaire s vont moin s bien. On a un nouvel hôpita l fl am bant neu f à Maché, mais où mettre les vo itures si nombreuses actuellement ? où faire passe r la circulation maintenant que la Savoie est deve nue un ha ut-li eu touri stique ? Faute de li a iso n autoro u- 34 Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD Editions Horvath, Roanne, 1982 20 sur 111 Histoire des communes savoyardes tière à Sa int-Saturnin, on aura une voie rapide franchissant en tunnel la co lline des Monts, mai s qui paiera? l' Etat? la Société concessionnaire? ou les co lle ctivités locales ? et où Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey mettra-t-on les péages ? Si enco re en était sûre que l'agg lom éra tion atteig ne ses 100000 hab itan ts, on pourra it espérer un geste de l'E tat, mais o n peut en douter. Les embarras de Chal11bél)' en 1979. alors que la Voie rapide urbaine n'avance pas. qlle des flots de touristes paralysel1/ la ville lors des vacances d' hiver. le présidelll Giscard gagne Courchevel par voie aérienl/e IÉdil. Ville de Chambéryl 35 Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD Editions Horvath, Roanne, 1982 21 sur 111 Histoire des communes savoyardes Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey L'ESPACE CHAMBÉRIEN Que d'eau! Si la situation de Chambéry au croissement des routes Lyon-Turin et G enève-Valence fut essenti ell e pour le développement de la vi ll e, celle-ci resserrée entre les ultimes chaînons des Bauges et de la Chartreuse n'a qu ' un site méd iocre peu propice à un épano ui ssement urbai n d' envergure. Non seulement la cluse est étroite, mais encore encombrée d' un marais, dernier vestige de l'exten sion du lac du Bourget a u lendemain de la fonte des glaciers du Quaterna ire, zone amphibie perpétuellement « travaillée » et inondée par les torrents de la Leysse, de l'Albanne - ell e- même subdi visée en de multiple bras - et accessoirement de l' Hyère, d 'où un so l fragile, instable go rgé d'eaux. Pendant tout le premier mill éna ire de l'ère chrétienne, les homm es rebu- tés par ces conditions ont préféré s' install er sur les collines du pourtour, se contentant sa ns doute de pistes remblayées pour traverser le marais. Ce n'est pas avant le XIIIe siècle que les constructions apparaissent dans le marai s lui-m ême, mai s ce dernier n'a cessé jusqu'à nos jours de provoq uer de multipl es contraintes, in surmontab les parfois, mais le plus souvent fort coûteuses: pil otis (la cathédrale ne repose-t-elle pas sur 30000 pi eux ?), pompage, impossibilité pendant fort longtemps d' aménager des caves ou des so us-so ls (ce qui oblige de les reporter au rez-dechaussée), fragilité des constructions sa ns fondation , étayées par les édi fices voisins d'où le ti ss u très serré et fragile de la vieill e vi ll e où tout se tient, ce qui rend difficile les percements et remaniements intérieurs. L' inondation de Janv ier 19 10 rue Cro ix d 'or et rue d ' Italie (Cliché Musée Savoisien) 36 Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD Editions Horvath, Roanne, 1982 22 sur 111 Histoire des communes savoyardes Et tout cela sous la menace constante des inondations. Selon un journaliste du XIXe siècle, la Leysse « ne cesse d'être ridicule que pour être dangereuse » avec des variations extraordinaires de débit (po uvant atteindre 2 000 %) et des crues en toutes saisons : en août 1530, les eaux envahirent toute la ville « et de telle raideur courait la dite eau, qu'un cheva l ne pouvait marcher par la dite ville » ; en janvier 1875, toute la vieille ville fut encore submergée par près d'un mètre d'eau. Tous les 10 ans environ, la Leysse menaçait et si l'Albanne pourtant plus « docile » s'en mêlait, c'était la catastrophe. Dans ces conditions, l'éloignement naturel de la vi lle d es rives de la Leysse paraît évident, tant la rivière était aussi inutile que dangereuse. Ce ne fut néanmoins qu'en 1552 que l'on aménagea au faubourg Montmélian une « grande muraille de pierres taillées carrément », mai s l'on mit trois siècles encore pour la prolonger et régulariser définitivement le lit du torrent. Après la grande crue de 1875, l'o n accélère la couverture des anciens bras de l'Albanne, gigantesque chantier terminé seulement à la veille de la deuxième guerre. Dorénavant avec un réseau complet de digues, de biefs et d'égouts, Chambéry est à l'abri des excès de ses cours d'eau , mais sa it-on jamais avec la crue « centenaire »? La couverture de la Leysse ve rs 1960 ne doit, ni ne peut faire o ublier aux Chambériens sa présence co mme ils semb lent avoir perdu le souvenir de celle de l'Albanne. La ville médiévale La ville s'étire entre ses deux pôles traditionnels, Lémenc, centre religieux avec son prieuré bénédictin Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey (d'où s'amo rça au XIII e siècle la réorgani sa tion paroi ss iale de la vi lle) et le château, symbole du pouvoir politique et de la sécurité . C'est à ses pieds que se niche le premier noyau urbain « infra castrum ». Les documents et l'archéologie nou s renseignent fort peu sur C ha mbéry avant le XIVe siècle. Les quartiers de BourgNeuf et de Villeneuve témoignent d'un développement certain mais que l'o n hésite à situer au XIIe ou au XIIIe siècle. La ville médiévale s'est développée le long des deux grands chemins fondamentaux , celui s'étirant de Maché «( Maraisetté »: le marais) vers Montniélian par les divers bras de l'Albanne et l'autre greffé sur le premier, reliant le château à Lémenc, Chambéry à Genève. Mais nous ne connaîtrons sans doute jamais les étapes et les modalités de cette croissance, tout comme reste mystérieux le tissu urbain de cette première cité. Même le point important de savoir si C hambéry était ou non fortifié avant le XIVe siècle ne peut être résolu. Comment s'imagin er Chambéry à l'aube de son histoire? Une population réduite dépassant sans doute à peine le millier, des maisons basses recouvertes d'ancelles de bois dominées çà et là par les tours orgueilleuses des demeures nobles (comme celle d'Etienne Vechi chez lequel est passé l'acte d'achat de la ville par le comte Thomas en 1232), le tout dans un lacis de ruelles et d'allées comme ce lles dites des Pierres- Plates, des Peyroliers (ou des chaudronniers). Seuls quelques « charrières» peuvent prétendre à un e largeur suffisante pour quelque trafic (celle de Belle-Combette, l'actuelle rue basse du Château, une des plus anciennes de la ville était d 'autant plus importante qu'elle seule menait au château 37 Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD Editions Horvath, Roanne, 1982 23 sur 111 Histoire des communes savoyardes Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey La plus vieille rue du vieux Chambéry 38 Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD Editions Horvath, Roanne, 1982 24 sur 111 Histoire des communes savoyardes et qu 'elle seule permett ait de traverser efficace ment la cité au moins en partie, on compre nd qu 'ell e fut alors la plus aristocr atiquem ent habitée). Partout , des bras de l'A lbanne enjambés par des passerelles de bois, mais dès le milieu du XIII e siècle on n'avait pas hésité à en recouvr ir un par l'égl ise paroiss iale de Saint-Léger, ce qui avait permis de dégager devant celle-ci la seule placette de la ville. Mais il fallait bien ente ndu distinguer la « juiverie » (qu i regroup ait près du quart de la populat ion sur l'actuel le rue Trésorerie), la « truanderie » (de l'autre côté du château ), les Lomba rds du Bourg-N euf, les fïlles de mauvai se vie du quartie r des « femme s» près de la rue Sainte-A ppolonie , les bouche rs du Meysel (autour de l'actuel le rue du Sénat). Mais au-delà de ces quartier s densément peuplés dès les XIIe, XIII e siècles, donc hors de la premièr e enceinte, s'étab li sse nt dans les espaces libres périphé riques les premières congrég ations religieuses, celle du Temp le près de la route de Léme nc (do nc près de l' actu e ll e rue Saint-An toine), celle des Antonin s un peu plus à l'est et enfïn au-de là encore celle des Francis cains (établis ici peu de temps après la mort de leur saint fondate ur vers 1250). Sur les trois directions princip ales de Lyon, Genève et l'Italie, s'étiren t les trois faubour gs de Maché, du Reclus (du nom d'un erm itage ou Récluserie à cet endroit ) et de Montm élian. Le XVe siècle est le premier grand siècle pour Chamb éry. La nouvelle enceint e édifïée de 1371 à 1444 fait plus que double r la superfïc ie de la ville, sans toutefo is l'amene r sur les rives de la Leysse jugée décidém ent trop dangere use. Entre les clos monastiqu es, l'espace libre se fait toujours plus rare : les Domini cains, ar- Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey rivés à Montm élian en 1318, s'installent à Chamb éry un siècle après à l'ouest du Bourg- Neuf et y édifïent un couven t monum ental qui suscite sinon la jalousie : du moins la rivalité, des Francis cains, qui ne voulant pas être en reste reconst ruisent tout de suite leur église (l'actue lle cathédrale) et leur couvent. La premièr e congrég ation féminine « intra muros » apparaî t avec les Clarisses de la stricte observa nce installées par la duchess e Yoland e près des Antonins. Les bâtisses se font plus nombreuses entre l' ancienn e et la nouvelle porte de Montm élian (le long de ce qui va devenir la rue Croixd'Or), entre l'ancienne et la nouvelle porte du Reclus tout au long de la rue de Saint-A ntoine. La vi ll e se dote enfïn d'hôpit aux, l'hôtel- Dieu apparaît vers 1370, vis-à-vis les Frères Mineurs de Saint-F rançois , mais il est utile de situer ces établiss ements hors des muraill es: ai nsi l'hôpita l neuf dit des pèlerins près de la porte Maché dès 1455 et celui du Paradis fondé en 1472 près de la Leysse. L'étouffement de la ville moderne C'est dans ces limites que Chambéry va demeur er pendan t près de troi s siècles. Plutôt que de s'étend re, la ville, qui passe de 4 à 9000 habitants pendan t cette période , ne va cesser de se densifïer à l'abri de mu rai ll es et de fossés sans cesse plus inutiles et dépassés. Chamb éry prend alors l'allure que nous lui connais sons actuell ement, des maison s toujours plus hautes, plus resserrées. Les rivières sont progres sivement recouvertes, les jardins intérieu rs supprimés, seules les plus puissan tes congrégations des Frères Mineurs, des Domini cains et des Jésuites arrivent à conserv er précieu sement leurs 39 Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD Editions Horvath, Roanne, 1982 25 sur 111 Histoire des communes savoyardes Le vieux Chambéry au XV/lIe siècle Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey (Collect ion Bibliothèque Municipale) 40 Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD Editions Horvath, Roanne, 1982 26 sur 111 Histoire des communes savoyardes Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey clos. Peu de place pour aérer la ville; celle de Lans ou des herbes entre les Antonins et les Dominicains, celle du château et celle de Saint-Léger près de l'église du même nom qui est d'ailleurs si petite et si bruyante que les fidèles n'arrivent pas à suivre les offices. Partout ailleurs, des cours so mbres, de grandes façades tristes et grises comme celle de la maison de Madame de Warens décrite avec réalisme par Rousseau: « (ell e) était triste et sombre et ma chambre était la plus sombre, et la plus triste de la maison, un mur pour vue, un cul-desac pour rue, peu d'air, peu de jour, peu d'espace, des grillons, des rats, des planches pourries ... ». Joseph de Maistre dans son exil russe se rappelle avec émotion les allées de Chambéry: « elles me font peur, je tremble de trouver au milieu de ces formidables détroits des vo leurs ou des spectres; lorsque j'ai pris enfin mon parti, nouvel embarras, je ne sais plus à quelle porte frapper... ». C'est ce monde pittoresque du vieux Chambéry qui va scandaliser les médecins et tous les gens épris de progrès depuis le docteur Daquin qui , à la fin du XVIIIe siècle, fut le premier à en dénoncer la sa leté et l'incommodité, mais qui va entho usiasmer dorénavant tous les amateurs de mystère. gra nds auvents formant portiques sur le devant des maisons « en manière que vous êtes à couvert et à sec en tout temps: il est vrai que les boutiques en sont plus obscures » notait Montaigne lors de son passage en 1581. Si l'on y ajoute les cabornes ou boutiques de bois qui se partageaient l'espace devant l'église Saint-Léger, on se rend compte qu 'il était impossible de faire passer le flu x des vo itures à l'intérieur même de la vill e, d'où la tendance à les dévier au-de là . du château sur l'actuelle avenue de Lyon, ce qui permettait d'éviter l'ét roite rue du Faubourg-Maché et su rtout les difficultés pour franchir la porte au pied de la Tour Trésorerie du Château . En su ivant la rive de l'Albanne ju squ'au pont Morand, c'est-à-d ire sur l'actuelle rue de la République jusqu'à la place d' Italie, on pouvait ainsi s'affra nch ir des encomb rements du centre-vi ll e. Cette déviation expliqu e la nécessité a u XVIII e siècle d'aménager de nouve lles ouvertures dans le rempart pour relier la vi ll e à cette nouvelle voie ; ainsi en 1737, les bourgeois imposent le maintien de la PorteReine, au pied de la tour des archives du châtea u, au lendemain de l'arrivée de la nouvelle reine, qui éta it à l'o rigine de cette ouverture. Le vieux problème de la circulation A la périphérie ... Dans cette vill e. resserrée et sans espace, la circulation va vite poser des problèmes insolubles au moment où le trafic transal pin ne cesse de se développer à partir du début du XVIe siècle. Où faire passer les caravanes de charrois et de voitures? D'autant que les deux seules rues véritables, la rue Juiverie et la Croixd'Or, sont encore réduites par les piliers des « dômes », c'est-à-dire des Le Verney L'étouffement du centre-ville révèle l'importance du Verney dont le nom remonte au Moyen-Age quand il poussait ici des vernes. Protégé des crues de la Leysse dès le X IVe siècle, cet espace plat, sûr et vaste devint très vite le poumon d'aération de Chambéry. Au Moyen-Age, les princes y organisent des tournois et 41 Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD Editions Horvath, Roanne, 1982 27 sur 111 Histoire des communes savoyardes les édiles des camps pour les pestiférés, mais bientôt le lieu de promenade et de détente de tous les Chambériens (qui n'avaient d'ailleurs pas le choi x) : on y tire les boîtes et des feux d' artifice dan s les grandes occasions. « Le beau monde vient y prendre le frais le soir et y vo ir la belle jeunesse qui y apparaît dans un ajustement des plus galants»; on y danse, on y passe les revues, on y fait aussi les exécutions capitales. Les spectacles y sont donc des pl us variés et exp liquent l'attachement des Chambériens à ce complèment de verd ure nécessaire à leur ville. Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey Il i =-Des couvents. A partir du XVIIe siècl e, les nombreuses et nouvelles congrégations ne peuvent trouver place à l' intérieur des remparts et s'i nstallent donc audelà. Certes, dès le XIIIe siècle, les Urbanistes de Sainte-Claire (appelées familièrement les Minorettes) s'étaient par pudeur et ostracisme installées sur la co lline de la Ca lamine, n'étaien t-elles pas la premi ère congrégation féminine chambérienne et fort aristocrati qu e de surcroît ? Au milieu du XVe siècle, les Co rdeli ers de Myans les ava ient rejoi ntes et avaient fixé, au pied de la falaise voisine, leur couvent de Sainte-Mariel'Egyptien ne. Mais c'est surtout a u début du XVII e siècle, qu 'une Ooraison d'établissements religieu x ceinture l'ancienne ville: Madam e de C hantal , la fondatrice de la Visitation , vient poser la première pierre d' un nouveau couvent en 1624 entre Maché et le Verney; l'année suivante les Ursulines édifient leur maison et pensionnat entre Sainte-Claire et Sainte-Marie. Au même moment, le prince, Thomas de Savoie-Carignan , introduit les religieux Augus- L'église Notre-Dame au débl/l du XX" siècle (Cliché Musée Savoisien) tin s à l'entrée du Faubourg Montméli a n. Les Ca rmes et Ca rmélites, amenés ici en 1639 par la duchesse de Ventadour, les rejoignent bientôt et le faubourg est finalement saturé dès le mili eu du siècle quand les religieuses Annonciades s'insta llent près du pré du Co lombi er. A Maché plus peu plé, une se ul e cong réga tion ava it pu trouver place, celle des Bernardines, encore avait-elle dû se contenter de peu. pes faubourgs Le Faubourg Maché avait bien décliné en effet depui s le Moyen-Age. Puisque le commerce et les voyageurs l'évitaient de plus en plus, il s'était orienté vers l'a rtisanat, installant ses tanneries sur les bords de l'Albanne et prenant une allure populaire, qui fera dorénavant sa gloire et sa répulsion. A l'inverse, durant le XVIe siècle, le Faubourg Montmélian ne cesse de 42 Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD Editions Horvath, Roanne, 1982 28 sur 111 Histoire des communes savoyardes se développer dans la plaine pour n'être bientôt qu'une su ite ininterrompue d'auberges et d'hôtelleries à l'arch itecture si caractéristique avec leurs grandes cours fermées, leurs remises au rez-de-chaussée et les chambres d'hôtes à l'étage desservies par de grands balcons circulaires. Au XVIe siècle, dans l'actuelle rue d'Italie, les voyageurs descendaient ainsi au « Mulet Rouge », ou aux « Trois Pucelles », à moins que ce ne fut aux « Trois Rois» o u à « l'Hôtel de la Poste » où Rabelais logea (et dont il se souvint dans son Pantagruel en citant l'hôtelier Vinet, qui guérit « Pantolfe de la Cassine» qui n'ava it « pas été du corps » depuis Rome). En 1860, c'est encore à l'hôtel du « Petit Paris » que le sénateur Lait y s'installa pour organiser le plébiscite du rattachement, mais entre temps le flot des voyageurs avait suscité un prolongement du faubourg bien audelà de l'actuelle place d' Italie. « Ce Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey faubourg par sa longueur, le nombre de ses boutiqu es et de ses habitants ferait bien un e ville à lui tout seul.. . » Ce succès fait alors d'autant plus regretter l'abse nce ici de paroisse propre comme on l'espéra longtemps. Le Faubourg Reclu s était lui bien déchu depuis le X Ve siècle, lorsque le trafic ve rs Genève s'était ralenti. L'étroitesse de la rue faisait encore dire à l' intendant en 178 1 : « une personne à pied est dans la nécessité de rétrograder ou de se jeter dans la premi ère allée pour éviter la rencontre des voi tures qui remplissent tout le vide et dont les ess ieux portent quelquefois co ntre les murs ... » ; l'on n'eut cepe nd ant jamais les moyens de pallier ce t obstacle. En 1774, on avai t aménagé la rampe de CôteRousse pour resta urer le trafic ve rs Ge nève, mais il étai t trop tard ou trop tôt. Pendant lo ngtemps, on conserva le goulot d'étranglement de l'actuelle montée Hautebise et les ha- Lefaubourg Montmélian cl lafin du XVII" siècle (Theatrum-Sabaudiae) 43 Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD Editions Horvath, Roanne, 1982 29 sur 111 Histoire des communes savoyardes Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey bitants du faubourg trouvèrent plus d' intérêt à ex ploiter les carrières sur le flanc de la colline de Lémenc qu'à tirer profit .du trafic. Quant au Faubourg Nezin, il avait été très tôt mi s à l'éca rt des grandes routes . Ne menant qu'à Lémenc, privé de pont le reliant directement à la ville, il ne pouvait être uti lisé qu 'accesso irement par les maraîchers, les manœuvriers en mal de logement et bientôt par les artisans et les premiers manufacturiers heureux de trouver ici des terrains libres et facilem ent accessibles. L'impasse du XVIII' siècle Ainsi à la fin de l'Ancien Régime, C ha mbéry se trou ve de nouveau dans un e impasse, ceinturée non seulement de remparts et de fo ssés même inutiles, ma is a uss i d' une série ininterrompue de clos religieux et laïcs (avec les propriétés des Regard de Vars vers Bellevue, des Bracorand de Savoiroux vers Lémenc, des Les- cheraine vers Maché, des C lermontMont-Saint-Jean vers le Verney, sa ns oublier les hôpitau x que l'on s'arrange pour éloigner de la ville tout en les maintenant près des rivières sa ns grand souci pour la po ll ution et l'hygiène (sur la rive gauche de la Leysse, l'Hôtel-Dieu et la Charité fai saient fac e aux Incurables de la ri ve opposée). C hambéry étouffée dans sa vieille ville et dans son carcan géographique et social risque bien alors de périr asphyxiée ou au mieux de sta gner; la municipalité n'a aucune force juridique et matérielle pour faire sa uter ces obstacles et il ne fallait pas compter sur le gouvernement turinois trop pauvre et trop accaparré par ailleurs pour faire évo luer la situ ation. Les espoirs du XIX' siècle L'annexion à la France en 1792 allait, contre toute attente, offrir enfin de nouvelles issues . La Révolution ne modifie guére le paysage chambé- La caserne CURIAL 44 Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD Editions Horvath, Roanne, 1982 30 sur 111 Histoire des communes savoyardes rien traditionnel , mais suscite deux évo lutions décisives: les murailles sont détruites et les fossés comblés. Sur leur empl acement, l'on trace de nouvelles rues: la rue Jean-PierreVeyrat, les boulevards, la place Caffe et la rue de la République. La place Maché aère la partie basse du faubourg et permet de reli er celui-ci au châtea u par une rampe doublant la viei ll e montée de Bramafan . Sur l'ancien fos sé, à l'extrémité du Verney, on peut construire une nouvelle G renette, tout comme à l'autre bout de la vi ll e le comb lement de l'Albanne donne à la municipalité le terrain nécessaire pour le nouveau théâtre. Enfin, la liquidation des ordres religieux et la confiscation de leurs biens procurent à la collectivité des ressources inespérées. Déjà à la vei ll e de la Révolution, le déclin du clergé régu li er ava it permis de donner Sainte-Marie-l'Egyptienne à l'hôpital des Incurables et les Augustins à la cavaleri e militaire. Mais dès 1793, la guerre des Alpes fit attrib uer tous les bâtiments vacants à l'armée: les Urs ulin es so nt données à la gendarmerie et à l'intendance militaire, les Annonciades sont reconverties en fonderie de canons, Sainte- Claire en hôpital , partout des magasins militai res, partout des casernements. A courte ou à moyenne échéance, peu de ces bâtiments pourront survivre à une telle surcharge et à de tels traitements. L'armée, évincée du château au début du Consul at, se dédommagera en faisant constru ire dans la perspective de l'avenue de Lyon une gigantesque caserne massive et carrée sur le clos des Urs ulines. Chambéry sur la route de l'Italie se doit d'avoir, maintenant, sino n une garniso n importante du moi ns des installation s d'étape pour les troupes se rendant en Italie ou en revenant. La Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey paix retrouvée, avec l'aménagement de la route du Mont-Cenis, Chambéry redevient et même plus que jamais une ci té de transit d'où le remaniement des routes de Lyon et de Montmél ian avec l'élargissement systématique de la vo ie au sud de la ville. La croisée de Chambéry Cependant la grande affaire reste le remodelage de la vieille ville médiévale pour en faciliter la traversée, et si les caisses sont souvent vides, les projets ne manquent pas. La démoliti on pour insalubrité et décrépitude de la vénérab le église Saint-Léger en 1760 avait révélé l'intérêt de la place ainsi dégagée et le caractère archaïque des cabornes qui l'encombraient encore. Pour conci li er ce souci de dégagement avec le goût des C hambériens pour une rue couverte o u abri tée, on pense profiter de la démolition de l'église des Dominica in s sous la Révolution, pour percer une grande rue à arcades, qui relierait le Verney, la Place de Lans et la Place Saint-Léger, et le fong de laquelle on construirait un nouveau palais de justice (les juges déjà à l'étroit dans le couvent des Dominicains ne cessaient de peser de toute leur influence pour obtenir un nouveau bâtiment digne d'eux), hélas! le projet n'ira pas plus loin que quelques arcades près de la rue JeanPierre Vey rat. Seul le mécénat du richissime Co mte de Boigne donna enfin ses chances à Chambéry après 18 15. Malheureux en ménage, so ucieu x de s'attribuer une légitimité, dont il doutait lui-même, l'ancien général des Mahrattes hindou x ne garda pas rancune à sa ville d'origine dont il avai t dû pourtant fuir la justice en 1768. En 15 ans, il consacre plus de trois 45 Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD Editions Horvath, Roanne, 1982 31 sur 111 Histoire des communes savoyardes Les poniqll es à la ruril/oise million s de francs pour Chamb éry: édification d'une monum entale caserne de cavalerie entre celle d'infanterie et Sainte- Marie l'Egypt ienne, constru ction d'un nouvea u théâtre à l'empla cement de l'ancien décidément trop insuffis ant, agrandissement du collège, aménag ement d'un hospice chez les Antonin s, projet de reconst ruction de l'hôtel de ville et surtout reprise du projet de grande rue transversale à arcades comme à Turin. Les temps avaient changé et depuis la fin de l'Empir e on s'intéressait mainten ant à une nouvelle artère nord-su d pour double r enfin efficacement la rue Croix d'Or déjà bien encomb rée et la rue Saint-A ntoine trop tortueu se. Il fallait aussi relier les nouvea ux bouleva rds au Châtea u. Cette réalisation grandio se, doublée du dégage ment comple t de la place Saint-Léger, donna enfin à Chamb éry la grande croisée dont elle manqua it depuis son origine, même si l'on n'eut pas le temps de poursui - Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey vre le plan initial de prolong ement de la Place vers la Casern e et vers l'espace des Domini cains progressivement dégagé. La générat ion suivante se content e de poursui vre l'aména gement amorcé , mai s sans plan d'ensem ble préétabli et toujour s sous l'influe nce des événements extérieurs. Chamb éry avait constam ment eu de gros problèm es pour ses cimetières, il était loin le temps où l'on enterra it les défunts dans les églises. Sainte- Marie l'Egypt ienne, qui abritait les tombea ux des grandes familles, a été donnée à l'armée en 1816 et les cimetières de Lémenc (célèbre autrefo is par sa chapell e des « os rangés ») et de Maché (sur le flanc de la colline du Chanay ) sont encomb rés et sans possibilité d 'extension. La ville aménag e donc dans l'ancien enclos de l'hôpita l du Paradis un nouvea u cimetière et bien sûr des avenue s pour y accéder , d'où l'actuel le rue Somme iller prolong ée par l'avenu e de la Boisse. Le chemin de fer arrivan t à Chambery, il faut entaille r la colline de Lémenc, mais où situer la gare ? à Nezin ? La place y est réduite et sans dégage ment ; au Biollay ? C'est bien loin; au faubour g Montm élian ? Mais ici on n'y tient guère. La gare est donc fixée du côté d' Aix , au bout de la rue Somme iller et de la nouvelle rue de la Gare, témoign age de la défianc e. de l'opinio n envers cette installa tion aussi envahis sante que sale. Le chemin de fer ri squant de défavo ri se r le faubour g Montm éhan , on n'hésite pas il percer a travers l'ancien couven t des Carmél ites bien décrépi , une nouvelle rue (de la Banque) qui élimine le goulot d'étran glemen t du Larit et termine enfin la liaison sud de la ville commencée un siècle plus tôt. 46 Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD Editions Horvath, Roanne, 1982 32 sur 111 Histoire des communes savoyardes Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD Editions Horvath, Roanne, 1982 33 sur 111 Histoire des communes savoyardes Les embellissements de la belle époque, Chambéry éclate Les juges ayant obtenu à la veille de l'annexion un terrain suffisant au bout du Verney pour leur nouveau palais de justice, la municipalité peut construire un nouvel hôtel de ville monumental, symbole du nouveau régime français et le dégager dignement en perçant, d'un côté, la rue Favre (dite alors du prince impérial) à travers l'ancien couvent des Antonins et en repoussant de l'autre le marché de la Place de Lans sur l'ancien enclos des Dominicains définitivement libéré. On y édifie d'ailleurs rapidement une halle au goût du jour dans le style de celles de Baltard à Paris. La vieille ville entre la stagnation et la modernisation Les autorités locales et l'opinion acceptèrent lentement le principe d'une réelle extension de la ville, n'en voyant guère le besoin et le moyen de l'assurer. Le libéralisme ambiant faisant oublier l'idée d'un plan d' urbanisme, on se garda bien de suivre celui de l'architecte TrivelIy élaboré en 1810 et de respecter les promesses électorales après 1880. La municipalité ne commença à agir qu'après 1902: la liquidation des biens des congrégations, la séparation de l'Eglise et de l'Etat, il n'en fallait pas plus pour libérer des terrains et des bâtiments. Qu'en faire ? les laisser à l'initiative individuelle ou en faire profiter la ville et la collectivité ? On hésita longtemps, on fit bien des erreurs, mais le profit en fut indéniable pour C hambéry, d'autant que les municipalités se devaient maintenant de réaliser des objectifs sociaux scolaires ou hospitaliers. Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey En 1870, Chambéry est déjà entièrement éclairée au gaz, en 1896 le premier éclairage électrique apparaît. Dès 1875 le réseau d'égoûts se met en place. L'alimentation en eau ne cesse de s'améliorer; c'est à cette époque que Chambéry se dote d'un réservoir à la Fontaine Saint-Martin près des Charmettes, et se couvre d' un dense équipement de bornesfontaines. A défaut du confort individuel, la ville jouit au moins du premier confort collectif. Il y a trop d'intérêts en jeu et trop de difficultés à vaincre pour que l'on touche aux vieux quartiers. On profite néanmoins de l'incendie de la place Saint-Léger en 1897, pour réaliser enfin le vieux projet de liaison entre la place et la Porte-Reine. Dix ans plus tard, c'est le percement de l'avenue de l'hôtel de ville à travers les jardins de l'ancien Grand Séminaire. La grande affaire est désormais le succès du Boulevard de la Colonne que l'on borde d'orgueilleux immeubles et sur lequel on installe la grande poste en 1898. Le transfert de l'hôtel-Dieu, de la Charité et de la Maternité permet l'aménagement de tout un nouveau quartier bourgeois autour de la maison Martin au début du xx- siècle: et les journaux célèbrent à l'envi « cette belle avenue faite pour le plaisir des yeux comme pour la rapidité des automobiles », et de s'extasier sur cette grande percée, qui aère la ville du théâtre au champ de Mars. Les faubourgs stagnent, par contre, que ce soit le Reclus courtcircuité par le nouveau «pont des amours », Nezin étouffé par son passage à niveau, la Calamine abandon- . née aux ouvriers, aux soldats et à la prostitution. Maché avait espéré un moment le transfert du marché du bétail au Covet, mais il se fait au 48 Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD Editions Horvath, Roanne, 1982 34 sur 111 Histoire des communes savoyardes Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey Chambéry à lafin du XVIIIe siècle (Peintre anonyme - Musée Savoisien) (C liché A. P, lluel-G uill ard) Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de La place de Lans en André /8/5 par Nassoti (ClichéA . P, llue l-G uillard) Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, PALLUEL-GUILLARD Editions Horvath, Roanne, 1982 35 sur 111 Histoire des communes savoyardes Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey Le chemin de Fer à cheval du Bourget en / 840 (Musée Savoisien) (C liché A. Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de Michèle BROCARD, Lucien André PALLUEL-GUILLARD Le LAGIER-BRUNO, Lac d'Aiguebelette (Nice et Savoie) (C liché A. Pallucl -Guillnrd) Editions Horvath, Roanne, 1982 Palluel-Guill a rd) 36 sur 111 Histoire des communes savoyardes Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey La Motte Servolex - Tableau de J. Communal (Cliché A . Palluel -Guillard ) Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de Saint-Baldoph - Tableau L. Laffont (C liché A . Palluel-Guill ard ) Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André de PALLUEL-GUILLARD Editions Horvath, Roanne, 1982 37 sur 111 Histoire des communes savoyardes Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey Façade restaurée d' une maison moyenageuse de Yenne Rue Antoine-Laurent (Cliché L. Lag ie r- Bruno) Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de Dernier puisage au puits séculaire à Ontex (C liché L. Lag ier-Bruno ) Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD Editions Horvath, Roanne, 1982 38 sur 111 Histoire des communes savoyardes champ de Mars; le trafic vers Bissy et la Motte utilise maintenant les nouvelles routes près de l'Albanne et de l' Hyère et le vieux faubourg condamné à la prolétarisation s'enfonce dans la misère et le sous-équipement. Le Faubourg Montmélian avait lui aussi espéré en vain des casernes ou un lycée de filles pour pal li er le déclin où la disparition du roulage l'avait plongé. Il n'en sortit qu'au début du XX- siècl e avec la renaissance de l'a utomobile et le rééquipement du quartier à la suite des laïcisations. Le clos des Capucins démantel é permet la création de l'école primaire supérieure de filles Oules Ferry), la liquidation de l'hôpital Saint-François favorise la création d'une éco le professionnelle. Le Faubourg a eu des écoles, certes, mais il n'a pas été question que la bourgeoisie lui concédât un quelconque de ses étab li ssemen ts, il ne peut, il ne doit posséder que des créations « populaires ». Les nouveaux quartiers de ceinture La grande affaire après 1900, est l'extension de la ville d 'abord sur les pentes de Lémen'c, dans l'ancienne propriété de Savoiroux abandonnée par les religieuses sacramentin es. Ici délibérément on choisit un habitat bourgeois « c'est là que demain se ra la vie oisive, élégante et riche, qui sera pour Chambéry une inépuisable source de prospérité », (<< L ' Indi cateur Savoisien, 1905 »), il en est de même pour Montjay et le Chanay, alors que la Moutarde et Joppet se couvrent de pavillons plus modestes, apanages des nouvelles classes moyennes, qui vont progressivement s'imposer. Bien sûr la plaine humide de l' Hyère et de l'Albanne se prête Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey mieux à l'urbanisation et aux nouveaux équ ipements. C'est en ces lieux que l'on aménage d'abord tout un quartier scolaire, à la fois près de la vi ll e mais auss i dans le calme et l'isolement près du Verney et du monumental musée-bibliothèque: les élèves des lycées de garçons et de filles , de l'écol e normale d' institutrices, les étudiants de l'écol e préparatoire, les gamins des éco les primaires du Verney et de Picardie <Paul-Bert) pourront ainsi travailler dans les meilleures conditions selon les directives de la République et les souhaits de la municipalité, qui se préoccupe maintenant des esprits comme des corps. On transfère audelà tout ce qui encombre et gêne la viei ll e ville de plus en plus à l'étroit : de 1980 à 1900, on y installe ains i le champ de Mars, le marché au bétail et bientôt les abattoirs. L'urbanisation va se faire ici en fonction de la gare, qui attire une main-d'œuvre de .plus en plus nombreuse, d'où le percement de l'actuelle rue Pierre Lanfrey reliant la gare à Maché et aux nouveaux hôpitaux de Montjay, et la création du quartier d'Angleterre, plus en aval de la Leysse près de son co nfluent avec l'Hyère pour les 'o uvriers de la gare de triage et du dépôt, ensemble mal faroé et sale qui se voit bientôt qualifié de « village nègre ». L'urbanisation reste d'ailleurs limitée du fait des limites du cimetière du Paradis, du Champ de Mars, du Verney et du Clos du Bon Pasteur ; beaucoup d'anarchie aussi, car ici il ya assez d'es pace pour que chacun fasse selon son désir, beauco up de variétés aussi bien dans les constructions que dans les classes sociales. La création de l'église SaintJoseph en 1913 manifeste le développement et finalement la maturité de tout ce quartier. 49 Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD Editions Horvath, Roanne, 1982 39 sur 111 Histoire des communes savoyardes Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD Editions Horvath, Roanne, 1982 40 sur 111 Histoire des communes savoyardes C'est dans la plaine que l'o n installe les nouvelles usines , qui exigent toujours plus de place et que l'on accepte d'autant mieux qu'elles sont plus éloignées. De l'usine d'aluminium en 1912 jusqu'à l'A llobroge, Coppelia et Vallin après la première guerre et RIV à l'aube de la seconde, Chambéry se donne ainsi son premier quartier industriel moderne. En 1936, l'opposition des habitants de la Moutarde empêche le transfert des vieilles priso ns dans ce quartier et provoque leur éloignement le long de l'Hyère près du nouveau cimetière de Charrière Neuve à la Folarière décidément vouée à tou s les rebuts chambériens . Mais où loger les nouveaux ouvriers de ces nouvelles usines ? La réponse est trouvée dès 1930 avec la création d'une première cité à Bellevue. Les mélanges sociaux de l'habitat traditionnel sont bien loin, Chambéry adopte de plus en plus le cloisonnement de son espace selon ses fonctions et la classe sociale de ses habitants. L'expansion contemporaine Les nouveaux quartiers anciens Le bombardement américain du 26 mai 1944 fit 129 morts, 300 blessés et rasa quelque 300 immeubles avec un millier de logements. Avec celui de la gare, le quartier de l'hôtel de ville fut le plus atteint; là, sur quatre hectares environ les rues les pl us chères au cœur des Chambériens furent en une heure un champ de ruines, la rue de Boigne, le boulevard de la Colonne, les places du Palais, de Genève et de l'Hôtel de ville. La reconstruction dura plus de dix ans, c'est qu'en plus de la masse à Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey édifier (et ce non seu lement pour les C hamb ériens sinistrés mais aussi pour beaucoup de propriétaires maurienn ais, qui transférèrent ici leurs dommages de guerre), il fallut d'abord s'entendre sur le style et les modalités de l'opération. Plus du quart de la vieille vi ll e avait di spa ru ; l'on refusa de restaurer quoi que ce fût , l'époque en était au moderne, on éca rta certes des remodelages « osés » qui niaient la rue de Boigne et qui profitaient de l'occasion pour bouleverser entièrement le vieux Chambéry, on refusa aussi des sty les trop audacieux, des gratte-ciel ou des façades polychromes pour adopter le principe de blocs uniformes « à la romaine» se coupant à angle droit « exemples de sagesse, de prudence d'un modernisme infiniment rai so nnable où ne se rencontrent ni une fantaisie dans l'esthétique ni une innovation dans la technique» (revue « Bâtir », 1958). On en profita pour faire disparaître les édifices devenus inutiles, il ne resta rien des quartiers détruits dans le paysage comme dans l' habitat. Dans la foulée de ce remodelage, on se décida aussi à faire disparaître le vieux Maché, démolition envisagée depuis près d'un siècle du fait du so us-équ ipement et de la vétusté du quartier. Le Reclus mourait lui aussi sous la pioche des démolisse urs pour laisser place à l'orgueilleu x gratte-ciel du Centenaire, « phare de la Savoie française ». La vieille ville a ll ait -ell e disparaître ? La vogue du modernisme dans les années 50 et 60 pouvait le faire crai ndre. La bourgeoisie d'a illeurs, qui en avait été la principale habi tante, la déserte dorénavant soit pour les nouveaux blocs, soit pour les co llines environn antes où l'on peut jouir enfin du soleil et du confort moderne. Les autres classes sociales 51 Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD Editions Horvath, Roanne, 1982 41 sur 111 Histoire des communes savoyardes Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD Editions Horvath, Roanne, 1982 42 sur 111 Histoire des communes savoyardes Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey suivent les mêmes tendances et s'éloignent à la périphérie, laissant au centre ville les commerces et les bureaux traditionnels mais abandonnant les appartements aux travailleurs immigrés de plus en plus nombreux du fait de l'industrialisation. La ye République réhabilitant l' habitat ancien, les vieux quartiers so nt classés en « secteur sauvegardé » en 1969, mai s il faudra attendre plusieurs années pour que la vieille ville renaisse. Places et rues piétonnes, réfection des façades, qui pour la plupart découvrent la peinture et les couleurs claires, restauration des appartements : tout ceci pose bien sûr de gros problèmes aussi bien aux entrepreneurs qu' à l'o pinion publique elle-même. Jusqu 'où doit aller la « réhabilitation » ? Nettoyer et aérer, certes, mais faut-i l « cureter » ? (d'ai lleurs est-ce possible ?), faut-il ne laisser qu e les façades, tellement les intérieurs anciens sont difficiles à traiter ? Dans l'ensemble on resta prudent dans la concepti on et l'exécution de ces travaux, mais la viei ll e vi ll e risqu.e toujours en perdant son âme de perdre so n corps. La place Saint-Léger, retrouvant sa primauté médiévale, a remplacé la rue de Boigne et les Boulevards comme centre de la vie chambéri enne, et la bourgeoisie réinvestit le centre ville, la variété sociale y gagne, même si les équilibres ne so nt pas toujours fa ciles à régler. Le grand Chambéry La vieille vi ll e était incapabl e d'assurer l' habitat de la masse de population arrivée ici depui s 1960, aussi les espaces li bres ne cessent de se réduire dep ui s une génération, provoquant de plus en plus de spécul at ion et de polémiques. Si Montjay et Lémenc conservent leurs vi ll as bourgeoises, les classes moyen nes s'inté- La place Saint-léger piétonne 53 Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD Editions Horvath, Roanne, 1982 43 sur 111 Histoire des communes savoyardes ressent aux derniers espaces plats de la commune: à Mérande, au Paradi s, au Colomb ier et à l'extrémité du Faubourg Mon tm éli an. Quant aux éléments populaires, il s se vo ient refoulés dans les années 55-60 dans la nouve ll e cité du Bioll ay et dans la décennie suivante dans la Zup de Chamb éry-le-Haut, tant il se mblait alors év ident que la ségrégation sociale se mesurait à l'éloignement du centre ville. Dans l'ensemble, on adopta beaucoup dans ces nouvell es zo nes un style linéaire de constructio n. Face aux vieux quartiers toujours pri vés d'air et de so leil, on se prétend ici moderne et populaire, mais non sans complexe tant il fut difficile de donner vie à des ensembl es sans passé et sans relation faci le avec le centre. Cités dortoirs, elles mirent plus de 10 ans à se donner un embryon d'âme et des équi pements suffisants sa ns pour Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey autant faire revenir l'opinion sur les ségrégations originelles. Progressive ment ainsi, l'agglomération occupe toute la cluse, non seulement dans les parties basses, mais de plus en plus su r les pentes et les hauteurs, les premières étant réservées aux zo nes industrielles et artisanales et les secondes aux habitations. L'improvisation de cette extension se marque a ussi bien dans la vari été et l'incohérence des styles de co nstruction, que dans l'absence de vues à long term e en particu lier pour les transports ou pour les rése rves foncières. La co lline des Monts a été épargn ée de la vague immobilière par so n champ de manœ uvres militaires, tout co mme le va llon des Charmettes du fait de so n so uvenir rousseauiste, mais jusqu'à quand ? Cha mbéry est-ell e saturée? La Zup doit-elle s'étendre encore se lon le schéma initial, qui avait été limité par la suite ? La ciré du Bio/lay en consrrucrion vers /959 54 Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD Editions Horvath, Roanne, 1982 44 sur 111 Histoire des communes savoyardes Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey Chambéry- Ie- Vieux peut-il enco re conserver so n aspect rural et Bissy son style pav illonn a ire? L'avenir de C hambéry est moins en elle-même dorénavant qu e dans so n agglomérati on. Le nouveau Chambéry A la fin du xx- siècle, Chambéry se doit de faire un examen de co nscie nce et de croissance. Certes l'exiguïté de la cluse, et la diffi culté du site n'ont jamais autant été ressenties qu 'aujourd 'hui . Les problèmes de transit et de circulation qui ici ont été permanents, se renouve ll ent à chaque génération au moment même où l'on croit que les soluti ons traditionnelles ont enfin tout résolu. Le passage autorouti er de Chambéry a mis plus de 10 ans pour être réglé, et l'on ne sa it s' il se ra suffisant, faut-il déjà en envisager un se- cond avec une percée souterraine de la colline de Bel levue ? ou avec une nouvelle autoroute par le défilé de Saint-Saturnin? De toutes les façons, le transit assuré, il faut encore faciliter la circulation interne de la vi ll e avec les prob lèmes inhérents, en particulier ce lui du station nement, même s' il a fallu attend re les ann ées 80 pour que l'on se dote de transports en commun . La viei ll e vill e ne sert plus seu lement de centre à Chambéry, mais à toute l'agglomération, est-e ll e alors suffi san te pour cette nouvelle fonction ? D'où l'importance du quartier des casernes au bas de la Ca lam in e. La municipalité s' est enfin rendue maîtresse des bâtiments lib érés par l'arm ée « ex il ée » à Barby, mais pour en faire quoi ? Un quartier autonome ou un ensemb le récupérant les surplu s des quart iers voisins ou leurs insuffisances? La sa uvegarde de la viei ll e vi ll e a Chambéry -le h.âu.1 55 Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD Editions Horvath, Roanne, 1982 45 sur 111 Histoire des communes savoyardes aservi d'alibi pou r perm ettre la disp pées mbl ense et s rition des qua rtier riph ériq ues d'a utrefois. Il ne reste des rien ainsi des anci ens cou ven ts rien que XVIe et XVIIe siècles et pres des des anci enn es gran des prop riété s c Blan n baro du env iron s, le châ teau , enir souv un qu' plus t au C han ey n'es le y, Biss à rral -Ba Mas le me tout com e reste est défi guré ou en voie de l'êtr mode par les agre ssio ns du mon ifié dern e. Cha mbé ry a trop sacr ne de tion gna rési sa d'un e part à toure cent me com er pos s'im pou voir é risti que et d'au tre part à la prox imit ne r pou de la natu re mon tagn arde papas réfléchir mai nten ant sur son ds gran de peu trop a trim oine . Elle rder ega sauv pas ne r pou nts mon ume Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey uer so n aspe ct gén éral et ne pas risq ville une de dev enir progressivem ent ano nym e et sans âme. On avait, dan s les ann ées 50 et 60, 000 envisagé un Cha mbé ry de 100 irait tion urba con la t don ts, hab itan par d'Aix- Ies-Bain s à Mon tmé lian et le nob Gre de là se ratta cher ait à celle siltout le n, uda bord ant le Gré siva de lonn é d'a utor oute s, cou ronn é ce et , ries dust d'in turé cein gratte-ciel, se oie Sav une d' nt ime détr au e mêm illuCes . dése rtifi ant de plus en plus 70 sion s son t pass ées et les ann ées de et isme réal de ont ram ené plus béry mes ure. Il n'em pêc he que C ham fonc ses de t refle le que être ne peu t terson tions et de ses rela tion s avec roir et ses voisines. ie » /86 /) Le château des ducs ( << Nice et Savo 56 de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de Sous la direction Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD Editions Horvath, Roanne, 1982 46 sur 111 Histoire des communes savoyardes Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey I, MA IS CH AM BÉ RY , CA PIT AL E ... OU Des Comtes et des Ducs, une Cap itale Politiqu e S' il Y a une prétenti on qui trav erse loles siècles et qui fa it l' una ni mité à béry ham C de e ll ce ca le, c'es t bien que t n'es ce fait De . tale être capi e dan s la deu xièm e moi tié du XIII s'ins oie Sav sièc le qu e les Co mte s de que ent m vrai t tall ent ici et ce n'es rra ce nt ans plus tard qu e la vi ll e pou le. ta capi leur re end prét vraim ent se ns mai aux e pass in Tur que r A note ans te uan des Sav oie en 1280, cinq mai s aprè s l'ach at de Cha mbé ry ea u. chât du i celu nt quin ze a ns ava Amé , Vert te Com le ut o Ce fut surt se le éres s'int qui ), 3-83 (134 VI dée seur s pl us à Cha mb éry. Ses préd éces leur 1339 en y avai ent déjà fixé e, tiqu poli ne orga t, con se il rési den ouregr qui re ciai judi et ad mini stra tif cispait cha qu e jour chez les Fran qua s leur et bres mem sept ses s ca in alle inst y tre secr étai res. Am édée VI et en 1351 sa Cha mbr e des Com ptes ant, énav Dor le. éra sa trés orer ie gén re c'es t à C ham béry qu e l'on con cent les le emb rass l'on que ôts, imp les s Gétrou pes, qu e l'on réun it les Etat beau e ul circ ce néra ux. Cer tes le Prin ont, Piém le et ey co up entr e le Bug té de entr e le Pays de Vau d et le Com ou rget Bou du ces den rési ses Nic e, et le que de Rip aill e so nt plus agré ab les mais ry, mbé so mbr e châ teau de C ha istra néa nm oins le cent re de l'ad min ici, eure dem nt eme rn tion et du go uve et ecy Ann in, Tur t entô bi mêm e si des et ls sei con des nt sède pos Bou rg de la inst ituti ons les affr anc hiss ant tute lle cha mbé rien ne. r? Et que dire des fastes de la Cou et ces prin de ts ssan ince des cort èges x breu nom plus tant d'au ats prél de sque l'on est sur la gran de rout e tran satie oma dipl la alpi ne et que ati le voy arde très active et très vers ns? ctio dire les es tout s dan s'ex erce avec béry On se rapp elle à C ham du émo tion les tour nois fast ueux à ent situ s cun d'au Com te Vert (que sons ptio réce les .>, .. e ress Bou rg-e n-B , lenn elle s du Roi de Fran ce en 1271 plus ans x du Pap e Gré goir e X deu retard . L'E mpe reur C harl es IV y est VI édée Am stir inve r çu en 1365 pou l. éria Imp ire Vica de s tion des fonc ses et te Com le t, que ban le ant Dur les baro ns à cheval « port oye nt e entr et « »... le vian des par la sa fonune it avo y és autr es si ngu larit ne tain e de vin blan c et clai ret qui er ject de jour ny t, nuic ny oit cess la re enco re vin ... ». Plus extr aord inai nd smo Sigi ur réce ptio n de l'Em pere l'ocen 141 6; pou r le rem ercier de ne VIII édée Am , al duc troi du titre ats. duc 0 600 de ns moi pas dép ensa les A l'oc casi on du festin , aprè s des eu mili vian des doré es servies au de ban nièr es, et dan s la trad ition du ps tem du qui le, Jean Bellevil gâCo mte Vert avai t créé le fameux el Mor r ssie pâti le oie, Sav de teau le ssa colo ie con fect ionn a une pâti sser des f relie en e repr ésen tant la cart Etats du nou veau Duc . Mais com bien d'a utres céré mon ies des avec les en trées so lennell es celu i me (com es tèm bap les ces! Prin édée d'A méd ée VI en 1334 ou d' Am e mm (co s iage mar VIII en 13 84) ! les ce Prin du et pre Chy de celui d' Ann e en Louis en 1434 où l'on se surp assa ain» ts eme entr « et nts eme rtiss dive usesi qu'e n mus ique « tant mél odie » oyr à se cho e men t que c'éta it bell e cess Prin la de i ou en 1452 celu 57 Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD Editions Horvath, Roanne, 1982 47 sur 111 Histoire des communes savoyardes Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey Charlotte avec le Dauphin Louis - le futur Louis XI) ! Les historiens sont partagés sur l'attitude des Chambérie ns face à la Cour, les uns insistant sur la misère provoquée par le gaspillage princier et les rudes obligations pour les autorités loca les, les autres montrant combien l'artisanat de lu xe a tiré profit de tout ceci et combien la bourgeoisie locale a su faire payer en titres, privilèges et hautes fonctions, les intelligences, compétences et argen t qu'elle fournit aux Comtes et aux Ducs. C'est à Chambéry d'ailleurs qu'en cas de crise grave, la Famille de Savoie se regroupait derrière les murailles « impren ab les » du châtea u et la fidélité des habitants de leur « bonne ville ». Une Capitale religieuse Le Saint Suaire L'insigne reliqu e, ramenée de Co nstantinople en 1204, avait été achetée par le Duc Louis à la franccomtoise Marguerite de Charny de passage à Chambéry; ne disait-on pas que le convoi de cette dernière n'avait p·as voulu quiter la ville, signe de la volonté divine d'y voir laisser le précieux linceul du C hri st? Pendant lon gtemps, la famille ducale l'ava itemme né dans tou s ses déplacements, mais en 1502 il est enfin définitivement installé dans la grande (et dorénavant Sainte) Chapelle du château où quelques années plus tard il reçoit sur autorisation et recommandation pontificale un culte public, qui connaît un grand succès. Marguerite d'Autriche offre une magnifique chasse d'argent massif; un chap itre de douze chanoines dirigés par un doyen mitré en assure la garde et l'o ffre à la vénération des fidèles , parmi eux la Reine de France Anne Gmvure dll XVI" siècle slir le Sail1l-Sliaire de Bretagne en 1511 avec so n ge ndre François d'A ngoulême (petit-f~ls du Duc Philibert), qui devenu roi, revient ici en 1516 avec son épouse C laude de France et le Connétable de Boùrbon. Même si depuis la fin du XVe siècle les ducs se mblent préférer Bourg à Chambéry, jamais la vie du château ne fut auss i fastueuse qu 'à cette épo qu e; le jeune Bayard ne pouvait, comme pag~ , être à meilleure éco le. Le grand vide, Chambéry dépossédée Les guerres d' Italie avaient révélé la volonté de conquête des rois de France au moment même où les ducs s'a ffaibli ssa ient par d'incessantes querelles intestines et s'épuisaient en entreprises prestigieuses mais stériles. D'où la grande crise de la premi ère moitié du XVI e siècle, pendant 58 Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD Editions Horvath, Roanne, 1982 48 sur 111 Histoire des communes savoyardes laqu ell e les Savo ie perdent to utes leurs poss ess io ns occid enta les : Genève se donn e à la Réform e, les Bernois et les Va laisan s s'empa rent de la Sui sse Rom and e et les França is occupent C hambéry et la Savo ie jusqu 'e n 1559. Il s ne les rend ent d'a illeurs qu e de fo rt ma uva ise grâce, aya nt bi en pensé les conse rve r définitivement. Cette grand e épreuve passée, sitôt a près le traité de Câtea u-Ca mbrés is, le jeun e du c Emm anu el-Philibert va en tirer la co nclusion, soit l'impossibilité d' un e politiqu e valable du côté de la Fra nce, d' où l'installation définitive de la Co ur et des organi smes de go uve rnement à Turin en 1562 à l' ab ri des Alpes. Déso rma is les du cs vo nt to urner leur ambition ve rs l'Ita li e et jo uer le rôle de po rti er des Alpes, en se tourna nt vers les Ha bsbourg et les Bourbon au gré de leurs intérêts, « conservant en deçà des Alpes, conquérant au del à ». Da ns ces conditions Chambéry perdait toute utilité. En 1536 le du c C ha rl es avait emporté le Saint Suaire da ns sa fuite devant les Français. Après 28 ans d'a bsence on l'a vait juste ra mené au château, qua nd en 1578 Emma nu elPhilibert le fa it tra nsférer provisoirement à Turin pour épa rgner un pèlerin age pénible a u vieu x et vénéra bl e archevêque de Milan : (Saint) C harles Borromée. Cette relique n'en es t ja mais revenu e au grand désespoir des C ha mbériens, qui ne se remirent pas de tant d e dés in vo lture; le bâton de Sa int-J os eph, dont la Sainte C ha pell e devait se contenter do rén ava nt, ne pouvait guère compenser une perte auss i irrémédi abl e. C hambéry n'est plu s qu ' un ce ntre loca l perpétuell ement men acé par des ennemi s d'a uta nt plu s pui ssants qu e les fro nti ères sont proches, auss i bi en celle du Dauphiné qu e cell e du Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey Rh ô ne a près la cessio n à la France en 1600 de la Bresse et du Bugey. A Turin o n s'est vite persuadé de l' imposs ibilité de défendre la Savoie et surto ut so n ava nt-pays; à quoi bon fo rtifi er C hambéry? Même a près la di spariti o n de la forteresse de Mo ntméli a n en 1705 o n n'e n fit ri en, refusa nt même l'impl ant ati o n ici d' un e fo rce arm ée suffisa nte. En cas de guerre, on pré fère recul er deva nt celte « pui ssance grimpa nt e » q u'est la France (Jose ph de Ma istre) et défendre effi cace ment les co ls. D'ail leurs si la fid élité des Savoya rd s es t touj o urs va ntée, il se mbl e qu 'à Turin o n ne se so it jamais fait bea uco up d' illusio n sur leur ca pacité de résistance; bien au con trai re, o n s'y énerva de plu s en plus face à l'o pportuni sme de ce ux, qu i étaient po urtant les « premi ers suj ets de Sa Majesté », qu e ce fû t en 1600- 1601 , en 163 0- 163 1, en 1690-1 696, en 170317 13, en 1742- 1749. La Co ur ne revi ent à C ha mbéry q ue lorsqu ' il est nécessa ire de n att er la France, d'y chercher des so uve ni rs o u des pri ncesses. A chaqu e fois, la vieill e capita le ému e cro it ret ro uve r les fastes d'antan, et curi euse ment li e ai nsi sa prospérité à l'a ll ia nce frança ise, d'où la po pul arité de la fill e d' Henri IV, Chri stine de France, la cé lèbre « Madame Roya le », resta uratri ce du châtea u et de la Sainte Cha pell e. C'est à Cha mbéry que l'o n marie en gra nde po mpe, en 1625, le prin ce Thomas de Savo ie-Ca ri gnan, frère d u d uc Victo r-Amédée 1er, avec Ma ri e de Bourbo n-So isso ns. En 1663 c'est au to ur du jeun e d uc C ha rl es-E mm an uel Il avec Franço ise de France, sœ ur de la G rand e- Mademoise ll e et co usine de Lo ui s X IV, no uveaux fas tes en 1684 avec les noces de Victo r-Amédée 1l, âgé de 22 ans, et d'A nn e-Marie d'Or59 Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD Editions Horvath, Roanne, 1982 49 sur 111 Histoire des communes savoyardes Recollstruction de laj'açade de la Saillie-Chapelle détruite par lefeu depu is /532 léa ns, la ni èce du Ro i So leil , qui en ava it to ut juste quin ze. La se n e co ntinu e a u XV II le siècl e avec J' uni o n de C ha rl es-E mm a nu el III et d'Elisab e th de Lo rrain e en 1737 et s'achève avec ce ll e d u ma lingre C harles-E m ma nu el (IV) et de la plan tu re use C lotil de d e Fra nce, propre sœur de Lo uis XV I, e n 1775. Tous ces fa stes ne so nt qu e passa ge rs, sitô t la Co ur pa rti e avec ses tréso rs (car o n ne laisse rie n ici), sitôt les déco rs rent rés ou démo nt és (ca r o n ne co nstruit plu s ri en e n « dur •• ), C ha mbé ry se re trouve se ul e avec ell e- même, avec sa médioc rit é, avec son a mertu me. Du Sénat et de quelques autres Institutions En 1720 le roi Victor-A médée II suppri ma bru tale me nt la vé néra bl e Chamb re des Compt es et J'a uto nomie adm ini strat ive et fina ncière de la Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey Savo ie; il ne resta ici qu e le Sé na t, re mo nta nt a u co nse il rés id e nt du X IVe siècl e, ma is d o nt la vé rita bl e naissa nce date d ' un e initi a ti ve de Fra nçois le, de 1536. « Ce qui fit la fo rce du Sénat d e Savoi e, c'es t qu ' il sut to uj ours être de son épo qu e et la deva nça qu elqu efois; ce fut a uss i le petit nombre de ses me mbres, qui pe rmit ra re me nt d'y adm ettre des sujets in ca pabl es» Œurni er 1864). Cour modes te e n effet qui n'es t co mposée qu e d e de ux pui s de tro is C ha mbres avec t ro is prés id e nts et 16 séna te urs, to us ma l install és da ns le co uve nt d es Do mini ca in s, co ur prestigie use ce pend a nt pa r la qu a lité d e bien de ses membr es, a in si l' illu stre prési d ent Fav re, a mi de Sa int -Fra nço is de Sa les et père de l'é rud it Va uge las, mais au ss i juriste con sciencie ux, ch a mpi o n de J' inte rpréta ti o n rati o nell e des tex tes, « le Luth er de la scie nce léga le» Œurni e r) et co mbi e n d'a utres encore 1 Le Séna t ne se vo ul a it pas se ul eme nt.être un e ha ute cha mbre de justi ce mais a uss i le ga rdi e n de la tra di tio n et de l'ordre mora l, co mpétent po ur to ut ce qui rega rd a it l'o rdre pu bli c, les dro its du Du ché, les mœ urs et la religio n, n' hés ita nt pas à e n remo ntrer a u du c, a u pape et a ux évêq ues (il est à re ma rqu er néa nm o in s qu e le go uve rn e ment turin o is accepta nt d e m ' ns e n mo in s les criti q ues, le Sénat dut se ca nton ne r, d ès le XVII le siècle, da ns ses fo nctio ns judi cia ires, tout a u plu s lui la issa-t'o n la sa nté publi q ue, la po li ce rurale et religieu se). Face à ce po uvo ir régi onal, le go uve rn eur était le re prése nta nt direct du so uve ra in d o nt il occupa it le châtea u et qu i fut aidé, dès la fin du XV W sièc le , pa r un intenda nt généra I. Ce derni e r était le maître direct de l'admin istratio n du du ché, sup er- 60 Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD Editions Horvath, Roanne, 1982 50 sur 111 Histoire des communes savoyardes visant les intenda nts locaux du Chablais, du Faucign y, de Tarenta ise, de Maurie nne et de Genevo is, lui-mêm e assuran t les fonctio ns d ' intenda nt de la provinc e de Chamb éry ou Savoiepropre. Depuis des siècles, Chamb éry dépendait de l'évêqu e de Grenob le, luimême doyen de Saint-A ndré, situation humilia nte pour les Savoya rds mais fort utile au Roi de France, qui avait réussi à mainten ir le statu-qu o lors des « représe ntation s » des ducs, aussi bien en 1474 qu 'e n 1515. En 1775 enfin, l'a lliance franco- sarde permett ait la réalisat ion du vieux rêve de l'érectio n d'un évêché chambérien. Mais il n'en fallut pas moins de cinq ans pour régler le contentieux avec Grenob le et Belley, pour fixer les limites du nouvea u diocèse , pour assurer les nouvell es institutions (le nouvel évêque se fixant chez les Francis cains transfér és , malgré eux, dans le couven t des Jésuites désaffecté depuis l'expuls ion de ceux-ci en 1773, l'église Saint-F rançois - la plus vaste de Chamb éry - devena nt Ca thédral e et abritan t dorénav ant l'ancien et vénérab le chapitr e de la Sainte C hapelle ). Les aléas des XIX' et XX, siècles La Révolu tion balaya tout ceci. Ce rtes, Chamb éry put rester chefli eu de départe ment , mais il n'était plus questio n de rappele r les privilèges d 'a ntan; d 'ailleurs le « MontBlanc» était dépouil l é en 1799 de ses districts du Nord a u profit du nouvea u départe ment du Léman créé autour de Genève . Annecy avait obtenu que l'uniqu e évêque constitu tionnel lai ssé à la Savoie s ïn sta ll ât chez elle. Cha mbéry prit sa revanch e lors du Co ncordat et récupér a l'évêché . en 180 1 avec le patrona ge de Saint- Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey Françoi s de Sales (ce qui permit à la cathédr a le de conserv er son appella tion traditio nnelle, tout en change ant de Saint Patron) . Mais le ce ntra li sme napo léoni en mettait le « Léman » . sous l'innuen ce juridiqu e de Lyon et le « Mont-B lanc» so us celle de Grenoble qui ava it le Lycée, l'Acadé mie, les Faculté s, la Cour Impérial e d 'A ppel , le Tribuna l de Comme rce, la Trésore rie Gén~rale, l'Enregi strement, la Conser vation des Forêts et la Divisio n Militair e. L'on compre nd l'enthou siasme pour la Restaur ation , qui ramène à Cha mbéry le Sénat, le gouvern eur et l'intend ant général . En 1817 d'ailleurs, honneu r suprêm e, le diocèse était détaché de la circons cription métropo litaine de Lyon et élevé lui même à la dignité d'archid iocèse avec juridict ion sur le diocèse d'Aoste et bientôt des autres diocèse s savoyar ds. Hélas, les rois de Piémont-S ardaign e sont presque aussi autorita ires que Bonapa rte et les princip ales initi atives apparti e nnent toujour s à Turin; d'ailleu rs en 1843, Annecy obtient une intenda nce générale l'affran chissan t complè tement de Chamb éry. Quant au sénat, il est remplac é en 1848 par une cour d 'a ppel et le nouvea u palais de justice, octroyé in-extré mis à cette dernièr e par le gouvern ement piémon tais, ne pouvait lui faire oublier la disparition de ses droits politiqu es et moraux. Cepend ant Chamb éry se dédomma geait de son déclin par l'o rgueil d'être le berceau de la dynastie . De 18 16 à 1857 ne reçut-el le pas onze visites royales, ayant surtout les faveurs de Charles -Félix (1821-1831) et de Cha rl es-Albe rt (\ 831-1849) ? d 'où l'inquié tude devant les ambition s ita li ennes des Savoie et le désarroi lorsqu 'ils sacrifiè rent le Duché à la satisfac tion de celles-ci. 61 Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD Editions Horvath, Roanne, 1982 51 sur 111 Histoire des communes savoyardes Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey Le palais de Juslice au lendemain de sa cOl1sIrucliol1 en Une nouvelle foi s en 1860 Chambéry redevenait un simple chef-lieu de département. Assujettie à une centralisa tion poussée, et à une histoire qui lui éta it étrangère, la ville ne pouvait plus qu'être sur la défensive. Ce rtes Paris lui laiss a sa cour d'a ppel, un rectorat, un embryon d 'e nseignement universItaIre avec une « école préparatoire à l'enseignement supérieur des sciences et des lettres». Hélas! le rectorat est victime des économ ies budgétaires au lende main de la première guerre mondiale. Quant à la cour d'appel, périodiquement, elle est menacée de disparition, n'est-elle pas une des plus réduites de France avec ses deux seu ls départements ? Chaque fois elle est sauvée par l'union des C hambérien s rassemblés dans la même émotion et dans le même soin à faire appliquer le traité d'annexion , qui garantit les in stitutions en place e n 1860, mais jusqu'à quand ? 1860 rCollec' ion Musée Savoisien) L'école préparatoire est rattachée à l'université de Grenoble vers 1930, mais il faut attendre 1960 pour qu'elle soit transformée en collège puis en centre universitaire et 1979 pour que l'université de Savoie si attendue depuis le début du XIXe siècle soit enfin créée, tant il semblait difficilement justifiable à certains esprits jacobins et technocratiques qu ' il y ait ici une université si petite, si réduite dans ses moyens et son influence . • Pouvoir s'imposer ... Le grand problème de C hambéry est en effet de dépasse r ses seules références hi storiques pour s'imposer comme capitale. Administrativement elle domine so n département, mais son influence réelle pratique ne dépasse pas Epierre en Maurienne, Frontenex vers la Tarentaise, et la 62 Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD Editions Horvath, Roanne, 1982 52 sur 111 Histoire des communes savoyardes chaîne du Chat et de l'Epine à l'Ouest. Le Petit-Bugey est traditionnellement orienté vers Lyon , la Tarentaise n'hésite pas à avoir des relations avec Annecy pour mieux sauvegarder son « originalité », quand aux Mauriennais ils peuvent facilement gagner Grenoble et ne s' en privent pas. Le sentiment savoyard n'est pas assez fort pour donner à la province un centre incontesté. L'essor industriel puis touristique d ' Annecy en a fait une ville riche, jalouse de sa puissance. Dès la Révolution, on vit déjà la capitale du Genevois s'opposer à Chambéry pour devenir le chefli eu du nouveau département. En 1799 même manœuvre pour passer dans le nouveau département du Léman avec Genève , et · depuis 1815 toujours le même souci de s'affranchir de Chambéry. Chacune jalouse Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey l'autre, Annecy prétend à l'égalité des services avec Chambéry et préfère dépendre des lointaines Grenoble ou Lyon que de sa sœur savoyarde. Rivalités commercia les, industrielles, universitaires, hospitalières, militaires , tout est bon dans cette ancestrale 1utte de clochers. Il est bien difficile dans ces conditions à Chambéry de s'imposer comme une capitale locale et pour la Savoie de prendre rang dans le découpage régional. Chambéry capitale de la Savoie? tous l'admettent historiquement, mais actuellement faudrait-il encore que tous les Savoyards le veuillent, ce qui n'est pas le cas. Elle peut certes se consoler avec ses directions régionales des douanes et des chemins de Fer, mais elle fut mieux et pouvait prétendre mieux. LES ACTIVITÉS CHAMBÉRIENNES Chambéry ne peut se comprendre qu'en fonction de son carrefour. Ici se croisent deux grandes routes naturelles que les routes antiques et modernes, les voies ferrées et les autoroutes suivent et empruntent, amenant des nots réguliers et importants de voyageurs et de marchandises: l'une Nord-Sud relie Grenoble, Valence et le Midi à Genève, au Plateau Suisse et à la Rhénanie, tandis que l'a utre fait de Chambéry l'antichambre du Mont-Cenis pour le trafic franco-ital ien . Rares sont les périodes où ces deux routes équivalent en importance, le plus souvent ce fut la direction Est-Ouest , qui s' imposa, mais de toutes les façons ce commerce fit de Chambéry une place de négoce de premier choix bien avant Grenoble et Annecy, ses deux voisines et rivales . Cependant ce commerce représente finalement un cadeau empoisonné pour Chambéry qui, toujours trop confiante, découvrit très tard , trop tard même, la possibi lité de devenir un centre industriel. Le grand commerce médiéval Pendant tout le Moyen Age, C hambéry se fait plus remarquer par ses péages que par son artisanat. En 1232 ils rapportent la coquette somme de 400 norins et le commerce ne fit que progresser par la suite; en 1302 près de 5 000 mulets passent ici pour le seul commerce du drap entre 63 Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD Editions Horvath, Roanne, 1982 53 sur 111 Histoire des communes savoyardes la France et l'Italie. Les foires de Genève et de Lyon empêchent par leur proximité que l'on puisse en tenir de semb lables à Chambéry et celles, signalées au début du XVe siècle, ne furent guère durables. Néanmoins l'importance de la communauté juive (87 feux juifs sur les 400 de la ville en 1411 soit près du quart de la population) atteste ce ll e des activités commerciales et des sociétés de négoce sont signalées dès le milieu du XVIe siècle. Certes tout ne fut pas toujours favorable; la guerre de Cent Ans fut désastreuse pour les relations francoitaliennes et la persécution, puis l'extermination des Juifs par les princes jusqu'à leur expulsion générale de Savoie en 1470 n'arrangèrent rien. Les guerres d'Italie relancèrent le commerce, au moment même où le faste de la cour ducale pouvait faciliter le développement d'un artisan at de luxe (encore faut-il souligner ici l'échec du Comte Vert pour créer ici une tuilerie au milieu du XIVe siècle et cinquante ans plus tard le même échec d'Amédée VII pour une fabrique de draps). Les affaires aidant, la population double de 1430 à 1530, Chambéry était-elle en passe de devenir une grande place économique? La crise des XVI' et XVIIe siècles L'histoire en décida autrement, hélas. Dès la première moitié du XVIe siècle la conjoncture se renverse. Les guerres et les occupations françaises épuisent la ville, les ducs quittent définitivement la Savoie: Chambéry, réduite au rôle modeste d'une petite capitale locale, voit la frontière se rapprocher dangereusement après la cession de la Bresse et du Bugey à la France, la privant ainsi d'une bonne partie de sa zone d'influence. Un Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey malheur n'arri va nt jamais seu l, une série de pestes ravage la vill e, et l'affaiblissement de la Maison de Savoie aid ant, le grand commerce international se détourne de la région, empruntant surtout le Simplon pour le plus grand profit de l'écono mie genevoise. Pendant près d'un siècle il semb le que C hambéry, repliée sur ell e- même, connaisse la plus tri ste stagnation, aucun progrès démographique, aucune construction, aucune activité. Aux XVIIe et XVIII' siècles, des voyageurs et des artisans Le réveil s'amorce avec C harlesEmmanuel " 0638-1675) qui , revenant à l'alliance française, décide de restaurer le trafic du Mont-Cenis, dont il entend bien faire profiter les Savoyards et les C hambériens. Encore fallait-il que ceux-ci sachent trouver, en eux et hors d'eux, l'argent et les idées nécessaires, ce qui ne fut pas le cas. La route d'Italie ramène aux Echelles (dont le passage est réaménagé en 1670) et en Maurienne le flot des voyageurs, des pèlerins, des so ldats et des diplomates, mais aussi les caravanes de soie, de laine, de draps et de mercerie. Dès 1633, le duc « pour chasser les vices que l'oisiveté pourrait faire glisser dans le cœur de nos sujets à leur grand dommage» ava it créé à Cha mbéry quatre foires franches, qui ne semblent pourtant guère avoir eu de succès. Cependant les messageries se développent et avec elles les relations régulières dorénavant avec Lyon, Turin et Milan. Hospices et auberges regorgent de clients, les péages de Cha mbéry sont parmi les plus fructueux du royaume, la population triple en un siècle. Enco re une fois la chance passe à 64 Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD Editions Horvath, Roanne, 1982 54 sur 111 Histoire des communes savoyardes côté de la ville. La bourgeoisie locale préfère les charges judiciaires et la douce jouissance de ses propriétés Foncières aux aléas du commerce et de l'industrie. L'argent Fait d'ailleurs sing uli èrem ent défaut, mai s l'o n se contente de peu et l'emprise catholique est trop forte pour que l'on se risque ici à imiter, même de loin, les procédés capitalistes et usuraires des hérétiques genevois. D'ailleurs les occupations étrangères périodiques rendent les C hambériens prudents, il va ut mieux tenir des valeurs et des emplois sûrs que de tenter des opérations hasardeuses. « L'introduction de fabriques dans un pays de fainéants tel que la Savoie n'y peut être établie que par des gens d'esprit, de grande intelligence, laborieu x et de grand crédit», note le Lyonnais Morel en 1701. Dès les a nnées 1650-1660, souvent sur des initiatives étrangères, Chambéry se dote de quelques entreprises de dentelle, de draperies, de moulinage de la soie. Sept fabriques sont recensées à la fin du XVIIe siècle, une vi ngtaine cent ans après, des tanneries surtout (7 en 1759, 10 en 1789) et bien sû r des manufactures de textil e. Si l'atelier de soie du comte de Rochefort a écho ué à Nezin et si l' Hô pital Général n'a pas pu profiter du privilège roya l pour développer son atelier de moulinage, il n' empêche que deu x fabriques de gaze paraissent prospérer à la fin de l'Ancien Régime (celle de Dupuis n'a-t-elle pas 36 métiers et 120 ouvriers ?), depuis 1785 un Romanais ti ent un atelier de bonneterie. Près de 300 artisa ns, autant d'ouvriers, on est loin des chiffres de Grenoble, de Lyon, de Genève, mais l'on paraît s'en sati sfaire. Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey Le grand essor du XIX e siècle La Révolution ne fa cil ita point l'industrie et le commerce de C hambéry. La guerre arrête les échanges. Lyon détruit et dévasté d 'un côté, Turin en pleine crise de l'autre, la route de la soie était bien compromise. Les nobles avaient Fuit ou avaient bien d'autres choses à faire ; quant aux bourgeois ils se lancèrent plutôt à corps perdu dans la spéculation sur les biens nationaux (ce qui correspondait à leur atavisme foncier traditionnel), dans les fournitures alimentaires aux troupes de passage, à moins qu'ils ne fussent tentés par les nouvelles administrations, qui comblaient leur formation juridique et paperassière. Une nouvelle fois les élites locales refusaient l'orientation capitaliste pour satisfaire leurs penchants ancestraux. Il n'empêche que durant toute la première moitié du XIXe siècle, du Premier Empire à 1860, Chambéry semble prendre une direction nette et presque décisive vers l'industri e et cela sous l'influen ce de deux éléments , qui pour lui être extérieurs n'en sont pas moins fondamenta ux: le protectionnisme douanier et l'a mélioration des voies de communication qui ne cessent de renforcer le rôle commercial de la ville. Que ce fût le blocus continental ou le carcan douanier entourant les Etats Sardes après 18 15, Chambé ry ne pouvait que s'en satisfaire car il s ass urèrent a ux industriels locaux le monopole de la clientèle savoya rde à l'abri de toute concurrence, ce qui leur permettait des prix de revient intéressa nts, en restant maîtres du march é. 6S Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD Editions Horvath, Roanne, 1982 55 sur 111 Histoire des communes savoyardes !) Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey Le carrefour routier Cette perspective était d 'autant plus tentante que Chambéry était de mieux en mieux reliée non seu lement aux métropo les voisines, mais aussi avec toute sa région. En 1805, l'ouverture de la route du Mont-Cenis assure de nouveau à Chambéry et à la Maurienne le monopole du trafic franco-italien et en particulier du grand commerce du coton oriental et ce au détriment des co ls concurrents du Mont-Genèvre et du Simplon. C hambéry, aidé par le ministre savoyard Cretet et par les banquiers lyonnais, l'avait emporté sur Grenoble et sur Genève (qui ne le lui pardonn ère nt pas). En 1812 le percement du tunnel des Echelles facilitait encore la circulation transalpine. L'amélioration ne fit que continuer par la suite. Charles-Félix puis Charles-Albert ne cessèrent en effet de renforcer cet axe surtout avec la construction de 1830 à 1848 d'une nouvelle vo ie moderne et rectiligne au-delà de Chambéry, à travers les marais de Challes puis de l'Isère. Parallèlement on construisit aussi la route du Col du Chat, qui reliait en fin valab lement le Petit-Bu gey à Chambéry et l'amélioration de la route de Genèv.e servit autant Annecy que Chambéry et Grenoble. Avec un tel réseau, la petite capitale savoyarde devient un grand centre de transit; en 1811 3 000 voitures de louage passèrent ici, en 1819 la maison Bonnafous, qui avait le monopole des diligences sur la route de l'Italie, assura le transport de 2000 personnes, qui firent étape à Chambéry, en 1857 sept maisons prospéraient dans le roulage et le « gros commerce ». 2) Le carrefour ferroviaire L'arrivée du chemin de fer ne fit qu'accentuer cette évolution. Dès 1840 Chambéry s'était dotée d'une ligne vers le Bourget. Le tout n'alla l , ', • / . J (II' f ,': .. ,'/1 ', ' .... , Le pOnl du Reclus 66 Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD Editions Horvath, Roanne, 1982 56 sur 111 Histoire des communes savoyardes pas loin et après bea ucoup d'hésitations, d'incertitudes et de spécu latio ns, c'est en 1856 que la li gne Victor-Emmanuel, « Aix-Saint-Jean-deMaurienne », donne à la vi lle gare, train s et cheminots. En 1858 Cham béry était reliée à Culoz et par là à Paris (court-circuitant la métropole lyo nnaise), en 1864 à Grenob le, en 1866 à Annecy, en 187 1 à Turin enfin après le p ercement du tunnel du Fréjus, puis en dernier lieu à Albertvi lle en 1876. Certes on n'avait pu fa ire passer ici la vo ie Lyon- Genève, mais le nouveau réseau se mbl ait ass urer Chambéry d'un bel avenir (s urtout pour le commerce transalpin). 3) L 'Industrialisa tion Dans cette fièvre de transports, C hambéry améli ore so n potentiel industriel. Le passé et le commerce aida nt, c'est encore et to uj ours le te xtile qui prédomine, et si Annecy a choi si le coton, C hambéry reste à la soie et refu se même, en 18 10, l'implantation de l'Ann écien Duport. La fabriq ue C hardon langui ssante di sparaît avec l'Empire, mais Dupui s maintient sa so ierie et la qu a lité de sa production; l'esso r n'a rri ve ra cependa nt qu'après sa mort avec la reprise de la fabrique par Franklin en 1833. Avec 200 ouvriers, l' usine de gaze de la Calamin e éta it en 1860 le principal étab li ssement de Chambéry. On se lança aussi dans la lai ne: en 1824 Tissot et Curtelin créaient à Méra nde, une fabrique « de dra ps et d'étoffes pour gi lets en cachemire et tartan fabri qu és avec les méti ers à la Jacqu art ». En 1841 Martin et Chapperon reprirent l'affaire en la reconve rti ssa nt ve rs « la fabrication de draps grossiers pour impression à l'u sage des gens à la campagne », vendant en Piémont, et pour ce fai re Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey n'e mpl oyant pas moins de 80 personnes. Une autre spécialité chambérie nne demeurait la tannerie, en 1813 la ville ne comptait pas moins d'une vingtain e d'ateliers travaillant les peaux (sur une centaine au total). Beaucoup se situ aient dans le BasMaché, en particuli er la vénérable maiso n Masson, mais c'est bientôt à la Revériaz, où le nouveau cana l de l' Hyère attirait les industriels, que l'on retrouve les deux principales fabriques: la très ancienn e chamoiserie Cha pot (qui travaillait pour la ganterie et les équipements militaires vendus en Italie et en Allemagne) et su rtout l'étab lissement Bal créé en 1837 et transféré de Maché pour un bel avenir: ici on jouait sur la qualité en ne travai ll ant qu e des peaux de veau qu 'une quarantaine d'o uvriers tann ait et corroyait. Dans la fi èv re du moment, on ne déd aignait pas de nouvelles producti ons: en 1818 Dupuis-Fils s'éta it lancé dans la production de papiers peints ; en 1822 le sieur Gagniè re fondait à Mérande une fabrique de savon reprise ensu ite par Forest et Genoud et comp létée par ces derni ers d' une usin e de bougie à Nezin. En 1858 25 ouvriers, utilisant « un moteur hydra uliqu e de la force de qu atre cheva ux, des générate urs à vapeur, des presses hydrauliques, des cuves et des chaudières », produisa ient 230 tonnes de bo ugie et 320 tonnes de savon. Mo ins durable quoiqu e plus prestigieuse sur le moment, la fabriq ue de chapeaux de paille (d'Ita li e) créée à Montgex en 1823 par MM . Dubois, qui n'empl oya ient pas moins de 500 ouvrières « âgées de pl us de 10 ans» sans compter les prisonniers. Mais on ne serait pas complet .dans cette description de l'esso r in67 Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD Editions Horvath, Roanne, 1982 57 sur 111 Histoire des communes savoyardes Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey Le Vermout est une spécialité de Chambéry depuis un siècle et demi. 68 Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD Editions Horvath, Roanne, 1982 58 sur 111 Histoire des communes savoyardes Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey dustriel de l'é poque, si l'on omettait les ganteries, les fonderies de cuivre, les carrières de Lémenc, l'explo itation de lignite de la Croix-Rouge, et surtout la brasserie Comoz-Perret remontant à 1805 (et produisant annuellement plus de 5000 hl de bière à la veille de l'a nnexion), les maisons Chavasse-Dolin, Comoz et Lefèvre spécialisées depuis 1838 dans le vermouth (Turin n'est pas loin) et dans les liqueurs (imitation Chartreuse). La persi stance de beaucoup de petits ateliers ne doit pas faire oublier les premières concentrations ouvrières et si 9 % de la popu lation active étaient formés de travailleurs industriels en 1787, le pourcentage s'élevait à 12 % dès 1830 et à 18 % en 1858 (1 300 personnes sans compter les artisans et les patrons). L' image d' une ville somnolente et morne au XIXe siècle do it être définitivement écartée; s'il y eût un moment où Chambéry fut vraiment active, ce fut bien à cette période. La stagnation de la Belle Epoque L'annexion, pourtant follement populaire, devait compromettre cette bonne situation industrielle en jetant les fabriques savoyardes au grand vent de la concurrence française et bientôt européenne avec le développement du libre-échangisme. Pendant quelques années on put faire illusion encore, mais il fallut bien se rendre compte de l'irréversibilité de la nouvelle conjoncture. On sauva bien de petits ateliers travaillant pour la clientèle locale, mais les vieilles entreprises s'effondrèrent rapidement pour la plus grande joie de la bourgeoisie locale, grande et petite, qui rassurée sur la stabi lité politique et sociale de Chambéry accepta de bon cœur ce déclin et la stagnation économique pendant près d'un demi-siècle. Ce fut surtout l'i ndustrie textile qui pâtit le plus de la situation. Certes sous l'Empire on croit profiter un moment des fastes parisiens et de la fabrique lyonnaise ; c'est ainsi que se crée en 1862 une usine de tissage de taffetas à la Boisse avec 50 ouvrières, pourtant elle meurt vingt ans plus tard; la fabrique de la Calamine résiste mais avec seulement 77 La brasserie larcin. à la fin. du Xlxe siècle (Collec lion M usée Savoisien) 69 Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD Editions Horvath, Roanne, 1982 59 sur 111 Histoire des communes savoyardes ouvrières en 1863 et 18 en 188 1 pou r s'éte indre définitivement en 1912 ; la fabrique de drap de Mérande avait quant à ell e d isparu dès 1874. La métallurgie n'avait pas mieux rés isté: deux usines de fonte moul ée succombent en 1866-71. En 189 1 tou t j uste un cinq ui ème de la population active chambérienne trava ill e dans le secteur industriel en y comptant enco re un lot d'artisans; on est loin des 30 % de 1858 et surtout des 46 % d'Annecy dont l'ava nce ne cesse de croître, et ce sous le regard indifférent des a utorités et des élu s cha mbériens. Il faut cependant nuancer ce déclin ; quelques branches industrielles se maintienne nt parfois avec éclat. Le bâtiment tout d'a bord qui emploie sous la houlette d' un e douza in e d'entrepreneurs, tous d'origine piémontaise, près de la mo iti é d e la population ouvrière locale. C'est qu e l'on construit beaucoup à l'époq ue et pas seu leme nt à C hambéry et quand le bâtiment va, tou t va, du moi ns le cro it-on. C hambéry qui n'ava it jusqu'alors que quelques fours à cha ux à Lemenc, se dote vers 1870 d 'un e usine de cim e nt à La Revéri az so us l'impulsio n de l'a ncien minotier C hiron , qui va progressiveme nt s' imposer à toute la régio n, de Vimines à Montagno le. Les onze ta nneries c hamb ériennes se portent bien a ussi, leur effectif triple en tre nte a ns et la maison Bal, qui voisine Ch iro n, avec 164 ouvriers en 189 1, représente la principale fabrique de la vi ll e, ayant parfaitement su s'imposer sur le marché national et même étra nger. L' im primerie auss i prospère avec une centa in e d'o uvriers tout co mm e l'industrie alimentaire : quarante e ntreprises font de C ha mbéry une cap itale régionale pour les pâ tes, les liqueu rs, la bière; six moulins tour- Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey AU FIDÈLE BERGER MAR CHA NDSUCC E SSEUR lB , R. ue des P o r t i q u e s , 15 C HAM BE R Y B O NB O :-1S r lH } ( H 0(' 0 1. ,\ T G LAOE S Pât i sserie fine 1- :x p/(:C CS mO ll lées 1 Il 1 \ 1 1 -, .... Publicité.fïl1 XIX" siècle ne nt à pl ein sur le ca na l d e Méra nde, de ux sur ce lui de l' Hyère . C ha mb éry reste fondamentalement un e vil le de transport et de comme rce. La ga re occupe 6 % des actifs a u début de siècl e, ma is le négoce près de 50 %. Le d ésencl avement routioc des Bauges et de la C hartreu se, la li gne ferroviaire de l'E pin e, tout acce ntue le rôle de C hambéry comme marché local. Le réseau bancaire s'affe rmit, six banques (3 seulement en 1850) drainent les capita ux locau x mais sans chercher à les investir sur pl ace, tout co mme le marché chambérien draine les productions m a raîchères de la région, sans chercher à se procurer l'équipement et les fournitures nécessai res. 70 Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD Editions Horvath, Roanne, 1982 60 sur 111 Histoire des communes savoyardes Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey "Hl. - C H A~fBE R Y. - La G:1TC La gare de Chambél)' au début du XX siècle Le Réveil du XX, Siècle Ce n'est qu'à la vei ll e de la Première Guerre que deux éléments viennent définitivement changer le climat économique chambérien. En 1912 le Groupe Français de l'Aluminium, consortium regroupant six sociétés, décide, sous l'impu lsion de la municipalité sortie enfin de sa torpeur, d'établir sur l'ancien Champ de Mars une usine moderne produisant des plaques et des fils d'aluminium car Cha mb éry offre le double avantage d'une gare facilement accessible et de la proximité de la houille blanche qui, depuis vingt ans déjà, a réveillé les grandes va ll ées voisines. En 1913 enfin, trois petites banques loca les s' uni ssent pour former la Banque de Savoie. Ce rtes le nouvel établissement n'a rien à voir avec le premier essai d'une Banque de Savoie disparue en 1864, victime de la crise industrielle et de la concurrence (Cliche Mu sée Sa vo isien) entre Annecy et Chambéry; il s'agit maintenant d' une initiative purement chambérienne et d'une réelle ambition économique à la différence des vi ll es vo isin es . En dépit du marasme de la guerre, Chambéry entre donc d'une manière décisive dans la vie moderne. Les anciennes « spécialités » demeurent et même se renforcent: les choco lats Coppelia, les quenelles Burne, les salaisons Lacroix accroissent les productions alim enta ires loca les. Le cuir, l'imprimerie, le bâtiment prospèrent (la cimenterie Chiron fait travai ll er près de 100 personnes en 1930). Le textile refait son apparition avec la confection qui emplo ie, dans trois ateliers, 420 ouvrières en 1939, soit six fois plus qu'en 1914 (Chappaz s'est monté en 1923 et Pilotaz en 1932). Le bois, les chaussures (Vallin), la mécanique (Haulotte, Akros) sont tout aussi prometteurs. Bien entendu l'usine d'aluminium demeure en tête avec 150 ouvriers, augme ntée 71 Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD Editions Horvath, Roanne, 1982 61 sur 111 ... Histoire des .:~.. ,~ ..communes savoyardes ;.~ ~ . b,i<:!1lôt''t!u Centre de Recher che Mé·· ··t·aIlui-gique de Péchiney transfér é ici depuis Saint-J ean-de- Maurie nne. Est-ce enfin pour Chamb éry le « décolla ge» économ ique? On aurait pu le croire avant la crise de 1932 qui compro met l'expan sion: en 1939 Chamb éry compte 2000 ouvrier s, soit le double de l'effecti f de 1914, mais on est en deçà des 2 400 de 1930. La tension entre la France et l'Italie fasciste provoq ue les inquiét udes des industr iels; l' usine d'alumi nium ne reçoit pas les agrandi ssemen ts prévus qui s'installent finalement... à Issoire ; on avait organis é, pour accélér er l'expan sion, l'établis sement à La Boisse d' une filiale de FIAT, RIV, spécialisée dans les roulem ents à bille, création éphémère qui laissa derrière elle beaucoup de décepti ons et d'amert ume. Cepend ant on voyait Annecy mainten ir son expans ion mais l'o n Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey ne voulait pas désesp érer; Chamb éry avait peut-êtr e des chances touristiques entre Aix et Cha lles. Le commerce continu ait à prospér er, la création de la puissan te société d'épice rie en gros de l'A llobroge mainten ait le rang de la ville et depuis 1922 la foire d'autom ne attirait de plus en plus de monde : rurale et dispers ée au départ, elle s'était peu à peu concen trée autour de la caserne C urial, se voulant de plus en plus le rendez-vous et la façade de toute l'activité économ ique du départe ment. N'y avait-on pas vu en 1930 près de six cents exposan ts et plus de 120000 visiteu rs? On restait donc optimis te et faute de devenir une grande ville industri elle on se vantait finalem ent d' une expans ion « équilibrée » en bonne relation avec sa région, chercha nt plus le qualita tif que le quantit atif. Une des premièr es «Etoiles des Alpes » (PholO Soc. « L·allobroge») 72 Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD Editions Horvath, Roanne, 1982 62 sur 111 Histoire des communes savoyardes L'expansion contemporaine L' histoire en décida a utrement. Une nouvelle fois , la deuxième guerre terminée, J'expansion et les espo irs reprennent. La reconstruction procure la relance des travaux publics et des cimenteries et J'assurance revient avec la création à La Boisse, en 1950, d'une usine de verre texti le dont le Groupe Saint-Gobain à la recherche d' industrie de pointe s'approprie J'exclusivité nationale: 1 000 ouvriers dès 1960, 1 200 en 1968, 1 600 en 1973. Dès 1960, l' annexion de Bissy permet à Chambéry de se doter d'une zone industri elle dans les marais de la Leysse; il est en effet de plus en plus difficile de se contenter des vieux quartiers industriels le long des canaux de Mérande et de l'Hyère. Le développement de C hambéry s' inscrit dans celui de la Savoie, qui se Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey tourne alors pleinement ver~~~~~-': tourisme, surtout hivernal , et vers l' industrie énergétique et électrique. En 1956 la seule ville de C hambéry compte 4 400 ouvriers, 6 000 en 1962, 7 500 en 1970, plus de 9 000 en 1976. Certes de nos jours C hambéry a son activité de plus en plus intégrée dans l' agglomération avec le risque et la conséquence inévitable de voir un certain nombre d'usines et d'ateliers « émigrer» vers des secteurs plus libres et plus modernes en banlieue; il n'empêche que la ville, qui abrite 63 % de la popul ation totale de J'agglomération, fourn it encore plus de 70 % de ses emplois. C'est d'ailleurs dans le tertiaire que C hambéry s'impose, les 2/ 3 de ses actifs lui sont consacrés, ce qui bat tous les records régionaux . Les seul s transports en font vivre 8 % ; la ligne ferrovia ire de l' Italie est la plus fréquentée de France et le TGY va La première gare de Chambéry à la veille de l'annexion (Co llectio n Musée Savois ie n] 73 Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD Editions Horvath, Roanne, 1982 63 sur 111 Histoire des communes savoyardes mettre bientôt Chambéry presque aux portes de Paris. Les années 60 avaient vu l'apparition des transports aériens, les années 70 celle des autoroutes vers Lyon, Grenoble puis Genève. Pourtant les problèmes de péages, du contournement routier de la vill e et le retard du percement du tunnel routier du Fréjus par rapport à cel ui du Mont-Blanc n'ont pas encore permis à la route de donner sa pleine mesure ici, mais de toutes les façons est-ell e toujours facteur de développement ou seu lement un axe de transit? Néanmoins ces éléments ont grandement inOué sur le rayonnement des commerces ou des services chambériens, au point que les autres villes voisines ont dû se défendre contre ce nouvel impérialisme. Les banques, les transports, les grossistes surtout alimentaires rayonnent sur tout le département et même audelà; les camions Bourgey-Mon- Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey treuil n' avaient- il s pas une renommée presque nationale? Chambéry est en relations co nstantes et suivies avec Lyon, Grenoble et bien sûr Paris, Annecy restant en arrière avec Genève et Turin, les vieilles relations historiques ne jouent pl us guère. crises et conjoncture Jusqu ' en 1962 l'euphorie économique règne à Chambéry; on ne pardonne pas aux autorités d'avoir laissé passer l'occasion de voir s'installer ici Gillette (qu i finalement se fixe à Annecy), mais pour le moment SaintGoba in puis Bally (de Zurich) apportent une impulsion décisive, la première par sa masse, la second e par ses emplois féminins. Chez CégédurAluminium le personnel passe en 10 ans de 350 à 450 personnes et les arrivées de la Satma (a lli ages) et de la L' a/elier de bobinage dufïl de verre à /' usine de Bissy 1 (PhOIO P. Beaume·VeIrOle x) 74 Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD Editions Horvath, Roanne, 1982 64 sur 111 Histoire des communes savoyardes Sisa (chaudronnerie) permettent les meilleurs espoirs. De 1962 à 1968 l'expansion plafonne, la Satma et le Ce ntre de Recherches Métallurgiques passent en Isère, la Sisa à Aix-les-Bains. L'im pl antation des presses hydrauliques Cosmo, des filtres industriels National Standard, de Placoplâtre, n'apporte pas les co mpensations nécessa ires à ces pertes et la possibi lité de nouveaux grands espoirs. Heureusement les années 1968 1975 révèlent une nette reprise . En 1970 C hambéry ne co mpte pas moins de 45 entreprises de plus de 10 employés (sur les 66 de l'agglomération) et les vie ill es spécialités (ver. mouth , pâtes, sala isons, conserves, chocolat, bois, cuir, confection, ciment>, prospèrent alors tout autant que les nouvell es (roulements à bille SKF, matières plastiques .. .). Avec le plein succès d u plan Neige, avec le Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey réaménagement de so n carrefour, Chambéry obtient enfin le rythm e de croissance économique dont elle rêve depuis près d'un siècle, ce qui rend pl us amers encore le renversement de conjoncture après 1975 et l'aggravation constante de la crise par la suite. La confection est frappée de plein fouet, la fermeture de Pilotaz et de la Maroquinerie du Sud-Est, les baisses d'effectifs à l'Aluminium, dans les industries alimentaires et bientôt dans le colosse du Verre Textile, il n'en faut pas plus pour faire revenir les incertitudes et augmenter le chômage (5 % de la population active). La crise révèle d'ailleurs les faiblesses de l' industria li sation chambérienne: il n'y a pas assez d'entreprises locales, l'indu strie demeurée finalement « étrangère » à la ville dépend trop des centres ex térieurs de décision, on s' est contenté hâti ve- Vue partielle de la cha ine defabrication des panneaux d'aluminium servant aux freezer des réfrigérateurs (Pho to Fo rges de CR ANS) 75 Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD Editions Horvath, Roanne, 1982 65 sur 111 Histoire des communes savoyardes ment de secte urs traditionnel s, sa ns im age de ma rque, sans spécialisation moderne et s urto ut sa ns so upl esse. La région Rhône-Alpes déjà s urindustriali sée ne s' intéresse guère à ce probl ème local. D'a ill eurs C ha mb éry n'a pas déve loppé son industrie en relation avec la vocation électriqu e savoya rde, d'où des révision s déch irantes au mo ment même où le grand touri sme ma rqu e le pas et où il n'es t plus si év ident de voir le carrefo ur co mmerci a l suscite r encore des activités. Faut- il se reconvertir? Longtemps on a cru ici qu'entre Aix- les-Ba in s et les Grandes Alpes, Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey C ha mbéry n'ava it a ucun e chance touri stiqu e; les rivalités loca les empêchent l' agglomération et la région de pratiquer une politiqu e écono miqu e commune. Plus que jamais Chambéry a beso in d'unité pour mieu x redéfinir son rôl e. Encore fa ut-il que ses élites et ses financiers s' intéressent e nfin à son avenir, tant il semble constant dans leur hi stoire que les C hamb ériens , accaparés par des préoccu pation s abstraites ou paperassières, ont toujours trop considéré en spectateurs les chances et les malchances économiques de leur cité. La rotonde de la gare de Chambéry, un chef-d' œuvre de l'architecture métallique du début du siècle 76 Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD Editions Horvath, Roanne, 1982 66 sur 111 Histoire des communes savoyardes Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey VIVRE A CHAMBÉRY Deux caractères ont toujours frappé les «étrangers» de passage à Chambéry; la douceur de vivre dans une cité qui, en dépit de son climat et de son allure sévère, anticipe déjà sur l'Italie toute proche, et l'aspect bourgeois de la ville. Encore actuellement les mythes touristiques continuent à véhiculer et à amplifier ces caractères: n'est-on pas ici à la porte du paradis de la neige et de la nature montagnarde? et ne cesse-t-on pas de comparer et d'o pposer Chambéry, ville fermée et austère (on n'ose pas dire triste) avec Annecy, vil le touristique, gaie, ouverte, moins compassée? Une ville bourgeoise Chambéry ne peut se comprendre sans ses notables. A la veille de la Révolution, la ville compta it plus de 150 familles nobles et trois fois plus de familles dites «bo urgeoises» et chacun regrettait alors le déclin des bonnes familles, que dire donc des générations précédentes? 1. Une noblesse pléthorique C hambéry-capitale ava it attiré à elle les nobles, les courtisans et les hauts fonctionnaires , elle conserva après 1560 son attrait sur la noblesse locale, qui s'accumu la ici en couches successives très réticentes à se mêler. Les vieilles familles féodale s comme les Co nzié, les Seyssel, les Allinges peu nombreuses, sont vite doubl ées par les bourgeois chambériens promus par la faveur comtale, les Chabod, les Oddinet, les Noye!. Les chambres des Co mptes et du Sénat furent des pépinières de robins ano- blis par leurs charges (les Salteur, les Garnerin, les Morand , les Barral, les Charrost, etc.). Il fallut aussi compter avec les nobles ven us de l'étranger (les Clermont-Mont-Sai nt -Jean, les Comnène, les Piolenc), ce ux venus de Genève après la Réforme, ceux passés du Piémont (les Sarde, les Costa, les Sirace, les Care ll y, les Alexandry). Chaque groupe entend se distinguer des autres et la fusion ne viendra que lentement au X Vill e siècle surtout, accélérée par la Révolution et le conservatisme du XIX e siècle. C'est à partir du milieu du XVIIIe siècle que l'on voit ainsi la noblesse se fermer de plus en plus sur elle-même, avec ses propres sociétés (le Casin), ses cérémonies et réceptions particulières et so n obsession de se distinguer des bourgeois aussi bien dans les loges maçonni ques (avec l'a rtistocratique loge des «Trois Mortiers ») qu'au théâtre, qu'au Verney (avec des allées séparées) et même dans les églises. La surpopulation nobiliaire ne pouvait pas favoriser ici les fortunes ni les amb itions, d'où beaucoup de médiocrités, de rapacités et finalement de départs, auss i bien vers la cour de Turin que vers les cours étrangères d'Allemagne et d'Autriche surtout, émigration nécessaire, mais qui ne priva pas moins la ville de beaucoup de ses esprits les plus entreprenants. 2. Une bourgeoisie de robins Si tou s n'o nt pu passer dans la noblesse, les bourgeois chambériens se découvrent très tôt une passion pour le droit, qui leur permet de profiter de l'administration et des chambres so uve raines. Formées à Valence. à 77 Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD Editions Horvath, Roanne, 1982 67 sur 111 Histoire des communes savoyardes Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey plaideurs, de désœ uvrés et de men-. diants ... » On se ve ut néanmoins généra lement sé ri eux, tra va illeurs, honnêtes, âpres au ga in certes, mais austères , simpl es et dévoués à la commun a uté ; tel s sont ainsi pend ant des gé nération s les Arminjon, les Dupasquier, les Philippé, les Buttin, les Richa rd , les Roch, etc. Eux auss i n' hésitent pas à s'ex patri er car si la justice est prédominan te à Chambéry, ell e est insuffisante pour entretenir tout ce monde, d' où un e diaspora de fonctionnaire s, de magistrats qui aère, illustre et enrichit la bourgeoisie chamb éri enn e. Devant le palais cie j ustice Le monument cl' Antoine FA VRE. présidel11 du SénaT Lou vai n, puis à T urin , des ge nerations de notaires, d'avoca ts, de procureurs, de légistes co nci li ent leurs in térêts propres et ceux de la loi, entretenant le go ût procéduri er des pa ysa ns, accapara nt les charges judiciai res, ad mini strati ves et politiqu es de toute la région: en 1559, il y a 42 procureurs et avoca ts, il s passe nt à 80 en 1582, o n en retrouve enco re 60 au XVIII e et 40 au X IXe siècle. Co mm e chez les nobl es, le surn ombre engendre des excès d'intrigue, de mépris et de jalousies réciproques et bien sûr d'oisiveté (ce que nous appe ll erions du chômage), au gra nd désespoir des jeun es sans ave nir ou des esprits écl airés co mm e le révo luti onna ire Voiron , qui écrit en 1788 : « Au li eu d'ateliers et de manufactures, l'o n ne voit que des co uve nts ... des casernes, des études de ge ns d'a ffaires. Les vill es ne paraisse nt peuplées que de moin es, de so ld ats, de 3. Le pouvoir des notables « Une douceur de vivre dan s un comm erce agréable et sûr» (R ousseau). Ce so nt ces notables, nobles et bourgeoi s, qui vo nt dès le XVe siècle avec l'a ppui duca l confisq uer le pouvoir muni cipal. Il est termin é, le temps des assemblées gé nérales de bourgeois élisant démoc rat iqu ement et bruyamment les deu x syndics et les officiers municipau x, dorénavant seul un grand conseil de 42 membres se cooptant entre eux, a le monopol e des affai res de la ville, il élit les syndics (4 dès 1527) et restreint l'accession à la bourgeo isie en la soum ettant à des co nditions de plus en plus stri ctes et onéreuses, de so rte qu 'a u XVIII e siècl e quelques ce ntaines de perso nnes se ul ement pou va ient se targu er du privilège de bourgeoisie, de fai t de plus en plus sy mbolique. Il n'est pas peu surprenant d'ailleurs de voi r le « corps de vill e» se diviser symboliquement en quatre classes des ge ntilh ommes, des avocats, des procureurs et des bourgeois « les plus apparents, nés de parents bourgeo is, viva nt de leurs rentes ou pro- 78 Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD Editions Horvath, Roanne, 1982 68 sur 111 Histoire des communes savoyardes fessant les arts les plus relevés », distinctiol] significative du recul progressif de la noblesse qui occupait initi alem ent la moitié du conse il et de l'importance des juristes dans la vill e. Ce conse il , réduit à 32 membres aux XVIII e et XIXe siècles, se fige d'a ill eurs dans un conservatisme impuissa nt tant il est difficile d'intéresse r à la vie mun icipa le des notables déjà très so ll icités par leurs affaires personnelles ou par des « affa ires supéri eures» à Turin ou à l'étranger. C'es t que l'émigration empêche constamment ces nobles et ces bourgeois de s'e nferme r sur eux-mêmes, chance et mal chance d'un groupe ouvert, toujours tenté par les aventures extéri eures et moin s attaché à leur vill e qu'on aura it pu le penser, surtout après 1870, lorsque le suffrage unive rse l fit passer (tomber) le pouvoir à la petite bourgeoisie loca le radicale. La trad iti o n demeure puisqu 'a u XXe siècle l'indifférence et la discrétion politique et publique sont encore de mi se da ns les vénérables vieilles familles cha mbéri ennes. Même divisés par un e infinité de clivages familiaux et mentaux, les notables n'e n présentent pas moins un e certaine unité par leur genre de vie qui les a constamment di stingués de leurs concitoyens. On s'est toujours voulu pieux, les familles so nt nombreuses, les fils élevés chez les «bons pères» et les fill es chez les religieuses (surtout du Sacré-Cœ ur) et l'on se doit d'a ider le cl ergé et d'o rner les égli ses. Le moins de sca nd a les possible, la vie est chose sérieuse et les divertissements doivent reste r « paisibles et honnêtes », même si la fin du XVIIIe siècle et celle du XIXe ont été des périodes de franches distractions au grand désespoir des prêtres et des moral istes. La grande affaire demeure la Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey terre: au XVII le siècle, le tiers de la province de Savoie-propre appa rtient aux seuls notables chambérie ns, record régional souligné par G. Armand , qui voit ici une grande originalité de Chambéry. Chacun se doit d'avo ir sa vigne pour boire «son » vin, sa propriété où l'on se retire de Pâques à To ussai nt, ses fermiers qui assurent l'approvisionnement de la famille et ses terres acquises patiemment au fur et à mesure des crises agricoles et des prêts hypothéca ires non remboursés. Mélange d'âpreté, mais aussi de généros ité, la vie se déroule dans une relati ve austérité : le luxe et le train de vie demeurent ainsi toujours limités, peu de domesticité, peu de fastes et de gaspillages (les riches collections artistiques des Costa demeurent ici l'exception). On loge dans les vieu x hôtels du Chambéry médiéval, dans de grands appartements aussi sombres qu'inconfortables, jalousant les nouveaux riches, qui à la fin du XIX e siècle s'étab li ssent sur le boulevard ou dans des vi llas à la banlieue. Si l'on sait bien parIer professionnellement, on se doit d'être discret, l'amour des arts est réduit et l'intérêt intell ectue l souvent limité aux problèmes historiques, juridiques ou religieux. Charmes et limites de la vie provinciale ? Classe dépassée ici par un capitalisme triomphant ailleurs ou seulement groupe vidé de ses meilleurs éléments émi g rés ~ Caste néanmoins maîtresse indiscutable de la ville pendant quatre siècles. La meilleure preuve de la force et de la valeur de ces « Monchus », réside finalement dans l'absence complète d' opposition et de critiques à leur égard, même de la part d'éléments politiquement et socia lement hostiles, peu de villes peuvent se vanter d' une telle unanimité. 79 Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD Editions Horvath, Roanne, 1982 69 sur 111 Histoire des communes savoyardes Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey Un intérieur « bourgeois » du Vieux Chambéry (Cliché CI co llection Mu sée Savoisien) 4 La fin des no/ables Pourtant la fin du XX- siècle voit la disparition de ces dynasties ancestrales. La Révolution avait accentué le déclin démographique de la noblesse, le malthusianisme du XIXsiècle n'avait rien arrangé et l'hécatombe des officiers tués pendant la première guerre acheva de rendre durable et décisive cette diminution numérique. Depuis 1880, les revenus de la terre diminuent et les notables chambériens réussissent peu dans les spéculations capitalistes; d'ailleurs beaucoup vont se ruiner au casino à Aix-les-Bains si proche et si tentant. Traditionnellement ouverts sur l'Italie, ils ont du mal , en dépit de leurs espérances de 1860, à se réadapter dans un cadre uniquement français et s'ils le peuvent, ce se ra au détriment de leurs racines chambériennes, d'autant que les municipali- tés radicales et républicaines de la Belle Epoque ne font rien pour les intéresser et les retenir ici. Survinrent le traumatisme de la guerre et les bouleversements de la deuxième moitié du XX- siècle, il n'en fallait pas plus pour accentuer le déclin et la disparition des notables traditionnels, obligeant Chambéry à se trouver une nouvelle élite. 5. Le peuple Dans cette ville bourgeoise, le peuple semble totalement exclu aussi bien dans les documents que dans la tradition et pourtant numériquement quelle primauté et quelle pauvreté! Jusqu'en 1830, il Y a ces pauvres, vagabonds et miséreu x, sans logis ni travail qui hantent la ville en permanence, assiégeant passants et voyageurs, rejoints lors des crises par des 80 Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD Editions Horvath, Roanne, 1982 70 sur 111 Histoire des communes savoyardes Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD Editions Horvath, Roanne, 1982 71 sur 111 Histoire des communes savoyardes Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD Editions Horvath, Roanne, 1982 72 sur 111 Histoire des communes savoyardes Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD Editions Horvath, Roanne, 1982 73 sur 111 Histoire des communes savoyardes Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD Editions Horvath, Roanne, 1982 74 sur 111 Histoire des communes savoyardes foules de malheu reux venus de l'extérieur dans l'espoir impossi ble et fou d'obten ir des seco urs. Les autorités distingu ent subtilem ent les « pauvres » des « honteux » et en comptent en tout près de 600 dans la « bonne année », 1586, mais lors de la crise de 1741 il Y en a plus de 6 000, qui assiège nt l'hôpita l général pour y demand er la so upe et le pain, en 1717 il Y en avait eu aussi un tel nombre à l'hôtel de ville « que l'on croyait à une infectio n ». PéFiodiquement on les rassemb le pour les enfermer dans les hosp ices, à moins que devant le nombre on ne se content e de les refoule r au Verney ou plus simp lement hors du territoir e municipal. 18 17 fut la dernièr e famine où l'on vit de telles scènes, l'indust rialisatio n, qui suivit, permit enfi n de donner du travail et des moyens d'existe nce, même réduits, à tous. Des centain es d'ouvri ers, manœu vriers et domest iques, affluen t ici au gré des aléas économ iques et politiques, s'entass ant surtout dans les faubour gs et accesso irement dans les rues Juiverie et Cro ix-d'Or . Ce sont eux qui, en temps de difficul té, remplissen t la ville de « tumulte », comme en 1734 quand toute la livrée de Chamb éry « tint une émeute » pour sauver de l'estrap ade un porteur réputé innocen t du délit dont on l'accabl ait. On les revit vibrant aux passion s politiqu es nouvell es en 1792, lorsqu 'ils prirent d'assau t le poste de la place Saint-L éger, ou en mars 1848, lorsqu'i ls viennen t demander à l'hôtel de ville « du travail ou du pain ». En temps normal cependan t, ils préfère nt aller se divertir dans les guingue ttes des environ s ou s'amuse r « honnête ment et sans tapage» au Verney ou au Champ de Mars. Que fallait-il préfére r? le sort de Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey la domest ique, éterne ll e mineur e vivant dans l'ombre de ses patrons qui la chasse nt à leur gré à moins qu' ils ne la citent dans leur testame nt, ou celui de l'ouvrie r abruti par 12 à 13 heures de travail par jour? En 1875 Barbier se montre confian t sur leur sort: « A l' usine de la Boisse, la durée du travail est de 14 heures, mais la durée effectiv e est en réalité de 12 heures . On n'a point remarq ué qu'une aussi grande assiduit é fût de nature à altérer leur santé ... » N éanmoins « on trouve quelque s exemples d'ouvrie rs ou plutôt d' ouvrièr es déserta nt l'atelier sous prétexte que leur salaire n'est point en rap port avec leur capacit é ou leur habileté, mais ce cas ... tendra de plus en plus à dispara ître au fur et à mes ure que l'habitu de de l'atelier se répandr a dans la populat ion ... ». Certes Chamb éry, vill e peu indu striell e co nnaît peu de prolétar iat surtout à la Belle Epoq ue et l'influe nce rurale aida nt, la docilité et la modéra tion prédom inent. Même après l'appari tion des premier s syndica ts en 1890, la vague de grèves de 1905 touche peu Chamb éry, il faudra attendr e 1936 (et encore) pour que l'on s'aperçût ici d'une prise de conscie nce de classe. Au-dess us du peuple et de ses misères quotidi ennes mais rejeté encore par la bourgeo isie, se forme un embryon de classe moyenn e avec ses quelque s centain es d'a rti sans plus ou moins aisés, beauco up de cordonniers, de savetier s caractér istiques des vill es de passage , beauco up auss i de métiers d' aliment ation et de boissons. Un grand nombre vient de l'extérieur, comme ces Lyonna i s du XVIe siècle apporta nt ici leurs techniques « que oncque s n'avait veu ny praticq ué en nostre pais de Savoye ... et qui trouven t sur le lieu a meilleu r 81 Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD Editions Horvath, Roanne, 1982 75 sur 111 Histoire des communes savoyardes commod ité et moinsdre coust et despenses ... » (L.P. du 5 avril 1556). Ce so nt eux, qui formeront les clubs et sociétés révol utionnaires de 1793 -94 ; ils deviendront par la suite les ancêtres de cette tradition radica le si puissante ici, gross is par le nombre grandissant des fonctionnaires, employés et boutiquiers venus des autres départements ou de la campagne savoyarde, mais tous nourris du même mépris des structures traditionnelles surtout religieuses et politiques. Très tôt déchri stianisé, ce groupe va s'imposer à C hambéry dès 1870, donnant à la vill e une allure totalement distincte du reste du département, la co upant psychologiquement de celui-ci pour mieux la relier au régime français, signe de sa promotion . Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey La sociabilité chambérienne On ai me se rencontrer et se di straire à Chambéry comme ailleurs , mais pas moins qu'ailleurs avec cependant ici l'i nflu ence conjointe de l'Egli se et des notables , avec pendant longtemps la proximité des princes et en permanence le diverti ssement occasionné par les voyageurs. 1. Fastes d·antan Il y a tout d'abord les grandes fêtes officielles religieuses, civiles ou politiques où toute la communauté se retrouve dans une célébration fastueuse d'un événement ou de son so uvenir. Les fêtes religieuses ont été bien sûr les plus durables: pendant des siècles les process ions ont sillon- . La procession de lafête-Dieu à Lémenc en 1955 ( ColiCCIio n M usée Savoi sien) 82 Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD Editions Horvath, Roanne, 1982 76 sur 111 Histoire des communes savoyardes né la vill e, précédant ou su ivant l'office so lennel à Saint-Lége r, SaintFrançois, plus loin à Sainte-Claire ou même jusqu 'à Mya ns. La principal e est celle de la fête-Dieu, mai s les plus prestigieuses furent bien sûr celles du Saint-Suaire au déb ut du XVI e siècle. Tout est d'ailleurs prétexte à process ion dans la société d'A nci en Rég ime, l' a rri vée ou le départ du souverain, les gra nd es fêtes cari ll onnées, les victoires, les catastrophes, les anniversa ires etc. : dans la seule année 1730, on n'en fit pas moins de 25 à C hambéry. A chaque fois les congrégations se regroup ent derrière les moines de Lémenc, église primitive de la vi ll e, le clergé séc ulier est quant à lui précédé du chapitre de la Sainte-Chapelle, pui s après 1779 de son évêque. Les paroisses et confréries suivent avec leurs bannières, leurs in signes et leurs costumes propres; les grands officiers royaux cheminent avec les membres des cours souveraines en grande robe rouge, les sy ndics et conseillers de ville en robe noire, la noblesse en épée. Les corporations défilent elles aussi avec leurs insignes, enfin arrive la foule des fidèle s et des badauds. On se « harangue », on chante, on sonne les cloches, les tro upes paradent, dans aucune autre ville du Duché, on ne peut atteindre pareille solennité. 2. Les premières associations Les corporations (il n'yen a pas moins d' une quinza ine) réglementent les métiers et les hiérarchies professionnelles, mai s elles fournis se nt aussi aux travailleurs des occasions de rencontre a utour des malades, des défunts , des saints patrons comme Saint-Crespin pour les tanneurs et cordonniers, Sainte-Anne pour les Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey menuisiers ou Notre-Dame pour les couturiers (qui , eux, se rencon trent d'autant plus facilement qu'ils sont tous regroupés aux XVIe et XVII e siècles auto ur de l'église Saint-Lége r). Les confréries du Saint-Esprit et de la Trinité sont très actives au XVe siècle pour entreten ir le zèle religieux et caritatif de leurs membres, très vite cepend ant deux d'entre ell es vo nt réuss ir à ga rd er leur prestige jusq u'à la Révolution et même au-delà, les « Pénitents Blancs» et surtout les « Pénitents Noirs» créés en 1594 par le président Favre et sa int Franço is de Sales lui-m ême pour renforce r la foi des notab les loca ux, et auxqu els Josep h de Maistre se fit toujours gloire d'appartenir. Il faut aussi se di stra ire, dès le XVe siècle, « L'Abbaye de la jeunesse» dite aussi Abbaye de Bazoche organ ise des tabl ea ux viva nts, des cérémo ni es burlesques et des charivaris, mais aussi des spectacles plus comp lets comme les histoires de sa int Sébastien ou de sainte Anastasie jouées en 1446. En 1516, ell e monte même « la passion de Notre-Seigneur », mais ell e ne se mbl e pas cepend ant avo ir rés isté à l'épre uve des pestes et des luttes religieuses du XVIe siècle et surto ut a u moralisme de la co ntre-réforme catholiqu e. Finalement c'est la Société de tir, qui paraît avoir la pl us grande ancienneté et la plus gra nd e permanence à Cha mbéry, car un « ro i des tireurs» est déjà signa lé dans la Grande-rue en 1383. Au XVe siècle, les arbalétri ers et archers s'entraîne nt so us la tour du Bercel (synonyme de tir et dont l'express ion sera reprise par le corps des Bersagl ierD, leur concours de tir à l'oiseau ou « papegai» attire un grand concours de peuple, mais ils peuvent être parfois d'une grande utilité comme en 149 1 en défendant C hambéry contre les 83 Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD Editions Horvath, Roanne, 1982 77 sur 111 Histoire des communes savoyardes menées du co mte de la Chambre ou en 1690 en all ant participer à la défense de Montmélian contre les Français, puis en 1742 en orga nisant un e dHense symbolique à Apremont co ntre les Espagnols. On comprend alor la faveur des princes, l'autorisation orticielle de C harles II sanctionna nt les statuts de 1509 et les privilèges de Charles-Emm anuel rer pour le « rois du tir » en 1626. L'autorité gra ndi ssa nte des princes se li e avec l'inquiétude de l'Egli se ofriciell e, mora li sa nte et orthodoxe co ntre de associa tions toujours dange reuses, ce qui ex plique la décadence de ce dernières aux XVIIe et XV IIIe siècles. Ell es renai ssent mais sous des forme nouvelles et encore bien fragil es et menacées. En 1749 la première loge appa raît à C hambéry, avec l'a ri sto ratique « Trois Morti er » fond ée pa r le marquis des Ma rches en 1790 il y en a qu atre regro upant plu- de 300 membres. oin réu ie, plus éph émère avait ét la ( 0 iété d' Agriculture » créée en 177 , qui ne ré i ta pas à ses diviions internes et à sa faiblesse matéri Il . En 17 4, la noble e e donne un a in, ciété de pla isi r regroupant pré d 80 per onnes des deu . xes, fermée bien sû r aux bourgeois ui s'empr sent de 1 liquider en régime po téri eur ont 17 _. ommun la même méria nce Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey « la Société d'Histoire Naturelle» en 1844, « la Société Médicale » en 1848, « la Société Savoisienne d 'Histoire et d 'Archéologie » en 1855. 3. Culture populaire et culture classique Peuple et notables s'o pposent à C hambéry surtout dans le domaine culturel , et dès le XVe siècle, il semble bi en qu e les occasions de réuni ons et de distractions en commun se fasse nt de plus en plus rares . Chacu n reste chez soi, en parti culier le peupl e qui prédomine dan s les faubourgs, en fait son li eu exclusif de ca dre de vie. L'esprit de qu artier aidant, apparaissent ainsi des collecti vi tés, qui , pour n'être pas orticielles, n'en sont pas moin s très vivantes, en insistant sur le vi n, le sexe et la violence physique. Ces « contresociétés» de plaisir et de défoulements collectifs animent dès le XVIe siècle la lutte entre Maché et le faubourg Montmélian, so us les insignes respectifs de la ronce et du laurier. La procession de la Saint-Valenti n mena nt les jeunes de Maché au prieuré de Bissy, les vogues de quartier, les carnava ls, les fe ux de la Saint-Jean, les charivaris so nt autant d'occas ions de se rencontrer, de boire, de « flirter » et de se battre au grand dam des autorités et des bonne familles. On a toujours beaucoup bu à hambér , en 1 47 le sub titut Le Pelleti er se lamente « le 4 Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD Editions Horvath, Roanne, 1982 78 sur 111 Histoire des communes savoyardes Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey Le Carmel sur la colline de Lémene XX e siècle avec 367 cafés pour 20000 habitants. Et s' il n'y avait que la boisso n ! mais que dire des règlements de police qui, pendant des siècles, essaient de réglementer les « filles» de la rue Sainte-Appollonie ou de la Truanderie au Moyen Age, de la rue Juiverie par la suite, et enfin du quartier des casernes plus tard! Plus anodins, ma is aussi distinctifs, appara issent les cirqu es et salles de spectacles populaires dès le milieu du XIXe siècle, plus frondeur le réveil du folklore de Maché après 1919 avec ses nouvelles vogues, ses « reines», sa comm un e libre, sa presse indépendante: les autres quartiers essaient de faire de même. « L'échelle de Maché» perturbe les passan ts honn êtes, c'en est trop! La municipalité va « enterrer » tout cela dès 1930 et les remaniements urbains aidant, c'en est bien fini dès lors de la vieill e culture populaire chambé- rienne. En apparence tout au moins, les notables préfèrent les plaisirs plus ca lmes de la discussion et des « douces rencontres» « sans pose ni vaines grimaces » (Vicaire de Police, 1729). Déjà, après 1536, l'occupation française avait permis aux premiers sa lons chambériens de s'an im er derrière Honoré d' Urfé ou Clément Marot et de s'enthousiasmer pour les parties de cartes au flux et au brelan, ce qui n'empêche pas bien sûr les jeunes de se défouler à la paume ou au tir. Si on ne se fréquente pas et même de moins en moins entre nobles et bourgeois, on n'en découvre pas moins ensemble au XVIIIe siècle les cha rm es du chocolat, du thé, du café et de la musique, toutes les « bonnes familles » se doivent de donner des concerts (Rousseau en profite D, dès 1730 une société des concerts se monte pour harmoniser et aid er ces créations. Entre-temps 85 Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD Editions Horvath, Roanne, 1982 79 sur 111 Histoire des communes savoyardes Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey - on ava it appris le billard (do nt la première sa ll e est attestée à C hambéry en 1703) et le goût empoisonné du jeu. Depuis le milieu du XVIIe siècle, on profite au Verney de troupes de passage, la première sa ll e publ iqu e de th éâtre est ouverte au château par les Espagno ls, mais il faut attendre 1775 pour que les Chamb éri ens possèdent enfin une sa ll e de bois officie ll ement reconnue et définitive, ce qui n'empêche pas le co ll ège et les grandes familles d'organiser des séances privées. Au X IX e siècle l'amour du th éâtre va d'ail leurs devenir une vraie passio n au désespoir des mora li stes et des commissaires de police. Certes il ne faut pas être trop exigeant su r la qualité des représentations, mais là plus qu'ailleurs encore, les notables peuvent se donner en spectacle, en goû tant comme dans les cercles, le plaisir d'être « entre so i », ce qui a des avantages et des inconvé ni ents. Tous les voya- Le plqfond du théâtre municipal. geurs soulignent bien jusqu'au Second Empire le charme de la vie mondaine chambérienne, sa dignité, sa simpli cité, so n entrain. mais le genre des souvenirs et des récits ne doit pas cependant nous faire oublier les limites de cette sociabi lité : l'étouffement d' un gro upe finalement réduit, la pauvreté des moyens matériels, la petitesse des esprits. En 1672, le passage d' Hortense Mancini fera ici l'effet d' un e torn ade, et les Chambérien s les plus brillants et les plus actifs ne pourront se contenter du petit « monde » local: la comtesse de Boigne ne vo udra jama is en entendre parler et comb ien d'a utres avec elle. La nouvelle société chambérienne Le XXe siècle amène des changements radi ca ux dans la société loca le. Le brassage socia l et géograph iqu e a ainsi profond ément bouleve rsé un microcos me, qui n'a bientôt plus de savoyard qu e le nom. Les resso rti ssa nts étra ngers n'étaient qu e 557 en 1866, 1 965 au début du siècle, 2582 à la ve ill e de la deuxi ème guerre et 1 382 a u lendemain de cell e-ci. Il s so nt 8 842 en 1976, so it le se ptième de la population de la vill e, avec 2 820 Itali ens et 3 307 Maghrébins, ce qui n'est pas sa ns pose r de sé ri eux problèmes d'intégration et de relations. Si on leur ajoute les naturali sés et les França is ve nu s d'a utres régions, les Savoya rds ne forment plus qu'une minorité et les « vieux» Chambériens un groupe minuscule, évolution inévitable dans le monde moderne et dans une vi ll e-carrefo ur. La composition professionnelle et sociale se modifie aussi profondément. Les agriculteurs ont presque entièrement disparu, la bourgeoisie voit sa proportion diminuer face à la 86 Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD Editions Horvath, Roanne, 1982 80 sur 111 Histoire des communes savoyardes Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey Une des dernières cava/cades en / 955 (Collection Musée Savoisien) 87 Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD Editions Horvath, Roanne, 1982 81 sur 111 Histoire des communes savoyardes Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey \ _-.""' .... 1.:;.' . - .. ~ f f-.- ==-- La première cava /cade de Chambély en /885 (Dessin de I·albumde l. Desayci Pelaz) montée des classes moyennes. Les quartiers eux-mêmes changent, tout en conservant de solides différences. En dépit d'un fort noyau d'immigrés étrangers, le centre-ville reste très « chic », très cultivé, très conservateur à l'intérieur des anciennes limites, en opposition à une Z.U.P. très prolétarienne et très « étrangère ». Lémenc et Montjay ont maintenu leurs allures bourgeoises traditionnelles face aux classes moyennes du Biollay, de Bissy, du Stade et de Joppet. La montée des classes moyennes, déjà sensible à la fin du XIXe siècle, avait suscité à Chambéry de nouvelles manifestations culturelles: les spectacles faciles d'opérettes et de variétés s'étaient imposés au théâtre, au Verney et dans de nouvelles salles, moins « selects ». Le carnaval se laïcise avec la « cavalcade », qui a la faveur de la foule , moins active ce- pendant et plus spectat rice. Les cirques remplacent les baladins et saltimbanques. On découvre le sport et le chant dans de nouvelles sociétés de loisirs, d'inspiration chrétienne ou républicaine dont les rivalités prolongent celle des deux écoles. A « l'Alerte » s'o pposent les « Volontaires des Alpes », aux « Gentianes bleues » les « Perce-Neige »; au « Cercle Choral » « l'Oph éon C hambérien ». Il faudra beaucoup de temps et d'efforts pour surmonter ces antagonismes à la fois stim ul an ts et paralysants et pour arriver à des associations plus « neutres» comme « l'U nion Sportive » ou « le Ce rcle Orphéonique ». La vie associative loca le est donc ancienne et animée, même si l'évolution contemporaine ne lui a pas été favorable . La grande vogue du Verney et la Cava lcade ont disparu de l'univers festif des Chambériens vers 88 Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD Editions Horvath, Roanne, 1982 82 sur 111 Histoire des communes savoyardes 1960, vict imes du nouvel urbani sme ma is auss i des nouvelles menta lités. Le libéra li sme et la spo ntanéité d'antan ont cédé devant la pass ivité, l'indifférence et les interventions officie ll es. L'élargissement des horizons, l'agrandissement de la ville ne facilitent guère les rencontres sur des th èmes trop étroits ou trop loca ux. Depuis la guerre, on se cherche pour un e nouvelle culture dont l'act uell e A.M.C.C. se ve ut l' initi atrice et la propagandiste. Non que l'époqu e actu ell e se manifeste par un vid e culturel , bi en au contraire, il y a même surabond ance de manifestation s et de renco ntres, même si tout cela ne touche so uvent qu'un e rel ati ve minorité de la population. La crise contemporaine des esprits n'a donc pas, et de loin, diminué la vitalité chambérienne. Les divergences socia les et cu lturelles demeurent: s'il y a toujours des notables, il faut compter aussi mainten ant avec les militants ; s'il n'y a plus de foule s « tumultueuses», il y a des mouvements d'opinion; il n'y a plus de presse d'o pinion (où so nt les diatribes de la très cléricale « C roi x de Savoie » et du virul ent « Démocrate Savoisien » au début du siècle ?), mais il y a les multipl es bull etins d'associations et de groupements. Tout s'es t unifo rmisé, mais le public des tournées Karse nt y n'est pas ce lui du « théâtre de la G lèbe » ; tout le mond e, ou presque, fréquent e le co nse rvato ire et les stades, mais il y a toujours des « mili eux fermés », des excl usives , des polémiques, des querelles de clochers. Co mm e dan s so n architecture, Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey C hambéry ne découvre pas sa vita lité au premi er abo rd: derrière le ca lm e apparent, la vie existe, signe d'une ville authentiqu e, reflet d' une histoire avec ses continuités et ses ruptures. La populatio n de Chambéry en 1976 56788 habitants dont 54415 pour la popul ation muni cipal e. Chambéry est partagée en troi s ca ntons : C hambéry-Sud: 14438 habitants; Chambéry-Sud -O uest: 17 195 habi tants ; Chambéry-Nord : 25 155 habitants (e n a ugmentat ion de 33 % depu is 1968). Sur 37 690 adu ltes: 55,8 % o nt, au plu s, le nivea u du C.E.P. ; 19 % on t un ni vea u éga l o u supéri eur au bacca lauréat. 32 % des C hamb éri ens o nt moins de 19 ans, 56 % de 20 à 64 ans, et 12 % plu s de 65 ans (en 1954 les proportions respecti ves étaient de 30, 60 et 10 %). Sur les 23 320 actifs, 0,7 % re lève nt du secteur primaire , 32,7 % du seco ndaire et 66,6 % du terti aire. (Po ur le département les proportions respecti ves so nt de 8,7, 38,3 et 53 % ) Parmi les actifs, o n co mpte 0,7 % d'agriculteurs, 16 % de patrons, cadres et profess io ns libérales, 14,8 % de cadres moye ns, 30 % d'employés, 35 % d'o uvri ers. En 1954, les parts respectives des mêmes catégories étaient à Chambéry de 3,4, 22, Il , 26 et 34 % ; dans le département en 1976, ell es étaient de 8,7, 15, 13 ,27 et 33 %. 89 Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD Editions Horvath, Roanne, 1982 83 sur 111 Histoire des communes savoyardes Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey ÉLÉMENTS POUR UNE VISITE DE CHAMBÉRY La vieill e vi ll e de Chambéry forme un ensemb le important, qui a survécu aux siècles et aux hommes et qui frappe plus par son homogénéité que par la qualité de ses constructions. Le tout remonte généraleme nt au XV- siècle et sem bl e avoir pris, sa uf excepti ons loca les, so n aspect définitif au XVII - siècle. On a moins ici une vi ll e médiévale, que la transformation de cette dernière par les générations postérieures, ce qui loin d'en affad ir l'intérêt, l'augmente encore. Un style chambérien ? Il reste très peu de chose du C hamb éry antérieur au XV- siècle, la poterne de la herse et le « donjon » du châtea u, quelqu es débri s d'ence inte ici ou là ; la tour bossu e de la rue Jean -Pierre-Veyrat et la tour de la Trésorerie au château ont été très reman iées, se ul le vénérab le et éni gmatique baptistère de Lémenc apparaît « co mplet ». C'est du XV- siècle que datent donc les premiers « monuments » chamb érie ns, toute la partie orientale d u châtea u aussi bien la tour dite des Archi ves que la grande chapelle d'Amédée VII 1 (œ uvre d'artistes français , flam and s et bourguignons) et enfin la nou ve ll e ég lise de Lémenc. On a beaucoup construit a lors à C hamb éry. La rivalité trad itionnell e entre les Franci scains et les Dominicains les amène à édifier pres - ëa rré _ Curria l L--L ___ _ Vu e aérienne du Vieux Chambéry (Dessin Se rvices techni ques de la Mairie) 90 Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD Editions Horvath, Roanne, 1982 84 sur 111 Histoire des communes savoyardes que en mêm e temps leurs églises respectives, émulation religieu se et artistique, mai s aussi politique dont Chamb éry bénéficie grandement et à tous les points de vue puisque chaque congrégation, à une extrémité de la ville, s'a rrangeai t pour offrir ses service et ses bâtiments à une administration, Saint-François pour la municipalité et Saint-Dominique pour la justice. Mais c'est surtout de cette période que date le plus grand nombre d' hôtels particuliers avec cette architecture si caractéristique du vieux Chambéry: un passage voûté relie la rue à une cour intérieure sur laquelle débouche un escali er à vis abrité dans une tourelle généralement polygonale et surmonté d' un toit en poivrière, des galeries ouvertes à arcades assurent la desserte des appartements; structure qui eut assez de succès pour se retrouver encore pendant longtemps dans les constructions chambériennes, si tant est qu ' ici on préfère conserver les so lutions traditionnelles même dépassées que se hasarder dans les nou vea ux styles. Le XVIe siècle ne nous a laissé que l'hôtel Lambert, passage Henri-Murger et quelques hôtels de la rue Saint-Réal où l'on ne décèle les nouvelles modes artistiques que dans les détails ; la difficulté des temps ne se prêtant guère aux co nstructions et aux innovations. Il faut donc attendre le siècle suivant pour assister à une nouvelle fièvre artistique et monumentale: certes les Franciscains reconstruisent leur cloître en s'obstinant dans le style gothique, mais c'est dorénavant partout le style « baroque» qui fleurit, comme dans la chapelle des Jésuites (l'actuelle église Notre-Dame), la première du genre ici et une des premières dans le genre, dont la façade austère s'op- Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey pose néanmoins à ce ll e plus libre et plus ornée de la Sainte-Chapelle et à ce ll e plus éléga nte, plus légère et plus tardi ve des Visitandines (sur la place du Marché). La floraison monastique abo utit à une masse de bâtiments conve ntu els dont il ne reste presque ri en, mais qui se remarqu ent par leur allure austère et très réguli ère so us leurs gra nds toits d'ardoises, qui les fait ressembler aux co nstru ctions laïqu es contemporaines, ce qui n'est d' ai ll eurs pas le moindre intérêt de cette période. S'impose donc un sty le désormais classique dans la région , cel ui de ces maisons de campagne bourgeoises presque cubiques sans bal con, ornées se ulem ent d'un portail avec un toit à quatre pans généra lement incurvés. En ville, so us l'impulsion d'architectes et d'arti stes transalpins (à l'exception du scu lpteur Cue not), on adopte le modèle italien de construction « nobl e », qui poursuit la tradition locale: un corps de bâtiments mass if à cour centrale sans jardin (la place manque) et ne présentant côté rue qu 'un e grande façade plate, ouverte par un portail centra l donnant sur un couloir voûté, tels so nt les hôtels de Costa et de Châteauneuf rue Croix-d'Or, celui de la Val d' Isère place du Château et celui de Capris rue Saint-Réal. Les propriétaires ne reculant pas devant les profits, logent à l'étage noble en louant les rez-de-chaussée à des boutiquiers et les étages supérieurs à des occupants plus modestes. Il était évident qu'à une telle période d'activité ne pouvait succéder qu'un grand calme, ce fut le cas du XVIIIe siècle, qui ne nous a laissé que quelqu es œuvres, l'hôtel de Roche élégant avec les premiers balcons chambériens et à la toute fin du siècle les grands ensembles des hô91 Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD Editions Horvath, Roanne, 1982 85 sur 111 Histoire des communes savoyardes Hôtel Chabod de Sain/-Maurice. rue .Iui\'erie (dessin de J.P . Dehli 1941) (Cliché Musée Savoisien) tels de Bellegarde rue Cro ix-d'Or et de Montfalcon place du Château, où une nouvelle fois on se con tente d'un décor moderne sur des st ru ctures d'allure traditionnelle. Seu l l'hôtel de Clermont-Mont-Saint-Jean près du Verney (l'actuelle direction des douanes) adopte franchement le style français d'un bâtiment nobl e entre cour et jardin, il faut dire qu'il fut construit par un architecte bison tin en 1784 pour un propriétaire à moitié français. Le XV",, siècle est surtout une période de grands projets aussi bien pour la reconstruction du château après son incendie, que pour la reconstruction de l'église Saint-Léger (par une église à coupole), que pour l' aménagement d'un nouvel évêché en pa lais classique. Rien ne se fit car la pauvreté locale Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey se chargeait bien de laisser les plans dans les dossiers. La première moitié du XIX- siècle par son néo-classicisme poursuit donc les traditions du XV"- siècle et ass ure, dans ses réalisations, une continuité presque parfaite avec les construct ions antérie ures. La caserne Curia l, reproduction des Invalides, s' intégra parfaitement par ses façades, ses toits, et sa struct ure renfermée, dans le paysage cha mbérien, il en est de même pour la Grenette, l'éco le des Jésuites, l'éco le des Frères. Seule la caserne de cava lerie paraît innover, dans ses toits de tuile et dans ses murs de brique, les trava ux publics se li ant de plus en plus à l'industrie. Le palais de justice introduit une nouvelle présentation avec son fronton à colonnes, mais par sa structure il rappelle encore C uri al et les vieux hôtels chambéri ens. Ce n'est qu ' après 1860 que l'on sen t les premières ruptures. L'hôte l de vill e se veut délibérement frança is et flamand, et l'hôte l Costa voisin (détruit en 1945) lui ressemble beaucoup. Les halles sont du type standard industriel et métallique imposé par Baltard à Paris. La constru ctio n de la bibliothèque municipale révèle une volonté manifeste de grandeur dans le style des grands palais d'exposition parisiens, quant aux lycées et hôpitaux, ils imitent administrativement des modèles arch itecturaux préétablis. Une ville sombre et discrète Dorénavant donc, Chambéry suit les mod es frança ises courantes. Après avo ir été aux temps modernes sinon une vi lle italienne, mais de conception italienne, elle est devenue après 1860 une vi ll e banalement 92 Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD Editions Horvath, Roanne, 1982 86 sur 111 Histoire des communes savoyardes française, réussissant néanmoins jusqu'à la deuxième guerre à tout intégrer dans un même ensemble grisâtre les constructions de tous les genres et de toutes les époques. Chambéry a en effet toujours été d'allure sombre, les voyageurs le notaient depuis le XVIe siècle, sans s'en étonner d'ailleurs. Genève, Grenoble et combien d'autres dans les environs ne sontelles pas identiques? Le climat et le genre de vie prédisposent peu aux ébats extérieurs, les pièces et les toits comptent donc plus ici que les façades. A la différence de l'Italie, on préfère les intérieurs ornés, cachés derrière d'austères façades; les élégantes grilles de l'hôtel de Châteauneuf se trouvent au fond de la cour intérieure; place Saint-Léger le sévère hôtel du Bourget abrite une gracieuse montée d'escalier et les appartements sont à l'un isson. A l'époque sarde, la décoration en trompe l'œil Les voûtes de la Sainte-Chapelle Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey et les grandes fresques de Vicario, dans la plupart des églises chambériennes, répondaient parfaitement à ce besoin de décors intérieurs que les retables baroques dépassés ne pouvaient plus satisfaire. Ici tout doit se découvrir aussi bien dans les esprits que dans les éd ifices: Chambéry ville secrète! n'allons pas si loin, mais certainement ville discrète qui ne se livre point d'un premier abord. Dès le XIXe siècle quelques-uns s'en émurent et s'enhardirent à peindre leurs bâtiments mais en teintes verdâtres ou brunes, tant l'atavisme restait fort. Le mode des grands placards publicitaires de la « Belle Epoque» vint compromettre ces velléités, il fallut dès lors attendre la seconde moitié du XX e siècle pour que l'on adoptât franchement des couleurs claires et gaies. La vieille ville Il reste peu de chose de la résidence des cornIes el des ducs de Savoie, l'aile princière occidentale disparut au XVIIIe siècle et même la reconstruction de Victor-Amédée III fut anéantie avec le « pavillon» en 1798. La Sainte-Chapelle dévastée par l'incendi e de 1532 en est sortie mutilée, et que dire des trésors et des décorations d'antan qui ont tous disparu, que ce soit le Saint-Suaire, mais aussi les fresques médiévales ou celles des Galliera à la veille de la Révolution . La herse intérieure, la tour Trésorerie et le « donjon » remontent au XIIIe siècle alors que la façade principale, de la tour dite des Archives à la Sainte-Chapelle, date de la fin du XIVe et du XVe siècle. Au XVIIe siècle on se contente d'édifier une nouvelle façade à la chapelle et quelques bâtiments voisins en attendant la reconstruction de la 93 Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD Editions Horvath, Roanne, 1982 87 sur 111 Histoire des communes savoyardes grande ai le occide ntale qu e l'on e ntreprit à partir du sud en d eux éta pes de 1786 et 18 14 et de 1855 à 1870. Les inn ombrab les visites prin cières n'ont guère la issé de so uvenirs ta ngibles, à la différence de l'administration qui a toujours occupé une bon ne partie de l'ense mbl e. La C hambre des Co mptes pui s le gouve rn eur furent in stall és dans les sa lles donnant sur la pl ace du C hâtea u, l' inte nda nt étai t logé sur la cour, les a rchives o nt donn é leur nom à la tour sud et la trésorerie à ce ll e du nord. Depuis le XIXe siècle les préfets et le conseil général se partagent l'aile occidentale. Ce pendant le plus bel ense mble du châ tea u demeure sa chapell e, chef-d'œuvre a rchitectural aussi bien d a ns ses vo ûtes et so n élévation qu e dans sa légèreté d'e nsemble. De sa déco ration au XIXe siècle, il ne reste qu e les trompe-l'œil de la voûte, de sa Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey spl en deur d'a ntan qu e les beaux vitra ux du XVI e siècl e et du SaintSuaire qu ' un e cop ie ... Le monument aux ji-ères De Maistre fut élevé en 1899 par Dubois, un élève de Fa lgui ère, sur une initiative de l'Académie de Savoi e et à pa rtir d'une so uscription publique. Le monument, démonté en 1944, put être reco nstitu é e n 1952, mais l'on se contenta du groupe supéri eur de Joseph s'a ppuya nt sur Xavier, en renonçant à la « Savo ie » qui leur offrait la co uronn e de la reconnaissa nce. Le portail Saint-Dom inique domin e un gra nd esca li er du X IXe siècle. Rare exempl e de sauvegard e archi tecturale à Chambéry, il s'élevait a utrefo is au bout de l'actuelle ru e du Sénat à l'entrée du couvent d es Dominicains. Démonté en 185 1, il dut atte ndre plu s de quarante ans pour être remonté . Il a pe rdu ses sta- De la porte Ma ché cl la porte Reclus. la partie nord de Chambéry cl lafin du XVII" siècle (Th ea/l"Um Sabaudiae) 94 Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD Editions Horvath, Roanne, 1982 88 sur 111 Histoire des communes savoyardes tues et la mo ll asse conserve mal ses sculptures, mai s il est devenu un des monuments les plus chéris des Chambériens, des photographes et des artistes. La rue basse du Château, l' ancienne « charrière de Bellecombette » est, avec la rue adjacente de Sainte-Appolonie, un des meill eurs ves tiges du Chambéry médi éval. « Rue sous le château » jusqu'a u XIX e siècle, « rue du Niveau » so us la Révolution, elle s'e norgueillit d'avoir abrité de grandes familles, ce ll e des Bonivard (dont est issu François, héros des libertés genevoises et célèbre prisonnier de C hillon) et celle des Chabod, toutes deux bourgeoises, enrichies par le commerce et les charges officielles et toutes de ux fondatrices d' hôpitaux. Au XVIIIe siècle, on y trouve les Balland et surtout les Morand (dont une fi ll e épouse Joseph de Maistre). C'est ici que sont nés, au XIXe siècle, l' historien Chapperon et le peintre Cachoud. Le « pont des Soupirs » est le seul « passage » ancien à avoir résisté aux démolitions. La rue Juiverie n'a pris son nom que tardivement; appelée initi alement du Bourgneuf, elle menai t au ghetto sur l'actuelle rue Trésorerie. Pendant longtemps la chaussée franchissait sur un pont (dit d' Enfer ou de Viviand- le-VieiD un bras de J'Albanne maintenant recou vert, mais dont le souvenir se marqu e enco re par un très net rennement. Ell e mena it, par une rectitude dont chacun s'émervei ll ait, à la rue du Sénat (dite autrefo is du « Meysel » puis « des Vieilles-Boucheries» ou Saint-Domi ni que) et à celle de Lans (d ite auparavant des « Boursiers »). Sa largeur, sa proximité du château et du Sénat en firent une ru e bien fa mée, des magistrats célèbres y habitè- Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey rent, les De Ville, les More, Joseph de Maistre, mais surtout deux grandes familles de diplomates et de grands officiers, les C habod de Saint-Maurice et surto ut les Co udrée d'A llin ge dont l' immense richesse s'étendait du Chablai s à C hambéry et à la Tarentaise. Leur hôtel était si prestigieu x et si grand que les autorités n' hésitaient pas à le réq ui sitionner lorsque le château était inhabitable, c'est ainsi qu' il reçut Don Philippe, infant d'Espagne en 1732, Jose phine et Ma ri e-Thérèse de Savoie en route pour Versailles en 1771 et 72, puis le général Montesquiou en 1792, et les premiers préfets napoléoniens après 1799. La disparition du dernier marquis de Coud rée permit à J'Etat d'acheter le bâtiment pour y in sta ll er en 1845 le Sénat. Tant de bouleverse ments en avaient déjà bien altéré la splendeur d'a ntan , et il n'en resta rien après l'incend ie de 1887. La place du Marché est une création très contemporaine. Ell e remonte à la démo lition du couvent des Dominicains qui abritait le Sénat entre 1810 et 1845. On avait d'abord pensé reconstruire ici le pa lais de justice ou percer une gra nd e rue prolongeant la place Saint-Léger, il ne se fit rien finalement et en 1863, pour faciliter le marché transféré de la place de J'Hôtel-de-ville, on installa un pavillon métallique « à la Baltard » comme à Paris pour servir de halles. Le tout était dominé au nord par la chapelle de l'ancien couvent de la Visitation étab li par Jeanne de Chantal, la fondatrice de J'ordre, et qui eut comme première supérieure, la propre fille du président Fav re. Le couvent disparut en 1890, la chapel le avait déjà perdu son clocher en 1860 et sa façade du début du XVIIIe siècle est un peu écrasée et rejetée par le grand et sévère bâtiment des jé95 Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD Editions Horvath, Roanne, 1982 89 sur 111 Histoire des communes savoyardes suites édifié en 1825-1830. La place fut encore modifiée en 1936, lors de la démolition des vieilles prisons, qui remontaient au XVIIe siècle; la rue Bonivard, qui était la vénérable rue Villeneuve au XIVe siècle, a perdu sa rai so n d'être: simple partie de l'espace vide ainsi créé. Le dégagement permet néanmoins d'apprécier la « tour Bossue » (plutôt plate de ce côté), seu l vestige de l'ancienne enceinte médiéva le, disparue so us la Révolution. La disparition des priso ns avait aussi permis l'agrandissement des halles avec l'édifice actuel en 1937, dont le style correspond finalement assez bien à celui des immeubles reconstruits en 1950-60. L'esse ntiel demeure ici le marché, in stitution économique et socia le, te ll ement populaire et fragile que toute modification de la place est devenue difficile , comme on l'a vu en 1975-77 lors du projet de construction à cet endroit d'un silo à voitures. Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey La rue Sain/-An/oine entièrement recon struite en 1950, ne peut plus permettre d' imaginer ce qu'elle fut autrefois: sinueuse, bordée de vénérables hôtels où logèrent le président Favre, saint François de Sales, Lamartine et son ami Vignet. A travers la porte du Recl us elle menait à la Leysse, maintenant recouverte. La démolition des remparts et l'aménagement des boulevards au début du XIXe siècle lui donnèrent le moyen de se doubler d'une place importante à son ex trémité, place qui fut ornée d 'une massive statue de la « Savoie Française» érigée ici par le sculpteur Falguière en présence du président Sadi Carnot en 1892. L'opinion apprécia peu la lourd e femme «( che Sasson ! »), d'autant qu'on apprit bientôt qu'elle devait initialement représenter une Lorraine. Elle n' acquit de réelle popularité que pendant la guerre où elle devint le symbole du pillage allemand. Déboulonnée et Le marché de Chambéry au début du xx e siècle (C liché Musée Savois ien) 96 Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD Editions Horvath, Roanne, 1982 90 sur 111 Histoire des communes savoyardes Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey Le marché de Chambéry de nos jours décapitée, elle dut attendre une génération pour que l'on pensât enfin à la restaurer, non sans polémique, ni hésitation. L'Eglise NOIre-Dame, miraculeusement épargnée en 1944, rappelle seule le passé. Edifiée de 1599 à 1635, elle est une des premières œuvres du célèbre architecte jésuite, le frère Martellange, qui revenait de Rome où s' il était initi é à l'art de Vignale, auteur de la grande égl ise du Gesu . On ne parle plus de style « jésuite », mais la spiritualité de l'ordre, fondée sur le culte des Saints et le culte eucharistique, a évidemment in spiré la nef unique et la primauté du maître-autel. La coupo le est bien sûr dans le goût de la Renaissance et si l'o n oppose la façade sévère à la richesse de l' intérieur, il ne faut y voir que le résultat des aménagements ultérieurs: la façade ne fut achevée qu 'en 1646 et ornée de statues seule- ment en 1864; le relèvement du trottoir en 1950 l'a privée de son perron et en la tassant, lui a enlevé sa dignité originelle. Quant à l' intérieur, il est difficile d'en retrouver le décor initiai , sinon dans les marbres du chœur et dan s les stucs des voûtes, et se ul le tableau du martyre de sain't François Xavier paraît contemporain de la construction. Charles-Emmanuel 1er, qui commença l'édifice, a ses armes s ur la façade, et son petit-fi ls Charles-Emmanuel Il qui l'acheva, a les siennes au-dessus du maÎtreautel, enfin C hristine de France qui s'y intéressa aussi , a mis les siennes dans les coquilles d'angle de la croisée du transept. L'égli se s' honore de quelques bons tableaux des XVIIe (une « incréd uli té de Saint-Thomas » et un « C hri st en Croix» que l'on a attribué pendant lontemps à Van Dyck) et XIXe siècles. Elle ne fut église pa- 97 Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD Editions Horvath, Roanne, 1982 91 sur 111 Histoire des communes savoyardes La coupole de /' église Notre-Dam e roi ssia le qu'à partir de 1802, ce qui nécess ita l'érecti on du clocher en 1822. Notre-Dame a perdu le bâtiment voisin auquel ell e fut longtemps li ée comme chapell e; construit en même temps qu 'ell e, le co llège des Jés uites fut donné aux Fran ciscai ns en 1777, puis à l'armée en 1793, au grand sém in aire en 1802 et enfin à un garage en 1905 avant d'être démoli après la première guerre. La ru e Favre, création du XIXe reman iée après 1950, nous rappelle de fort loin le souvenir des Antonins et de l' hôtel Milliet où hab itèrent en dernier li eu les Costa pendant un siècle. La place de /'Hôtel-de- Ville est une création du début du XVIIe siècle. Le gouverne ur de la Savoie, le marquis de Lans, consei ll e a lors à la vi ll e d'acheter le grand jardin des Antonins pour dégager la vieille maison à tourelles que les syndics venaient Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey d'acquérir pour y recevoir leurs arch ives et leurs conseils. Sur la place ainsi formée, on installa le marché aux Herbes dont un bras voisin de l'Albane pouvait emm ener les détritus, par la suite on la bord a de cabornes et on l'orna en so n centre d' une grande font aine monumentale surmontée d'une statue de femme en marbre blanc à laquelle le sculpteur C uenot donna un e lan ce et un e co uro nne murale. Etait-ce une évocation d'Hortense Mancini, la bouillante nièce de Maza rin qui tournait alors la tête de bien des C hambéri ens ? ou n'éta it-ce pas plutôt Cybèle la déesse de la prospérité? ou la vi ll e même de C hambéry à la fois riche et fort e? Par la su ite la pauvre femm e se vi t co uverte d' un casqu e, d'un bo nn et phrygien ava nt d'être laissée en « cheveux » ; on l'avait auss i se lon les époques, a ffublée de drapea ux aux co ul eurs françaises, savoya rdes o u itali ennes. En 1863, le marché éta it transféré sur la pl ace vo isin e et la constru ction du nouvel hôte l de vill e fa isa it supprim er la fontaine et la statue que l'on ne so rtit plus jamai s du mu sée, en dépit des promesses, des demandes et des projets. La vie ill e maison de vi ll e éta it trop ruinée pour qu 'o n la regrettât, d'ailleurs le nou ve l édifice monum enta l et pompeux deva it signifi er la puissa nce et la prospérité du nou vea u régim e. Sans référen ce aux traditions loca les, dans la liesse de l'annexion, on mélangea sa ns aucune gêne les modèles français et flam ands (le petit beffroi central ne rappelle-t-il pas les gra ndes communes flamandes avec lesqu elles C hambéry n'eut jamais de rel ation ?). Ce n'est qu'en 19 10, a près le percement de l'ave nue de l' Hôtel-de-Ville à travers les jardin s du grand séminaire, qu e l'on s'aperçut bien vite de son insuffi- 98 Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD Editions Horvath, Roanne, 1982 92 sur 111 Histoire des communes savoyardes Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey La place de LANS du X Ix e siècle sance pour l'administration municipale. C'est sur cette place qu 'habitaient au XVIIIe siècle le docteur Dequin , un des premiers aliénistes et un des meilleurs esprits chambériens, ainsi que les parents de Joseph et Xavier de Maistre (dans l'hôtel de Salins disparu depuis la guerre). La rue de Baigne percée de 1824 à 1830 correspondait à une idée remontant au 1er Empire et au plan du général de Boigne et de son beaufrère l'architecte Trivelly. Il s'agissait d'aérer la vieille ville et de donner aux C hambériens une nouvelle promenade ouverte après la destruction des « couverts» de la place Saint-Léger. On avait prévu grand avec deu x grandes fontaines à ses extrémités, en fait on se contenta de plaquer des façades classiques et des portiques à la turinoi se, sur les bâtiments anciens après avoir jeté à bas les demeures des Buttet, des La C hava nn e, des Lescheraine et des d' Oncieu . Les (Cliché Musée Savoisie n) de Boigne y firent édifier près du château un gigantesque hôte l à la fois moderne et classique. La rue devint très vite le centre mondain et élégant de C hambéry et « fai re les portiques » la grande occupation de bien des C hambériens. La colonne des Eléphants. témoignage de la reconnaissance de C hambéry à son bienfaiteur De Boigne, fut édifiée en 1838 par le Grenoblois Sappey. Les élép hants, les trophées et la co lonne « en palmier » rappellent la ca rri ère hind o ue du général qui , en grand uniforme sarde surm onte fièrement l'ensemb le et d o nt les bas-reliefs illu strent le courage et la générosité. Ce monument déconcertant, qui fut fort décrié - « quatre moitiés d'éléphants portant un tuyau de cheminée» (le « Siècle ») - est devenu néanmoins le plus célèbre de la ville où désormais tout est à « l'éléphant ». Le th éâtre actuel remonte à 1864, 99 Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD Editions Horvath, Roanne, 1982 93 sur 111 Histoire des communes savoyardes Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey La place des Eléphanls all milieu du Xlxe siècle mais il remplace déjà deux autres bâtiments. Le premier, en bois, avait été éd ifi é à cet emplacement à J'instigation de la société du Casin en 1775 sur le fossé en contrebas du rempart, ce qui en facilitait la construction (sur un terrain municipal) avec J'observation des règlements de police. Par la suite, on hésita encore à le placer près du château vers le passage Murger; finalement en 1821 avec l'aide du général de Boigne et du roi Charles-Félix, sur les plans des architectes Trivelly et Pregliasco, on le construisit en dur au même endroit, la proximité de J'Albanne pouvant être utile en cas d'i ncendie. Le tout fut néanmoins dévasté par le feu le 2 février 1864 (alors que le bâtiment était envahi par la paperasserie de J'hôtel de ville en réfection). On refit donc le théâtre en respectant le plan du précédent, mais en s'inspirant bien sûr des opéras de Paris et de Bordeaux. La salle a conservé ainsi son allure à l'italienne, elle s'ho- nore toujours du grand rideau de scène offert par Charles-Fél ix représentant J'œuvre des frères Vacca « la Descente d'Orphée aux Enfers ». Les loges particulières ont di sparu, seu les subsistent celles des autorités et de la famille de Boigne. On peut regretter l'orientation du bâtiment, mais ni J'évêque, ni le directeur du séminai re, ni celui de J'hôtel-Dieu n'avaient pu envisager de voir leurs fenêtres donner sur la porte du théâtre. S'il n'ava it tenu qu'à eux on aurait suivi les journalistes, qui demandaient le transfert de la salle sur la place Caffe, ce qui eût permis le prolongement des boulevards jus- . qu'aux casernes; mais la mairie, par paresse et timidité, n'osa affronter de tels problèmes. D'ailleurs on reconstruisit en petit et à J'économie de sorte qu'actuellement le théâtre, quoique modernisé de 1958 à 1970, devient d'une insuffisance de plus en plus criante. C harles Dullin, le grand acteur d'origine savoyarde, a donné 100 Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD Editions Horvath, Roanne, 1982 94 sur 111 Histoire des communes savoyardes son patronage à une bell e salle typiqu e du XIXe siècle, mais qui, avec ses 800 places, est sans proportion avec les besoi ns actuels. La rue Croix-d 'Or, fu t pendant longte mps la se ul e grande rue véritabl e de C hambéry. Ell e prenait son nom d' un e fonta ine surmontée d'une croix d'o r aménagée ou refaite par Mg r La mbert, évêq ue de Maurienne en 1567, et en dépit de la disparition de cette de rni ère en 1794 et de sa dénomination révo lutionnaire de « rue Jea n-Jacqu es », ell e conserva toujours cette appell ation. Elle ava it d'abord été hors des p remiers remparts et ne se tro uva intégrée à la vi ll e qu 'a u XVe siècle, de rrière la porte Mo ntméli a n. Les auberges se reportant de l'autre côté de l'ence inte, la rue put deve nir plus résident iell e, sa ns jamais devenir néanmoins plein eme nt l'a rtère « chic » de la cité. On y vit donc du beau monde Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey dès le XVIIe siècle avec les Bertrand de la Pérouse et les Costa, tous de vieilles fam illes du Sénat et de la Chambre des Co mptes et les Castagnery qui en plus jouaient les maîtres de forges en Maurienne, ce qui le ur permit d'agrémenter leur cour de grilles magnifiques. Tous ava ient eu bien des problèmes de vois inage avec les Franciscains, qui les ob ligèrent à aménager des passages transversaux vers la rue. En face, les Bellegarde n'avaient pas connu de telles difficu ltés, mais ils avaient dû attendre leur enrichissement dans l'émigration en Angleterre et en All emagne pour refaire dignement leur hôtel en style Louis XVI à la vei ll e de la Révolution et dont ils profitèrent finalement fort peu. Cette immense demeure put ainsi abriter le pape Pie VII et Napoléon lors de leurs passages à C hambéry en 1804 et 1805. Jea n-J acques Rousseau fré- Les g rilles de l' Hôtel de CHATEA UNEUF (Cliché Musée Savo isien) 101 Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD Editions Horvath, Roanne, 1982 95 sur 111 Histoire des communes savoyardes La rue couverle de la p lace Sail1l-Léger en 18 15 (g ravure de Massoli) quenta la rue, comme professeur de musique auprès de Mademoiselle de Costa « malheureusement un peu rousse », comme élève auprès de Monsieur Roche - qui ne put jamais lui a pprendre à da nser le menuet ni à perdre l' habitude de « marcher du ta lon » - , enfin comme ami chez Monsie ur d e C onzié : « Nou s déjeunions, nous causio ns, nous li sions quelque nouveauté et pas un mot de mu siqu e .. . » La place Sail1l-Léger. centre de la ville, a év idemment beaucoup changé. Ell e a perdu en 1760 l'église, qui en occupait le centre depuis le XIVe siècl e. L' Albanne et les caborn es qui l'encombraient, réduisa ient la perspecti ve à une minuscule placette avec le poids public au-deva nt de l'égli se, ell e- même bordée de deu x ru es passa ntes, la Grand e-rue (aim abl e euph émi sme) et la ru e Gre- Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey natterie devenue plus tard rue Tupin. En dépit de la couverture de la rivière et de la démolition de l'église, l'ensemble resta encore anarchique du fait des cabornes et des galeries couvertes: « Il y fait toujours net et propre et on y est à l'abri des injures du temps. » Oouvin, 1672,) Aussi la rue couverte demeura-t-elle à la mode jusqu' à la démolition du tout en 1826 et son remplacement par les portiques de la rue de Boigne. Ce grand espace ainsi libéré resta néanmoins le centre de la vie mondaine, c'est ici que l'on trouvait les grands cafés, dont la célèbre brasserie de la Perle, c' est ici que l'on donnait des concerts, que l'on rassemblait la foule pour la fête-Dieu ou pour la revue de l'armée. En 1897 un incendie permit le percement de la rue PorteReine et la réinstallation à son angle du clocheton de l'horloge qui rappelle le « gay te» et l'horloge de la vieille église. Périodiquement depui s deux siècles, des projets d'allongement de la place vers les casernes ou vers le Vern ey ont été élaborés pui s oubliés. En 1976 la place fut rendue piétonne, les façades, dont beaucoup n'en avaient jamais tant vu, furent repeintes; on installa deux fontaine s et faute d 'orner la principale avec la vénérable statue de Lan s, on lui donna un grou pe de Marmousets érigé autrefoi s sur le « pont des Amours ». La rue Mélropole, qui a été remani ée au XVIII e siècle,- s' honore des souvenirs du poète Marc-Claude Buttet, qui eut son heure de gloire sous la Renaissance et de celui plus honorable encore de l'hôpital SaintFrançois ou hôtel-Dieu où l'on soigna pendant trois siècles les malades (avant de les transférer près de la Leysse et de donner le bâtiment au collège). La rue menait autrefois à l'im- 102 Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD Editions Horvath, Roanne, 1982 96 sur 111 Histoire des communes savoyardes mense clos des Fra nciscains, qui s'o uvrait ici sur leur cimeti ère se rva nt accessoirement aussi de bourse a ux grains. Les Franciscains étab li s à C hambéry peu de temps a près la mort de leu r sai nt fondateur, ouvraient en effet largement leur couvent soit pour les réunions du co nseil résident du co mte, so it pour les assemblées de bourgeoi s. Il s se souciaient peu du vo isin age nauséabond des gra nd es bouch eries et « écorcheries », au nord, des bras de l'Albanne, a u sud et à l'ou est, et des fossés croupiss a nt de l'enceinte à l'est ; forts de leur puissance il s reco nstruisirent leur couvent du XVe au XVII e siècle, ce qui ne manqu a pas de leur attirer des jalousies et finalement provoqua leur éloignement en 1777 et l'attribution du bâ timent à l'évêqu e. Faute de pouvoir refaire leur « pa lais » à leur goût, les prélats se contentèrent de remanier l' intéri eur. Leur ex pul sion en 1907 po sa bien des probl èmes aux autorités qui ne surent que fa ire du tout, on en fit donc un musée Savo isie n, mais ce luici ne put pre ndre d'expansion qu 'à partir d e son réaménagement, cinquante ans après ... La ca th édrale métropolitain e est en fait la gran d e ég li se que les Francisca ins éd ifi ent a u XVe, deu x siècles a près leur insta ll ation à C hambéry. Coupe transversale de /a cathédrale (Cliché et collection Monumenls Historiques) Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey Sa grande taille (73 m de long et 34 m de large, comme à Sai nt-Jea n de Lyon) en fait le plus gra nd édifice de la vi ll e, où l'on célèbre dès lors toutes les gra nd es cérémoni es et où l'on réu ni t les assemb lées générales des Cha mbéri ens. C'est sa taille qui la fait encore attrib uer comme cathédrale au nouvel évêq ue e n 1779 . Ell e perd it alors le patron age de saint François d'Assise pour ado pter ce lui de la Vierge a uqu el ell e renonça en 1802 pour cel ui de sa int Fra nçois de Sa les. La façade de style go thique flamboyant avec ses ba ldaquins, ses statues (d isparues), sa ga lerie ajourée o ù se perd l'archi vo lte du portail co ntraste avec la nu d ité de l' intéri eur sans transept, sa ns chapiteau, sa ns ve rri ère. Il ne reste de l'ancienne église que ses portes de style Louis XI II et la célèbre statue de Notre-Dame-du-Pilier, sa uvée miracul e useme nt de la Révo lu tion qu i détrui sit tout le mobilier pour loger ici l'Assemb lée des All ob roges en 1792, puis le culte de la Raiso n en 1793. La res tauratio n commença dès l'E mpire, mais la plupart des peintures en trom pe l'œi l so nt l'œuvre du Piémontais Vicario après 1833. Pour remeubler l'église, on lui att ribu a du mob ili er de Tami é (à la sacristie) et des boiseries de Ripaille (dispa ru es). C'est le card in al Billiet qu i, ap rès 1840, fit in sta ll er les grandes o rgues, les fonts baptismaux, les sta ll es et la chaire, et qui donna au trésor le fameux dyptique de Béatri x de Savoie. En 1819 la cathédrale avait reçu les restes d u président Favre, j usqu 'alors inhum é à Sainte-Marie-l'Egyptienne et pour leq uel Philippe Co ll et dit « Le Romain » édifia un nouveau tombea u en 1824. En 1887 Mgr Leuillieux entreprit (hélas!) de refaire « à la moderne » les peintures du chœur et du déambulatoire. En 103 Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD Editions Horvath, Roanne, 1982 97 sur 111 Histoire des communes savoyardes 1892, la façade fut refaite en molasse et remaniée encore en 1960, à chaque fois elle perdit des ornements sous prétexte de purification. Monument fragile sans fondation, so uvent mutilé et critiqu é, la cathédrale n'en demeure pas moins le centre incontesté et vénérable de la vie religieuse chambérienne. A la périphérie Les casernes. Il ne reste rien du couvent de Sainte-Claire, favori des Comtes et des Ducs où l'on se re ndait en procession devant un crucifix miraculeux en cas de graves sécheresses ; il fut co nverti en hôpita l et en cartoucherie au XIXe siècle et de ce fait bien mutilé déjà lors de sa démolition au XXe. Les Corde li ers établis à Sainte-Marie-I'Egyptienne avaient l'ins igne honneur de recevoir les tombeaux des grandes familles chambériennes, ce qui ne les empê- Façade de Saint-François Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey cha pas de se faire expulser en 1777 et de voir leur couvent transformé en hôpital puis en magasins militaires. Le tout fut anéanti, il y a un siècle, sous les pics indifférents des démolisseurs. Quant aux Ursulines qu i avaient fondé ici un établissement d'éducation, ell es disparurent ell es aussi à la Révolution, mais il reste de leur couvent le «pav ill on des externes» qu'elles construisirent au début du XVIII e siècle et qui fut sauvé par la gendarmerie qui s'y installa. Tout le quartier fut progressivement affecté à l'armée au cours du XIXe siècle: évin cée du château, ce lle-ci exigea une caserne modèle et obtint un gigantesque carré (Curial) de 100 mètres de côté, sur le modèle des Invalides, où dès 1815, l'on pouvait loger trois mille hommes. Le gouvernement sarde ne voulut pas être en reste et édifia à côté pour la cavaleri e une immense écurie <Barbot> capable de recevoir près de cinq cents chevaux sans compter les réserves à foin. On compléta le tout par un grand manège en 1845 et par une multitude de petits bâtiments secondaires après 1870. L'armée partie, n'ayant plus d'âme, <injustement) méprisé et méconnu , le quartier ne pouvait pas ne pas être une nouvelle fois rem anié : certains li eux n'ont décidément pas de chance ... Le Faubourg Montmélian, qui s'étirait originellement sous le signe du lau ri er depuis la porte d'Italie (au nivea u du théâtre) jusqu'au pont des Carmes, n'était qu'une suite d'hôtelleries et d'auberges, et ce dès le XVIe siècle jusqu'à l'arrivée du chemin de fer en 1860. Il a conservé (pour combien de temps encore?) son habitat ancien. Les Augustins ont été transformés par le général de Boigne en maison de retraite « pour les personnes qui ayant appartenu à 104 Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD Editions Horvath, Roanne, 1982 98 sur 111 Histoire des communes savoyardes Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD Editions Horvath, Roanne, 1982 99 sur 111 Histoire des communes savoyardes une classe bien née et aisée de la société seront mises par le ma lheur et le besoin dans le cas d'avoir recours à cet asi le ». Le même généra l transforma auss i l'a ncien couvent des Ca rm es en hospice pour indigents (l a maiso n Sai nte-Hélène, maintenant détruite et remp lacée par la Maison des Jeunes et de la C ultu re) avec tout à côté, un orphe lin at de jeunes filles . «( La Providence ») . Les capucins étab li s au XIXe siècl e dan s l'a ncien clos des Ann onciad es, ont dû laisse r la place en 1905 à l'éco le supérieure de jeunes filles (l'actu el co ll ège Jules-Ferry); les Ca rmélites n'o nt laissé d'a utres souvenirs de leur implantation ici que les restes des cariatides de leur portail dans une montée d'escalier de la Place d'Italie; cette dernière et la ru e de la Banque furent en effe t aménagées en 1865 sur l' empl ace men t du couvent pour termin er efficace ment la « rocade ouest et sud » de C hamb éry, dont on avait co mm encé le tracé au début du XV III e siècle. Seu les les religieuses de Saint-Joseph so nt restées dans leur domaine près de la Place d' Italie où ell es ava ient in sta ll é autrefois une éco le de fill es et une « salle d'asile » deve nu e bientôt école maternell e. Lémenc n'a rien gardé de la station ga ll o-roma in e. Abritée d errière les grands murs de ses couvents du X IX e siècle, ell e n'a été accessib le qu e par la transformation en parc public de l'ancien domaine des Savoiro ux passé un temps aux religieuses sacramentines. L'égli se act uelle fut reconstruite après un incend ie en 1445. Elle avait d' abord apparte nu aux bénédictins puis aux cisterciens-feuillants et ne devint paroissiale qu 'après la Révoluti on. Ell e a perdu en 1794 so n cloche r et ses verrières du XVIe siècle, avant de voir disparaître au XXe, ses Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey statues et ses trompe-l 'œ il. Elle s' enorgueillit cependant d'abriter les restes de Saint-Concord, archevêque irl andais d' Armagh mort ici de retour de Rome en 1176 et surtout le mauso lée du général de Boigne, œuvre du sculpteur Vallet en 183 1. Le principal intérêt de Lémenc demeure sa crypte avec sa rotonde préromaine et so n énigmatique monument de six colonnes aux fûts galbés et aux chapiteau x frustes à feuilles d'acanthe reposant sur les angles d'une marge lle hexago nale. Les archéologues et historiens se sont di visés su r la date de l'ensemble, les uns le situent au VIl e siècle (R. Ourse l), mais les au tres n'hésitent pas à le dater du IX e <Pérouse) ou du XI e (J . Huber). A quoi serva it-il? édifice funéraire ? chapelle funéraire du cimeti ère burgo nde voisi n ? martyrium réceptacle de reliques comme dan s les rotondes bourguignonnes ? ou plutôt Le «baprisrère » de Lémence (gravu re de P. De/ni /94/) (Cli ché Musée Savois ien) 106 Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD Editions Horvath, Roanne, 1982 100 sur 111 Histoire des communes savoyardes Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD Editions Horvath, Roanne, 1982 101 sur 111 Histoire des communes savoyardes Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey La chapelle du ca/va ire de Lémenc vers / 830 (gravu.re de Cou.r/ois) cuve bapti smale utili sée à partir du moment où la célébration du baptème ne fut plus réservée aux se uls évêqu es? L'abside de la crypte date du XVe siècle et abrite ma intenant un e vigo ureu se et théâtra le mi se au tombeau provenant de l'ancien'ne égli se des Antonins , mutil ée hélas ! so us la Révolution , Tout à cô té de l'égli se, se trou ve l'ancien co uvent qui , après avo ir été cédé en 1802 aux religieu ses de la Visitati on, app arti ent depuis un e vingtaine d'a nnées aux religieu ses de Saint-Joseph. La tour carrée est supposée avo ir abrité le duc Philippe Il mourant en 1497 , Quant au cimeti ère où l'o n pense que Mme de Warens a été inhumée, il a perdu depuis longtemps so n ossuaire médi éval et les tombes monumentales des grandes familles chambériennes, que rappelle seule la chapelle funéraire des Bracorand de Savoiroux. Le Reclus n'a rien gardé bien sûr de sa reclu ?érie du XIII e siècle, milis ' rien non plus de ses anciennes auberges aux noms évocateurs de « l'oie dorée » ou des « Rissoles » ; il n'a pas eu de chance, n'ayant pas su s'adapter à la circulation « moderne » aux XVII e - XVIII e siècles, ni pu retenir les multiples congrégations et fondations qui s'installèrent ici provisoirement, et qui faute de place allèrent ailleurs. Le XIXe siècle avec la tranchée du chemin de fer n'arrangea rien et le bombardement de 1944 couronna cette suite de désagréments. Il ne reste de cette longue et triste histoire que des carrières dominées par une petite chapelle néoclassique érigée ici en 1820 par Mgr Martinet en remplacement de la vieille chapelle du Golgotha. Un peu en contrebas, le hasard a amené, dans un petit clos, la Croix des pénitents no irs, autrefois au Verney et or- 108 Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD Editions Horvath, Roanne, 1982 102 sur 111 Histoire des communes savoyardes née d'une « déposition », œuvre du sculpteur dauphinois Rostaing en 1865. Le Verney. Sur un terrain jadis ravagé par les divagation s de la Leysse, et qu ' Amédée VI donna à la vill e à la fin du XIVe siècle, on amén agea un espace libre ou ve rt à tou s. Les princes y donnère nt des tournois, les tireurs s'y exercèrent d'abord dans le cadre des « co mpagnies de l'a rc, de l'arbalète et de l'arquebuse » pui s dans celui des « nobles tireurs de l'arqueb use» et enfin dans ce lui des « nobles chevaliers tireurs» . Aux XVIIIe et XIXe siècl es, ces derniers abattaien t ici le « papegai », éli saient leurs rois et reines et tenaient leurs bals. On y tira auss i des feux d'a rtifice à partir du XVII e siècl e, pendant la Révolution on y fit des autodafés de « vestiges du despotisme » et on y célébra en gra nde pompe les so ld ats morts pour la patrie et les victoires de la République, on y dansa et on y but « e n bon s citoyens». Les dimanches et jours de fêtes on s'y promenait e n fami lle, on y jouait a ux quilles sa ns vo ul o ir se rappeler les so mbres « chap pis», où l'on ava it déporté les pestiférés aux XVI e et XVIIe siècles, ni les exécutions capitales que l'o n pratiqua longtemps ici . C'est d'ailleurs pour les condamnés à mort que les pénitents noirs avaient construit leu r chapelle et édifi é leur grande cro ix près de la potence tout a u fond du « grand jardin ». On y vit très tôt des pro stituées, surtout a près la disparition du quartier des fill es (près du château) et la duchesse Yolande 'd ut les menacer, au XVe siècle, du pi lori (sa ns gra nd succès d'a ill eurs). On y rencontra aussi des so ld a ts surtout a près la création du cha mp de Mars en 1793 près de la Leysse. Même après l'éloignement de ce dernier à la Favo rite après 1860, Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey les orchestres militaires ve naie nt y donner des concerts . Le ja rdin fut réduit au XIXe siècle par la co nstru ction du no viciat des frères des éco les chrétiennes (l'actuelle éco le Waldeck Rousseau), pa r celle de la Gre nette pui s par celle du pala is de justice. En 1861, l'actuelle avenue du Com te Vert prolongeant le boulevard, co upa pour un bon siècle, le Verney de l'ancien champ de Mars, mais on continua longtemps à insta ll er sur ce derni e r les cirques et les vogues, on y tint des meetings, on y mit la foire ... enfin on y édifia la poste. Le Verney, qui ava it été un des poumons d'air et de vitalité pour C hambéry, a pris le style calme des squares. Les Es pagnols y avaient planté a u XVII Ie siècle des tilleuls que les A utri chiens faillirent irrémédiablem ent saccager en 18 14-1 8 15. En 186 1 la municipalité supprima les parterres « à la française» et transforma le tout en jardin a nglais dans le goût des parcs parisiens. En 1860, les chevaliers tireurs s'exilèrent à la Folatière (d'où ils pa rtirent un siècle après à ... Saint-Baldoph), la ville racheta leur pavill on et leur clos pour faire du premier un café (l'actuel centre d'enfants inadaptés) et du second des ja rdins (en attendant le lycée de fill es). De l'autre côté, près de la Leysse, l'ancien jeu de paume construit ici par le prin ce Thomas de Savoie a u début du XVII e siècle avait abrité les premières séa nces théâtrales connues à C hambéry, mais a u XIXe siècle il n'y ava it plu s ici qu ' une guingu ette et par derri ère l'imprimerie du vé nérable « Co urri er des Alpes » ; a u lendemain de la deuxième guerre, to ut d isparut irrémédiablement au profit de l'automobile. Le Sénat, dépossédé du couvent Saint-Dominique e n 1830, chercha it 109 Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD Editions Horvath, Roanne, 1982 103 sur 111 Histoire des communes savoyardes un loca l digne d e lui. Dès 18 10, on avait pensé à un nouveau Palais de Justice. mais en fait il ne fut décidé qu'en 1848 et construit de 1850 à 1859 (ce qui l'empêcha d'être officiell ement inauguré). C'est un bel exemple de l'a rchitecture officiell e sarde de l'époq ue, avec une ordonnance fortement inspirée du sty le de Palladio ; on s'esl voulu austère et monumental, cadre digne de la justice que l'on voulait donner. Le principal événement qui s'attache au bâtiment, est la proclamation des résul tats du plébiscite le 29 avril 1860, mais son intérêt est bien sûr le souvenir de l'ancien Sénat perpétué par la cour d'appel, qui en conserve les reliques . Depuis 1863, l'Etat et le département s'en partagent non sans difficu lté la propriété et pendant longtemps, surtout depuis 1920, de nomIJfeuses adm inistrations y ont logé jusqu'à nos jours où les magistrats cherchent de plus en plus à en rester les seuls usufruitiers. Jaune au départ, le Palais s'est retrouvé « rouge sarde» en 1976. En 1858, le marquis Pantaléon Costa avait fait décider par l'Académie de Savoie le principe d'un monument au président Favre. La réali sation , payée par souscription publique, fut con fiée au sculpteur Gumery né à Celliers en 1830, grand pri x de Rome en 1850, qui s'était déjà fait connaître en travaillant avec Garnier. On éleva la statue en 1865 devant le nouveau Palais de Justice : le président entouré de la science et de la jurisprudence fut sauvé de la destruction pendant la guerre. On a peine à retrouver l'ancien champ de foire dans la place du Palais bordée par l'élégant hôtel des douanes (J 'a ncien hôtel de C lermontMont-Saint-Jean où Joseph de Maistre vint so uvent) et où le Palais de Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey Justice rivalise de majesté et de prétention avec le musée-bibliothèque (quel programm e!) édifié en 1887 sur l'ancien ne grenette. Maché avait connu son heure de gloire au Moyen-Age, mais les hôte lleries du Griffon et de Sainte-Barbe disparurent dès le XVIe siècle avec le contournement de la circu lation sur l'actuelle avenue de Lyon ; ce déclin provoqua ce lui de l'hôpital du basMaché fondé pour les « pèlerins et pauvres voyageurs» et son transfert en hôpital de la charité près de la . Leysse au XVIII· siècle. Dès lors Maché ne fut plus qu ' un quartier populaire de petits artisans et d'ouvriers, qui compensaient leurs misères et leur saleté par un esprit gouailleur et bon enfant. Le particula ri sme y était soigneusement entretenu par la procession annuelle du prieuré de Saint-Valentin à Bissy, puis dans des fêtes, vogues et kermesses qui durèrent, en dépit des méfiances officielles, jusqu'en 1930. On buvait sec ici, même si l'on disait que l'eau de la fontaine des Deux-Bourneaux (de la rue des Bernardines) rendait le « teint frais et beau ». Il se peut que Jean-J acques et Madam e de Warens se soient arrêtés dan s quelques cabarets et porte-pots alors si nombreu x dans le faubourg , lorsqu ' il s se rendaient à leur petit jardi n en haut de la colline où le jeune philosophe espérait bien retrouver la santé et le moral. Tout n'es t pas qu e bons so uvenirs à Maché, la mi sère du faubourg en fa isait le lieu de prédilection des épi démies et la mortalité y fut toujou rs très forte. La place Maché date de la Révo lution, l'actuelle rue SainteBarbe a été percée en 1849 et la place aménagée en 1890 lors de l'install ation ici d ' un~ nouvelle gren ette avec le fronton de l'anci enne ; on en pro- 110 Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD Editions Horvath, Roanne, 1982 104 sur 111 Histoire des communes savoyardes Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD Editions Horvath, Roanne, 1982 105 sur 111 Histoire des communes savoyardes Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey Le Caver cl la veilLe de sa dél17olirion dans les années 1960 fita auss i pour recouvrir l' Albanne qui co ul ait pa r derrière et faire di sparaître les a ba tto irs, les ta nneries et les moulins de la Pichardiery, qu i la bordaient (par l'actuell e éco le Pa ulBert). En 196 1, on commençait la démolition du long faubourg; elle dura quinze ans et fut assez radica le pour qu'il n'en reste rien, sinon l'église. On en profita auss i pour abattre l'ancien château de Lescheraine, qui avait abrité le pensionnat des dames du Sacré-Cœur pui s l' hospice après 1905, à la place duquel o n édifi a le nouveau centre hospita li er. Sur le ha ut de la colline de Montjay trône, depuis le XVIe siècle, un e maison forte, qui appartint success ivement a ux Rochefort, au x Vilcardel de Fle ury, puis a ux Saillet et a ux d 'Oncieu . So n domaine fut néa nmoins progressivement réduit par l'installation de grandes propriétés bourgeoises dès la fin du XIXe siècle, l'air des collines étant alors pré- féré à celui « pestilentiel » de la vi lle. C'est aussi pour cela que l'on y déménagea en 1890 l'hôtel-Dieu, doublé dans l'entre-deux-guerres du pavi llon Sainte-Hélène. L' hô pital est passé un peu en contrebas, mai s le quartier reste voué, avec un e cliniqu e et l'école d'infirmières, à une destination ho spitalière et sa nitaire, ce qui co mpense peut-être le mau va is so uvenir des épidémi es de Maché et des fourches patibul aires, qui s'élevèrent ici près de la croix dite des Brigands à la mauvaise réputa tion (injustifiée). Au-delà des faubourgs Dans la marée des cités, des loti ssements et des pavillons, peu d e so uve nirs historiques ont survécu, et cependant il se rait injuste d e ne pas les rappeler avec leurs ultimes vestiges. La Cro ix-Rouge, qui tire son nom d' un monument a ncien ma rquant la limite des franchise s de C ha mbéry, 11 2 Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD Editions Horvath, Roanne, 1982 106 sur 111 Histoire des communes savoyardes Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey --------- ) , Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD Editions Horvath, Roanne, 1982 107 sur 111 Histoire des communes savoyardes Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD Editions Horvath, Roanne, 1982 108 sur 111 Histoire des communes savoyardes J ~ Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey ' ~t-f ~t":~~~~ s::- Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD Editions Horvath, Roanne, 1982 109 sur 111 Histoire des communes savoyardes Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey l Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD Editions Horvath, Roanne, 1982 110 sur 111 Histoire des communes savoyardes n'est qu'un ensemble de hamea ux qui dépendaient autrefois de Lémenc. Peu accessibles pendant longtemps, ils n'ont guère comme souvenirs que de vieilles et vénérables fermes cachant parfois quelques domaines des XVIIe-XVIIIe siècles. Ce n'est qu'en 1776 que la nouvelle route permit d'éviter de fâcheux détours et débloqua enfin les vi ll ages; son auteur le Piémontais Bassa en profita pour se faire construire le charmant château de Côte-Rousse au pied de la falaise. En redescendant dans la va ll ée, nous trouvons le hameau de Pugnet qui a pris le nom de Piochet en souvenir de la famille Piochet de Salins. (Ce ll e-ci avait transmis à son manoir de Cognin le rappel de son premier fief en Tarentaise et à son manoir de . Pugnet, le nom de son domaine de Saint-Jean-d'ArveyJ S'il reste peu de choses de cette maison-forte, le quartier s'enorgueillit du château de Cara magne, qui fut ains i baptisé au XVIe siècle par son fondateur, le Piémontais Bacchi, en souven ir de son lieu d'origine; il appartint ensuite aux Bertrand de la Pérouse, puis après la Révolution, au commissaire Guillet. C'est néanmoins la locataire de celui-ci, la marquise de la Pierre qui fit la renommée du château en y recevant Lamartine (cf. « Chambéry dans la littérature »). La Cassi ne s' appelait autrefois les « Vernettes sous Lémenc » et ne prit son nom act uel que par l'intermédiaire d'une propriété loca le (Rabelais cite un « Pantolfe de la Cassi ne » guéri à Chambéry: hasard ou réminiscence ?). En tous les cas, les Antonins de Chambéry avaient à Beauvoir une commanderie et une tour dont les maigres souvenirs sont intégrés dans l'actuelle propriété Angleys. A La Boisse, dans la Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey « plaine», plus rien ne rappelle le sentier des primevères conduisant à la porte de la source ferrugineuse, qui causa tant d'espoirs et tant de polém iqu es. Découverte au milieu du XVIIIe siècle, cette eau posa tout de suite le problème de sa vertu curative ; le protomédecin Fleury la recom manda « contre les humeurs qui se portent sur la peau et les maladies des voies urinaires » et l'abbé Panisset lui consacra un poème « Boessia Salutifera» à la grande fureur du docteur Daquin, qui niait tout intérêt à cette « prétendue eau thermale ». L'affluence était néanmoins si grande que l'intendant décida d' une route carrossable pour en faciliter l'accès. Les polémiques durèrent encore tout le XIX e siècle, on se passionna pour l'analyse des eaux et sur l'impulsion du docteur Carret, la vi ll e en décida l'exploitation commerciale en 1882. Hélas! les concessionnaires ne purent faire grandchose et la ville encore moins. Décidément, Chambéry n'arrivait pas à retenir les étrangers qui la traversaient... Les vest iges historiques sont encore moins nombreux à l'ouest et au sud de la ville: la co llin e de Bellevue menait aux maisons fortes de Montgellaz et du Chanay à la limite de Jacob; ce n'est qu'au XIXe siècle que le baron Blanc, érudit et archéologue, y fit construire un grand château disparu de nos jours. Le château du Biollay a perdu sa grille et son parc, il appartint aux de Baigne vers 1870, mais son fondateur était-il un ancien cordonnier comme certains l'ont cru du fait des écussons « en semelle » tenus par les lions du portail? Il était sur la route, qui menait au vieux pont de Cognin, près duquel Anne de Chypre avait construit une riche chapelle au XVe siècle où s'établirent les Capucins 150 ans plus tard. 113 Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD Editions Horvath, Roanne, 1982 111 sur 111