CHAMBERY dans l`Histoire des communes savoyardes

Transcription

CHAMBERY dans l`Histoire des communes savoyardes
Histoire des communes savoyardes
Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey
CHAMBÉRY
Appellations anciennes: Camefriacum, Cambariacum , Chambéricum,
Chamberium . Depuis des siècles, l'on
s'interroge sur le sens et l'origin e de
cette dénomination . Fodéré y voit le
souvenir du fondateur de la ville, Berius, paladin du roi Arthur. Rochet
préfère la référence à Caturige, 13e roi
des Allobroges. Ne serait-ce pas un dérivatif du latin Cammaro, Gamberi signifiant écrevisse? mais dans ce cas,
faut-il le relier aux marais de la région qui auraient été riches en crustacés ou faut -il se contenter du souvenir
d'un propriétaire gallo-romain affublé
de ce surnom comm e on en a retrouvé
un homonyme dans le Midi ? Certains
enfin veulent tout simplement relier
Chambéry à « Camera », la Chambre
de Justice et de Commerce ...
Habitants .' les Chambériens.
Population : 1335 : 435 feux (soit
2 000 à 2 500 hab,) - 1338 : 452 feux 1431 : 570feux (estimation de Gillio) 1551 : 831 feux - 1605 : 520 feux 1622 : 563 feux - 1730: 2 196 feux 1776 : 9 755 hab. - 1787: II 621 hab.
dont 10 656 pour la seule ville: 5 754
intra-muros et 4 894 dan s les faubourgs - 1802: 11 911 hab. - 1820:
13 225 hab. - 1848: 161 09 hab. 1861: 19953 hab. (dont 15055 permanents) - 1881 : 19622 hab. - 1911 :
22958 hab. (dont 18535 permanents)
- 192 1 : 20617 hab. - 1936 : 28075
hab. - 1954 : 32 139 hab. - 1968:
51056 hab. (avec Bissy et Chambéryle- Vieux dorénavant) - 1976: 56788
hab.
Altitude : 270 m. étagement de 260
à 400 m.
Superficie : 2 099 ha (la commune a
doublé sa superficie par l'ann exion de
Bissy et de Chambéry -Ie- Vieux en
1961).
Armoiries: de gueule à la croix
pleine d'argent à l'étoile d 'or au côté
dextre, blason de la Maison de Sa voie
donn é par privilège à la ville capitale,
augmenté de l'étoile d'or distinctive (et
diminutive ?), des lévriers (symbole de
fidélit é) et de la devise « CuSTODIBUS ISTlS » (( à ces gardiens » ou
« de la part de ces gardiens? »).
Au XVIIIe siècle, Chambéry en
tant que capitale du duché est la résidence du gouverneur et de l'intendant général de Savoie et de SavoiePropre. Depuis 1559, elle est le siège
du Sénat doublé pour les juridictions
inféri eures d' un juge mage provinCial
et d' un juge de mandement. VictorAm édée Il lui a enlevé la Chamb re
des Comptes, mais lui a attribué un
Conse il de Ré forme (pour l' instruction publ ique): Chambéry est, bien
sür, auss i le siège du Protomédicat
(pour l'hygiène et la san té publique)
et d'ull ills inuateurdu tabe lli o n (e nreg istrement) pour toute la rég io n.
Pendant la Révolution , Chambéry
perd, au profit d'Annecy, so n évêque
pourtant obtenu tardivement en
1779 . Elle n'est plus qu e le chef-lieu
du département du Mont-Bl anc, doté
en 1797-99 d' une éco le centrale.
Sous le Co nsulat et l'Empire, la
ville reste chef-lieu de d épa rtem ent
avec un e école seco ndai re co mmuna le, une age nce forestière et deux
brigades de gend armerie (un e à pi ed
et l'au tre à cheval). En 1802, C hambéry est de nouveau évêché.
En 18 15, Cha mb éry retrou ve ses
institu ti ons d'A ncien Régim e: le
go uve rn eur, l' inten dant généra l, le
sous-intendant général, le Sénat, le
Magistrat de Sa nté, le Co nsul at (Tribu nal de Commerce) et la Réfo rm e.
19
Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de
Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD
Editions Horvath, Roanne, 1982
1 sur 111
Histoire des communes savoyardes
Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey
Les armoiries de Chambéry
En 1842, Charles-A lbert la dote d ' un
congrès provinc ial (de notable s) pour
la Savoie- Propre, qui est absorbé en
1848 dans un conseil division naire.
A cette date fondam enta le, le gouverneur général est remplac é par un
comma ndant général de la division
militair e de savoie et l'intend ant général par un intenda nt divi sionnaire ; le Sénat est liquidé pour laisser la place à une cour d'appel et la
judicat ure-ma ge dispara ît, remplac ée
par un tribuna l de premièr e instance .
En 1859, Chamb éry retrouv e un gouverneu r division naire assisté d'un
vice-go uverneu r et d'un conseil général provinc ial. Entre 1817 et 1823,
l'évêqu e a dû renonce r à Genève ,
Annecy , Moutie rs et Saint-J ean, mais
il est promu archevè que métropo litain .
En 1860, Chamb éry devient cheflieu du départe ment de la Savoie,
subdivi sion de la 22 e division mili-
taire, siège de la 26 e légion de gendarmer ie, d'une académ ie et d'une
cour d'appel , directio n régiona le des
tabacs, chef-lie u d'arron dissem ent
forestie r avec une école prépara toire
à l'e nseigne ment s upérieu r.
Hamea ux et lieux-dits : Angleterre,
Les Barandiers, Beauvoir, Bellevue, la
Bionnaz, Biollay, le Petit-Biollay, La
Boisse, Vieux-Capucins, Caramagne,
la Cardini ère, la Cassine, Chambéry,
le Chaney, les Charmettes, la Chaumière, les ChallX, Comba-Rochet, les
Combes, Côte- Rousse , Croix-Rouge
dessous et dessus, la favorite, Grabera, Hauturin, Joppet , Lémenc, la Martinière, Mérande, le Mollard, les
Monts, Montjay, la Moutarde, Montraeul, Nezin, le Noyer, le Pioch et, la
Planté. le Plat. Pugnet. le Ravet. La
Reveria z. les Rochets, Saint-Georges.
Saint-Martin. Saint-Saturnin, La
Trouvière. La Truanderie, la Violette .
20
Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de
Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD
Editions Horvath, Roanne, 1982
2 sur 111
Histoire des communesN savoyardes
Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey
i
o
100
200
!
250 m
CHAMBER Y AU DEB UT DU XI Ve SIEC LE
1.
2.
3.
4.
S.
6.
Porte Maché .
Porte Aec lu s.
Fors Porte.
Poterne de la Cité.
Poterne des Granges.
Poterne des Frères Mineurs.
7. Poterne
des
rattes.
l>Jonnes
ou
des
Mina -
8. Poterne des Peyroliers .
9. Poterne des Filles.
lO.Juiver ie (actuelle rue Trésorerie ),
11 . Eglise Saint- Léger (1250).
12 . Hôpital des Bonivard.
13. Hôpital Sainte-Cr oix des Chabod.
14.Rue de Villeneuv e (actuelle rue Bonivard).
~
~
Salnto-Cl aire
Horslav lUe
15, Rue du Bourg Neuf (actuelle rue
Juiverie) .
16. Rue sous le Château ou de Bellecombette (actuelle rue basse du Château).
17 . Rue du four ou de Sainte Appolonn ie,
18. Rue du Meysel (actuelle rue du Sénat).
19 . Rue de la Cité ou des Boursiers ( actuelle rue de Lans).
20, Grande Rue,
2 1 , Rue Grenateri e.
22. Aue Forti s Portam.
Saint-Jea n du temple et les Antonins
datent du dobut du XIIe siècle, les Cordeliers de
et les Clarisses de 1230, SaintLéger est construit en 1250 et SaintPierre-sou s-C h âteau en 1318 .
CHAMBERY AU XV e SIECLE
Vernoy
'00
200m
Chapelle
Saint-Sébas tien
, . HOtel·Die u , vers 1350.
2. Eglise des Antonins . 1355-137 2 .
3 . Hôpital des Pèlerins ; vers 1400 .
4 . Nouvelles Boucherie s, vors 1401 .
5 . Les Domin icains. 1418 .
6 , Eglise de Lémenc . 1445 .
7 . Eglise
Francisca
ins. 1439- 1488.
Sous la direction
dedes
Philippe
PAILLARD,
avec
8 . Sainte-Ma rle l'Egyptien ne. 1453.
Michèle BROCARD,
Lucien
LAGIER-BRUNO,
9. Sainte-Cla
ire en Ville,
1771 .
10, Hôpital
du Parad
is, vers 1470,
Editions Horvath,
Roanne,
1982
11 ,Atelier de monnaie ,
la collaboration de
André PALLUEL-GUILLARD
Sainte Marle
3 sur 111
Histoire des communes savoyardes
Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey
o
CHAMBERY AUX XVlle - XVIIIe SlECLES
1. Maison de ville. 1605. (Place de Lans,
1615 ).
2. La Grenette. 1575.
3. Le Sénat ; cour de justice créée en
1535, confirmée et installée ici en
1559.
4.
5.
Le jeu de Paume . 1629.
L 'hôpita l de Paradis . 1649 .
6. La Charité. 1656.
7. Les Incurable s, hôpital fondé en
1630, installé au Reclus en 1742,
dans le c lo s de!: Annoncia des, transféré à Sainte-Ma rie en '777.
8.
L 'Hôtel Dieu, fondé en 1647. installé ici en 1679, inauguré en 1713.
9. Les J ésuites, arrivés à Chambéry en
1564, installés ici en 1577 .
, O. Les Augustins . 1619.
11 . Les Carmélite s, fondées en 1634.
Couvent de 1641.
, 2 . Les Annoncia des, arrivées au Reclus en
1641, puis au faubourg Mont-Mél ian
Quelques années plus tard .
13.Les Carmes, fo nd és en 1636 . Couvent
de 1639.
14 . Les Ursulines. 1625.
15. La Visitation , au Reclus en 1624,
couvent co nstruit de 1640 à 1760.
16 . Les Bernardin es, à Chambéry en 1644 ,
couvent à Maché en 1652.
17 .Saint-Pie rre de Maché. 1721.
1B . Clos Regard de Vars.
19 . Clos de Lescherai ne.
20.Clos Clermont de Mont-Sai nt-Jean .
21 . Clos Bracorand de Savoiroux .
A. Les pénitents '"'blancs, fondés en 1594
à Saint-Jean du Temple, près de la
porte du Reclus, installés près des
Cordelier s en 1765.
B . Les pénitents noirs, eu x aussi fondés
en 1594 .
C . En 1637, les Cistercien s feuillants
remplacen t les Bénédicti ns, à Lémenc.
22
Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de
Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD
Editions Horvath, Roanne, 1982
4 sur 111
Histoire des communes savoyardes
...~~", .:.;,. ·','hIt.·,; "
l'''Jt< .:.., .....I_~ ..
Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey
~i .......
.~
'..I." ~-
Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de
Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD
Editions Horvath, Roanne, 1982
5 sur 111
Histoire des communes savoyardes
Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey
17 .Palais de justice. 1855-1859 .
,. Halles. 1863 .
1 8 . Maison Saint-Benoit . 1820 .
2. HOtelde Ville . 1867 .
19
.Ma ison Sainte-Hélène pour les indi 3. Théâtre . 1823 et 1864.
gents. 1830.
4 . Grene"e. 1843 . Convertie en biblio·
20 . 0rphelines de la Providence, restauthèque-musée en 1887 -1889 .
rées en 1823, installé es aux Carmes
5 . 20 grenette. 1887 .
en 1853.
5. Collège des Jésuites, 1827 , devenu
21. Sacré ·Cœu r . 1820 .
lycée et refait en 1890 .
22. Calvaire. 1820.
7. Lycée de filles. 1891 .
23 . Les Capucins instal1és dans le clos des
B. Ecole normale. 1886.
Annonciades en 1818.
9. Gare. 1856.
24.Saint-Pl er re de Maché. 1832 .
10. Cimetière de Paradis.
25 . Le Carmel. 1824.
11. Caserne d 'I nfanterie. 1803-1815 .
26.La Visitation è Lémenc en 1799 .
12.Caserne de cavalerie. 1817-1830 .
27. Noviciat des frères des Ecoles Chré13. 10 gendarmerie. 1793 (chez les Ursu ·
tiennes. 1844· 51. Converti en école
lines).
primaire en 1878.
14. 20 gendarmerie . 1878 .
29. Le 80n Pasteur. 1839 .
15. Manège. 1846 .
Sous
la
direction
de
Philippe
PAILLARD,
avec
la collaboration
de. 181 2.
30
.
Rel
igieuses
de Saint-Joseph
16. HOpital milita ire dans Sa inte·Claire
1830.
Michèle
BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD
Editions Horvath, Roanne, 1982
31 . L es - Marc el lines
de Saint-Ambroise.
1876 .
32 . Ecole primaire publique de la place
Porte- Reine . 1866 .
34.Collège St· François fondé en 1878,
i nstallé dans le Clos Longe en 1882.
35.Le nouvel hôp ital de Montjay. 18981910.
1.
L a rue
1863 .
Favre
(du
prince
impérial).
Il . Le Champ de Mars. 1793 .
III. La ruedeBoigne . 1830 .
IV. Rue et place Port e- Re ine. 1900.
V . Route et avenue de Lyon . 1822.
VI. Rue de la banque. 1861 .
VII. Rue Sommeiller . 1847 .
VIII. Avenue P . L anfrey. 1882 .
IX. Avenue du Comte Vert . 1861 .
6 sur 111
Histoire des communes savoyardes
Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey
Genève
Annecy
Aix
Montmélian
~,"".::::;;;:::~~;:;;-V Mont-Ce ni s
o
2km
L'agglomération chambérienne à la fin du XXe siècle
•
Chambéry à la fin du XIXe siècle
Il/lA
Les nouveaux quartiers de 1890 à 1940
Quartiers industriels et commerçants contemporains
o
D
Villages anciens
Les nouveaux quartiers depuis 1950
Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec
la collaboration
de
~
Zones vertes
l.±..!:-±.J
Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO,
André PALLUEL-GUILLARD
Editions Horvath, Roanne, 1982
7 sur 111
Histoire des communes savoyardes
Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey
CHRONOLOGIE DE L'HISTOIRE CHAMBÉRIENNE
Il e s. ap. J.c. : Lemencum apparaît vraiment comme « statio » sur la
grande route impériale reliant Vienne à Milan. Modeste bourg sur un
carrefour routier, Lémenc n'a pas de
rempart, pas de therme et pas de monument sinon un temple à Mercure,
dieu des voyageurs et des montagnes
dont il reste le caducée et la main
d ' une statue colossale. L'ensemble
paraît avoir été détruit au Ille siècle.
l029. Fondation à Lémenc par le
roi de Bourgogne Rodolphe III et sa
femme Ermengarde d' un prieuré bénédictin sou s la dépendance de l'abbaye lyonnaise d' Ainay. En fait , il
s'agirait plutôt d 'une restauration,
d 'a utres documents parlant de deux
moines d' Ainay, Geoffroy et Anselme, fondant ici un prieuré au Vie
Th omas
I CI'
siècle. De toutes les façons , le baptistère confirme une implantation religieuse au moins dès le Ville siècle.
1232. Le comte Thomas achète à
Berlion de Chambéry ses droits sur
la ville pour 32000 « sols forts de
Suse» et accorde aussitôt des franchises aux habitants.
1295. Amédée V le Grand achète à
François de la Rochette le château
de C ha mbéry, dont il va faire sa résidence principale en Savoie.
1330. Un acte du 13 janvier crée
deux syndics et deux économes pour
gérer les affaires de la cité.
1376. Chambéry se dote d'une enceinte continue avec 14 tours contre
les risques des grandes compagnies.
Elle ne sera terminée qu'en 1444 et
ne semble pas n'avoir jamais servi .
remetlal1t les f ranchises à la commune de Chambéry - Mon.ument de
Thomas l eI' à l' abbaye d' Hau.tecombe ( 1830)
26
Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de
Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD
Editions Horvath, Roanne, 1982
8 sur 111
Histoire des communes savoyardes
1416. Améd ée VIII , qui a commencé depui s huit a ns la construction d 'u ne gra nde chapelle pour so n
château, reçoit magnifiquement à
Chambéry l'e mpereur Sigismond qui
lui confère le titre ducal.
1470. Les juifs sont expulsés de Savoie; cette mesure clôt un siècle de
lois et décisions antisémites. Chambéry perd les derniers éléments d'une
communauté qui fut aussi nombreuse qu 'acti ve pendant plus d e
deux siècles.
1483. Antoine Neyret install e à
Maché la première imprimerie de Savo ie, 13 ans après celle de son compatriote Fichet à Paris.
1496. Philippe II , beau-frère du roi
Loui s XI, réorgani se l'administration
municipa le, s upprimant de fait l'assemblée générale des bourgeoi s et
confiant le pouvoir à deux syndics
aidés de deux conseils de 12 et
36 membres se recrutant par cooptation et élisant eux-mêmes les sy ndics .
L'année suivante, le duc revient de
Turin mourir à C hambéry d a ns la
tour de Lémenc, dernier souverain à
s'être considéré comme C hambérien.
1502. Le Saint-Suaire est d éfinitivement insta llé à C hambéry. Il ma nque dispa raître dans l' incendie de la
Sainte-Chapelle en 1532.
1527. Le nombre des syndics passe
de deux à quatre (deux nobles et
deu x bourgeoi s).
1536. Les Français entre nt à
C ha mbéry 04 il s installent un Parlement. Ils vo nt y rester 23 a ns.
1559. C ha mbéry est évacuée pa r
les Français, ma is si en 1560 Emmanu e l-Philibert y crée un Sénat rempl aça nt le Pa rlement de François 1er ,
il s'étab lit d ès 156 1 à Turin d o nt il
fait sa ca pital e définitive et où il
tra nsfère le Saint-Suaire en 1578.
« Les épidémies de peste so nt tellement rapprochées que l'idée de peste
Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey
devient une co nstante de la mentalité » (Gres lou). Le commerce décline
des deux tie rs en un e génération. Les
Jésuites s' insta ll ent à C hambéry en
1564. On vient de terminer enfin la
première gra nd e digue le long de la
Leysse, en a mont de la ri vière pour
éviter un e inondation a uss i catastrophique que celle de 1551.
1600. Henri IV et Sully arri vent e n
août à C ha mbéry ava nt de mettre le
siège à Montmélian. « Mme de Sully
eut l'id ée de faire chez so n hôtesse
un e asse mbl ée d es principales dames
d e la vill e où le bal fut tenu avec la
même liberté et gaieté que s'i l y eut
un an que le roi en fut maître .. . » Antoine Favre, sénateur depuis 1588,
devient président du Sénat en 1610
jusqu 'à sa mort en 1624; il a fo nd é
en 1594 la confrérie d es Pénitents
Noirs .
1625-50. C hambéry s'e ntoure d'une
ceinture de clos monastiqu es. En ma i
1630, Loui s XIII entre à C ha mbéry
ravagée depui s deu x ans par la peste.
C hri stine de France, régente de 1637
à 1663, donne une nouvelle façade à
la Sainte-Chapelle pen dant que les
Jésuites achèvent cell e d e leur chapelle (Notre-Dame) en 1644. En
1633, Victor-Amédée 1er acco rde
quatre foires franches à C ha mb éry.
1690. Les Français d e Saint-Ruth entrent à C ha mbéry, qui se ra occupée
jusqu'en 1696. Ils y rev iennent de
1703 à 1713. En 1679, Mgr Le Gamus a fait échouer le projet des Jésuites de créer une université à
C hambéry.
1720. Victor-Amédée II supprime
la Chambre des Comptes. En 1725, il
enl ève presque tous leurs pouvoirs
a u x syndics et aux consei llers de
ville so umi s à un vicaire de police.
En 1730, le ro i se retire à Chambéry
a près so n abdi cation, mais l'a nn ée
suivante, il est ramené e n Piémont.
27
Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de
Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD
Editions Horvath, Roanne, 1982
9 sur 111
Histoire des communes savoyardes
Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey
Chambér y all XVII" siècle
En 1737, C harles-Emmanuel III supprime le vicaire de police. Rousseau
séjourne à Chambéry chez Madame
de Warens de 1732 à 1742. De 1742 à
1748, C ha mbéry est occupée par les
Espagnols. L'ai le royale du château
est ravagée par un incendie, mais
Don Philippe fait découvrir aux
Chambé riens les charmes du théâtre.
1779. C hambéry obtient enfin un
évêque qui s' in sta ll e chez les Franciscains. La ville se dote d ' une trentaine
de réverbères à huile. On termine le
premier théâtre que la Société du Casin a commencé en 1775 . L'abbé
Mellarede, recteur de l'université de
Turin , se prépare à léguer sa bibliothèque à la ville. La première société
savante loca le, la « Société d'agriculture », à peine créée depuis 1774
commence à décliner.
1792. Le 23 se ptembre, le général
Montesquiou entre à Chambéry, qui
va rester française jusqu'en décembre 1815. L'assemblée des Allobroges vote l' a nnexion à la France en
novembre. C hambéry devient cheffieu du département du Mont-Blanc.
Les biens et édifices religieux sont
confisqués et pillés. Les co uvents
sont sécularisés, les remparts du
xv- siècle abattus; la cathédrale
convertie un temps en «Temple de
la raison» ; les clochers « décapités ». Le château est incendié e n
1798.
1805 . Napoléon s'arrête à C ha mbéry ; il y vis ite l'éco le seco ndaire et
la caserne (Curial) commencée depuis peu pour conso ler l'arm ée
d'avoir été évincée du château accaparé par le préfet. L'architecte Trivelly élabore pe u après le premier
plan d 'urbanisme.
1824. Visite à Chambéry du roi
Charles-Félix arrivé au pouvoir en
1821 et qui préfère la Savoie calme et
conservatrice au Piémont trop agité .
Il inaugure le nouveau théâtre, accélère les travaux de la n01,lvelle caserne de cavalerie, honore la Société
Royale Académique tout juste créée
28
Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de
Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD
Editions Horvath, Roanne, 1982
10 sur 111
Histoire des communes savoyardes
Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey
LES PRINCES QUI ONT LE PLUS FAVORISE CHAMB ERY
Thomas le,'. comte de Maurienne et de Savoie (1 1891233). Il ac hète C ham'béry et co ncède à la vi lle ses
premières fran chi ses.
....
~
Amédée VI. leComte-VentI343- 1383l. Né à Chambéry, il donne à la cour un faste inégalé j usqu'a lo rs. Il
amène à C hambé ry l'eau de la fo nt ai ne Saint-Manin , il
commence la construct ion de nou vea ux remparts, il
fa it place r une horloge (la premi èrel sur le clocher de
Saint-Léger et cède à la ville la prome nade du Verney.
Amédée V II 1. comte pui s duc de Savoie ( 139 1- 145 1l .
Il reconstruit le c hâteau et éd ifie la chape lle. II insta lle
les Dominicains à Chambéry, dont il renforce le rôlede
cap itale. mais dont il expul se les juifs .
Charles- Fé li x, roi de Pié mont-Sardai gne ( 182 1- 1831 l.
<d l suffit que je m'arrête à Chambéry, là au milieu de
mes fid è les Savoya rds, je ne c rains plus rien .. »
Le ro i vient trois foi s e n di x ans à C hambéry qu ïl
préFère à Turin trop libéra le . Il réorganise le co nse il de
ville, autorise la création de l'A cadém ie de Savoie et la
res taurat ion des Cheva liers tireurs. Il a ide à la construction et à l'embellissement du prem ier théâtre en
pierres de la vi lle, il accélère la construction de la
caserne de cava lerie, soutient l 'œuvre du généra l de
Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration
dee t installe les Jésuites au coll ège.
Bligne
Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD
Editions Horvath, Roanne, 1982
11 sur 111
Histoire des communes savoyardes
Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey
L' el11rée des Frallçais à Chambéry en / 792 (gravure du X/Xc siècle)
et autorisée, nomme 32 conseillers à
vie pour le conseil de ville; il inaugure les travaux de la route du col du
Chat et des digues de l'Isère. La fabrique de gaze de soie de J.B. Franklin à la Calamine créée en 1820
commence à prospérer.
1838. Chambéry se remet des troubles anticléricaux et révolutionnaires
de 1832-1834. On vient de terminer
le nouveau bâtiment du collège des
Jésuites, et Vicario achève ses peintures dans les principales églises
chambériennes. On inaugure en
grande pompe la colonne des Eléphants élevée en hommage au richissime bienfaiteur de Boigne grâce
auquel a été percée la grande rue des
Portiques en 1827-31 , et l'on s'apprête à inaugurer la voie ferrée qui
mène au port du Bourget et par là
aux vapeurs faisant le service de
Lyon. Stendhal, qui vient de quitter
Chambéry, écrit: « Chambéry ne
paye presque pas d'impôts et le gouvernement y dépense beaucoup. Les
affaires de la ville sont cent fois
mieux menées que celles d'une commune française ... le soir, société et
femmes fort aimables ... » .
1848. Depuis octobre 1847, Chambéry vibre d'une fièvre révolutionnaire intense à la nouvelle de la promulgation du « Statuto » . Les Jésuites so nt expulsés mais en avril, la
ville est envahie par les Voraces,
ouvriers lyonnais, en partie d'origine
savoyarde, venus proclamer la République et, s'il le faut, l'a nnexion à la
France en accélérant la Révolution.
La bourgeoisie affolée se ressaisit au
bout de 24 neures et rétablit l'ordre
avec l'aide des habitants du faubourg Maché. Le gouvernement
transforme le Sénat installé depuis
peu à l'Hôtel d' Allinges en cour
d'appel, mais en compensation lui
concède enfin un Palais de Justice.
1860. Le Palais de Justice est juste
terminé; on pense déjà à la statue du
président Favre qui en ornera l'entrée. Chambéry vote dans l'enthou-
30
Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de
Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD
Editions Horvath, Roanne, 1982
12 sur 111
Histoire des communes savoyardes
sias me en fa veur de l'a nnexion et reço it dans l' all égresse le coupl e impéria l. Depuis qu atre a ns, la vill e a le
chemin de fer, et d epuis troi s ans elle
est ra ccord ée a u résea u fra nça is. Le
nouvea u régim e se lance tout de
suite dans de grands trava ux, pour
un nou vel Hôtel de Ville, pour un e
nouve ll e préfecture, pour un nouvea u th éâtre, pour de nouvell es
ha ll es, po ur de nouvell es ru es (Favre
et de la Ba nqu e) ; néa nm oins, la ville
vo it ses industri es décliner et son
rôle faiblir.
1890. La municipa lité « républica ine » prépare da ns la fi èvre les cérémoni es du ce nten aire de l'annex ion de 1792 et cherche un sculpteur pour un monument digne de
l'occas ion. Ell e vie nt, en attendant,
d'obteni r enfin l' in stall ati on ici d'un
bataill on de chasseurs alpins qu i sera
logé à Joppet et non au fa ub ourg
Montm él ian comme on le pensa it ; il
Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey
faut bi en qu e Chambéry ait quelq ues
ava ntages après le nouvea u refus d u
go uvernement d'y étab lir une manufacture de tabac. La ba taille scolaire
bat son pl ein, l' éco le publ ique Caffe
s'oppose à l'éco le des frères du Verney et la nouvell e éco le de fi ll es de la
ru e de la Banqu e à cell e des re li gieuses de Saint-J oseph de la p lace
d' Itali e.
La gra nde affa ire est le remodelage de tou t le quart ier entre la viei ll e
vi ll e et le Verne y. On vient d'édifier
somptueuse ment un e no uve ll e bibli oth èqu e et l'o n es t sur le point
d'achever to ute une ci té scola ire sur
les ruines de l'ancien couve nt de la
Vi sitation et au-delà. Cepend ant il
n'est pas qu esti on pour le moment
d'envisage r l'avenir des terra ins marécage ux, de l'a utre côté du Verney.
On pense néa nmoin s au tra nsfert de
l'H ôtel-Dieu et de la Charité décidément bi en in co mm odes da ns leurs
Chambély se donne à /a'Fran ce en / 860
31
Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de
Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD
Editions Horvath, Roanne, 1982
13 sur 111
Histoire des communes savoyardes
vieux bâtimen ts sur les bouleva rds.
Les amateu rs de nouvea uté s'extasient sur les travaux de restaura tion
et de modern isation de la cathédr ale
tandis que les partisan s des vieilles
pierres recomp tent avec fièvre celles
de l'ancien portail des domini cains
que l'on va remont er au château . On
travaill e avec acharne ment aux
égouts, à l'a pprovis ionnem ent en eau
et à l'éclaira ge de Chamb éry.
1914. Chamb éry s'engag e dans
l'épreuv e de la guerre; celle-ci va lui
faire oublier une série d'autres accidents: la mort de son ancien maire
et leader républi cain Antoine Perrier
(qui fut garde des Sceaux en 1911), et
celle de so n maire actuel Vey rat. Qui
a déboulo nné la statue de Rousse au
au clos Savoiro ux que le préside nt
Fallières avait inaugur ée en grande
pompe en 1910? En 1912, le congrès
nationa l des institut eurs a fait vibrer
la grenette de slogans antimili taristes, mais les Chamb ériens appré-
Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey
cient peu le déclin de leur garniso n
du fait du rapproc hement franco-italien. Chauvi nisme et nationa lisme
aidant, l'inaugu ration du monum ent
« aux morts de 1870-71 » a été une
belle cérémo nie militair e et patrioti que dont chacun se souvien t avec
émotion . Mgr Dubilla rd, champi on
du conserv atisme, s'est réfugié dans
une villa au Pont des Carmes et l'ancien évêché vient d'être transfo rmé
en musée savoisie n. Quant au grand
sémina ire dont on ne sait que faire,
on y a logé... un garage. L'usine
d'alumi nium et la nouvell e banque
de Savoie symbol isent le renouve au
économ ique, la ville comme nce à escalader les collines environ nantes,
les Chamb ériens découv rent le sport
et le cinéma .
1928. L'a ncien préside nt Poincar é
vient inaugur er le nouvea u monument aux morts. Chamb éry a moins
perdu d'homm es en proport ion que
bien d'autres commu nes rurales, elle
Les ruilles de Chambéry après le bombardement du 26 mai 1944
(Cliché Musée Savois ien)
32
Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de
Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD
Editions Horvath, Roanne, 1982
14 sur 111
Histoire des communes savoyardes
Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey
Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de
Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD
Editions Horvath, Roanne, 1982
15 sur 111
Histoire des communes savoyardes
Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey
----.
Chambéry,1
Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de
Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD
Editions Horvath, Roanne, 1982
16 sur 111
Histoire des communes savoyardes
Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey
'-------.
ue générale
Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de
Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD
Editions Horvath, Roanne, 1982
17 sur 111
Histoire des communes savoyardes
Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey
Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de
Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD
Editions Horvath, Roanne, 1982
18 sur 111
Histoire des communes savoyardes
Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey
est même en pleine expansion; l'industrie prospère maintenant et si l'on
a perdu le recteur en fonction depuis
1860, on se console avec le succès de
la foire créée depuis six ans. On finit
de préparer les plans de la nouvelle
cité de Bellevue. La municipalité
cherche un terrain pour y transférer
les vieilles prisons et s'inquiète de
plus en plus de la vogue de Maché,
de son intempérance et de ses excès
de langage.
1945. Chambéry, libérée en août
1944, sort pétrifiée de la guerre. Le
bombardement de mai 1944 a détruit
irrémédiablement une bonne partie
de la vieille ville entre le Verney ,
l'Hôtel de Ville, les boulevards et la
Gare. Les dégâts sont immenses et si
l'église Notre-Dame est sauvée, l'hôtel Costa est détruit avec ses collections et combien d'autres! Des milli ers de sans-logis errent dans les
ruines. La ville se couvre de baraques de bois pour les loger, on va
même édifier près du musée une rue
couverte pour abriter les commerces
sinistrés. La foule, qui a applaudi le
général de Gaulle en novembre 1944,
était sans doute composée des
mêmes personnes qui accueillaient le
maréchal Pétain en septembre 1941.
Pour le moment, on acclame l'épuration et les libérateurs même si la
guerre continue sur la frontière jusqu'en mai 1945. La politique touche
même les statues: le président Favre
« neutre » est remonté sans difficulté
sur son socle, la Jeanne-d'Arc érigée
en grande pompe en 1942 est exilée
au Ve rney et une souscription est
lancée pour la réfection de la « Sasson » déboulonnée en 1941 et maintenant symbole du pillage allemand.
1960. Chambéry se délecte dans
l'euphorie et le narcissisme historique en fêtant le centenaire de l'annexion. Cérémonies et célébrations
se succèdent -pendant toute l'année
pour la pl us grande joie des touristes
Chambéry en /960
33
Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de
Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD
Editions Horvath, Roanne, 1982
19 sur 111
Histoire des communes savoyardes
et des Chambériens et pour la plus
grand e gloire de la jeune muni cipalité Dumas, qui symbolise le nouvea u
régime et le réve il de la vill e après les
a nnées un peu ternes de la IVe République. Le général de Gaulle vient
d'ailleurs co uronner par sa présence
la fi èv re de la célébration historique
et du renouveau po litique. Les fêtes
ont permis le rava lement des Portiques et la restauration (très radica le)
de la Sainte-Chapelle et de la Cath édrale.
Mais pour l'heure, on préfère s'extasier sur les blocs du centre-ville
maintenant reconstruits, le goût est
en effet au moderne ; on s'enthousiasme pour la couverture de la
Leysse et pour les nouveaux gratteciel (la tour du Centenaire n'est-e lle
pas le phare de la croissance de la
Savoie française ?). Les habitants du
quartier Nicolas-Parent ont peu apprécié le transfert au Verney de la
grande poste qui les coupe du centre-ville et le nouveau palais de la
foire ne saurait les calmer, mais ceci
n'est que détail dans la sensation de
bien-être du moment. Les Chambériens commencent à prendre goût
aux sports d'hiver et à la télévision,
mais personne ne voit là le germe
d' un changement radical de vie qui
va provoquer bientôt la fin des « vogues» et des cavalcades.
La satisfaction règne! Les ind ustries se font de plus en plus nombreuses, certes l'on regrette Gillette
passée à Annecy, mai s le « Verre
Textile» est en pleine expansion
tout comme Bailly et combien
d'autres. Pour loger les ouvriers, on a
co nstruit la grande cité du Biollay,
mais l'on pense déjà à d'autres
grands projets: pourquoi pas un
centre universitaire ? pourquoi pas
une nouvelle cité vers la CroixRouge (si l'o n peut mener à bien
Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey
l'a nnexion de C hambéry- le-Vieux),
une zone industrielle vers Bissy (s i
l'o n peut absorber cette dernière),
une nouvelle cité hospitali ère (si l'on
peut fu sionner avec Jacob) ? On se
prépa re à démolir le vieux Maché, à
quoi bon tant de vieilleri es! et penda nt qu 'o n y est, pourquoi ne pas
« aérer » la vieille vill e par des percées modernes et efficaces pour la
circulation automobile? cette dernière en plein progrès pose la qu estion des future s autoro utes. On
pense déjà au C hambéry de l'an
2000.
1977. Chambéry découvre avec
stupeur qu 'elle s'est donnée une muni cipa lité de ga uche, ce que l'on
n'ava it pas vu ici depuis le début du
siècle, terreur des un s, enth ous ias me
des autres. C'est que depuis quelque
temps les polémiques n'ont cessé de
croître en ville : qu e faire des casernes rachetées par la muni cipa li té ? que dire du projet de silo à voitures sur l'emplacement des halles?
que penser des proj ets de lotisse ment
des Charmettes? La piétonnisation
de la place Sai nt-Lége r a beaucoup
inquiété les com merçants et qui va
payer le ravalement des façades et
les futures restaurations? Certes
C hambéry est une vill e calme et les
2 000 étudiants du Centre Universitai re (qui désespère de passe r Université) ne so nt pas assez nombreux
ni assez vifs pour créer ici de l'agitation (même .en 1968, ils ont été
calmes), mais les habita nts de la
ZUP se plaignent d'être négligés par
les autorités et depui s 1973 les affaire s vont moin s bien. On a un nouvel hôpita l fl am bant neu f à Maché,
mais où mettre les vo itures si nombreuses actuellement ? où faire passe r la circulation maintenant que la
Savoie est deve nue un ha ut-li eu touri stique ? Faute de li a iso n autoro u-
34
Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de
Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD
Editions Horvath, Roanne, 1982
20 sur 111
Histoire des communes savoyardes
tière à Sa int-Saturnin, on aura une
voie rapide franchissant en tunnel la
co lline des Monts, mai s qui paiera?
l' Etat? la Société concessionnaire?
ou les co lle ctivités locales ? et où
Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey
mettra-t-on les péages ? Si enco re en
était sûre que l'agg lom éra tion atteig ne ses 100000 hab itan ts, on
pourra it espérer un geste de l'E tat,
mais o n peut en douter.
Les embarras de Chal11bél)' en 1979. alors que la Voie rapide urbaine n'avance pas.
qlle des flots de touristes paralysel1/ la ville lors des vacances d' hiver. le présidelll
Giscard gagne Courchevel par voie aérienl/e
IÉdil. Ville de Chambéryl
35
Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de
Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD
Editions Horvath, Roanne, 1982
21 sur 111
Histoire des communes savoyardes
Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey
L'ESPACE CHAMBÉRIEN
Que d'eau!
Si la situation de Chambéry au
croissement des routes Lyon-Turin et
G enève-Valence fut essenti ell e pour
le développement de la vi ll e, celle-ci
resserrée entre les ultimes chaînons
des Bauges et de la Chartreuse n'a
qu ' un site méd iocre peu propice à un
épano ui ssement urbai n d' envergure.
Non seulement la cluse est étroite,
mais encore encombrée d' un marais,
dernier vestige de l'exten sion du lac
du Bourget a u lendemain de la fonte
des glaciers du Quaterna ire, zone
amphibie perpétuellement « travaillée » et inondée par les torrents de la
Leysse, de l'Albanne - ell e- même
subdi visée en de multiple bras - et
accessoirement de l' Hyère, d 'où un
so l fragile, instable go rgé d'eaux.
Pendant tout le premier mill éna ire
de l'ère chrétienne, les homm es rebu-
tés par ces conditions ont préféré
s' install er sur les collines du pourtour, se contentant sa ns doute de
pistes remblayées pour traverser le
marais.
Ce n'est pas avant le XIIIe siècle
que les constructions apparaissent
dans le marai s lui-m ême, mai s ce
dernier n'a cessé jusqu'à nos jours de
provoq uer de multipl es contraintes,
in surmontab les parfois, mais le plus
souvent fort coûteuses: pil otis (la cathédrale ne repose-t-elle pas sur
30000 pi eux ?), pompage, impossibilité pendant fort longtemps d' aménager des caves ou des so us-so ls (ce qui
oblige de les reporter au rez-dechaussée), fragilité des constructions
sa ns fondation , étayées par les édi fices voisins d'où le ti ss u très serré et
fragile de la vieill e vi ll e où tout se
tient, ce qui rend difficile les percements et remaniements intérieurs.
L' inondation de Janv ier 19 10 rue Cro ix d 'or et rue d ' Italie (Cliché Musée Savoisien)
36
Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de
Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD
Editions Horvath, Roanne, 1982
22 sur 111
Histoire des communes savoyardes
Et tout cela sous la menace
constante des inondations. Selon un
journaliste du XIXe siècle, la Leysse
« ne cesse d'être ridicule que pour
être dangereuse » avec des variations
extraordinaires de débit (po uvant atteindre 2 000 %) et des crues en
toutes saisons : en août 1530, les
eaux envahirent toute la ville « et de
telle raideur courait la dite eau,
qu'un cheva l ne pouvait marcher par
la dite ville » ; en janvier 1875, toute
la vieille ville fut encore submergée
par près d'un mètre d'eau. Tous les
10 ans environ, la Leysse menaçait et
si l'Albanne pourtant plus « docile »
s'en mêlait, c'était la catastrophe.
Dans ces conditions, l'éloignement
naturel de la vi lle d es rives de la
Leysse paraît évident, tant la rivière
était aussi inutile que dangereuse. Ce
ne fut néanmoins qu'en 1552 que
l'on aménagea au faubourg Montmélian une « grande muraille de pierres
taillées carrément », mai s l'on mit
trois siècles encore pour la prolonger
et régulariser définitivement le lit du
torrent. Après la grande crue de
1875, l'o n accélère la couverture des
anciens bras de l'Albanne, gigantesque chantier terminé seulement à la
veille de la deuxième guerre. Dorénavant avec un réseau complet de digues, de biefs et d'égouts, Chambéry
est à l'abri des excès de ses cours
d'eau , mais sa it-on jamais avec la
crue « centenaire »? La couverture
de la Leysse ve rs 1960 ne doit, ni ne
peut faire o ublier aux Chambériens
sa présence co mme ils semb lent
avoir perdu le souvenir de celle de
l'Albanne.
La ville médiévale
La ville s'étire entre ses deux pôles
traditionnels, Lémenc, centre religieux avec son prieuré bénédictin
Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey
(d'où s'amo rça au XIII e siècle la réorgani sa tion paroi ss iale de la vi lle) et
le château, symbole du pouvoir politique et de la sécurité . C'est à ses
pieds que se niche le premier noyau
urbain « infra castrum ». Les documents et l'archéologie nou s renseignent fort peu sur C ha mbéry avant le
XIVe siècle. Les quartiers de BourgNeuf et de Villeneuve témoignent
d'un développement certain mais
que l'o n hésite à situer au XIIe ou au
XIIIe siècle. La ville médiévale s'est
développée le long des deux grands
chemins fondamentaux , celui s'étirant de Maché «( Maraisetté »: le
marais) vers Montniélian par les divers bras de l'Albanne et l'autre greffé sur le premier, reliant le château à
Lémenc, Chambéry à Genève. Mais
nous ne connaîtrons sans doute jamais les étapes et les modalités de
cette croissance, tout comme reste
mystérieux le tissu urbain de cette
première cité. Même le point important de savoir si C hambéry était ou
non fortifié avant le XIVe siècle ne
peut être résolu.
Comment s'imagin er Chambéry à
l'aube de son histoire? Une population réduite dépassant sans doute à
peine le millier, des maisons basses
recouvertes d'ancelles de bois dominées çà et là par les tours orgueilleuses des demeures nobles (comme
celle d'Etienne Vechi chez lequel est
passé l'acte d'achat de la ville par le
comte Thomas en 1232), le tout dans
un lacis de ruelles et d'allées comme
ce lles dites des Pierres- Plates, des
Peyroliers (ou des chaudronniers).
Seuls quelques « charrières» peuvent prétendre à un e largeur suffisante pour quelque trafic (celle de
Belle-Combette, l'actuelle rue basse
du Château, une des plus anciennes
de la ville était d 'autant plus importante qu'elle seule menait au château
37
Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de
Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD
Editions Horvath, Roanne, 1982
23 sur 111
Histoire des communes savoyardes
Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey
La plus vieille rue du vieux Chambéry
38
Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de
Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD
Editions Horvath, Roanne, 1982
24 sur 111
Histoire des communes savoyardes
et qu 'elle seule permett ait de traverser efficace ment la cité au moins en
partie, on compre nd qu 'ell e fut alors
la plus aristocr atiquem ent habitée).
Partout , des bras de l'A lbanne enjambés par des passerelles de bois,
mais dès le milieu du XIII e siècle on
n'avait pas hésité à en recouvr ir un
par l'égl ise paroiss iale de Saint-Léger, ce qui avait permis de dégager
devant celle-ci la seule placette de la
ville. Mais il fallait bien ente ndu distinguer la « juiverie » (qu i regroup ait
près du quart de la populat ion sur
l'actuel le rue Trésorerie), la « truanderie » (de l'autre côté du château ),
les Lomba rds du Bourg-N euf, les
fïlles de mauvai se vie du quartie r des
« femme s» près de la rue Sainte-A ppolonie , les bouche rs du Meysel
(autour de l'actuel le rue du Sénat).
Mais au-delà de ces quartier s densément peuplés dès les XIIe, XIII e
siècles, donc hors de la premièr e enceinte, s'étab li sse nt dans les espaces
libres périphé riques les premières
congrég ations religieuses, celle du
Temp le près de la route de Léme nc
(do nc près de l' actu e ll e rue Saint-An toine), celle des Antonin s un peu
plus à l'est et enfïn au-de là encore
celle des Francis cains (établis ici peu
de temps après la mort de leur saint
fondate ur vers 1250). Sur les trois directions princip ales de Lyon, Genève
et l'Italie, s'étiren t les trois faubour gs
de Maché, du Reclus (du nom d'un
erm itage ou Récluserie à cet endroit )
et de Montm élian.
Le XVe siècle est le premier grand
siècle pour Chamb éry. La nouvelle
enceint e édifïée de 1371 à 1444 fait
plus que double r la superfïc ie de la
ville, sans toutefo is l'amene r sur les
rives de la Leysse jugée décidém ent
trop dangere use. Entre les clos monastiqu es, l'espace libre se fait toujours plus rare : les Domini cains, ar-
Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey
rivés à Montm élian en 1318, s'installent à Chamb éry un siècle après à
l'ouest du Bourg- Neuf et y édifïent
un couven t monum ental qui suscite
sinon la jalousie : du moins la rivalité, des Francis cains, qui ne voulant
pas être en reste reconst ruisent tout
de suite leur église (l'actue lle cathédrale) et leur couvent. La premièr e
congrég ation féminine « intra muros » apparaî t avec les Clarisses de la
stricte observa nce installées par la
duchess e Yoland e près des Antonins. Les bâtisses se font plus nombreuses entre l' ancienn e et la nouvelle porte de Montm élian (le long
de ce qui va devenir la rue Croixd'Or), entre l'ancienne et la nouvelle
porte du Reclus tout au long de la
rue de Saint-A ntoine. La vi ll e se dote
enfïn d'hôpit aux, l'hôtel- Dieu apparaît vers 1370, vis-à-vis les Frères Mineurs de Saint-F rançois , mais il est
utile de situer ces établiss ements
hors des muraill es: ai nsi l'hôpita l
neuf dit des pèlerins près de la porte
Maché dès 1455 et celui du Paradis
fondé en 1472 près de la Leysse.
L'étouffement de la ville moderne
C'est dans ces limites que Chambéry va demeur er pendan t près de
troi s siècles. Plutôt que de s'étend re,
la ville, qui passe de 4 à 9000 habitants pendan t cette période , ne va
cesser de se densifïer à l'abri de mu rai ll es et de fossés sans cesse plus
inutiles et dépassés. Chamb éry prend
alors l'allure que nous lui connais sons actuell ement, des maison s toujours plus hautes, plus resserrées.
Les rivières sont progres sivement recouvertes, les jardins intérieu rs supprimés, seules les plus puissan tes
congrégations des Frères Mineurs,
des Domini cains et des Jésuites arrivent à conserv er précieu sement leurs
39
Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de
Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD
Editions Horvath, Roanne, 1982
25 sur 111
Histoire des communes savoyardes
Le vieux Chambéry au XV/lIe siècle
Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey
(Collect ion Bibliothèque Municipale)
40
Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de
Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD
Editions Horvath, Roanne, 1982
26 sur 111
Histoire des communes savoyardes
Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey
clos. Peu de place pour aérer la
ville; celle de Lans ou des herbes entre les Antonins et les Dominicains,
celle du château et celle de Saint-Léger près de l'église du même nom qui
est d'ailleurs si petite et si bruyante
que les fidèles n'arrivent pas à suivre
les offices. Partout ailleurs, des cours
so mbres, de grandes façades tristes
et grises comme celle de la maison
de Madame de Warens décrite avec
réalisme par Rousseau: « (ell e) était
triste et sombre et ma chambre était
la plus sombre, et la plus triste de la
maison, un mur pour vue, un cul-desac pour rue, peu d'air, peu de jour,
peu d'espace, des grillons, des rats,
des planches pourries ... ». Joseph de
Maistre dans son exil russe se rappelle avec émotion les allées de
Chambéry: « elles me font peur, je
tremble de trouver au milieu de ces
formidables détroits des vo leurs ou
des spectres; lorsque j'ai pris enfin
mon parti, nouvel embarras, je ne
sais plus à quelle porte frapper... ».
C'est ce monde pittoresque du vieux
Chambéry qui va scandaliser les médecins et tous les gens épris de progrès depuis le docteur Daquin qui , à
la fin du XVIIIe siècle, fut le premier
à en dénoncer la sa leté et l'incommodité, mais qui va entho usiasmer dorénavant tous les amateurs de mystère.
gra nds auvents formant portiques
sur le devant des maisons « en manière que vous êtes à couvert et à sec
en tout temps: il est vrai que les boutiques en sont plus obscures » notait
Montaigne lors de son passage en
1581. Si l'on y ajoute les cabornes ou
boutiques de bois qui se partageaient
l'espace devant l'église Saint-Léger,
on se rend compte qu 'il était impossible de faire passer le flu x des vo itures à l'intérieur même de la vill e,
d'où la tendance à les dévier au-de là
. du château sur l'actuelle avenue de
Lyon, ce qui permettait d'éviter
l'ét roite rue du Faubourg-Maché et
su rtout les difficultés pour franchir
la porte au pied de la Tour Trésorerie du Château . En su ivant la rive de
l'Albanne ju squ'au pont Morand,
c'est-à-d ire sur l'actuelle rue de la
République jusqu'à la place d' Italie,
on pouvait ainsi s'affra nch ir des encomb rements du centre-vi ll e. Cette
déviation expliqu e la nécessité a u
XVIII e siècle d'aménager de nouve lles ouvertures dans le rempart
pour relier la vi ll e à cette nouvelle
voie ; ainsi en 1737, les bourgeois
imposent le maintien de la PorteReine, au pied de la tour des archives du châtea u, au lendemain de l'arrivée de la nouvelle reine, qui éta it à
l'o rigine de cette ouverture.
Le vieux problème de la circulation
A la périphérie ...
Dans cette vill e. resserrée et sans
espace, la circulation va vite poser
des problèmes insolubles au moment
où le trafic transal pin ne cesse de se
développer à partir du début du
XVIe siècle. Où faire passer les caravanes de charrois et de voitures?
D'autant que les deux seules rues véritables, la rue Juiverie et la Croixd'Or, sont encore réduites par les piliers des « dômes », c'est-à-dire des
Le Verney
L'étouffement du centre-ville révèle l'importance du Verney dont le
nom remonte au Moyen-Age quand
il poussait ici des vernes. Protégé des
crues de la Leysse dès le X IVe siècle,
cet espace plat, sûr et vaste devint
très vite le poumon d'aération de
Chambéry. Au Moyen-Age, les
princes y organisent des tournois et
41
Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de
Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD
Editions Horvath, Roanne, 1982
27 sur 111
Histoire des communes savoyardes
les édiles des camps pour les pestiférés, mais bientôt le lieu de promenade et de détente de tous les Chambériens (qui n'avaient d'ailleurs pas
le choi x) : on y tire les boîtes et des
feux d' artifice dan s les grandes occasions. « Le beau monde vient y prendre le frais le soir et y vo ir la belle
jeunesse qui y apparaît dans un ajustement des plus galants»; on y
danse, on y passe les revues, on y fait
aussi les exécutions capitales. Les
spectacles y sont donc des pl us variés et exp liquent l'attachement des
Chambériens à ce complèment de
verd ure nécessaire à leur ville.
Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey
Il
i
=-Des couvents.
A partir du XVIIe siècl e, les nombreuses et nouvelles congrégations
ne peuvent trouver place à l' intérieur
des remparts et s'i nstallent donc audelà. Certes, dès le XIIIe siècle, les
Urbanistes de Sainte-Claire (appelées familièrement les Minorettes)
s'étaient par pudeur et ostracisme
installées sur la co lline de la Ca lamine, n'étaien t-elles pas la premi ère
congrégation féminine chambérienne
et fort aristocrati qu e de surcroît ? Au
milieu du XVe siècle, les Co rdeli ers
de Myans les ava ient rejoi ntes et
avaient fixé, au pied de la falaise voisine, leur couvent de Sainte-Mariel'Egyptien ne. Mais c'est surtout a u
début du XVII e siècle, qu 'une Ooraison d'établissements religieu x ceinture l'ancienne ville: Madam e de
C hantal , la fondatrice de la Visitation , vient poser la première pierre
d' un nouveau couvent en 1624 entre
Maché et le Verney; l'année suivante les Ursulines édifient leur maison et pensionnat entre Sainte-Claire
et Sainte-Marie. Au même moment,
le prince, Thomas de Savoie-Carignan , introduit les religieux Augus-
L'église Notre-Dame
au débl/l du XX" siècle
(Cliché Musée Savoisien)
tin s à l'entrée du Faubourg Montméli a n. Les Ca rmes et Ca rmélites, amenés ici en 1639 par la duchesse de
Ventadour, les rejoignent bientôt et
le faubourg est finalement saturé dès
le mili eu du siècle quand les religieuses Annonciades s'insta llent près
du pré du Co lombi er. A Maché plus
peu plé, une se ul e cong réga tion ava it
pu trouver place, celle des Bernardines, encore avait-elle dû se contenter de peu.
pes faubourgs
Le Faubourg Maché avait bien décliné en effet depui s le Moyen-Age.
Puisque le commerce et les voyageurs l'évitaient de plus en plus, il
s'était orienté vers l'a rtisanat, installant ses tanneries sur les bords de
l'Albanne et prenant une allure populaire, qui fera dorénavant sa gloire
et sa répulsion.
A l'inverse, durant le XVIe siècle,
le Faubourg Montmélian ne cesse de
42
Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de
Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD
Editions Horvath, Roanne, 1982
28 sur 111
Histoire des communes savoyardes
se développer dans la plaine pour
n'être bientôt qu'une su ite ininterrompue d'auberges et d'hôtelleries à
l'arch itecture si caractéristique avec
leurs grandes cours fermées, leurs remises au rez-de-chaussée et les
chambres d'hôtes à l'étage desservies
par de grands balcons circulaires. Au
XVIe siècle, dans l'actuelle rue d'Italie, les voyageurs descendaient ainsi
au « Mulet Rouge », ou aux « Trois
Pucelles », à moins que ce ne fut aux
« Trois Rois» o u à « l'Hôtel de la
Poste » où Rabelais logea (et dont il
se souvint dans son Pantagruel en citant l'hôtelier Vinet, qui guérit « Pantolfe de la Cassine» qui n'ava it
« pas été du corps » depuis Rome).
En 1860, c'est encore à l'hôtel du
« Petit Paris » que le sénateur Lait y
s'installa pour organiser le plébiscite
du rattachement, mais entre temps le
flot des voyageurs avait suscité un
prolongement du faubourg bien audelà de l'actuelle place d' Italie. « Ce
Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey
faubourg par sa longueur, le nombre
de ses boutiqu es et de ses habitants
ferait bien un e ville à lui tout seul.. . »
Ce succès fait alors d'autant plus regretter l'abse nce ici de paroisse propre comme on l'espéra longtemps.
Le Faubourg Reclu s était lui bien déchu depuis le X Ve siècle, lorsque le
trafic ve rs Genève s'était ralenti.
L'étroitesse de la rue faisait encore
dire à l' intendant en 178 1 : « une
personne à pied est dans la nécessité
de rétrograder ou de se jeter dans la
premi ère allée pour éviter la rencontre des voi tures qui remplissent tout
le vide et dont les ess ieux portent
quelquefois co ntre les murs ... » ; l'on
n'eut cepe nd ant jamais les moyens
de pallier ce t obstacle. En 1774, on
avai t aménagé la rampe de CôteRousse pour resta urer le trafic ve rs
Ge nève, mais il étai t trop tard ou
trop tôt. Pendant lo ngtemps, on
conserva le goulot d'étranglement de
l'actuelle montée Hautebise et les ha-
Lefaubourg Montmélian cl lafin du XVII" siècle (Theatrum-Sabaudiae)
43
Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de
Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD
Editions Horvath, Roanne, 1982
29 sur 111
Histoire des communes savoyardes
Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey
bitants du faubourg trouvèrent plus
d' intérêt à ex ploiter les carrières sur
le flanc de la colline de Lémenc qu'à
tirer profit .du trafic.
Quant au Faubourg Nezin, il avait
été très tôt mi s à l'éca rt des grandes
routes . Ne menant qu'à Lémenc, privé de pont le reliant directement à la
ville, il ne pouvait être uti lisé qu 'accesso irement par les maraîchers, les
manœuvriers en mal de logement et
bientôt par les artisans et les premiers manufacturiers heureux de
trouver ici des terrains libres et facilem ent accessibles.
L'impasse du XVIII' siècle
Ainsi à la fin de l'Ancien Régime,
C ha mbéry se trou ve de nouveau
dans un e impasse, ceinturée non seulement de remparts et de fo ssés
même inutiles, ma is a uss i d' une série
ininterrompue de clos religieux et
laïcs (avec les propriétés des Regard
de Vars vers Bellevue, des Bracorand
de Savoiroux vers Lémenc, des Les-
cheraine vers Maché, des C lermontMont-Saint-Jean vers le Verney, sa ns
oublier les hôpitau x que l'on s'arrange pour éloigner de la ville tout
en les maintenant près des rivières
sa ns grand souci pour la po ll ution et
l'hygiène (sur la rive gauche de la
Leysse, l'Hôtel-Dieu et la Charité
fai saient fac e aux Incurables de la
ri ve opposée). C hambéry étouffée
dans sa vieille ville et dans son carcan géographique et social risque
bien alors de périr asphyxiée ou au
mieux de sta gner; la municipalité
n'a aucune force juridique et matérielle pour faire sa uter ces obstacles
et il ne fallait pas compter sur le gouvernement turinois trop pauvre et
trop accaparré par ailleurs pour faire
évo luer la situ ation.
Les espoirs du XIX' siècle
L'annexion à la France en 1792 allait, contre toute attente, offrir enfin
de nouvelles issues . La Révolution
ne modifie guére le paysage chambé-
La caserne CURIAL
44
Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de
Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD
Editions Horvath, Roanne, 1982
30 sur 111
Histoire des communes savoyardes
rien traditionnel , mais suscite deux
évo lutions décisives: les murailles
sont détruites et les fossés comblés.
Sur leur empl acement, l'on trace de
nouvelles rues: la rue Jean-PierreVeyrat, les boulevards, la place Caffe
et la rue de la République. La place
Maché aère la partie basse du faubourg et permet de reli er celui-ci au
châtea u par une rampe doublant la
viei ll e montée de Bramafan . Sur l'ancien fos sé, à l'extrémité du Verney,
on peut construire une nouvelle G renette, tout comme à l'autre bout de la
vi ll e le comb lement de l'Albanne
donne à la municipalité le terrain nécessaire pour le nouveau théâtre. Enfin, la liquidation des ordres religieux et la confiscation de leurs
biens procurent à la collectivité des
ressources inespérées. Déjà à la
vei ll e de la Révolution, le déclin du
clergé régu li er ava it permis de donner Sainte-Marie-l'Egyptienne à l'hôpital des Incurables et les Augustins
à la cavaleri e militaire. Mais dès
1793, la guerre des Alpes fit attrib uer
tous les bâtiments vacants à l'armée:
les Urs ulin es so nt données à la gendarmerie et à l'intendance militaire,
les Annonciades sont reconverties en
fonderie de canons, Sainte- Claire en
hôpital , partout des magasins militai res, partout des casernements. A
courte ou à moyenne échéance, peu
de ces bâtiments pourront survivre à
une telle surcharge et à de tels traitements. L'armée, évincée du château
au début du Consul at, se dédommagera en faisant constru ire dans la
perspective de l'avenue de Lyon une
gigantesque caserne massive et carrée sur le clos des Urs ulines. Chambéry sur la route de l'Italie se doit
d'avoir, maintenant, sino n une garniso n importante du moi ns des installation s d'étape pour les troupes se
rendant en Italie ou en revenant. La
Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey
paix retrouvée, avec l'aménagement
de la route du Mont-Cenis, Chambéry redevient et même plus que jamais
une ci té de transit d'où le remaniement des routes de Lyon et de Montmél ian avec l'élargissement systématique de la vo ie au sud de la ville.
La croisée de Chambéry
Cependant la grande affaire reste
le remodelage de la vieille ville médiévale pour en faciliter la traversée,
et si les caisses sont souvent vides,
les projets ne manquent pas. La démoliti on pour insalubrité et décrépitude de la vénérab le église Saint-Léger en 1760 avait révélé l'intérêt de la
place ainsi dégagée et le caractère archaïque des cabornes qui l'encombraient encore. Pour conci li er ce souci de dégagement avec le goût des
C hambériens pour une rue couverte
o u abri tée, on pense profiter de la
démolition de l'église des Dominica in s sous la Révolution, pour percer
une grande rue à arcades, qui relierait le Verney, la Place de Lans et la
Place Saint-Léger, et le fong de laquelle on construirait un nouveau
palais de justice (les juges déjà à
l'étroit dans le couvent des Dominicains ne cessaient de peser de toute
leur influence pour obtenir un nouveau bâtiment digne d'eux), hélas! le
projet n'ira pas plus loin que quelques arcades près de la rue JeanPierre Vey rat.
Seul le mécénat du richissime
Co mte de Boigne donna enfin ses
chances à Chambéry après 18 15.
Malheureux en ménage, so ucieu x de
s'attribuer une légitimité, dont il doutait lui-même, l'ancien général des
Mahrattes hindou x ne garda pas rancune à sa ville d'origine dont il avai t
dû pourtant fuir la justice en 1768.
En 15 ans, il consacre plus de trois
45
Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de
Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD
Editions Horvath, Roanne, 1982
31 sur 111
Histoire des communes savoyardes
Les poniqll es à la ruril/oise
million s de francs pour Chamb éry:
édification d'une monum entale caserne de cavalerie entre celle d'infanterie et Sainte- Marie l'Egypt ienne,
constru ction d'un nouvea u théâtre à
l'empla cement de l'ancien décidément trop insuffis ant, agrandissement du collège, aménag ement d'un
hospice chez les Antonin s, projet de
reconst ruction de l'hôtel de ville et
surtout reprise du projet de grande
rue transversale à arcades comme à
Turin.
Les temps avaient changé et depuis la fin de l'Empir e on s'intéressait mainten ant à une nouvelle artère
nord-su d pour double r enfin efficacement la rue Croix d'Or déjà bien
encomb rée et la rue Saint-A ntoine
trop tortueu se. Il fallait aussi relier
les nouvea ux bouleva rds au Châtea u. Cette réalisation grandio se,
doublée du dégage ment comple t de
la place Saint-Léger, donna enfin à
Chamb éry la grande croisée dont elle
manqua it depuis son origine, même
si l'on n'eut pas le temps de poursui -
Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey
vre le plan initial de prolong ement
de la Place vers la Casern e et vers
l'espace des Domini cains progressivement dégagé. La générat ion suivante se content e de poursui vre
l'aména gement amorcé , mai s sans
plan d'ensem ble préétabli et toujour s
sous l'influe nce des événements extérieurs. Chamb éry avait constam ment
eu de gros problèm es pour ses cimetières, il était loin le temps où l'on
enterra it les défunts dans les églises.
Sainte- Marie l'Egypt ienne, qui abritait les tombea ux des grandes familles, a été donnée à l'armée en
1816 et les cimetières de Lémenc (célèbre autrefo is par sa chapell e des
« os rangés ») et de Maché (sur le
flanc de la colline du Chanay ) sont
encomb rés et sans possibilité d 'extension. La ville aménag e donc dans
l'ancien enclos de l'hôpita l du Paradis un nouvea u cimetière et bien sûr
des avenue s pour y accéder , d'où
l'actuel le rue Somme iller prolong ée
par l'avenu e de la Boisse.
Le chemin de fer arrivan t à Chambery, il faut entaille r la colline de Lémenc, mais où situer la gare ? à Nezin ? La place y est réduite et sans
dégage ment ; au Biollay ? C'est bien
loin; au faubour g Montm élian ?
Mais ici on n'y tient guère. La gare
est donc fixée du côté d' Aix , au bout
de la rue Somme iller et de la nouvelle rue de la Gare, témoign age de
la défianc e. de l'opinio n envers cette
installa tion aussi envahis sante que
sale. Le chemin de fer ri squant de
défavo ri se r le faubour g Montm éhan , on n'hésite pas il percer a travers l'ancien couven t des Carmél ites
bien décrépi , une nouvelle rue (de la
Banque) qui élimine le goulot
d'étran glemen t du Larit et termine
enfin la liaison sud de la ville commencée un siècle plus tôt.
46
Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de
Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD
Editions Horvath, Roanne, 1982
32 sur 111
Histoire des communes savoyardes
Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey
Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de
Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD
Editions Horvath, Roanne, 1982
33 sur 111
Histoire des communes savoyardes
Les embellissements de la belle
époque, Chambéry éclate
Les juges ayant obtenu à la veille
de l'annexion un terrain suffisant au
bout du Verney pour leur nouveau
palais de justice, la municipalité peut
construire un nouvel hôtel de ville
monumental, symbole du nouveau
régime français et le dégager dignement en perçant, d'un côté, la rue Favre (dite alors du prince impérial) à
travers l'ancien couvent des Antonins et en repoussant de l'autre le
marché de la Place de Lans sur l'ancien enclos des Dominicains définitivement libéré. On y édifie d'ailleurs
rapidement une halle au goût du jour
dans le style de celles de Baltard à
Paris.
La vieille ville entre la stagnation
et la modernisation
Les autorités locales et l'opinion
acceptèrent lentement le principe
d'une réelle extension de la ville,
n'en voyant guère le besoin et le
moyen de l'assurer. Le libéralisme
ambiant faisant oublier l'idée d'un
plan d' urbanisme, on se garda bien
de suivre celui de l'architecte TrivelIy élaboré en 1810 et de respecter les
promesses électorales après 1880. La
municipalité ne commença à agir
qu'après 1902: la liquidation des
biens des congrégations, la séparation de l'Eglise et de l'Etat, il n'en
fallait pas plus pour libérer des terrains et des bâtiments. Qu'en faire ?
les laisser à l'initiative individuelle
ou en faire profiter la ville et la collectivité ? On hésita longtemps, on fit
bien des erreurs, mais le profit en fut
indéniable pour C hambéry, d'autant
que les municipalités se devaient
maintenant de réaliser des objectifs
sociaux scolaires ou hospitaliers.
Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey
En 1870, Chambéry est déjà entièrement éclairée au gaz, en 1896 le
premier éclairage électrique apparaît. Dès 1875 le réseau d'égoûts se
met en place. L'alimentation en eau
ne cesse de s'améliorer; c'est à cette
époque que Chambéry se dote d'un
réservoir à la Fontaine Saint-Martin
près des Charmettes, et se couvre
d' un dense équipement de bornesfontaines. A défaut du confort individuel, la ville jouit au moins du premier confort collectif. Il y a trop d'intérêts en jeu et trop de difficultés à
vaincre pour que l'on touche aux
vieux quartiers. On profite néanmoins de l'incendie de la place
Saint-Léger en 1897, pour réaliser
enfin le vieux projet de liaison entre
la place et la Porte-Reine. Dix ans
plus tard, c'est le percement de l'avenue de l'hôtel de ville à travers les
jardins de l'ancien Grand Séminaire.
La grande affaire est désormais le
succès du Boulevard de la Colonne
que l'on borde d'orgueilleux immeubles et sur lequel on installe la
grande poste en 1898. Le transfert de
l'hôtel-Dieu, de la Charité et de la
Maternité permet l'aménagement de
tout un nouveau quartier bourgeois
autour de la maison Martin au début
du xx- siècle: et les journaux célèbrent à l'envi « cette belle avenue
faite pour le plaisir des yeux comme
pour la rapidité des automobiles »,
et de s'extasier sur cette grande percée, qui aère la ville du théâtre au
champ de Mars.
Les faubourgs stagnent, par
contre, que ce soit le Reclus courtcircuité par le nouveau «pont des
amours », Nezin étouffé par son passage à niveau, la Calamine abandon- .
née aux ouvriers, aux soldats et à la
prostitution. Maché avait espéré un
moment le transfert du marché du
bétail au Covet, mais il se fait au
48
Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de
Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD
Editions Horvath, Roanne, 1982
34 sur 111
Histoire des communes savoyardes
Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey
Chambéry à lafin du XVIIIe siècle (Peintre anonyme - Musée Savoisien) (C liché A. P, lluel-G uill ard)
Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de
La place
de Lans en André
/8/5 par
Nassoti (ClichéA . P, llue l-G uillard)
Michèle BROCARD, Lucien
LAGIER-BRUNO,
PALLUEL-GUILLARD
Editions Horvath, Roanne, 1982
35 sur 111
Histoire des communes savoyardes
Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey
Le chemin de Fer à cheval du Bourget en / 840 (Musée Savoisien) (C liché A.
Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de
Michèle BROCARD, Lucien
André
PALLUEL-GUILLARD
Le LAGIER-BRUNO,
Lac d'Aiguebelette
(Nice
et Savoie) (C liché A. Pallucl -Guillnrd)
Editions Horvath, Roanne, 1982
Palluel-Guill a rd)
36 sur 111
Histoire des communes savoyardes
Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey
La Motte Servolex - Tableau de J. Communal (Cliché A . Palluel -Guillard )
Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de
Saint-Baldoph
- Tableau
L. Laffont (C liché A . Palluel-Guill ard )
Michèle BROCARD, Lucien
LAGIER-BRUNO,
André de
PALLUEL-GUILLARD
Editions Horvath, Roanne, 1982
37 sur 111
Histoire des communes savoyardes
Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey
Façade restaurée d' une maison
moyenageuse de Yenne
Rue Antoine-Laurent (Cliché L. Lag ie r- Bruno)
Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de
Dernier
puisage au puits
séculaire
à Ontex (C liché L. Lag ier-Bruno )
Michèle BROCARD, Lucien
LAGIER-BRUNO,
André
PALLUEL-GUILLARD
Editions Horvath, Roanne, 1982
38 sur 111
Histoire des communes savoyardes
champ de Mars; le trafic vers Bissy
et la Motte utilise maintenant les
nouvelles routes près de l'Albanne et
de l' Hyère et le vieux faubourg
condamné à la prolétarisation s'enfonce dans la misère et le sous-équipement. Le Faubourg Montmélian
avait lui aussi espéré en vain des casernes ou un lycée de filles pour pal li er le déclin où la disparition du
roulage l'avait plongé. Il n'en sortit
qu'au début du XX- siècl e avec la renaissance de l'a utomobile et le rééquipement du quartier à la suite des
laïcisations. Le clos des Capucins démantel é permet la création de l'école
primaire supérieure de filles Oules
Ferry), la liquidation de l'hôpital
Saint-François favorise la création
d'une éco le professionnelle. Le Faubourg a eu des écoles, certes, mais il
n'a pas été question que la bourgeoisie lui concédât un quelconque de
ses étab li ssemen ts, il ne peut, il ne
doit posséder que des créations « populaires ».
Les nouveaux quartiers de ceinture
La grande affaire après 1900, est
l'extension de la ville d 'abord sur les
pentes de Lémen'c, dans l'ancienne
propriété de Savoiroux abandonnée
par les religieuses sacramentin es. Ici
délibérément on choisit un habitat
bourgeois « c'est là que demain se ra
la vie oisive, élégante et riche, qui sera pour Chambéry une inépuisable
source de prospérité », (<< L ' Indi cateur Savoisien, 1905 »), il en est de
même pour Montjay et le Chanay,
alors que la Moutarde et Joppet se
couvrent de pavillons plus modestes,
apanages des nouvelles classes
moyennes, qui vont progressivement
s'imposer.
Bien sûr la plaine humide de
l' Hyère et de l'Albanne se prête
Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey
mieux à l'urbanisation et aux nouveaux équ ipements. C'est en ces
lieux que l'on aménage d'abord tout
un quartier scolaire, à la fois près de
la vi ll e mais auss i dans le calme et
l'isolement près du Verney et du monumental musée-bibliothèque: les
élèves des lycées de garçons et de
filles , de l'écol e normale d' institutrices, les étudiants de l'écol e préparatoire, les gamins des éco les primaires du Verney et de Picardie
<Paul-Bert) pourront ainsi travailler
dans les meilleures conditions selon
les directives de la République et les
souhaits de la municipalité, qui se
préoccupe maintenant des esprits
comme des corps. On transfère audelà tout ce qui encombre et gêne la
viei ll e ville de plus en plus à l'étroit :
de 1980 à 1900, on y installe ains i le
champ de Mars, le marché au bétail
et bientôt les abattoirs. L'urbanisation va se faire ici en fonction de la
gare, qui attire une main-d'œuvre de
.plus en plus nombreuse, d'où le percement de l'actuelle rue Pierre Lanfrey reliant la gare à Maché et aux
nouveaux hôpitaux de Montjay, et la
création du quartier d'Angleterre,
plus en aval de la Leysse près de son
co nfluent avec l'Hyère pour les
'o uvriers de la gare de triage et du dépôt, ensemble mal faroé et sale qui se
voit bientôt qualifié de « village nègre ». L'urbanisation reste d'ailleurs
limitée du fait des limites du cimetière du Paradis, du Champ de Mars,
du Verney et du Clos du Bon Pasteur ; beaucoup d'anarchie aussi, car
ici il ya assez d'es pace pour que chacun fasse selon son désir, beauco up
de variétés aussi bien dans les
constructions que dans les classes sociales. La création de l'église SaintJoseph en 1913 manifeste le développement et finalement la maturité de
tout ce quartier.
49
Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de
Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD
Editions Horvath, Roanne, 1982
39 sur 111
Histoire des communes savoyardes
Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey
Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de
Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD
Editions Horvath, Roanne, 1982
40 sur 111
Histoire des communes savoyardes
C'est dans la plaine que l'o n installe les nouvelles usines , qui exigent
toujours plus de place et que l'on accepte d'autant mieux qu'elles sont
plus éloignées. De l'usine d'aluminium en 1912 jusqu'à l'A llobroge,
Coppelia et Vallin après la première
guerre et RIV à l'aube de la seconde,
Chambéry se donne ainsi son premier quartier industriel moderne.
En 1936, l'opposition des habitants de la Moutarde empêche le
transfert des vieilles priso ns dans ce
quartier et provoque leur éloignement le long de l'Hyère près du nouveau cimetière de Charrière Neuve à
la Folarière décidément vouée à tou s
les rebuts chambériens .
Mais où loger les nouveaux
ouvriers de ces nouvelles usines ? La
réponse est trouvée dès 1930 avec la
création d'une première cité à Bellevue. Les mélanges sociaux de l'habitat traditionnel sont bien loin, Chambéry adopte de plus en plus le cloisonnement de son espace selon ses
fonctions et la classe sociale de ses
habitants.
L'expansion contemporaine
Les nouveaux quartiers anciens
Le bombardement américain du
26 mai 1944 fit 129 morts, 300 blessés
et rasa quelque 300 immeubles avec
un millier de logements. Avec celui
de la gare, le quartier de l'hôtel de
ville fut le plus atteint; là, sur quatre
hectares environ les rues les pl us
chères au cœur des Chambériens furent en une heure un champ de
ruines, la rue de Boigne, le boulevard
de la Colonne, les places du Palais,
de Genève et de l'Hôtel de ville.
La reconstruction dura plus de dix
ans, c'est qu'en plus de la masse à
Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey
édifier (et ce non seu lement pour les
C hamb ériens sinistrés mais aussi
pour beaucoup de propriétaires maurienn ais, qui transférèrent ici leurs
dommages de guerre), il fallut
d'abord s'entendre sur le style et les
modalités de l'opération. Plus du
quart de la vieille vi ll e avait di spa ru ;
l'on refusa de restaurer quoi que ce
fût , l'époque en était au moderne, on
éca rta
certes des remodelages
« osés » qui niaient la rue de Boigne
et qui profitaient de l'occasion pour
bouleverser entièrement le vieux
Chambéry, on refusa aussi des sty les
trop audacieux, des gratte-ciel ou des
façades polychromes pour adopter le
principe de blocs uniformes « à la
romaine» se coupant à angle droit
« exemples de sagesse, de prudence
d'un modernisme infiniment rai so nnable où ne se rencontrent ni une
fantaisie dans l'esthétique ni une innovation dans la technique» (revue
« Bâtir », 1958). On en profita pour
faire disparaître les édifices devenus
inutiles, il ne resta rien des quartiers
détruits dans le paysage comme dans
l' habitat. Dans la foulée de ce remodelage, on se décida aussi à faire disparaître le vieux Maché, démolition
envisagée depuis près d'un siècle du
fait du so us-équ ipement et de la vétusté du quartier. Le Reclus mourait
lui aussi sous la pioche des démolisse urs pour laisser place à l'orgueilleu x gratte-ciel du Centenaire,
« phare de la Savoie française ».
La vieille ville a ll ait -ell e disparaître ? La vogue du modernisme dans
les années 50 et 60 pouvait le faire
crai ndre. La bourgeoisie d'a illeurs,
qui en avait été la principale habi tante, la déserte dorénavant soit pour
les nouveaux blocs, soit pour les co llines environn antes où l'on peut
jouir enfin du soleil et du confort
moderne. Les autres classes sociales
51
Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de
Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD
Editions Horvath, Roanne, 1982
41 sur 111
Histoire des communes savoyardes
Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey
Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de
Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD
Editions Horvath, Roanne, 1982
42 sur 111
Histoire des communes savoyardes
Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey
suivent les mêmes tendances et
s'éloignent à la périphérie, laissant
au centre ville les commerces et les
bureaux traditionnels mais abandonnant les appartements aux travailleurs immigrés de plus en plus nombreux du fait de l'industrialisation.
La ye République réhabilitant l' habitat ancien, les vieux quartiers so nt
classés en « secteur sauvegardé » en
1969, mai s il faudra attendre plusieurs années pour que la vieille ville
renaisse. Places et rues piétonnes, réfection des façades, qui pour la plupart découvrent la peinture et les
couleurs claires, restauration des appartements : tout ceci pose bien sûr
de gros problèmes aussi bien aux entrepreneurs qu' à l'o pinion publique
elle-même. Jusqu 'où doit aller la
« réhabilitation » ? Nettoyer et aérer,
certes, mais faut-i l « cureter » ?
(d'ai lleurs est-ce possible ?), faut-il
ne laisser qu e les façades, tellement
les intérieurs anciens sont difficiles à
traiter ? Dans l'ensemble on resta
prudent dans la concepti on et l'exécution de ces travaux, mais la viei ll e
vi ll e risqu.e toujours en perdant son
âme de perdre so n corps. La place
Saint-Léger, retrouvant sa primauté
médiévale, a remplacé la rue de
Boigne et les Boulevards comme centre de la vie chambéri enne, et la
bourgeoisie réinvestit le centre ville,
la variété sociale y gagne, même si
les équilibres ne so nt pas toujours fa ciles à régler.
Le grand Chambéry
La vieille vi ll e était incapabl e d'assurer l' habitat de la masse de population arrivée ici depui s 1960, aussi les
espaces li bres ne cessent de se réduire dep ui s une génération, provoquant de plus en plus de spécul at ion
et de polémiques. Si Montjay et Lémenc conservent leurs vi ll as bourgeoises, les classes moyen nes s'inté-
La place Saint-léger piétonne
53
Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de
Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD
Editions Horvath, Roanne, 1982
43 sur 111
Histoire des communes savoyardes
ressent aux derniers espaces plats de
la commune: à Mérande, au Paradi s, au Colomb ier et à l'extrémité du
Faubourg Mon tm éli an. Quant aux
éléments populaires, il s se vo ient refoulés dans les années 55-60 dans la
nouve ll e cité du Bioll ay et dans la
décennie suivante dans la Zup de
Chamb éry-le-Haut, tant il se mblait
alors év ident que la ségrégation sociale se mesurait à l'éloignement du
centre ville.
Dans l'ensemble, on adopta beaucoup dans ces nouvell es zo nes un
style linéaire de constructio n. Face
aux vieux quartiers toujours pri vés
d'air et de so leil, on se prétend ici
moderne et populaire, mais non sans
complexe tant il fut difficile de donner vie à des ensembl es sans passé et
sans relation faci le avec le centre. Cités dortoirs, elles mirent plus de 10
ans à se donner un embryon d'âme et
des équi pements suffisants sa ns pour
Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey
autant faire revenir l'opinion sur les
ségrégations originelles.
Progressive ment ainsi, l'agglomération occupe toute la cluse, non seulement dans les parties basses, mais
de plus en plus su r les pentes et les
hauteurs, les premières étant réservées aux zo nes industrielles et artisanales et les secondes aux habitations.
L'improvisation de cette extension se
marque a ussi bien dans la vari été et
l'incohérence des styles de co nstruction, que dans l'absence de vues à
long term e en particu lier pour les
transports ou pour les rése rves foncières. La co lline des Monts a été
épargn ée de la vague immobilière
par so n champ de manœ uvres militaires, tout co mme le va llon des
Charmettes du fait de so n so uvenir
rousseauiste, mais jusqu'à quand ?
Cha mbéry est-ell e saturée? La Zup
doit-elle s'étendre encore se lon le
schéma initial, qui avait été limité
par la suite ?
La ciré du Bio/lay en consrrucrion vers /959
54
Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de
Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD
Editions Horvath, Roanne, 1982
44 sur 111
Histoire des communes savoyardes
Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey
Chambéry- Ie- Vieux peut-il enco re
conserver so n aspect rural et Bissy
son style pav illonn a ire? L'avenir de
C hambéry est moins en elle-même
dorénavant qu e dans so n agglomérati on.
Le nouveau Chambéry
A la fin du xx- siècle, Chambéry
se doit de faire un examen de
co nscie nce et de croissance. Certes
l'exiguïté de la cluse, et la diffi culté
du site n'ont jamais autant été ressenties qu 'aujourd 'hui . Les problèmes de transit et de circulation
qui ici ont été permanents, se renouve ll ent à chaque génération au moment même où l'on croit que les soluti ons traditionnelles ont enfin tout
résolu. Le passage autorouti er de
Chambéry a mis plus de 10 ans pour
être réglé, et l'on ne sa it s' il se ra suffisant, faut-il déjà en envisager un se-
cond avec une percée souterraine de
la colline de Bel levue ? ou avec une
nouvelle autoroute par le défilé de
Saint-Saturnin? De toutes les façons, le transit assuré, il faut encore
faciliter la circulation interne de la
vi ll e avec les prob lèmes inhérents, en
particulier ce lui du station nement,
même s' il a fallu attend re les ann ées
80 pour que l'on se dote de transports en commun .
La viei ll e vill e ne sert plus seu lement de centre à Chambéry, mais à
toute l'agglomération, est-e ll e alors
suffi san te pour cette nouvelle fonction ? D'où l'importance du quartier
des casernes au bas de la Ca lam in e.
La municipalité s' est enfin rendue
maîtresse des bâtiments lib érés par
l'arm ée « ex il ée » à Barby, mais pour
en faire quoi ? Un quartier autonome ou un ensemb le récupérant les
surplu s des quart iers voisins ou leurs
insuffisances?
La sa uvegarde de la viei ll e vi ll e a
Chambéry -le h.âu.1
55
Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de
Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD
Editions Horvath, Roanne, 1982
45 sur 111
Histoire des communes savoyardes
aservi d'alibi pou r perm ettre la disp
pées
mbl
ense
et
s
rition des qua rtier
riph ériq ues d'a utrefois. Il ne reste
des
rien ainsi des anci ens cou ven ts
rien
que
XVIe et XVIIe siècles et pres
des
des anci enn es gran des prop riété s
c
Blan
n
baro
du
env iron s, le châ teau
,
enir
souv
un
qu'
plus
t
au C han ey n'es
le
y,
Biss
à
rral
-Ba
Mas
le
me
tout com
e
reste est défi guré ou en voie de l'êtr
mode
par les agre ssio ns du mon
ifié
dern e. Cha mbé ry a trop sacr
ne
de
tion
gna
rési
sa
d'un e part à
toure
cent
me
com
er
pos
s'im
pou voir
é
risti que et d'au tre part à la prox imit
ne
r
pou
de la natu re mon tagn arde
papas réfléchir mai nten ant sur son
ds
gran
de
peu
trop
a
trim oine . Elle
rder
ega
sauv
pas
ne
r
pou
nts
mon ume
Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey
uer
so n aspe ct gén éral et ne pas risq
ville
une
de dev enir progressivem ent
ano nym e et sans âme.
On avait, dan s les ann ées 50 et 60,
000
envisagé un Cha mbé ry de 100
irait
tion
urba
con
la
t
don
ts,
hab itan
par
d'Aix- Ies-Bain s à Mon tmé lian et
le
nob
Gre
de
là se ratta cher ait à celle
siltout
le
n,
uda
bord ant le Gré siva
de
lonn é d'a utor oute s, cou ronn é
ce
et
,
ries
dust
d'in
turé
cein
gratte-ciel,
se
oie
Sav
une
d'
nt
ime
détr
au
e
mêm
illuCes
.
dése rtifi ant de plus en plus
70
sion s son t pass ées et les ann ées
de
et
isme
réal
de
ont ram ené plus
béry
mes ure. Il n'em pêc he que C ham
fonc
ses
de
t
refle
le
que
être
ne peu t
terson
tions et de ses rela tion s avec
roir et ses voisines.
ie » /86 /)
Le château des ducs ( << Nice et Savo
56 de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de
Sous la direction
Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD
Editions Horvath, Roanne, 1982
46 sur 111
Histoire des communes savoyardes
Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey
I, MA IS
CH AM BÉ RY , CA PIT AL E ... OU
Des Comtes et des Ducs,
une Cap itale Politiqu e
S' il Y a une prétenti on qui trav erse
loles siècles et qui fa it l' una ni mité
à
béry
ham
C
de
e
ll
ce
ca le, c'es t bien
que
t
n'es
ce
fait
De
.
tale
être capi
e
dan s la deu xièm e moi tié du XIII
s'ins
oie
Sav
sièc le qu e les Co mte s de
que
ent
m
vrai
t
tall ent ici et ce n'es
rra
ce nt ans plus tard qu e la vi ll e pou
le.
ta
capi
leur
re
end
prét
vraim ent se
ns
mai
aux
e
pass
in
Tur
que
r
A note
ans
te
uan
des Sav oie en 1280, cinq
mai s
aprè s l'ach at de Cha mbé ry
ea u.
chât
du
i
celu
nt
quin ze a ns ava
Amé
,
Vert
te
Com
le
ut
o
Ce fut surt
se le
éres
s'int
qui
),
3-83
(134
VI
dée
seur s
pl us à Cha mb éry. Ses préd éces
leur
1339
en
y avai ent déjà fixé
e,
tiqu
poli
ne
orga
t,
con se il rési den
ouregr
qui
re
ciai
judi
et
ad mini stra tif
cispait cha qu e jour chez les Fran
qua
s
leur
et
bres
mem
sept
ses
s
ca in
alle
inst
y
tre secr étai res. Am édée VI
et
en 1351 sa Cha mbr e des Com ptes
ant,
énav
Dor
le.
éra
sa trés orer ie gén
re
c'es t à C ham béry qu e l'on con cent
les
le
emb
rass
l'on
que
ôts,
imp
les
s Gétrou pes, qu e l'on réun it les Etat
beau
e
ul
circ
ce
néra ux. Cer tes le Prin
ont,
Piém
le
et
ey
co up entr e le Bug
té de
entr e le Pays de Vau d et le Com
ou
rget
Bou
du
ces
den
rési
ses
Nic e, et
le
que
de Rip aill e so nt plus agré ab les
mais
ry,
mbé
so mbr e châ teau de C ha
istra néa nm oins le cent re de l'ad min
ici,
eure
dem
nt
eme
rn
tion et du go uve
et
ecy
Ann
in,
Tur
t
entô
bi
mêm e si
des
et
ls
sei
con
des
nt
sède
pos
Bou rg
de la
inst ituti ons les affr anc hiss ant
tute lle cha mbé rien ne.
r?
Et que dire des fastes de la Cou
et
ces
prin
de
ts
ssan
ince
des cort èges
x
breu
nom
plus
tant
d'au
ats
prél
de
sque l'on est sur la gran de rout e tran
satie
oma
dipl
la
alpi ne et que
ati le
voy arde très active et très vers
ns?
ctio
dire
les
es
tout
s
dan
s'ex erce
avec
béry
On se rapp elle à C ham
du
émo tion les tour nois fast ueux
à
ent
situ
s
cun
d'au
Com te Vert (que
sons
ptio
réce
les
.>,
..
e
ress
Bou rg-e n-B
,
lenn elle s du Roi de Fran ce en 1271
plus
ans
x
du Pap e Gré goir e X deu
retard . L'E mpe reur C harl es IV y est
VI
édée
Am
stir
inve
r
çu en 1365 pou
l.
éria
Imp
ire
Vica
de
s
tion
des fonc
ses
et
te
Com
le
t,
que
ban
le
ant
Dur
les
baro ns à cheval « port oye nt
e
entr
et
«
»...
le
vian des par la sa
fonune
it
avo
y
és
autr es si ngu larit
ne
tain e de vin blan c et clai ret qui
er
ject
de
jour
ny
t,
nuic
ny
oit
cess
la
re
enco
re
vin ... ». Plus extr aord inai
nd
smo
Sigi
ur
réce ptio n de l'Em pere
l'ocen 141 6; pou r le rem ercier de
ne
VIII
édée
Am
,
al
duc
troi du titre
ats.
duc
0
600
de
ns
moi
pas
dép ensa
les
A l'oc casi on du festin , aprè s
des
eu
mili
vian des doré es servies au
de
ban nièr es, et dan s la trad ition
du
ps
tem
du
qui
le,
Jean Bellevil
gâCo mte Vert avai t créé le fameux
el
Mor
r
ssie
pâti
le
oie,
Sav
de
teau
le
ssa
colo
ie
con fect ionn a une pâti sser
des
f
relie
en
e
repr ésen tant la cart
Etats du nou veau Duc .
Mais com bien d'a utres céré mon ies
des
avec les en trées so lennell es
celu i
me
(com
es
tèm
bap
les
ces!
Prin
édée
d'A méd ée VI en 1334 ou d' Am
e
mm
(co
s
iage
mar
VIII en 13 84) ! les
ce
Prin
du
et
pre
Chy
de
celui d' Ann e
en
Louis en 1434 où l'on se surp assa
ain»
ts
eme
entr
«
et
nts
eme
rtiss
dive
usesi qu'e n mus ique « tant mél odie
»
oyr
à
se
cho
e
men t que c'éta it bell
e
cess
Prin
la
de
i
ou en 1452 celu
57
Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de
Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD
Editions Horvath, Roanne, 1982
47 sur 111
Histoire des communes savoyardes
Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey
Charlotte avec le Dauphin Louis - le
futur Louis XI) !
Les historiens sont partagés sur
l'attitude des Chambérie ns face à la
Cour, les uns insistant sur la misère
provoquée par le gaspillage princier
et les rudes obligations pour les autorités loca les, les autres montrant
combien l'artisanat de lu xe a tiré
profit de tout ceci et combien la
bourgeoisie locale a su faire payer en
titres, privilèges et hautes fonctions,
les intelligences, compétences et argen t qu'elle fournit aux Comtes et
aux Ducs. C'est à Chambéry d'ailleurs qu'en cas de crise grave, la Famille de Savoie se regroupait derrière les murailles « impren ab les »
du châtea u et la fidélité des habitants
de leur « bonne ville ».
Une Capitale religieuse
Le Saint Suaire
L'insigne reliqu e, ramenée de
Co nstantinople en 1204, avait été
achetée par le Duc Louis à la franccomtoise Marguerite de Charny de
passage à Chambéry; ne disait-on
pas que le convoi de cette dernière
n'avait p·as voulu quiter la ville, signe
de la volonté divine d'y voir laisser le
précieux linceul du C hri st? Pendant
lon gtemps, la famille ducale l'ava itemme né dans tou s ses déplacements,
mais en 1502 il est enfin définitivement installé dans la grande (et dorénavant Sainte) Chapelle du château
où quelques années plus tard il reçoit
sur autorisation et recommandation
pontificale un culte public, qui
connaît un grand succès. Marguerite
d'Autriche offre une magnifique
chasse d'argent massif; un chap itre
de douze chanoines dirigés par un
doyen mitré en assure la garde et
l'o ffre à la vénération des fidèles ,
parmi eux la Reine de France Anne
Gmvure dll XVI" siècle
slir le Sail1l-Sliaire
de Bretagne en 1511 avec so n ge ndre
François d'A ngoulême (petit-f~ls du
Duc Philibert), qui devenu roi, revient ici en 1516 avec son épouse
C laude de France et le Connétable
de Boùrbon.
Même si depuis la fin du XVe siècle les ducs se mblent préférer Bourg
à Chambéry, jamais la vie du château ne fut auss i fastueuse qu 'à cette
épo qu e; le jeune Bayard ne pouvait,
comme pag~ , être à meilleure éco le.
Le grand vide, Chambéry dépossédée
Les guerres d' Italie avaient révélé
la volonté de conquête des rois de
France au moment même où les ducs
s'a ffaibli ssa ient par d'incessantes
querelles intestines et s'épuisaient en
entreprises prestigieuses mais stériles. D'où la grande crise de la premi ère moitié du XVI e siècle, pendant
58
Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de
Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD
Editions Horvath, Roanne, 1982
48 sur 111
Histoire des communes savoyardes
laqu ell e les Savo ie perdent to utes
leurs poss ess io ns occid enta les : Genève se donn e à la Réform e, les Bernois et les Va laisan s s'empa rent de la
Sui sse Rom and e et les França is occupent C hambéry et la Savo ie jusqu 'e n 1559. Il s ne les rend ent d'a illeurs qu e de fo rt ma uva ise grâce,
aya nt bi en pensé les conse rve r définitivement. Cette grand e épreuve
passée, sitôt a près le traité de Câtea u-Ca mbrés is, le jeun e du c Emm anu el-Philibert va en tirer la co nclusion, soit l'impossibilité d' un e politiqu e valable du côté de la Fra nce,
d' où l'installation définitive de la
Co ur et des organi smes de go uve rnement à Turin en 1562 à l' ab ri des
Alpes. Déso rma is les du cs vo nt to urner leur ambition ve rs l'Ita li e et jo uer
le rôle de po rti er des Alpes, en se
tourna nt vers les Ha bsbourg et les
Bourbon au gré de leurs intérêts,
« conservant en deçà des Alpes,
conquérant au del à ». Da ns ces
conditions Chambéry perdait toute
utilité. En 1536 le du c C ha rl es avait
emporté le Saint Suaire da ns sa fuite
devant les Français. Après 28 ans
d'a bsence on l'a vait juste ra mené au
château, qua nd en 1578 Emma nu elPhilibert le fa it tra nsférer provisoirement à Turin pour épa rgner un pèlerin age pénible a u vieu x et vénéra bl e
archevêque
de
Milan : (Saint)
C harles Borromée. Cette relique n'en
es t ja mais revenu e au grand désespoir des C ha mbériens, qui ne se remirent pas de tant d e dés in vo lture;
le bâton de Sa int-J os eph, dont la
Sainte C ha pell e devait se contenter
do rén ava nt, ne pouvait guère compenser une perte auss i irrémédi abl e.
C hambéry n'est plu s qu ' un ce ntre
loca l perpétuell ement men acé par
des ennemi s d'a uta nt plu s pui ssants
qu e les fro nti ères sont proches, auss i
bi en celle du Dauphiné qu e cell e du
Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey
Rh ô ne a près la cessio n à la France
en 1600 de la Bresse et du Bugey. A
Turin o n s'est vite persuadé de l' imposs ibilité de défendre la Savoie et
surto ut so n ava nt-pays; à quoi bon
fo rtifi er C hambéry? Même a près la
di spariti o n de la forteresse de Mo ntméli a n en 1705 o n n'e n fit ri en, refusa nt même l'impl ant ati o n ici d' un e
fo rce arm ée suffisa nte. En cas de
guerre, on pré fère recul er deva nt
celte « pui ssance grimpa nt e » q u'est
la France (Jose ph de Ma istre) et défendre effi cace ment les co ls. D'ail leurs si la fid élité des Savoya rd s es t
touj o urs va ntée, il se mbl e qu 'à Turin
o n ne se so it jamais fait bea uco up
d' illusio n sur leur ca pacité de résistance; bien au con trai re, o n s'y énerva de plu s en plus face à l'o pportuni sme de ce ux, qu i étaient po urtant
les « premi ers suj ets de Sa Majesté »,
qu e ce fû t en 1600- 1601 , en
163 0- 163 1, en 1690-1 696, en 170317 13, en 1742- 1749. La Co ur ne revi ent à C ha mbéry q ue lorsqu ' il est
nécessa ire de n att er la France, d'y
chercher des so uve ni rs o u des pri ncesses.
A chaqu e fois, la vieill e capita le
ému e cro it ret ro uve r les fastes d'antan, et curi euse ment li e ai nsi sa prospérité à l'a ll ia nce frança ise, d'où la
po pul arité de la fill e d' Henri IV,
Chri stine de France, la cé lèbre « Madame Roya le », resta uratri ce du châtea u et de la Sainte Cha pell e. C'est à
Cha mbéry que l'o n marie en gra nde
po mpe, en 1625, le prin ce Thomas de
Savo ie-Ca ri gnan, frère d u d uc Victo r-Amédée 1er, avec Ma ri e de Bourbo n-So isso ns. En 1663 c'est au to ur
du jeun e d uc C ha rl es-E mm an uel Il
avec Franço ise de France, sœ ur de la
G rand e- Mademoise ll e et co usine de
Lo ui s X IV, no uveaux fas tes en 1684
avec les noces de Victo r-Amédée 1l,
âgé de 22 ans, et d'A nn e-Marie d'Or59
Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de
Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD
Editions Horvath, Roanne, 1982
49 sur 111
Histoire des communes savoyardes
Recollstruction de laj'açade
de la Saillie-Chapelle
détruite par lefeu depu is /532
léa ns, la ni èce du Ro i So leil , qui en
ava it to ut juste quin ze. La se n e
co ntinu e a u XV II le siècl e avec
J' uni o n de C ha rl es-E mm a nu el III et
d'Elisab e th de Lo rrain e en 1737 et
s'achève avec ce ll e d u ma lingre
C harles-E m ma nu el (IV) et de la
plan tu re use C lotil de d e Fra nce, propre sœur de Lo uis XV I, e n 1775.
Tous ces fa stes ne so nt qu e passa ge rs, sitô t la Co ur pa rti e avec ses tréso rs (car o n ne laisse rie n ici), sitôt
les déco rs rent rés ou démo nt és (ca r
o n ne co nstruit plu s ri en e n « dur •• ),
C ha mbé ry se re trouve se ul e avec
ell e- même, avec sa médioc rit é, avec
son a mertu me.
Du Sénat et de quelques autres
Institutions
En 1720 le roi Victor-A médée II
suppri ma bru tale me nt la vé néra bl e
Chamb re des Compt es et J'a uto nomie adm ini strat ive et fina ncière de la
Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey
Savo ie; il ne resta ici qu e le Sé na t,
re mo nta nt a u co nse il rés id e nt du
X IVe siècl e, ma is d o nt la vé rita bl e
naissa nce date d ' un e initi a ti ve de
Fra nçois le, de 1536. « Ce qui fit la
fo rce du Sénat d e Savoi e, c'es t qu ' il
sut to uj ours être de son épo qu e et la
deva nça qu elqu efois; ce fut a uss i le
petit nombre de ses me mbres, qui
pe rmit ra re me nt d'y adm ettre des sujets in ca pabl es» Œurni er 1864).
Cour modes te e n effet qui n'es t co mposée qu e d e de ux pui s de tro is
C ha mbres avec t ro is prés id e nts et 16
séna te urs, to us ma l install és da ns le
co uve nt d es Do mini ca in s, co ur prestigie use ce pend a nt pa r la qu a lité d e
bien de ses membr es, a in si l' illu stre
prési d ent Fav re, a mi de Sa int -Fra nço is de Sa les et père de l'é rud it Va uge las, mais au ss i juriste con sciencie ux, ch a mpi o n de J' inte rpréta ti o n
rati o nell e des tex tes, « le Luth er de
la scie nce léga le» Œurni e r) et co mbi e n d'a utres encore 1
Le Séna t ne se vo ul a it pas se ul eme nt.être un e ha ute cha mbre de justi ce mais a uss i le ga rdi e n de la tra di tio n et de l'ordre mora l, co mpétent
po ur to ut ce qui rega rd a it l'o rdre pu bli c, les dro its du Du ché, les mœ urs
et la religio n, n' hés ita nt pas à e n remo ntrer a u du c, a u pape et a ux évêq ues (il est à re ma rqu er néa nm o in s
qu e le go uve rn e ment turin o is accepta nt d e m ' ns e n mo in s les criti q ues,
le Sénat dut se ca nton ne r, d ès le
XVII le siècle, da ns ses fo nctio ns judi cia ires, tout a u plu s lui la issa-t'o n
la sa nté publi q ue, la po li ce rurale et
religieu se).
Face à ce po uvo ir régi onal, le go uve rn eur était le re prése nta nt direct
du so uve ra in d o nt il occupa it le châtea u et qu i fut aidé, dès la fin du
XV W sièc le , pa r un intenda nt généra I. Ce derni e r était le maître direct
de l'admin istratio n du du ché, sup er-
60
Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de
Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD
Editions Horvath, Roanne, 1982
50 sur 111
Histoire des communes savoyardes
visant les intenda nts locaux du Chablais, du Faucign y, de Tarenta ise, de
Maurie nne et de Genevo is, lui-mêm e
assuran t les fonctio ns d ' intenda nt de
la provinc e de Chamb éry ou Savoiepropre.
Depuis des siècles, Chamb éry dépendait de l'évêqu e de Grenob le, luimême doyen de Saint-A ndré, situation humilia nte pour les Savoya rds
mais fort utile au Roi de France, qui
avait réussi à mainten ir le statu-qu o
lors des « représe ntation s » des ducs,
aussi bien en 1474 qu 'e n 1515. En
1775 enfin, l'a lliance franco- sarde
permett ait la réalisat ion du vieux
rêve de l'érectio n d'un évêché chambérien. Mais il n'en fallut pas moins
de cinq ans pour régler le contentieux avec Grenob le et Belley, pour
fixer les limites du nouvea u diocèse ,
pour assurer les nouvell es institutions (le nouvel évêque se fixant chez
les Francis cains transfér és , malgré
eux, dans le couven t des Jésuites désaffecté depuis l'expuls ion de ceux-ci
en 1773, l'église Saint-F rançois - la
plus vaste de Chamb éry - devena nt
Ca thédral e et abritan t dorénav ant
l'ancien et vénérab le chapitr e de la
Sainte C hapelle ).
Les aléas des XIX' et XX, siècles
La Révolu tion balaya tout ceci.
Ce rtes, Chamb éry put rester chefli eu de départe ment , mais il n'était
plus questio n de rappele r les privilèges d 'a ntan; d 'ailleurs le « MontBlanc» était dépouil l é en 1799 de
ses districts du Nord a u profit du
nouvea u départe ment du Léman
créé autour de Genève . Annecy avait
obtenu que l'uniqu e évêque constitu tionnel lai ssé à la Savoie s ïn sta ll ât
chez elle.
Cha mbéry prit sa revanch e lors du
Co ncordat et récupér a l'évêché . en
180 1 avec le patrona ge de Saint-
Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey
Françoi s de Sales (ce qui permit à la
cathédr a le de conserv er son appella tion traditio nnelle, tout en change ant
de Saint Patron) . Mais le ce ntra li sme
napo léoni en mettait le « Léman »
. sous l'innuen ce juridiqu e de Lyon et
le « Mont-B lanc» so us celle de Grenoble qui ava it le Lycée, l'Acadé mie,
les Faculté s, la Cour Impérial e d 'A ppel , le Tribuna l de Comme rce, la
Trésore rie Gén~rale, l'Enregi strement, la Conser vation des Forêts et
la Divisio n Militair e.
L'on compre nd l'enthou siasme
pour la Restaur ation , qui ramène à
Cha mbéry le Sénat, le gouvern eur et
l'intend ant général . En 1817 d'ailleurs, honneu r suprêm e, le diocèse
était détaché de la circons cription
métropo litaine de Lyon et élevé lui même à la dignité d'archid iocèse
avec juridict ion sur le diocèse
d'Aoste et bientôt des autres diocèse s
savoyar ds. Hélas, les rois de Piémont-S ardaign e sont presque aussi
autorita ires que Bonapa rte et les
princip ales initi atives apparti e nnent
toujour s à Turin; d'ailleu rs en 1843,
Annecy obtient une intenda nce générale l'affran chissan t complè tement
de Chamb éry. Quant au sénat, il est
remplac é en 1848 par une cour d 'a ppel et le nouvea u palais de justice,
octroyé in-extré mis à cette dernièr e
par le gouvern ement piémon tais, ne
pouvait lui faire oublier la disparition de ses droits politiqu es et moraux. Cepend ant Chamb éry se dédomma geait de son déclin par l'o rgueil d'être le berceau de la dynastie .
De 18 16 à 1857 ne reçut-el le pas
onze visites royales, ayant surtout les
faveurs de Charles -Félix (1821-1831)
et de Cha rl es-Albe rt (\ 831-1849) ?
d 'où l'inquié tude devant les ambition s ita li ennes des Savoie et le désarroi lorsqu 'ils sacrifiè rent le Duché
à la satisfac tion de celles-ci.
61
Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de
Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD
Editions Horvath, Roanne, 1982
51 sur 111
Histoire des communes savoyardes
Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey
Le palais de Juslice au lendemain de sa cOl1sIrucliol1 en
Une nouvelle foi s en 1860 Chambéry redevenait un simple chef-lieu
de département. Assujettie à une
centralisa tion poussée, et à une histoire qui lui éta it étrangère, la ville
ne pouvait plus qu'être sur la défensive. Ce rtes Paris lui laiss a sa cour
d'a ppel, un rectorat, un embryon
d 'e nseignement universItaIre avec
une « école préparatoire à l'enseignement supérieur des sciences et des
lettres». Hélas! le rectorat est victime des économ ies budgétaires au
lende main de la première guerre
mondiale. Quant à la cour d'appel,
périodiquement, elle est menacée de
disparition, n'est-elle pas une des
plus réduites de France avec ses
deux seu ls départements ? Chaque
fois elle est sauvée par l'union des
C hambérien s rassemblés dans la
même émotion et dans le même soin
à faire appliquer le traité d'annexion ,
qui garantit les in stitutions en place
e n 1860, mais jusqu'à quand ?
1860 rCollec' ion Musée Savoisien)
L'école préparatoire est rattachée
à l'université de Grenoble vers 1930,
mais il faut attendre 1960 pour
qu'elle soit transformée en collège
puis en centre universitaire et 1979
pour que l'université de Savoie si attendue depuis le début du XIXe siècle soit enfin créée, tant il semblait
difficilement justifiable à certains esprits jacobins et technocratiques
qu ' il y ait ici une université si petite,
si réduite dans ses moyens et son influence . •
Pouvoir s'imposer ...
Le grand problème de C hambéry
est en effet de dépasse r ses seules références hi storiques pour s'imposer
comme capitale. Administrativement
elle domine so n département, mais
son influence réelle pratique ne dépasse pas Epierre en Maurienne,
Frontenex vers la Tarentaise, et la
62
Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de
Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD
Editions Horvath, Roanne, 1982
52 sur 111
Histoire des communes savoyardes
chaîne du Chat et de l'Epine à
l'Ouest. Le Petit-Bugey est traditionnellement orienté vers Lyon , la Tarentaise n'hésite pas à avoir des relations avec Annecy pour mieux sauvegarder son « originalité », quand aux
Mauriennais ils peuvent facilement
gagner Grenoble et ne s' en privent
pas.
Le sentiment savoyard n'est pas
assez fort pour donner à la province
un centre incontesté. L'essor industriel puis touristique d ' Annecy en a
fait une ville riche, jalouse de sa
puissance. Dès la Révolution, on vit
déjà la capitale du Genevois s'opposer à Chambéry pour devenir le chefli eu du nouveau département. En
1799 même manœuvre pour passer
dans le nouveau département du Léman avec Genève , et · depuis 1815
toujours le même souci de s'affranchir de Chambéry. Chacune jalouse
Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey
l'autre, Annecy prétend à l'égalité
des services avec Chambéry et préfère dépendre des lointaines Grenoble ou Lyon que de sa sœur savoyarde. Rivalités commercia les, industrielles, universitaires, hospitalières, militaires , tout est bon dans
cette ancestrale 1utte de clochers. Il
est bien difficile dans ces conditions
à Chambéry de s'imposer comme
une capitale locale et pour la Savoie
de prendre rang dans le découpage
régional.
Chambéry capitale de la Savoie?
tous
l'admettent historiquement,
mais actuellement faudrait-il encore
que tous les Savoyards le veuillent,
ce qui n'est pas le cas. Elle peut
certes se consoler avec ses directions
régionales des douanes et des chemins de Fer, mais elle fut mieux et
pouvait prétendre mieux.
LES ACTIVITÉS CHAMBÉRIENNES
Chambéry ne peut se comprendre
qu'en fonction de son carrefour. Ici
se croisent deux grandes routes naturelles que les routes antiques et
modernes, les voies ferrées et les
autoroutes suivent et empruntent,
amenant des nots réguliers et importants de voyageurs et de marchandises: l'une Nord-Sud relie Grenoble, Valence et le Midi à Genève, au
Plateau Suisse et à la Rhénanie, tandis que l'a utre fait de Chambéry
l'antichambre du Mont-Cenis pour
le trafic franco-ital ien . Rares sont les
périodes où ces deux routes équivalent en importance, le plus souvent
ce fut la direction Est-Ouest , qui
s' imposa, mais de toutes les façons
ce commerce fit de Chambéry une
place de négoce de premier choix
bien avant Grenoble et Annecy, ses
deux voisines et rivales . Cependant
ce commerce représente finalement
un cadeau empoisonné pour Chambéry qui, toujours trop confiante, découvrit très tard , trop tard même, la
possibi lité de devenir un centre industriel.
Le grand commerce médiéval
Pendant tout le Moyen Age,
C hambéry se fait plus remarquer par
ses péages que par son artisanat. En
1232 ils rapportent la coquette
somme de 400 norins et le commerce
ne fit que progresser par la suite; en
1302 près de 5 000 mulets passent ici
pour le seul commerce du drap entre
63
Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de
Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD
Editions Horvath, Roanne, 1982
53 sur 111
Histoire des communes savoyardes
la France et l'Italie. Les foires de Genève et de Lyon empêchent par leur
proximité que l'on puisse en tenir de
semb lables à Chambéry et celles, signalées au début du XVe siècle, ne
furent guère durables. Néanmoins
l'importance de la communauté juive
(87 feux juifs sur les 400 de la ville en
1411 soit près du quart de la population) atteste ce ll e des activités commerciales et des sociétés de négoce
sont signalées dès le milieu du XVIe
siècle. Certes tout ne fut pas toujours
favorable; la guerre de Cent Ans fut
désastreuse pour les relations francoitaliennes et la persécution, puis l'extermination des Juifs par les princes
jusqu'à leur expulsion générale de
Savoie en 1470 n'arrangèrent rien.
Les guerres d'Italie relancèrent le
commerce, au moment même où le
faste de la cour ducale pouvait faciliter le développement d'un artisan at
de luxe (encore faut-il souligner ici
l'échec du Comte Vert pour créer ici
une tuilerie au milieu du XIVe siècle
et cinquante ans plus tard le même
échec d'Amédée VII pour une fabrique de draps). Les affaires aidant, la
population double de 1430 à 1530,
Chambéry était-elle en passe de devenir une grande place économique?
La crise des XVI' et XVIIe siècles
L'histoire en décida autrement, hélas. Dès la première moitié du XVIe
siècle la conjoncture se renverse. Les
guerres et les occupations françaises
épuisent la ville, les ducs quittent définitivement la Savoie: Chambéry,
réduite au rôle modeste d'une petite
capitale locale, voit la frontière se
rapprocher dangereusement après la
cession de la Bresse et du Bugey à la
France, la privant ainsi d'une bonne
partie de sa zone d'influence. Un
Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey
malheur n'arri va nt jamais seu l, une
série de pestes ravage la vill e, et l'affaiblissement de la Maison de Savoie
aid ant, le grand commerce international se détourne de la région, empruntant surtout le Simplon pour le
plus grand profit de l'écono mie genevoise. Pendant près d'un siècle il
semb le que C hambéry, repliée sur
ell e- même, connaisse la plus tri ste
stagnation, aucun progrès démographique, aucune construction, aucune
activité.
Aux XVIIe et XVIII' siècles,
des voyageurs et des artisans
Le réveil s'amorce avec C harlesEmmanuel " 0638-1675) qui , revenant à l'alliance française, décide de
restaurer le trafic du Mont-Cenis,
dont il entend bien faire profiter les
Savoyards et les C hambériens. Encore fallait-il que ceux-ci sachent
trouver, en eux et hors d'eux, l'argent
et les idées nécessaires, ce qui ne fut
pas le cas. La route d'Italie ramène
aux Echelles (dont le passage est réaménagé en 1670) et en Maurienne le
flot des voyageurs, des pèlerins, des
so ldats et des diplomates, mais aussi
les caravanes de soie, de laine, de
draps et de mercerie. Dès 1633, le
duc « pour chasser les vices que
l'oisiveté pourrait faire glisser dans
le cœur de nos sujets à leur grand
dommage» ava it créé à Cha mbéry
quatre foires franches, qui ne semblent pourtant guère avoir eu de succès. Cependant les messageries se développent et avec elles les relations
régulières dorénavant avec Lyon, Turin et Milan. Hospices et auberges
regorgent de clients, les péages de
Cha mbéry sont parmi les plus fructueux du royaume, la population triple en un siècle.
Enco re une fois la chance passe à
64
Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de
Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD
Editions Horvath, Roanne, 1982
54 sur 111
Histoire des communes savoyardes
côté de la ville. La bourgeoisie locale
préfère les charges judiciaires et la
douce jouissance de ses propriétés
Foncières aux aléas du commerce et
de l'industrie. L'argent Fait d'ailleurs
sing uli èrem ent défaut, mai s l'o n se
contente de peu et l'emprise catholique est trop forte pour que l'on se
risque ici à imiter, même de loin, les
procédés capitalistes et usuraires des
hérétiques genevois. D'ailleurs les
occupations étrangères périodiques
rendent les C hambériens prudents, il
va ut mieux tenir des valeurs et des
emplois sûrs que de tenter des opérations hasardeuses.
« L'introduction de fabriques dans
un pays de fainéants tel que la Savoie n'y peut être établie que par des
gens d'esprit, de grande intelligence,
laborieu x et de grand crédit», note
le Lyonnais Morel en 1701. Dès les
a nnées 1650-1660, souvent sur des
initiatives étrangères, Chambéry se
dote de quelques entreprises de dentelle, de draperies, de moulinage de
la soie. Sept fabriques sont recensées
à la fin du XVIIe siècle, une vi ngtaine cent ans après, des tanneries
surtout (7 en 1759, 10 en 1789) et
bien sû r des manufactures de textil e.
Si l'atelier de soie du comte de Rochefort a écho ué à Nezin et si l' Hô pital Général n'a pas pu profiter du
privilège roya l pour développer son
atelier de moulinage, il n' empêche
que deu x fabriques de gaze paraissent prospérer à la fin de l'Ancien
Régime (celle de Dupuis n'a-t-elle
pas 36 métiers et 120 ouvriers ?), depuis 1785 un Romanais ti ent un atelier de bonneterie. Près de 300 artisa ns, autant d'ouvriers, on est loin
des chiffres de Grenoble, de Lyon,
de Genève, mais l'on paraît s'en sati sfaire.
Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey
Le grand essor du XIX e siècle
La Révolution ne fa cil ita point
l'industrie et le commerce de C hambéry. La guerre arrête les échanges.
Lyon détruit et dévasté d 'un côté,
Turin en pleine crise de l'autre, la
route de la soie était bien compromise. Les nobles avaient Fuit ou
avaient bien d'autres choses à faire ;
quant aux bourgeois ils se lancèrent
plutôt à corps perdu dans la spéculation sur les biens nationaux (ce qui
correspondait à leur atavisme foncier
traditionnel), dans les fournitures alimentaires aux troupes de passage, à
moins qu'ils ne fussent tentés par les
nouvelles administrations, qui comblaient leur formation juridique et
paperassière. Une nouvelle fois les
élites locales refusaient l'orientation
capitaliste pour satisfaire leurs penchants ancestraux. Il n'empêche que
durant toute la première moitié du
XIXe siècle, du Premier Empire à
1860, Chambéry semble prendre une
direction nette et presque décisive
vers l'industri e et cela sous l'influen ce de deux éléments , qui pour
lui être extérieurs n'en sont pas
moins fondamenta ux: le protectionnisme douanier et l'a mélioration des
voies de communication qui ne cessent de renforcer le rôle commercial
de la ville.
Que ce fût le blocus continental ou
le carcan douanier entourant les
Etats Sardes après 18 15, Chambé ry
ne pouvait que s'en satisfaire car il s
ass urèrent a ux industriels locaux le
monopole de la clientèle savoya rde à
l'abri de toute concurrence, ce qui
leur permettait des prix de revient intéressa nts, en restant maîtres du
march é.
6S
Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de
Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD
Editions Horvath, Roanne, 1982
55 sur 111
Histoire des communes savoyardes
!)
Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey
Le carrefour routier
Cette perspective était d 'autant
plus tentante que Chambéry était de
mieux en mieux reliée non seu lement
aux métropo les voisines, mais aussi
avec toute sa région. En 1805,
l'ouverture de la route du Mont-Cenis assure de nouveau à Chambéry et
à la Maurienne le monopole du trafic franco-italien et en particulier du
grand commerce du coton oriental et
ce au détriment des co ls concurrents
du Mont-Genèvre et du Simplon.
C hambéry, aidé par le ministre savoyard Cretet et par les banquiers
lyonnais, l'avait emporté sur Grenoble et sur Genève (qui ne le lui pardonn ère nt pas). En 1812 le percement du tunnel des Echelles facilitait
encore la circulation transalpine.
L'amélioration ne fit que continuer
par la suite. Charles-Félix puis
Charles-Albert ne cessèrent en effet
de renforcer cet axe surtout avec la
construction de 1830 à 1848 d'une
nouvelle vo ie moderne et rectiligne
au-delà de Chambéry, à travers les
marais de Challes puis de l'Isère. Parallèlement on construisit aussi la
route du Col du Chat, qui reliait en fin valab lement le Petit-Bu gey à
Chambéry et l'amélioration de la
route de Genèv.e servit autant Annecy que Chambéry et Grenoble. Avec
un tel réseau, la petite capitale savoyarde devient un grand centre de
transit; en 1811 3 000 voitures de
louage passèrent ici, en 1819 la maison Bonnafous, qui avait le monopole des diligences sur la route de
l'Italie, assura le transport de 2000
personnes, qui firent étape à Chambéry, en 1857 sept maisons prospéraient dans le roulage et le « gros
commerce ».
2) Le carrefour ferroviaire
L'arrivée du chemin de fer ne fit
qu'accentuer cette évolution. Dès
1840 Chambéry s'était dotée d'une
ligne vers le Bourget. Le tout n'alla
l , ',
•
/ . J (II'
f
,':
.. ,'/1
', '
....
,
Le pOnl du Reclus
66
Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de
Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD
Editions Horvath, Roanne, 1982
56 sur 111
Histoire des communes savoyardes
pas loin et après bea ucoup d'hésitations, d'incertitudes et de spécu latio ns, c'est en 1856 que la li gne Victor-Emmanuel, « Aix-Saint-Jean-deMaurienne », donne à la vi lle gare,
train s et cheminots. En 1858 Cham béry était reliée à Culoz et par là à
Paris (court-circuitant la métropole
lyo nnaise), en 1864 à Grenob le, en
1866 à Annecy, en 187 1 à Turin enfin
après le p ercement du tunnel du Fréjus, puis en dernier lieu à Albertvi lle
en 1876. Certes on n'avait pu fa ire
passer ici la vo ie Lyon- Genève, mais
le nouveau réseau se mbl ait ass urer
Chambéry d'un bel avenir (s urtout
pour le commerce transalpin).
3) L 'Industrialisa tion
Dans cette fièvre de transports,
C hambéry améli ore so n potentiel industriel. Le passé et le commerce
aida nt, c'est encore et to uj ours le te xtile qui prédomine, et si Annecy a
choi si le coton, C hambéry reste à la
soie et refu se même, en 18 10, l'implantation de l'Ann écien Duport. La
fabriq ue C hardon langui ssante di sparaît avec l'Empire, mais Dupui s
maintient sa so ierie et la qu a lité de
sa production; l'esso r n'a rri ve ra cependa nt qu'après sa mort avec la reprise de la fabrique par Franklin en
1833. Avec 200 ouvriers, l' usine de
gaze de la Calamin e éta it en 1860 le
principal étab li ssement de Chambéry. On se lança aussi dans la lai ne:
en 1824 Tissot et Curtelin créaient à
Méra nde, une fabrique « de dra ps et
d'étoffes pour gi lets en cachemire et
tartan fabri qu és avec les méti ers à la
Jacqu art ». En 1841 Martin et Chapperon reprirent l'affaire en la reconve rti ssa nt ve rs « la fabrication de
draps grossiers pour impression à
l'u sage des gens à la campagne »,
vendant en Piémont, et pour ce fai re
Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey
n'e mpl oyant pas moins de 80 personnes.
Une autre spécialité chambérie nne
demeurait la tannerie, en 1813 la
ville ne comptait pas moins d'une
vingtain e d'ateliers travaillant les
peaux (sur une centaine au total).
Beaucoup se situ aient dans le BasMaché, en particuli er la vénérable
maiso n Masson, mais c'est bientôt à
la Revériaz, où le nouveau cana l de
l' Hyère attirait les industriels, que
l'on retrouve les deux principales fabriques: la très ancienn e chamoiserie Cha pot (qui travaillait pour la
ganterie et les équipements militaires
vendus en Italie et en Allemagne) et
su rtout l'étab lissement Bal créé en
1837 et transféré de Maché pour un
bel avenir: ici on jouait sur la qualité en ne travai ll ant qu e des peaux de
veau qu 'une quarantaine d'o uvriers
tann ait et corroyait.
Dans la fi èv re du moment, on ne
déd aignait pas de nouvelles producti ons: en 1818 Dupuis-Fils s'éta it
lancé dans la production de papiers
peints ; en 1822 le sieur Gagniè re
fondait à Mérande une fabrique de
savon reprise ensu ite par Forest et
Genoud et comp létée par ces derni ers d' une usin e de bougie à Nezin.
En 1858 25 ouvriers, utilisant « un
moteur hydra uliqu e de la force de
qu atre cheva ux, des générate urs à vapeur, des presses hydrauliques, des
cuves et des chaudières », produisa ient 230 tonnes de bo ugie et 320
tonnes de savon. Mo ins durable
quoiqu e plus prestigieuse sur le moment, la fabriq ue de chapeaux de
paille (d'Ita li e) créée à Montgex en
1823 par MM . Dubois, qui n'empl oya ient pas moins de 500 ouvrières
« âgées de pl us de 10 ans» sans
compter les prisonniers.
Mais on ne serait pas complet
.dans cette description de l'esso r in67
Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de
Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD
Editions Horvath, Roanne, 1982
57 sur 111
Histoire des communes savoyardes
Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey
Le Vermout est une spécialité de Chambéry depuis un siècle et demi.
68
Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de
Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD
Editions Horvath, Roanne, 1982
58 sur 111
Histoire des communes savoyardes
Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey
dustriel de l'é poque, si l'on omettait
les ganteries, les fonderies de cuivre,
les carrières de Lémenc, l'explo itation de lignite de la Croix-Rouge, et
surtout la brasserie Comoz-Perret remontant à 1805 (et produisant annuellement plus de 5000 hl de bière
à la veille de l'a nnexion), les maisons
Chavasse-Dolin, Comoz et Lefèvre
spécialisées depuis 1838 dans le vermouth (Turin n'est pas loin) et dans
les liqueurs (imitation Chartreuse).
La persi stance de beaucoup de petits ateliers ne doit pas faire oublier
les
premières
concentrations
ouvrières et si 9 % de la popu lation
active étaient formés de travailleurs
industriels en 1787, le pourcentage
s'élevait à 12 % dès 1830 et à 18 % en
1858 (1 300 personnes sans compter
les artisans et les patrons).
L' image d' une ville somnolente et
morne au XIXe siècle do it être définitivement écartée; s'il y eût un moment où Chambéry fut vraiment active, ce fut bien à cette période.
La stagnation de la Belle Epoque
L'annexion,
pourtant
follement
populaire, devait compromettre cette
bonne situation industrielle en jetant
les fabriques savoyardes au grand
vent de la concurrence française et
bientôt européenne avec le développement du libre-échangisme. Pendant quelques années on put faire illusion encore, mais il fallut bien se
rendre compte de l'irréversibilité de
la nouvelle conjoncture. On sauva
bien de petits ateliers travaillant
pour la clientèle locale, mais les
vieilles entreprises s'effondrèrent rapidement pour la plus grande joie de
la bourgeoisie locale, grande et petite, qui rassurée sur la stabi lité politique et sociale de Chambéry accepta
de bon cœur ce déclin et la stagnation économique pendant près d'un
demi-siècle.
Ce fut surtout l'i ndustrie textile
qui pâtit le plus de la situation.
Certes sous l'Empire on croit profiter
un moment des fastes parisiens et de
la fabrique lyonnaise ; c'est ainsi que
se crée en 1862 une usine de tissage
de taffetas à la Boisse avec 50
ouvrières, pourtant elle meurt vingt
ans plus tard; la fabrique de la Calamine résiste mais avec seulement 77
La brasserie larcin. à la fin. du Xlxe siècle (Collec lion M usée Savoisien)
69
Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de
Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD
Editions Horvath, Roanne, 1982
59 sur 111
Histoire des communes savoyardes
ouvrières en 1863 et 18 en 188 1 pou r
s'éte indre définitivement en 1912 ; la
fabrique de drap de Mérande avait
quant à ell e d isparu dès 1874.
La métallurgie n'avait pas mieux
rés isté: deux usines de fonte moul ée
succombent en 1866-71.
En 189 1 tou t j uste un cinq ui ème
de la population active chambérienne trava ill e dans le secteur industriel en y comptant enco re un lot
d'artisans; on est loin des 30 % de
1858 et surtout des 46 % d'Annecy
dont l'ava nce ne cesse de croître, et
ce sous le regard indifférent des
a utorités et des élu s cha mbériens.
Il faut cependant nuancer ce déclin ; quelques branches industrielles
se maintienne nt parfois avec éclat.
Le bâtiment tout d'a bord qui emploie sous la houlette d' un e douza in e
d'entrepreneurs, tous d'origine piémontaise, près de la mo iti é d e la population ouvrière locale. C'est qu e
l'on construit beaucoup à l'époq ue et
pas seu leme nt à C hambéry et quand
le bâtiment va, tou t va, du moi ns le
cro it-on. C hambéry qui n'ava it jusqu'alors que quelques fours à cha ux
à Lemenc, se dote vers 1870 d 'un e
usine de cim e nt à La Revéri az so us
l'impulsio n de l'a ncien minotier C hiron , qui va progressiveme nt s' imposer à toute la régio n, de Vimines à
Montagno le. Les onze ta nneries
c hamb ériennes se portent bien a ussi,
leur effectif triple en tre nte a ns et la
maison Bal, qui voisine Ch iro n, avec
164 ouvriers en 189 1, représente la
principale fabrique de la vi ll e, ayant
parfaitement su s'imposer sur le marché national et même étra nger. L' im primerie auss i prospère avec une
centa in e d'o uvriers tout co mm e l'industrie alimentaire : quarante e ntreprises font de C ha mbéry une cap itale régionale pour les pâ tes, les liqueu rs, la bière; six moulins tour-
Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey
AU FIDÈLE BERGER
MAR CHA NDSUCC E SSEUR
lB , R. ue des P o r t i q u e s , 15
C HAM BE R Y
B O NB O :-1S r lH }
( H 0(' 0 1. ,\ T
G LAOE S
Pât i sserie fine
1-
:x
p/(:C CS mO ll lées
1 Il 1 \ 1 1 -, ....
Publicité.fïl1 XIX" siècle
ne nt à pl ein sur le ca na l d e Méra nde,
de ux sur ce lui de l' Hyère .
C ha mb éry reste fondamentalement un e vil le de transport et de
comme rce. La ga re occupe 6 % des
actifs a u début de siècl e, ma is le négoce près de 50 %. Le d ésencl avement routioc des Bauges et de la
C hartreu se, la li gne ferroviaire de
l'E pin e, tout acce ntue le rôle de
C hambéry comme marché local. Le
réseau bancaire s'affe rmit, six banques (3 seulement en 1850) drainent
les capita ux locau x mais sans chercher à les investir sur pl ace, tout
co mme le marché chambérien draine
les productions m a raîchères de la région, sans chercher à se procurer
l'équipement et les fournitures nécessai res.
70
Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de
Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD
Editions Horvath, Roanne, 1982
60 sur 111
Histoire des communes savoyardes
Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey
"Hl. - C H A~fBE R Y. - La G:1TC
La gare de Chambél)' au début du XX siècle
Le Réveil du XX, Siècle
Ce n'est qu'à la vei ll e de la Première Guerre que deux éléments
viennent définitivement changer le
climat économique chambérien. En
1912 le Groupe Français de l'Aluminium, consortium regroupant six sociétés, décide, sous l'impu lsion de la
municipalité sortie enfin de sa torpeur, d'établir sur l'ancien Champ de
Mars une usine moderne produisant
des plaques et des fils d'aluminium
car Cha mb éry offre le double avantage d'une gare facilement accessible
et de la proximité de la houille
blanche qui, depuis vingt ans déjà, a
réveillé les grandes va ll ées voisines.
En 1913 enfin, trois petites banques
loca les s' uni ssent pour former la
Banque de Savoie. Ce rtes le nouvel
établissement n'a rien à voir avec le
premier essai d'une Banque de Savoie disparue en 1864, victime de la
crise industrielle et de la concurrence
(Cliche Mu sée Sa vo isien)
entre Annecy et Chambéry; il s'agit
maintenant d' une initiative purement
chambérienne et d'une réelle ambition économique à la différence des
vi ll es vo isin es .
En dépit du marasme de la guerre,
Chambéry entre donc d'une manière
décisive dans la vie moderne. Les anciennes « spécialités » demeurent et
même se renforcent: les choco lats
Coppelia, les quenelles Burne, les salaisons Lacroix accroissent les productions alim enta ires loca les. Le
cuir, l'imprimerie, le bâtiment prospèrent (la cimenterie Chiron fait travai ll er près de 100 personnes en
1930). Le textile refait son apparition
avec la confection qui emplo ie, dans
trois ateliers, 420 ouvrières en 1939,
soit six fois plus qu'en 1914 (Chappaz s'est monté en 1923 et Pilotaz en
1932). Le bois, les chaussures (Vallin), la mécanique (Haulotte, Akros)
sont tout aussi prometteurs. Bien entendu l'usine d'aluminium demeure
en tête avec 150 ouvriers, augme ntée
71
Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de
Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD
Editions Horvath, Roanne, 1982
61 sur 111
...
Histoire des
.:~.. ,~ ..communes savoyardes
;.~
~ . b,i<:!1lôt''t!u Centre de Recher che Mé·· ··t·aIlui-gique de Péchiney transfér é ici
depuis Saint-J ean-de- Maurie nne.
Est-ce enfin pour Chamb éry le
« décolla ge»
économ ique?
On
aurait pu le croire avant la crise de
1932 qui compro met l'expan sion: en
1939 Chamb éry compte 2000
ouvrier s, soit le double de l'effecti f
de 1914, mais on est en deçà des
2 400 de 1930. La tension entre la
France et l'Italie fasciste provoq ue
les inquiét udes des industr iels;
l' usine d'alumi nium ne reçoit pas les
agrandi ssemen ts prévus qui s'installent finalement... à Issoire ; on avait
organis é, pour accélér er l'expan sion,
l'établis sement à La Boisse d' une filiale de FIAT, RIV, spécialisée dans
les roulem ents à bille, création éphémère qui laissa derrière elle beaucoup de décepti ons et d'amert ume.
Cepend ant on voyait Annecy
mainten ir son expans ion mais l'o n
Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey
ne voulait pas désesp érer; Chamb éry avait peut-êtr e des chances touristiques entre Aix et Cha lles. Le commerce continu ait à prospér er, la création de la puissan te société d'épice rie
en gros de l'A llobroge mainten ait le
rang de la ville et depuis 1922 la
foire d'autom ne attirait de plus en
plus de monde : rurale et dispers ée
au départ, elle s'était peu à peu
concen trée autour de la caserne C urial, se voulant de plus en plus le rendez-vous et la façade de toute l'activité économ ique du départe ment.
N'y avait-on pas vu en 1930 près de
six cents exposan ts et plus de
120000 visiteu rs? On restait donc
optimis te et faute de devenir une
grande ville industri elle on se vantait
finalem ent d' une expans ion « équilibrée » en bonne relation avec sa région, chercha nt plus le qualita tif que
le quantit atif.
Une des premièr es «Etoiles des Alpes » (PholO Soc. « L·allobroge»)
72
Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de
Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD
Editions Horvath, Roanne, 1982
62 sur 111
Histoire des communes savoyardes
L'expansion contemporaine
L' histoire en décida a utrement.
Une nouvelle fois , la deuxième
guerre terminée, J'expansion et les
espo irs reprennent. La reconstruction procure la relance des travaux
publics et des cimenteries et J'assurance revient avec la création à La
Boisse, en 1950, d'une usine de verre
texti le dont le Groupe Saint-Gobain
à la recherche d' industrie de pointe
s'approprie J'exclusivité nationale:
1 000 ouvriers dès 1960, 1 200 en
1968, 1 600 en 1973.
Dès 1960, l' annexion de Bissy permet à Chambéry de se doter d'une
zone industri elle dans les marais de
la Leysse; il est en effet de plus en
plus difficile de se contenter des
vieux quartiers industriels le long des
canaux de Mérande et de l'Hyère. Le
développement de C hambéry s' inscrit dans celui de la Savoie, qui se
Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey
tourne alors pleinement ver~~~~~-':­
tourisme, surtout hivernal , et vers
l' industrie énergétique et électrique.
En 1956 la seule ville de C hambéry
compte 4 400 ouvriers, 6 000 en 1962,
7 500 en 1970, plus de 9 000 en 1976.
Certes de nos jours C hambéry a son
activité de plus en plus intégrée dans
l' agglomération avec le risque et la
conséquence inévitable de voir un
certain nombre d'usines et d'ateliers
« émigrer» vers des secteurs plus libres et plus modernes en banlieue; il
n'empêche que la ville, qui abrite
63 % de la popul ation totale de J'agglomération, fourn it encore plus de
70 % de ses emplois.
C'est d'ailleurs dans le tertiaire
que C hambéry s'impose, les 2/ 3 de
ses actifs lui sont consacrés, ce qui
bat tous les records régionaux . Les
seul s transports en font vivre 8 % ; la
ligne ferrovia ire de l' Italie est la plus
fréquentée de France et le TGY va
La première gare de Chambéry à la veille de l'annexion
(Co llectio n Musée Savois ie n]
73
Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de
Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD
Editions Horvath, Roanne, 1982
63 sur 111
Histoire des communes savoyardes
mettre bientôt Chambéry presque
aux portes de Paris. Les années 60
avaient vu l'apparition des transports
aériens, les années 70 celle des autoroutes vers Lyon, Grenoble puis Genève. Pourtant les problèmes de
péages, du contournement routier de
la vill e et le retard du percement du
tunnel routier du Fréjus par rapport
à cel ui du Mont-Blanc n'ont pas encore permis à la route de donner sa
pleine mesure ici, mais de toutes les
façons est-ell e toujours facteur de
développement ou seu lement un axe
de transit? Néanmoins ces éléments
ont grandement inOué sur le rayonnement des commerces ou des services chambériens, au point que les
autres villes voisines ont dû se défendre contre ce nouvel impérialisme.
Les banques, les transports, les grossistes surtout alimentaires rayonnent
sur tout le département et même audelà; les camions Bourgey-Mon-
Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey
treuil n' avaient- il s pas une renommée presque nationale?
Chambéry est en relations co nstantes et suivies avec Lyon, Grenoble
et bien sûr Paris, Annecy restant en
arrière avec Genève et Turin, les
vieilles relations historiques ne
jouent pl us guère.
crises et conjoncture
Jusqu ' en 1962 l'euphorie économique règne à Chambéry; on ne pardonne pas aux autorités d'avoir laissé passer l'occasion de voir s'installer
ici Gillette (qu i finalement se fixe à
Annecy), mais pour le moment SaintGoba in puis Bally (de Zurich) apportent une impulsion décisive, la première par sa masse, la second e par
ses emplois féminins. Chez CégédurAluminium le personnel passe en 10
ans de 350 à 450 personnes et les arrivées de la Satma (a lli ages) et de la
L' a/elier de bobinage dufïl de verre à /' usine de Bissy 1 (PhOIO P.
Beaume·VeIrOle x)
74
Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de
Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD
Editions Horvath, Roanne, 1982
64 sur 111
Histoire des communes savoyardes
Sisa (chaudronnerie) permettent les
meilleurs espoirs.
De 1962 à 1968 l'expansion plafonne, la Satma et le Ce ntre de Recherches Métallurgiques passent en
Isère, la Sisa à Aix-les-Bains. L'im pl antation des presses hydrauliques
Cosmo, des filtres industriels National Standard, de Placoplâtre, n'apporte pas les co mpensations nécessa ires à ces pertes et la possibi lité de
nouveaux grands espoirs.
Heureusement les années 1968
1975 révèlent une nette reprise . En
1970 C hambéry ne co mpte pas
moins de 45 entreprises de plus de 10
employés (sur les 66 de l'agglomération) et les vie ill es spécialités (ver. mouth , pâtes, sala isons, conserves,
chocolat, bois, cuir, confection, ciment>, prospèrent alors tout autant
que les nouvell es (roulements à bille
SKF, matières plastiques .. .). Avec le
plein succès d u plan Neige, avec le
Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey
réaménagement de so n carrefour,
Chambéry obtient enfin le rythm e de
croissance économique dont elle
rêve depuis près d'un siècle, ce qui
rend pl us amers encore le renversement de conjoncture après 1975 et
l'aggravation constante de la crise
par la suite. La confection est frappée de plein fouet, la fermeture de
Pilotaz et de la Maroquinerie du
Sud-Est, les baisses d'effectifs à
l'Aluminium, dans les industries alimentaires et bientôt dans le colosse
du Verre Textile, il n'en faut pas plus
pour faire revenir les incertitudes et
augmenter le chômage (5 % de la population active).
La crise révèle d'ailleurs les faiblesses de l' industria li sation chambérienne: il n'y a pas assez d'entreprises locales, l'indu strie demeurée
finalement « étrangère » à la ville dépend trop des centres ex térieurs de
décision, on s' est contenté hâti ve-
Vue partielle de la cha ine defabrication des panneaux d'aluminium
servant aux freezer des réfrigérateurs (Pho to Fo rges de CR ANS)
75
Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de
Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD
Editions Horvath, Roanne, 1982
65 sur 111
Histoire des communes savoyardes
ment de secte urs traditionnel s, sa ns
im age de ma rque, sans spécialisation
moderne et s urto ut sa ns so upl esse.
La région Rhône-Alpes déjà s urindustriali sée ne s' intéresse guère à ce
probl ème local. D'a ill eurs C ha mb éry
n'a pas déve loppé son industrie en
relation avec la vocation électriqu e
savoya rde, d'où des révision s déch irantes au mo ment même où le grand
touri sme ma rqu e le pas et où il n'es t
plus si év ident de voir le carrefo ur
co mmerci a l suscite r encore des activités. Faut- il se reconvertir?
Longtemps on a cru ici qu'entre
Aix- les-Ba in s et les Grandes Alpes,
Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey
C ha mbéry n'ava it a ucun e chance
touri stiqu e; les rivalités loca les empêchent l' agglomération et la région
de pratiquer une politiqu e écono miqu e commune.
Plus que jamais Chambéry a beso in d'unité pour mieu x redéfinir son
rôl e. Encore fa ut-il que ses élites et
ses financiers s' intéressent e nfin à
son avenir, tant il semble constant
dans leur hi stoire que les C hamb ériens , accaparés par des préoccu pation s abstraites ou paperassières, ont
toujours trop considéré en spectateurs les chances et les malchances
économiques de leur cité.
La rotonde de la gare de Chambéry, un chef-d' œuvre de l'architecture métallique
du début du siècle
76
Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de
Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD
Editions Horvath, Roanne, 1982
66 sur 111
Histoire des communes savoyardes
Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey
VIVRE A CHAMBÉRY
Deux caractères ont toujours frappé les «étrangers» de passage à
Chambéry; la douceur de vivre dans
une cité qui, en dépit de son climat et
de son allure sévère, anticipe déjà
sur l'Italie toute proche, et l'aspect
bourgeois de la ville. Encore actuellement les mythes touristiques continuent à véhiculer et à amplifier ces
caractères: n'est-on pas ici à la porte
du paradis de la neige et de la nature
montagnarde? et ne cesse-t-on pas
de comparer et d'o pposer Chambéry,
ville fermée et austère (on n'ose pas
dire triste) avec Annecy, vil le touristique, gaie, ouverte, moins compassée?
Une ville bourgeoise
Chambéry ne peut se comprendre
sans ses notables. A la veille de la
Révolution, la ville compta it plus de
150 familles nobles et trois fois plus
de familles dites «bo urgeoises» et
chacun regrettait alors le déclin des
bonnes familles, que dire donc des
générations précédentes?
1. Une noblesse pléthorique
C hambéry-capitale ava it attiré à
elle les nobles, les courtisans et les
hauts fonctionnaires , elle conserva
après 1560 son attrait sur la noblesse
locale, qui s'accumu la ici en couches
successives très réticentes à se mêler.
Les vieilles familles féodale s comme
les Co nzié, les Seyssel, les Allinges
peu nombreuses, sont vite doubl ées
par les bourgeois chambériens promus par la faveur comtale, les Chabod, les Oddinet, les Noye!. Les
chambres des Co mptes et du Sénat
furent des pépinières de robins ano-
blis par leurs charges (les Salteur, les
Garnerin, les Morand , les Barral, les
Charrost, etc.). Il fallut aussi compter avec les nobles ven us de l'étranger (les Clermont-Mont-Sai nt -Jean,
les Comnène, les Piolenc), ce ux venus de Genève après la Réforme,
ceux passés du Piémont (les Sarde,
les Costa, les Sirace, les Care ll y, les
Alexandry). Chaque groupe entend
se distinguer des autres et la fusion
ne viendra que lentement au X Vill e
siècle surtout, accélérée par la Révolution et le conservatisme du XIX e
siècle. C'est à partir du milieu du
XVIIIe siècle que l'on voit ainsi la
noblesse se fermer de plus en plus
sur elle-même, avec ses propres sociétés (le Casin), ses cérémonies et réceptions particulières et so n obsession de se distinguer des bourgeois
aussi bien dans les loges maçonni ques (avec l'a rtistocratique loge des
«Trois Mortiers ») qu'au théâtre,
qu'au Verney (avec des allées séparées) et même dans les églises. La
surpopulation nobiliaire ne pouvait
pas favoriser ici les fortunes ni les
amb itions, d'où beaucoup de médiocrités, de rapacités et finalement de
départs, auss i bien vers la cour de
Turin que vers les cours étrangères
d'Allemagne et d'Autriche surtout,
émigration nécessaire, mais qui ne
priva pas moins la ville de beaucoup
de ses esprits les plus entreprenants.
2. Une bourgeoisie de robins
Si tou s n'o nt pu passer dans la noblesse, les bourgeois chambériens se
découvrent très tôt une passion pour
le droit, qui leur permet de profiter
de l'administration et des chambres
so uve raines. Formées à Valence. à
77
Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de
Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD
Editions Horvath, Roanne, 1982
67 sur 111
Histoire des communes savoyardes
Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey
plaideurs, de désœ uvrés et de men-.
diants ... » On se ve ut néanmoins généra lement sé ri eux, tra va illeurs, honnêtes, âpres au ga in certes, mais austères , simpl es et dévoués à la commun a uté ; tel s sont ainsi pend ant des
gé nération s les Arminjon, les Dupasquier, les Philippé, les Buttin, les Richa rd , les Roch, etc. Eux auss i n' hésitent pas à s'ex patri er car si la justice est prédominan te à Chambéry,
ell e est insuffisante pour entretenir
tout ce monde, d' où un e diaspora de
fonctionnaire s, de magistrats qui
aère, illustre et enrichit la bourgeoisie chamb éri enn e.
Devant le palais cie j ustice
Le monument cl' Antoine FA VRE.
présidel11 du SénaT
Lou vai n, puis à T urin , des ge nerations de notaires, d'avoca ts, de procureurs, de légistes co nci li ent leurs
in térêts propres et ceux de la loi, entretenant le go ût procéduri er des
pa ysa ns, accapara nt les charges judiciai res, ad mini strati ves et politiqu es
de toute la région: en 1559, il y a 42
procureurs et avoca ts, il s passe nt à
80 en 1582, o n en retrouve enco re 60
au XVIII e et 40 au X IXe siècle.
Co mm e chez les nobl es, le surn ombre engendre des excès d'intrigue, de
mépris et de jalousies réciproques et
bien sûr d'oisiveté (ce que nous appe ll erions du chômage), au gra nd
désespoir des jeun es sans ave nir ou
des esprits écl airés co mm e le révo luti onna ire Voiron , qui écrit en 1788 :
« Au li eu d'ateliers et de manufactures, l'o n ne voit que des co uve nts ...
des casernes, des études de ge ns d'a ffaires. Les vill es ne paraisse nt peuplées que de moin es, de so ld ats, de
3. Le pouvoir des notables
« Une douceur de vivre dan s
un comm erce agréable et sûr»
(R ousseau).
Ce so nt ces notables, nobles et
bourgeoi s, qui vo nt dès le XVe siècle
avec l'a ppui duca l confisq uer le pouvoir muni cipal. Il est termin é, le
temps des assemblées gé nérales de
bourgeois élisant démoc rat iqu ement
et bruyamment les deu x syndics et
les officiers municipau x, dorénavant
seul un grand conseil de 42 membres
se cooptant entre eux, a le monopol e
des affai res de la ville, il élit les syndics (4 dès 1527) et restreint l'accession à la bourgeo isie en la soum ettant à des co nditions de plus en plus
stri ctes et onéreuses, de so rte qu 'a u
XVIII e siècl e quelques ce ntaines de
perso nnes se ul ement pou va ient se
targu er du privilège de bourgeoisie,
de fai t de plus en plus sy mbolique. Il
n'est pas peu surprenant d'ailleurs de
voi r le « corps de vill e» se diviser
symboliquement en quatre classes
des ge ntilh ommes, des avocats, des
procureurs et des bourgeois « les
plus apparents, nés de parents bourgeo is, viva nt de leurs rentes ou pro-
78
Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de
Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD
Editions Horvath, Roanne, 1982
68 sur 111
Histoire des communes savoyardes
fessant les arts les plus relevés », distinctiol] significative du recul progressif de la noblesse qui occupait
initi alem ent la moitié du conse il et
de l'importance des juristes dans la
vill e. Ce conse il , réduit à 32 membres
aux XVIII e et XIXe siècles, se fige
d'a ill eurs dans un conservatisme impuissa nt tant il est difficile d'intéresse r à la vie mun icipa le des notables
déjà très so ll icités par leurs affaires
personnelles ou par des « affa ires supéri eures» à Turin ou à l'étranger.
C'es t que l'émigration empêche constamment ces nobles et ces bourgeois
de s'e nferme r sur eux-mêmes, chance
et mal chance d'un groupe ouvert,
toujours tenté par les aventures extéri eures et moin s attaché à leur vill e
qu'on aura it pu le penser, surtout
après 1870, lorsque le suffrage unive rse l fit passer (tomber) le pouvoir à
la petite bourgeoisie loca le radicale.
La trad iti o n demeure puisqu 'a u XXe
siècle l'indifférence et la discrétion
politique et publique sont encore de
mi se da ns les vénérables vieilles familles cha mbéri ennes. Même divisés
par un e infinité de clivages familiaux
et mentaux, les notables n'e n présentent pas moins un e certaine unité par
leur genre de vie qui les a constamment di stingués de leurs concitoyens.
On s'est toujours voulu pieux, les familles so nt nombreuses, les fils élevés chez les «bons pères» et les
fill es chez les religieuses (surtout du
Sacré-Cœ ur) et l'on se doit d'a ider le
cl ergé et d'o rner les égli ses. Le moins
de sca nd a les possible, la vie est
chose sérieuse et les divertissements
doivent reste r « paisibles et honnêtes », même si la fin du XVIIIe siècle et celle du XIXe ont été des périodes de franches distractions au
grand désespoir des prêtres et des
moral istes.
La grande affaire demeure la
Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey
terre: au XVII le siècle, le tiers de la
province de Savoie-propre appa rtient aux seuls notables chambérie ns,
record régional souligné par G. Armand , qui voit ici une grande originalité de Chambéry. Chacun se doit
d'avo ir sa vigne pour boire «son »
vin, sa propriété où l'on se retire de
Pâques à To ussai nt, ses fermiers qui
assurent l'approvisionnement de la
famille et ses terres acquises patiemment au fur et à mesure des crises
agricoles et des prêts hypothéca ires
non remboursés. Mélange d'âpreté,
mais aussi de généros ité, la vie se déroule dans une relati ve austérité : le
luxe et le train de vie demeurent ainsi toujours limités, peu de domesticité, peu de fastes et de gaspillages (les
riches collections artistiques des
Costa demeurent ici l'exception). On
loge dans les vieu x hôtels du Chambéry médiéval, dans de grands appartements aussi sombres qu'inconfortables, jalousant les nouveaux riches,
qui à la fin du XIX e siècle s'étab li ssent sur le boulevard ou dans des vi llas à la banlieue. Si l'on sait bien parIer professionnellement, on se doit
d'être discret, l'amour des arts est réduit et l'intérêt intell ectue l souvent limité aux problèmes historiques, juridiques ou religieux.
Charmes et limites de la vie provinciale ? Classe dépassée ici par un
capitalisme triomphant ailleurs ou
seulement groupe vidé de ses meilleurs éléments
émi g rés ~ Caste
néanmoins maîtresse indiscutable de
la ville pendant quatre siècles. La
meilleure preuve de la force et de la
valeur de ces « Monchus », réside finalement dans l'absence complète
d' opposition et de critiques à leur
égard, même de la part d'éléments
politiquement et socia lement hostiles, peu de villes peuvent se vanter
d' une telle unanimité.
79
Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de
Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD
Editions Horvath, Roanne, 1982
69 sur 111
Histoire des communes savoyardes
Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey
Un intérieur « bourgeois » du Vieux Chambéry (Cliché CI co llection Mu sée Savoisien)
4 La fin des no/ables
Pourtant la fin du XX- siècle voit
la disparition de ces dynasties ancestrales. La Révolution avait accentué
le déclin démographique de la noblesse, le malthusianisme du XIXsiècle n'avait rien arrangé et l'hécatombe des officiers tués pendant la
première guerre acheva de rendre
durable et décisive cette diminution
numérique. Depuis 1880, les revenus
de la terre diminuent et les notables
chambériens réussissent peu dans les
spéculations capitalistes; d'ailleurs
beaucoup vont se ruiner au casino à
Aix-les-Bains si proche et si tentant.
Traditionnellement ouverts sur l'Italie, ils ont du mal , en dépit de leurs
espérances de 1860, à se réadapter
dans un cadre uniquement français
et s'ils le peuvent, ce se ra au détriment de leurs racines chambériennes, d'autant que les municipali-
tés radicales et républicaines de la
Belle Epoque ne font rien pour les
intéresser et les retenir ici. Survinrent
le traumatisme de la guerre et les
bouleversements de la deuxième
moitié du XX- siècle, il n'en fallait
pas plus pour accentuer le déclin et
la disparition des notables traditionnels, obligeant Chambéry à se trouver une nouvelle élite.
5. Le peuple
Dans cette ville bourgeoise, le peuple semble totalement exclu aussi
bien dans les documents que dans la
tradition et pourtant numériquement
quelle primauté et quelle pauvreté!
Jusqu'en 1830, il Y a ces pauvres,
vagabonds et miséreu x, sans logis ni
travail qui hantent la ville en permanence, assiégeant passants et voyageurs, rejoints lors des crises par des
80
Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de
Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD
Editions Horvath, Roanne, 1982
70 sur 111
Histoire des communes savoyardes
Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey
Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de
Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD
Editions Horvath, Roanne, 1982
71 sur 111
Histoire des communes savoyardes
Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey
Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de
Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD
Editions Horvath, Roanne, 1982
72 sur 111
Histoire des communes savoyardes
Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey
Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de
Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD
Editions Horvath, Roanne, 1982
73 sur 111
Histoire des communes savoyardes
Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey
Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de
Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD
Editions Horvath, Roanne, 1982
74 sur 111
Histoire des communes savoyardes
foules de malheu reux venus de l'extérieur dans l'espoir impossi ble et
fou d'obten ir des seco urs. Les autorités distingu ent subtilem ent les « pauvres » des « honteux » et en comptent en tout près de 600 dans la
« bonne année », 1586, mais lors de
la crise de 1741 il Y en a plus de
6 000, qui assiège nt l'hôpita l général
pour y demand er la so upe et le pain,
en 1717 il Y en avait eu aussi un tel
nombre à l'hôtel de ville « que l'on
croyait à une infectio n ». PéFiodiquement on les rassemb le pour les enfermer dans les hosp ices, à moins que
devant le nombre on ne se content e
de les refoule r au Verney ou plus
simp lement hors du territoir e municipal. 18 17 fut la dernièr e famine où
l'on vit de telles scènes, l'indust rialisatio n, qui suivit, permit enfi n de
donner du travail et des moyens
d'existe nce, même réduits, à tous.
Des centain es d'ouvri ers, manœu vriers et domest iques, affluen t ici au
gré des aléas économ iques et politiques, s'entass ant surtout dans les
faubour gs et accesso irement dans les
rues Juiverie et Cro ix-d'Or . Ce sont
eux qui, en temps de difficul té, remplissen t la ville de « tumulte »,
comme en 1734 quand toute la livrée
de Chamb éry « tint une émeute »
pour sauver de l'estrap ade un porteur réputé innocen t du délit dont on
l'accabl ait. On les revit vibrant aux
passion s politiqu es nouvell es en
1792, lorsqu 'ils prirent d'assau t le
poste de la place Saint-L éger, ou en
mars 1848, lorsqu'i ls viennen t demander à l'hôtel de ville « du travail
ou du pain ». En temps normal cependan t, ils préfère nt aller se divertir
dans les guingue ttes des environ s ou
s'amuse r « honnête ment et sans tapage» au Verney ou au Champ de
Mars.
Que fallait-il préfére r? le sort de
Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey
la domest ique, éterne ll e mineur e vivant dans l'ombre de ses patrons qui
la chasse nt à leur gré à moins qu' ils
ne la citent dans leur testame nt, ou
celui de l'ouvrie r abruti par 12 à
13 heures de travail par jour? En
1875 Barbier se montre confian t sur
leur sort: « A l' usine de la Boisse, la
durée du travail est de 14 heures,
mais la durée effectiv e est en réalité
de 12 heures . On n'a point remarq ué
qu'une aussi grande assiduit é fût de
nature à altérer leur santé ... » N éanmoins « on trouve quelque s exemples d'ouvrie rs ou plutôt d' ouvrièr es
déserta nt l'atelier sous prétexte que
leur salaire n'est point en rap port
avec leur capacit é ou leur habileté,
mais ce cas ... tendra de plus en plus
à dispara ître au fur et à mes ure que
l'habitu de de l'atelier se répandr a
dans la populat ion ... ». Certes
Chamb éry, vill e peu indu striell e
co nnaît peu de prolétar iat surtout à
la Belle Epoq ue et l'influe nce rurale
aida nt, la docilité et la modéra tion
prédom inent. Même après l'appari tion des premier s syndica ts en 1890,
la vague de grèves de 1905 touche
peu Chamb éry, il faudra attendr e
1936 (et encore) pour que l'on s'aperçût ici d'une prise de conscie nce de
classe.
Au-dess us du peuple et de ses misères quotidi ennes mais rejeté encore
par la bourgeo isie, se forme un embryon de classe moyenn e avec ses
quelque s centain es d'a rti sans plus ou
moins aisés, beauco up de cordonniers, de savetier s caractér istiques
des vill es de passage , beauco up auss i
de métiers d' aliment ation et de boissons. Un grand nombre vient de l'extérieur, comme ces Lyonna i s du
XVIe siècle apporta nt ici leurs techniques « que oncque s n'avait veu ny
praticq ué en nostre pais de Savoye ...
et qui trouven t sur le lieu a meilleu r
81
Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de
Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD
Editions Horvath, Roanne, 1982
75 sur 111
Histoire des communes savoyardes
commod ité et moinsdre coust et despenses ... » (L.P. du 5 avril 1556). Ce
so nt eux, qui formeront les clubs et
sociétés
révol utionnaires
de
1793 -94 ; ils deviendront par la suite
les ancêtres de cette tradition radica le si puissante ici, gross is par le
nombre grandissant des fonctionnaires, employés et boutiquiers venus des autres départements ou de la
campagne savoyarde, mais tous
nourris du même mépris des structures traditionnelles surtout religieuses et politiques. Très tôt déchri stianisé, ce groupe va s'imposer à
C hambéry dès 1870, donnant à la
vill e une allure totalement distincte
du reste du département, la co upant
psychologiquement de celui-ci pour
mieux la relier au régime français,
signe de sa promotion .
Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey
La sociabilité chambérienne
On ai me se rencontrer et se di straire à Chambéry comme ailleurs ,
mais pas moins qu'ailleurs avec cependant ici l'i nflu ence conjointe de
l'Egli se et des notables , avec pendant
longtemps la proximité des princes
et en permanence le diverti ssement
occasionné par les voyageurs.
1. Fastes d·antan
Il y a tout d'abord les grandes
fêtes officielles religieuses, civiles ou
politiques où toute la communauté
se retrouve dans une célébration fastueuse d'un événement ou de son
so uvenir. Les fêtes religieuses ont été
bien sûr les plus durables: pendant
des siècles les process ions ont sillon-
. La procession de lafête-Dieu à Lémenc en 1955 ( ColiCCIio n M usée Savoi sien)
82
Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de
Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD
Editions Horvath, Roanne, 1982
76 sur 111
Histoire des communes savoyardes
né la vill e, précédant ou su ivant l'office so lennel à Saint-Lége r, SaintFrançois, plus loin à Sainte-Claire
ou même jusqu 'à Mya ns. La principal e est celle de la fête-Dieu, mai s
les plus prestigieuses furent bien sûr
celles du Saint-Suaire au déb ut du
XVI e siècle. Tout est d'ailleurs prétexte à process ion dans la société
d'A nci en Rég ime, l' a rri vée ou le départ du souverain, les gra nd es fêtes
cari ll onnées, les victoires, les catastrophes, les anniversa ires etc. : dans
la seule année 1730, on n'en fit pas
moins de 25 à C hambéry. A chaque
fois les congrégations se regroup ent
derrière les moines de Lémenc, église
primitive de la vi ll e, le clergé séc ulier
est quant à lui précédé du chapitre
de la Sainte-Chapelle, pui s après
1779 de son évêque. Les paroisses et
confréries suivent avec leurs bannières, leurs in signes et leurs costumes propres; les grands officiers
royaux cheminent avec les membres
des cours souveraines en grande
robe rouge, les sy ndics et conseillers
de ville en robe noire, la noblesse en
épée. Les corporations défilent elles
aussi avec leurs insignes, enfin arrive
la foule des fidèle s et des badauds.
On se « harangue », on chante, on
sonne les cloches, les tro upes paradent, dans aucune autre ville du Duché, on ne peut atteindre pareille solennité.
2. Les premières associations
Les corporations (il n'yen a pas
moins d' une quinza ine) réglementent
les métiers et les hiérarchies professionnelles, mai s elles fournis se nt aussi aux travailleurs des occasions de
rencontre a utour des malades, des
défunts , des saints patrons comme
Saint-Crespin pour les tanneurs et
cordonniers, Sainte-Anne pour les
Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey
menuisiers ou Notre-Dame pour les
couturiers (qui , eux, se rencon trent
d'autant plus facilement qu'ils sont
tous regroupés aux XVIe et XVII e
siècles auto ur de l'église Saint-Lége r). Les confréries du Saint-Esprit et
de la Trinité sont très actives au XVe
siècle pour entreten ir le zèle religieux
et caritatif de leurs membres, très
vite cepend ant deux d'entre ell es
vo nt réuss ir à ga rd er leur prestige
jusq u'à la Révolution et même au-delà, les « Pénitents Blancs» et surtout
les « Pénitents Noirs» créés en 1594
par le président Favre et sa int Franço is de Sales lui-m ême pour renforce r la foi des notab les loca ux, et auxqu els Josep h de Maistre se fit toujours gloire d'appartenir. Il faut aussi se di stra ire, dès le XVe siècle,
« L'Abbaye de la jeunesse» dite aussi Abbaye de Bazoche organ ise des tabl ea ux viva nts, des cérémo ni es burlesques et des charivaris, mais aussi
des spectacles plus comp lets comme
les histoires de sa int Sébastien ou de
sainte Anastasie jouées en 1446. En
1516, ell e monte même « la passion
de Notre-Seigneur », mais ell e ne
se mbl e pas cepend ant avo ir rés isté à
l'épre uve des pestes et des luttes religieuses du XVIe siècle et surto ut a u
moralisme de la co ntre-réforme catholiqu e. Finalement c'est la Société
de tir, qui paraît avoir la pl us grande
ancienneté et la plus gra nd e permanence à Cha mbéry, car un « ro i des
tireurs» est déjà signa lé dans la
Grande-rue en 1383. Au XVe siècle,
les arbalétri ers et archers s'entraîne nt
so us la tour du Bercel (synonyme de
tir et dont l'express ion sera reprise
par le corps des Bersagl ierD, leur
concours de tir à l'oiseau ou « papegai» attire un grand concours de
peuple, mais ils peuvent être parfois
d'une grande utilité comme en 149 1
en défendant C hambéry contre les
83
Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de
Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD
Editions Horvath, Roanne, 1982
77 sur 111
Histoire des communes savoyardes
menées du co mte de la Chambre ou
en 1690 en all ant participer à la défense de Montmélian contre les
Français, puis en 1742 en orga nisant
un e dHense symbolique à Apremont
co ntre les Espagnols. On comprend
alor la faveur des princes, l'autorisation orticielle de C harles II sanctionna nt les statuts de 1509 et les privilèges de Charles-Emm anuel rer pour
le « rois du tir » en 1626.
L'autorité gra ndi ssa nte des princes
se li e avec l'inquiétude de l'Egli se ofriciell e, mora li sa nte et orthodoxe
co ntre de associa tions toujours dange reuses, ce qui ex plique la décadence de ce dernières aux XVIIe et
XV IIIe siècles. Ell es renai ssent mais
sous des forme nouvelles et encore
bien fragil es et menacées. En 1749 la
première loge appa raît à C hambéry,
avec l'a ri sto ratique « Trois Morti er » fond ée pa r le marquis des
Ma rches en 1790 il y en a qu atre regro upant plu- de 300 membres.
oin réu ie, plus éph émère avait
ét la ( 0 iété d' Agriculture » créée
en 177 , qui ne ré i ta pas à ses diviions internes et à sa faiblesse matéri Il . En 17 4, la noble e e donne
un a in, ciété de pla isi r regroupant pré d 80 per onnes des deu .
xes, fermée bien sû r aux bourgeois
ui s'empr sent de 1 liquider en
régime po téri eur ont
17 _.
ommun la même méria nce
Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey
« la Société d'Histoire Naturelle» en
1844, « la Société Médicale » en 1848,
« la Société Savoisienne d 'Histoire et
d 'Archéologie » en 1855.
3. Culture populaire et
culture classique
Peuple et notables s'o pposent à
C hambéry surtout dans le domaine
culturel , et dès le XVe siècle, il semble bi en qu e les occasions de réuni ons et de distractions en commun
se fasse nt de plus en plus rares . Chacu n reste chez soi, en parti culier le
peupl e qui prédomine dan s les faubourgs, en fait son li eu exclusif de
ca dre de vie. L'esprit de qu artier
aidant, apparaissent ainsi des collecti vi tés, qui , pour n'être pas orticielles, n'en sont pas moin s très vivantes, en insistant sur le vi n, le sexe
et la violence physique. Ces « contresociétés» de plaisir et de défoulements collectifs animent dès le
XVIe siècle la lutte entre Maché et le
faubourg Montmélian, so us les insignes respectifs de la ronce et du
laurier. La procession de la Saint-Valenti n mena nt les jeunes de Maché
au prieuré de Bissy, les vogues de
quartier, les carnava ls, les fe ux de la
Saint-Jean, les charivaris so nt autant
d'occas ions de se rencontrer, de
boire, de « flirter » et de se battre au
grand dam des autorités et des
bonne familles. On a toujours beaucoup bu à hambér , en 1 47 le
sub titut Le Pelleti er se lamente « le
4
Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de
Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD
Editions Horvath, Roanne, 1982
78 sur 111
Histoire des communes savoyardes
Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey
Le Carmel sur la colline de Lémene
XX e siècle avec 367 cafés pour
20000 habitants. Et s' il n'y avait que
la boisso n ! mais que dire des règlements de police qui, pendant des siècles, essaient de réglementer les
« filles» de la rue Sainte-Appollonie
ou de la Truanderie au Moyen Age,
de la rue Juiverie par la suite, et enfin du quartier des casernes plus
tard! Plus anodins, ma is aussi distinctifs, appara issent les cirqu es et
salles de spectacles populaires dès le
milieu du XIXe siècle, plus frondeur
le réveil du folklore de Maché après
1919 avec ses nouvelles vogues, ses
« reines», sa comm un e libre, sa
presse indépendante: les autres
quartiers essaient de faire de même.
« L'échelle de Maché» perturbe les
passan ts honn êtes, c'en est trop! La
municipalité va « enterrer » tout cela
dès 1930 et les remaniements urbains
aidant, c'en est bien fini dès lors de
la vieill e culture populaire chambé-
rienne. En apparence tout au moins,
les notables préfèrent les plaisirs
plus ca lmes de la discussion et des
« douces rencontres» « sans pose ni
vaines grimaces » (Vicaire de Police,
1729). Déjà, après 1536, l'occupation
française avait permis aux premiers
sa lons chambériens de s'an im er derrière Honoré d' Urfé ou Clément Marot et de s'enthousiasmer pour les
parties de cartes au flux et au brelan,
ce qui n'empêche pas bien sûr les
jeunes de se défouler à la paume ou
au tir. Si on ne se fréquente pas et
même de moins en moins entre nobles et bourgeois, on n'en découvre
pas moins ensemble au XVIIIe siècle
les cha rm es du chocolat, du thé, du
café et de la musique, toutes les
« bonnes familles » se doivent de
donner des concerts (Rousseau en
profite D, dès 1730 une société des
concerts se monte pour harmoniser
et aid er ces créations. Entre-temps
85
Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de
Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD
Editions Horvath, Roanne, 1982
79 sur 111
Histoire des communes savoyardes
Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey
-
on ava it appris le billard (do nt la
première sa ll e est attestée à C hambéry en 1703) et le goût empoisonné du
jeu. Depuis le milieu du XVIIe siècle,
on profite au Verney de troupes de
passage, la première sa ll e publ iqu e
de th éâtre est ouverte au château par
les Espagno ls, mais il faut attendre
1775 pour que les Chamb éri ens possèdent enfin une sa ll e de bois officie ll ement reconnue et définitive, ce
qui n'empêche pas le co ll ège et les
grandes familles d'organiser des
séances privées. Au X IX e siècle
l'amour du th éâtre va d'ail leurs devenir une vraie passio n au désespoir
des mora li stes et des commissaires
de police. Certes il ne faut pas être
trop exigeant su r la qualité des représentations, mais là plus qu'ailleurs
encore, les notables peuvent se donner en spectacle, en goû tant comme
dans les cercles, le plaisir d'être « entre so i », ce qui a des avantages et
des inconvé ni ents. Tous les voya-
Le plqfond du théâtre municipal.
geurs soulignent bien jusqu'au Second Empire le charme de la vie
mondaine chambérienne, sa dignité,
sa simpli cité, so n entrain. mais le
genre des souvenirs et des récits ne
doit pas cependant nous faire
oublier les limites de cette sociabi lité : l'étouffement d' un gro upe finalement réduit, la pauvreté des moyens
matériels, la petitesse des esprits. En
1672, le passage d' Hortense Mancini
fera ici l'effet d' un e torn ade, et les
Chambérien s les plus brillants et les
plus actifs ne pourront se contenter
du petit « monde » local: la comtesse de Boigne ne vo udra jama is en
entendre parler et comb ien d'a utres
avec elle.
La nouvelle société chambérienne
Le XXe siècle amène des changements radi ca ux dans la société loca le. Le brassage socia l et géograph iqu e a ainsi profond ément bouleve rsé
un microcos me, qui n'a bientôt plus
de savoyard qu e le nom. Les resso rti ssa nts étra ngers n'étaient qu e 557
en 1866, 1 965 au début du siècle,
2582 à la ve ill e de la deuxi ème
guerre et 1 382 a u lendemain de
cell e-ci. Il s so nt 8 842 en 1976, so it le
se ptième de la population de la vill e,
avec 2 820 Itali ens et 3 307 Maghrébins, ce qui n'est pas sa ns pose r de
sé ri eux problèmes d'intégration et de
relations. Si on leur ajoute les naturali sés et les França is ve nu s d'a utres
régions, les Savoya rds ne forment
plus qu'une minorité et les « vieux»
Chambériens un groupe minuscule,
évolution inévitable dans le monde
moderne et dans une vi ll e-carrefo ur.
La composition professionnelle et
sociale se modifie aussi profondément. Les agriculteurs ont presque
entièrement disparu, la bourgeoisie
voit sa proportion diminuer face à la
86
Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de
Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD
Editions Horvath, Roanne, 1982
80 sur 111
Histoire des communes savoyardes
Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey
Une des dernières cava/cades en / 955 (Collection Musée Savoisien)
87
Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de
Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD
Editions Horvath, Roanne, 1982
81 sur 111
Histoire des communes savoyardes
Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey
\
_-.""' .... 1.:;.' . -
..
~
f f-.-
==--
La première cava /cade de Chambély en /885 (Dessin de I·albumde l. Desayci Pelaz)
montée des classes moyennes. Les
quartiers eux-mêmes changent, tout
en conservant de solides différences.
En dépit d'un fort noyau d'immigrés
étrangers, le centre-ville reste très
« chic », très cultivé, très conservateur à l'intérieur des anciennes limites, en opposition à une Z.U.P.
très prolétarienne et très « étrangère ». Lémenc et Montjay ont maintenu leurs allures bourgeoises traditionnelles face aux classes moyennes
du Biollay, de Bissy, du Stade et de
Joppet.
La montée des classes moyennes,
déjà sensible à la fin du XIXe siècle,
avait suscité à Chambéry de nouvelles manifestations culturelles: les
spectacles faciles d'opérettes et de
variétés s'étaient imposés au théâtre,
au Verney et dans de nouvelles
salles, moins « selects ». Le carnaval
se laïcise avec la « cavalcade », qui a
la faveur de la foule , moins active ce-
pendant et plus spectat rice. Les cirques remplacent les baladins et saltimbanques. On découvre le sport et
le chant dans de nouvelles sociétés
de loisirs, d'inspiration chrétienne ou
républicaine dont les rivalités prolongent celle des deux écoles. A
« l'Alerte » s'o pposent les « Volontaires des Alpes », aux « Gentianes
bleues » les « Perce-Neige »; au
« Cercle Choral » « l'Oph éon C hambérien ». Il faudra beaucoup de
temps et d'efforts pour surmonter ces
antagonismes à la fois stim ul an ts et
paralysants et pour arriver à des associations plus « neutres» comme
« l'U nion Sportive » ou « le Ce rcle
Orphéonique ».
La vie associative loca le est donc
ancienne et animée, même si l'évolution contemporaine ne lui a pas été
favorable . La grande vogue du Verney et la Cava lcade ont disparu de
l'univers festif des Chambériens vers
88
Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de
Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD
Editions Horvath, Roanne, 1982
82 sur 111
Histoire des communes savoyardes
1960, vict imes du nouvel urbani sme
ma is auss i des nouvelles menta lités.
Le libéra li sme et la spo ntanéité d'antan ont cédé devant la pass ivité, l'indifférence et les interventions officie ll es. L'élargissement des horizons,
l'agrandissement de la ville ne facilitent guère les rencontres sur des
th èmes trop étroits ou trop loca ux.
Depuis la guerre, on se cherche pour
un e nouvelle culture dont l'act uell e
A.M.C.C. se ve ut l' initi atrice et la
propagandiste. Non que l'époqu e actu ell e se manifeste par un vid e culturel , bi en au contraire, il y a même
surabond ance de manifestation s et
de renco ntres, même si tout cela ne
touche so uvent qu'un e rel ati ve minorité de la population. La crise
contemporaine des esprits n'a donc
pas, et de loin, diminué la vitalité
chambérienne.
Les divergences socia les et cu lturelles demeurent: s'il y a toujours
des notables, il faut compter aussi
mainten ant avec les militants ; s'il
n'y a plus de foule s « tumultueuses», il y a des mouvements
d'opinion; il n'y a plus de presse
d'o pinion (où so nt les diatribes de la
très cléricale « C roi x de Savoie » et
du virul ent « Démocrate Savoisien »
au début du siècle ?), mais il y a les
multipl es bull etins d'associations et
de groupements. Tout s'es t unifo rmisé, mais le public des tournées Karse nt y n'est pas ce lui du « théâtre de
la G lèbe » ; tout le mond e, ou presque, fréquent e le co nse rvato ire et les
stades, mais il y a toujours des « mili eux fermés », des excl usives , des
polémiques, des querelles de clochers. Co mm e dan s so n architecture,
Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey
C hambéry ne découvre pas sa vita lité
au premi er abo rd: derrière le ca lm e
apparent, la vie existe, signe d'une
ville authentiqu e, reflet d' une histoire avec ses continuités et ses ruptures.
La populatio n de Chambéry en 1976
56788 habitants dont 54415 pour
la popul ation muni cipal e.
Chambéry est partagée en troi s
ca ntons :
C hambéry-Sud: 14438 habitants;
Chambéry-Sud -O uest: 17 195 habi tants ; Chambéry-Nord : 25 155 habitants (e n a ugmentat ion de 33 % depu is 1968).
Sur 37 690 adu ltes: 55,8 % o nt, au
plu s, le nivea u du C.E.P. ; 19 % on t
un ni vea u éga l o u supéri eur au bacca lauréat.
32 % des C hamb éri ens o nt moins
de 19 ans, 56 % de 20 à 64 ans, et
12 % plu s de 65 ans (en 1954 les proportions respecti ves étaient de 30, 60
et 10 %).
Sur les 23 320 actifs, 0,7 % re lève nt
du secteur primaire , 32,7 % du seco ndaire et 66,6 % du terti aire. (Po ur le
département les proportions respecti ves so nt de 8,7, 38,3 et 53 % )
Parmi les actifs, o n co mpte 0,7 %
d'agriculteurs, 16 % de patrons, cadres et profess io ns libérales, 14,8 %
de cadres moye ns, 30 % d'employés,
35 % d'o uvri ers. En 1954, les parts
respectives des mêmes catégories
étaient à Chambéry de 3,4, 22, Il , 26
et 34 % ; dans le département en
1976, ell es étaient de 8,7, 15, 13 ,27 et
33 %.
89
Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de
Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD
Editions Horvath, Roanne, 1982
83 sur 111
Histoire des communes savoyardes
Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey
ÉLÉMENTS POUR UNE VISITE DE CHAMBÉRY
La vieill e vi ll e de Chambéry forme
un ensemb le important, qui a survécu aux siècles et aux hommes et qui
frappe plus par son homogénéité que
par la qualité de ses constructions.
Le tout remonte généraleme nt au
XV- siècle et sem bl e avoir pris, sa uf
excepti ons loca les, so n aspect définitif au XVII - siècle. On a moins ici
une vi ll e médiévale, que la transformation de cette dernière par les générations postérieures, ce qui loin d'en
affad ir l'intérêt, l'augmente encore.
Un style chambérien ?
Il reste très peu de chose du
C hamb éry antérieur au XV- siècle, la
poterne de la herse et le « donjon »
du châtea u, quelqu es débri s d'ence inte ici ou là ; la tour bossu e de la
rue Jean -Pierre-Veyrat et la tour de
la Trésorerie au château ont été très
reman iées, se ul le vénérab le et éni gmatique baptistère de Lémenc apparaît « co mplet ».
C'est du XV- siècle que datent
donc les premiers « monuments »
chamb érie ns, toute la partie orientale
d u châtea u aussi bien la tour dite des
Archi ves que la grande chapelle
d'Amédée VII 1 (œ uvre d'artistes
français , flam and s et bourguignons)
et enfin la nou ve ll e ég lise de Lémenc. On a beaucoup construit a lors
à C hamb éry. La rivalité trad itionnell e entre les Franci scains et les Dominicains les amène à édifier pres -
ëa rré
_ Curria l
L--L ___ _
Vu e aérienne du Vieux Chambéry (Dessin Se rvices techni ques de la Mairie)
90
Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de
Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD
Editions Horvath, Roanne, 1982
84 sur 111
Histoire des communes savoyardes
que en mêm e temps leurs églises
respectives, émulation religieu se et
artistique, mai s aussi politique dont
Chamb éry bénéficie grandement et à
tous les points de vue puisque chaque congrégation, à une extrémité de
la ville, s'a rrangeai t pour offrir ses
service et ses bâtiments à une administration, Saint-François pour la
municipalité et Saint-Dominique
pour la justice. Mais c'est surtout de
cette période que date le plus grand
nombre d' hôtels particuliers avec
cette architecture si caractéristique
du vieux Chambéry: un passage
voûté relie la rue à une cour intérieure sur laquelle débouche un escali er à vis abrité dans une tourelle généralement polygonale et surmonté
d' un toit en poivrière, des galeries
ouvertes à arcades assurent la desserte des appartements; structure
qui eut assez de succès pour se retrouver encore pendant longtemps
dans les constructions chambériennes, si tant est qu ' ici on préfère
conserver les so lutions traditionnelles même dépassées que se hasarder dans les nou vea ux styles.
Le XVIe siècle ne nous a laissé que
l'hôtel Lambert, passage Henri-Murger et quelques hôtels de la rue
Saint-Réal où l'on ne décèle les nouvelles modes artistiques que dans les
détails ; la difficulté des temps ne se
prêtant guère aux co nstructions et
aux innovations. Il faut donc attendre le siècle suivant pour assister à
une nouvelle fièvre artistique et monumentale: certes les Franciscains
reconstruisent leur cloître en s'obstinant dans le style gothique, mais
c'est dorénavant partout le style
« baroque» qui fleurit, comme dans
la chapelle des Jésuites (l'actuelle
église Notre-Dame), la première du
genre ici et une des premières dans le
genre, dont la façade austère s'op-
Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey
pose néanmoins à ce ll e plus libre et
plus ornée de la Sainte-Chapelle et à
ce ll e plus éléga nte, plus légère et
plus tardi ve des Visitandines (sur la
place du Marché). La floraison monastique abo utit à une masse de bâtiments conve ntu els dont il ne reste
presque ri en, mais qui se remarqu ent
par leur allure austère et très réguli ère so us leurs gra nds toits d'ardoises, qui les fait ressembler aux
co nstru ctions laïqu es contemporaines, ce qui n'est d' ai ll eurs pas le
moindre intérêt de cette période.
S'impose donc un sty le désormais
classique dans la région , cel ui de ces
maisons de campagne bourgeoises
presque cubiques sans bal con, ornées se ulem ent d'un portail avec un
toit à quatre pans généra lement incurvés. En ville, so us l'impulsion
d'architectes et d'arti stes transalpins
(à l'exception du scu lpteur Cue not),
on adopte le modèle italien de
construction « nobl e », qui poursuit
la tradition locale: un corps de bâtiments mass if à cour centrale sans jardin (la place manque) et ne présentant côté rue qu 'un e grande façade
plate, ouverte par un portail centra l
donnant sur un couloir voûté, tels
so nt les hôtels de Costa et de Châteauneuf rue Croix-d'Or, celui de la
Val d' Isère place du Château et celui
de Capris rue Saint-Réal. Les propriétaires ne reculant pas devant les
profits, logent à l'étage noble en
louant les rez-de-chaussée à des boutiquiers et les étages supérieurs à des
occupants plus modestes.
Il était évident qu'à une telle période d'activité ne pouvait succéder
qu'un grand calme, ce fut le cas du
XVIIIe siècle, qui ne nous a laissé
que quelqu es œuvres, l'hôtel de
Roche élégant avec les premiers balcons chambériens et à la toute fin du
siècle les grands ensembles des hô91
Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de
Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD
Editions Horvath, Roanne, 1982
85 sur 111
Histoire des communes savoyardes
Hôtel Chabod de Sain/-Maurice.
rue .Iui\'erie
(dessin de J.P . Dehli 1941)
(Cliché Musée Savoisien)
tels de Bellegarde rue Cro ix-d'Or et
de Montfalcon place du Château, où
une nouvelle fois on se con tente d'un
décor moderne sur des st ru ctures
d'allure traditionnelle. Seu l l'hôtel de
Clermont-Mont-Saint-Jean près du
Verney (l'actuelle direction des
douanes) adopte franchement le
style français d'un bâtiment nobl e
entre cour et jardin, il faut dire qu'il
fut construit par un architecte bison tin en 1784 pour un propriétaire à
moitié français. Le XV",, siècle est
surtout une période de grands projets aussi bien pour la reconstruction
du château après son incendie, que
pour la reconstruction de l'église
Saint-Léger (par une église à coupole), que pour l' aménagement d'un
nouvel évêché en pa lais classique.
Rien ne se fit car la pauvreté locale
Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey
se chargeait bien de laisser les plans
dans les dossiers.
La première moitié du XIX- siècle
par son néo-classicisme poursuit
donc les traditions du XV"- siècle et
ass ure, dans ses réalisations, une
continuité presque parfaite avec les
construct ions antérie ures. La caserne
Curia l, reproduction des Invalides,
s' intégra parfaitement par ses façades, ses toits, et sa struct ure renfermée, dans le paysage cha mbérien, il
en est de même pour la Grenette,
l'éco le des Jésuites, l'éco le des
Frères. Seule la caserne de cava lerie
paraît innover, dans ses toits de tuile
et dans ses murs de brique, les trava ux publics se li ant de plus en plus
à l'industrie. Le palais de justice introduit une nouvelle présentation
avec son fronton à colonnes, mais
par sa structure il rappelle encore
C uri al et les vieux hôtels chambéri ens.
Ce n'est qu ' après 1860 que l'on
sen t les premières ruptures. L'hôte l
de vill e se veut délibérement frança is
et flamand, et l'hôte l Costa voisin
(détruit en 1945) lui ressemble beaucoup. Les halles sont du type standard industriel et métallique imposé
par Baltard à Paris. La constru ctio n
de la bibliothèque municipale révèle
une volonté manifeste de grandeur
dans le style des grands palais d'exposition parisiens, quant aux lycées
et hôpitaux, ils imitent administrativement des modèles arch itecturaux
préétablis.
Une ville sombre et discrète
Dorénavant donc, Chambéry suit
les mod es frança ises courantes.
Après avo ir été aux temps modernes
sinon une vi lle italienne, mais de
conception italienne, elle est devenue après 1860 une vi ll e banalement
92
Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de
Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD
Editions Horvath, Roanne, 1982
86 sur 111
Histoire des communes savoyardes
française, réussissant néanmoins jusqu'à la deuxième guerre à tout intégrer dans un même ensemble grisâtre
les constructions de tous les genres et
de toutes les époques. Chambéry a
en effet toujours été d'allure sombre,
les voyageurs le notaient depuis le
XVIe siècle, sans s'en étonner d'ailleurs. Genève, Grenoble et combien
d'autres dans les environs ne sontelles pas identiques? Le climat et le
genre de vie prédisposent peu aux
ébats extérieurs, les pièces et les toits
comptent donc plus ici que les façades. A la différence de l'Italie, on
préfère les intérieurs ornés, cachés
derrière d'austères façades; les élégantes grilles de l'hôtel de Châteauneuf se trouvent au fond de la cour
intérieure; place Saint-Léger le sévère hôtel du Bourget abrite une gracieuse montée d'escalier et les appartements sont à l'un isson. A l'époque
sarde, la décoration en trompe l'œil
Les voûtes de la Sainte-Chapelle
Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey
et les grandes fresques de Vicario,
dans la plupart des églises chambériennes, répondaient parfaitement à
ce besoin de décors intérieurs que les
retables baroques dépassés ne pouvaient plus satisfaire. Ici tout doit se
découvrir aussi bien dans les esprits
que dans les éd ifices: Chambéry
ville secrète! n'allons pas si loin,
mais certainement ville discrète qui
ne se livre point d'un premier abord.
Dès le XIXe siècle quelques-uns
s'en émurent et s'enhardirent à peindre leurs bâtiments mais en teintes
verdâtres ou brunes, tant l'atavisme
restait fort. Le mode des grands placards publicitaires de la « Belle Epoque» vint compromettre ces velléités, il fallut dès lors attendre la seconde moitié du XX e siècle pour que
l'on adoptât franchement des couleurs claires et gaies.
La vieille ville
Il reste peu de chose de la résidence des cornIes el des ducs de Savoie, l'aile princière occidentale disparut au XVIIIe siècle et même la reconstruction de Victor-Amédée III
fut anéantie avec le « pavillon» en
1798. La Sainte-Chapelle dévastée
par l'incendi e de 1532 en est sortie
mutilée, et que dire des trésors et des
décorations d'antan qui ont tous disparu, que ce soit le Saint-Suaire,
mais aussi les fresques médiévales ou
celles des Galliera à la veille de la
Révolution . La herse intérieure, la
tour Trésorerie et le « donjon » remontent au XIIIe siècle alors que la
façade principale, de la tour dite des
Archives à la Sainte-Chapelle, date
de la fin du XIVe et du XVe siècle.
Au XVIIe siècle on se contente d'édifier une nouvelle façade à la chapelle
et quelques bâtiments voisins en attendant la reconstruction de la
93
Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de
Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD
Editions Horvath, Roanne, 1982
87 sur 111
Histoire des communes savoyardes
grande ai le occide ntale qu e l'on e ntreprit à partir du sud en d eux éta pes
de 1786 et 18 14 et de 1855 à 1870.
Les inn ombrab les visites prin cières
n'ont guère la issé de so uvenirs ta ngibles, à la différence de l'administration qui a toujours occupé une
bon ne partie de l'ense mbl e. La
C hambre des Co mptes pui s le gouve rn eur furent in stall és dans les
sa lles donnant sur la pl ace du C hâtea u, l' inte nda nt étai t logé sur la
cour, les a rchives o nt donn é leur
nom à la tour sud et la trésorerie à
ce ll e du nord. Depuis le XIXe siècle
les préfets et le conseil général se
partagent l'aile occidentale. Ce pendant le plus bel ense mble du châ tea u
demeure sa chapell e, chef-d'œuvre
a rchitectural aussi bien d a ns ses
vo ûtes et so n élévation qu e dans sa
légèreté d'e nsemble. De sa déco ration au XIXe siècle, il ne reste qu e
les trompe-l'œil de la voûte, de sa
Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey
spl en deur d'a ntan qu e les beaux vitra ux du XVI e siècl e et du SaintSuaire qu ' un e cop ie ...
Le monument aux ji-ères De Maistre fut élevé en 1899 par Dubois, un
élève de Fa lgui ère, sur une initiative
de l'Académie de Savoi e et à pa rtir
d'une so uscription publique. Le monument, démonté en 1944, put être
reco nstitu é e n 1952, mais l'on se
contenta du groupe supéri eur de Joseph s'a ppuya nt sur Xavier, en renonçant à la « Savo ie » qui leur offrait la co uronn e de la reconnaissa nce.
Le portail Saint-Dom inique domin e un gra nd esca li er du X IXe siècle. Rare exempl e de sauvegard e
archi tecturale à Chambéry, il s'élevait a utrefo is au bout de l'actuelle
ru e du Sénat à l'entrée du couvent
d es Dominicains. Démonté en 185 1,
il dut atte ndre plu s de quarante ans
pour être remonté . Il a pe rdu ses sta-
De la porte Ma ché cl la porte Reclus. la partie nord de Chambéry
cl lafin du XVII" siècle (Th ea/l"Um Sabaudiae)
94
Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de
Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD
Editions Horvath, Roanne, 1982
88 sur 111
Histoire des communes savoyardes
tues et la mo ll asse conserve mal ses
sculptures, mai s il est devenu un des
monuments les plus chéris des
Chambériens, des photographes et
des artistes.
La rue basse du Château, l' ancienne « charrière de Bellecombette » est, avec la rue adjacente de
Sainte-Appolonie, un des meill eurs
ves tiges du Chambéry médi éval.
« Rue sous le château » jusqu'a u
XIX e siècle, « rue du Niveau » so us
la Révolution, elle s'e norgueillit
d'avoir abrité de grandes familles,
ce ll e des Bonivard (dont est issu
François, héros des libertés genevoises et célèbre prisonnier de C hillon) et celle des Chabod, toutes deux
bourgeoises, enrichies par le commerce et les charges officielles et
toutes de ux fondatrices d' hôpitaux.
Au XVIIIe siècle, on y trouve les Balland et surtout les Morand (dont une
fi ll e épouse Joseph de Maistre). C'est
ici que sont nés, au XIXe siècle, l' historien Chapperon et le peintre Cachoud. Le « pont des Soupirs » est le
seul « passage » ancien à avoir résisté aux démolitions.
La rue Juiverie n'a pris son nom
que tardivement; appelée initi alement du Bourgneuf, elle menai t au
ghetto sur l'actuelle rue Trésorerie.
Pendant longtemps la chaussée franchissait sur un pont (dit d' Enfer ou
de Viviand- le-VieiD un bras de J'Albanne maintenant recou vert, mais
dont le souvenir se marqu e enco re
par un très net rennement. Ell e mena it, par une rectitude dont chacun
s'émervei ll ait, à la rue du Sénat (dite
autrefo is du « Meysel » puis « des
Vieilles-Boucheries» ou Saint-Domi ni que) et à celle de Lans (d ite
auparavant des « Boursiers »). Sa
largeur, sa proximité du château et
du Sénat en firent une ru e bien fa mée, des magistrats célèbres y habitè-
Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey
rent, les De Ville, les More, Joseph
de Maistre, mais surtout deux
grandes familles de diplomates et de
grands officiers, les C habod de
Saint-Maurice et surto ut les Co udrée
d'A llin ge dont l' immense richesse
s'étendait du Chablai s à C hambéry
et à la Tarentaise. Leur hôtel était si
prestigieu x et si grand que les autorités n' hésitaient pas à le réq ui sitionner lorsque le château était inhabitable, c'est ainsi qu' il reçut Don Philippe, infant d'Espagne en 1732, Jose phine et Ma ri e-Thérèse de Savoie
en route pour Versailles en 1771 et
72, puis le général Montesquiou en
1792, et les premiers préfets napoléoniens après 1799. La disparition du
dernier marquis de Coud rée permit à
J'Etat d'acheter le bâtiment pour y
in sta ll er en 1845 le Sénat. Tant de
bouleverse ments en avaient déjà bien
altéré la splendeur d'a ntan , et il n'en
resta rien après l'incend ie de 1887.
La place du Marché est une création très contemporaine. Ell e remonte à la démo lition du couvent
des Dominicains qui abritait le Sénat
entre 1810 et 1845. On avait d'abord
pensé reconstruire ici le pa lais de
justice ou percer une gra nd e rue prolongeant la place Saint-Léger, il ne
se fit rien finalement et en 1863, pour
faciliter le marché transféré de la
place de J'Hôtel-de-ville, on installa
un pavillon métallique « à la Baltard » comme à Paris pour servir de
halles. Le tout était dominé au nord
par la chapelle de l'ancien couvent
de la Visitation étab li par Jeanne de
Chantal, la fondatrice de J'ordre, et
qui eut comme première supérieure,
la propre fille du président Fav re. Le
couvent disparut en 1890, la chapel le
avait déjà perdu son clocher en 1860
et sa façade du début du XVIIIe siècle est un peu écrasée et rejetée par
le grand et sévère bâtiment des jé95
Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de
Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD
Editions Horvath, Roanne, 1982
89 sur 111
Histoire des communes savoyardes
suites édifié en 1825-1830. La place
fut encore modifiée en 1936, lors de
la démolition des vieilles prisons, qui
remontaient au XVIIe siècle; la rue
Bonivard, qui était la vénérable rue
Villeneuve au XIVe siècle, a perdu sa
rai so n d'être: simple partie de l'espace vide ainsi créé. Le dégagement
permet néanmoins d'apprécier la
« tour Bossue » (plutôt plate de ce
côté), seu l vestige de l'ancienne enceinte médiéva le, disparue so us la
Révolution. La disparition des priso ns avait aussi permis l'agrandissement des halles avec l'édifice actuel
en 1937, dont le style correspond finalement assez bien à celui des immeubles reconstruits en 1950-60.
L'esse ntiel demeure ici le marché,
in stitution économique et socia le,
te ll ement populaire et fragile que
toute modification de la place est devenue difficile , comme on l'a vu en
1975-77 lors du projet de construction à cet endroit d'un silo à voitures.
Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey
La rue Sain/-An/oine entièrement
recon struite en 1950, ne peut plus
permettre d' imaginer ce qu'elle fut
autrefois: sinueuse, bordée de vénérables hôtels où logèrent le président
Favre, saint François de Sales, Lamartine et son ami Vignet. A travers
la porte du Recl us elle menait à la
Leysse, maintenant recouverte. La
démolition des remparts et l'aménagement des boulevards au début du
XIXe siècle lui donnèrent le moyen
de se doubler d'une place importante
à son ex trémité, place qui fut ornée
d 'une massive statue de la « Savoie
Française» érigée ici par le sculpteur Falguière en présence du président Sadi Carnot en 1892. L'opinion
apprécia peu la lourd e femme «( che
Sasson ! »), d'autant qu'on apprit
bientôt qu'elle devait initialement représenter une Lorraine. Elle n' acquit
de réelle popularité que pendant la
guerre où elle devint le symbole du
pillage allemand. Déboulonnée et
Le marché de Chambéry au début du xx e siècle (C liché Musée Savois ien)
96
Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de
Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD
Editions Horvath, Roanne, 1982
90 sur 111
Histoire des communes savoyardes
Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey
Le marché de Chambéry de nos jours
décapitée, elle dut attendre une génération pour que l'on pensât enfin à la
restaurer, non sans polémique, ni hésitation.
L'Eglise NOIre-Dame, miraculeusement épargnée en 1944, rappelle
seule le passé. Edifiée de 1599 à
1635, elle est une des premières
œuvres du célèbre architecte jésuite,
le frère Martellange, qui revenait de
Rome où s' il était initi é à l'art de Vignale, auteur de la grande égl ise du
Gesu . On ne parle plus de style « jésuite », mais la spiritualité de l'ordre,
fondée sur le culte des Saints et le
culte eucharistique, a évidemment
in spiré la nef unique et la primauté
du maître-autel. La coupo le est bien
sûr dans le goût de la Renaissance et
si l'o n oppose la façade sévère à la richesse de l' intérieur, il ne faut y voir
que le résultat des aménagements ultérieurs: la façade ne fut achevée
qu 'en 1646 et ornée de statues seule-
ment en 1864; le relèvement du trottoir en 1950 l'a privée de son perron
et en la tassant, lui a enlevé sa dignité originelle. Quant à l' intérieur, il est
difficile d'en retrouver le décor initiai , sinon dans les marbres du chœur
et dan s les stucs des voûtes, et se ul le
tableau du martyre de sain't François
Xavier paraît contemporain de la
construction. Charles-Emmanuel 1er,
qui commença l'édifice, a ses armes
s ur la façade, et son petit-fi ls
Charles-Emmanuel Il qui l'acheva, a
les siennes au-dessus du maÎtreautel, enfin C hristine de France qui
s'y intéressa aussi , a mis les siennes
dans les coquilles d'angle de la croisée du transept.
L'égli se s' honore de quelques bons
tableaux des XVIIe (une « incréd uli té de Saint-Thomas » et un « C hri st
en Croix» que l'on a attribué pendant lontemps à Van Dyck) et
XIXe siècles. Elle ne fut église pa-
97
Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de
Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD
Editions Horvath, Roanne, 1982
91 sur 111
Histoire des communes savoyardes
La coupole de /' église Notre-Dam e
roi ssia le qu'à partir de 1802, ce qui
nécess ita l'érecti on du clocher en
1822. Notre-Dame a perdu le bâtiment voisin auquel ell e fut longtemps li ée comme chapell e; construit en même temps qu 'ell e, le co llège des Jés uites fut donné aux Fran ciscai ns en 1777, puis à l'armée en
1793, au grand sém in aire en 1802 et
enfin à un garage en 1905 avant
d'être démoli après la première
guerre. La ru e Favre, création du
XIXe reman iée après 1950, nous rappelle de fort loin le souvenir des Antonins et de l' hôtel Milliet où hab itèrent en dernier li eu les Costa pendant un siècle.
La place de /'Hôtel-de- Ville est une
création du début du XVIIe siècle.
Le gouverne ur de la Savoie, le marquis de Lans, consei ll e a lors à la vi ll e
d'acheter le grand jardin des Antonins pour dégager la vieille maison à
tourelles que les syndics venaient
Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey
d'acquérir pour y recevoir leurs
arch ives et leurs conseils. Sur la
place ainsi formée, on installa le
marché aux Herbes dont un bras voisin de l'Albane pouvait emm ener les
détritus, par la suite on la bord a de
cabornes et on l'orna en so n centre
d' une grande font aine monumentale
surmontée d'une statue de femme en
marbre blanc à laquelle le sculpteur
C uenot donna un e lan ce et un e co uro nne murale. Etait-ce une évocation
d'Hortense Mancini, la bouillante
nièce de Maza rin qui tournait alors
la tête de bien des C hambéri ens ? ou
n'éta it-ce pas plutôt Cybèle la déesse
de la prospérité? ou la vi ll e même de
C hambéry à la fois riche et fort e?
Par la su ite la pauvre femm e se vi t
co uverte d' un casqu e, d'un bo nn et
phrygien ava nt d'être laissée en
« cheveux » ; on l'avait auss i se lon
les époques, a ffublée de drapea ux
aux co ul eurs françaises, savoya rdes
o u itali ennes. En 1863, le marché
éta it transféré sur la pl ace vo isin e et
la constru ction du nouvel hôte l de
vill e fa isa it supprim er la fontaine et
la statue que l'on ne so rtit plus jamai s du mu sée, en dépit des promesses, des demandes et des projets.
La vie ill e maison de vi ll e éta it trop
ruinée pour qu 'o n la regrettât, d'ailleurs le nou ve l édifice monum enta l
et pompeux deva it signifi er la puissa nce et la prospérité du nou vea u régim e. Sans référen ce aux traditions
loca les, dans la liesse de l'annexion,
on mélangea sa ns aucune gêne les
modèles français et flam ands (le petit beffroi central ne rappelle-t-il pas
les gra ndes communes flamandes
avec lesqu elles C hambéry n'eut jamais de rel ation ?). Ce n'est qu'en
19 10, a près le percement de l'ave nue
de l' Hôtel-de-Ville à travers les jardin s du grand séminaire, qu e l'on
s'aperçut bien vite de son insuffi-
98
Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de
Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD
Editions Horvath, Roanne, 1982
92 sur 111
Histoire des communes savoyardes
Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey
La place de LANS du X Ix e siècle
sance pour l'administration municipale. C'est sur cette place qu 'habitaient au XVIIIe siècle le docteur Dequin , un des premiers aliénistes et un
des meilleurs esprits chambériens,
ainsi que les parents de Joseph et
Xavier de Maistre (dans l'hôtel de
Salins disparu depuis la guerre).
La rue de Baigne percée de 1824 à
1830 correspondait à une idée remontant au 1er Empire et au plan du
général de Boigne et de son beaufrère l'architecte Trivelly. Il s'agissait
d'aérer la vieille ville et de donner
aux C hambériens une nouvelle promenade ouverte après la destruction
des « couverts» de la place Saint-Léger. On avait prévu grand avec deu x
grandes fontaines à ses extrémités,
en fait on se contenta de plaquer des
façades classiques et des portiques à
la turinoi se, sur les bâtiments anciens après avoir jeté à bas les demeures des Buttet, des La C hava nn e,
des Lescheraine et des d' Oncieu . Les
(Cliché Musée Savoisie n)
de Boigne y firent édifier près du
château un gigantesque hôte l à la
fois moderne et classique. La rue devint très vite le centre mondain et élégant de C hambéry et « fai re les portiques » la grande occupation de bien
des C hambériens.
La colonne des Eléphants. témoignage de la reconnaissance de
C hambéry à son bienfaiteur De
Boigne, fut édifiée en 1838 par le
Grenoblois Sappey. Les élép hants,
les trophées et la co lonne « en palmier » rappellent la ca rri ère hind o ue
du général qui , en grand uniforme
sarde surm onte fièrement l'ensemb le
et d o nt les bas-reliefs illu strent le
courage et la générosité. Ce monument déconcertant, qui fut fort décrié - « quatre moitiés d'éléphants
portant un tuyau de cheminée» (le
« Siècle ») - est devenu néanmoins
le plus célèbre de la ville où désormais tout est à « l'éléphant ».
Le th éâtre actuel remonte à 1864,
99
Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de
Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD
Editions Horvath, Roanne, 1982
93 sur 111
Histoire des communes savoyardes
Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey
La place des Eléphanls all milieu du Xlxe siècle
mais il remplace déjà deux autres bâtiments. Le premier, en bois, avait été
éd ifi é à cet emplacement à J'instigation de la société du Casin en 1775
sur le fossé en contrebas du rempart,
ce qui en facilitait la construction
(sur un terrain municipal) avec J'observation des règlements de police.
Par la suite, on hésita encore à le placer près du château vers le passage
Murger; finalement en 1821 avec
l'aide du général de Boigne et du roi
Charles-Félix, sur les plans des
architectes Trivelly et Pregliasco, on
le construisit en dur au même endroit, la proximité de J'Albanne pouvant être utile en cas d'i ncendie. Le
tout fut néanmoins dévasté par le feu
le 2 février 1864 (alors que le bâtiment était envahi par la paperasserie
de J'hôtel de ville en réfection). On
refit donc le théâtre en respectant le
plan du précédent, mais en s'inspirant bien sûr des opéras de Paris et
de Bordeaux. La salle a conservé ainsi son allure à l'italienne, elle s'ho-
nore toujours du grand rideau de
scène offert par Charles-Fél ix représentant J'œuvre des frères Vacca « la
Descente d'Orphée aux Enfers ». Les
loges particulières ont di sparu,
seu les subsistent celles des autorités
et de la famille de Boigne. On peut
regretter l'orientation du bâtiment,
mais ni J'évêque, ni le directeur du
séminai re, ni celui de J'hôtel-Dieu
n'avaient pu envisager de voir leurs
fenêtres donner sur la porte du théâtre. S'il n'ava it tenu qu'à eux on
aurait suivi les journalistes, qui demandaient le transfert de la salle sur
la place Caffe, ce qui eût permis le
prolongement des boulevards jus- .
qu'aux casernes; mais la mairie, par
paresse et timidité, n'osa affronter de
tels problèmes. D'ailleurs on reconstruisit en petit et à J'économie de
sorte qu'actuellement le théâtre,
quoique modernisé de 1958 à 1970,
devient d'une insuffisance de plus en
plus criante. C harles Dullin, le grand
acteur d'origine savoyarde, a donné
100
Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de
Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD
Editions Horvath, Roanne, 1982
94 sur 111
Histoire des communes savoyardes
son patronage à une bell e salle typiqu e du XIXe siècle, mais qui, avec
ses 800 places, est sans proportion
avec les besoi ns actuels.
La rue Croix-d 'Or, fu t pendant
longte mps la se ul e grande rue véritabl e de C hambéry. Ell e prenait son
nom d' un e fonta ine surmontée d'une
croix d'o r aménagée ou refaite par
Mg r La mbert, évêq ue de Maurienne
en 1567, et en dépit de la disparition
de cette de rni ère en 1794 et de sa dénomination révo lutionnaire de « rue
Jea n-Jacqu es », ell e conserva toujours cette appell ation. Elle ava it
d'abord été hors des p remiers remparts et ne se tro uva intégrée à la
vi ll e qu 'a u XVe siècle, de rrière la
porte Mo ntméli a n. Les auberges se
reportant de l'autre côté de l'ence inte, la rue put deve nir plus résident iell e, sa ns jamais devenir néanmoins plein eme nt l'a rtère « chic » de
la cité. On y vit donc du beau monde
Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey
dès le XVIIe siècle avec les Bertrand
de la Pérouse et les Costa, tous de
vieilles fam illes du Sénat et de la
Chambre des Co mptes et les Castagnery qui en plus jouaient les maîtres
de forges en Maurienne, ce qui le ur
permit d'agrémenter leur cour de
grilles magnifiques. Tous ava ient eu
bien des problèmes de vois inage
avec les Franciscains, qui les ob ligèrent à aménager des passages transversaux vers la rue. En face, les Bellegarde n'avaient pas connu de telles
difficu ltés, mais ils avaient dû attendre leur enrichissement dans l'émigration en Angleterre et en All emagne pour refaire dignement leur
hôtel en style Louis XVI à la vei ll e
de la Révolution et dont ils profitèrent finalement fort peu. Cette immense demeure put ainsi abriter le
pape Pie VII et Napoléon lors de
leurs passages à C hambéry en 1804
et 1805. Jea n-J acques Rousseau fré-
Les g rilles de l' Hôtel de CHATEA UNEUF
(Cliché Musée Savo isien)
101
Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de
Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD
Editions Horvath, Roanne, 1982
95 sur 111
Histoire des communes savoyardes
La rue couverle
de la p lace Sail1l-Léger en 18 15
(g ravure de Massoli)
quenta la rue, comme professeur de
musique auprès de Mademoiselle de
Costa « malheureusement un peu
rousse », comme élève auprès de
Monsieur Roche - qui ne put jamais
lui a pprendre à da nser le menuet ni à
perdre l' habitude de « marcher du
ta lon » - , enfin comme ami chez
Monsie ur d e C onzié : « Nou s déjeunions, nous causio ns, nous li sions
quelque nouveauté et pas un mot de
mu siqu e .. . »
La place Sail1l-Léger. centre de la
ville, a év idemment beaucoup changé. Ell e a perdu en 1760 l'église, qui
en occupait le centre depuis le
XIVe siècl e. L' Albanne et les caborn es qui l'encombraient, réduisa ient la perspecti ve à une minuscule
placette avec le poids public au-deva nt de l'égli se, ell e- même bordée de
deu x ru es passa ntes, la Grand e-rue
(aim abl e euph émi sme) et la ru e Gre-
Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey
natterie devenue plus tard rue Tupin.
En dépit de la couverture de la rivière et de la démolition de l'église,
l'ensemble resta encore anarchique
du fait des cabornes et des galeries
couvertes: « Il y fait toujours net et
propre et on y est à l'abri des injures
du temps. » Oouvin, 1672,) Aussi la
rue couverte demeura-t-elle à la
mode jusqu' à la démolition du tout
en 1826 et son remplacement par les
portiques de la rue de Boigne. Ce
grand espace ainsi libéré resta néanmoins le centre de la vie mondaine,
c'est ici que l'on trouvait les grands
cafés, dont la célèbre brasserie de la
Perle, c' est ici que l'on donnait des
concerts, que l'on rassemblait la
foule pour la fête-Dieu ou pour la revue de l'armée. En 1897 un incendie
permit le percement de la rue PorteReine et la réinstallation à son angle
du clocheton de l'horloge qui rappelle le « gay te» et l'horloge de la
vieille église. Périodiquement depui s
deux siècles, des projets d'allongement de la place vers les casernes ou
vers le Vern ey ont été élaborés pui s
oubliés. En 1976 la place fut rendue
piétonne, les façades, dont beaucoup
n'en avaient jamais tant vu, furent repeintes; on installa deux fontaine s
et faute d 'orner la principale avec la
vénérable statue de Lan s, on lui donna un grou pe de Marmousets érigé
autrefoi s sur le « pont des Amours ».
La rue Mélropole, qui a été remani ée au XVIII e siècle,- s' honore des
souvenirs du poète Marc-Claude
Buttet, qui eut son heure de gloire
sous la Renaissance et de celui plus
honorable encore de l'hôpital SaintFrançois ou hôtel-Dieu où l'on soigna pendant trois siècles les malades
(avant de les transférer près de la
Leysse et de donner le bâtiment au
collège).
La rue menait autrefois à l'im-
102
Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de
Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD
Editions Horvath, Roanne, 1982
96 sur 111
Histoire des communes savoyardes
mense clos des Fra nciscains, qui
s'o uvrait ici sur leur cimeti ère se rva nt accessoirement aussi de bourse
a ux grains. Les Franciscains étab li s à
C hambéry peu de temps a près la
mort de leu r sai nt fondateur,
ouvraient en effet largement leur
couvent soit pour les réunions du
co nseil résident du co mte, so it pour
les assemblées de bourgeoi s. Il s se
souciaient peu du vo isin age nauséabond des gra nd es bouch eries et
« écorcheries », au nord, des bras de
l'Albanne, a u sud et à l'ou est, et des
fossés croupiss a nt de l'enceinte à
l'est ; forts de leur puissance il s reco nstruisirent leur couvent du XVe
au XVII e siècle, ce qui ne manqu a
pas de leur attirer des jalousies et finalement provoqua leur éloignement
en 1777 et l'attribution du bâ timent à
l'évêqu e. Faute de pouvoir refaire
leur « pa lais » à leur goût, les prélats
se contentèrent de remanier l' intéri eur. Leur ex pul sion en 1907 po sa
bien des probl èmes aux autorités qui
ne surent que fa ire du tout, on en fit
donc un musée Savo isie n, mais ce luici ne put pre ndre d'expansion qu 'à
partir d e son réaménagement, cinquante ans après ...
La ca th édrale métropolitain e est en
fait la gran d e ég li se que les Francisca ins éd ifi ent a u XVe, deu x siècles
a près leur insta ll ation à C hambéry.
Coupe transversale de /a cathédrale
(Cliché et collection Monumenls Historiques)
Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey
Sa grande taille (73 m de long et
34 m de large, comme à Sai nt-Jea n
de Lyon) en fait le plus gra nd édifice
de la vi ll e, où l'on célèbre dès lors
toutes les gra nd es cérémoni es et où
l'on réu ni t les assemb lées générales
des Cha mbéri ens. C'est sa taille qui
la fait encore attrib uer comme cathédrale au nouvel évêq ue e n 1779 . Ell e
perd it alors le patron age de saint
François d'Assise pour ado pter ce lui
de la Vierge a uqu el ell e renonça en
1802 pour cel ui de sa int Fra nçois de
Sa les. La façade de style go thique
flamboyant avec ses ba ldaquins, ses
statues (d isparues), sa ga lerie ajourée
o ù se perd l'archi vo lte du portail
co ntraste avec la nu d ité de l' intéri eur
sans transept, sa ns chapiteau, sa ns
ve rri ère. Il ne reste de l'ancienne
église que ses portes de style
Louis XI II et la célèbre statue de
Notre-Dame-du-Pilier, sa uvée miracul e useme nt de la Révo lu tion qu i détrui sit tout le mobilier pour loger ici
l'Assemb lée des All ob roges en 1792,
puis le culte de la Raiso n en 1793. La
res tauratio n commença dès l'E mpire,
mais la plupart des peintures en
trom pe l'œi l so nt l'œuvre du Piémontais Vicario après 1833. Pour remeubler l'église, on lui att ribu a du mob ili er de Tami é (à la sacristie) et des
boiseries de Ripaille (dispa ru es).
C'est le card in al Billiet qu i, ap rès
1840, fit in sta ll er les grandes o rgues,
les fonts baptismaux, les sta ll es et la
chaire, et qui donna au trésor le fameux dyptique de Béatri x de Savoie.
En 1819 la cathédrale avait reçu les
restes d u président Favre, j usqu 'alors
inhum é à Sainte-Marie-l'Egyptienne
et pour leq uel Philippe Co ll et dit
« Le Romain » édifia un nouveau
tombea u
en
1824.
En
1887
Mgr Leuillieux entreprit (hélas!) de
refaire « à la moderne » les peintures
du chœur et du déambulatoire. En
103
Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de
Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD
Editions Horvath, Roanne, 1982
97 sur 111
Histoire des communes savoyardes
1892, la façade fut refaite en molasse
et remaniée encore en 1960, à chaque
fois elle perdit des ornements sous
prétexte de purification. Monument
fragile sans fondation, so uvent mutilé et critiqu é, la cathédrale n'en demeure pas moins le centre incontesté
et vénérable de la vie religieuse
chambérienne.
A la périphérie
Les casernes. Il ne reste rien du
couvent de Sainte-Claire, favori des
Comtes et des Ducs où l'on se re ndait en procession devant un crucifix
miraculeux en cas de graves sécheresses ; il fut co nverti en hôpita l et
en cartoucherie au XIXe siècle et de
ce fait bien mutilé déjà lors de sa démolition au XXe. Les Corde li ers établis à Sainte-Marie-I'Egyptienne
avaient l'ins igne honneur de recevoir
les tombeaux des grandes familles
chambériennes, ce qui ne les empê-
Façade de Saint-François
Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey
cha pas de se faire expulser en 1777
et de voir leur couvent transformé en
hôpital puis en magasins militaires.
Le tout fut anéanti, il y a un siècle,
sous les pics indifférents des démolisseurs. Quant aux Ursulines qu i
avaient fondé ici un établissement
d'éducation, ell es disparurent ell es
aussi à la Révolution, mais il reste de
leur couvent le «pav ill on des externes» qu'elles construisirent au début du XVIII e siècle et qui fut sauvé
par la gendarmerie qui s'y installa.
Tout le quartier fut progressivement
affecté à l'armée au cours du
XIXe siècle: évin cée du château,
ce lle-ci exigea une caserne modèle et
obtint un gigantesque carré (Curial)
de 100 mètres de côté, sur le modèle
des Invalides, où dès 1815, l'on pouvait loger trois mille hommes. Le
gouvernement sarde ne voulut pas
être en reste et édifia à côté pour la
cavaleri e une immense écurie <Barbot> capable de recevoir près de cinq
cents chevaux sans compter les réserves à foin. On compléta le tout
par un grand manège en 1845 et par
une multitude de petits bâtiments secondaires après 1870. L'armée partie,
n'ayant plus d'âme, <injustement)
méprisé et méconnu , le quartier ne
pouvait pas ne pas être une nouvelle
fois rem anié : certains li eux n'ont décidément pas de chance ...
Le Faubourg Montmélian, qui s'étirait originellement sous le signe du
lau ri er depuis la porte d'Italie (au nivea u du théâtre) jusqu'au pont des
Carmes, n'était qu'une suite d'hôtelleries et d'auberges, et ce dès le
XVIe siècle jusqu'à l'arrivée du chemin de fer en 1860. Il a conservé
(pour combien de temps encore?)
son habitat ancien. Les Augustins
ont été transformés par le général de
Boigne en maison de retraite « pour
les personnes qui ayant appartenu à
104
Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de
Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD
Editions Horvath, Roanne, 1982
98 sur 111
Histoire des communes savoyardes
Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey
Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de
Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD
Editions Horvath, Roanne, 1982
99 sur 111
Histoire des communes savoyardes
une classe bien née et aisée de la société seront mises par le ma lheur et
le besoin dans le cas d'avoir recours
à cet asi le ». Le même généra l transforma auss i l'a ncien couvent des
Ca rm es en hospice pour indigents (l a
maiso n Sai nte-Hélène, maintenant
détruite et remp lacée par la Maison
des Jeunes et de la C ultu re) avec tout
à côté, un orphe lin at de jeunes filles
. «( La Providence ») . Les capucins
étab li s au XIXe siècl e dan s l'a ncien
clos des Ann onciad es, ont dû laisse r
la place en 1905 à l'éco le supérieure
de jeunes filles (l'actu el co ll ège
Jules-Ferry); les Ca rmélites n'o nt
laissé d'a utres souvenirs de leur implantation ici que les restes des cariatides de leur portail dans une montée
d'escalier de la Place d'Italie; cette
dernière et la ru e de la Banque furent en effe t aménagées en 1865 sur
l' empl ace men t du couvent pour termin er efficace ment la « rocade ouest
et sud » de C hamb éry, dont on avait
co mm encé le tracé au début du
XV III e siècle. Seu les les religieuses
de Saint-Joseph so nt restées dans
leur domaine près de la Place d' Italie
où ell es ava ient in sta ll é autrefois une
éco le de fill es et une « salle d'asile »
deve nu e bientôt école maternell e.
Lémenc n'a rien gardé de la station
ga ll o-roma in e. Abritée d errière les
grands murs de ses couvents du
X IX e siècle, ell e n'a été accessib le
qu e par la transformation en parc
public de l'ancien domaine des Savoiro ux passé un temps aux religieuses sacramentines.
L'égli se act uelle fut reconstruite
après un incend ie en 1445. Elle avait
d' abord apparte nu aux bénédictins
puis aux cisterciens-feuillants et ne
devint paroissiale qu 'après la Révoluti on. Ell e a perdu en 1794 so n cloche r et ses verrières du XVIe siècle,
avant de voir disparaître au XXe, ses
Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey
statues et ses trompe-l 'œ il. Elle s' enorgueillit cependant d'abriter les
restes de Saint-Concord, archevêque
irl andais d' Armagh mort ici de retour de Rome en 1176 et surtout le
mauso lée du général de Boigne,
œuvre du sculpteur Vallet en 183 1.
Le principal intérêt de Lémenc demeure sa crypte avec sa rotonde préromaine et so n énigmatique monument de six colonnes aux fûts galbés
et aux chapiteau x frustes à feuilles
d'acanthe reposant sur les angles
d'une marge lle hexago nale. Les archéologues et historiens se sont di visés su r la date de l'ensemble, les uns
le situent au VIl e siècle (R. Ourse l),
mais les au tres n'hésitent pas à le dater du IX e <Pérouse) ou du XI e (J .
Huber). A quoi serva it-il? édifice funéraire ? chapelle funéraire du cimeti ère burgo nde voisi n ? martyrium réceptacle de reliques comme dan s les
rotondes bourguignonnes ? ou plutôt
Le «baprisrère » de Lémence
(gravu re de P. De/ni /94/)
(Cli ché Musée Savois ien)
106
Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de
Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD
Editions Horvath, Roanne, 1982
100 sur 111
Histoire des communes savoyardes
Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey
Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de
Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD
Editions Horvath, Roanne, 1982
101 sur 111
Histoire des communes savoyardes
Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey
La chapelle du ca/va ire de Lémenc vers / 830 (gravu.re de Cou.r/ois)
cuve bapti smale utili sée à partir du
moment où la célébration du baptème ne fut plus réservée aux se uls
évêqu es? L'abside de la crypte date
du XVe siècle et abrite ma intenant
un e vigo ureu se et théâtra le mi se au
tombeau provenant de l'ancien'ne
égli se des Antonins , mutil ée hélas !
so us la Révolution ,
Tout à cô té de l'égli se, se trou ve
l'ancien co uvent qui , après avo ir été
cédé en 1802 aux religieu ses de la Visitati on, app arti ent depuis un e vingtaine d'a nnées aux religieu ses de
Saint-Joseph. La tour carrée est supposée avo ir abrité le duc Philippe Il
mourant en 1497 , Quant au cimeti ère
où l'o n pense que Mme de Warens a
été inhumée, il a perdu depuis longtemps so n ossuaire médi éval et les
tombes monumentales des grandes
familles chambériennes, que rappelle
seule la chapelle funéraire des Bracorand de Savoiroux.
Le Reclus n'a rien gardé bien sûr
de sa reclu ?érie du XIII e siècle, milis
' rien non plus de ses anciennes
auberges aux noms évocateurs de
« l'oie dorée » ou des « Rissoles » ;
il n'a pas eu de chance, n'ayant pas
su s'adapter à la circulation « moderne » aux XVII e - XVIII e siècles,
ni pu retenir les multiples congrégations et fondations qui s'installèrent
ici provisoirement, et qui faute de
place allèrent ailleurs. Le XIXe siècle
avec la tranchée du chemin de fer
n'arrangea rien et le bombardement
de 1944 couronna cette suite de désagréments. Il ne reste de cette longue
et triste histoire que des carrières dominées par une petite chapelle néoclassique érigée ici en 1820 par Mgr
Martinet en remplacement de la
vieille chapelle du Golgotha. Un peu
en contrebas, le hasard a amené,
dans un petit clos, la Croix des pénitents no irs, autrefois au Verney et or-
108
Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de
Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD
Editions Horvath, Roanne, 1982
102 sur 111
Histoire des communes savoyardes
née d'une « déposition », œuvre du
sculpteur dauphinois Rostaing en
1865.
Le Verney. Sur un terrain jadis ravagé par les divagation s de la Leysse,
et qu ' Amédée VI donna à la vill e à la
fin du XIVe siècle, on amén agea un
espace libre ou ve rt à tou s. Les
princes y donnère nt des tournois, les
tireurs s'y exercèrent d'abord dans le
cadre des « co mpagnies de l'a rc, de
l'arbalète et de l'arquebuse » pui s
dans celui des « nobles tireurs de
l'arqueb use» et enfin dans ce lui des
« nobles chevaliers tireurs» . Aux
XVIIIe et XIXe siècl es, ces derniers
abattaien t ici le « papegai », éli saient
leurs rois et reines et tenaient leurs
bals. On y tira auss i des feux d'a rtifice à partir du XVII e siècl e, pendant
la Révolution on y fit des autodafés
de « vestiges du despotisme » et on y
célébra en gra nde pompe les so ld ats
morts pour la patrie et les victoires
de la République, on y dansa et on y
but « e n bon s citoyens». Les dimanches et jours de fêtes on s'y promenait e n fami lle, on y jouait a ux
quilles sa ns vo ul o ir se rappeler les
so mbres « chap pis», où l'on ava it
déporté les pestiférés aux XVI e et
XVIIe siècles, ni les exécutions capitales que l'o n pratiqua longtemps ici .
C'est d'ailleurs pour les condamnés à
mort que les pénitents noirs avaient
construit leu r chapelle et édifi é leur
grande cro ix près de la potence tout
a u fond du « grand jardin ». On y vit
très tôt des pro stituées, surtout a près
la disparition du quartier des fill es
(près du château) et la duchesse
Yolande 'd ut les menacer, au XVe siècle, du pi lori (sa ns gra nd succès
d'a ill eurs). On y rencontra aussi des
so ld a ts surtout a près la création du
cha mp de Mars en 1793 près de la
Leysse. Même après l'éloignement de
ce dernier à la Favo rite après 1860,
Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey
les orchestres militaires ve naie nt y
donner des concerts . Le ja rdin fut réduit au XIXe siècle par la co nstru ction du no viciat des frères des éco les
chrétiennes (l'actuelle éco le Waldeck
Rousseau), pa r celle de la Gre nette
pui s par celle du pala is de justice. En
1861, l'actuelle avenue du Com te
Vert prolongeant
le boulevard,
co upa pour un bon siècle, le Verney
de l'ancien champ de Mars, mais on
continua longtemps à insta ll er sur ce
derni e r les cirques et les vogues, on y
tint des meetings, on y mit la foire ...
enfin on y édifia la poste. Le Verney,
qui ava it été un des poumons d'air et
de vitalité pour C hambéry, a pris le
style calme des squares. Les Es pagnols y avaient planté a u XVII Ie siècle des tilleuls que les A utri chiens
faillirent irrémédiablem ent saccager
en 18 14-1 8 15. En 186 1 la municipalité supprima les parterres « à la française» et transforma le tout en jardin a nglais dans le goût des parcs parisiens.
En 1860, les chevaliers tireurs
s'exilèrent à la Folatière (d'où ils pa rtirent un siècle après à ... Saint-Baldoph), la ville racheta leur pavill on
et leur clos pour faire du premier un
café (l'actuel centre d'enfants inadaptés) et du second des ja rdins (en
attendant le lycée de fill es). De
l'autre côté, près de la Leysse, l'ancien jeu de paume construit ici par le
prin ce Thomas de Savoie a u début
du XVII e siècle avait abrité les premières séa nces théâtrales connues à
C hambéry, mais a u XIXe siècle il n'y
ava it plu s ici qu ' une guingu ette et
par derri ère l'imprimerie du vé nérable « Co urri er des Alpes » ; a u lendemain de la deuxième guerre, to ut
d isparut irrémédiablement au profit
de l'automobile.
Le Sénat, dépossédé du couvent
Saint-Dominique e n 1830, chercha it
109
Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de
Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD
Editions Horvath, Roanne, 1982
103 sur 111
Histoire des communes savoyardes
un loca l digne d e lui. Dès 18 10, on
avait pensé à un nouveau Palais de
Justice. mais en fait il ne fut décidé
qu'en 1848 et construit de 1850 à
1859 (ce qui l'empêcha d'être officiell ement inauguré). C'est un bel
exemple de l'a rchitecture officiell e
sarde de l'époq ue, avec une ordonnance fortement inspirée du sty le de
Palladio ; on s'esl voulu austère et
monumental, cadre digne de la justice que l'on voulait donner. Le principal événement qui s'attache au bâtiment, est la proclamation des résul tats du plébiscite le 29 avril 1860,
mais son intérêt est bien sûr le souvenir de l'ancien Sénat perpétué par la
cour d'appel, qui en conserve les reliques . Depuis 1863, l'Etat et le département s'en partagent non sans difficu lté la propriété et pendant longtemps, surtout depuis 1920, de nomIJfeuses adm inistrations y ont logé
jusqu'à nos jours où les magistrats
cherchent de plus en plus à en rester
les seuls usufruitiers. Jaune au départ, le Palais s'est retrouvé « rouge
sarde» en 1976. En 1858, le marquis
Pantaléon Costa avait fait décider
par l'Académie de Savoie le principe
d'un monument au président Favre.
La réali sation , payée par souscription publique, fut con fiée au sculpteur Gumery né à Celliers en 1830,
grand pri x de Rome en 1850, qui
s'était déjà fait connaître en travaillant avec Garnier. On éleva la statue
en 1865 devant le nouveau Palais de
Justice : le président entouré de la
science et de la jurisprudence fut
sauvé de la destruction pendant la
guerre.
On a peine à retrouver l'ancien
champ de foire dans la place du Palais bordée par l'élégant hôtel des
douanes (J 'a ncien hôtel de C lermontMont-Saint-Jean où Joseph de Maistre vint so uvent) et où le Palais de
Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey
Justice rivalise de majesté et de prétention avec le musée-bibliothèque
(quel programm e!) édifié en 1887
sur l'ancien ne grenette.
Maché avait connu son heure de
gloire au Moyen-Age, mais les hôte lleries du Griffon et de Sainte-Barbe
disparurent dès le XVIe siècle avec le
contournement de la circu lation sur
l'actuelle avenue de Lyon ; ce déclin
provoqua ce lui de l'hôpital du basMaché fondé pour les « pèlerins et
pauvres voyageurs» et son transfert
en hôpital de la charité près de la .
Leysse au XVIII· siècle. Dès lors
Maché ne fut plus qu ' un quartier populaire de petits artisans et
d'ouvriers, qui compensaient leurs
misères et leur saleté par un esprit
gouailleur et bon enfant. Le particula ri sme y était soigneusement entretenu par la procession annuelle du
prieuré de Saint-Valentin à Bissy,
puis dans des fêtes, vogues et kermesses qui durèrent, en dépit des méfiances officielles, jusqu'en 1930. On
buvait sec ici, même si l'on disait que
l'eau de la fontaine des Deux-Bourneaux (de la rue des Bernardines)
rendait le « teint frais et beau ». Il se
peut que Jean-J acques et Madam e
de Warens se soient arrêtés dan s
quelques cabarets et porte-pots alors
si nombreu x dans le faubourg , lorsqu ' il s se rendaient à leur petit jardi n
en haut de la colline où le jeune philosophe espérait bien retrouver la
santé et le moral.
Tout n'es t pas qu e bons so uvenirs
à Maché, la mi sère du faubourg en
fa isait le lieu de prédilection des épi démies et la mortalité y fut toujou rs
très forte. La place Maché date de la
Révo lution, l'actuelle rue SainteBarbe a été percée en 1849 et la place
aménagée en 1890 lors de l'install ation ici d ' un~ nouvelle gren ette avec
le fronton de l'anci enne ; on en pro-
110
Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de
Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD
Editions Horvath, Roanne, 1982
104 sur 111
Histoire des communes savoyardes
Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey
Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de
Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD
Editions Horvath, Roanne, 1982
105 sur 111
Histoire des communes savoyardes
Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey
Le Caver cl la veilLe de sa dél17olirion dans les années 1960
fita auss i pour recouvrir l' Albanne
qui co ul ait pa r derrière et faire di sparaître les a ba tto irs, les ta nneries et
les moulins de la Pichardiery, qu i la
bordaient (par l'actuell e éco le Pa ulBert). En 196 1, on commençait la démolition du long faubourg; elle dura
quinze ans et fut assez radica le pour
qu'il n'en reste rien, sinon l'église.
On en profita auss i pour abattre l'ancien château de Lescheraine, qui
avait abrité le pensionnat des dames
du Sacré-Cœur pui s l' hospice après
1905, à la place duquel o n édifi a le
nouveau centre hospita li er.
Sur le ha ut de la colline de Montjay trône, depuis le XVIe siècle, un e
maison forte, qui appartint success ivement a ux Rochefort, au x Vilcardel
de Fle ury, puis a ux Saillet et a ux
d 'Oncieu . So n domaine fut néa nmoins progressivement réduit par
l'installation de grandes propriétés
bourgeoises dès la fin du XIXe siècle, l'air des collines étant alors pré-
féré à celui « pestilentiel » de la vi lle.
C'est aussi pour cela que l'on y déménagea en 1890 l'hôtel-Dieu, doublé dans l'entre-deux-guerres du pavi llon Sainte-Hélène. L' hô pital est
passé un peu en contrebas, mai s le
quartier reste voué, avec un e cliniqu e
et l'école d'infirmières, à une destination ho spitalière et sa nitaire, ce qui
co mpense peut-être le mau va is so uvenir des épidémi es de Maché et des
fourches patibul aires, qui s'élevèrent
ici près de la croix dite des Brigands
à la mauvaise réputa tion (injustifiée).
Au-delà des faubourgs
Dans la marée des cités, des loti ssements et des pavillons, peu d e so uve nirs historiques ont survécu, et cependant il se rait injuste d e ne pas les
rappeler avec leurs ultimes vestiges.
La Cro ix-Rouge, qui tire son nom
d' un monument a ncien ma rquant la
limite des franchise s de C ha mbéry,
11 2
Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de
Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD
Editions Horvath, Roanne, 1982
106 sur 111
Histoire des communes savoyardes
Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey
---------
)
,
Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de
Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD
Editions Horvath, Roanne, 1982
107 sur 111
Histoire des communes savoyardes
Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey
Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de
Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD
Editions Horvath, Roanne, 1982
108 sur 111
Histoire des communes savoyardes
J
~
Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey
'
~t-f
~t":~~~~
s::-
Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de
Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD
Editions Horvath, Roanne, 1982
109 sur 111
Histoire des communes savoyardes
Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey
l
Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de
Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD
Editions Horvath, Roanne, 1982
110 sur 111
Histoire des communes savoyardes
n'est qu'un ensemble de hamea ux
qui dépendaient autrefois de Lémenc. Peu accessibles pendant longtemps, ils n'ont guère comme souvenirs que de vieilles et vénérables
fermes cachant parfois quelques domaines des XVIIe-XVIIIe siècles. Ce
n'est qu'en 1776 que la nouvelle
route permit d'éviter de fâcheux détours et débloqua enfin les vi ll ages;
son auteur le Piémontais Bassa en
profita pour se faire construire le
charmant château de Côte-Rousse
au pied de la falaise.
En redescendant dans la va ll ée,
nous trouvons le hameau de Pugnet
qui a pris le nom de Piochet en souvenir de la famille Piochet de Salins.
(Ce ll e-ci avait transmis à son manoir
de Cognin le rappel de son premier
fief en Tarentaise et à son manoir de
. Pugnet, le nom de son domaine de
Saint-Jean-d'ArveyJ S'il reste peu de
choses de cette maison-forte, le quartier s'enorgueillit du château de Cara magne, qui fut ains i baptisé au
XVIe siècle par son fondateur, le Piémontais Bacchi, en souven ir de son
lieu d'origine; il appartint ensuite
aux Bertrand de la Pérouse, puis
après la Révolution, au commissaire
Guillet. C'est néanmoins la locataire
de celui-ci, la marquise de la Pierre
qui fit la renommée du château en y
recevant Lamartine (cf. « Chambéry
dans la littérature »).
La Cassi ne s' appelait autrefois les
« Vernettes sous Lémenc » et ne prit
son nom act uel que par l'intermédiaire d'une propriété loca le (Rabelais cite un « Pantolfe de la Cassi ne » guéri à Chambéry: hasard ou
réminiscence ?). En tous les cas, les
Antonins de Chambéry avaient à
Beauvoir une commanderie et une
tour dont les maigres souvenirs sont
intégrés dans l'actuelle propriété Angleys. A La Boisse, dans la
Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey
« plaine», plus rien ne rappelle le
sentier des primevères conduisant à
la porte de la source ferrugineuse,
qui causa tant d'espoirs et tant de polém iqu es. Découverte au milieu du
XVIIIe siècle, cette eau posa tout de
suite le problème de sa vertu curative ; le protomédecin Fleury la recom manda « contre les humeurs qui
se portent sur la peau et les maladies
des voies urinaires » et l'abbé Panisset lui consacra un poème « Boessia
Salutifera» à la grande fureur du
docteur Daquin, qui niait tout intérêt
à cette « prétendue eau thermale ».
L'affluence était néanmoins si
grande que l'intendant décida d' une
route carrossable pour en faciliter
l'accès. Les polémiques durèrent encore tout le XIX e siècle, on se passionna pour l'analyse des eaux et sur
l'impulsion du docteur Carret, la
vi ll e en décida l'exploitation commerciale en 1882. Hélas! les concessionnaires ne purent faire grandchose et la ville encore moins. Décidément, Chambéry n'arrivait pas à
retenir les étrangers qui la traversaient... Les vest iges historiques sont
encore moins nombreux à l'ouest et
au sud de la ville: la co llin e de Bellevue menait aux maisons fortes de
Montgellaz et du Chanay à la limite
de Jacob; ce n'est qu'au XIXe siècle
que le baron Blanc, érudit et archéologue, y fit construire un grand château disparu de nos jours. Le château du Biollay a perdu sa grille et
son parc, il appartint aux de Baigne
vers 1870, mais son fondateur était-il
un ancien cordonnier comme certains l'ont cru du fait des écussons
« en semelle » tenus par les lions du
portail? Il était sur la route, qui menait au vieux pont de Cognin, près
duquel Anne de Chypre avait
construit une riche chapelle au
XVe siècle où s'établirent les Capucins 150 ans plus tard.
113
Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de
Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD
Editions Horvath, Roanne, 1982
111 sur 111