Thèse en médecine Annonce G.Grimault

Transcription

Thèse en médecine Annonce G.Grimault
UNIVERSITE MONTPELLIER I
U.F.R. DE MEDECINE
THESE
Pour obtenir le grade de
DOCTEUR EN MEDECINE
Présentée et soutenue publiquement
Par
Gwénola GRIMAULT
Le 1er décembre 2007
Titre :
DE L’INFORMATION A L’ANNONCE DES MAUVAISES NOUVELLES EN
MEDECINE GENERALE
Directeur de thèse : Dr Jean Charles GASTON
JURY
Pr BOULENGER Jean Philippe
Président
Pr GUILLOT Bernard
Assesseur
Pr PAGEAUX Georges-Philippe
Assesseur
Dr CHEVALLIER Josiane
Assesseur
Dr BOURREL Gérard
Assesseur
Dr GASTON Jean Charles
Assesseur
UNIVERSITE MONTPELLIER I
U.F.R. DE MEDECINE
THESE
Pour obtenir le grade de
DOCTEUR EN MEDECINE
Présentée et soutenue publiquement
Par
Gwénola GRIMAULT
Le 1er décembre 2007
Titre :
DE L’INFORMATION A L’ANNONCE DES MAUVAISES NOUVELLES EN
MEDECINE GENERALE
Directeur de thèse : Dr Jean Charles GASTON
JURY
Pr BOULENGER Jean Philippe
Président
Pr GUILLOT Bernard
Assesseur
Pr PAGEAUX Georges-Philippe
Assesseur
Dr CHEVALLIER Josiane
Assesseur
Dr BOURREL Gérard
Assesseur
Dr GASTON Jean Charles
Assesseur
PERSONNEL ENSEIGNANT
Professeurs honoraires
ALLIEU Yves
ALRIC Robert
AYRAL Guy
CAZAL Pierre
CHAPTAL PaulAndré
CIURANA AlbertJean
D’ATHIS Françoise
BAILLAT Xavier
DEJEAN Yves
BALMES Michel
BALMES Pierre
BANSARD Nicole
DESCOMPS Bernard
DU CAILAR Jacques
DUMAS Robert
BAUMEL Hugues
DUMAZER Romain
BAYLET René
EMBERGER JeanMarie
FABRE Serge
FREREBEAU
Philippe
GRASSET Daniel
ASTRUC Jacques
BERTRAND André
BILLIARD Michel
BLARD Jean-Marie
BONNET Hubert
BORIES-AZEAU
Antoine
BOSSY Jean
BOUDET Charles
BOURGEOIS JeanMarie
CADILHAC Jean
CALLIS Albert
CATAYEE Gabriel
JARRY Daniel
JEAN Roger
PAGES André
PEGURET Claude
LABAUGE Robert
POUGET Régis
LAFFARGUE
François
LAMARQUE JeanLouis
LAPEYRIE Henri
LLORY Jacques
LOUBATIERES
M.Madeleine
MAGNAN DE
BORNIER Bernard
MANDIN André
POURQUIER Henri
MARCHAL Georges
MARTY-DOUBLE
Christiane
MATHIEU-DAUDE
Pierre
GREMY François
MEYNADIER JeanCharles
GROLLEAU-RAOUX MICHEL FrançoisRobert
Bernard
GUILHOU JeanMICHEL Henri
Jacques
HERTAULT Jean
MION Charles
IZARN Pierre
MION Henri
JAFFIOL Claude
JANBON Charles
JANBON François
MIRO Luis
NAVARRO Maurice
NAVRATIL Henri
Gwénola GRIMAULT
De l’information à l’annonce
PUECH Paul
PUJOL Henri
RABISCHONG Pierre
RAMUZ Michel
RIEU Daniel
RIOUX Jean-Antoine
ROCHEFORT Henri
SERRE Arlette
SIMON Lucien
SOLASSOL Claude
SUQUET Pierre
THEVENET André
VERNHET Jean
VIDAL Jacques
VISIER Jean Pierre
VLAHOVITCH Boris
3/118
Décembre 06
Professeurs des Universités – Praticiens Hospitaliers
Professeurs de classe exceptionnelle
AUSSILLOUX Charles
BALDY-MOULINIER Michel
BOUSQUET Jean
BUREAU Jean Paul
CANAUD Bernard
CASTELNAU Didier
CLOT Jacques
DAURES Jean Pierre
DEDET Jean Pierre
DEMAILLE Jacques
DIMEGLIO Alain
ELEDJAM Jean Jacques
FOURCADE Jacques
GODLEWSKI Guilhem
GUERRIER Bernard
HUMEAU Claude
JOURDAN Jacques
MARY Henri
MONNIER Louis
PREFAUT Christian
ROSSI Michel
ROUANET DE VIGNE LAVIT
J.Pierre
SANY Jacques
SULTAN Charles
TOUCHON Jacques - Doyen
Pédopsychiatrie
Biologie Cellulaire
Pneumologie
Cytologie et Histologie
Néphrologie
Psychiatrie d’adultes
Immunologie
Epidémiologie, Economie de la santé et Prévention
Parasitologie et Mycologie
Génétique
Chirurgie Infantile
Anesthésiologie et réanimation chirurgicale ; médecine
d’urgence
Médecine interne ; Gériatrie et Biologie du vieillissement
Anatomie
Oto-Rhino-Laryngologie
Biologie et Médecine du développement et de la
reproduction
Thérapeutique ; médecine d’urgence
Chirurgie thoracique et cardio-vasculaire
Endocrinologie, diabète et maladies métaboliques ;
gynécologie médicale
Physiologie
Biophysique et médecine nucléaire
Radiologie et imagerie médicale
Rhumatologie
Biologie et Médecine du développement et de la
reproduction ; gynécologie médicale
Neurologie
Professeurs de 1re classe
ARNAUD Bernard
ARTUS Jean-Claude
ASENCIO Gérard
AVEROUS Michel
BACCINO Eric
BALDET Pierre
BLANC François
BLAYAC Jean Pierre
BLOTMAN Francis
Ophtalmologie
Biophysique et Médecine nucléaire
Chirurgie orthopédique et Traumatologique
Urologie
Médecine légale et droit de la santé
Anatomie et cytologie pathologiques
Médecine interne ; gériatrie et biologie du vieillissement
Pharmacologie fondamentale ; pharmacologie clinique
Rhumatologie
BONAFE Alain
BONNEL François
Radiologie et imagerie médicale
Anatomie
Gwénola GRIMAULT
De l’information à l’annonce
4/118
Décembre 06
BOULENGER Jean Philippe
BRINGER Jacques
BRUEL Jean Michel
CLAUSTRES Mireille
COLSON Pascal
COMBE Bernard
COSTA Pierre
DAUZAT Michel
DAVY Jean Marc
DE LA COUSSAYE Jean
Emmanuel
DOMERGUE Jacques
DUBOIS Jean Bernard
DUJOLS Pierre
ECHENNE Bernard
GALIFER René-Benoît
GODARD Philippe
GUILLOT Bernard
HEDON Bernard
HERISSON Christian
JEANDEL Claude
JONQUET Olivier
KLEIN Bernard
LALLEMANT Jean Gabriel
LARREY Dominique
LE QUELLEC Alain
LEROUX Jean Louis
LOPEZ François Michel
LORIOT Jean
MARES Pierre
MAURY Michèle
MERCIER Jacques
MILLAT Bertrand
MIMRAN Albert
MOURAD Georges
PELISSIER Jacques
PETIT Pierre
RIBSTEIN Jean
ROUANET Philippe
SAINT AUBERT Bernard
SANCHO-GARNIER Hélène
SCHVED Jean François
SENAC Jean Paul
UZIEL Alain
VOISIN Michel
Psychiatrie d’adultes
Endocrinologie, diabète et maladies métaboliques ;
gynécologie médicale
Radiologie et Imagerie médicale
Génétique
Anesthésiologie et réanimation chirurgicale ; médecine
d’urgence
Rhumatologie
Urologie
Chirurgie vasculaire ; médecine vasculaire : option médecine
vasculaire
Cardiologie
Anesthésiologie et réanimation chirurgicale ; médecine
d’urgence
Chirurgie générale
Cancérologie ; radiothérapie
Biostatistiques, informatique médicale et technologies de la
communication
Pédiatrie
Chirurgie infantile
Pneumologie
Dermato-vénéréologie
Gynécologie-obstétrique ; gynécologie médicale
Médecine physique et de réadaptation
Médecine interne ; Gériatrie et Biologie du vieillissement
Réanimation médicale ; médecine d’urgence
Hématologie ; transfusion
Oto-rhino-laryngologie
Gastroentérologie ; hépatologie
Médecine interne ; gériatrie et biologie du vieillissement
Rhumatologie
Radiologie et imagerie médicale
Médecine et santé au travail
Gynécologie-obstétrique ; gynécologie médicale
Pédopsychiatrie
Physiologie
Chirurgie digestive
Médecine interne ; gériatrie et biologie du vieillissement
Néphrologie
Médecine physique et de réadaptation
Pharmacologie fondamentale ; pharmacologie clinique
Médecine interne ; gériatrie et biologie du vieillissement
Cancérologie ; radiothérapie
Cancérologie ; radiothérapie
Epidémiologie, économie de la santé et prévention
Hématologie ; transfusion
Radiologie et imagerie médicale
Oto-rhino-laryngologie
Pédiatrie
Gwénola GRIMAULT
De l’information à l’annonce
5/118
Décembre 06
Professeurs de 2ème classe
ALBAT Bernard
ALRIC Pierre
Chirurgie thoracique et cardiovasculaire
Chirurgie vasculaire ; médecine vasculaire (option chirurgie
vasculaire)
AVIGNON Antoine
Nutrition
BALMES Jean Louis
Gastroentérologie ; hépatologie
BASTIEN Patrick
Parasitologie et mycologie
BLANC Pierre
Gastroentérologie, hépatologie,
BORIE Frédéric
Chirurgie digestive
BOULOT Pierre
Gynécologie-obstétrique ; gynécologie médicale
BRUNEL Michel
Médecine interne ; gériatrie et biologie du vieillissement
CAMU William
Neurologie
CANOVAS François
Anatomie
CAPDEVILA Xavier
Anesthésiologie et réanimation chirurgicale ; médecine
d’urgence
CHAMMAS Michel
Chirurgie orthopédique et traumatologique
CORBEAU Pierre
Immunologie
COSTES Valérie
Anatomie et cytologie pathologiques
COUBES Philippe
Neurochirurgie
COURTET Philippe
Psychiatrie d’adultes
CRAMPETTE Louis
Oto-rhino-laryngologie
CRISTOL Jean Paul
Biochimie et biologie moléculaire
CULINE Stéphane
Cancérologie ; radiothérapie
DE WAZIERES Benoît
Médecine interne ; gériatrie et biologie du vieillissement
DECHAUD Hervé
Gynécologie-obstétrique ; gynécologie médicale
DELAPORTE Eric
Maladies infectieuses ; maladies tropicales
DEMOLY Pascal
Pneumologie
DEREURE Olivier
Dermatologie -vénéréologie
DUFFAU Hugues
Neurochirurgie
ELIAOU Jean François
Immunologie
FABRE Jean Michel
Chirurgie générale
FRAPIER Jean-Marc
Chirurgie thoracique et cardiovasculaire
GALLIX Benoît
Radiologie et imagerie médicale
GIACALONE Pierre-Ludovic
Gynécologie-obstétrique ; gynécologie médicale
GOUDOT Patrick
Chirurgie maxillo-faciale et stomatologie
GUITER Jacques
Urologie
HAMAMAH Samir
Biologie et médecine du développement et de la
reproduction ; gynécologie médicale
JORGENSEN Christian
Thérapeutique ; médecine d’urgence
JOYEUX Henri
Chirurgie digestive
KOTZKI Pierre Olivier
Biophysique et médecine nucléaire
LABAUGE Pierre
Neurologie
LAVABRE-BERTRAND Thierry Cytologie et histologie
LECLERCQ Florence
Cardiologie
LEFRANT Jean-Yves
Anesthésiologie et réanimation chirurgicale ; médecine
d’urgence
LEHMANN Sylvain
Biochimie et biologie moléculaire
Gwénola GRIMAULT
De l’information à l’annonce
6/118
Décembre 06
LESBROS Daniel
LUMBROSO Serge
MARTY-ANE Charles
MAUDELONDE Thierry
MAURY Philippe
MESSNER Patrick
MEUNIER Laurent
MONDAIN Michel
MORIN Denis
NAVARRO Francis
OTHONIEL Jacques
PAGEAUX Georges-Philippe
PAGES Michel
PERNEY Pascal
PICAUD Jean-Charles
PIOT Christophe
POUDEROUX Philippe
PRUDHOMME Michel
PUJOL Jean Louis
PUJOL Pascal
QUERE Isabelle
RENARD Eric
REYNES Jacques
RIPART Jacques
RIVIER François
ROSSI Jean François
SARDA Pierre
SEGNARBIEUX François
SOTTO Albert
TAOUREL Patrice
TOUITOU Isabelle
VANDE PERRE Philippe
VERNHET Hélène
VILLAIN Max
VINCENT Denis
YCHOU Marc
ZANCA Michel
Pédiatrie
Biochimie et Biologie moléculaire
Chirurgie vasculaire ; médecine vasculaire (option chirurgie
vasculaire)
Biologie cellulaire
Chirurgie orthopédique et traumatologique
Cardiologie
Dermato-vénéréologie
Oto-rhino-laryngologie
Pédiatrie
Chirurgie générale
Médecine interne ; gériatrie et biologie du vieillissement
Gastroentérologie ; hépatologie
Neurologie
Médecine interne ; gériatrie et biologie du vieillissement
Pédiatrie
Cardiologie
Gastroentérologie ; hépatologie
Anatomie
Pneumologie
Biologie cellulaire
Chirurgie vasculaire ; médecine vasculaire : option médecine
vasculaire
Endocrinologie, diabète et maladies métaboliques ;
gynécologie médicale
Maladies infectieuses, maladies tropicales
Anesthésiologie et réanimation chirurgicale ; médecine
d’urgence
Pédiatrie
Hématologie ; transfusion
Génétique
Neurochirurgie
Maladies infectieuses ; maladies tropicales
Radiologie et imagerie médicale
Génétique
Bactériologie-virologie ; hygiène hospitalière
Radiologie et imagerie médicale
Ophtalmologie
Médecine interne ; gériatrie et biologie du vieillissement
Cancérologie ; radiothérapie
Biophysique et médecine nucléaire
Gwénola GRIMAULT
De l’information à l’annonce
7/118
Décembre 06
Professeur des Universités
Professeur de classe exceptionnelle
PUJOL Rémy
Neurosciences
Professeurs Emérites
MEYNADIER Jean
ROCHEFORT Henri
RIEU Daniel
Professeurs Associés de Médecine Générale
BOURREL Gérard
LAMBERT Philippe
Maîtres de conférences des Universités – Praticiens Hospitaliers
Maîtres de conférences hors classe
FAUROUS Patrick
PRAT Dominique
PRATLONG Francine
RAMOS Jeanne
SEGONDY Michel
VENDRELL Jean Pierre
Biophysique et médecine nucléaire
Anatomie
Parasitologie et mycologie
Anatomie et cytologie pathologiques
Bactériologie-virologie ; hygiène hospitalière
Immunologie
Gwénola GRIMAULT
De l’information à l’annonce
8/118
Décembre 06
Maîtres de conférences de 1re classe
ALLARDET-SERVENT
Annick
ANDARY Monique
ARNAL Françoise
Bactériologie-virologie ; hygiène hospitalière
Immunologie
Biologie et médecine du développement et de la reproduction ;
gynécologie médicale
BAUDIN Gérard
Biochimie et biologie moléculaire
BEROUD Christophe
Génétique
BOULLE Nathalie
Biologie cellulaire
CACHEUX Valère
Génétique
CARRIERE Christian
Bactériologie-virologie ; hygiène hospitalière
CHALET Marcel
Cytologie et histologie
CHARACHON Sylvie
Bactériologie-virologie ; hygiène hospitalière
DARBAS Hélène
Bactériologie-virologie ; hygiène hospitalière
ESCANDE Andrée
Immunologie
FABBRO-PERAY Pascale Epidémiologie, économie de la santé et prévention
HAYOT Maurice
Physiologie
HILLAIRE-BUYS
Pharmacologie fondamentale ; pharmacologie clinique
Dominique
LACHAUD Laurence
Parasitologie et mycologie
MARCHANDIN Hélène
Bactériologie-virologie ; hygiène hospitalière
MARIANO-GOULART
Biophysique et médecine nucléaire
Denis
MASSE Christian
Physiologie
MATHIEU-DAUDE Jean Biophysique et médecine nucléaire
Claude
MICHEL Françoise
Biochimie et biologie moléculaire
PARIS Françoise
Biologie et médecine du développement et de la reproduction ;
gynécologie médicale
PELLESTOR Franck
Cytologie et histologie
PIGNODEL Christine
Anatomie et cytologie pathologiques
PUJOL Joseph
Anatomie
RAMONATXO Michèle
Physiologie
RAVEL Christophe
Parasitologie et mycologie
RICHARD Bruno
Thérapeutique ; médecine d’urgence
RISPAIL Philippe
Parasitologie et mycologie
ROGER Pascal
Anatomie et cytologie pathologiques
RONDOUIN Gérard
Physiologie
SIMONY-LAFONTAINE Cancérologie ; radiothérapie
Joëlle
STOEBNER Pierre
Dermatologie-vénéréologie
TERRAL Claude
Physiologie
VALLET Bernard
Biochimie et biologie moléculaire
VANNEREAU Henri
Cytologie et histologie
Gwénola GRIMAULT
De l’information à l’annonce
9/118
Décembre 06
Maîtres de conférences de 2ème classe
BADIOU Stéphanie
BRUN Michel
CAPTIER Guillaume
DAUVILLIERS Yves
DE VOS John
DEMARIA Roland
GIANSILY-BLAIZOT
Muriel
GODREUIL Sylvain
GRAAFLAND Hubert
JABER Samir
LAVIGNE Jean-Philippe
MATECKI Stéphan
PEREZ-MARTIN Antonia
SOLASSOL Jérôme
VINCENT Thierry
Biochimie et biologie moléculaire
Bactériologie-virologie ; hygiène hospitalière
Anatomie
Physiologie
Hématologie ; transfusion
Chirurgie thoracique et cardio-vasculaire
Hématologie ; transfusion
Bactériologie-virologie
Hématologie ; transfusion
Anesthésiologie et réanimation chirurgicale ; médecine d’urgence
Bactériologie-virologie ; hygiène hospitalière
Physiologie
Physiologie
Biologie cellulaire
Immunologie
Maître de conférences Associé de Médecine Générale
AMOUYAL Michel
MERIC Bernard
Praticiens hospitalo-universitaires
GARREL Renaud
MOREL Jacques
RIGAU Valérie
Oto-Rhino-Laryngologie
Rhumatologie
Anatomie et cytologie pathologiques
Gwénola GRIMAULT
De l’information à l’annonce
10/118
Décembre 06
Maîtres de Conférences des Universités
Maîtres de Conférences hors classe
BADIA Eric
CARBONNEAU M.
Annette
DAURES Marie-Françoise
HARRICANE Marie Cécile
PIVA Marie Thérèse
Sciences Biologiques Pharmaceutiques
Sciences Biologiques Pharmaceutiques
Sciences physico-chimiques et technologies pharmaceutiques
Sciences Biologiques Pharmaceutiques
Sciences Biologiques Pharmaceutiques
Maîtres de Conférences de classe normale
ALAUX André
BECAMEL Carine
CADILHAC-BONNET
Claire
CANOVAS Michèle
CARILLO Serge
CHAMBON Monique
CHARASSON Virginie
CHAZAL Nathalie
CHENIVESSE Dalila
COURET Isabelle
DEREURE Jacques
DUFFOUR Jacqueline
GAY Bernard
MOLINARI Nicolas
NEVEU Dorine
PROVANSAL Monique
ROMEY Catherine
ROUY Simone
SIESO Victor
TOURNAMILLE Jean
VIGNAUD Mireille
VISIER Laurent
Sciences physico-chimiques et technologies pharmaceutiques
Neurosciences
Sciences du langage : linguistique et phonétique générales
Physiologie
Sciences biologiques pharmaceutiques
Sciences biologiques pharmaceutiques
Sciences du médicament
Biologie cellulaire
Biochimie et biologie moléculaire
Sciences physico-chimiques et technologies pharmaceutiques
Sciences biologiques pharmaceutiques
Sciences du médicament
Sciences biologiques pharmaceutiques
Mathématiques appliquées et applications des mathématiques
Sciences biologiques
Sciences biologiques pharmaceutiques
Sciences biologiques pharmaceutiques
Sciences biologiques pharmaceutiques
Sciences biologiques pharmaceutiques
Sciences biologiques pharmaceutiques
Sciences du médicament
Sociologie, démographie
Gwénola GRIMAULT
De l’information à l’annonce
11/118
Décembre 06
REMERCIEMENTS
Un grand merci au Dr Jean Charles GASTON, mon maître de thèse, pour m’avoir accompagné,
guidé et soutenu tout au long de cette réflexion, pour avoir supporté tous mes retards, mes
périodes de silence, mes doutes. Tu as su me redonner l’élan lorsque cela était nécessaire et je
t’en remercie du fond du cœur.
Tous mes remerciements au Dr Dominique BLET qui m’a fourni les bases indispensables à ce
travail, qui a également relu et corrigé la première version de ma thèse avec autant d’attention.
Merci aux Dr Anne CATTEY et Bernard DUMERIL avec qui nous avons eu tant de discussions
si intéressantes et enrichissantes sur le sujet. Vous m’avez éclairé sur des points qui me
paraissaient obscurs. Vous m’avez fait comprendre que la gravité de certaines situations ne
dispensait pas d’être le plus humain possible, que l’Homme avait besoin d’être écouté,
particulièrement en ces moments difficiles. J’essaierai de suivre votre exemple.
Merci encore à tous les médecins avec qui j’ai travaillé au cours de mon cursus médical et de
mon internat, et notamment aux Dr Marcel ANDRIAMANANA et Alain GRANIER, qui m’ont
fait découvrir des aspects si différents, mais non moins intéressants, de la médecine, qui ont fait
naître toutes ces interrogations et m’ont incité à me pencher et à réfléchir au problème de
l’annonce.
J’aimerais également remercier plus que tout l’ensemble des patients qui ont accepté de me
confier leurs sentiments les plus intimes et m’ont permis de progresser dans ma réflexion. Ils ont
fait preuve de beaucoup de courage, de sincérité, d’humilité et de don d’eux-mêmes. Merci mille
fois.
Merci à tous mes membres du jury d’avoir accepté de lire ma thèse et d’accorder de l’attention à
mon travail.
Enfin, merci Didier. Tu as su être à la fois présent et discret tout au long de la réalisation de ce
travail. Tu as vécu mes périodes d’incertitudes et de désarroi, tu m’as encouragé, motivé, guidé,
conseillé. Tu as même relu plusieurs fois certaines parties de ce travail alors qu’il ne s’agissait
pas de ton sujet de prédilection. Tu m’as également aidé à mettre en forme ce document pour
qu’il puisse être présenté à d’autres, éveiller ainsi les esprits et donner à réfléchir. Je t’adore.
Gwénola GRIMAULT
De l’information à l’annonce
12/118
Décembre 06
SOMMAIRE
1
INTRODUCTION............................................................................................................... 15
2
INFORMATION DU PATIENT........................................................................................ 21
2.1
DIFFÉRENCES ENTRE INFORMATION ET ANNONCE ........................................ 21
2.2
L’ARRÊT MARTIN ..................................................................................................... 22
2.3
L’ARRÊT HÉDREUL ET LES RECOMMANDATIONS DE LA HAUTE AUTORITE
DE SANTE................................................................................................................................ 22
2.3.1
CONTEXTE d’adoption des solutions juridiques en matière d’information ........ 22
2.3.2
ASPECT JURIDIQUE : Lien entre obligation d’information et responsabilité
médicale ............................................................................................................................... 24
2.3.3
ASPECT MÉDICAL : Des craintes d’une nouvelle responsabilité au souci de la
qualité de la relation ............................................................................................................. 26
2.3.4
FICHES D’INFORMATION PRODUITES PAR LES SOCIÉTÉS SAVANTES .... 35
2.3.5
EN CONCLUSION ................................................................................................ 36
2.4
INFORMATION DU PATIENT D’APRÈS LA LOI DU 4 MARS 2002...................... 39
2.4.1
FONDEMENTS PHILOSOPHIQUES DE LA LOI DU 4 MARS 2002 ................. 39
2.4.2
LOI DU 4 MARS 2002 .......................................................................................... 42
2.5
CODE DE DÉONTOLOGIE......................................................................................... 50
3
DE L’INFORMATION À L’ANNONCE.......................................................................... 66
3.1
POURQUOI EST-CE SI DIFFICILE D’ANNONCER UNE MAUVAISE
NOUVELLE ?........................................................................................................................... 66
3.2
LE TRAUMATISME DE LA MALADIE .................................................................... 67
3.2.1
LE TRAUMATISME DE L’ANNONCE................................................................. 67
3.2.2
LE TRAUMATISME DES MOTS .......................................................................... 72
3.2.3
LE TRAUMATISME AJOUTÉ .............................................................................. 72
3.3
MÉCANISMES DE DÉFENSE .................................................................................... 73
3.3.1
CONSÉQUENCES PSYCHOLOGIQUES DE L’ANNONCE SUR LE PATIENT. 73
3.3.2
PROCESSUS DE DÉFENSE................................................................................. 74
3.3.3
STRATÉGIES D’ADAPTATION ........................................................................... 78
3.4
LE NON-DIT................................................................................................................. 78
3.4.1
QU’EST-CE QUE LE NON-DIT ?........................................................................ 78
3.4.2
LES LIEUX DU NON-DIT .................................................................................... 79
3.4.3
LES BÉNÉFICES PROCURÉS PAR LE NON-DIT .............................................. 80
3.5
NOTION DE VÉRITÉ .................................................................................................. 81
3.5.1
« DIRE OU NE PAS DIRE » EST-IL ENCORE D’ACTUALITÉ ?....................... 81
3.5.2
SITUATIONS DE COLLUSION............................................................................ 81
3.5.3
POUR QUELLES RAISONS DIRE LA VÉRITÉ ? ................................................ 83
3.5.4
LA VÉRITÉ DU PATIENT .................................................................................... 85
3.6
RÉPERCUSSIONS DE L’ANNONCE SUR LE MÉDECIN ET MÉCANISMES DE
DÉFENSE DES SOIGNANTS.................................................................................................. 86
3.7
RÔLE ET PLACE DU MÉDECIN GÉNÉRALISTE LORS DE L’ANNONCE........... 92
Gwénola GRIMAULT
De l’information à l’annonce
13/118
Décembre 06
4
QUELQUES BASES DE COMMUNICATION............................................................... 96
4.1
LES ENJEUX DE LA COMMUNICATION ................................................................ 96
4.2
TECHNIQUES DE COMMUNICATION INTERPESONNELLE .............................. 98
4.2.1
L’EMPATHIE........................................................................................................ 98
4.2.2
L’ÉCOUTE ACTIVE ............................................................................................. 98
4.2.3
LE QUESTIONNEMENT ...................................................................................... 99
4.2.4
PARLER POUR SE FAIRE COMPRENDRE...................................................... 100
4.2.5
LES ATTITUDES DE PORTER .......................................................................... 101
4.2.6
LA REFORMULATION....................................................................................... 102
4.2.7
LA COMMUNICATION NON-VERBALE........................................................... 103
4.2.8
LA TECHNIQUE DU SILENCE ......................................................................... 104
4.3
« PROTOCOLE » D’ANNONCE EN 6 ETAPES ...................................................... 104
4.3.1
ETAPE N°1 : LES PRÉLIMINAIRES.................................................................. 104
4.3.2
ETAPE N°2 : QUE SAIT DÉJA LE PATIENT ? ................................................. 105
4.3.3
ETAPE N°3 : QUE VEUT SAVOIR LE PATIENT ? ........................................... 105
4.3.4
ETAPE N°4 : LA COMMUNICATION D’INFORMATIONS ............................. 106
4.3.5
ETAPE N°5 : RÉPONDRE AUX SENTIMENTS DU PATIENT ......................... 107
4.3.6
ETAPE N°6 : PROPOSITIONS ET SUIVI .......................................................... 108
4.4
QUELQUES ÉCUEILS À ÉVITER............................................................................ 109
5
CONCLUSION.................................................................................................................. 110
BIBLIOGRAPHIE .................................................................................................................... 114
SERMENT D’HIPPOCRATE ................................................................................................. 116
PERMIS D’IMPRIMER........................................................................................................... 117
Gwénola GRIMAULT
De l’information à l’annonce
14/118
Décembre 06
1 INTRODUCTION
L’information des personnes malades est devenue l’une des tâches essentielles dans
l’exercice de la médecine. On pourrait même parler d’une « ardente » obligation, compte tenu
du contexte social et des nombreuses dispositions législatives et réglementaires mises en place
suite à la pression des usagers du système de santé, rendus méfiants par les drames de santé
publique. L’information se justifie pour respecter la dignité des patients, les aider à vivre leur
maladie, mais aussi pour faciliter la tâche des médecins dans la prise en charge de telle ou telle
maladie, dans l’accompagnement du malade qui fait suite à l’annonce. Ainsi, informer fait partie
du travail quotidien en médecine générale. Néanmoins, lorsque le médecin généraliste se trouve
dans son cabinet avec un patient auquel il doit annoncer une mauvaise nouvelle, il se trouve seul
avec ses compétences, mais aussi ses doutes, ses interrogations et ses craintes. La tâche est loin
d’être aisée, surtout, en ce qui concerne l’annonce des mauvaises nouvelles.
Avant tout, il faut définir ce que sont les mauvaises nouvelles dans le cadre de la médecine
générale. On pourrait qualifier de mauvaise nouvelle en médecine toute nouvelle qui modifie
radicalement et négativement l’idée que le patient se faisait de son état de santé présent et à
venir. En effet, la notion de « mauvaise nouvelle » ou de « maladie grave » ne se réduit pas
uniquement à un risque vital plus ou moins proche. Ainsi, le diabète insulinodépendant est une
maladie sérieuse chez tout patient, mais peut être une pathologie particulièrement grave chez un
patient peu instruit et / ou vivant dans de mauvaises conditions d’hygiène si l’on considère les
complications rénales, oculaires, cardiaques... Par ailleurs, la notion de « mauvaise » nouvelle, la
perception du degré de « gravité » n’est pas obligatoirement la même pour le patient ou le
médecin. Une mère à qui l’on annonce que son enfant a de l’eczéma ou de l’asthme peut parfois
penser, malgré l’avis émis par le médecin, qu’il s’agit d’une maladie « grave » (ce qui,
occasionnellement, peut d’ailleurs être le cas). Néanmoins, en dépit de tout ceci, la maladie
« grave » la plus courante en Occident reste le cancer, malgré les progrès importants réalisés
dans ce domaine. Même si les médias accréditent largement l’idée que l’on guérit maintenant
beaucoup de cancers, le nombre de ces cancers augmente de plus en plus du fait de
l’allongement de l’espérance de vie. Par conséquent, l’annonce du diagnostic de cancer devient
de plus en plus fréquente et son annonce reste toujours aussi difficile. D’un autre côté, des
pathologies aussi sévères que la mucoviscidose ou certaines dégénérescences neurologiques
occupent moins le devant de la scène, sans doute parce qu’elles sont moins fréquentes, mais
restent cependant extrêmement lourdes et invalidantes. Il faut donc garder à l’esprit que, même
si le cancer est la « mauvaise nouvelle » la plus connue, de nombreuses autres maladies ont
également une annonce très douloureuse. Il ne faut également pas oublier les annonces de
rechute (rechute d’un cancer avec apparition de métastases multiples par exemple) ni celle de
passage en soins palliatifs. Elles sont excessivement délicates car souvent vécues comme un
échec des médecins, un signe d’abandon. Enfin, il ne faut pas perdre de vue que la nouvelle peut
être mauvaise du fait du patient lui-même. Ainsi, un adolescent qui avait prévu de devenir pilote
d’avion voit son rêve brisé le jour où est découvert un daltonisme discret mais lui interdisant une
telle profession. Dans d’autres cas, c’est l’empêchement absolu pour le malade de participer à
une réunion prévue de longue date (un anniversaire de mariage, un retour dans son pays natal
pour y revoir toute sa famille…), de faire un pèlerinage longtemps attendu, qui donne tout son
poids à l’annonce d’une maladie grave ou bénigne. Il ne s’agit là que de quelques exemples de
ma courte expérience de jeune médecin, mais ils permettent néanmoins de réaliser que la
définition de mauvaise nouvelle ou de maladie grave est très difficile à établir car multifactorielle et empreinte de beaucoup de
Gwénola GRIMAULT
De l’information à l’annonce
15/118
Décembre 06
subjectivité, tant de la part du patient que de celle du médecin. Nous ne tenterons donc pas de la
définir avec précision mais nous retiendrons plutôt qu’il s’agit d’une pathologie qui perturbe et
modifie les présents et les avenirs possibles que s’était imaginé, pour lui-même, le patient.
« L’information est au cœur de la relation de soin », cette phrase d’Emmanuel Hirsch résume
l’importance de l’information dans la relation médecin-patient. Le patient a besoin de savoir,
c’est une évidence. Pourtant, comprendre le discours des médecins est souvent très difficile car
la médecine est elle-même compliquée, mais aussi parce que le patient doit faire face à des
interférences d’ordre psychologique : les mécanismes de défense. Ainsi, et malgré tous nos
efforts, à la fin d’une consultation le patient n’aura pas forcément retenu grand chose. Ce que le
patient retient d’une consultation (ce qui s’appelle le recall en anglais) a été observé dans de
nombreuses études. Ces études sont déjà anciennes puisqu’elles datent des années 60, 70 et 80,
mais leurs constatations sont hélas encore d’actualité. En 1986, Tuckett effectue une étude sur
474 patients et obtient les résultats suivants : 36% des patients auxquels un diagnostic ou une
explication de leur maladie a été donné n’ont pas souvenir de ce que le médecin leur a dit, n’ont
pas compris ses explications, ou n’ont pas compris l’intérêt de ses explications. Par ailleurs, 30%
des informations données sur le traitement et 42% de celles communiquées à des fins préventives
n’ont pas été comprises. Pour 50% des consultations, les patients sont incapables de donner les
points essentiels de leur diagnostic, du traitement qui leur a été prescrit ou des conseils de
prévention qui leur ont été donnés. Nous passerons sur les études qui démontrent que 50%
environ des patients ne prennent pas correctement leurs médicaments (Ley, 1979) et sur le fait
que les conseils (hygiène de vie, facteurs de risque, etc…) qui leur sont donnés sont suivis dans
moins de 40% des cas. Citons enfin deux études qui expliquent peut-être les chiffres dramatiques
qui sont donnés ici : Waitzkin et Stœckle montrent en 1972 que, sur des consultations générales
de 20 minutes, les médecins consacrent au plus une (1 !) minute aux explications diagnostiques
ou thérapeutiques ou à l’éducation plus générale de leurs patients. Beckman et Frankel ont
conduit une étude (1984/85) sur 74 consultations de médecine interne pour mieux comprendre la
façon dont le médecin influe sur la quantité et la profondeur des soucis, inquiétudes, questions et
angoisses exprimés par le patient. 18 secondes ! C’est le temps moyen accordé au patient pour
s’exprimer librement, avant d’être interrompu par le médecin. Cela semble extrêmement court…
Notons cependant, que les rares patients autorisés à s’exprimer aussi longtemps et librement
qu’ils le souhaitaient, prennent rarement la parole plus d’une minute… et ne s’expriment jamais
plus de trois minutes. Ces chiffres témoignent donc d’une terrible carence de la part des
médecins en matière d’écoute, d’attention portée sur la compréhension du patient de la situation.
Toutefois, on observe depuis quelques années une évolution des mentalités. En 1953, Fitts
rapporte que 69% des médecins n’informent jamais leurs patients de la gravité de leur maladie.
Une étude similaire effectuée par Friedman en 1970 fait apparaître que les médecins dissimulant
toujours la vérité ne sont plus que 9%. En 1965, Feidel montre que seuls 10 à 31% des médecins
informent leurs patients d’un diagnostic de cancer. En 1974, ce chiffre passe à 78% (Mount et
al., 1974) et en 1979… à 97% ! (Novack et al., 1979). Ces chiffres sont éloquents. Ils témoignent
d’une double prise de conscience : la nécessité de l’information d’une part, mais surtout
l’importance que revêt la manière d’apporter cette information dans la compréhension du patient
et le retentissement sur la prise en charge ultérieure d’autre part. Le problème s’est déplacé de
« faut-il dire la vérité » à « comment dire la vérité ». Enfin, d’autres études anglo-saxonnes
axées sur la façon d’annoncer le diagnostic et de tenir compte des préférences des patients
(Baillet et Pelicier, 1980) révèlent, qu’en cas d’anomalie, les patients préfèrent recevoir
l’information de leur médecin généraliste plutôt que par un autre (radiologue par exemple), et
ceci au cours d’une consultation. Au contraire, s’il n’y a aucune anomalie, peu leur importe. Le
médecin généraliste occupe donc
Gwénola GRIMAULT
De l’information à l’annonce
16/118
Décembre 06
un rôle primordial en ce qui concerne l’information et plus encore l’annonce, de part sa
position centrale entre les différents médecins spécialistes et son lien particulier avec le patient.
Il est et sera probablement de plus en plus confronté à ces situations d’une extrême complexité.
Nous commençons à l’entrevoir, l’information et la communication de mauvaises nouvelles
relève d’un exercice hautement difficile. Il semble important de revenir rapidement sur les
bénéfices de l’information du patient. Rappelons tout d’abord que la personne malade est la
première concernée. C’est elle qui est au centre du système de soins et non pas ses proches ni
même le médecin. C’est donc elle, en tant que personne atteinte dans son corps ou dans son
esprit, qui est et reste le principal protagoniste - idéalement partenaire - de l’intervention
médicale (en dehors des exceptions mentionnées par le Code de déontologie et les lois relatives à
l’information).
Ensuite, l’information du patient présente pour ce dernier une multitude d’intérêts. Ainsi, il est
parfois plus souhaitable d’apporter une mauvaise nouvelle, désagréable voire momentanément
traumatisante, plutôt que de la cacher, car elle aide le malade à effectuer un travail sur lui-même
pour parvenir à affronter l’épreuve. L’information et le dialogue permettent aussi au patient de
supporter certaines épreuves déplaisantes voire humiliantes qu’imposent la maladie et les soins.
Cela apporte également au patient, sinon une prolongation de sa vie, une amélioration de la
qualité de vie en lui permettant de choisir tel ou tel traitement parce qu’il ménage mieux ses
relations matrimoniales, son insertion familiale, ses avantages professionnels, parce que cela lui
laisse le temps de régler certains problèmes financiers, de prendre des dispositions concernant sa
succession…
Il faut également revenir sur le principe d’autonomie : il n’y a pas d’autonomie possible sans
information. La maladie tend à diminuer, à infantiliser. Cette infantilisation est très souvent
accentuée par l’entourage, protecteur, ou les soignants, paternalistes. Pourtant, la lutte contre la
maladie revient aussi à combattre cette régression personnelle, non seulement pour éviter une
infantilisation supplémentaire, mais aussi pour favoriser un sursaut. Beaucoup de malades
aspirent à garder une maîtrise de la situation, un certain pouvoir sur eux-mêmes, un minimum de
libre-arbitre mais, pour cela, ils ont besoin d’un minimum d’informations sur leur maladie.
Repenser et reconsidérer ces différentes questions est une première manifestation du respect
porté à autrui, en tant qu’être humain. Pour bien traiter une maladie, il faut commencer par bien
traiter le malade, tout d’abord en évitant de lui mentir. Il s’agit ici d’authenticité, caractéristique
indissociable de toute relation inter-humaine, qui va de paire avec le respect.
Cela nous amène donc à aborder la relation interpersonnelle qui s’installe au fil des consultations
entre le médecin et son patient, ce que Georges Duhamel a nommé en 1935 le « colloque
singulier ». Le paternalisme, la relation de confiance aveugle en son médecin ainsi que le
consentement aveugle mais confiant sont aujourd’hui révolus. Fini le temps où le médecin
agissait en « père » détenant le « pouvoir » de la connaissance et « ordonnait » à son « enfant »
les remèdes à prendre sans même lui avoir dit de quoi il souffrait. La relation médecin-malade
recherchée actuellement par les patients est une relation d’égalité où les deux protagonistes
échangent afin de parvenir à une compréhension partagée du problème. Entre soigné et soignant,
la relation a besoin d’être fluide, aussi confiante et libre que possible. Elle doit jouer sans
blocage. La plupart des patients ont une multitude de préoccupations qui les inquiètent ou leur
empoisonnent la vie. Il suffit souvent de quelques mots, de quelques renseignements, d’un peu
de disponibilité et d’écoute pour les rassurer et les autoriser à poser ces questions qui les
assaillent.
Gwénola GRIMAULT
De l’information à l’annonce
17/118
Décembre 06
D’un point de vue parfaitement pratique d’autre part, l’instauration d’un dialogue, d’un échange
d’informations lors de l’annonce d’une mauvaise nouvelle entre le médecin et son patient,
permet de réduire les inconvénients liés à l’annonce et aux impératifs de la maladie. Cela permet
également de réduire l’inquiétude du patient face à cette situation nouvelle et inconnue que
représente la maladie, l’appréhension des effets secondaires du traitement…Par quelques mots, il
est pourtant aisé de réduire ces effets indésirables ou, tout du moins, faire en sorte que le patient
les supporte mieux. Les médecins imaginent mal tout ce qu’appréhende un malade, soucieux
d’arriver à l’heure, malgré une circulation difficile, à un rendez-vous où il attendra
inconsidérément ; inquiet de trouver sa route dans une grande ville qu’il connaît mal ;
s’interrogeant sur les possibilités de garer sa voiture dans ou près de l’hôpital ; ignorant s’il doit
se présenter à jeun, etc… L’appréhension peut également concerner les examens
complémentaires. Est-ce que cela fait mal ? Combien de temps cela dure-t-il ? Est-ce qu’il
faudra passer au travers d’un tunnel et y rester longtemps sans bouger ? Est-ce qu’il sera possible
de rentrer chez soi immédiatement après dans de bonnes conditions ? Est-ce qu’il y aura
anesthésie pour éviter la douleur ? Des indications données à l’avance, puis répétées juste avant
l’examen, peuvent réduire le stress lié à la perspective d’une investigation. Toutefois, ce ne sont
pas seulement les examens qui inquiètent, ce sont aussi les résultats. Quand seront-ils
disponibles ? Qui les transmettra ? De quel genre seront-ils ? Qu’est-ce qui s’ensuivra ? Enfin,
l’information préalable est également importante à propos des effets secondaires d’un traitement.
Effectivement, un effet attendu dérange moins qu’une réaction imprévue, l’annonce d’une
réaction secondaire permet d’en atténuer l’importance par l’instauration d’un traitement
approprié (ainsi par exemple les traitement antiémétiques limiteront les nausées et
vomissements), et d’en diminuer les conséquences par des recommandations simples (si un
médicament entraîne une somnolence, il faut éviter de conduire une voiture). Ces quelques
exemples qui me viennent à l’esprit permettent aisément de comprendre que, face à une maladie
qui déstabilise l’existence, le patient aspire à trouver certains repères, qu’une information
adéquate peut lui apporter, et faute desquels il se sent perdu.
Enfin, l’information du patient permet de renforcer la compliance et l’observance thérapeutique.
La prise en charge d’un patient, la lutte contre une maladie sont choses ordinaires pour un
soignant mais pas pour le soigné. Elles ne doivent donc pas être considérées comme banales.
Même un traitement simple ne donnera son plein effet avec le minimum d’inconvénients que s’il
est bien appliqué grâce à l’observance du malade. A un degré de plus, la coopération active du
malade est souhaitable, en particulier en cas de maladie chronique. Cela peut demander une
véritable éducation que le médecin doit prendre le temps d’effectuer.
Si la légitimité de l’information du patient ne fait maintenant plus aucun doute, la
communication de ces informations reste néanmoins un acte souvent complexe et difficile. Les
principales difficultés tiennent à l’implication directe des personnes concernées, le malade
d’abord, mais aussi le médecin, et à la mise en jeu d’une existence qui rend la situation tragique.
Effectivement, les enjeux touchent ici à une personne dont, au maximum, la vie est en danger.
Cela crée une relation difficile, chargée d’émotion et donc troublante. Toutefois, de nombreuses
autres difficultés existent.
Gwénola GRIMAULT
De l’information à l’annonce
18/118
Décembre 06
En premier lieu, il faut rappeler l’importance du contexte socio-culturel. Bon nombre de
difficultés tiennent au milieu humain ambiant, au sens qu’il donne aux mots, aux représentations
qu’il attribue aux maux. Le cadre d’interprétation peut varier selon le pays, les régions et les
époques, le degré de développement des pays… Ainsi, dans les sociétés occidentales, jeunesse,
santé et richesse occupent de nos jours la place d’honneur. Les vieux, malades et pauvres
subissent une marginalisation qui les placent en dehors de la société dite « normale », vers un
statut marginal, soit une perte de toute valeur sociale (déchéance sociale). Ceci est encore plus
marqué dès lors que la maladie peut entraîner la mort. La peur de la mort déteint, directement ou
indirectement, sur la conception qu’a notre société de toute maladie ou infirmité.
D’autre part, la nature et la représentation que le patient se fait de la maladie entravent
également l’annonce de cette dernière. La nature de l’affection paraît être la principale
responsable des difficultés rencontrées par l’information. En effet, on ne présente pas aussi
facilement qu’une infection respiratoire saisonnière une atteinte qui menace immédiatement la
vie ou compromet l’avenir comme un infarctus du myocarde, un accident vasculaire cérébral…
L’apparence de la maladie joue également un rôle : le patient perçoit plus facilement une
hémiplégie évidente qu’une tumeur abdominale sournoise. Plus encore que son état actuel, le
devenir du malade est difficile à présenter, surtout quand il comporte beaucoup d’incertitudes.
Cependant, c’est l’idée qu’on se fait de la pathologie, davantage que sa nature objective, qui
parasite la communication. Cette idée peut profondément différer entre un médecin qui a surtout
un regard objectif (mais pas seulement nous l’aborderons plus loin) et un malade qui a une
perception d’abord subjective. La signification d’une maladie nerveuse, de tel ou tel cancer,
d’une sérologie positive à VIH ou de maladies moins sérieuses en général comme le lupus, une
anémie, une pneumonie diffère profondément d’un malade à l’autre. Le malade écoute alors avec
une émotion qui le gêne pour suivre et comprendre.
Par ailleurs, la personnalité du patient intervient aussi parfois comme une difficulté
supplémentaire lors de l’annonce d’une pathologie. Le malade n’est pas « un jouet, à peu près
complètement aveugle, très douloureux et essentiellement passif », tel que le qualifiait le
professeur Louis Portes, président de l’Ordre des médecins, en 1950. Néanmoins, le recul du
paternalisme médical, l’accent mis sur l’autonomie du malade, ne transforme pas pour autant
tous les malades en êtres intelligents, lucides et volontaires. Certaines difficultés tiennent à des
déficiences préalables : défaut de compréhension, personnalité faible et infantilisée par
l’entourage, refus de regarder la réalité en face, inaptitude à s’adapter à des situations nouvelles.
Ces défauts préalables peuvent, par ailleurs, être aggravés par des défaillances liées à la maladie.
Un autre facteur non négligeable est également à prendre en compte : les mécanismes de défense
développés par le patient après l’annonce d’une mauvaise nouvelle. Ces derniers peuvent
entraver la communication de façon relativement importante. Comment réagir face à un patient
qui s’obstine à faire des projets inconsidérés alors que l’on vient de lui annoncer qu’il n’a plus
que quelques temps à vivre, face à une patiente qui sombre dans une dépression mélancolique à
l’annonce d’une maladie d’Alzheimer débutante chez son mari ? Est-ce réellement le bon
moment pour annoncer telle ou telle nouvelle au patient ? Existe-t-il un bon moment d’ailleurs ?
La formation médicale ne prépare en rien à ces situations. La faculté de médecine enseigne des
pathologies, les investigations nécessaires pour parvenir à en faire le diagnostic, leur évolution,
leur traitement, leurs complications éventuelles, avec ou sans prise en charge adaptée. Elle
apprend aux médecins à être synthétiques, clairs et concis, rigoureux, structurés, mais en aucun
cas à parler aux gens, à les écouter, à les comprendre, à les « déchiffrer ».
Gwénola GRIMAULT
De l’information à l’annonce
19/118
Décembre 06
Enfin, il faut aussi admettre que le médecin lui-même peut constituer un obstacle à l’information,
tout comme la maladie et le patient. Les médecins ne vivent pas dans un monde à part. Ils sont
marqués, dans leur ensemble, par le même contexte socioculturel que leurs patients. Pour
certains, les cancers sont encore des maladies malignes par définition incurables. Pour d’autres,
le sida est une maladie pas totalement imméritée, la toxicomanie une déviance sociale
répréhensible. Même si ces préjugés tendent à être effacés par les études médicales, certains
persistent encore. D’autre part, la personnalité de chaque praticien peut rendre telle ou telle
relation médecin-malade plus ou moins difficile. Un contexte personnel peut également
contrarier la communication (parent décédé de telle maladie entravant l’objectivité du médecin
lorsqu’il se retrouve confronté à la même pathologie chez l’un de ses patients par exemple). Par
ailleurs, de la même manière que le patient développe des mécanismes de défense à l’annonce
d’une mauvaise nouvelle, le médecin peut aussi mettre en place des moyens de défense
similaires ou différents. L’idée que le praticien se fait de sa profession peut également
représenter un obstacle à une communication fluide et à une information naturelle, le médecin
cherchant à affirmer sa position, à exagérer ses pouvoirs. Enfin, la formation des médecins a
négligé, au cours des dernières décennies, une initiation et une véritable formation à la
communication et à la relation. On peut observer un défaut de sensibilisation au malade et à son
milieu, toute l’attention étant portée sur la maladie, son exploration, son traitement.
L’annonce d’une mauvaise nouvelle est donc loin d’être une chose facile, incontestablement.
Cependant, le nier ne servirait à rien. L’affrontement de la réalité est indispensable et semble
même le premier temps nécessaire à quelques progrès. C’est l’objet de ce travail. Admettre
qu’informer un malade n’est pas simple ne suffit pas. Identifier les difficultés les plus courantes
pour les analyser, les comprendre et tenter de proposer des solutions ou, tout du moins des pistes
de réflexion, semble plus constructif. C’est ce que nous nous proposons de faire.
Nous reprendrons ainsi les textes réglementaires afin de se rappeler le contenu que doit avoir
l’information à délivrer. Cependant, nous le verrons, ces textes ne sont pas si limpides que ce
qu’ils veulent laisser paraître. Beaucoup de questions restent floues et à l’appréciation du
médecin seul, notamment la notion de vérité, de limitation thérapeutique de l’information. La
rédaction de ces textes a également soulevé un problème non négligeable : comment apporter la
preuve de l’information et quel est son impact sur la relation médecin-malade ? Seront ensuite
abordés le traumatisme de l’annonce chez le patient, la notion de non-dit et sa place dans la
relation médecin-malade ainsi que la notion de vérité en médecine, les mécanismes de défense
mis en jeu aussi bien chez le patient que chez le médecin. A partir de ces différentes réflexions,
nous nous efforcerons de dégager le rôle du médecin généraliste lors de l’annonce. Enfin, nous
tenterons d’apporter quelques bases de communication afin de guider les médecins dans leur
relation avec leurs patients.
Gwénola GRIMAULT
De l’information à l’annonce
20/118
Décembre 06
2 INFORMATION DU PATIENT
2.1 DIFFÉRENCES ENTRE INFORMATION ET ANNONCE
« Information » et « annonce » entrecroisent leur usage et font pourtant preuve de beaucoup de
discordances. Ces deux termes ont des significations bien différentes, toutes en nuance. D’un
point de vue étymologique, l’information est un ensemble de renseignements sur quelqu’un ou
quelque chose. Son contenu est parfaitement objectif et la forme compte peu. Seul ce qui est
restitué, transmis à l’autre, importe. Dans le cas précis du médecin, informer consiste à remettre
à son patient une certaine quantité de données du savoir médical, en l’état présent des
connaissances. Ceci est totalement impersonnel, ce qui compte étant la transmission (soit l’acte
lui-même) et surtout ce qui est dit (le contenu). Ce terme est ainsi fréquemment retrouvé sous la
plume des juristes. Au contraire, l’annonce comprend une certaine part de subjectivité. Il s’agit
de porter à la connaissance de quelqu’un, de faire savoir quelque chose, tout en prenant garde à
la manière avec laquelle le message est transmis. Beaucoup plus qu’un simple compte rendu,
l’annonce véhicule certes de l’information, mais prend également en compte tout ce qui se
rattache à cette dernière. Ainsi, pour le médecin, annoncer un diagnostic, la nécessité de faire des
explorations, une mauvaise nouvelle, un pronostic péjoratif …, met en jeu beaucoup plus que la
simple transmission de données objectives. Il faut réfléchir à ce que l’on va dire, à quel moment,
à quelle vitesse (au fur et à mesure des consultations), comment le dire, avec quels mots mais
aussi quels gestes et attitudes (c’est à dire tout le champ du non-verbal ), dans quel
environnement… Ceci implique nécessairement d’être à l’écoute de l’autre et d’avoir déjà fait,
auparavant, un travail avec le patient, d’avoir établi avec ce dernier une relation de confiance
suffisante pour pouvoir faire ce chemin avec lui. Le versant psychologique est ici omniprésent.
En théorie, cela semble très simple, mais sur le terrain la tâche se complique rapidement et de
multiples questions se posent :
ƒ
ƒ
ƒ
ƒ
ƒ
Dans quel but doit-on informer les patients ?
Quel vont être le contenu et les modalités de l’information donnée aux patients ?
Comment prouver que cette information a bien été délivrée ?
Comment s’assurer de la qualité de cette information ?
Comment parvenir à dépasser le stade de l’information et parvenir à annoncer ? Qu’estce que cela implique, pour le patient comme pour le médecin ? A quel moment passe-t-on
du stade de la simple information à celui de l’annonce ?
Ces questions ont largement été suscitées par la pression des usagers revendiquant le droit de
tout savoir de leur santé. L’information est ainsi devenue une obligation médico-légale. Il semble
donc intéressant de se replonger dans la jurisprudence et de relire le Code de déontologie. En
effet, la loi du 4 mars 2002 sur « les droits des malades » a clarifié et renforcé les obligations des
professionnels à l’égard des malades. Le Code de Santé Publique, articulé au Code de
déontologie et aux recommandations des Agences Sanitaires offre, quant à lui, aux
professionnels un cadre à la fois précis et suffisamment souple pour s’adapter aux différentes
situations des pratiques médicales. Reprenons tout ceci pour voir l’évolution des textes
concernant l’information destinée aux patients ainsi que les réactions qu’ils ont suscité.
Gwénola GRIMAULT
De l’information à l’annonce
21/118
Décembre 06
2.2 L’ARRÊT MARTIN
L’arrêt Martin, rendu en 1951, stipulait qu’en cas de litige, le malade devait apporter la preuve
qu’il n’avait pas été informé.
Cet arrêt prévalu jusqu’en 1997, date à laquelle fut rendu l’arrêt Hédreul.
2.3 L’ARRÊT HÉDREUL ET LES RECOMMANDATIONS DE LA
HAUTE AUTORITE DE SANTE
2.3.1
CONTEXTE d’adoption des solutions juridiques en matière d’information
Le serment d’Hippocrate (HOERNI, 1996), réactualisé en 1996, stipule : « Mon premier souci
sera de rétablir, de préserver ou de promouvoir la santé dans tous ses éléments, physiques et
mentaux, individuels et sociaux… J’informerai les patients des décisions envisagées, de leurs
raisons et de leurs conséquences. Je ne tromperai jamais leur confiance et n’exploiterai pas le
pouvoir hérité des circonstances pour forcer les consciences ». Il s’agit donc là d’une obligation
contractuelle, c’est à dire d’un engagement moral, et non d’un devoir, donnant naissance à un
contrat d’information tacite entre le médecin et son patient. Ceci prévalait jusqu’à l’arrêt
Hédreul1 (arrêt du 25 février 1997 rendu par la 1ère chambre civile de la Cour de Cassation),
rendu suite à l’affaire suivante.
A l’occasion d’une coloscopie avec ablation d’un polype réalisée par un gastro-entérologue (Dr
Cousin), un patient (M. Hédreul) fut victime d’une perforation intestinale. Il du donc subir une
intervention qui permit de lui sauver la vie, mais, par la suite, une seconde intervention mutilante
réalisée par un second chirurgien (ablation du colon et du rectum) fut nécessaire. Supportant un
dommage particulièrement sérieux, ce patient assigna en justice en 1991 le gastro-entérologue et
le premier chirurgien en leur reprochant : une faute lors de la coloscopie pour le premier et le
retard de diagnostic de perforation pour le second. L’expertise conclut à l’absence de faute de la
part des médecins, mais souligna que « le risque de perforation colique au cours d’une
coloscopie et de l’ablation de polype est à prendre en considération car il est loin d’être
exceptionnel ». Le patient effectua alors un pourvoi en cassation en reprochant au médecin de ne
pas l’avoir informé de ce risque. Cependant, sur ce point, l’arrêt d’appel estima qu’il lui
appartenait de « rapporter la preuve de ce que le médecin ne l’aurait pas averti des risques
inhérents à une polypectomie, et notamment de celui de perforation digestive… », ce que ne fit
pas le patient au cours des débats. Rappelons en effet que depuis l’arrêt rendu en 19512 (arrêt
Martin), la Cour de cassation estimait que si le contrat qui se formait entre le chirurgien et son
client comportait l’obligation pour le praticien de ne procéder à une intervention chirurgicale
qu’après avoir obtenu l’assentiment du malade, il appartenait toutefois au patient de rapporter la
preuve que le médecin avait manqué à cette obligation contractuelle en ne l’informant pas. C’est
ce que contestait précisément le patient dans son pourvoi. La Cour de cassation décida alors de
revoir la question des obligations contractuelles pesant sur le médecin, ce qui donna naissance à
l’arrêt du 25 février 1997. A partir de cet instant, l’obligation contractuelle d’information devint
plus qu’une responsabilité médicale : elle devint une règle d’action.
1
Les arrêts considérés comme particulièrement importants sont parfois désignés par le nom de l’auteur du pourvoi,
dans le cas particulier le patient demandeur, M. Hédreul ; dans certains articles écrits par des médecins, ce même
arrêt est parfois désigné par le nom du médecin, le Dr Cousin, objet du pourvoi.
2
Cass. 1ère civ., 29 mai 1951, Bull. civ. I, n°162; D. 1952, 53, note R. Savatier; S. 1953, 41, note R. Nerson.
Gwénola GRIMAULT
22/118
De l’information à l’annonce
Décembre 06
Désormais, la charge de la preuve n’incomba plus au patient mais au médecin. Ce renversement
fut ressenti par les milieux médicaux comme un renversement de la relation médecin-patient en
faveur de ce dernier, et toute une série de questions se posa :
ƒ
Qu’entend-on par information du patient et quel doit être son contenu ? S’agit-il :
- d’informations générales publiées dans un but de vulgarisation,
- d’informations données dans un but d’éducation sanitaire, toutes deux étant soumises à
des processus de diffusion pour toucher le plus grand public possible,
- d’informations données à une personne singulière, dans le cadre d’un rapport
interindividuel entre patient et professionnel de santé, fondé sur une communication, et
ayant pour but de lui faire connaître son état de santé, les traitements envisageables, les
résultats qui en sont attendus, les risques et/ou effets indésirables susceptibles de se
produire,
- d’informations générales sur la pathologie en cause ainsi que sur les modalités de soins
et/ou la conduite d’investigations ou d’opération,
- d’informations synthétiques prouvant que les divers professionnels de santé intervenant
dans la prise en charge du patient s’intègrent dans un système multidisciplinaire,
ƒ Quelle position adopter face à la constitution de la preuve dans le cadre d’une éventuelle
responsabilité ?
ƒ Dans quels buts informer le patient et quels avantages peuvent en tirer le patient comme
le médecin ?
ƒ Comment évaluer la qualité de l’information ?
Afin de guider les médecins, l’HAS (Haute Autorité en Santé, anciennement appelée ANAES) a
rédigé des recommandations en mars 2000 concernant l’information du patient3. Ces
recommandations ont pour objectif principal de « promouvoir l’amélioration continue de la
qualité en matière d’information, aussi bien en médecine ambulatoire que dans les
établissements de santé ». Elles proposent donc au médecin une aide dans la manière de
dispenser à chaque patient une information pertinente et de qualité, tout au long du processus de
soins, en tenant compte des besoins propres à ce dernier et du respect dû à sa personne. Pour
rédiger ces recommandations, un groupe de travail fut réuni par l’HAS. Il comprenait des
représentants de l’ensemble des acteurs ayant vocation à s’exprimer sur le thème de
l’information destinée au patient (médecins, usagers, juristes, avocats, représentants du Conseil
de l’ordre des médecins et du Comité national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé,
journalistes) et était présidé par Madame le Professeur Dominique THOUVENIN, Professeur de
droit.
3
http://www.anaes.fr
Gwénola GRIMAULT
De l’information à l’annonce
23/118
Décembre 06
Les différents objectifs de ce travail étaient les suivants :
ƒ
L’information délivrée au patient doit porter sur deux points essentiels lui permettant de
prendre une décision concernant les actes diagnostiques et/ou thérapeutiques envisagés :
- son état de santé, l’évolution de sa maladie avec ou sans soins
- la nature et le déroulement des soins, leurs objectifs, l’utilité et les bénéfices escomptés,
les conséquences et inconvénients, les complications (graves comme exceptionnelles)
ƒ
Le médecin doit remplir une obligation d’information qui doit être :
- hiérarchisée
- la plus compréhensible possible
en respectant le Code de déontologie et le Code de Santé Publique concernant les droits
du patient.
Afin d’éclaircir ces points, l’HAS reprend la littérature juridique.
2.3.2
ASPECT JURIDIQUE : Lien entre obligation d’information et responsabilité
médicale
Le point de départ est l’arrêt Hédreul (ou arrêt du 25 février 1997, cf. pages précédentes) en
réponse au manquement des médecins face à leur devoir d’information. Cet arrêt a suscité de
nombreuses discussions aussi bien dans les milieux médicaux que dans la communauté
juridique. L’attention qui lui a été portée ne s’est pas relâchée puisque cinq autres arrêts4 ont été
rendus par la suite. Ces derniers, compte tenu des questions qui étaient posées, ont apporté des
précisions, à la fois sur le contenu de l’information, ainsi que sur les modalités de preuve.
2.3.2.1 L’obligation d’information pèse sur le professionnel
Ainsi, le médecin libéral est soumis à l’obligation d’information comme tout autre
professionnel, aussi bien les prestataires de services matériels que les professionnels de la vente,
les constructeurs, les assureurs, les agents immobiliers, agents d’affaires, les notaires, les
avocats, etc5…. Les médecins ne sont pas dans une situation singulière et cette règle leur est
également appliquée. De plus, l’obligation d’information pèse sur tout médecin « …aussi bien
sur le médecin prescripteur que sur celui qui réalise la prescription »6.
4
Cass. 1ère civ., 14 oct. 1997, Bull. Civ. I, n° 278; Cass. 1ère civ., 17 févr. 1998, Bull. civ. I, n°67; Cass. 1ère civ., 27
mai 1998, Bull. civ. I, n°287 ; Cass. 1ère civ., 7 oct 1998, 2 arrêts, Bull. Civ. I, n° 287 et 291.
5
Arrêt Cass. 1re civ., 29 avril 1997
6
Cass. 1re civ., 14 oct. 1997
Gwénola GRIMAULT
24/118
De l’information à l’annonce
Décembre 06
2.3.2.2 Le contenu de l’information à donner au patient
L’arrêt du 25 février 1997 ne s’est pas prononcé sur ce point pour la simple et bonne raison que
la question n’avait pas été soulevée dans le pourvoi. C’est l’arrêt du 14 octobre 1997 qui
statuera sur la question en précisant que :
▪ L’information doit être loyale (c’est à dire honnête), claire (soit intelligible, facilement
compréhensible) et appropriée (c’est à dire adaptée à la situation du patient). L’énoncé de cette
règle s’appuie sur l’article 35 du Code de déontologie médicale7.
▪ L’information concerne TOUS les risques des investigations ou soins, ce qui fait disparaître la
distinction traditionnelle retenue par la Cour de cassation entre risques prévisibles et risques
exceptionnels. Les deux arrêts de la Cour de cassation du 7 octobre 1998 confirmeront cette
nuance en précisant que l’information concerne « les risques graves afférents aux investigations
ou soins proposés » et que le médecin « n’est pas dispensé de cette obligation par le seul fait que
ces risques ne se réaliseraient que de manière exceptionnelle ». Par ailleurs, cette obligation vaut
également lorsque c’est le patient qui demande les investigations ou soins. L’abandon de la
distinction entre risques graves et exceptionnels a deux justifications : la fiabilité relative des
statistiques sur le risque, et la non prise en considération de la nature, de la gravité de la maladie,
de l’âge du patient, de sa situation familiale, sociale, professionnelle, … au détriment du
caractère uniquement quantitatif du risque.
▪ L’information concerne aussi l’état du patient, son évolution possible, les investigations et
soins nécessaires
▪ L’information doit aborder la nature et les conséquences de la thérapeutique
▪ L’information doit enfin exposer les alternatives thérapeutiques.
Tout ceci soulève alors la question des limites éventuelles de l’information. L’arrêt du 7
octobre 1998 précise que le médecin est tenu de donner une information au patient « hormis le
cas d’urgence, d’impossibilité ou de refus du patient d’être informé ». Cependant, le médecin
doit apprécier seul ces situations. L’article 35 alinéa 2 du Code de déontologie médicale8 prévoit,
quand à lui, que « … dans l’intérêt du malade et pour des raisons légitimes que le praticien
apprécie en conscience, un malade peut être tenu dans l’ignorance d’un diagnostic ou d’un
pronostic grave, sauf dans le cas où l’affection dont il est atteint expose les tiers à un risque de
contamination ». Toutefois, ceci introduit alors la notion de vérité à dire ou non au malade, ce
qui est un peu différent.
Dans un second temps, puisque le médecin doit, pour mettre le patient en mesure d’effectuer un
choix éclairé, lui apporter l’information adéquate, il doit faire la preuve qu’il l’a bien délivré.
Néanmoins, la preuve de l’information ainsi que les moyens de l’apporter sont laissés à la charge
du médecin. En effet, l’arrêt Hédreul ne statut pas sur les moyens car la question n’est pas posée
à la Cour de cassation. Cependant, les opinions diront qu’il est quasiment certain que les
praticiens auront recourt à un document écrit qu’ils feront signer au patient, alors même
qu’aucun texte ne l’exige. Effectivement, P. SARGOS9 précise que le principe est la liberté de la
preuve (arrêt du 14 octobre 1997), rendant recevable aussi bien les témoignages que les
présomptions (opinions fondées sur des vraisemblances, donc pouvant être tirées des mentions
dans les dossiers médicaux, fiches, comptes rendus et lettres à des confrères). Ce système ne
pourra avoir, selon les opinions, qu’une incidence néfaste sur la relation médecin-malade
7
http://www.conseil-national.medecin.fr/?ml=deonto/rubrique.php
http://www.conseil-national.medecin.fr/?ml=deonto/rubrique.php
9
Pierre SARGOS est le conseiller, le rapporteur des arrêts, il a fonction d’interprète légitime du sens et de la portée
à leur donner.
Gwénola GRIMAULT
25/118
De l’information à l’annonce
Décembre 06
8
puisque la signature témoigne d’une mauvaise confiance entre les deux protagonistes, d’autant
plus que tout ce qui touche au corps, à la santé et à la vie, porte une dimension émotionnelle qui
peut entraîner une mauvaise compréhension.
Notons enfin que l’information comprend deux versants complémentaires : le contenu (somme
des données médicales délivrées au patient) ainsi que l’acte d’informer. Or, la jurisprudence,
mais aussi l’HAS, n’abordent que le premier item, purement objectif et scientifique. Aux
médecins est laissé le soin d’apprécier la manière d’aborder l’information et de la délivrer. C’est
pourtant à ce moment précis que l’on peut parler d’annonce et non pas seulement d’information.
2.3.2.3 Le devoir d’information à l’hôpital public
En ce qui concerne l’obligation d’information à l’hôpital public, le Conseil d’Etat a été amené
plus tardivement que la Cour de cassation à se prononcer sur le contenu de l’information à
donner et sur la preuve à apporter. Comme la Cour de cassation pendant très longtemps, le
Conseil d’Etat avait les mêmes positions concernant la charge de la preuve et les risques
exceptionnels. Cependant, l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Paris du 9 juin 1998
s’aligna sur l’arrêt Hédreul à propos de l’obligation d’information, en n’omettant pas les risques
exceptionnels. Par contre, le Conseil d’Etat ne se prononcera pas en ce qui concerne la question
de la charge de la preuve, tout comme la Cour de cassation. L’information, dans le cadre du
service public, porte sur les conditions d’admission, de séjour et de sortie, sur l’état de santé, les
traitements et soins proposés au malade dans les conditions fixées par le Code de déontologie.
2.3.3
ASPECT MÉDICAL : Des craintes d’une nouvelle responsabilité au souci de la
qualité de la relation
2.3.3.1 Réactions professionnelles à l’arrêt Hédreul du 25 février 1997 et aux arrêts
suivants
L’arrêt Hédreul et les cinq arrêts suivants ont suscité de nombreuses inquiétudes chez les
professionnels de santé. On note alors un réel souci, de la part du Conseil de l’ordre des
médecins, du Concours Médical et des revues spécialisées, de rendre compte des solutions
adoptées par ces divers arrêts, dès mai 1997, notamment dans le Bulletin de l’Ordre des
médecins avec l’éditorial intitulé « L’information du malade : la preuve est désormais à la charge
du médecin ». Soucieuses de diffuser une information pertinente, plusieurs revues font même
appel à des médecins légistes, experts ou juristes pour leurs connaissances des affaires de
responsabilité médicale et du droit. Le conseiller Pierre SARGOS est désigné interprète légitime
de ces arrêts par les milieux médicaux, et ses analyses sont diffusées par le Bulletin de l’ordre
des médecins10. Trois grands types de questions sont abordés dans ces revues :
ƒ l’information médicale dont la preuve incombe au médecin comme source de
responsabilité du médecin, c’est à dire la manière dont l’arrêt Hédreul et les arrêts
postérieurs sont reçus dans les milieux médicaux
ƒ l’annonce du diagnostic et l’accompagnement du patient
ƒ l’évaluation de la compréhension de l’information
10
P. SARGOS. Information et consentement du patient. Bull. ordre méd. 1999 ; 1 :10-12
Gwénola GRIMAULT
De l’information à l’annonce
26/118
Décembre 06
► Le contenu de l’information à donner au patient :
Les préoccupations quant au contenu de l’information sont au nombre de deux : le type
d’information à délivrer au patient d’une part, et la nécessité de lui transmettre des informations
validées d’autre part.
En ce qui concerne le type d’information à transmettre au patient, les médecins sont plutôt sur
la défensive et la question essentielle reste : quelle information donner pour se couvrir dans
l’éventualité d’un procès ? Même si certains médecins considèrent la question sous un angle
différent en se demandant plutôt quelle information donner pour que le patient puisse faire un
choix pertinent par rapport à sa santé, ceci apparaît de façon beaucoup moins marquée. Deux
positions peuvent alors être relevées :
ƒ une première analyse est focalisée sur les risques et se demande alors si l’information
doit tous les englober, y compris les risques exceptionnels. Les deux arrêts du 7 octobre
1998 mettent fin à cette discussion en répondant OUI.
ƒ une seconde analyse rend compte du devoir général d’information du médecin, en se
fondant sur ses obligations déontologiques. Il est précisé que cette information doit porter
sur : l’état de santé du patient et l’évolution prévisible de sa maladie ; la nature du
traitement, les bénéfices escomptés et ses répercussions sur la qualité de vie du patient,
les investigations et leurs risques ; enfin sur les conséquences en cas de refus ou
d’absence de soins ou d’investigations. Un article sera même rédigé par le Pr. B.
HOERNI11 en février 1999 pour rappeler la position du Conseil de l’Ordre des médecins
en s’appuyant sur l’article 35 du Code de déontologie.
Le second souci des médecins est de délivrer à leurs patients une information dont le contenu
objectif a été validé. Pour cela, il sera demandé aux sociétés savantes d’élaborer des modèles
d’information, notamment concernant les risques graves connus inhérents à telles investigations
ou à tel traitement. Certains reprendront même l’idée et suggéreront la réalisation de documents
officiels servant de base aux magistrats pour apprécier l’information donnée au patient par le
médecin12. Enfin d’autres réclameront des fiches, établies collectivement, axées sur les risques13
dans le but de permettre aux praticiens d’utiliser ces fiches et d’en adapter le contenu à leur
pratique auprès des patients.
11
B.HOERNI. L’art d’informer des patients. Bull. ordre méd. 1999; 2:10-13
Dr. C. SICOT. A propos de la nouvelle jurisprudence de la Cour de cassation - II. Concours Méd
1997 ;119 :2827-2829.
13
B. MALAVAUD. L’information du malade : évolution de la jurisprudence ; 1998
Gwénola GRIMAULT
De l’information à l’annonce
12
27/118
Décembre 06
► La limitation du contenu de l’information :
La logique contractuelle veut que le médecin donne au patient TOUTE l’information pour qu’il
puisse contracter en connaissance de cause. Cependant, le premier arrêt rendu le 7 octobre 1997
précise trois exceptions : « l’urgence, l’impossibilité ou le refus du patient d’être informé ». Les
deux arrêts du Conseil d’Etat du 5 janvier 2000 vont dans le même sens. La non-information
dépend donc soit de circonstances objectives empêchant de la donner, soit du choix de l’intéressé
de ne pas la recevoir. Cette décision ne revient en aucun cas au médecin. Cependant, l’article 35
du Code de déontologie médicale reste applicable et précise que, dans l’intérêt du malade, le
médecin peut légitimement taire un diagnostic ou un pronostic graves, ceci à titre exceptionnel et
limité aux cas graves. Le médecin redevient, dans ce cas, l’interprète des intérêts du patient.
Devant ce manque de clarté, le conseiller SARGOS précise alors, dans un commentaire de l’arrêt
Hédreul au Bulletin de l’ordre des médecins de janvier 1997, que cet arrêt « s’il vise la
justification de l’absence d’information par l’urgence, l’impossibilité ou le refus du patient »,
n’exclut pas, bien au contraire, ce que l’on pourrait appeler « une limitation thérapeutique de
l’information », lorsqu’il apparaît au médecin que l’information est de nature à avoir une
influence négative sur la réussite des investigations ou des soins. Il garde la faculté, même si elle
doit rester exceptionnelle, de « la limiter pour des raisons légitimes et dans l’intérêt du
patient »14. L’exception est alors plus large et le médecin redevient l’interprète des intérêts du
patient. Une réflexion sur la question du consentement éclairé s’impose alors. Le consentement
éclairé représente l’acceptation par le patient d’un traitement, d’une prise en charge
thérapeutique de façon plus globale, après avoir reçu une information « loyale, claire et
appropriée » sur son état, les investigations ou le traitement proposé. Même si le consentement
aux soins est tacite et implicite du fait même de la demande de consultation médicale par le
patient, une information la plus claire et la plus complète possible doit incontestablement être
fournie au patient, dans le but d’établir la relation de confiance indispensable à sa participation
aux décisions qui le concerne. Le médecin doit donc nécessairement réfléchir à la nature et à la
quantité d’informations qu’il peut délivrer à son patient pour lui permettre de prendre les
décisions les plus adaptées à son état de santé sans au contraire lui enlever tout espoir et ainsi
nuire à la réussite des investigations et soins à venir. Il s’agit d’un exercice extrêmement difficile
car il faut prendre en compte les ressources psychologiques du patient, être capable de prévoir
ses mécanismes de défense, avoir une idée de l’importance et de la qualité du réseau relationnel,
de l’entourage du patient… Il ne s’agit alors plus tout à fait d’information mais plutôt d’annonce,
ce que nous aborderons ultérieurement.
► Les modalités de la preuve de l’information et ses conséquences sur la relation médecinmalade :
Une fois exposée la nouvelle règle imposant aux médecins de faire la preuve de l’information du
patient, ces derniers s’interrogent et s’inquiètent sur les modalités les plus appropriées pour y
parvenir. Bien que la règle soit la liberté de la preuve, la majorité des opinions penche pour une
solution d’extrême prudence et recommande le recours à un écrit ou, plus précisément, à une
signature. L’inquiétude de tous est alors le risque d’altérer la relation de confiance entre patient
et médecin.
En ce qui concerne le recours à un écrit, trois positions se distinguent. La première, conforme à
l’arrêt du 14 octobre 1997, affirme que « la preuve de cette information peut être faite par tous
moyens » (aveu, présomptions, témoignages, écrit). La seconde, évoquée par les juristes à l’avis
autorisé, suggère aux médecins de se ménager un écrit. Ainsi, le conseiller Pierre SARGOS
affirme en 199915 que « l’écrit est cependant la forme la plus sûre de la preuve de
l’information… Cet écrit pourrait d’ailleurs prendre la forme de fiches d’information réalisées
14
P. SARGOS. Information et consentement du patient. Bull. ordre méd. 1999 ; 1 :10-12
P. SARGOS. Information et consentement du patient. Bull. ordre méd. 1999 ; 1 :10-12. préc. n°40.
Gwénola GRIMAULT
28/118
De l’information à l’annonce
Décembre 06
15
par les sociétés savantes dans leurs spécialités respectives, fiches que le praticien remettrait à son
patient en les assortissant de toutes explications ou compléments qu’il estime utiles ». Il ajoute
que cet écrit permet de conserver une trace de l’information même s’il ne règle pas tout. Jean
PENNEAU16 est du même avis et considère par ailleurs que « la nouvelle jurisprudence conduit
inéluctablement à cette solution ». La troisième position adoptée considère que l’écrit n’est
susceptible d’assurer sa fonction que s’il est signé par le patient. Yves CHARTIER17, conseiller
à la Cour de cassation, est de cet avis même si la relation médecin-malade y perd une partie du
climat de confiance. Selon lui, la signature du document d’information par le patient est le
moyen le plus efficace pour le médecin de se constituer une preuve, mais aussi de prouver que le
patient a bien été informé de l’existence des risques, voire même qu’il les a acceptés. Certains
assureurs de la responsabilité médicale suivent cette opinion.
La seconde question que se posent les médecins est alors le retentissement de cette
formalisation de l’information sur la relation médecin-malade. Ils craignent une altération de
la confiance du patient en son médecin pour deux raisons. L’information étant en principe
exhaustive, elle risque d’affoler le patient et peut même entraîner son refus d’investigations ou
de soins indispensables pour sa santé. D’autre part, la remise d’un document écrit pour se
ménager une preuve en cas d’éventuel contentieux entraîne une perte de confiance du patient.
« D’une relation basée sur la confiance établie à travers un contrat moral constitué de la
rencontre entre le patient et le chirurgien, nous passons à une relation de défiance qui impose une
réflexion nouvelle de la part du médecin »18. Néanmoins, il semble qu’il y ait confusion entre la
portée de la remise de documents écrits et celle de la signature éventuelle par le patient dans le
but de confirmer qu’il a bien reçu lesdites informations. En effet, ce n’est pas la fourniture d’un
écrit qui risque de créer la défiance, mais bien le fait que le médecin exige que ce document soit
signé par le patient. Délivrer une fiche récapitulative de toutes les informations fraîchement
délivrées ne constitue en rien un acte agressif pouvant nuire à la relation médecin-malade si le
praticien explique sa finalité. Il faut en effet préciser que cette fiche permet au patient de se
remémorer à distance et de façon plus posée l’ensemble des informations délivrées d’un bloc et
sur un temps très court. Ce document peut également susciter chez le patient des questions
auxquelles il n’avait pas songé lors de la consultation initiale, questions qu’il est toujours temps
de poser lors des consultations ultérieures. Il peut d’autre part révéler au médecin les points sur
lesquels il n’a pas été suffisamment clair. Ce formulaire peut donc constituer un excellent
support pour favoriser la discussion et l’échange entre ces deux partenaires que sont le patient et
le médecin. Cependant, c’est à partir du moment où il est question de signature que ce document
est susceptible de devenir néfaste et dangereux. Le patient peut effectivement avoir le sentiment
que le médecin se défit de lui, mette en doute ses capacités de compréhension. Quant au
praticien, il peut ne voir en ce document que le moyen d’apporter la preuve de la délivrance de
l’information, le moyen de couvrir ses arrières et de se protéger d’un éventuel procès. Il n’est
alors plus question de relation médecin-malade, de communication ni d’échange d’informations
puisque patient et médecin, se méfiant l’un de l’autre, se retrouvent comme postés de part et
d’autre d’une barrière imaginaire représentée par la signature de ce document, preuve de ladite
information. On peut également émettre une dernière hypothèse pour expliquer cette méfiance
d’un écrit. Si les médecins expriment leurs craintes d’un formalisme excessif, c’est peut-être
parce qu’ils redoutent de perdre la maîtrise de l’information donnée, cette dernière étant diffusée
sous forme de fiches au contenu préalablement validé, diminuant ainsi leur marge de manœuvre.
Les professionnels se trouvant dans ce cas de figure devraient peut-être se remettre en cause et
16
J. PENNEAU. L’obligation d’information du patient. Hospitalisation privée 1998 : 17-20.
Y. CHARTIER. Information du patient et responsabilité médicale. Progr. Urol. 1998 ; 8 : 487-490.
18
P. SARGOS, D. PELLERIN, B. GLORION. Information du malade par le chirurgien. Aspects judiciaires, aspects
éthiques, aspects déontologiques (communication présentée à l’Académie nationale de chirurgie au cours de la
séance du 11 juin 1997) ; Chirurgie 1998 ; 123 : 85-96
Gwénola GRIMAULT
29/118
De l’information à l’annonce
Décembre 06
17
s’interroger sur l’origine de leur vocation, sur la valeur et le statut qu’ils attribuent à leur
profession, sur le type de relation qu’ils souhaitent établir avec leur patientelle… car peut-être en
sont-ils restés à la relation médecin-malade d’antan, unidirectionnelle et paternaliste, celle où
seul le médecin détenait le pouvoir de la connaissance et où aucun dialogue n’était de rigueur.
2.3.3.2 L’annonce du diagnostic et l’accompagnement du malade
Les arrêts précités concernent des investigations invasives et c’est probablement la raison pour
laquelle les préoccupations se portent sur la définition des risques. Ces préoccupations ne se
posent pas nécessairement dans ces termes pour les maladies chroniques, puisque l’information
est abordée en terme de partenariat avec le patient, dans le but de l’aider à vivre avec sa maladie.
La question principale abordée dans les articles est alors celle de l’annonce du diagnostic, dans
la mesure où la manière de dire peut exercer une influence sur les conditions de
l’accompagnement futur du patient, sur son vécu de la maladie. En revanche, lorsqu’il s’agit
d’une maladie grave voire mortelle, son annonce est envisagée de façon différente car le
problème crucial devient le suivant : est-il nécessaire de taire ou non la réalité ou de
l’édulcorer ? Des études mettent alors en évidence, comme nous allons pouvoir le constater,
l’écart entre les attentes des patients interrogés et les idées que s’en font les médecins.
► Information du patient atteint de maladie grave :
Jusqu’en 1995, le Code de déontologie prévoyait comme un principe que le médecin pouvait
légitimement ne rien révéler au malade en cas de maladie grave ou fatale. Le médecin était le
juge légitime de l’intérêt physique et moral du patient dans un souci d’humanité. A partir de
1995, ce qui était la règle est devenu l’exception à l’exigence de loyauté de l’information. Ainsi,
le fait de tenir le patient dans l’ignorance d’un diagnostic ou d’un pronostic graves constitue
dorénavant une exception, exception qui peut permettre au médecin d’adapter l’information à la
réalité et de la délivrer progressivement. L’accent n’est ainsi plus mis sur le contenu de
l’information à délivrer au patient, mais sur la manière d’annoncer soit un diagnostic lourd de
conséquences pour l’intéressé, soit un diagnostic dont le pronostic est fâcheux. A partir de cet
instant, on note alors deux tendances chez les médecins. Certains ont pour souci d’annoncer le
diagnostic de manière à assurer au patient une prise en charge future de qualité. D’autres, lorsque
le diagnostic implique un pronostic de maladie grave, mettent l’accent sur la nécessité de
délivrer une information qui permette au patient de s’adapter à sa nouvelle situation. Ces deux
préoccupations sont très souvent intriquées, mais ce qui diffère est l’éventualité d’une mort
proche.
Dans le cas d’une maladie chronique, deux points sont importants. Il faut tout d’abord prendre
en compte les représentations du malade sur la maladie et sur la santé (nous aborderons ce point
plus en détail ultérieurement) car la maladie va nécessiter des changements de comportement de
la part du patient. Ensuite, il faut garder en tête que la relation médecin-malade est fondée sur la
négociation (et non sur l’ordre), négociation au sein de laquelle le patient devient un partenaire
de l’équipe soignante, et où médecin et malades définissent ensemble des objectifs
intermédiaires en fonction des difficultés psychologiques et sociales rencontrées par le patient.
Dans le cas où la mort se profile à plus ou moins court terme, la préoccupation première est
de ne pas « réduire la vérité au diagnostic » car se serait « réduire le malade à sa maladie »
(CHASTAING ,1998). Lorsque la mort est proche, l’information ne concerne pas seulement sa
maladie et les traitements, mais aussi leurs répercussions sur la vie du patient, ses conditions de
vie et ses propres réactions, l’attitude des soignants, la possibilité de donner un sens à la vie qui
lui reste, le devenir de ses proches… L’attention doit alors être portée au malade dans sa
globalité, physique et psychologique.
Gwénola GRIMAULT
De l’information à l’annonce
30/118
Décembre 06
► Les attentes des patients en matière d’information et l’idée que les médecins en ont :
Le désir d’information diagnostique est sous-estimé par les médecins. Une étude canadienne19
conduite il y a vingt ans (étude déjà ancienne, certes, mais dont les conclusions restent
malheureusement encore d’actualité) montrait que devant une affection grave, 78 % des patients
interrogés désiraient être informés du diagnostic, alors que seulement 13 % des médecins
pensaient qu’il fallait le fournir. De plus, le pourcentage de patients désireux de connaître le
pronostic, même fatal, était de 65 % tandis que celui des médecins qui acceptaient de l’annoncer
n’était que de 12 %. On peut cependant s’interroger sur un point qui semble essentiel : peut-on
faire l’amalgame entre le désir d’information et la capacité à entendre ?. Car il s’agit bien là de
deux notions différentes que le médecin doit également prendre en compte. Il existe parfois des
situations où le patient désire connaître le diagnostic ou pronostic de sa maladie sans pour autant
être capable de l’entendre à l’instant « t »… Cette notion sera plus largement développée dans la
seconde partie de ce travail. Une autre étude consacrée aux perceptions de leur maladie par les
patients atteints de cancer20 a montré que la moitié des patients connaîtrait intuitivement la
gravité pronostic de leur maladie. Enfin, d’autres études anglo-saxonnes axées sur la façon
d’annoncer le diagnostic et de tenir compte des préférences des patients21 rendent compte, qu’en
cas d’anomalie, les patients préfèrent recevoir l’information de leur médecin généraliste plutôt
que par un autre (radiologue par exemple), et ceci au cours d’une consultation. Au contraire, s’il
n’y a aucune anomalie, peu leur importe.
Les divers articles consacrés à l’annonce du diagnostic mettent ainsi en relief trois aspects :
▪ L’idée que le médecin puisse masquer la vérité n’apparaît plus comme allant de soi. Les
chiffres cités ci-dessus suscitent la réflexion : il semble que les patients désirent être informés du
diagnostic aussi bien que du pronostic de leur maladie. Prétendre protéger le patient en lui
cachant la vérité ne représente, à priori, qu’une fausse excuse car les patients pressentent souvent
la gravité de leur pathologie, même si les médecins le nient. Par conséquent, procéder de la sorte,
ne peut que susciter davantage de stress et d’inquiétude chez les patients, et non les protéger,
▪ C’est la manière de délivrer le diagnostic qui doit être mise en avant pour permettre au patient
de s’adapter progressivement à la réalité de sa maladie. Le médecin traitant doit jouer le rôle de
coordinateur, dans le sens où il prescrit des examens après avoir émis des hypothèses
diagnostiques, mais doit aussi être la personne qui annonce leurs résultats et établit le
programme de la prise en charge qui suivra (nous aborderons ultérieurement ce point capital de
façon plus approfondie). C’est d’ailleurs ce que souhaite le patient : avoir affaire à une seule et
même personne, celle en qui il a remis sa confiance et avec qui il a instauré des liens, celle qui,
par conséquent, trouvera plus facilement les mots, le moment,
▪ Enfin, il existe un dernier point qui n’est pas abordé de façon explicite, mais qui s’impose
néanmoins à l’esprit à la lecture de ces études : qu’est-ce qui sous-tend la pratique de l’omission
chez les médecins ? Quelles en sont les motivations ? Peut-être permet-elle à certains médecins
de ne répondre qu’à un minimum de questions sans fournir d’informations complètes, et ainsi de
pallier à un manque de connaissances. Certains prétendent le faire pour protéger le malade,
d’autres, au contraire, avouent le faire pour se ménager eux-même (cf mécanismes de défense du
médecin). Enfin et surtout, d’autres ont compris qu’annoncer le diagnostic véritable de manière
adéquate permettait au malade de faire face à sa maladie, et donnait également naissance à une
relation médecin-malade de bonne qualité sur le mode du partenariat. Ce sont ces même
médecins qui ne craignent plus les procès car il y a une collaboration véritable.
19
BR. MOUNT, A. JONES, A. PATTERSON. Death and dying attitudes in a teaching hospital. Urology 1974;
4:27.
20
WJ. MACKILLOP, WE. STEWART, AD. GINSBURG, SS. STEWART. Cancer patients, perceptions of their
disease and its treatment. Br. J. Cancer 1988; 58: 355.
21
Etude portant sur les préférences et attentes des patientes concernant la manière d’apprendre les résultats de leur
mammographie réalisée par F. BAILLET et N. PELICIER
Gwénola GRIMAULT
31/118
De l’information à l’annonce
Décembre 06
2.3.3.3 Evaluation de l’information donnée
La question de l’information est ici abordée sous un angle différent. Il s’agit de savoir si les
médecins donnent des informations à leurs patients et, si oui, comment et dans quelles
proportions. La réflexion porte également sur la qualité de l’information et sur l’éventuel effet
anxiogène de l’information sur les risques.
On cherche donc moins à prendre en considération les demandes exprimées par les patients en
matière d’information qu’à évaluer l’information en tant qu’élément de la pratique médicale
faisant dorénavant partie des obligations professionnelles des médecins.
► Evaluation des pratiques médicales :
Elle s’appuie sur des questionnaires adressés soit à des patients, auxquels sont posés un certain
nombre de questions ayant trait à l’information délivrée, soit à des médecins, à qui il est
demandé de répondre sur les types d’information qu’ils donnent à leurs patients.
A titre d’exemple, l’une des enquêtes réalisée auprès des patients concerne l’information sur
l’injection intraveineuse de produit de contraste iodé22. Les résultats sont les suivants :
l’information est souhaitée dans 86 % des cas lorsqu’elle ne comporte pas le risque de décès,
dans 52 % lorsque tous les risques sont envisagés, y compris ce dernier. En outre, l’information
est considérée comme peu anxiogène car 11 % des patients seulement se disent alarmés.
Il ressort donc que les patients désirent indéniablement être informés, notamment en ce qui
concerne les risques induis par les actes médicaux envisagés. Néanmoins, leur désir
d’information est à moduler en fonction de la gravité du risque, et en particulier lorsque ce
dernier représente un risque vital. Le pourcentage de personnes désirant être informé s’abaisse
alors de façon non négligeable. Enfin, l’information sur les risques semble peu anxiogène, ce qui
invalide l’argument souvent avancé de ne pas informer la personne pour ne pas l’alarmer
inutilement.
Cependant, il faut noter plusieurs biais à cette étude :
-la méthode d’évaluation choisie est peu précise et n’évalue que « l’anxiété ou la confiance
avouée par les patients, ce qui ne garantit pas nécessairement la sincérité des réponses »23. Il faut
en effet prendre en considération le fait que la personne interrogée se demande toujours quel
usage sera fait de la réponse qu’elle fournit. De plus, cette dernière dépend de la nature de la
relation existant entre celui qui la pose et celui qui y répond,
-en excluant de l’étude les patients présentant des troubles de la conscience ou des difficultés
linguistiques, on élude la question de savoir comment les soignants devraient procéder pour
délivrer des informations à ceux présentant des difficultés de compréhension,
-enfin, on ne sait pas si les patients auxquels sont distribués les questionnaires sont malades ou
bien portants. S’agit-il d’un groupe de malades uniquement, ou seulement de bien-portants, ou
encore de malades et bien-portants mélangés dans des proportions identiques ou même variable ?
Ne pourrait-on pas envisager que le résultat de l’enquête soit modifié en fonction du type de
patients choisi ? La variante malade, ou même « ayant l’intuition d’être malade », ne pourraitelle pas générer de l’angoisse susceptible de s’ajouter elle-même à l’angoisse de présenter les
risques éventuels de l’examen subi et ainsi fausser les résultats ?
22
MP. DEBRAY, B. MESSIN, F. BONNEVILLE, JP. LAISSY. Information des patients et produit de contraste
iodé. J. RADIOL. 1999 ; 80 : 437-440.
23
MP. DEBRAY et al., préc.
Gwénola GRIMAULT
32/118
De l’information à l’annonce
Décembre 06
Une seconde enquête est réalisée, quant à elle, auprès de médecins gastro-entérologues,
chirurgiens digestifs et cancérologues de la région Nord. Elle a été menée dans le but de
rechercher d’éventuelles disparités dans le degré d’information des patients atteints de cancer du
colon24. Les résultats sont les suivants :
ƒ le diagnostic est donné dans :
- 83 % des cas au patient lorsqu’il en fait explicitement la demande,
- 40 % des cas au patient lorsqu’il ne fait pas cette demande,
.53 % des cas à la famille.
ƒ le diagnostic de métastases est révélé dans :
- 23 % des cas au patient,
- 95 % des cas à la famille.
- 3 % des cas au patient,
- 4 % des cas à la famille.
Ainsi, 27 % des patients réclamant leur diagnostic ne l’obtiennent pas et restent dans
l’incertitude malgré l’obligation d’information qui pèse sur les praticiens. Ceci représente un
nombre assez important de malades. Quelles sont les motivations des médecins ? Ont-ils jugé
que leurs patients n’étaient pas aptes à recevoir cette information ? Cette information a-t-elle été
donnée de façon différée, progressive par la suite, soit après la clôture de l’enquête ? Cette
dernière ne le précise pas. D’autre part, 40 % des patients se sont vus imposer une information
qu’ils ne désiraient pas recevoir. Pourquoi tant d’agressivité ? Faut-il y voir le simple soucis de
respecter la législation, un excès de zèle, un moyen de protection de la part du médecin (« je te
livre ton diagnostic et débrouille toi avec, avec tes questions, tes angoisses, ta douleur… »), un
manque de tact ou une ignorance en matière de communication de mauvaises nouvelles ? Nous
aborderons plus tard ces différents points. En outre, la famille est informée dans 53 % des cas.
Cependant, l’enquête ne précise pas si la famille a été informée après que le patient l’ait été ou si
seule la famille a reçu l’information. Dans le premier cas, l’information de la famille a t-elle été
faite sur demande du patient ou après simple appréciation du médecin ? Dans le second cas se
pose le problème de la confidentialité et du secret professionnel.
L’enquête met également en relief qu’un euphémisme est employé dans 92 % des cas à la place
de « cancer du colon ». Par conséquent, les 83 % des patients dits informés sont en réalité surestimés. Dans ces 83 %, un certain nombre de patients n’ont pas compris qu’il s’agissait d’un
cancer du colon et ne sont donc pas informés. L’obligation d’information est ainsi loin d’être
appliquée.
Enfin, l’enquête fait remarquer que les cancérologues informent les patients tandis que les
gastro-entérologues et chirurgiens informent plutôt la famille. Là encore, quelles en sont les
raisons ? Les cancérologues sont-ils mieux formés à l’annonce des mauvaises nouvelles, aux
techniques de communication ? Disposent-ils de plus de temps, par rapport aux chirurgiens par
exemple ? Les chirurgiens communiquent-ils davantage avec la famille car l’information est
donnée en sortant du bloc opératoire, alors même que le patient est encore endormi ? Quant aux
motivations des gastro-entérologues, elles restent obscures. La loi du 4 mars 2002 est pourtant
formelle à ce sujet : « Toute personne a le droit d’être informée sur son état de santé ». De plus,
« cette information incombe à tout professionnel de santé…seules l’urgence, l’impossibilité ou le
refus de recevoir l’information peuvent l’en dispenser ».
24
A. ADENIS, P. VENNIN, B.HECQUET. L’information des patients atteints d’un cancer du colon : résultats
d’une enquête auprès des gastro-entérologues, chirurgiens et cancérologues de la région Nord. Bull. Cancer 1998 ;
85 : 803-808.
Gwénola GRIMAULT
33/118
De l’information à l’annonce
Décembre 06
L’information des patients est loin d’être évidente, nous pouvons aisément nous en rendre
compte à travers ces deux enquêtes. Elle est pourtant indispensable à une relation médecinmalade de qualité. Afin de la délivrer de la manière la plus adaptée, il semble impératif de définir
les désirs et les besoins des patients en matière d’information.
► Evaluation des besoins d’information des patients avec leur collaboration :
Un exemple de cette démarche est fourni par la Fédération Nationale des Centres de Lutte
Contre le Cancer (FNCLCC) qui, en 1998, a mis en place un projet d’information à l’attention
des patients atteints de cancer et de leurs proches. Ce projet s’est fixé différents objectifs :
ƒ
ƒ
ƒ
ƒ
répondre aux besoins d’information exprimés par les patients,
mettre à leur disposition des informations validées, compréhensibles, accessibles et
systématiquement actualisées,
permettre aux patients de les assimiler,
améliorer la qualité des soins en considérant le malade comme acteur.
L’intention initiale était de produire une information de qualité et de la « traduire » en un
langage compréhensible pour les patients et leurs proches. Pour cela, la FNCLCC s’est entourée
de spécialistes du cancer, d’une linguiste, d’un psychiatre, de professionnels paramédicaux et
d’éducateurs pour la santé. Néanmoins, la FNCLCC désirait faire plus que transmettre des
connaissances, elle voulait définir les besoins et les attentes réels des patients en matière
d’information et de communication, ce qu’elle a tenté de faire en constituant un groupe de
travail.
L’article25 qui rend compte de cette démarche livre les résultats sous forme de recommandations
pour les médecins par rapport aux besoins des patients. Il ressort que ces derniers demandent des
informations générales sur l’origine des cancers, des informations personnalisées par type de
cancer, les différents traitements, les diverses alternatives… Ce travail révèle donc une
modification des pratiques de soins. Effectivement, dans le but d’améliorer la qualité des soins, il
semble indispensable de définir les attentes des patients en terme d’information mais aussi de
compréhension. Indiscutablement, ces deux déterminants ont un impact important sur la prise en
charge médicale ultérieure, leur non prise en compte pouvant être à l’origine de conséquences
néfastes sur la conduite thérapeutique tels que anxiété, refus…
D’une manière plus générale, il apparaît donc que l’information donnée au patient doit être
considérée comme un élément d’une pratique organisée de soins, dans le souci d’une relation de
qualité où le patient devient acteur de sa malade et de sa prie en charge médicale. Ainsi,
l’information n’est plus seulement une obligation du médecin qui, non respectée, peut
entraîner un procès, mais surtout un élément essentiel de la relation médecin-malade qui
doit être considérée comme un partenariat.
25
F. DEMMA, A. DOUILLER, B. FERVERS, B. SANDRIN-BERTHON, P. SALTEL, F. FARSI, et al. Les
besoins d’information et de communication de personnes atteintes de cancer. Santé Homme 1999 ; 341 : 24-27.
Gwénola GRIMAULT
34/118
De l’information à l’annonce
Décembre 06
2.3.4
FICHES D’INFORMATION PRODUITES PAR LES SOCIÉTÉS SAVANTES
Ces fiches ont été établies, ou affinées pour celles qui existaient déjà, à la demande du Conseil
de l’ordre des médecins en mai 1997. Dans la très grande majorité des cas (70 %), les sociétés
savantes considèrent qu’il est nécessaire d’établir des documents d’information destinés aux
patients, tout en sachant que, dans 52 % des cas, ces fiches sont soit déjà rédigées, soit seront
disponibles à très court terme. Seules deux sociétés savantes26 ont rédigé des documents
d’information à l’attention des médecins, toutes les autres l’ont fait à l’attention des patients.
Les caractéristiques des fiches actuellement disponibles sont les suivantes :
► Documents décrivant les soins et / ou les investigations à réaliser :
L’accent est mis sur trois points essentiels : la fonction, le déroulement, les complications et / ou
risques éventuels des soins et / ou investigations. Ces fiches expliquent ainsi en quoi les soins
envisagés sont nécessaires et pourquoi ils sont utiles. Elles visent également à décrire la manière
dont l’examen ou l’intervention sont réalisés de façon à expliquer au patient comment les soins
seront conduits, pourquoi il est impératif de réaliser une bonne préparation à cet examen (comme
par exemple la préparation pour une coloscopie), mais aussi pour lui faire savoir ce qui l’attend.
Enfin, la description des complications et / ou risques éventuels a pour but, en les portant à la
connaissance des patients, de les aider à mesurer le rapport entre les avantages espérés du
traitement et les risques potentiels. Il s’agit là d’un élément essentiel à la prise de décision en
tenant compte notamment du caractère nécessaire ou non du traitement.
► Documents produits par des professionnels (sociétés savantes) :
Ces documents ont une double particularité : ils fournissent une information objective validée
par la communauté professionnelle, et rédigée en langage médical. Cela pose la question du
recours à un langage savant alors que le document d’information s’adresse à des personnes qui
utilisent un langage courant. Les sociétés savantes, dans un souci de mettre au point des
documents d’information, se sont probablement préoccupées avant tout de la pertinence du
contenu médical de ces fiches, sans toujours s’attacher suffisamment à leur compréhension par
les « non-médecins ». Leur lecture donne souvent le sentiment que la démarche implicite
demandée au patient est de se hausser vers le médecin et non pas à ce dernier de se mettre à la
portée du malade. Au contraire, dans la mesure où ces fiches ont pour but de fournir une
information destinée à permettre au patient d’exercer des choix en connaissance de cause, il est
nécessaire de vérifier que ceux à qui elles sont destinées les comprennent. Il paraît donc
souhaitable que leur contenu soit construit en collaboration avec des représentants de patients,
notamment des associations.
► Documents portant une attention particulière aux risques :
L’attention des sociétés savantes s’est portée particulièrement sur ce point à la suite de l’arrêt
Hédreul et des arrêts qui l’ont suivi. Deux problèmes centraux se posent. Il existe tout d’abord
un décalage entre la connaissance d’évènements aléatoires en pourcentage d’une population
donnée et leur survenue éventuelle entièrement supportée par une personne en particulier.
Effectivement, l’épidémiologie est bien différente du risque personnel et lorsqu’un événement
survient, il est supporté en totalité par le patient. Ensuite, les risques ont tendance à être
surestimés par rapport aux bénéfices escomptés des soins. Il serait donc préférable que les
documents précisent les
26
Société française d’allergologie et d’immunologie clinique, Société française de pathologie infectieuse de langue
française
Gwénola GRIMAULT
35/118
De l’information à l’annonce
Décembre 06
risques connus, certes, mais en ne les mentionnant qu’après les bénéfices des investigations ou
soins, tout en précisant les moyens dont dispose l’équipe soignante pour prendre en charge ces
évènements lorsqu’ils surviennent. Il ne s’agit pas là de dénier l’existence des risques, mais de
leur rendre la place qui leur revient.
► Documents trop souvent déviés de leur but initial :
Même s’il s’agit plus d’une constatation que d’une caractéristique, il faut cependant le
souligner : les fiches d’information sont trop souvent conçues dans un but défensif. En effet,
presque le tiers des documents affichent ouvertement être une modalité de preuve pour les
médecins en portant, par exemple, le titre « Consentement pour la réalisation de… ». La
signature de ce document est présentée comme obligatoire pour le patient, obligation fondée sur
celle du médecin de faire la preuve qu’il a fourni l’information à son patient. Ainsi, ce qui
constitue une obligation pour le médecin devient une contrainte pour le patient. Cependant, on
peut légitimement s’interroger sur l’adéquation entre la finalité recherchée et les moyens d’y
parvenir. Effectivement, l’usage de ces documents et formules stéréotypés pourrait finalement se
retourner contre les médecins car leur formulation incompréhensible démontre
incontestablement que le patient ne peut avoir compris l’information comme il le prétend. Il
semble donc indéniable que :
ƒ rédigées par des professionnels, les fiches d’information ne sont pas toujours
compréhensibles pour des personnes sans connaissances médicales,
ƒ associés à la signature du patient, les documents d’information doivent apparaître pour ce
qu’ils sont, non plus un outil d’information mais bien un moyen pour le médecin de se
constituer une preuve.
2.3.5
EN CONCLUSION
L’information à donner au patient est considérée comme une nécessité incontournable depuis
l’arrêt Hédreul rendu par la Cour de cassation. Pourtant, l’obligation pour le médecin d’informer
le patient n’est pas née avec cet arrêt, elle est bien antérieure. Le changement apporté par l’arrêt
Hédreul tient à ce que c’est dorénavant au médecin de faire la démonstration qu’il s’est acquitté
de son obligation, et non pas au patient de démontrer qu’il n’a pas reçu l’information nécessaire.
Ce renversement de la charge de la preuve a conduit les médecins à s’interroger sur le contenu
de l’information à transmettre au patient, mais surtout sur les moyens dont ils disposent pour
prouver qu’ils ont bien fourni cette information. Leur préoccupation est donc essentiellement
défensive. Cependant, n’envisager la question de l’information que sous l’angle de la
responsabilité civile et / ou administrative semble inconcevable. Effectivement, cela nuirait
gravement à la relation médecin-malade, le médecin ne voyant plus en son patient qu’un
éventuel plaideur, le malade ne considérant plus son médecin que comme un responsable
potentiel.
Gwénola GRIMAULT
De l’information à l’annonce
36/118
Décembre 06
Pour faire en sorte que l’information du patient soit prise en considération comme un temps du
soin et même plus, qu’elle soit considérée comme un acte de soin à part entière, plusieurs
recommandations peuvent d’ores et déjà être faites sur lesquelles les membres du groupe de
travail auraient à se mettre d’accord :
1) Déterminer le contenu de l’information à donner au patient
Il faut distinguer l’information générale de l’information spécifique, adaptée à la situation
personnelle du patient.
ƒ information générale :
- description des soins, examens, interventions envisagés,
- fonction, utilité et / ou bénéfices escomptés,
- déroulement,
- complications et risques éventuels, y compris exceptionnels, en les hiérarchisant,
ƒ information spécifique :
- état du patient, évolution prévisible, examens et / ou soins envisagés
- nature exacte et conséquences de la thérapeutique proposée, séquelles éventuelles
- alternatives thérapeutiques envisageables
L’information générale pourrait être formalisée sous forme de fiches d’information. Néanmoins,
ce procédé est moins adapté en ce qui concerne l’information spécifique qui reste patientdépendante. Il faudrait donc réfléchir à un support qui guiderait les médecins dans leur démarche
d’information. Peut-être même qu’aucun support ne puisse être créé et que le médecin ait à
trouver, pour chaque patient, le moyen le plus adapté de l’informer. Ainsi, s’il semble assez
simple de mettre en fiches ce qui est général, ce qui relève du singulier revient indéniablement
au médecin. D’autre part, les items cités paraissent insuffisants. Ne faudrait-il pas prendre aussi
en compte les conséquences sur la vie du patient, pour sa famille, les conséquences sociales,
professionnelles, psychologiques, et bien d’autres encore qu’il faudrait déterminer ?
2) Garantir au patient des informations validées
La qualité de l’information ne peut être assurée au patient que si les médecins s’appuient sur des
connaissances évaluées et validées à l’aide de preuves scientifiques et d’avis d’experts.
3) Réfléchir à la manière de présenter les risques ainsi qu’à leur prise en charge
Il semble indispensable de ne pas présenter les risques avant les avantages de la thérapeutique
envisagée. Ceci permettrait d’appréhender les risques non plus comme une série d’événements
gouvernés par la fatalité auxquels, malheureusement, le patient ne peut échapper, mais comme
faisant partie intégrante des soins. Il faudrait alors intégrer dans les fiches d’information des
renseignements sur la manière dont il est possible sinon de les maîtriser du moins d’en limiter les
conséquences ou, en tous les cas, d’y faire face.
4) Veiller à la compréhension de l’information par les patients
Les sociétés savantes ont créé, à la demande du Conseil de l’ordre, des documents d’information
réunissant, dans la majorité des cas, des informations peu accessibles pour une personne n’ayant
pas les compétences médicales requises. Il faut donc considérer qu’il ne s’agit là que d’une
première étape et que la seconde consisterait à soumettre ces fiches à l’avis de représentants de
patients pour que leurs remarques et / ou suggestions soient prises en compte. Ceci semble
impératif pour que les patients bénéficient d’une information qui réponde le mieux possible à
leurs besoins leur permettant ainsi de prendre une décision en toute connaissance de cause
concernant leur santé.
Gwénola GRIMAULT
De l’information à l’annonce
37/118
Décembre 06
5) Veiller à ce que les documents d’information aient une fonction strictement
informative
Le mélange des genres (informer le patient par le biais d’un document écrit dont un exemplaire
est signé par le patient pour servir de preuve au médecin) ne pourrait qu’aboutir au résultat
inverse de celui recherché. On transformerait une obligation du médecin en obligation du patient,
puisque l’information lui serait moins donnée pour lui permettre de faire des choix que pour
permettre au médecin de disposer d’une preuve qui lui paraît nécessaire. Il faudrait donc trouver
un moyen de faire la preuve sans que ce dernier se confonde avec le document écrit servant à
informer le patient. Il faudrait deux documents strictement différents et parfaitement
indépendants.
6) Veiller à ce que l’information soit envisagée comme un élément du système de soins
L’information du patient doit être envisagée de telle façon que les renseignements donnés par
chaque intervenant soient en cohérence les uns par rapport aux autres. En effet, la prise en
charge d’un patient nécessite souvent plusieurs examens, plusieurs intervenants. Le patient reçoit
alors de multiples informations qu’il faut mettre en relation les unes par rapport aux autres. Il
serait donc nécessaire d’envisager l’information du patient en terme d’organisation, tenir compte
du fait que cette dernière émane de plusieurs sources et faire en sorte que ces différents éléments
fassent l’objet d’une synthèse. C’est ce qui est envisagé dans le plan cancer, lancé en mars 2003,
par Jacques CHIRAC (BENKIMOUN, 2005). L’expérimentation, conduite auprès de 15 000
personnes, a permis de réfléchir sur quatre thèmes : la consultation paramédicale, l’articulation
entre les médecins hospitaliers et les médecins généralistes, le repérage des besoins
psychologiques et sociaux, et le programme personnalisé de soins. Il est entre autres ressorti que
les patients ne parlent pas des mêmes sujets avec chacun des intervenants. Ainsi, les patients
abordent rarement la question du pronostic avec le médecin alors qu’ils le font devant les
infirmières. De même, les sujets jugés délicats sont plus souvent discutés avec l’équipe
infirmière ou les paramédicaux qu’avec les médecins spécialistes (perte des cheveux, diminution
de la libido…). Ce phénomène au cours duquel les questions dont on ne veut pas connaître la
réponse sont posées à la personne qui n’est pas habilité à y répondre est fréquemment rencontré.
Les divers intervenants de l’équipe doivent donc impérativement se réunir régulièrement pour
échanger leurs informations sur le patient et ainsi l’aider au mieux à affronter sa maladie. Il est
également capital qu’une personne soit désignée pour faire, à intervalles réguliers, le point avec
le patient sur la situation, les examens ou traitements en cours… Ce rôle peut parfaitement être
rempli par le médecin traitant, à condition qu’il soit régulièrement informé par l’ensemble des
autres intervenants, et en particulier par les médecins spécialistes (oncologues).
Gwénola GRIMAULT
De l’information à l’annonce
38/118
Décembre 06
2.4 INFORMATION DU PATIENT D’APRÈS LA LOI DU 4 MARS 2002
« Sous la pression des usagers du système de santé rendus méfiants par les drames de santé
publique (et la médiatisation d’affaires isolées), de nombreuses dispositions législatives et
réglementaires sont venues conforter des droits fondamentaux (accès aux soins, qualité et
sécurité des soins, respect de la personne) mais également ouvrir de nouveaux espaces déjà
explorés par la jurisprudence, permettant de mieux prendre en compte les besoins et les attentes
de la personne malade (information, consentement aux soins, indemnisation des risques
sanitaires) (POCHON, 2003).
La loi du 4 mars 2002 sur « les droits des malades » comporte 5 titres et 126 articles27. Elle a été
rédigée dans un contexte de méfiance et d’attente des associations d’usagers, et toute référence à
cette loi reste imprégnée de méfiance et d’attente. Tandis que l’arrêt Hédreul inverse la charge
de la preuve, la loi du 4 mars 2002 va beaucoup plus loin. Elle impose l’information « claire,
loyale et appropriée » du patient, certes, mais surtout se met en quête de son consentement, au
nom du principe d’autonomie. Ceci a clarifié et renforcé les obligations des professionnels à
l’égard des malades.
Avant de procéder à une lecture de la loi sur les droits des malades, revenons sur les concepts
philosophiques qui la fondent.
2.4.1
FONDEMENTS PHILOSOPHIQUES DE LA LOI DU 4 MARS 2002
La loi du 4 mars 2002 repose sur une assise philosophique qui articule trois principes (BLET,
2003) :
ƒ le principe Hippocratique de bienfaisance à l’origine de l’acte médical
ƒ le principe d’autonomie
ƒ l’utilitarisme
2.4.1.1 PRINCIPES DE BIENFAISANCE ET DE NON-MALFAISANCE
Ces principes se retrouvent dès l’antiquité et perdurent jusqu’à la moitié du XX ème siècle. Ils
sont certes encore présents, mais leur affaiblissement est notoire.
Dans le traité des épidémies d’Hippocrate (460 avant JC.), on peut lire « avoir dans la maladie
deux choses en vue : être utile et ne pas nuire ».Il s’agit pour le médecin de seconder la nature
sans entraver son action, dans l’intérêt de l’homme28.
Si l’action doit être dirigée dans l’intérêt de l’homme, il faut alors définir le Bien, dans la pensée
hellénique. Voici ce que révèle Aristote (384 avant JC.), dans le chapitre premier d’Ethique de
Nicomaque29 : « Tout art et toute recherche, de même que toute délibération réfléchie, tendent
semble-t-il, vers quelque bien… Toutefois il paraît qu’il ait une différence entre les fins… la
santé est la fin de la médecine ».
27
hhtp://www/legirance.gouv.fr
RESENFELD D., Hippocrate et les principes de la déontologie. La lettre de l’espace éthique. N°15-18. Hiver-Eté,
2002.
29
Aristote. Ethique de Nicomaque. Traduit, préfacé, et annoté par Jean VOILQUIN. Edition Garnier Flammarion,
1965.
Gwénola GRIMAULT
39/118
De l’information à l’annonce
Décembre 06
28
La santé est la fin de la médecine. Le bien pour la médecine est ce qui tend vers la santé. Le
« bien » appartient à la catégorie du savoir, d’un savoir sur l’autre et pour l’autre. Cette
représentation est à l’origine des pratiques paternalistes d’antan.
Plus proche de nous, Emmanuel Levinas et Hans Jonas fondent la moralité de l’action sur la
fragilité de l’autre. Celui qui agit n’est pas seulement responsable de son acte devant la loi, il est
également responsable pour l’autre.
Ces principes imprègnent la relation médecin-malade. Mais l’apparition du concept d’autonomie
en médecine vient bousculer leur suprématie.
2.4.1.2 LE PRINCIPE D’AUTONOMIE
En France, d’un point de vue philosophique, le concept d’autonomie voit le jour au XVIIIème
siècle. L’autonomie consiste en la possibilité de se donner, à soi, la Loi de son action. Il s’agit
d’obéir à une loi (nomos) qui ne s’impose pas de l’extérieur (hétéronomie), mais qui est élaborée
par soi-même (autos), comme sujet libre et rationnel. Comme toute loi, celle qui est produite par
un sujet autonome est universelle. Cette autonomie se couple donc à la notion d’universalité de
la loi pour devenir le respect de tout individu comme membre de l’humanité30.
De façon très schématique, la paternité de ce concept peut être attribuée à Rousseau et à Kant.
En effet, tous deux rattachent le principe d’autonomie non pas à l’individu, mais au genre
humain, à la communauté humaine. Lorsque la volonté d’un seul individu se reconnaît dans la
volonté générale au détriment de ses intérêts particuliers, il se reconnaît dans le tout, il fait partie
intégrante de la communauté, et il trouve sa liberté.
Nous voyons donc que le concept d’autonomie à la française renvoie à l’universel et non à
l’individuel.
Au contraire, pour les Anglo-saxons (nord-américains), l’autonomie (qu’ils opposent d’ailleurs
au principe de bienfaisance) se conçoit comme la liberté individuelle d’avoir des préférences
singulières31. Cette liberté se définit comme une indépendance négociée, et les conflits entre
deux personnes autonomes se règlent par voie contractuelle. Néanmoins, il ne s’agit plus là
d’autonomie, mais plutôt d’autodétermination qui est la capacité d’opérer des choix sans
contraintes. La langue française, dans le domaine de la santé, utilise de plus en plus l’autonomie
au sens anglo-saxon du terme, ce qui fait courir le risque de remplacer le pacte de soins et sa
dimension d’alliance thérapeutique par l’affrontement brutal de deux volontés : la bienfaisance
du médecin opposée à l’autonomie du patient. Affirmer « c’est mon choix » relève d’une
conception autiste de la liberté qui peut être assimilée à une spontanéité pulsionnelle, à une
autodétermination irrationnelle bien éloignée de l’autonomie qui est, et doit rester, l’obéissance à
une loi que l’on s’est prescrite, une loi rationnelle, universalisable, et non une loi personnelle32.
Afin de résoudre ce conflit de principes (principe d’autonomie et principe d’autodétermination),
H.T.Engelhardt développe, en 1986, la théorie de l’autonomie pluraliste dans son ouvrage The
Foundations of Bioethics. Pour Engelhardt, la moralité est fondée sur la liberté de l’homme, et
sur le respect absolu de celle-ci33. Cette position éthique recentre la moralité sur le principe
d’autonomie, tout en laissant une place à la bienfaisance, mais en modifiant ce principe. L’action
morale n’est pas de faire le bien pour autrui, mais de faire aux autres leur bien. Cette éthique
30
RAMEIX S. Fondements philosophiques de l’éthique médicale. Editions Ellipses, 1997.
WOLF M. Relation médecin-malade. Le consentement. Décembre 2001 ; http://www.inserm.fr/ethique
32
Le livre bleu, 10ème congrès national de la Société Française d’Accompagnement et de soins Palliatifs (SFAP),
recommandations de 2003.
33
idem note 27
Gwénola GRIMAULT
40/118
De l’information à l’annonce
Décembre 06
31
procédurale repose sur la négociation entre les deux parties. Selon cette vision, la relation de
soin devient un véritable contrat mettant en relation deux personnes de valeur égale. Le rôle du
médecin est d’offrir une prestation de soin, en échange de quoi le malade le rétribue. Le médecin
a donc dans ce cas pour devoir de respecter la liberté du malade, et le malade d’affirmer ce qui,
pour lui, est sa loi.
Si le principe d’autonomie est aussi important, c’est qu’il débouche sur le consentement du
patient. En effet, le respect de l’autonomie du patient exige sa complète information (sans
information, personne ne pourrait prendre de décision adéquate) ainsi que, après information, le
consentement du patient avant toute intervention sur lui. Le principe d’autonomie est le
fondement de l’exigence du consentement informé avant tout acte médical.
2.4.1.3 L’UTILITARISME
Le dilemme éthique que doit résoudre le médecin peut alors être schématisé ainsi :
-faire le bien pour l’ensemble des patients atteints de telle pathologie, ou présentant tel ou tel
symptômes
-faire le bien pour tel patient, et uniquement ce patient
L’utilitarisme développé par Stuart Mill (1806-1873) et Jérémy Bentham (1748-1832) est une
doctrine qui vise à tendre vers le plus grand bonheur possible, pour le plus grand nombre.
L’action tend vers le bonheur individuel, et au-delà, vers le bien-être collectif par altruisme. Afin
d’y parvenir, il convient de développer des méthodes d’évaluation des besoins et des ressources.
Les questionnaires de qualité de vie qui se développent en soins palliatifs s’inscrivent entre autre
dans cette démarche.
Après cet éclairage sur les fondements philosophiques de la loi du 4 mars 2002, il semble
manifeste que l’apparition de cette obligation du recueil du consentement du malade aux soins
tend à nous rapprocher du concept anglo-saxon pour ce qui est de la définition même de la
relation médecin-malade (relation dualiste où l’autonomie se conçoit comme la liberté de faire
ses propres choix, au prix de négociations, et où les mal-entendus se règlent par voie
contractuelle). Cependant, il apparaît nécessaire de mettre en lumière quelques ambiguïtés :
ƒ Le principe d’autonomie « à la française » ne renvoie pas aux mêmes notions que celui
de nos collègues nord-américains
ƒ Le code de déontologie, au travers de ses rédactions successives, a évolué sur le point de
l’information. Initialement tue le plus souvent, cette information est aujourd’hui
valorisée, voire rendue quasiment obligatoire. Cependant, il faut noter que le Code de
déontologie tient compte de la notion psychique et de la violence engendrée par la
révélation, rendant ainsi possible la mise sous silence partielle ou totale, définitive ou
transitoire du diagnostic.
La problématique éthique actuelle en France repose donc sur l’existence ou non d’une
intersection entre les deux ensembles, constitués d’une part par le respect de l’autonomie de
l’individu et, d’autre part, par l’évidente fragilité du patient présentant une maladie chronique,
grave, voire mortelle.
Gwénola GRIMAULT
De l’information à l’annonce
41/118
Décembre 06
2.4.2
LOI DU 4 MARS 2002
La loi du 4 mars 2002 (ou loi KOUCHNER) s’est inspirée des arrêtés de la Cour de cassation qui
l’ont précédé. Elle est venue compléter et modifier le Code de la Santé Publique (CSP) en
définissant les règles de l’information des malades. Ils figurent au Chapitre Premier :
Information des usagers du système de santé et expression de leur volonté. Le contenu de la loi
du 4 mars 2002 dépasse largement la seule question de l’information. Il définit le cadre des
réseaux, les coopérations sanitaires, l’indemnisation du risque sanitaire…
La lecture du CSP actuellement en vigueur montre l’importance accordée à l’information
puisque dès les premiers articles elle est mentionnée :
ƒ Art. L. 1111-2 : pose l’information comme un impératif.
ƒ Art. L. 1111-3 : porte sur l’information du coût des soins.
ƒ Art. L. 1111-4 et 5 : traite du consentement comme conséquence de l’information.
ƒ Art. L. 1111-6 : introduit la personne de confiance, qui constitue une notion très
innovante de la loi du 4 mars 2002 dans le CSP. Cette personne peut être consultée, à
condition d’avoir été désignée, mais l’information ne concerne que le malade.
ƒ Art. L. 1111-7 : traite de l’accès au dossier, complété par les Art. R. 710-2-1 à 2-9 et le
décret 2002-637. Les Art. R. 710-2-1 à 2-9 précisent les règles d’accès à l’information
médicale : « toute personne a accès à l’ensemble des informations concernant sa santé,
détenues par les professionnels et les établissements de soins… à l’exception des
informations mentionnant qu’elles ont été recueillies auprès de tiers n’intervenant pas
dans la prise en charge thérapeutique ». Le décret 2002-637 précise les conditions de la
demande d’information et d’accès au dossier.
ƒ Art. L. 1111-8 : traite de l’archivage des dossiers.
Le Code de déontologie, quant à lui, décrivait déjà l’art et la manière d’informer :
Art. 34, 35, 36, 41 et 42.
Pour peu que l’on soit correctement informé de ces règlements, comment doit-on informer le
patient et quelles réflexions peut-on en tirer ?
2.4.2.1 LOI ET INFORMATION
Article 11, Chapitre Ier de la Loi n°2002-303 du 4 mars 2002 :
« Information des usagers du système de santé et expression de leur volonté »
Art. L. 1111-2 du Code de Santé Publique : « Toute personne a le droit d’être informée sur
son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou
actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs
conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu’ils comportent ainsi
que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus.
Lorsque, postérieurement à l’exécution des investigations, traitements ou actions de prévention,
des risques nouveaux sont identifiés, la personne concernée doit en être informée, sauf en cas
d’impossibilité de la retrouver.
Gwénola GRIMAULT
De l’information à l’annonce
42/118
Décembre 06
Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et
dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables. Seules l’urgence ou
l’impossibilité d’informer peuvent l’en dispenser.
Cette information est délivrée au cours d’un entretien individuel.
La volonté d’une personne d’être tenue dans l’ignorance d’un diagnostic ou d’un pronostic doit
être respectée, sauf lorsque des tiers sont exposés à un risque de transmission.
Les droits des mineurs ou des majeurs sous tutelle mentionnés au présent article sont exercés,
selon les cas, par les titulaires de l’autorité parentale ou par le tuteur. Ceux-ci reçoivent
l’information prévue par le présent article, sous réserve des dispositions de l’article L. 1111-5.
Les intéressés ont le droit de recevoir eux-mêmes une information et de participer à la prise de
décision les concernant, d’une manière adaptée soit à leur degré de maturité s’agissant des
mineurs, soit à leurs facultés de discernement s’agissant des majeurs sous tutelle.
Des recommandations de bonnes pratiques sur la délivrance de l’information sont établies par
l’Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé et homologuées par arrêté du
ministre chargé de la santé.
En cas de litige, il appartient au professionnel ou à l’établissement de santé d’apporter la
preuve que l’information a été délivrée à l’intéressé dans les conditions prévues au présent
article. Cette preuve peut être apportée par tout moyen ».
La somme des informations à remettre au patient tend à l’exhaustivité. Informer le patient ne
relève pas d’un excès de générosité de la part du médecin mais bien d’un devoir. Toute omission
constitue un manque caractérisé et, par conséquent, le médecin doit pouvoir fournir la preuve de
son acte. Bien avant la loi du 4 mars 2002 déjà, du fait de la jurisprudence (arrêt Hédreul),
l’information devait être remise au malade, selon les modalités définies par le Code de
déontologie (CD). L’obligation d’informer le malade préexistait à la loi du 4 mars 2002.
Cependant, dans un contexte de judiciarisation et malgré les nuances apportées par le CD,
certains praticiens s’en tenaient aux prescriptions légales de la procédure pour informer le
malade, de telle manière qu’il s’en dégageait un effet de violence. « Après la charge de la
preuve, l’esprit de la loi subissait lui-aussi un renversement. Alors que la loi tentait de répondre
au besoin d’information du patient afin qu’il puisse prendre une décision concernant sa santé,
elle ne faisait que lui porter préjudice en l’effrayant, lui enlevant, par là-même, une partie de sa
capacité à prendre une décision adaptée. La loi du 4mars 2002 n’a pas atténué le risque de
violence de l’acte, mais elle a rétablit le sens des obligations par les précisions qu’elle a
apportée. En procédant à une synthèse de la jurisprudence et des attentes des associations
d’usagers, la loi du 4 mars 2002 a permis de dégager un esprit de la loi qui ne s’en tient pas à la
dimension pénale que les arrêtés avaient introduits. Elle réintroduit ainsi la possibilité, pour le
patient, de refuser une information. La lettre de la loi était devenue orpheline de son esprit du fait
des affaires médico-légales. La lettre avait pris le devant de la scène et nous avons pu assister à
des actes de violence lorsqu’il s’agissait d’informer des malades « selon la loi ». Celle du 4 mars
2002 n’a pas modifié les obligations des professionnels de santé vis-à-vis de l’information à
donner aux malades, elle les a précisées, et elle a redonné du sens aux prescriptions morcelées du
CD et de la jurisprudence, qui n’arrivait plus à s’articuler » (BLET et CARAYON, 2003).
Gwénola GRIMAULT
De l’information à l’annonce
43/118
Décembre 06
2.4.2.2 LE CONSENTEMENT
La notion de consentement est issue de la loi de bioéthique du 29 juillet 1994 insérée dans l’Art.
16-3 du Code Civil : il est interdit de porter atteinte à l’intégrité du corps humain.
Les Art. L. 1111-4 et 5 confirment la notion de consentement.
Art. L. 1111-4 du Code de Santé Publique : « Toute personne prend, avec le professionnel de
santé et compte tenu des informations et des préconisations qu’il lui fournit, les décisions
concernant sa santé.
Le médecin doit respecter la volonté de la personne après l’avoir informée des conséquences de
ses choix. Si la volonté de la personne de refuser ou d’interrompre un traitement met sa vie en
danger, le médecin doit tout mettre en oeuvre pour la convaincre d’accepter les soins
indispensables.
Aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et
éclairé de la personne et ce consentement peut être retiré à tout moment.
Lorsque la personne est hors d’état d’exprimer sa volonté, aucune intervention ou investigation
ne peut être réalisée, sauf urgence ou impossibilité, sans que la personne de confiance prévue à
l’article L. 1111-6, ou la famille, ou à défaut, un de ses proches ait été consulté.
Le consentement du mineur ou du majeur sous tutelle doit être systématiquement recherché s’il
est apte à exprimer sa volonté et à participer à la décision. Dans le cas où le refus d’un
traitement par la personne titulaire de l’autorité parentale ou par le tuteur risque d’entraîner
des conséquences graves pour la santé du mineur ou du majeur sous tutelle, le médecin délivre
les soins indispensables.
L’examen d’une personne malade dans le cadre d’un enseignement clinique requiert son
consentement préalable. Les étudiants qui reçoivent cet enseignement doivent être au préalable
informés de la nécessité de respecter les droits des malades énoncés au présent titre.
Les dispositions du présent article s’appliquent sans préjudice des dispositions particulières
relatives au consentement de la personne pour certaines catégories de soins ou
d’interventions ».
Art. L. 1111-5 du Code de Santé Publique : « Par dérogation à l’article 371-2 du code civil,
le médecin peut se dispenser d’obtenir le consentement du ou des titulaires de l’autorité
parentale sur les décisions médicales à prendre lorsque le traitement ou l’intervention s’impose
pour sauvegarder la santé d’une personne mineure, dans le cas où cette dernière s’oppose
expressément à la consultation du ou des titulaires de l’autorité parentale afin de garder le
secret sur son état de santé. Toutefois, le médecin doit dans un premier temps s’efforcer
d’obtenir le consentement du mineur à cette consultation. Dans le cas où le mineur maintient
son opposition, le médecin peut mettre en oeuvre le traitement ou l’intervention. Dans ce cas, le
mineur se fait accompagner d’une personne majeure de son choix.
Gwénola GRIMAULT
De l’information à l’annonce
44/118
Décembre 06
Lorsqu’une personne mineure, dont les liens de famille sont rompus, bénéficie à titre personnel
du remboursement des prestations en nature de l’assurance maladie et maternité et de la
couverture complémentaire mise en place par la loi n° 99-641 du 27 juillet 1999 portant
création d’une couverture maladie universelle, son seul consentement est requis ».
Ces articles ont été insérés à la suite de la loi du 4 mars 2002 qui n’a pas modifié le sens du
concept mais l’a précisé. Le consentement est la visée de l’information. L’information a pour
but d’obtenir le consentement du patient dans une symétrie des pouvoirs telle que l’indique le
CD :
Art. 36 : « Le consentement de la personne examinée ou soignée doit être recherché dans tous
les cas… »
Le consentement est un acte de parole du patient qui s’inscrit dans une suite logique articulant le
savoir médical, la parole du médecin, le savoir du patient, la réponse du patient et l’acte médical.
D’autres catégories de l’activité médicale sont également concernées. Ainsi, l’Art. L. 1111-4
stipule que l’enseignement clinique impose le consentement du patient pour qu’il en soit l’objet.
Certains sollicitaient déjà l’accord des patients sans attendre la loi. Mais les règles d’humanité
sont devenues règlements, leur omission n’est plus seulement une atteinte au respect de l’autre
mais une atteinte à la loi.
2.4.2.3 LA PERSONNE DE CONFIANCE
Art. L. 1111-6 du Code de Santé Publique : « Toute personne majeure peut désigner une
personne de confiance qui peut être un parent, un proche ou le médecin traitant, et qui sera
consultée au cas où elle-même serait hors d’état d’exprimer sa volonté et de recevoir
l’information nécessaire à cette fin. Cette désignation est faite par écrit. Elle est révocable à tout
moment. Si le malade le souhaite, la personne de confiance l’accompagne dans ses démarches et
assiste aux entretiens médicaux afin de l’aider dans ses décisions.
Lors de toute hospitalisation dans un établissement de santé, il est proposé au malade de
désigner une personne de confiance dans les conditions prévues à l’alinéa précédent. Cette
désignation est valable pour la durée de l’hospitalisation, à moins que le malade n’en dispose
autrement.
Les dispositions du présent article ne s’appliquent pas lorsqu’une mesure de tutelle est
ordonnée. Toutefois, le juge des tutelles peut, dans cette hypothèse, soit confirmer la mission de
la personne de confiance antérieurement désignée, soit révoquer la désignation de celle-ci ».
Gwénola GRIMAULT
De l’information à l’annonce
45/118
Décembre 06
L’Art. L. 1111-6 introduit la personne de confiance, désignée par le patient pour être consultée à
sa place dans le cas où il ne pourrait exprimer sa volonté ou recevoir l’information le permettant.
Avant le 4 mars 2002, la personne de confiance était tacitement reconnue par les patients ou les
soignants. Mais depuis le 4 mars, la désignation de cette personne se fait par écrit, ce qui
introduit implicitement deux ordres de faits :
-l’anticipation d’une dégradation éventuelle du malade
-l’exclusion du médecin comme personne de confiance de manière systématique.
« La loi a érigé la méfiance au cœur de la relation de soin quand d’autres textes évoquent la
confiance comme un pré-requis à la relation de soins. En réalité, la loi a seulement dénoncé un
non-dit : la confiance n’est pas un a priori, elle s’acquiert. Elle s’acquiert, en particulier,
par et dans le respect de la loi, qui définit les préliminaires au développement de la
confiance. La loi met en mots ce qui n’était pas dit et, dans le même mouvement, elle dévoile
que la relation de soin n’échappe pas à la règle des relations humaines, a priori fondées sur la
méfiance, qu’elles soient contractuelles ou d’une autre nature. La relation de soins semblait y
échapper, on la croyait fondée sur la vocation médicale, sur un élan irrépressible de soigner. Ce
n’est plus le statut qui garantit la valeur du soignant. La blouse blanche qui s’offrait au regard
comme une garantie de respectabilité, de compétence et d’humanité suscite désormais la réserve.
La blouse blanche est le signifiant du savoir médical et non moins d’un supposé savoir, et à ce
titre déjà, elle attire la méfiance comme toute institution de pouvoir lorsqu’un malheur s’abat sur
la population. Dans les situations de catastrophes ou de détresse, un bouc émissaire est toujours
recherché et les regards se tournent le plus souvent vers les lieux de pouvoir. Le supposé savoir
est toujours suspect ! » (BLET et CARAYON, 2003).
2.4.2.4 CONCILIATION ET PROCÉDURE AMIABLE
Article 98, Chapitre II de la Loi n°2002-303 du 4 mars 2002 :
« Risques sanitaires résultant du fonctionnement du système de santé »
Section 1 : « Principes généraux »
Art. L. 1142-1 du Code de Santé Publique : « - I. - Hors le cas où leur responsabilité est
encourue en raison d’un défaut d’un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à
la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans
lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont
responsables des conséquences dommageables d’actes de prévention, de diagnostic ou de soins
qu’en cas de faute.
Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages
résultant d’infections nosocomiales, sauf s’ils rapportent la preuve d’une cause étrangère.
II. - Lorsque la responsabilité d’un professionnel, d’un établissement, service ou organisme
mentionné au I ou d’un producteur de produits n’est pas engagée, un accident médical, une
affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du
patient au titre de la solidarité nationale, lorsqu’ils sont directement imputables à des actes de
prévention, de diagnostic ou de soins et qu’ils ont eu pour le patient des conséquences
anormales au regard de son état de santé comme de l’évolution prévisible de celui-ci et
présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités
Gwénola GRIMAULT
De l’information à l’annonce
46/118
Décembre 06
fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant
notamment compte du taux d’incapacité permanente ou de la durée de l’incapacité temporaire
de travail.
Ouvre droit à réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale un taux d’incapacité
permanente supérieur à un pourcentage d’un barème spécifique fixé par décret ; ce
pourcentage, au plus égal à 25 %, est déterminé par ledit décret ».
Section 2 : « Procédure de règlement amiable en cas d’accidents médicaux, d’affections
iatrogènes ou d’infections nosocomiales »
Art. L. 1142-5 du Code de Santé Publique : « - Dans chaque région, une commission
régionale de conciliation et d’indemnisation est chargée de faciliter le règlement amiable des
litiges relatifs aux accidents médicaux, aux affections iatrogènes et aux infections nosocomiales,
ainsi que des autres litiges entre usagers et professionnels de santé, établissements de santé,
services de santé ou organismes ou producteurs de produits de santé mentionnés aux articles L.
1142-1 et L. 1142-2 ».
Art. L. 1142-6 du Code de Santé Publique : « - Les commissions régionales de conciliation et
d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections
nosocomiales sont présidées par un magistrat de l’ordre administratif ou un magistrat de
l’ordre judiciaire, en activité ou honoraire. Elles comprennent notamment des représentants des
personnes malades et des usagers du système de santé, des professionnels de santé et des
responsables d’établissements et services de santé, ainsi que des membres représentant l’office
institué à l’article L. 1142-22 et les entreprises d’assurance ».
Avant la loi du 4 mars 2002, le risque médical posait le problème important de l’indemnisation
des victimes d’accidents médicaux sans faute du médecin. Qui devait assumer ces accidents : la
victime ou le médecin ? On observait de nombreuses inégalités entre les accidents médicaux non
fautifs d’un côté et les autres régimes d’indemnisation (accidentés de la route, victimes d’actes
de terrorisme…), les victimes d’accidents médicaux fautifs (alors même que le préjudice était le
même pour la victime), les victimes elles-mêmes de l’aléa thérapeutique si le dommage avait
lieu dans une institution privée ou publique, par un professionnel de santé du privé ou du public
de l’autre. On notait une différence non négligeable concernant l’interprétation de la faute et les
conditions d’indemnisation des cas d’aléa. Ainsi, l’accident médical non fautif n’était pas
couvert par une assurance ni la solidarité nationale.
Il faut alors revenir sur la terminologie. Le risque médical dont nous parlons ici est parfois
appelé « aléa » ou « risque », tantôt « médical » ou « thérapeutique ». Le terme le plus juste
semble être « accident médical non fautif », c’est à dire un préjudice survenant à l’occasion de
soins médicaux ou traitements, non prévisible et ne résultant d’aucune faute de la part du
médecin traitant. Au contraire, l’accident médical fautif implique un manquement grave du
médecin à la conformité des soins nécessités par l’état du patient par rapport aux données
actuelles de la science, un manquement de compétences, ou autres fautes dans la délivrance des
soins au malade.
Gwénola GRIMAULT
De l’information à l’annonce
47/118
Décembre 06
Tout acte médical comporte inévitablement une part de risque pouvant aboutir à la non-guérison
ou à des effets indésirables. Le risque est consubstantiel à l’acte médical. Les risques médicaux
ont toujours existés mais, du fait des progrès thérapeutiques, on observe une progression de la
dangerosité des risques. Cependant, ces risques restent exceptionnels en proportion du nombre
d’actes médicaux croissants. Il serait donc injuste de mettre à la charge du médecin une
obligation de résultat qui l’obligerait au succès de son intervention, ce alors même que ce succès
ne dépend pas entièrement de sa compétence. C’est pourquoi le droit commun a mis à la charge
du médecin une obligation de moyens. Il n’est tenu de faire que ce qui est en son pouvoir pour
soigner au mieux le patient. Le principe en matière médicale est donc la responsabilité pour
faute.
Toutefois, dans la plupart des interventions médicales, un risque de dommages est possible,
même sans faute du médecin (ex : anesthésie au cours d’une intervention bénigne sur une
personne en bon état général). Le risque médical représente ici l’accident non fautif
exceptionnel, survenu à l’occasion d’un acte médical et ayant causé au patient un préjudice
particulièrement grave. Dans ce cas, faut-il indemniser les victimes d’un accident médical en
l’absence de faute ? D’un côté il est moralement et socialement impossible de laisser la victime
supporter seule le poids de la malchance. De l’autre, il est injuste de mettre en cause la
responsabilité du médecin, alors qu’il n’a commis aucune faute.
La loi du 4mars 2002 a alors créé un dispositif de règlement amiable et d’indemnisation en cas
d’accident médical non fautif. Désormais, un accident médical préjudiciable à un patient est
suivi d’une réparation au titre de la solidarité nationale, attribuée par un organisme de l’Etat :
l’Office National d’Indemnisation des accidents médicaux. La loi fait aussi une place importante
à la procédure amiable par des commissions de conciliation. Les juridictions ne peuvent ainsi
plus retenir la responsabilité d’un médecin ou d’un établissement de soins en cas d’accident
médical, afin d’indemniser le patient victime. La notion de préjudice sans faute a été acceptée et
donne droit, dès lors que la faute a été dédouanée, à une indemnisation en fonction d’un certain
nombre de critères très précis. Ce système d’indemnisation est mixte et repose essentiellement
sur la solidarité nationale par la dotation des régimes d’assurance maladie et les compagnies
d’assurances.
En définissant la responsabilité de chacun, en restaurant le principe de responsabilité pour faute,
en précisant le concept d’accident médical non fautif et en introduisant sa réparation par la
solidarité nationale, la loi du 4 mars a, du même coup, circonscrit la méfiance et restauré la
confiance. Elle ne laisse plus peser sur le seul médecin la responsabilité des préjudices (accident
médical non fautif) et des décisions (personne de confiance). Mais surtout, en redéfinissant le
rôle de chacun, elle restaure la relation inter-individuelle que le flou qui la précédait risquait
d’altérer(DURRIEU-DIEBOLT, 2006)34.
34
http://sos-net.eu.org/medical/risque.htm
Gwénola GRIMAULT
De l’information à l’annonce
48/118
Décembre 06
Ainsi, la loi du 4 mars 2002 a permis d’affiner le Code de Santé Publique en répondant aux
questions que l’on se posait :
ƒ Par qui l’information doit-elle être délivrée ? Elle doit l’être par le médecin et les autres
professionnels de santé dans le champ de leurs compétences.
ƒ A qui doit-elle être remise ? L’information doit être remise au patient.
ƒ Quelle information délivrer ? Elle doit être aussi complète que possible : le patient a droit
à toute l’information le concernant, excepté ce qui a été rapporté par un tiers nonsoignant.
ƒ Pourquoi informer ? Le patient doit être informé pour accorder son consentement aux
traitements proposés.
Enfin le Code de déontologie précise la manière de le faire :
Art. 35 : « Le médecin doit à la personne qu'il examine, qu'il soigne ou qu'il conseille, une
information loyale, claire et appropriée sur son état, les investigations et les soins qu'il lui
propose. Tout au long de la maladie, il tient compte de la personnalité du patient dans ses
explications et veille à leur compréhension.
Toutefois, dans l'intérêt du malade et pour des raisons légitimes que le praticien apprécie en
conscience, un malade peut être tenu dans l'ignorance d'un diagnostic ou d'un pronostic graves,
sauf dans les cas où l'affection dont il est atteint expose les tiers à un risque de contamination ».
« En première lecture, l’acte d’information semblerait suffisamment bien codifié pour ne pas
prêter à discussion si toutefois l’article 35 n’ouvrait un espace de liberté et de responsabilité au
médecin qui « tient compte de la personnalité du patient ». En d’autres termes, l’article 35
introduit ce que la littérature appelle l’annonce. La loi du 4 mars ne parle pas de l’annonce d’un
diagnostic, il n’est question que d’information. Seuls les auteurs qui traitent de l’aspect
psychologique en parlent, les juristes quant à eux parlent d’information. L’annonce serait à la
psychologie ce que l’information est à la loi. Les réflexions sur le concept d’information (dans la
seconde partie) en montreront les limites et la nécessité de recourir d’une part au concept
d’annonce et, d’autre part, à l’accompagnement de celle-ci. » (BLET et CARAYON, 2003).
Gwénola GRIMAULT
De l’information à l’annonce
49/118
Décembre 06
2.5 CODE DE DÉONTOLOGIE
Le Code de déontologie35 décrit l’art d’informer. Ainsi, il traite davantage de l’annonce que de
l’information, dans le sens où il s’attache à décrire la manière d’informer beaucoup plus qu’au
contenu de l’information. L’aspect relationnel est alors mis en avant, ce qui n’est pas le cas dans
le Code de Santé Publique.
C'est en 1825 que le mot "déontologie" apparaît pour la première fois en langue française, dans
la traduction de l'ouvrage du philosophe utilitariste anglais Jeremy Bentham intitulée "l'Essai sur
la nomenclature et la classification des principales branches d'Art et Science". Il écrit :
"L'Ethique a reçu le nom plus expressif de Déontologie". Vingt ans plus tard, le Dr Max SIMON
publiait le premier ouvrage de Déontologie médicale.
Aujourd'hui la déontologie rassemble les éléments d'un discours sur les devoirs. La déontologie
médicale concerne le médecin qui exerce une profession (au sens strict du terme, qui suppose
une certaine autonomie de pratique et de régulation) à laquelle les lois françaises donnent depuis
près de deux siècles un monopole dans le domaine de la santé. Elle sert de référence aux
instances juridictionnelles de l'Ordre des médecins, mais d'abord de guide aux médecins dans
leur pratique quotidienne, au service des patients.
Le Code de déontologie médicale n'est pas seulement établi par la profession. Si celle-ci,
représentée en l'occurrence par l'Ordre national des médecins, est chargée de l'élaborer, le texte
qui en découle est soumis à l'administration, au Conseil d'Etat et finalement au gouvernement,
chacun ayant la charge de vérifier sa conformité avec les lois et autres règlements régissant la
société où exercent les médecins et la possibilité d'y apporter des modifications. Enfin, le Code
est publié au Journal Officiel sous la signature du Premier ministre.
Le Code de déontologie précise ainsi des dispositions réglementaires concernant un exercice
professionnel. Elles sont subordonnées à d'autres textes plus importants, la Constitution et les
lois ; elles doivent être compatibles avec d'autres décrets et commandent d'autres textes de
moindre portée, en particulier les arrêtés.
Le présent Code de déontologie est, en France, la quatrième version, après le premier Code de
1947, une deuxième version de 1955 et la troisième de 1979. Une mise à jour du Code de 1979
est apparue nécessaire en septembre 95 (06/09/95) pour adapter les règles professionnelles
s'appliquant aux médecins dans un contexte social, juridique et scientifique qui a évolué.
Reprenons à présent les articles 34, 35, 36, 41 et 42 qui concernent respectivement l’obligation
de compréhension des prescriptions par le patient, la qualité de l’information à délivrer, et en
particulier lors de pronostics graves voire fatals, le consentement du patient et ses limites et enfin
le cas particulier des mineurs ou majeurs protégés. Développons l’analyse de chacun de ces
articles (www.conseil-national.medecin.fr/?url=deonto/rubrique.php).
35
http://www.conseil-national.medecin.fr/?ml=deonto/rubrique.php
Gwénola GRIMAULT
De l’information à l’annonce
50/118
Décembre 06
Article 34 (conformément à l’article R.4127-34 du code de la santé publique) :
« Le médecin doit formuler ses prescriptions avec toute la clarté indispensable, veiller à leur
compréhension par le patient et son entourage et s'efforcer d'en obtenir la bonne exécution ».
A la fin de la consultation ou de la visite, le médecin va, dans le cas le plus fréquent, formuler
ses prescriptions (conseils, explorations, traitement) par une ordonnance qui engage sa
responsabilité. Aussi sa délivrance doit-elle être accompagnée par des explications claires et
précises, nécessaires au patient (et éventuellement à son entourage) pour une bonne observance
du traitement.
Le médecin doit aussi s’enquérir auprès du malade du traitement qu’il peut suivre par ailleurs,
afin d’éviter toute incompatibilité médicamenteuse. Il doit attirer l’attention du patient sur les
risques d’auto-prescription (par exemple : la prise d’aspirine par un sujet soumis à un traitement
anticoagulant).
Il doit également s’assurer auprès de son malade et de son entourage que ses prescriptions ont
été bien comprises. Il s’agit du respect du devoir d’information du patient figurant déjà dans
d’autres dispositions du Code de déontologie médicale mais qui a été renforcé par des arrêts
rendus par la Cour de cassation les 17 février, 27 mai et 7 octobre 1998.
Néanmoins, la liberté du patient reste entière et le médecin ne peut l’obliger à suivre le
traitement qu’il a prescrit ou les examens complémentaires qu’il a conseillé. Si le patient refuse
le traitement ou les explorations, le médecin doit s’attacher à lui montrer le bien-fondé de ce
qu’il lui propose, dans le but de lui faire comprendre qu’il n’agit que dans son intérêt.
Article 35 (conformément à l’article R.4127-35 du code de la santé publique) :
« Le médecin doit à la personne qu'il examine, qu'il soigne ou qu'il conseille, une information
loyale, claire et appropriée sur son état, les investigations et les soins qu'il lui propose. Tout au
long de la maladie, il tient compte de la personnalité du patient dans ses explications et veille à
leur compréhension.
Toutefois, dans l'intérêt du malade et pour des raisons légitimes que le praticien apprécie en
conscience, un malade peut être tenu dans l'ignorance d'un diagnostic ou d'un pronostic graves,
sauf dans les cas où l'affection dont il est atteint expose les tiers à un risque de contamination.
Un pronostic fatal ne doit être révélé qu'avec circonspection, mais les proches doivent en être
prévenus, sauf exception ou si le malade a préalablement interdit cette révélation ou désigné les
tiers auxquels elle doit être faite ».
Analysons les différents termes de cet article fondamental.
Gwénola GRIMAULT
De l’information à l’annonce
51/118
Décembre 06
1- Devoir d'information
Le devoir d'information du malade a toujours été reconnu et, à défaut du Code, la jurisprudence
de la Cour de cassation l'avait formulé, admettant qu'il découlait, implicitement mais
nécessairement, de l'obligation (posée désormais à l'article 36 suivant) d'obtenir du malade,
préalablement à toute intervention ou traitement, son consentement. Celui-ci ne pouvait être
donné que si le patient avait reçu sur son état et sur les soins envisagés une information :
"simple, approximative, intelligible et loyale"36 lui permettant de prendre une décision en
connaissance de cause.
Ce n’est que dans le Code de 1995 que ce devoir est expressément énoncé.
Cette addition répond à une tendance générale visant à corriger l'insuffisance habituelle de
l'information, telle du moins qu'elle est ressentie et signalée par les patients. En France, comme
dans d'autres pays occidentaux, le premier reproche adressé aux médecins se résume par la
formule : "Il ne m'a rien dit". Cela doit s'entendre souvent comme : "il ne m'a pas dit ce que
j'attendais de lui" ou : "je n'ai pas compris ce qu'il m'a dit". Ce défaut d'information, que l’on
peut assimiler à un défaut de communication, est la principale cause, dans plus de la moitié des
cas, des procédures engagées contre un médecin.
Cette demande du corps social à plus d’autonomie et à une meilleure information a été prise en
compte, comme nous l’avons vu précédemment, par la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002, après
que la jurisprudence de la Cour de cassation, à partir de 1997, ait mis en exergue un certain
nombre de problèmes relatifs à l’information et laissés dans l’ombre jusqu’alors. A partir de
mars 2002, plusieurs décisions posent en principe qu’hormis les cas d’urgence, d’impossibilité
ou de refus du patient d’être informé, un médecin est tenu de lui donner une information loyale,
claire et appropriée sur les risques des investigations et des soins qu’il lui propose de façon à lui
permettre d’y donner un consentement ou un refus éclairé.
2- Droit à l’information
L’importance de l’article L.1111-2 du Code de la Santé Publique n’est plus à démontrer en ce
qui concerne le droit du patient à l’information. Avant tout acte médical, de soins ou de
prévention, le patient doit, sauf urgence ou impossibilité, être informé de son état de santé, du
contenu de l’acte envisagé, de son opportunité, des alternatives thérapeutiques existantes, de
leurs avantages et inconvénients, des conséquences du refus de l’acte.
En outre, une information ultérieure sur des risques nouvellement identifiés est prévue ainsi que
sur « un dommage imputable à une activité de prévention, de diagnostic ou de soins… au plus
tard dans les quinze jours suivant la découverte du dommage »37.
Enfin, postérieurement à l’acte médical ou au cours du traitement, le patient se voit ouvrir un
droit d’accès aux informations le concernant et qui figurent dans le dossier médical.
3- Information loyale, claire et appropriée
Ces qualificatifs, repris par des décisions récentes de la Cour de cassation expriment la forme
sous laquelle l’information doit être donnée.
36
Cour de cassation- arrêt du 21 février 1961
Art. L.1142-4 du code de la santé publique
Gwénola GRIMAULT
De l’information à l’annonce
37
52/118
Décembre 06
Claire, l’information donnée au patient doit lui être intelligible. Elle doit être simplifiée par
rapport à un exposé spécialisé, évitant un langage trop technique et des détails superflus. Le
praticien a souvent un rôle pédagogique (docteur vient du verbe latin docere qui signifie
enseigner, instruire) qui suppose simplification, répétition, échange. Il peut être difficile de faire
comprendre une situation complexe, il peut falloir la simplifier sans travestir la réalité, il faut
s’assurer que le patient saisit ce qu’on lui explique, lui laisser poser des questions
complémentaires, lui proposer de répéter ce qu’il a compris pour vérifier que c’est le cas.
Appropriée (aux circonstances), cette information doit l’être suivant plusieurs facteurs :
▪ selon la maladie et son pronostic : un médecin n’informe pas dans les mêmes conditions pour
une angine banale ou pour un cancer bronchique généralisé,
▪ selon le traitement envisagé : l’article 41 du Code de déontologie médicale revient sur
l’obligation du consentement en cas de mutilation envisagée, que ce soit une amputation
anatomique (mastectomie) ou fonctionnelle (stérilité, impuissance). D’autres traitements moins
importants peuvent entraîner des désagréments très mal ressentis par certains patients selon leur
activité (endormissement au volant par exemple). Ainsi, quantité d’informations « mineures »
sont quasi nécessaires pour la bonne marche du traitement, pour favoriser son observance,
réduire sa toxicité, éviter des inquiétudes injustifiées (comme pour une coloration des urines par
un médicament par exemple). Cependant, même si l’information s’impose pour les conséquences
les plus sérieuses et les plus fréquentes, elle ne se limite pas à elles, rappelons-le,
▪ selon le moment de l’évolution d’une maladie un tant soit peu prolongée : il y a des moments
critiques, préoccupants, d’autres de rémission, de détente. Ces changements supposent une
adaptation du malade, du médecin et de leur relation, en évitant des positions de principe figées
qui se trouveraient à certains moments inadaptées, en porte-à-faux,
▪ selon le patient, enfin et surtout : des troubles mentaux liés à la maladie ou à l’âge ne doivent
pas a priori constituer une raison de se taire. Pour chaque personne au contraire il faut parler et
expliquer, en exploitant toutes les possibilités de compréhension du patient, possibilités qui se
révèlent dans leur étendue et leurs limites au cours de l’exercice. L’article 42 précise ce point
pour le mineur ou le majeur protégé.
Loyale est le mot-clé cité d'ailleurs en premier dans cet article 35. On ne ment pas à quelqu'un
qui doit être respecté et, vis versa, on ne respecte pas quelqu’un à qui l’on ment. Cette loyauté ne
signifie pas une franchise brutale, crue, sans cœur. Mais toute dissimulation ou tout mensonge
est exclu, sauf en fonction des restrictions que nous allons voir et dont l'application devrait
devenir plus rare. L'intention de tromper, est une faute en droit général : elle peut être la cause de
nullité d'un contrat et source de responsabilité.
Ainsi définie, cette information doit permettre au patient de prendre la décision que semble
imposer sa situation. Cette formulation laisse croire qu'une décision s'impose, en fonction de la
situation pathologique et des données de la médecine établies et présentées par le praticien, et
que le patient n'a plus qu'à l'accepter, l'information étant seulement destinée à obtenir son
acquiescement conscient. C'est effectivement ce qui se passe dans la majorité des cas : le
malade n'est pas soumis à une volonté aveugle ou à une décision mystérieuse, mais se voit
expliquer les raisons d'une décision qu'impose au médecin l'état de la maladie. Cependant cette
séquence logique peut connaître des exceptions.
Tout d'abord le malade peut refuser une décision pourtant logique et comme évidente. Les
raisons de ce refus peuvent tenir à des options personnelles contestables ou à des troubles
mentaux. Dans ce cas le médecin devra s'efforcer de persuader le patient de changer d'avis, tout
en évitant d'exercer sur lui des pressions. D'autres influences, un peu de temps de réflexion sont
favorables à
Gwénola GRIMAULT
De l’information à l’annonce
53/118
Décembre 06
une évolution qui amènera le patient à une attitude plus raisonnable. S’il persiste cependant dans
son refus et sauf urgence, son choix devra être respecté et la décision qui semblait s’imposer ne
sera pas prise ou suivie d’effet.
Cependant, lorsque l’acte proposé est indispensable à la survie du patient et proportionné à son
état38, le médecin se doit d’agir en conscience pour tenter de le sauver. C’est le cas en présence
d’une conduite suicidaire.
Une seconde situation est réalisée lorsqu'il existe une alternative thérapeutique. La science
médicale laisse persister des zones de flou ou d'incertitude. Deux ou trois options semblent ou
sont équivalentes pour le soigner convenablement du point de vue médical. Dans ce cas plusieurs
solutions existent, toujours après information adéquate du patient :
ƒ le patient fait valoir une préférence personnelle qui emporte la décision,
ƒ il laisse le médecin décider et ce dernier choisit en fonction de critères associant sa
connaissance du malade et celle de l'art médical,
ƒ dans l'indécision du patient et du médecin, le malade peut être inclus dans un protocole
de recherche destiné à comparer les divers termes de l'alternative.
Dans tous les cas, si la maladie est relativement sérieuse et prolongée, l'information ne doit pas
être unique, condensée au début de la prise en charge médicale et considérée comme définitive.
Au contraire, elle s'impose tout au long de cette prise en charge, renforcée à certains moments
cruciaux. Ces échanges prennent du temps, mais ils contribuent à une relation de bonne qualité,
dans une confiance partagée.
Une information de qualité est le préalable indispensable à un consentement éclairé. Loin d'être
une vue de l'esprit, comme on en a parfois jugé, ce consentement est la pierre angulaire de la
relation médecin-malade et de la pratique médicale. Il est la contrepartie logique du pouvoir
exorbitant du droit commun qu'a le médecin de porter atteinte à l'intégrité d'un individu, par ses
paroles, une exploration, un médicament, une intervention chirurgicale, …, pour le soigner.
L’information du patient revêt une nécessité toute particulière en milieu hospitalier où le malade
est en contact avec toute une équipe soignante. L'article L. 1112-1 du Code de la Santé Publique
(ancien art. L. 710-2), en rappelle le principe : "dans le respect des règles déontologiques qui
leur sont applicables, les praticiens des établissements assurent l'information des personnes
soignées" et le décret du 29 avril 2002 en fixe les modalités.
L’obligation d'information entraîne des conséquences importantes dans le domaine de la
responsabilité médicale.
La responsabilité du médecin est en effet engagée s'il n'a pas donné à son patient l'information
nécessaire. Il peut alors être condamné à indemniser ce dernier non pas de l'ensemble du
dommage corporel dont il est atteint, mais de la perte de la chance qu'il avait d'échapper au
risque qu'il a encouru et dont il a été finalement victime.
Comme dit précédemment, jusqu'en 1997 une telle condamnation intervenait rarement car c'était
au patient de faire la preuve que l'information nécessaire n’avait pas été apportée (Cour de
cassation, 29 mai 1991 ), preuve négative toujours difficile à apporter. Mais un revirement de
jurisprudence est intervenu avec l'arrêt rendu par la Cour de cassation le 25 février 1997 (arrêt
Hédreul) qui a renversé la charge de la preuve en matière d'information du patient. Comme nous
l’avons vu, c'est maintenant au médecin et non plus au patient qu'il incombe, en cas de litige,
d'apporter la preuve qu'il a bien informé ce dernier des risques du traitement ou de l'investigation
qu'il lui propose, et cette obligation porte également sur l'existence d'un risque exceptionnel si
c'est un risque grave39.
Cette jurisprudence, qui a suscité bien des inquiétudes dans le corps médical, a été par la suite
38
Conseil d’Etat du 16 août 2002 Feuillatey, cité sous l’article 36.
39
Cour de Cassation, 7 octobre 1998 : arrêt Castagnet
Gwénola GRIMAULT
De l’information à l’annonce
54/118
Décembre 06
confirmée avant d’être reprise à l’article L. 1111-2 du Code de la Santé Publique. Les arrêts
postérieurs de la Cour de cassation sont venus en préciser la portée.
Tout d'abord, la preuve que le médecin, prescripteur ou traitant, doit apporter ne porte que sur
l'existence de l'information donnée au patient et non pas sur la pertinence de son contenu.
D'autre part, cette preuve ne réside pas nécessairement dans un écrit. Elle peut être faite par tous
moyens et notamment, à défaut d'écrit, peut résulter d'un faisceau de présomptions40.
L'établissement d'un écrit demeure toutefois une précaution recommandable (notamment sous
forme d'une mention dans le dossier).
Enfin l'absence de preuve d'une information suffisante du patient n'entraîne pas ipso facto la
condamnation du médecin à indemnisation. Encore faut-il que la perte de la faculté, qu'aurait eue
le patient s'il eût été informé, de refuser l'intervention lui ait causé un préjudice certain41.
4- Diagnostic ou pronostic graves
À ce devoir d'information du patient il est une exception traditionnelle (formulée à l'article 42 de
la précédente édition du Code et reprise dans cet article 35), à la suite de l'énoncé du principe :
c'est celle qui autorise, pour des raisons légitimes et dans son intérêt, à tenir un malade dans
l'ignorance d'un diagnostic ou d'un pronostic graves.
Le médecin souhaite informer complètement son patient. Mais, dans certains cas, le médecin
peut juger que la révélation d’un diagnostic aurait un effet dévastateur ou que celle d’un
pronostic très grave serait dangereuse et malfaisante. Le médecin ne doit pas semer le désespoir.
Non seulement les médecins, mais aussi les familles des malades, ont compris ce principe.
Néanmoins, l’évolution des mentalités et un meilleur abord psychologique des malades ont
beaucoup restreint aujourd’hui le champ du « silence charitable ». Le médecin ne se résout alors
à cacher la vérité, de préférence temporairement, que pour des raisons tenant au malade, et non
plus, par exemple, à cause de la demande d’un proche. Il doit alors peser ces raisons en toute
conscience. Dans cette appréciation entrent en ligne de compte le degré de certitude du médecin,
la personnalité du malade, le risque de détresse ou de désespoir.
Ce principe est cependant soumis à une importante restriction, si le patient expose des tiers à un
risque de contamination. Cette précision, inspirée du cas du sida, mais qui vaut pour d'autres
affections transmissibles (comme certains cas de maladies génétiques graves) s'impose en raison
de la responsabilité du patient comme des intérêts de santé publique. Quel que soit en effet le
traumatisme qui peut résulter d'une telle révélation, on ne saurait la cacher au patient, en le
laissant exposer ses proches ou ses relations à une regrettable contamination, qu'il pourrait être le
premier à se reprocher. Dès lors il est indispensable, et dans les meilleurs délais, de l'informer de
son caractère contaminant et de ses conséquences, notamment quant aux précautions à prendre
vis-à-vis de son entourage. Cela pourra nécessiter plusieurs entretiens.
Les progrès de la médecine font que certains diagnostics, jadis désespérants, ne sont plus
aujourd'hui synonymes d'incurabilité. Il n'est plus question de taire, par exemple, un diagnostic
de tuberculose. Quant au cancer, pour prendre un autre exemple, certains diagnostics peuvent et
doivent être dits au malade, parce que la conséquence n'est plus l'incurabilité constante et que le
malade a besoin de cette information pour s'adapter à la réalité et se soumettre sans retard
au traitement utile lorsqu’il en existe un.
40
Cour de Cassation, 14 octobre 1997 ; arrêt Guyomar
Cour de cassation, 7 octobre 1998 : arrêt Rozec
Gwénola GRIMAULT
De l’information à l’annonce
41
55/118
Décembre 06
5- Pronostic fatal
Lorsque le pronostic est fatal et que la vie est menacée à brève échéance, le patient peut aussi
avoir besoin de le savoir, parce qu'il est le premier concerné ou qu'il a des dispositions à
prendre en vue de sa probable disparition. D'une façon générale l'authenticité de la
communication est un élément important de la confiance.
Mais il y a la façon de dire, qui compte beaucoup, ou de laisser deviner. Le cœur comme la
raison et l'expérience dictent comment il faut s'y prendre, pour rendre service sans désespérer,
pour rester proche de la vérité sans abandonner tout espoir.
Lorsque le médecin juge qu'il doit taire à son malade une vérité alarmante, cet article lui
recommande de confier ses inquiétudes à un membre de la famille42, par prudence et par loyauté,
en raison de dispositions à prendre par l'entourage et pour amorcer un nécessaire processus de
deuil. Avec un interlocuteur choisi en fonction des circonstances, il arrêtera sa ligne de conduite
pour donner l'information à d'autres personnes. Ces transmissions doivent concerner la mort
prochaine, pas nécessairement sa cause exacte qui reste couverte par le secret médical. Par
ailleurs le mourant garde un certain pouvoir de décision, qui a pu être exprimé antérieurement,
pour autoriser, de façon tacite ou de préférence explicite, certaines communications en désignant
éventuellement un interlocuteur privilégié (personne de confiance), ou au contraire pour les
interdire. Le rôle du médecin peut être simplifié par des "directives anticipées" évitant l'embarras
qui peut résulter d'une situation imprévue et conduisant à l'improvisation, avec ses aléas.
6- Accès aux informations de santé
La loi du 4 mars 2002 a prévu qu’au cours des soins ou postérieurement, le patient puisse avoir
accès, directement ou par l’intermédiaire d’un médecin qu’il désigne, aux informations de santé
le concernant, établies ou détenues par un professionnel ou établissement de santé. Cette
communication concerne les informations « qui sont formalisées et ont contribué à l'élaboration
et au suivi du diagnostic et du traitement ou d'une action de prévention, ou ont fait l'objet
d'échanges écrits entre professionnels de santé, notamment des résultats d'examen, comptes
rendus de consultation, d'intervention, d'exploration ou d'hospitalisation, des protocoles et
prescriptions thérapeutiques mis en oeuvre, feuilles de surveillance, correspondances entre
professionnels de santé, à l'exception des informations mentionnant qu'elles ont été recueillies
auprès de tiers n'intervenant pas dans la prise en charge thérapeutique ou concernant un tel tiers
»43.
A la différence de l’art. L. 1111-2, l’art. L. 1111-7 ne fait pas référence au « respect des règles
professionnelles » qui doit entourer l’information. Cette différence est moins paradoxale qu’il
n’y paraît. En effet, tout au long de la prise en charge, le médecin amènera progressivement le
patient à entendre une information traumatisante qui, dans la majorité des cas, devrait être
connue lorsqu’il demandera l’accès à son dossier.
Sous réserve que le patient n’y ait pas fait opposition de son vivant, ses ayants droit peuvent
avoir accès à certaines informations « dans la mesure où elles leur sont nécessaires ». C’est
souligner que le secret dû au patient n’est pas aboli par son décès. Cependant, les médecins
doivent être attentifs à ne transmettre que les informations pertinentes, nécessaires et non
excessives, permettant aux ayants droit de faire valoir leurs intérêts légitimes (connaître la cause
du décès, défendre la mémoire du défunt, faire valoir leurs droits).
42
Article L. 1110-4, 6ème alinéa
Art. L. 1111-7 du Code de la Santé Publique
Gwénola GRIMAULT
De l’information à l’annonce
43
56/118
Décembre 06
Article 36 (conformément à l’article R.4127-36 du code de la santé publique) :
« Le consentement de la personne examinée ou soignée doit être recherché dans tous les cas.
Lorsque le malade, en état d'exprimer sa volonté, refuse les investigations ou le traitement
proposés, le médecin doit respecter ce refus après avoir informé le malade de ses conséquences.
Si le malade est hors d'état d'exprimer sa volonté, le médecin ne peut intervenir sans que ses
proches aient été prévenus et informés, sauf urgence ou impossibilité.
Les obligations du médecin à l'égard du patient lorsque celui-ci est un mineur ou un majeur
protégé sont définies à l' article 42 ».
Le malade a le droit d'accepter ou de refuser ce que le médecin lui propose et non lui impose.
Cette liberté du malade est une exigence éthique fondamentale, corollaire du devoir
d'information énoncé à l'article précédent. L'information du malade est en effet la condition
préalable de son consentement, conséquence qu'il tire de cette information (Art. 35).
L’article 36 s’appuie sur la loi du 4 mars 2002 qui précise à cet égard qu’« aucun acte médical ni
aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne et ce
consentement peut être retiré à tout moment ».
Les actes médicaux justifiant ce consentement doivent être entendus, au sens large : en
commençant par l’examen clinique habituel dont certains gestes peuvent être désagréables, les
investigations complémentaires éventuelles non-invasives ou non-sensibles (par exemple
sérologie virale), différents traitements, la surveillance du traitement et de ses suites. Il porte
également sur l’éventuelle participation du patient à la formation d’étudiants, à la formation
continue des médecins44, à des publications qui permettraient une identification.
Le fait d'intervenir sur un patient contre son consentement est pour un médecin une faute qui
engage sa responsabilité civile et l'expose à une sanction disciplinaire.
Si le malade est inconscient ou dans l'impossibilité de donner un consentement éclairé, il est
nécessaire de consulter les proches ou la personne de confiance45 qu’il a pu désigner,
susceptibles de transmettre une position antérieurement exprimée par la patient. Rester inactif
irait à l'encontre des prescriptions de l'article 9 du Code qui fait obligation à tout médecin en
présence d'un blessé ou d'un malade en péril de lui porter assistance ou de s'assurer qu'il reçoit
les soins nécessaires. Un tel comportement serait en outre de nature à entraîner des poursuites
pour non-assistance à personne en danger. En cas d'urgence ou d'impossibilité persistante de
joindre ces proches, le médecin devra intervenir comme il le juge souhaitable.
1- Caractères du consentement
Le consentement doit être "libre et éclairé". Le patient doit formuler son consentement après
avoir reçu de la part du médecin, une information claire, compréhensible, adaptée à ses capacités
de comprendre la nature des actes et prescriptions proposés, leur intérêt pour sa santé et les
conséquences néfastes en cas de refus.
Le médecin l'aide à réfléchir, lui apporte les explications qu'il souhaite, peut rectifier des erreurs
d'appréciation, rappeler des données mal mémorisées. Le consentement ne représente pas tant
une fin en soi que la marque d'une relation de bonne qualité avec le patient.
44
Art. L.1110-4, 6ème alinéa du Code de la Santé Publique
Art. L.1111-4, 4ème alinéa du Code de la Santé Publique
Gwénola GRIMAULT
De l’information à l’annonce
45
57/118
Décembre 06
Le médecin doit se garder d’une attitude trop distante. Le patient qui le consulte lui accorde sa
confiance. Le médecin doit l’aider à donner son consentement sans mettre le patient dans une
situation organisée d’abandon, face à une décision qui peut le dépasser.
Souvent en fait, le consentement que donne le patient à son médecin est plus affectif qu'éclairé.
Ce n'est pas un "abandon inconditionnel", ni un "blanc-seing" mais une confiance utile au patient
et dont le médecin ne peut guère se passer.
On conseille parfois au médecin de recueillir auprès de ses malades un consentement écrit dès
qu'il s'agit d'une décision d'importance. Pour les patients mineurs, ce consentement écrit ("permis
d'opérer") est souvent demandé d'avance et systématiquement. Cette méthode n'est pas
satisfaisante, faute d’information sur l’intervention qui se révèlerait ultérieurement nécessaire.
Elle risque de dénaturer la confiance et de perturber d'emblée la relation normale entre les
malades et le médecin.
Le médecin, qui seul possède bien les données de la décision, ne peut être ainsi déchargé de sa
responsabilité par un "chèque en blanc" donné par le malade ou son entourage.
Le consentement écrit n'a d'ailleurs pas une valeur juridique absolue sauf lorsqu'il est exigé par
la loi (cas notamment des recherches biomédicales : loi du 20 décembre 1988 modifiée).
Il peut être indiqué parfois, en cas de refus du malade, de lui faire consigner ce refus par écrit, ne
serait-ce que pour lui signifier d'une autre manière la gravité de sa décision. Un tel document ne
décharge pas le médecin de ses responsabilités mais peut témoigner que le malade a bien été
informé.
2- Patients ayant de la difficulté à exprimer leur volonté
Le langage médical, même simplifié, nécessite de la part du patient une capacité de perception
sensorielle, une capacité de compréhension de la langue française. Il sera nécessaire de s’assurer
de la bonne compréhension auprès de patients ne maîtrisant pas le français, par l’intermédiaire
de la famille proche ou de la personne de confiance. La même attitude sera adoptée concernant
les patients présentant un déficit des fonctions sensorielles, auditives ou visuelles, un déficit des
fonctions cognitives par évolution dégénérative, par lésion encéphalique ou par la présence
d’une pathologie psychiatrique.
3- Patient hors d'état d'exprimer sa volonté
a) Si le patient est comateux ou obnubilé, le médecin a souvent l'obligation d'agir
immédiatement. Dès qu'il en aura la possibilité il donnera des explications à la famille.
Dans le cas où le patient est hors d’état de donner son consentement et où tout retard serait
préjudiciable au patient, le médecin ou le chirurgien peut être conduit à intervenir sans pouvoir
recueillir le consentement du patient ni avertir la famille. Il devra en informer dès que possible le
patient et justifier sa décision.
Gwénola GRIMAULT
De l’information à l’annonce
58/118
Décembre 06
b) Le consentement du malade mental aux soins qu'on lui propose doit être recherché et on
insistera, si besoin, pour l'obtenir. Cependant, lorsqu'il s'y refuse, le médecin et l'entourage
familial doivent dans certains cas passer outre. En cas d'aliénation mentale caractérisée ou d'état
dangereux pour la sécurité des personnes, l'hospitalisation s'impose avec ou sans internement
administratif.
La loi du 27 juin 199046 sur l'hospitalisation des malades mentaux permet dans certaines
conditions de passer outre au refus de consentement du patient, tant pour réaliser l'admission en
milieu hospitalier public que pour appliquer le traitement.
Lorsqu'il s'agit de troubles névrotiques ou de déséquilibre affectif même spectaculaires, mais
n'altérant pas la personnalité et laissant au sujet la possibilité d'un jugement raisonnable, aucun
soin ne peut lui être donné sans son assentiment.
c) Mis en présence d'une tentative de suicide, le médecin doit tout faire pour sauver la vie de la
personne. L'expérience apprend qu'en attentant à ses jours le sujet commet un acte pathologique.
Dans l'immense majorité des cas le suicidaire ne se plaindra pas d'avoir été soigné.
d) Le fait que le patient détenu soit privé de sa liberté n'entraîne en aucune manière une
exception. Comme tout être humain, un prisonnier a le droit d'accepter ou de refuser les soins.
4- Mineurs
Le praticien qui donne ses soins à un enfant doit recueillir le consentement de ses représentants
légaux (parents ou tuteurs), après les avoir informés sur la maladie, les actes et traitements
proposés, leurs avantages et risques, les alternatives thérapeutiques, les conséquences d’une
abstention ou d’un refus.
Les parents divorcés ou séparés exercent en commun l'autorité parentale et ils doivent tous deux
être prévenus et consultés pour une décision grave concernant l'enfant. Néanmoins, l'article 3722 du Code Civil précise qu'"à l'égard des tiers de bonne foi, chacun des parents est réputé agir
avec l'accord de l'autre, quand il fait seul un acte usuel de l'autorité parentale relativement à la
personne de l'enfant".
Lorsque les parents sont absents et ne peuvent être prévenus et si la situation est grave et
urgente, le médecin prend les mesures nécessaires et donne les soins sous sa seule responsabilité
(Art. 42 ).
Mais le mineur a le droit de recevoir une information selon son degré de maturité et son
consentement doit être systématiquement recherché s’il est apte à exprimer sa volonté et à
participer à la décision. Cela concerne en particulier les adolescents.
La loi du 4 mars 200347 apporte une dérogation à l’article 371-2 du Code Civil et autorise le
médecin à se dispenser du consentement du ou des titulaires de l’autorité parentale lorsque la
personne mineure a expressément demandé au médecin de garder le secret sur son état de santé
vis-à-vis de ses parents et que le traitement ou l’intervention s’impose pour sauvegarder sa santé.
46
Loi n° 90-527 du 27 juin 1990 (J.O. 30 juin 1990) ; Art. L. 3211-1 à L. 3211-10 du Code de la Santé Publique
(anciens Art. L. 326-1 à L. 355)
47
Art. L.1111-5 du code de la santé publique
Gwénola GRIMAULT
De l’information à l’annonce
59/118
Décembre 06
Le médecin devra s’efforcer d’obtenir le consentement du mineur à la consultation des titulaires
de l’autorité parentale. En cas de refus, le mineur sera obligatoirement accompagné d’une
personne majeure de son choix.
Le médecin gardera à l’esprit la nécessité d’informer complètement le mineur sur la gravité de la
décision prise d’écarter les titulaires de l’autorité parentale et s’assurera de l’identité et de la
qualité de la personne majeure choisie pour accompagner le mineur.
5- Refus de consentement
Si le malade, en état d'exprimer sa volonté, refuse ce qui lui est proposé, le médecin ne doit pas
se satisfaire d'un seul refus. Il doit s’efforcer de convaincre le patient en lui apportant à nouveau
toutes les précisions nécessaires et en s’assurant qu’elles sont correctement comprises. Il peut
également solliciter l’avis d’un consultant.
En cas de refus réitéré du patient, le médecin pourra refuser de continuer la prise en charge, à
condition de faire assurer la continuité des soins par un autre médecin.
Le médecin pourra passer outre le refus du consentement lorsque le patient présente un risque
vital : phase ultime d’une grève de la faim, conduite suicidaire, ….
Face à des croyances sectaires, le médecin devra respecter la volonté des patients, après les avoir
informés des conséquences de leur refus. En cas de risque vital, le médecin se doit d’agir en
conscience48.
Face à un mineur en danger, il doit avertir le Procureur de la République et donner les soins
nécessaires.
6- Consentement du malade dans les hôpitaux
Comme l'hospitalisation est généralement décidée en raison d'une situation médicale complexe,
dans laquelle aucun diagnostic n’a encore pu être posé, ou bien qui ne répond pas au traitement
débuté en ville, les médecins hospitaliers doivent veiller tout spécialement à fournir aux malades
les explications nécessaires, afin d'être assurés de leur adhésion aux soins prévus. Parfois le
consentement du malade est un peu trop vite considéré comme acquis, au point que son
opposition, si elle se manifeste, scandalise plus ou moins et prend l'allure d'une incongruité.
Certes, avant de lui faire subir une intervention chirurgicale, on le préviendra, ainsi que sa
famille, mais on l'aura quelquefois soumis au préalable à nombre d'examens dont certains
comportent des risques, et à des traitements sur lesquels peu d'explications lui sont données. S'il
exprime des réticences vis-à-vis du traitement, ou du transfert décidé vers un autre service, le
médecin n'a pas toujours le temps, la patience de lui expliquer et de le convaincre, ce qui est
regrettable et doit être évité.
Ces explications sont d'autant plus recommandables que le malade se trouve assez souvent pris
par une obligation de fait de donner son consentement, dans un établissement hospitalier ou
certains organismes de soins, parce qu'il ne voit pas pour lui d'alternative. L'alternative doit
toujours exister et être signalée au patient. Quand le malade est réticent, il ne faut pas hésiter à
lui faciliter l'accès à un consultant pour un "deuxième avis" et faire appel à son médecin traitant,
avec lequel il décidera.
48
Conseil d’Etat, ordonnance du 16 août 2002 – Feuillatey, à propos d’un Témoin de Jéhovah transfusé sans son
consentement.
Gwénola GRIMAULT
60/118
De l’information à l’annonce
Décembre 06
Article 41 (conformément à l’article R.4127-41 du code de la santé publique) :
« Aucune intervention mutilante ne peut être pratiquée sans motif médical très sérieux et, sauf
urgence ou impossibilité, sans information de l'intéressé et sans son consentement ».
L'amputation d'un membre, l'ablation d'un organe, sont lourdes de conséquences puisque
irréversibles. Il va de soi que le chirurgien ne s'y décide qu'en cas de nécessité, parce que les
lésions l'imposent, parce qu'agir autrement serait périlleux. Les interventions mutilantes ne sont
pas seulement chirurgicales. D'autres thérapeutiques peuvent entraîner la privation d'une
fonction majeure, par exemple une stérilisation à la suite d'un traitement médical ou d'une
radiothérapie.
Dans tous les cas, le consentement du malade, sauf si son état ne lui permet pas de le donner, est
indispensable, encore plus qu'en d'autres circonstances (Art. 36).
1- Interventions mutilantes
a) L'article 41 insiste sur la gravité de ces interventions. Ce sont les données relevant de
l'examen clinique et des examens complémentaires qui dictent la décision.
S'il existe pour le patient une méthode thérapeutique qui permette, sans compromettre les
chances de guérison, d'éviter une mutilation, elle doit être préférée. Mais ces efforts pour éviter
une mutilation au patient ne doivent pas déborder les limites de la prudence. La nature des
lésions, leur étendue, leur potentiel évolutif, l'état général du malade, sont les éléments
déterminants de la conduite du chirurgien.
b) Une information claire et complète du malade sur l’intervention proposée, ses conséquences
et celles d’une abstention, ainsi que le recueil précis de son consentement sont plus
indispensables que jamais lorsqu'on envisage la nécessité, ou même seulement l'éventualité d'une
mutilation.
c) La rédaction de l'article 41 du Code ajoute, car aucune règle déontologique n'est absolue,
"sauf urgence ou impossibilité". Dans de tels cas, le chirurgien décidera parfois seul ce qui doit
être fait.
L'urgence ne dispense pas le médecin, si le malade ou blessé n'est pas inconscient, d'avoir avec
celui-ci un entretien qui le renseigne ou le prépare, en respectant la réserve et les ménagements
nécessaires à cette annonce.
Lorsque le patient est obnubilé ou comateux, on ne peut plus parler de son consentement. La
famille ou la personne de confiance qu’il aurait désigné doit être avertie de la situation et le
chirurgien expose les raisons de l'intervention qu'il propose ou la possibilité prévisible d'être
amené à sacrifier un organe.
Mais la conscience du praticien peut être mise à rude épreuve si la famille, effrayée par la gravité
de l'acte envisagé et peut-être de sa propre responsabilité, oppose un refus catégorique. Ni les
juristes ni les moralistes ne peuvent, devant une telle situation, apporter une réponse : "la
décision n'appartient qu'à un seul" (Montesquieu). Le médecin décidera alors en conscience,
sous sa propre responsabilité.
d) Ce peut être au cours de l'intervention que la nécessité d'une action mutilante apparaît. Si,
autrefois, les décisions pré-opératoires étaient relativement fréquentes (erreur de diagnostic entre
une tumeur maligne et une tumeur bénigne, erreur sur l'organe atteint : ovaire ou utérus...),
Gwénola GRIMAULT
De l’information à l’annonce
61/118
Décembre 06
actuellement, grâce aux progrès des techniques de diagnostic, de l'imagerie, de la biologie, de la
cytopathologie, les rectifications de diagnostic au cours d'une intervention sont devenues rares.
Les chirurgiens demandent aux investigations pré-opératoires une connaissance précise des
lésions et se mettent ainsi à l'abri de surprises. Celles-ci restent cependant possibles. Il est rare
alors que le chirurgien puisse interrompre l'intervention, pour avertir le malade réveillé avant de
ré intervenir. En général, il doit assumer seul la décision, en faisant prévenir, si possible, la
famille ou le médecin traitant (Art. 36). Dans tous les cas, il devra en informer le patient dès que
possible et lui expliquer sa décision.
e) La chirurgie du cerveau fournit une situation exemplaire parce que le neurochirurgien, au
moment d'intervenir, ne sait pas toujours parfaitement ce qu'il devra faire. Souvent, il opère dans
des conditions d'urgence et de gravité. La chirurgie d'exérèse des tumeurs cérébrales peut amener
à des résections dont l'étendue n'était pas prévisible. La neurochirurgie fonctionnelle, la
"psychochirurgie" (lobotomie, topectomie, coagulations) ont des indications qui doivent être
pesées avec une grande circonspection. Des auteurs ont parlé de "mutilations inadmissibles"
parce qu'il s'agit d'atteintes portées à la personnalité du malade, dans des conditions où un
consentement valable ne peut être recueilli. Cette chirurgie n'est légitime que dans des cas très
étudiés, en fonction de la gravité des symptômes et de l'impossibilité d'obtenir un résultat par
d'autres méthodes.
2- Stérilisation chirurgicale
La suppression irréversible de la fonction de reproduction fait bien partie des interventions
mutilantes. Ces interventions (ligature des trompes ou vasectomie) peuvent avoir trois sortes de
motifs : thérapeutique, contraceptif, eugénique.
a) Stérilisation dans un but thérapeutique
C'est la stérilisation rendue nécessaire par des lésions sérieuses de l'appareil génital.
L'information et le consentement du malade sont indispensables ; il se peut toutefois que la
mutilation (hystérectomie, salpingectomie double, castration) non prévue préalablement, soit
décidée en cours d'intervention, mais cela est rare comme on l'a vu.
b) Stérilisation contraceptive
Ligature des trompes et vasectomie sont le plus souvent pratiquées comme procédé définitif de
contraception.
▪ Cette intervention est décidée pour des raisons médicales : si l'on a des raisons de prévoir des
risques obstétricaux (il a été longtemps classique de lier les trompes après trois césariennes), ou
si la femme est atteinte d'une affection contre-indiquant définitivement la grossesse
(cardiopathie, néphropathie, toxémie gravidique récidivante, otospongiose, sclérose en plaques,
certaines affections mentales...).
Elle peut également être pratiquée sur une personne majeure dont l’altération des facultés
mentales constitue un handicap, sur une personne placée sous tutelle ou curatelle, lorsqu’il existe
une contre-indication médicale absolue aux méthodes de contraception ou une impossibilité
avérée de les mettre en œuvre efficacement. L’intervention est autorisée par le juge des tutelles
après avis d’un comité d’expert49.
La personne concernée doit recevoir une information adaptée à son degré de compréhension et
son consentement doit être systématiquement recherché. Il ne peut être passé outre à son refus.
49
Article L. 2123-2 du Code de la Santé Publique
Gwénola GRIMAULT
De l’information à l’annonce
62/118
Décembre 06
▪ Ou bien la stérilisation est envisagée, comme procédé de contraception simple et sûr, à la
demande des intéressés.
Longtemps en France, la stérilisation chirurgicale, sans motif médical a été interdite. Cependant
les techniques opératoires se sont perfectionnées, permettant certains succès des tentatives
ultérieures de reperméabilisation. Cette possibilité a entraîné un assouplissement des positions
déontologiques, aujourd’hui consacrées par la loi.
La stérilisation à visée contraceptive est désormais admise50 à la demande d’une personne
majeure qui a exprimé « une volonté libre, motivée et délibérée, après une information claire et
complète sur les risques médicaux qu’elle encourt et les conséquences de l’intervention ». Un
délai de réflexion de quatre mois doit permettre à la personne de mûrir sa décision avant de
confirmer sa demande par écrit.
c) Stérilisation eugénique
Parfois appelé « eugénisme négatif », il s’agit de pratiques sous-tendues par une idéologie
politique, sanitaire ou directement raciale, mises en œuvre pour empêcher la reproduction des «
porteurs de tares » et autres « anormaux psychiques », délinquants, pervers sexuels …
notamment en les stérilisant.
Ces pratiques sont unanimement réprouvées.
Elles se distinguent de la stérilisation assez souvent admise, sur demande d’un couple, inspirée
par un conseil génétique.
3- Transsexualisme
Les interventions chirurgicales que réclament les rares sujets atteints de ce que l'on appelle
"transsexualisme" sont des mutilations qui ont longtemps été considérées comme illégitimes et
interdites.
Les spécialistes, qui ont étudié le transsexualisme, ont cependant reconnu qu'il s'agissait d'une
anomalie psychique très particulière (et non d'une déviation endocrinienne). Ils ont admis la
notion d'un "sexe psychologique" pouvant être différent du sexe morphologique, du sexe
gonadique, du sexe génotypique. Certains considèrent que la transformation anatomique que les
transsexuels demandent avec persévérance ne doit pas leur être refusée, et pourrait améliorer leur
condition et leur comportement social (avec l'appoint d'un traitement hormonal permanent). Ces
questions sont encore controversées, d'autres psychiatres restant sceptiques sur la valeur des
résultats.
Le magistrat ne se prononce qu'après une expertise menée par des médecins particulièrement
compétents. Il accorde assez volontiers un changement de prénom. Les tribunaux n'ont accordé
le changement d'état civil que dans des cas où le transsexualisme, après un recul suffisant, avait
été dûment authentifié.
Avant d'accéder aux demandes des transsexuels, il est donc recommandé de prendre de grandes
précautions.
50
Article L. 2123-1 du Code de la santé publique
Gwénola GRIMAULT
De l’information à l’annonce
63/118
Décembre 06
Article 42 (conformément à l’article R.4127-42 du code de la santé publique) :
« Un médecin appelé à donner des soins à un mineur ou à un majeur protégé doit s'efforcer de
prévenir ses parents ou son représentant légal et d'obtenir leur consentement.
En cas d'urgence, même si ceux-ci ne peuvent être joints, le médecin doit donner les soins
nécessaires.
Si l'avis de l'intéressé peut être recueilli, le médecin doit en tenir compte dans toute la mesure du
possible ».
Comme nous l’avons déjà précisé, le médecin qui soigne un enfant doit une information loyale et
précise aux parents et titulaires de l’autorité parentale. Leur consentement lui est nécessaire pour
agir (Art. 36 ).
Les parents divorcés ou séparés exercent en commun l'autorité parentale et ils doivent tous deux
être prévenus et consultés pour une décision grave concernant l'enfant. L'article 372-2 du code
civil précise néanmoins qu' "à l'égard des tiers de bonne foi, chacun des parents est réputé agir
avec l'accord de l'autre, quand il fait seul un acte usuel de l'autorité parentale relativement à la
personne de l'enfant".
Si les parents ne peuvent être prévenus en temps utile et que des soins sont urgents, le médecin
peut et doit assumer lui-même la responsabilité de la décision : il donne les soins nécessaires et
urgents.
Par ailleurs, le médecin doit informer l'enfant et, dans la mesure du possible, recueillir son
consentement51. Cette information est d'autant plus importante chez les adolescents qu'ils sont
capables de participer au colloque malade-médecin. C'est en particulier le cas des mineurs
proches de la majorité.
À cette question se rattache celle du consentement écrit exigé par avance des parents dans
beaucoup d'établissements hospitaliers pour le cas où une intervention chirurgicale serait
nécessaire et urgente, alors qu'on ne pourrait les joindre. Ce "chèque en blanc" est une pratique
contestable, parce que les parents ne peuvent guère refuser de signer cette "autorisation
d'opérer". Il n'atténue en rien la responsabilité morale du médecin ou du chirurgien et ne
dispense pas de tout entreprendre pour avertir les parents au moment où une intervention est
décidée. Aucune opération qui ne serait pas urgente ne peut être pratiquée avant qu'on les ait
joints.
La loi du 4 mars 200252 a introduit une nuance essentielle par rapport à cet article, en ouvrant
une dérogation à l’autorité parentale. Le médecin peut se dispenser d’obtenir le consentement
des représentants légaux du mineur venu le consulter si ce dernier a exprimé son opposition à
l’information de ses parents pour pouvoir garder le secret sur son état de santé.
Le médecin doit s’efforcer de convaincre l’adolescent de la nécessité d’informer les titulaires de
l’autorité parentale ; en cas de refus, il doit s’assurer que le mineur sera accompagné d’une
personne majeure avant de mettre en œuvre le traitement.
51
Article L.1111-4, 5ème alinéa du code de la santé publique
Article L.1111-5 du code de la santé publique
Gwénola GRIMAULT
De l’information à l’annonce
52
64/118
Décembre 06
En toute logique, ce droit du mineur au secret s’applique aussi au dossier constitué à l’occasion
des soins dispensés sans l’accord des représentants légaux. Le mineur peut s’opposer à ce que
ceux-ci y aient accès.
Cette disposition nouvelle s’inscrit dans la reconnaissance de l’autonomie juridique et des
droits spécifiques de l’enfant, énoncés en 1990 par la Convention des Droits de l’Enfant.
L’article 12 rappelle que l’enfant est capable de discernement, qu’il a le droit d’exprimer
librement son opinion sur toutes questions l’intéressant et que son avis doit être pris en
considération en fonction de son âge et de sa maturité.
Elle avait été précédée d’une modification de la loi sur l’interruption volontaire de grossesse53
pour permettre à une jeune femme mineure de demander une IVG sans l’autorisation de ses
représentants légaux.
53
Article L. 2212-7 du Code de la Santé Publique
Gwénola GRIMAULT
De l’information à l’annonce
65/118
Décembre 06
3 DE L’INFORMATION À L’ANNONCE
3.1 POURQUOI EST-CE SI DIFFICILE D’ANNONCER UNE MAUVAISE
NOUVELLE ?
La relation médecin-malade a été marquée par une évolution importante en s’éloignant du
modèle paternaliste. En effet, on a pu observer un phénomène social de généralisation de
l’information médicale associé à de nombreuses démarches d’associations de malades et de
consommateurs. Ces dernières réclament un maximum d’informations médicales. Cependant,
leurs inquiétudes concernent surtout les objets ou les actes de la vie courante, comme si elles
réclamaient en quelque sorte un manuel d’utilisation de telle ou telle maladie, assimilant la dite
maladie à un appareil électroménager…Le droit de savoir est devenu un leitmotiv. Ce besoin et
cette recherche d’informations de la part des patients répondent à une nécessité : comprendre
l’événement pour se l’approprier et atténuer l’anxiété générée par cet événement. Ceci a
malheureusement pris des formes d’obligation avec des conséquences juridiques non
négligeables en cas de non délivrance de cette information. Même si l’on peut regretter la forme
que peuvent revêtir ces documents plus défensifs qu’informatifs, qui pourrait nier l’intérêt
d’informer clairement un patient de la balance entre risques et bénéfices d’un examen
complémentaire dit invasif, d’un protocole thérapeutique, d’une intervention chirurgicale ? Pour
prendre un exemple, qui peut refuser de discuter avec son patient hyperthyroïdien le choix des
modalités de traitement : antithyroïdiens de synthèse ou traitement radical, radio-iode ou
chirurgie ?
Néanmoins, ce n’est pas seulement l’annonce de cette nouvelle-là qui pose problème, mais aussi,
et surtout, l’annonce de celle qui engage sévèrement le pronostic fonctionnel ou vital. Tout est
relativement simple quand il y a une ou des solutions à proposer. Dans ce cas, une information
« claire, loyale et appropriée », comme il est préconisé dans le Code de déontologie, est
nécessaire car elle va venir éclairer le choix. C’est évidemment quand il y a peu ou pas de
recours thérapeutique que culmine la difficulté : cancer polymétastatique, maladie de Charcot,
maladie d’Alzheimer… C’est la vérité du pronostic, quand il est catastrophique, qui pose
problème, davantage encore que celle du diagnostic, dont les révélations peuvent en être, au
moins provisoirement, dissociées. C’est dans ces cas précisément, qu’il faut quelques
précautions pour annoncer à un malade que son existence est menacée et qu’il ne faut surtout pas
le faire entre deux portes ni par téléphone… Il s’agit d’une période difficile aussi bien pour le
patient et sa famille que pour le professionnel de santé. En effet, l’annonce d’une mauvaise
nouvelle va déclencher des mécanismes de défense chez le patient, mécanismes qui peuvent
compliquer et entraver le processus d’annonce. Cependant, n’oublions pas que le soignant
développe, de la même manière, des mécanismes de défense qui, même s’ils sont communs en
grande partie avec ceux des patients, lui sont propres et doivent être pris en considération.
La maladie entre dans la vie du patient telle une véritable tornade. Le patient se sent dissocié,
désuni, disloqué dans son être, sa chair, mais aussi en ce qui concerne le domaine familial,
professionnel, social…. Il évolue dans un univers nouveau où plus aucune stabilité ni aucun
repère n’existent. C’est un véritable traumatisme. « A l’annonce du mot cancer se brisent les
ailes du désir, et l’esprit se noie dans un abîme sans fond, tandis que le corps est précipité dans
l’horreur de la chute : tomber cancéreux, c’est « tomber-mourir » dans un univers déchaîné,
désaffecté…54 ». Aussi respectueuse soit-elle de la subjectivité du patient, l’annonce constitue un
traumatisme. La perte de maîtrise, associée à la gravité du diagnostic et à ses représentations, en
font le lit. « La maladie fait effraction dans l’histoire du patient, s’y infiltre sans échappatoire ni
54
Deschamps D. Psychanalyse et Cancer- L’harmatan. Paris 1997. pp6-8
Gwénola GRIMAULT
De l’information à l’annonce
66/118
Décembre 06
retour possible. A l’instant de l’annonce, l’homme malade perd la maîtrise de son corps et de son
histoire »(BLET, 2002). Il se sent percé à jour et dépendant. Le médecin et son équipe
deviennent les maîtres de sa destinée, de sa vie, de sa mort et de ses secrets. Il ne sait pas s’ils
seront ou non sensibles à sa détresse, s’ils pourront l’aider, le soulager. Il ne les connaît pas mais
pourtant il doit avoir en eux une confiance quasi aveugle. Les semaines, les mois durant lesquels
la maladie s’étirera n’éclaireront pas forcément ses questions : le patient entre dans un nouveau
réseau de relations dont bien des codes lui échappent et, peut-être, lui échapperont toujours
(CHICAUD, 1998). Le patient développe alors des mécanismes de défense, dont nous avons
parlé et que nous développerons plus amplement, pour surmonter ce choc, entraînant parfois des
réactions incompréhensibles pour le soignant. Il s’agit-là d’une des raisons qui rendent l’annonce
difficile. Se surajoutent encore les mécanismes de défense développés par les professionnels de
santé, venant ajouter à la complexité de la situation. La notion de vérité pose également
problème. Que dire au patient, comment le lui dire ? Enfin, ne nous voilons pas la face. La
maladie et son annonce nous ramène, même si nous occupons la place du médecin, à notre
condition humaine d’individu voué à la disparition… Cela nous déstabilise énormément, nous,
professionnels de santé.
3.2 LE TRAUMATISME DE LA MALADIE
3.2.1
LE TRAUMATISME DE L’ANNONCE
La mise en place d’une relation plus égalitaire entre médecin et malade est, par bien des points,
une avancée positive et révèle un plus grand respect du patient. Comment ne pas cependant
remarquer ce qu’elle contient d’exigences, lorsque l’on considère cette image d’un individu
autonome et maître de lui-même qui semble vouloir actuellement s’imposer dans nos sociétés ?
Un personnage bien dans l’air du temps, un malade-citoyen, un usager confronté à cette nouvelle
norme qui enjoint tout un chacun « à devenir lui-même », mais l’épuise aussi, sommé qu’il est de
« se dépasser » (EVEN, 2000). Il faut prendre garde de ne pas surestimer les capacités
psychologiques des patients à affronter la réalité de leur situation, en l’occurrence dans le cas des
maladies graves. Si l’information respecte le droit légitime de savoir et prévient les éventuelles
plaintes pour défaut d’information, elle évince radicalement les interrogations vis à vis des
capacités du patient à entendre à ce moment précis. Lors de l’annonce d’une maladie grave, le
temps est comme aboli. La personne, qui jusqu’alors vivait dans un temps à trois dimensions, le
passé, le présent et l’avenir, voit soudain son temps réduit, brutalement à un présent de
répétition. Il lui semble définitivement acquis que sa destinée est désormais fixée. Très souvent,
le patient revoie la scène de l’annonce, les réactions des proches : il entend sans fin les mots
prononcés. Brusquement, sa vie est coupée en deux : il y a un « avant » qui semble dépouillé de
sens, et un « après » qui se résume à un présent sans cesse recommencé. Cet effet de rupture du
temps se retrouve dans d’autres annonces graves telle que la survenue d’une catastrophe, la mort
d’un proche, mais lorsque le patient se sait gravement atteint, son univers est brutalement réduit
aux limites du corps et de l’espace décrites par la maladie. Il a le sentiment que ce qui lui arrive
est tout à fait indifférent aux autres, même très aimés et aimants, mais qui ont eux, du moins le
croit-il, le temps de vivre. Le temps se répète tel le tic-tac d’une horloge, de façon lancinante
identique et rythmée. Le temps s’est arrêté, ne passe plus.
Pire même que l’abolition du temps, les patients ont aussi parfois le sentiment que le temps leur
est volé dès l’instant où ils entrent dans la maladie. En effet, le temps des malades est souvent
tout entier occupé par un protocole de soins. Les patients sont conviés à prévoir l’avenir, mais un
avenir qui n’est plus le leur, un avenir déterminé par des soins datés, répétitifs douloureux et qui
semblent ne devoir jamais cesser. Les consultations aussi vont s’enchaîner, se multiplier, dans
des
Gwénola GRIMAULT
De l’information à l’annonce
67/118
Décembre 06
endroits divers, avec la plupart du temps de longues attentes et une grande inquiétude quant à
l’attitude qu’aura envers eux le médecin. Et ceci d’autant plus que, le plus souvent, les médecins
ne perçoivent pas ce sentiment de temps volé, de temps qui s’envole, de temps que l’on ne
maîtrise plus et que l’on subit. Les médecins évoluent dans un autre temps, totalement différent.
Tandis que les malades ont la sensation d’un temps volé, incontrôlable, qui ne leur laisse aucun
répit, aucun « temps libre », les médecins évoluent dans un temps ultra maîtrisé, minuté. Ainsi,
la durée extrêmement brève de leurs consultations, les horaires précis des prises
médicamenteuses, des perfusions, la programmation très rigoureuse des cures de chimiothérapie
(J-1 ou J-8 de la première cure…), le rythme et les horaires des soins en témoignent. Rien ne
permet aux malades de retrouver les rythmes biologiques qui les sécuriseraient. Ils sont comme
dépouillés de leur propre temps, pris dans le rythme qui leur est imposé par les soignants, comme
s’il s’agissait d’un passage imposé. Ils sont « happés » par le traitement… (CHICAUD, 1998).
Alors, est-ce le diagnostic cru et scientifique qui importe réellement, la vérité en termes
médicaux, ici et maintenant ? L’heure du médecin n’est pas forcément celle du patient. Il faut
souvent du temps, de la prévenance, une connivence en quelque sorte. « Il faut que l’annonce
ressemble au patient pour qu’il la reconnaisse. L’annonce est une création fécondée dans le
creuset de la rencontre. L’information en constitue l’assise brute et nue »55 (BLET, 2002). En
effet, la maladie confère à l’individu un nouveau statut et le confronte à une expérience de
désordre. Les choses semblent prendre, pour le malade, un cours différent de celui qu’il avait
imaginé. De multiples peurs font éruption dans sa vie : peur des conséquences physiques de la
maladie (douleurs, nausées, perte de mobilité, infirmité…), peur des conséquences
psychologiques de cette même maladie (dépression, démence…), peur de la mort (peur
existentielle, spirituelle), peur du traitement (effets secondaires tels que calvitie et douleur,
chirurgie souvent perçue comme synonyme de mutilation, de modification de l’apparence
physique…), mais également peur face à l’entourage (perte d’attrait, de sa place dans la famille,
impression d’être un fardeau, diminution des capacités sexuelles…), et enfin peur relative à sa
situation économique, à sa position sociale (perte d’emploi, d’autorité et de pouvoir, coût du
traitement, exclusion sociale).
Le patient se sent désarmé et doit faire l’apprentissage d’un nouveau monde : le milieu médical
avec ses règles et ses codes, son langage et l’assignation d’un nouveau statut. Il doit accepter de
ne plus tout contrôler et de s’en remettre, en partie, à autrui. L’individu malade se sépare de son
groupe social : le groupe des individus sains. Il se sépare de ses objets précédemment investis
pour se concentrer sur lui-même. Il fait l’épreuve de ses limites, limites désormais dictées par
son propre corps. Et il intègre un nouveau groupe social : le groupe des individus malades et
donc un nouveau mode de vie dans ce corps devenu un corps malade. Ce sentiment se pose aussi
bien pour les patients atteints de maladies graves au pronostic sombre que pour les patients chez
qui vient d’être découvert un diabète insulino-dépendant par exemple. Afin de comprendre ce
qu’est un corps malade, il faut tout d’abord réfléchir à la définition de ce que l’on appelle la
« santé ». Définir la « santé » et parler des rapports qu’entretient l’être humain avec son corps
« en bonne santé » est très difficile. Avoir un corps en bonne santé, c’est vivre son corps comme
une unité, comme en harmonie avec le sujet que l’on se sait être. Chacun « est » son corps, corps
ressenti, corps instrument, médiation, manifestation de la personne et de ses relations. Même si
parfois on ressent des douleurs, des malaises, dès lors que l’on perçoit son corps comme solide,
non menacé dans son fonctionnement, son activité, son identité, on est « dans sa peau », comme
dit si justement le langage populaire. De ce fait, on se sent ajusté à la vie, on sait comment faire
avec soi. Le miroir semble être fidèle à ce que l’on sait de soi.
55
D. BLET. De l’information à l’annonce. La place du non-dit ; 2002.
Gwénola GRIMAULT
De l’information à l’annonce
68/118
Décembre 06
L’annonce de la maladie remet en question tout cet ensemble de données que l’on nomme
« moi » en terme d’expérience quotidienne et vitale, et non en terme de moi psychanalytique
(PUJOL et al., 1997). Apprendre qu’une maladie grave atteint son corps, même si cette maladie
n’est pas encore ressentie, est comme la révélation d’une trahison. Que va-t-il advenir de l’unité
complexe de l’être si l’on perd les éléments essentiels qui la constitue ? La connaissance d’une
maladie définie comme grave atteint cette unité, la fissure, et parfois même amène à des
effondrements plus ou moins durables. La personne, au corps défini comme malade, ne sait plus
quelles sont ses forces, ses droits, ses possibilités. Elle interroge les médecins, leur demande des
règles de vie (« Qu’est-ce que je peux faire ? », « Qu’est-ce que je peux manger ? »). Parfois, on
observe ce comportement avant même que la maladie soit ressentie, comme dans les cancers ou
la séropositivité qui sont souvent diagnostiqués avant l’apparition des symptômes. Certains
patients déclarent : « Avant, j’étais bien, j’étais en forme ; dès que j’ai su ce que j’avais, je me
suis senti tout drôle, très fatigué, angoissé, j’ai ressenti des douleurs ». Celui qui se sait malade
cesse immédiatement, même s’il en était autrement quelques instants auparavant, de se sentir
« bien dans sa peau ». Il ne reconnaît plus ce corps dont il ne sait plus que penser, qui l’a trahi.
Parfois, il ne le reconnaît plus physiquement. Le patient interroge alors son miroir et guète les
moindres signes qui pourraient révéler aux autres sa maladie (pâleur, rides, cheveux blancs…). Il
est de si bon ton actuellement de paraître « en forme », « en bonne santé », bronzé, musclé,
sportif. Ceci est encore plus difficile pour ceux qui se sentent atteints dans leur intégrité
physique : les images du corps blessé, travaillé par la maladie renvoient à des maladies graves
telles que les maladies génétiques, les cancers nécessitant des traitements délabrant… Dans bien
des cas, en effet, le corps est modifié par la maladie mais aussi, et peut-être surtout, par les
traitements qui dévoilent ce que l’on voulait cacher. La chute des cheveux causée par les
chimiothérapies proclame l’atteinte par une maladie maligne, une de celle que l’on regroupe
sous le nom de cancer, les corticoïdes modifient le visage et la silhouette et confèrent un
embonpoint incongru au temps où la minceur est reine, nombre de médicaments efficaces
entraînent une photosensibilisation qui fait craindre l’apparition d’une multitude de taches
brunes à la moindre exposition au soleil.
Le patient, quelque soit son âge, son sexe, sa situation dans la vie, est confronté à de nouvelles
images de lui-même lui imposant des remaniements très rapides et toujours douloureux. Les
comportements résultant de ces transformations sont parfois déconcertantes pour le patient luimême mais aussi pour son entourage. Ainsi, certains tentent de nier ces transformations du corps
en achetant une perruque identique aux cheveux et à la coiffure d’avant, en dissimulant leur
embonpoint ou leur amaigrissement sous des vêtements, tandis que d’autres se rasent les
cheveux avant la première chimiothérapie, ne portant jamais de perruque, affirmant ce qui leur
arrive. Dans l’un comme dans l’autre des cas, il s’agit probablement d’une tentative pour se
reconnaître dans ce corps transformé et s’affirmer dans ce nouvel état. D’autres cessent de sortir,
de s’habiller, et même longtemps après une amélioration définitive. Il existe au contraire des
patients quelque peu exhibitionnistes qui exposent de façon ostentatoire les stigmates de
l’atteinte (pâleur, ecchymoses, traces de perfusion…) de façon à faire peur, à provoquer autrui.
Toutes ces attitudes renvoient, plus qu’on ne le pense, non seulement au traumatisme de
l’annonce de la maladie, mais aussi à des images de soi très archaïques, partiellement
inconscientes, dans lesquelles chacun essaie de se réfugier pour pouvoir s’adapter aux situations
nouvelles liées à la maladie.
Gwénola GRIMAULT
De l’information à l’annonce
69/118
Décembre 06
Il arrive fréquemment que le corps malade devienne un corps perçu comme étrange et étranger.
La maladie devient alors comme une entité qui envahit le corps, l’habite, prend la place du sujet,
allant jusqu’à prendre son identité. Le langage courant reprend d’ailleurs des thèmes
fantasmatiques assez forts à ce sujet : on parle d’ « envahissement » par les tumeurs, de
« prolifération ». On évoque des « copies » de virus et lorsqu’on affirme qu’elles sont peu
nombreuses, elles sont néanmoins présentes le plus souvent à plusieurs milliers
« d’exemplaires », ce qui affole littéralement les patients non initiés. On dit également : il est
« tuberculeux », il est « syphilitique », il est « sidéen ». La personne malade, habitée par la
maladie, se sent alors parfois envahie par le sentiment d’une « inquiétante étrangeté ». Elle traîne
un corps devenu bizarre, incongru, un corps qu’elle a du mal à dominer car il répond peu à ses
ordres, à ses quêtes de plaisir, à ses stimulations. C’est sa propre chair qui est en question et sa
propre chair qui lui devient étrangère. Elle se transforme, se met au travail. Pour survivre et
demeurer soi, le patient va devoir faire sa « propre gestation, non seulement celle de son corps,
mais aussi celle du tissus même de sa vie ». Le malade va tenter de retrouver le propre cours de
son existence, sa propre durée. Il le fera par des chemins qui lui sont propres, des chemins dont il
parle rarement et peu volontiers.
Corps mutant, « surnaturalisé » pour certains, le corps malade est pour d’autres un corps puni.
L’exclamation : « Qu’est-ce que j’ai bien pu faire pour mériter cela » recouvre une interrogation
générale qui renvoie à des angoisses ancestrales concernant une « rétribution » mystérieuse à
laquelle, croyants ou non, nous serions tous assujettis. Parce qu’ils ont fait telle ou telle chose
dans leur passé, parce qu’ils ont telle attitude envers leurs famille, leurs proches… la maladie
leur tombe dessus. Les médias et revues médicales de vulgarisation ont d’ailleurs souvent un
discours qui enclin à avoir ce type de raisonnement : les cancers ORL sont favorisés par la
consommation excessive d’alcool, les néoplasies pulmonaires par le tabagisme, notamment par
sa durée et son importance, les cancers colo-rectaux par les régimes alimentaires pauvres en
fibres… Cependant, ils oublient de signaler les facteurs environnementaux, génétiques, le simple
vieillissement de la population… La maladie fait entrer dans une logique de culpabilité,
d’expiation. Chaque être humain se sent porteur de sa vie riche en évènements, en relation et il
est bien rare que l’homme n’ait rien à se reprocher. Tout se passe comme si chaque erreur devait
se payer, comme si l’être humain se devait d’être parfait, impassible et intemporel. Ainsi,
beaucoup de patients tentent de rester magnifiques, stoïques, déniant même leur maladie. Ce sont
des malades courageux mais blessés, et parfois désespérés au point d’aller jusqu’au suicide.
D’autres vivent la maladie comme une plongée en enfer : ils se sont réveillés un jour comme
transformés en monstre, ou condamnés par un procès sans raison. La maladie leur révèle
l’absurdité du monde, son non-sens. Non seulement ils sont frappés sans savoir pourquoi, mais
leur destinée leur est arrachée et, tout cela, pour rien. Leur univers a perdu toute logique et leurs
démarches seront stériles, du moins le croient-ils. Néanmoins, ils se débattent contre cette
absurdité et en ressortent souvent renforcés. Pour d’autres curieusement, la maladie est un
chemin obligé par lequel il faut passer. Ceux-là se résignent. Ils semblent avoir pris la mesure de
leur condition humaine mais l’acceptent sans réticence, ni bataille. Moins amers et moins
révoltés que les précédents, ils sont aussi moins forts. On comprend donc parfaitement qu’à la
question du « pourquoi moi, pourquoi suis-je malade », il n’est pas de réponse logique,
rationnelle, claire, même si, comme c’est parfois le cas, les agents de la maladie, ses conditions
d’éclosion sont désignées, connues, voire contrôlées. Ces questions dépassent de beaucoup la
biologie et la médecine et interrogent sur la réalité même de l’être humain, sur se destinée. A ces
interrogations, chacun cherche et trouve des voies de réponse, déploie des attitudes qui seront
rarement complètement tranchées ou fermées, et qui peuvent varier.
Gwénola GRIMAULT
De l’information à l’annonce
70/118
Décembre 06
Par ailleurs, telle une punition, ce corps malade ne peut plus être désiré. Il n’est plus considéré
comme un être de désir, de pulsions, on lui dénie souvent tout charme et beauté, que ce soit le
malade ou le médecin. Le patient est invité à considérer désormais son corps comme un objet de
soins, et lui-même est convié à se soumettre à ce corps-objet, encombrant et souvent douloureux.
A tel point que, la plupart du temps, quand un patient est atteint d’une maladie grave non
sexuellement transmissible, les médecins, les soignants semblent oublier complètement qu’il
s’agit d’un sujet sexué, et les patients n’osent pas aborder la question. Les « parloirs sexuels »
n’existent pas plus à l’hôpital qu’en prison. Fréquemment, durant leur temps de retour en
famille, appelés « permissions », comme dans l’armée, les patients ne savent pas s’ils ont le
« droit » d’avoir des rapports sexuels sans compromettre leur santé. Quand ils s’en donnent
l’autorisation, ils en viennent à se demander s’ils n’ont pas aggravé leur état.
Corps perçu comme étrange, et parfois étranger, corps douloureux et parfois horrible, corps
transformé, replié ou épanouie, le corps malade est paradoxalement, car la maladie frappe
essentiellement le corps, un corps méconnu, morcelé par les soignants. En témoigne d’ailleurs s
expressions employées par le personnel soignant dans les couloirs des hôpitaux : « un tel, tu sais
le cancer du pancréas… ». Pour les patients, cette expérience revêt toujours un aspect
déconcertant car assimilée à une perte d’identité. Le malade va donc devoir se trouver, se
reconnaître comme travaillé dans son corps par ce qui lui arrive. Il le ressent, le plus souvent
obscurément, tout ce qu’il est en lui-même sera transformé mais il s’attachera à retrouver un
semblant d’unité. Cela ne se réalisera pas sans angoisse, ni sans espoir (CHICAUD, 1998).
La maladie est, par conséquent, une expérience de pertes qui force l’individu à se pencher sur le
sens qu’il donne à sa vie… et à sa mort. Il s’agit d’une perte de ses capacités, de la vie, mais
aussi d’un « sentiment de perte de sens dans le rapport avec l’avenir et devant l’existence »56
(REICH et al., 2001). Si ceci est si prégnant chez le patient atteint de maladie grave et si
effrayant et difficile à comprendre pour le soignant, c’est probablement que ces deux
protagonistes ne fonctionnent pas sur le même mode. J. BENOIST a travaillé sur cette question
(BENOIST, 1996). Selon lui, la différence se situe essentiellement au niveau de l’image du
corps. Pour le médecin, le corps est une somme d’organes, un objet manipulable, alors que pour
le patient le corps est une expérience sociale et culturelle beaucoup plus globale. Comment,
après une épreuve telle que la maladie, un individu pourrait-il sortir indemne d’une maladie qui
s’attaque à toutes les bases à partir desquelles il s’était constitué auparavant : son corps
fonctionnel et esthétique, ses relations interpersonnelles, sexuelles, sociales ou amicales, son
accomplissement personnel dans le travail, les compétitions, ses structures de conduites
spirituelles, éthiques, morales ou esthétiques ? C’est bien toutes ces valeurs, sur lesquelles s’est
bâti le patient, qui se trouvent dépréciées à ses yeux. Le problème qui se pose alors au
professionnel de santé est loin d’être uniquement d’ordre scientifique. Il se double d’une
question pratique concernant la manière de faire pour entendre l’autre, essayer de le comprendre
afin de mieux l’aider. C’est toute la difficulté du suivi médical en médecine générale. Pour y
parvenir, il faut saisir un point essentiel : la maladie est un fait, certes, mais également une
représentation. Ce sont ces représentations mêmes qui viennent interférer avec les données
scientifiques fournies par le médecin pour constituer ce qu’on abordera plus tard, la vérité du
patient. Cette vérité est empreinte de subjectivité, avec ce que cela comporte de référence à
l’imaginaire, aux désirs et même à l’illusion. Mais il ne faut pas non plus oublier les facteurs
culturels, l’histoire personnelle, l’influence de l’entourage, les croyances… Chacun de ces
facteurs influence à la fois la perception de la maladie, ses représentations et son vécu. Par
exemple, chaque culture a sa propre définition de la santé et de la maladie. La manière dont le
malade se représente ses maux diffère de celle que le médecin peut lui proposer (EVEN, 2000).
56
Saillant F. Cancer et culture. Produire le sens de la maladie. Montréal : Saint Martin ; 1988.
Gwénola GRIMAULT
De l’information à l’annonce
71/118
Décembre 06
3.2.2
LE TRAUMATISME DES MOTS
Si le contenu et la nature même de l’information font traumatisme lorsqu’il s’agit d’une maladie
grave, la manière d’annoncer, les mots employés peuvent également être pourvoyeurs de
souffrance. A l’heure du colloque singulier, le médecin, dépositaire d’un savoir qui engage sa
responsabilité, doit, dans le même temps, être soucieux du poids des mots qu’il prononce. « Les
mots sont des revolvers ». Qui n’a pas en tête un exemple de situation où l’annonce d’un
diagnostic grave a pu entraîner une perte de l’élan vital, de l’envie de se battre avec, pour
conséquence, la majoration d’une participation psychosomatique aux symptômes exprimés, un
état dépressif, voire un suicide ? Ces réactions font, certes, partie de la réponse physiologique de
l’individu confronté à la perspective d’une mort prochaine, cependant, il faut veiller à ce que la
séquence puisse se dérouler jusqu’à son terme normal. Une arme à feu se manipule avec
précaution… alors ne perdons pas de vue que « la vie d’un malade peut être abrégée, non
seulement par les actes, mais aussi par les mots et le comportement d’un médecin » (GIRGIS et
FISHER, 1995). Les mots utilisés et utilisables pour annoncer un diagnostic de cancer, une
rechute ou le terme d’une phase curative véhiculent leur part d’information mais aussi de nondit. Les mots de l’annonce ne sont certainement pas superposables à ceux qui informent. Il
convient donc que le praticien se décale d’un discours médical. Les mots de la science sont
arides, secs comme ces préparations lyophilisées vendues dans le commerce, si durs que seuls
peuvent les prononcer les spécialistes habitués à désigner ce qui tue. Ces mots-là ne sont pas
audibles pour le patient et il est nécessaire que le médecin les abandonne pour retrouver sa
langue maternelle. Langue maternelle au titre de langue communément parlée et de langue du
corps, de langue pour le corps. Le patient apporte ses symptômes et ses plaintes, mais la
prescription et les paroles du médecin qu’il reçoit en échange ne sont en aucun cas un simple
compte rendu. Tandis que le compte rendu restitue « tout » ce qui est lisible sur le cliché
d’imagerie ou sur les résultats chiffrés de la biologie, l’annonce est un compromis. Elle est une
restitution de ce qui se joue à cet instant précis du colloque singulier puis évoluera
progressivement au fur et à mesure des consultations57 (BLET, 2002).
3.2.3
LE TRAUMATISME AJOUTÉ
Au traumatisme de l’annonce lié à la gravité du diagnostic, peut encore s’associer ce qu’on
pourrait appeler le traumatisme ajouté. Introduit à l’occasion d’un travail sur la dimension
psychologique en situation d’urgence, ce concept représente tout ce qui s’ajoute à la blessure
lorsque le dispositif des secours est mis en place : le hurlement des sirènes, le clignotement des
gyrophares, la parole malheureuse du sauveteur. Les caractères du traumatisme s’y retrouvent
après coup, avec leur lot de cauchemars répétés qui reproduisent les scènes du sauvetage, les
paroles du sauveteur… De la même manière, on observe parfois une majoration de l’angoisse
chez certains patients à qui, au nom de l’obligation d’information et devant la pression juridique,
on impose une information alors même qu’ils n’y sont pas préparés. Cette situation peut être
vécue comme un véritable traumatisme ajouté, l’annonce étant régie par une loi sociale qui ne
s’accorde pas avec les lois de l’inconscient. « L’imaginaire greffe son lot de violence, comme l’a
décrit D. Deschamps, d’autant plus que « tout » serait dit, qu’il n’y aurait plus de place pour une
élaboration. Comme si tout était dit, qu’il n’y aurait plus rien à dire, à se dire »(BLET, 2002).
L’information ne peut se suffire à elle-même. Délivrer l’information de manière froide et
exhaustive à chaque patient dans le but d’obtenir son consentement éclairé ne peut être qu’une
erreur. Dès l’instant où on lui impose cette vérité crue et nue, il n’a plus le choix de décider, de
donner son avis, ses préférences. Telle une sentence, on lui impose cette maladie, d’un coup. Il
perd toute maîtrise alors que l’information était supposée lui prêter la liberté de choix et de
57
D. BLET. De l’information à l’annonce. La place du non-dit ; 2002.
Gwénola GRIMAULT
De l’information à l’annonce
72/118
Décembre 06
décision, lui restituer sa place de sujet. Elle n’est donc pas dénuée de risque, celui d’un « tout
savoir » où la feinte n’est pas de mise. La vérité scientifique protègerait le malade des démons
légendaires de l’angoisse et de la détresse. Le savoir serait un rempart contre les affres des
représentations, de la maladie comme de la mort. En réalité il n’en est rien. « Tandis que le
médecin assigné par la loi à informer le patient se protège de la faute professionnelle, il laisse au
malade le soin d’élaborer seul les processus de défenses qui l’autorise à vivre » (BLET, 2002).
Et malgré toutes les précautions qu’il pourra prendre, le traumatisme ajouté ne pourra
malheureusement être totalement épargné en ce qu’il s’origine avant tout de la radicalité de la
situation.
3.3 MÉCANISMES DE DÉFENSE
3.3.1
CONSÉQUENCES PSYCHOLOGIQUES DE L’ANNONCE SUR LE PATIENT
L’accès à la conscience d’évènements négatifs bouleversent massivement le statut de l’individu.
Altéré par la maladie, exposé au traumatisme de l’annonce, fragilisé par les pertes sociales,
familiales, narcissiques corrélatives d’une maladie grave, le patient est en difficulté pour
élaborer seul un nouvel ordre psychique lui permettant de réagir au mieux à son environnement.
Diverses modalités de réactions sont alors susceptibles d’être mises en jeu en fonction de la
personnalité de chacun. E. Kübler-Ross (KUBLER-ROSS, 1969) parle également de
mécanismes de défense.
Le moment de l’annonce est à l’origine d’une sidération émotionnelle qui ébranle les assises
identitaires et crée une rupture de la temporalité. L’annonce, de quelque manière qu’elle soit
faite, entraîne toujours un choc. Même si le patient se « doutait » de quelque chose, la
verbalisation, brutale ou non, concrétise ce qui se passe, objective quelque chose dont on ne se
doutait pas du tout ou qui demeurait flou : quelque chose à quoi l’on ne voulait pas croire.
Parfois, dans le même temps que l’état de choc, parfois aussitôt après, les patients ont le
sentiment que le temps leur est enlevé, qu’ils n’ont plus d’avenir et que le présent ne signifie
plus rien. De ce fait, tout leur paraît différent, ils sont assignés à une limite. Cette limite, comme
un seuil noir où tout s’arrête, les anxieux la connaissent bien. Mais pour ceux qui viennent de
recevoir l’annonce, elle semble infranchissable. Leur univers va se reconstituer, mais ils n’en
savent rien encore et ils n’ont pas de mots pour dire ce qu’ils ressentent.
Actuellement, on propose aux gens qui viennent de subir un choc sévère d’en parler, de dire ce
qu’ils ressentent : on organise des cellules « psychologiques » lors d’un attentat, d’une
catastrophe naturelle, etc. Mais la plupart du temps tout se passe comme si l’on perdait et la
faculté de parler et même la possibilité d’exprimer des émotions. Dans certains cas, la fuite
permet un aménagement temporaire. Souvent, dans l’annonce d’une maladie grave, la sidération
fige la personne au point qu’elle ne peut rien dire à ses proches, qu’elle revendique une
ignorance par rapport au diagnostic comme pour protéger magiquement tout son entourage et
d’abord elle-même. Quelle parole est possible dans ce cas ? La seule parole entendue est d’abord
celle qui signe la destinée. Il serait certes souhaitable que le sujet puisse aussi en dire quelque
chose, mais la plupart du temps le moment n’en est pas encore tout à fait venu. Il pressent que
son monde d’avant vient de voler en éclats et c’est tout ce que, dans le moment même de
l’annonce, il peut percevoir et affirmer. Son corps, son temps, son espace, ses relations les plus
proches, tout est remis en cause et il semble au patient qu’il s’échappe de lui-même. S’il ne fuit
pas physiquement, il va tenter de trouver des refuges, des lieux de repli : tantôt devant la
télévision qu’il regardera jour et nuit, tantôt dans son lit ou dans un recoin de la maison. Captif
de l’annonce, il cherche à retrouver son souffle, quelque chose de ses rythmes vitaux mais, dans
Gwénola GRIMAULT
De l’information à l’annonce
73/118
Décembre 06
un premier temps, tout s’est arrêté (CHICAUD, 1998).
Ces conséquences sont à l’origine d’une distorsion immédiate de la communication qui empreint
ce premier entretien d’une incompréhension des informations délivrées, dont le degré surprend
parfois le praticien lors des entretiens ultérieurs. Le patient va ensuite passer par des phases de
travail de deuil selon un rythme qui lui est propre, partiellement conditionné aussi par
l’évolution affective de son entourage. Les relations inter-individuelles en sont souvent
sévèrement perturbées. Globalement, l’évolution du vécu dépendra des ressources psychiques de
l’individu, de ses expériences antérieures, de la dynamique de l’entourage affectif, familial et
socio-professionnel, de la qualité des réponses apportées dans la prise en charge médicale, de la
représentation de la maladie qu’élabore le patient et de son évolution effective (CLANET et al.,
2001).
3.3.2
PROCESSUS DE DÉFENSE
Le patient va passer par différentes phases qui peuvent se succéder dans un ordre variable et
fluctuer dans le temps : déni, révolte, marchandage, désespoir, acceptation… Souvent même,
elles se mélangent (MAGER and ANDRYKOWSKI, 2002).
Le déni est un mécanisme inconscient, destiné à protéger des conséquences émotionnelles d’une
information trop déstructurante. Il peut expliquer des comportements paradoxaux de refus de
traitement, d’interprétation inadéquate de la réalité à l’origine de projets irréalistes malgré une
information médicale apparemment satisfaisante. Cependant, il s’agit d’un mécanisme trop
massif pour pouvoir être conservé longtemps. Il faut respecter l’étape de déni qui correspond à
une période de protection de l’individu vis à vis d’une vérité inacceptable, même s’il est très
difficile à vivre pour le médecin, souvent accusé par l’entourage de n’avoir pas clairement
exprimé le diagnostic.
Ex : -Une intervention chirurgicale est indiquée pour éliminer ces mauvaises cellules, mais votre
cancer est tout à fait localisé et circonscrit…vous ne serez hospitalisé que pour 2 à 3 semaines et
très vite vous verrez que vous irez mieux..
-Oh merci Docteur…quel soulagement ! Si vous saviez comme j’avais peur d’avoir un
cancer !
La phase de révolte (ou projection agressive) est une période où le malade déclenche des
mécanismes agressifs liés à la frustration la plus fondamentale qui est la perte de la bonne santé.
Le malade se protège en adoptant un mode de revendication agressive, rendant l’entourage
responsable de tous les malheurs : récriminations, remontrances, plaintes, griefs, reproches,
accusations. La réalité a été intégrée, cependant le malade fait front par une agressivité accrue.
Le médecin devient la cible privilégiée du despotisme et est tenu pour responsable et
incompétent de l’évolution de la maladie. Cette animosité est très souvent difficile à vivre pour
le médecin qui est touché dans sa raison d’être. Le risque majeur pour le soignant est de
développer une réaction agressive symétrique en retour, rendant alors la relation soignant/soigné
impossible.
Gwénola GRIMAULT
De l’information à l’annonce
74/118
Décembre 06
Ex : Mme G. est rivée sur sa sonnette
…cela fait 1heure que je sonne, ah bien il ne faut pas être pressée ! Vous parlez d’un
service, tout le monde s’en moque ici ! On ne s’occupe pas de MOI ! Les infirmières préfèrent
rester dans l’office prendre un café et le médecin devrait déjà faire sa visite ! Il m’a peut-être
oubliée ! Pensez, cela fait 5 jours que je suis là ! Et ma fille, elle est venue avant hier, et
pourquoi pas hier ? Je suis malade, moi. Si elle croit que c’est drôle d’être bloquée sur un lit
d’hôpital ! Avec ça personne ne répond ! Je ne suis pas sûre que ce soit une équipe bien
compétente… Faire attendre des malades comme ça… Ils vont savoir de quel bois je me
chauffe… Ah vous voilà déjà Docteur !…
La dénégation intra-psychique est un mécanisme où le malade conteste et récuse l’annonce
faite par le médecin. Parfois, seule une partie de la vérité peut être acceptée par le malade qui
rejette tout ce qui est encore intolérable ou trop douloureux. Les comportements agressifs
peuvent s’exprimer envers les proches, le personnel soignant, soi-même quelquefois.
Ex : -Mais enfin, c’est impossible Docteur ! Vos analyses sont erronées…ou bien vous vous
trompez de malade…ça ne peut pas être un cancer…
On peut même observer parfois une dénégation sociale et relationnelle qui peut être assimilée à
une forme de sérénité apparente : le patient sait mais ne désire pas en parler ouvertement.
L’isolation est un mécanisme de défense un peu différent car il permet de neutraliser l’angoisse,
de séparer, dans son esprit, la réalité de tout support affectif et de parler apparemment avec
détachement de sa pathologie. Le malade reconnaît la gravité de son état mais intellectualise sa
maladie. La déconnexion de la réalité et de l’affecte permet d’évoquer l’annonce d’une mort
potentielle avec une surprenante impassibilité. La mise en mot rendue alors possible rassure
l’intellect au détriment de l’affect.
Ex : Le malade à l’infirmière après la visite du médecin :
-Si j’ai bien compris, les résultats ne sont pas fameux. C’est une leucémie qu’il va falloir
traiter par chimiothérapie. Il paraît que ce traitement entraîne des effets secondaires qui
risquent de provoquer une grande fatigue à cause d’une aplasie. Tout ça va nécessiter 3
semaines d’hospitalisation au bas mot…avec peut-être un petit temps de répit avant un nouveau
traitement pour consolider le premier…Vous passez généralement plus tard que cela dans ma
chambre… ?
La maîtrise par la rationalisation est un mécanisme par lequel le patient cherche à comprendre
sa maladie, à trouver une justification qui lui permettrait de la contrôler. Le malade peut
« rationaliser l’irrationnel » par l’humour, la dérision, entraînant souvent une sidération des
soignants. Néanmoins, rester dans la maîtrise de la maladie, c’est aussi refuser de se laisser
porter.
Ex : Maintenant que je sais que ma profession, en me contraignant à manipuler du benzène,
n’est pas étrangère à la déclaration de ma leucémie, je vis avec. La maladie s’est installée en
moi. Malgré mes souffrances, savoir qu’une intervention extérieure, réelle et palpable, a pu la
déclencher, a paradoxalement apaisé ma colère et atténué mon angoisse initiale, disséminée et
confuse.
Une autre forme de maîtrise peut s’observer sous la forme de rites obsessionnels. La vigilance
extrême s’exprime par des idées fixes, une surveillance permanente, de la recherche
d’informations médicales détaillées. Les prescriptions sont scrupuleusement respectées, les
médicaments vérifiés, tous les actes médicaux sont interrogés, les mesures d’hygiène sont
appliquées de façon draconienne au point de refuser tout contact « dangereux » avec des
proches.
Gwénola GRIMAULT
De l’information à l’annonce
75/118
Décembre 06
Il s’agit d’une démarche autonome, solitaire et opiniâtre qui est souvent perçu comme tyrannique
par les soignants mais extrêmement nécessaire pour le malade. Ce dernier peut, à l’extrême,
s’isoler par son attitude.
Le déplacement permet de détourner l’émotion et la souffrance sur un autre problème lié à la
maladie. La substitution peut se faire sur une partie non encore terrifiante de la maladie (les
effets secondaires des traitements par exemple) ou sur une toute autre réalité plus distante et
complexe à comprendre (l’avenir des enfants, l’organisation familiale, etc…).
Ex : Moi je ne souffre pas…mais c’est mon fils… Il ne va plus à l’école, il refuse d’apprendre un
métier. Il refuse de m’écouter et ne comprend pas que c’est pour son bien que je lui parle
durement parfois. Il vit sur son nuage : il ne pense qu’aux copains, au cinéma, aux soirées et aux
filles. Je ne sais plus comment le prendre. Je voudrais tant qu’il se fasse une vie honnête et
sérieuse…Vous ne pourriez pas essayer de le raisonner, vous, Docteur ?
Le marchandage est une autre tentative de sauvetage de l’équilibre psychique : la maladie
existe mais la soumission docile à tous les avatars thérapeutiques doit créer les conditions d’une
restitution définitive de l’état de bonne santé. C’est une phase qui peut être marquée par
l’investissement d’activités douées du pouvoir magique de guérison. Phase sans doute utile à
l’élaboration d’un bon projet thérapeutique, elle s’achèvera sur une nécessaire déception lors de
la prise de conscience de l’irréalité de la guérison. Néanmoins il existe un moment où les
« fables de la négociation et du marchandage sont nécessaires pour vivre encore avant la mort,
pour remplacer les certitudes de la mort par les illusions de la vie »58 (BLET, 2002).
La régression est un processus de défense dans lequel le malade s’immerge dans la maladie
jusqu’à ne plus exister que par elle. Mouvement régressif souvent temporaire, le malade
abandonne toute velléité d’initiative, d’autonomie et de volonté. Incapable de lutter contre la
maladie, il se laisse prendre en charge jusqu’à adopter des comportements infantiles ou puérils.
Le médecin est investi du rôle de père tout puissant, l’infirmière de celui de mère bonne et
compréhensive. Il s’agit d’une situation difficile à supporter pour l’entourage et les soignants,
pouvant entraîner exaspération, rejet ou abandon, mais qui revêt cependant une fonction
consolatrice contre la peur et reste un moyen adaptatif et temporaire.
La phase de désespoir correspond à la dépression qu’engendre la prise de conscience d’une
perte inéluctable dans la perspective de vie. Elle est parfois à l’origine d’une détresse
émotionnelle intense et, pendant cette période, le risque suicidaire est réel.
La phase d’acceptation survient au terme du travail de deuil dans lequel le temps joue un rôle
souvent déterminant. Le patient accepte la situation pathologique qu’il inscrit dans un projet de
vie réaliste. Cette phase n’est malheureusement pas toujours possible à atteindre. On peut même
s’interroger sur son existence réelle… Accepter le handicap de sa maladie, particulièrement pour
les maladies qui ne guériront jamais, voire même une mort proche, est loin d’être évident.
Accepter sa maladie et ses conséquences est en fait un processus complexe et lent de maturation
psychologique qui permet au malade de ne plus rechercher cette liberté physique, psychique,
sociale et professionnelle telle qu’elle était dans son état de santé antérieur. L’acceptation de la
maladie peut être comprise comme le deuil de l’état de santé antérieur. Accepter la maladie est,
par conséquent, réorganiser sa vie en tenant compte de son handicap personnel. Ce processus de
maturation psychologique prend du temps et s’effectue de façon totalement indépendante du
statut social et professionnel de chaque individu.
58
D. BLET. De l’information à l’annonce. La place du non-dit ; 2002.
Gwénola GRIMAULT
De l’information à l’annonce
76/118
Décembre 06
Un mécanisme totalement différent peut s’observer au terme du travail de deuil : la combativité
/ sublimation. Le malade refuse de se soumettre à la maladie et continue à construire et à créer,
de façon à dévier son infortune sur un objectif positif et généreux, et ainsi à redonner vie et sens
à son existence. Cette combativité est destinée à neutraliser l’angoisse et permet au patient de se
surpasser. De plus, ce mécanisme rassure et réjouit l’entourage car le malade donne à voir une
vitalité active et un extraordinaire dynamisme : soutien psychologique vécu avec avidité,
création d’associations pour aider d’autres malades, volontariat, écriture de livres… Ce qui
domine, c’est de sublimer ce temps pour redonner du sens au temps présent. Tout se passe
comme si l’angoisse se mettait au service de l’élaboration psychique.
Deux états émotionnels accompagnent de façon quasi inévitable ces divers mécanismes de
défense : la peur et l’anxiété. L’anxiété participe au développement des préoccupations
somatiques qui peuvent parfois se pérenniser chez certains malades, rendant plus difficile
l’interprétation des symptômes qu’ils expriment.
En retraçant l’anamnèse de l’individu et en l’écoutant attentivement, on peut se faire une idée et
prévoir ses mécanismes de défense. En effet, nous avons tous notre propre fonctionnement et,
face à un danger, l’individu met en place des modalités de défense privilégiées qui lui ont déjà
été favorables dans le passé. Ces modalités de défense découlent moins de la spécificité de la
maladie que de l’étape psychologique dans laquelle se trouve le patient et de la façon habituelle
qu’a ce dernier d’affronter des problèmes sérieux. Il s’agit en réalité du fruit d’années
d’influences familiales, d’expériences pendant l’enfance, de réussites à l’âge adulte, etc… Le
rôle du médecin n’est pas de se prononcer sur la normalité ou non de ce mélange mais de
déterminer si cette manière de réagir aide le patient ou non à affronter la situation.
De manière beaucoup plus globale, on peut distinguer 3 étapes dans la maladie :
ƒ
ƒ
ƒ
Reconnaissance de la menace et prise de conscience qu’on peut mourir d’une maladie :
cette étape engendre des réactions d’une grande intensité, conformes aux réactions
habituelles face au stress (5 phases citées précédemment). Ces réactions sont le reflet de
la personnalité du patient et ne peuvent pas être changées. On peut néanmoins en
diminuer l’intensité en accompagnant le patient.
Etape chronique : le patient fait l’expérience de la maladie, prend conscience qu’il va
mourir de telle ou telle maladie, mais le moment n’est pas encore venu. On observe une
résolution des éléments des premières réactions ainsi qu’une diminution de leur intensité.
Une dépression apparaît très souvent au cours de cette période.
Acceptation de sa mort : cette étape finale est utile mais n’est pas une condition sine qua
non de l’acte d’affronter « correctement » sa propre mort.
Les soignants doivent connaîtrent cette dynamique car, à chaque étape intermédiaire, ils ont
tendance à développer des contre-attitudes qui peuvent freiner l’évolution psychologique du
malade et fortement interférer avec l’efficacité du traitement. La dynamique d’acceptation d’une
maladie est un parcours psychologique, un parcours du combattant, qui illustre la résistance de
tout individu à accepter la perte d’un élément important auquel il était intimement lié : sa vie. Le
rôle du médecin et des soignants est très important dans l’évolution psychologique du malade et
la connaissance de ces divers mécanismes de défense est essentielle pour adapter le
comportement médical à l’exigence de la situation.
Gwénola GRIMAULT
De l’information à l’annonce
77/118
Décembre 06
3.3.3
STRATÉGIES D’ADAPTATION
Il est également utile d’avoir une connaissance des stratégies d’adaptation généralement
utilisées par les patients contraints de coexister avec une affection chronique et / ou grave.
Effectivement, une maladie chronique impose au malade de développer des stratégies
d’adaptation, encore appelées « coping process » (LAZARUS et FOLKMAN, 1984), qui
impliquent un choix entre le rejet (vivre contre), l’aliénation (vivre pour) ou la prise en compte
(vivre avec). Ce concept de « coping » concerne les efforts cognitifs et comportementaux dont
l’objectif est de maîtriser, réduire ou tolérer les exigences qui menacent ou dépassent les
ressources d’un individu.
Deux types de stratégies sont couramment observés : la stratégie d’ajustement centrée sur
l’émotion et la stratégie d’ajustement centrée sur la résolution du problème. La première est
destinée à réduire la tension émotionnelle lorsque la situation ne peut être modifiée ou n’est pas
maîtrisable. La seconde implique la confrontation du problème et la recherche de sa résolution.
L’expérience montre que chaque patient utilise de façon préférentielle l’une des deux stratégies
d’ajustement. Qualitativement, les stratégies d’adaptation peuvent faire appel à :
ƒ
ƒ
ƒ
ƒ
ƒ
la recherche d’information qui rend la maladie plus familière et moins inquiétante,
l’organisation de l’action avec planification de conduites ajustées aux difficultés
attendues,
l’inhibition de l’action, la sauvegarde de la qualité de la vie à court terme, avec
cependant un risque de limitation des projets et investissements, source de réaction
dépressive,
le support social par recherche d’une proximité relationnelle et sociale
les processus psychiques des mécanismes de défense pré-cités.
Au cours de la maladie, la qualité du devenir psychique dépend des capacités de mises en jeu des
stratégies d’ajustement et de leur degré d’adaptation à la réalité, ainsi que de la capacité de
mobilisation de mécanismes de défense efficaces.
3.4 LE NON-DIT
3.4.1
QU’EST-CE QUE LE NON-DIT ?
Le patient entouré, aidé plus ou moins adroitement par ses proches, amorce une longue traversée.
Parmi les processus de défense que le patient doit mettre en place pour traverser l’angoisse de
l’annonce et de ses représentations associées, la fiction et le non-dit figurent en bonne place
parmi d’autres. En effet, lors de l’annonce d’une mauvaise nouvelle, il y a une part irréductible,
un reste que le magistrat ne peut appréhender et que le Code de déontologie évoque sans le
citer : l’imaginaire du patient, ses défenses, ses angoisses, « sa culpabilité enfouie, la terreur de
la faute… »59, tout ce qui brouille son écoute et s’impose à lui quand le médecin lui parle de son
corps. Car il n’y a, quoiqu’il en soit, pas de commune mesure entre le dit et l’entendu. Quand
l’angoisse et les fantasmes de la mort sont présents, quand la parole est insoutenable, le mystère,
l’illusion et le non-dit constituent un espace de liberté indispensable. Une part d’illusion est
toujours nécessaire. Quand bien même l’illusion s’estompe et se retire au fil des symptômes qui
s’ajoutent et des rencontres qui en disent plus, le rythme du patient doit être respecté, faute de
quoi il ne peut entendre (BLET, 2002).
59
Lacan J. cité par Deschamps, op. cité.
Gwénola GRIMAULT
De l’information à l’annonce
78/118
Décembre 06
3.4.2
LES LIEUX DU NON-DIT
Les processus de défense décrits par E. Kübler-Ross s’organisent autour des productions de
l’imaginaire et de la pensée magique, comme par exemple le pouvoir de rédemption acquis par la
négociation. Le processus de non-dit est d’autant plus intéressant à considérer qu’il n’est pas le
fait exclusif du médecin qui s’efforce de concilier la loi et la subjectivité du patient telle qu’il se
la représente, mais qu’il advient aussi comme réponse du malade et de sa famille après qu’une
information « juridiquement correcte » lui ait été délivrée ou qu’un diagnostic péjoratif lui ait été
révélé.
Avant la réforme de l’information et surtout avant l’arrêt Hédreul, le médecin évitait de parler de
cancer. Il en taisait le nom comme une marque de soumission et de respect. Il y avait dans le
cancer une incarnation du mal. On y voyait le diabolique et le mot était gardé secret. Le médecin
parlait d’un kyste, d’une inflammation, parfois d’une tumeur, il y avait quelques cellules
cancéreuses, rien de grave que le traitement ne saurait éradiquer. On minimisait l’affaire, c’était
une petite tumeur avec un petit traitement, de simples perfusions. On ne parlait pas de
chimiothérapie mais de thérapie. Ce n’était pas grave, tout juste une petite tache sur le poumon.
Les analyses étaient normales et l’on cachait la radiographie. Le non-dit était la règle, la parole
du médecin était son lieu. Le système reposait sur un paternalisme ancien : le patient-enfant
confiait son corps, le médecin-père faisait le reste. Le non-dit était une non-information et le
discours se voulait rassurant jusqu’au mensonge. Le médecin se berçait dans l’illusion d’une
confiance aveugle. C’était l’époque d’un consentement aveugle mais confiant.
Depuis la réforme du Code de déontologie et surtout depuis 1997, le médecin informe, au sens
juridique du terme. Il révèle au patient tout ce qu’il est supposé pouvoir entendre (art. 35 et 36
du Code de déontologie). Certes, le médecin préserve, et en toute légalité, une part de non-dit,
telle que la gravité de la maladie, le pronostic, le pourcentage de réussite thérapeutique… Mais,
si la forme traditionnelle et le Code de déontologie (1995) prêtaient le droit au médecin de taire
certains éléments du diagnostic, la jurisprudence (1997) lui impose désormais de remettre au
patient un maximum d’informations. La jurisprudence a inversé les rôles et désigne le malade
pour esquiver ce qu’il ne peut entendre. La dyade médecin-patient est modifiée dans ses
rapports à la parole. Le lieu du non-dit se déplace et nous l’entendons à présent, sous le couvert
des mots, dans la bouche des patients. Ils parlent de leur cancer mais en termes détournés, par
métonymie…C’est désormais au patient et non plus au médecin qu’il revient d’être le lieu du
non-dit (BLET, 2002).
Gwénola GRIMAULT
De l’information à l’annonce
79/118
Décembre 06
3.4.3
LES BÉNÉFICES PROCURÉS PAR LE NON-DIT
Si le non-dit est utilisé par les patients auxquels on annonce une maladie grave voire même une
mort proche et irrémédiable, c’est que dans ces cas la vérité médicale importe peu. Elle
encombrerait la scène des derniers jours. En faisant usage du non-dit, le patient peut encore
couler quelques jours heureux. Le silence protège le malade de l’insoutenable, comme il protège
l’innocent d’une erreur judiciaire. La vérité, que la bienséance recherche et tente d’annoncer,
n’intéresse donc pas nécessairement le patient. En choisissant d’employer le mot « kyste » au
lieu de celui de « cancer » alors qu’il a parfaitement reçu et compris l’information, le patient
s’autorise à vivre et à se projeter encore dans l’avenir. Un mot substitué, un signifiant pour un
autre. Le kyste opère un compromis et permet, par un effet de langage, de réconcilier deux
logiques diamétralement opposées, une logique de guérison et celle d’une mort éventuelle, en
une seule et même trajectoire. En gardant secret le diagnostic funèbre, le patient se met ainsi à
l’abri de l’impossibilité de vivre ou d’organiser la vie à proximité de la mort. Ainsi, le non-dit
apparaît comme une condition nécessaire à la vie d’un patient affecté d’une maladie grave
(BLET, 2002).
Le non-dit et le secret sont également le garant de la parole d’après les psychanalystes. En effet,
au moment où le diagnostic est révélé, où « le savoir est Savoir de l’Autre sur soi-même »
(BLET, 2002), les représentations du sujet et les perceptions de son corps ne s’articulent pas
nécessairement avec les paroles entendues. L’écart se creuse encore davantage lorsque
l’information est inquiétante, quand sont prononcés les mots « cancer », « amputation »,
« chimiothérapie », perte de cheveux, arrêt de travail prolongé… auxquels viennent s’associer
les représentations du patient. La réalité peut être insupportable, inaudible. Le patient ne l’entend
pas : « Il ne m’a rien dit ». Il faut du temps pour que la vérité prenne corps. Il faut parfois
attendre les complications, les effets secondaires des traitements pour que le sujet prenne
conscience de la gravité de sa maladie. La totalité de l’information est dérisoire face aux
processus de défense qui en occultent les premières bribes. Le patient ne peut et ne veut entendre
ce que le médecin s’efforce de lui dire. Il faut lui accorder ce droit au silence et au non-dit afin
que la relation thérapeutique puisse survivre à cette annonce et continuer d’exister au-delà de
cette dernière. Il faut que la confiance soit préservée entre les deux protagonistes, pour que la
parole et le dialogue soient à nouveau possibles. L’heure de l’information du médecin n’est pas
forcément celle du patient. Le moment de l’annonce peut, en effet, faire l’objet d’un conflit de
temporalité, source d’une grande violence pour le patient qui se sent contraint à cette information
qu’il n’est pas encore prêt à recevoir et à digérer. Savoir avancer au rythme du patient, c’est se
donner ensuite la possibilité de l’accompagner pendant, mais surtout après l’annonce de la
maladie, c’est faire en sorte que l’annonce ne soit pas synonyme de rupture et de fin, mais plutôt
le commencement d’une relation sincère d’accompagnement.
Gwénola GRIMAULT
De l’information à l’annonce
80/118
Décembre 06
3.5 NOTION DE VÉRITÉ
3.5.1
« DIRE OU NE PAS DIRE » EST-IL ENCORE D’ACTUALITÉ ?
Faut-il dire la vérité au malade ? Cette question, qui était il y a encore très peu d’années l’enjeu
des débats, pourrait sembler aujourd’hui dépassée, voire même « déplacée ». Après la
revendication des patients d’être mieux informés et les lois qui en ont découlé, le corps médical a
abandonné le paternalisme pour répondre au « mouvement d’émancipation des individus et au
respect de leur autonomie », reléguant ainsi la question de la vérité au rayon des antiquités.
Terminé la réflexion sur le « faut-il ? », qui interminablement faisait rediscuter du
« pourquoi ? ». Nous en serions dorénavant au « comment ? ».Comment dire cette vérité ? La
dire « loyalement », « clairement » et de manière « appropriée » nous répond la loi du 4 mars
2002. Cependant, l’article 35 du Code de déontologie semble laisser encore une place à la
question du « faut-il ? », puisqu’il annonce que le malade peut, dans son intérêt, « être tenu dans
l’ignorance du diagnostic ». Pris entre l’exigence générale du devoir d’information et la
délicatesse de son application dans chaque cas singulier, comment le praticien peut-il se situer ?
Nous pourrions partir de ce qui dans ce débat semblait jadis faire chez les médecins l’unanimité.
C’est à dire de la réponse que nous pouvions tous faire à cette question préliminaire du « fautil ? » et du « pourquoi ? ». A ceci, une même réponse, une identique préoccupation était
formulée par chaque professionnel : pour « l’utilité du malade ». Le problème évidemment est
qu’il est fort difficile parfois de savoir où se situe cette « utilité ». Si la nécessité d’une
information ne fait pas de doute dans les cas où les difficultés émotionnelles qu’elle peut susciter
sont largement compensées par l’efficacité d’un traitement, la question reste posée quand une
évolution favorable ne peut médicalement être envisagée. Qu’est-ce qui, en effet, peut m’assurer
de ce que telle ou telle personne va faire de l’annonce de cette « vérité », et qu’est-ce qui me
permet de savoir comment elle va réagir à son masquage ? Il est alors très facile pour le praticien
de céder à la tentation et d’enrober son discours d’euphémisme, voire même de respecter le
souhait de la famille de ne rien révéler au patient, lorsqu’il s’agit d’une annonce diagnostique ou
pronostique inscrivant le sujet dans un temps de vie limité. On parle alors de conspiration du
silence, de situation de collusion où le patient est exclu de l’information (REICH et
MEKAOUI, 2003).
3.5.2
SITUATIONS DE COLLUSION
On appelle collusion les situations où l’un des membres d’un système est tenu, activement ou
passivement, à l’écart d’une information diagnostique ou pronostique. Synonyme de rupture de
la communication, la collusion correspond à un mécanisme d’adaptation pathologique, le motif
le plus fréquemment invoqué étant la protection d’un tiers. Effectivement, l’entourage d’un
individu gravement malade craint parfois la réaction de celui-ci à une pénible vérité. La
collusion lui paraît alors être une alternative au problème de l’annonce d’une mauvaise nouvelle.
Elle traduit le plus souvent un évitement de ce problème. Beaucoup plus rarement, elle peut être
assimilable à une dénégation ou à un déni, par l’entourage, de la gravité de la maladie. Il s’agit
de deux mécanismes protecteurs mis en place face à une réalité jugée trop dure à accepter. Le
déni, comme nous l’avons déjà dit, représente un mécanisme de défense psychologique
inconscient qui tend à minimiser ou à annuler une partie ou la totalité de la réalité ou de ses
significations jugées trop menaçantes pour l’individu. La dénégation représente, quant à elle, un
mécanisme conscient où le sujet choisi délibérément de ne pas penser à une situation menaçante
pour lui. Il refuse d’assimiler une information fâcheuse. La collusion peut également être une
Gwénola GRIMAULT
De l’information à l’annonce
81/118
Décembre 06
tentative pour reprendre le contrôle perdu. En effet, l’entourage est mis en défaut par la maladie
grave. Il a le sentiment de perdre le contrôle et de faillir à ses devoirs de protection. La collusion
lui permet de reprendre ce contrôle et d’essayer de protéger à nouveau ses proches.
Les situations de collusion sont problématiques car elles sont souvent génératrices de
souffrances psychologiques, tant pour le sujet au centre de la collusion, que pour ceux qui
interviennent autour. Génératrices d’incompréhension et de solitude immense, elles interviennent
comme une privation relationnelle pour le patient concerné, comme en témoigne Arthur
RIMBAUD dans sa correspondance avec sa sœur (PENEL et al., 2001). En effet, Rimbaud fait
l’objet d’un complot du silence alors qu’il est atteint d’un ostéosarcome métastatique du genou
droit qui le fera décéder en novembre1891. Condamné au silence, le patient n’a aucun recours
pour apaiser ses peurs et son angoisse. Il se retrouve confronté à un profond isolement, source
d’une détresse majeure (CHASTAING, 1998). Les soignants peuvent également se trouver
mêlés à cette conspiration du silence et exprimer, eux aussi, un vécu douloureux face à cette
situation.
L’instauration d’une collusion intervient comme mécanisme de défense psychique pour protéger
le malade, mais elle traduit également l’embarras des médecins et la peur de l’entourage.
Mécanisme d’identification projective de la part de la famille afin de contrecarrer sa propre
angoisse (« si j’étais à sa place, je ne supporterai pas qu’on me le dise »), la collusion fait la part
belle au silence, aux non-dits et aux mensonges. Elle façonne des attitudes de façade où personne
n’est dupe et où l’angoisse parasite en permanence les relations. Dans la mesure du possible, il
est conseillé de rompre cette situation de collusion, si souvent délétère à la fois pour le patient et
son entourage. Toutefois, cela ne doit pas se faire de manière brutale. Il faut tout d’abord amener
la famille à reconnaître l’existence d’une collusion au sein du système familial et tenter de
dégager les raisons de son instauration. Il faut ensuite déterminer, à l’aide de l’entourage, le coût
émotionnel de cette collusion. Enfin, il faut évaluer auprès du patient son désir de connaître ou
non sa situation médicale et, si c’est le cas, en informer ses proches afin de rétablir entre les
différents membres de la famille un dialogue permettent l’expression des préoccupations
communes de chacun.
Un point reste essentiel et capital : le respect des défenses psychiques de l’individu. En effet, si
celui-ci met en place un mécanisme de défense puissant tel que le déni, il ne servira à rien de
vouloir rompre à tout prix la collusion car, par son attitude, le patient signifiera qu’il ne souhaite
pas être mis au courant de sa situation médicale. Cette collusion lui sera alors bénéfique.
Certains signes précoces ainsi que certaines caractéristiques du fonctionnement familial du
patient doivent alerter le praticien car ils sont prédictifs de l’instauration d’une collusion :
ƒ aspect fusionnel des relations patient-famille avec attitude protectrice des proches,
ƒ patient infantilisé par une famille au comportement maternant,
ƒ -antécédents de situations de souffrance chez la famille (traumatismes, deuils…) et
adoption d’attitudes d’évitement face à la réalité de la maladie,
ƒ famille où prédomine une pauvreté du dialogue, un faible partage des ressentis (tendance
à la répression des émotions et des sentiments),
ƒ présence de manifestations de détresse psychologique chez la famille : tristesse,
culpabilité, épuisement, angoisse…,
ƒ adoption de réassurance excessive,
ƒ tentative d’entraver systématiquement l’expression du patient concernant ses
préoccupations et ses peurs.
Gwénola GRIMAULT
De l’information à l’annonce
82/118
Décembre 06
L’importance de préserver une bonne communication entre le soignant et son patient est
primordiale et n’est pas sans incidence sur la qualité de vie et l’adaptation psychologique du
malade. La transparence, la libre circulation des informations et leur partage entre le patient, le
ou les membres de la famille désignés et le médecin représentent des garants du maintien d’une
communication de qualité. C’est à ce prix que l’on pourra éviter l’instauration d’une situation de
collusion.
3.5.3
POUR QUELLES RAISONS DIRE LA VÉRITÉ ?
Les effets désastreux des situations de collusion montrent bien que le dialogue est préférable au
silence. Il arrive, en effet, que le doute sur un état pathologique soit plus douloureux à vivre que
la confrontation avec un mal qui se nomme et entraîne une réponse structurée, encadrée par un
protocole, rassurante en ceci qu’elle semble chasser l’ambiguïté. L’ennemi est clairement
identifié, il s’agit d’un cancer, d’une maladie d’Alzheimer, d’un diabète, d’une tumeur du
cerveau… Certes, il s’agit d’une maladie sérieuse, mais le patient sait contre quoi il va devoir se
battre. Cela lui est absolument nécessaire pour plusieurs raisons. Dans un premier temps, le
patient peut avoir à mettre en ordre sa vie personnelle, professionnelle, son patrimoine. En effet,
une personne gravement malade peut être soutient de famille, être la seule source de revenus. Sa
famille subsiste alors péniblement grâce aux prestations de la Sécurité Sociale depuis le début de
la maladie. Mais que va-t-il advenir des siens si elle meurt ? Que signifie cette dépendance
financière totale des siens par rapport à elle ? S’est-elle suffisamment assurée sur la vie ? S’estelle même assurée ? Qui paiera ses obsèques ? En définitive, a-t-elle le droit d’être dans l’état où
elle se trouve ? A-t-elle le droit de mourir ? Ces questions matérielles, même si elles font l’objet
d’un non-dit et de honte, sont éminemment importantes à l’approche de la mort (CHAGNON,
2005). La seconde raison est d’ordre épidémiologique et tient au risque de propagation d’une
maladie infectieuse grave et contagieuse, telle l’infection à VIH. Mais, plus encore que tout cela,
on trouve la nécessité d’obtenir une pleine coopération lorsqu’il va falloir livrer bataille et
s’engager dans le chemin des examens complémentaires et des lourds traitements. Comment
omettre le mot « cancer » quand on va parler ensuite de chimiothérapie, de radiothérapie, de
consultation d’oncologie ou, plus explicitement, de centre anti-cancer ? En privant le sujet
d’informations sur sa maladie, on le dépossède de sa capacité à être pleinement acteur de sa vie.
Les choix et décisions de celui-ci concernant les propositions thérapeutiques perdent alors toute
leur validité, et soulèvent des questions éthiques en rapport avec l’authenticité du consentement
éclairé. Effectivement, dire la vérité, c’est vouloir éclairer les choix du patient pour qu’il soit en
mesure de décider librement de l’orientation de sa vie. C’est donc respecter le principe
d’autonomie, la liberté du patient. Ceci ne signifie pas abandonner le patient à son sort comme
dans le modèle libertaire (CHASTAING, 1998). En effet, dans ce modèle-type de relation
médecin-malade, le patient a une entière liberté de choix, de décision. Le médecin se confine
dans un rôle purement technique et présente au patient un maximum d’informations parmi
lesquelles il devra « librement » choisir. La décision médicale est alors dévolue au patient seul.
Bien au contraire, nous parlons ici d’un échange, comme dans le modèle participatif. Dans ce
modèle-type, le médecin et le malade établissent un véritable dialogue, un véritable partage. Le
médecin s’appuie sur ses connaissances, son expérience et l’objectivité de son évaluation pour
fournir un avis justifié. Le malade, lui, soutient une position basée sur l’évaluation de sa
situation personnelle. Cela sous-tend, bien entendu, que la maladie, la souffrance physique et
psychique n’altèrent pas les capacités de réflexion et de décision du patient qui module le poids
de la décision médicale.
Gwénola GRIMAULT
De l’information à l’annonce
83/118
Décembre 06
Cette notion de coopération, d’échange semble capitale à saisir, d’autant plus qu’elle concourre à
l’instauration d’un climat de confiance indispensable lors de l’annonce d’une mauvaise nouvelle
puis, par la suite, lors de la prise de décisions médicales partagées. En effet, l’annonce d’une
mauvaise nouvelle, qui représente également souvent pour le malade son entrée dans la maladie,
modèle de façon déterminante son vécu. Ainsi, lorsque l’annonce a été brutale, le patient vit tout
contact futur avec son médecin, mais aussi parfois avec toute l’institution médicale, comme une
atteinte à son intégrité. L’annonce peut être perçue comme un véritable traumatisme que le
patient ne parvient pas à dépasser et qui se répète tout au long de la maladie. Il paraît donc
essentiel que l’étape de l’annonce soit la plus « réussie » possible, à la fois pour le médecin, pour
le patient et pour la relation de confiance qui se fonde entre ces deux protagonistes. Et puis, que
se passerait-il si le patient s’apercevait qu’on lui a menti ou qu’on lui a dissimulé volontairement
au moins une partie de la vérité ? Le risque existe d’une perte de confiance définitive vis à vis de
toute future déclaration d’importance de la part des soignants. Même si de telles situations
peuvent se rattraper, on entre dans la spirale des contrevérités et des mensonges, mauvaises
fondations d’une relation médecin-malade qui ne pourra être que de médiocre qualité.
Enfin, si cette annonce est aussi importante, c’est aussi parce que dire, c’est reconnaître l’autre,
reconnaître son existence. Ainsi, le patient, face à cette annonce qui remet en cause ses projets et
qui le confronte directement à la mort et à ses angoisses les plus profondes, est reconnu en tant
qu’être vivant et pensant, capable de se prendre en charge en collaboration avec un spécialiste de
la santé. En lui disant ainsi la vérité, le médecin lui fait confiance et lui permet de mettre en
place ses propres mécanismes de défense. Il lui permet de reprendre, à minima, le contrôle d’une
situation qui lui échappe, et de participer pleinement à la prise en charge médicale, à sa propre
prise en charge (REICH et al., 2001). En outre, poser LE diagnostique permet au patient de
donner un sens à sa maladie, de l’intégrer à son histoire. Effectivement, l’annonce permet au
patient de mettre des mots sur le processus dévastateur, sur l’envahissement que constitue la
maladie. Elle lui permet de donner une place à cette maladie sans qu’elle obture tout l’espace
psychique du sujet. Elle rend ainsi possible un avenir. L’attribution de sens semble donc un
processus capital pour vivre (avec) la maladie (REICH et al., 2001). Néanmoins, il faut réfléchir
à une question essentielle : qu’est-ce que la vérité pour un être humain en situation de soins ?
Gwénola GRIMAULT
De l’information à l’annonce
84/118
Décembre 06
3.5.4
LA VÉRITÉ DU PATIENT
Dire la vérité au malade, c’est donner les informations nécessaires pour lui permettre de faire un
choix éclairé relatif à sa vie. Comme nous l’avons déjà dit, ceci fait référence à la maladie, son
évolution, son traitement médical, mais aussi à l’administration de ses biens, à ses relations
humaines, ses croyances… Cela n’implique pas connaître tous les détails de l’évolution de la
maladie, ni les statistiques sur les cas similaires, encore moins la durée exacte de la survie, le
pronostic. Vérité veut dire confiance, absence de mensonge, mais ne signifie pas limpidité. Il
serait plus judicieux de parler d’ambiance de vérité plus que de vérité. On ne parle pas ici de la
vérité du médecin, encore moins de celle de la médecine. Il ne s’agit pas non plus de la vérité
d’une maladie. Il ne faut pas réduire la vérité à la vérité d’un diagnostic car réduire la vérité au
diagnostic, c’est réduire le malade à sa maladie. La vérité est bien plus complexe que la
révélation d’un diagnostic. Dire la vérité au patient, c’est être disponible et capable de répondre
véritablement à sa demande. Or, les questions et demandes du malade peuvent être multiples et
porter sur : la maladie, les traitements, leurs répercussions, ses conditions de vie, ses propres
réactions, l’attitude des soignants, la possibilité de trouver un sens à la vie qui lui reste, le
devenir de ses proches, etc… Alors de quelle vérité s’agit-il si ce n’est pas celle de la médecine,
ni du médecin, ni encore celle de la maladie ? On peut dire que c’est la vérité du malade.
L’homme, et en particulier l’homme malade qui nous occupe ici, est porteur et détenteur de sa
vérité. « La vérité de l’annonce médicale ne fait que rencontrer et accentuer la connaissance
intime du malade » (CHASTAING, 1998). Nous devons être préoccupés en permanence par
l’intérêt du malade et cet aspect des choses prime sur la révélation d’une vérité. Quel est l’intérêt
du malade et quel est finalement son véritable désir ? Afin de le comprendre, il faut que le
médecin apprenne à se taire et à écouter son patient, parfois même aider ce patient à parler. Ce
n’est qu’à ce prix que le professionnel de santé parviendra à redonner une place à la « vérité du
patient ». Cependant, il ne faut pas perdre de vue que la question de la vérité n’est jamais réglée
une fois pour toutes. Si la vérité pour un être humain en situation de soins est l’expression de la
réalité de ce qu’il est et de la condition dans laquelle il se trouve, cette vérité évoluera au cours
de la maladie puisque la réalité et les questions changeront. La vérité n’est ainsi pas la même à
tous les moment de la maladie.
Gwénola GRIMAULT
De l’information à l’annonce
85/118
Décembre 06
3.6 RÉPERCUSSIONS DE L’ANNONCE SUR LE MÉDECIN ET
MÉCANISMES DE DÉFENSE DES SOIGNANTS
L’annonce d’une mauvaise nouvelle, et notamment d’une maladie potentiellement mortelle, n’est
pas chose simple pour le médecin. Il faut bien convenir que cette partie, non strictement
technique de la relation avec le patient, est laissée pour une bonne part à l’initiative de chacun, à
sa sensibilité propre. Elle a certes pu être avivée par la rencontre, au hasard du cursus de
formation, avec un senior chaleureux et charismatique. Mais il y a bien peu d’encadrement au
cours de notre formation médicale concernant cette partie de la relation médecin-malade. Tout
dépend alors de notre facilité à communiquer, de notre aptitude à écouter, de notre sensibilité
propre et, plus encore, de notre intérêt pour ce sujet si délicat. C’est ce même intérêt qui nous
incitera à nous interroger et nous aidera ainsi à aborder le problème de la façon la plus juste et
ainsi à moins en souffrir.
L’annonce d’une mauvaise nouvelle n’est pas chose aisée, nous l’avons déjà dit, et ce d’autant
plus que le diagnostic peut parfois devenir iatrogène. On annonce à une personne qu’elle est
atteinte d’une maladie engageant sérieusement son pronostic vital, qu’elle devra subir divers
traitements alors même qu’elle ne se sent parfois pas malade. C’est ainsi le cas en ce qui
concerne le cancer, pour ne prendre qu’un exemple, où l’individu peut porter en lui la maladie
sans que cette dernière ne se manifeste par des symptômes visibles. Le patient apporte en effet à
son médecin diverses plaintes mais ce ne sont que des petites gênes variées, des douleurs, il n’y a
pas encore, « officiellement », de maladie. Le médecin intervient alors comme l’ambassadeur de
la réalité médicale, légitimant cette maladie. En la nommant, le médecin « crée » la maladie.
Celle-ci ne sera identifiée, légitimée, authentifiée qu’au moment où le médecin dira : « Vous
souffrez de telle ou telle pathologie ». L’annonce d’un diagnostic de cancer met donc à la fois le
médecin et le patient dans une situation paradoxale, le patient qui se sent en bonne santé et qui
pourtant entre dans la maladie, et le médecin qui, par cette annonce, fait du mal à son patient
alors que sa fonction première est de soigner et de soulager les souffrances. Le médecin se sent
comme l’oiseau de mauvaise augure, le messager du malheur, celui qui annonce ce qui, le
plus souvent, est vécu comme le verdict de la mort, alors que sa vocation est d’améliorer ou
de préserver l’état de santé de ses patients. Ces situations peuvent faire naître un sentiment
d’impuissance, de frustration, voire même de culpabilité chez le soignant. Les patients, quant à
eux, attribuent au médecin le rôle de celui qui peut dire la vie et la mort, celui qui enlève tout
espoir. L’être humain a en effet la fâcheuse tendance, dans ces circonstances, de tenir le
messager pour responsable des mauvaises nouvelles qu’il porte (GRIMALDI et COSSERAT,
2004). Revenons rapidement sur la mythologie avec l’histoire de Mercure, courrier des dieux,
doté du caducée devenu l’emblème des médecins. Le mot caducée vient d’un terme grec qui
signifie : « emblème du héros ». Néanmoins, le messager n’est pas seulement porteur de bonnes
nouvelles, d’où la difficulté de son rôle et l’ambiguïté du regard que l’on porte sur lui. Le
médecin devient souvent l’annonceur de mauvaises nouvelles et cela va transformer à jamais sa
relation avec le malade mais aussi avec lui-même, car, dans un premier temps, il est souvent
entendu comme l’annonceur de la mort. On peut y voir ici encore une référence à la mythologie
où le messager des dieux, porteur du caducée, était aussi l’accompagnateur des âmes vers les
destinées de l’après-vie. Il faut cependant garder à l’esprit que le médecin n’est pas l’auteur du
messager mais ne fait que le véhiculer. Or, tout se passe comme si l’homme (soit le patient), se
trouvant aux prises avec ce problème difficile qu’est la maladie, avait besoin de le personnifier,
surtout pour pouvoir diriger sa colère et son indignation contre quelqu’un de concret, souvent
celui qui annonce la nouvelle, à savoir le médecin (CHICAUD, 1998). Dans cette situation si
délicate, on comprend bien qu’annoncer un tournant grave dans l’évolution de sa santé, à un
Gwénola GRIMAULT
De l’information à l’annonce
86/118
Décembre 06
patient avec qui le médecin a pu nouer des liens d’estime ou d’amitié, n’est pas un sommet dans
les gratifications de sa vie professionnelle. Le fait, pour un médecin, d’annoncer à son patient un
diagnostic de maladie chronique ou grave engageant le pronostic vital n’est pas d’une si grande
banalité car, afin de trouver les mots pour annoncer, le médecin devra savoir gérer sa propre
angoisse, ses propres images de la maladie, sa propre histoire et son propre narcissisme
(GRIMALDI et COSSERAT, 2004).
Effectivement, si l’annonce d’une mauvaise nouvelle pose tant de problèmes, c’est également
parce qu’elle nous renvoie nous, médecins, à nos propres représentations. En effet, si nous
décidons d’annoncer ou non une mauvaise nouvelle à tel patient, c’est dans « son intérêt ». Mais
comment être assuré qu’il ne s’agisse pas d’une position intime, d’a priori qui sont ainsi
défendus ? Il ne s’agit pas ici de l’intérêt du patient en soi, mais de l’idée que nous nous en
faisons. Autrement dit de nos représentations, avec ce qu’elles doivent aux mécanismes de
projection et d’identification qui tous nous habitent (EVEN, 2000). Il faut garder en tête que les
propres projections du médecin sont en jeu au moment et autour de l’annonce, et vont intervenir
dans la démarche qu’il va adopter. Or le phénomène projectif peut amener tout soignant à
méconnaître ou effacer, de par son intensité, la position et l’avis du soigné. Il faut donc s’en
méfier.
Ainsi, le médecin, et plus généralement l’ensemble du personnel soignant, est en proie à toute
une série d’émotions au moment de l’annonce, puisqu’il est lui aussi confronté à la mort, mort du
patient qui le renvoie à sa propre finitude. Il met donc légitimement en place ses propres
mécanismes de défense. Il existe des mécanismes de défense auxquels ont fréquemment recours
les médecins (RUSZNIEWSKI, 2004) :
► Le mensonge :
Il s’agit du mécanisme le plus radical devant l’angoisse du médecin à l’occasion de la révélation
de la gravité de la maladie au patient. Mécanisme d’urgence et d’efficacité primaire, il permet de
figer le temps en annihilant toute possibilité de dialogue ou de questionnement. Il entrave
également tout mécanisme de défense nécessaire à l’adaptation pour le malade. C’est donc le
mécanisme de défense le plus dommageable pour ce dernier. Il ne faut pas confondre le
mensonge avec le « mensonge par omission » qui est une distillation graduelle des faits au
rythme du malade lui permettant ainsi d’intégrer progressivement le diagnostic d’une maladie
grave. Dans ce cas de figure, les réponses du médecin s’ajustent aux questions du patient qui
évolueront à son rythme.
Ex : -Vous avez les résultats de ma biopsie du sein ?
-Oui, nous les avons reçu ce matin.
-Alors ?
-Ils indiquent que ce que vous avez nécessite rapidement un traitement.
-Bon…je vois…on commence quand ?
-Le temps que vous vous organisiez : disons une journée. Pouvez-vous venir aprèsdemain ?
Gwénola GRIMAULT
De l’information à l’annonce
87/118
Décembre 06
► La fuite en avant :
Le soignant, soumis à une angoisse imminente, ne peut plus trouver une solution d’attente. Il se
libère alors de son fardeau trop lourd, se délivre de son angoisse, de tout son savoir. Cette
réaction est souvent déclenchée par une question déroutante du malade, question qui provoque
d’abord une sidération chez le médecin, puis entraîne une libération de la vérité crue.
Ex : -Docteur, pensez-vous que je doive me soumettre à une nouvelle cure de chimiothérapie ?
-Non…je ne crois pas que cela en vaille le peine…
Ce mécanisme de défense du soignant entraîne une sidération du malade qui majore son angoisse
et annihile tout combat contre sa maladie. Le médecin semble, symboliquement, avoir donné la
mort à son malade. Ce dernier est alors privé de cet espoir nécessaire à contrecarrer l’angoisse
pour se battre et espérer.
► La rationalisation :
Par ce mécanisme, le médecin tente de pallier son dénuement en tenant un discours hermétique
et incompréhensible pour le malade. Ce faisant, il instaure un dialogue sans échange en offrant
aux questions des malades des réponses toujours plus obscures. Ceci engendre une rupture de
communication avec le malade créant un vide, source d’angoisse.
Ex : La malade, allongée dans son lit devant le chef de service, le chirurgien, l’interne et le
chimiothérapeute :
-Vous avez un cancer de l’utérus de 9cm de diamètre qui envahit le petit bassin…Il s’agit
d’une infiltration des annexes par contiguïté loco-régionale, due à une expansion néoplasique
aux organes voisins avec de probables adénopathies pelviennes profondes…
-C’est guérissable, les anomalies pelviennes ?
-On verra… Il faut d’abord faire un traitement par chimiothérapie et radiothérapie…
► L’évitement :
Il s’agit d’un comportement de fuite réelle ou déguisée que l’on peut observer lorsque le
soignant ne supporte pas une demande de présence et de sollicitude, un appel à l’écoute, une
requête de communication et de contact. La présence du patient est alors niée et la relation se
trouve ainsi privée de tout affect que le soignant estime ne pas être de son ressort. Cela revient à
traiter la maladie et non plus le malade. En traitant la maladie sans oser voir le malade, le
médecin se protège de la réalité de souffrance psychique et physique du patient. Ce dernier
devient une série de courbes, une pancarte de soin, ou pire encore, une expansion du processus
néoplasique aux organes voisins avec de probables adénopathies pelviennes profondes par
exemple… Toute relation personnelle, directe, chaleureuse et empathique est ainsi évitée : le
patient devient un dossier qui, tout en étant thérapeutiquement soigné le mieux du monde, n’a
plus le droit à la parole et ne peut plus soigné son mal par les mots (BUTOW et al., 2002).
Ex : Le soignant pénètre dans la chambre du malade sans un regard pour lui, il s’intéresse
aussitôt au dossier dans lequel il va se plonger sans jamais relever le regard vers le malade. Il
s’adresse aux étudiants pour s’informer des troubles du malade, de son appétit, devant un malade
parfaitement en mesure de répondre de lui même.
► Parler Médi-français :
Parler médi-français, c’est utiliser un registre verbal qui ne peut être compris par le patient, faire
de ce dernier un enfant qui ne peut pas comprendre ce que dise les grandes personnes. C’est
dialoguer sans dialoguer puisque l’on se sait incompris. C’est offrir au patient une vue détailler,
précise et technique totalement incompréhensible de la maladie, tout en gardant l’aura du sorcier
qui ne peut être compris mais qui doit être vénéré car lointain et détenteur d’un Savoir non
vulgaire. Plutôt que de se cacher du patient
Gwénola GRIMAULT
De l’information à l’annonce
88/118
Décembre 06
► La fausse réassurance :
Impuissant à contrôler sa propre angoisse et détenteur d’un savoir à propos d’une réalité
médicale que le malade commence à soupçonner, le médecin va optimiser les résultats médicaux
entretenant ainsi un espoir artificiel chez le malade. Il s’agit d’une échappatoire temporairement
efficace. Ce mécanisme maintient le décalage entre la réalité médicale et la progression de la
maturité psychique du malade, suspendant ainsi l’accès à une certitude inéluctable.
Ex : Le malade de 45 ans en phase terminale d’un cancer bronchique, alité depuis trois semaines,
très amaigri, atteint d’une forte dyspnée :
-Docteur, je suis traité depuis plus de 6 mois et pourtant je suis de plus en plus faible et
incapable du moindre effort…Dites-moi où j’en suis, il faut que je sache…
-Ne vous inquiétez donc pas tant…Vous avez bénéficié des meilleurs traitements et vous
ne devez pas être si pessimiste…Gardez le moral !
► L’esquive :
Le soignant se sent démuni face à la souffrance psychique. Il ne peut, de ce fait, entrer en
relation avec le malade avec lequel il reste en complet déphasage. Le soignant ne ment pas dans
ces circonstances, il ne dénigre pas la gravité de la situation dont le patient peut avoir
conscience, mais il reste en permanence hors sujet et hors de la réalité environnante, il dévie sans
cesse la conversation, fournit des réponses artificielles, sans rapport avec l’angoisse sousjacente. C’est parce que le médecin reconnaît sa propre souffrance dans celle de son patient qu’il
a recours à ce mécanisme de défense qui lui permet ainsi d’éluder, aussi longtemps que possible,
cette souffrance psychique qui lui fait peur. Ceci peut engendrer un grand sentiment de solitude
pour le malade.
Ex : La malade de 35 ans avec un cancer du sein métastasé :
-J’ai l’impression que les traitements ne sont plus efficaces, Docteur…J’ai peur…Que vont
devenir mes enfants ?
-Vous avez une fille et un garçon n’est-ce pas ? Je les ai vus hier dans le couloir…Ils sont
superbes ! Allez, reposez-vous, je repasserai vous voir demain matin…
► La dérision :
Lorsque les faux-fuyants se sont avérés sans efficacité et que le soignant est contraint à un
échange minimum, la dérision est un autre comportement de fuite et d’évitement qui désoriente
le malade. Cette non-reconnaissance d’une souffrance banalisée confine le patient dans
l’angoisse, le silence et un lourd sentiment de solitude tandis qu’elle entraîne de façon
concomitante une lassitude et un découragement chez le soignant.
Ex : La malade en phase terminale d’un cancer et atteinte d’œdèmes volumineux des jambes :
-Regardez mes pauvres jambes : c’est affreux, elles sont pleines d’eau !
L’infirmière :
-Allons, allons, ce n’est tout de même pas la mer à boire !
► La banalisation :
Il s’agit d’un mécanisme de distanciation par excellence. Le soignant reconnaît une certaine
vérité, mais est partiellement focalisé sur une seule partie du sujet en souffrance. Il traite une
maladie avant de traiter un malade car en privilégient la souffrance physique, le soignant occulte
la souffrance morale. Le soignant reste dans le geste médical ou de confort de base : réhydrater,
administrer un antalgique, offrir la visite d’un kinésithérapeute, etc… Cette situation est
intolérable pour le patient car il n’y a pas de rencontre vraie : le malade ne se sent pas entendu.
Ex : Immobilisé dans son lit, le malade ne cesse d’appuyer sur sa sonnette. Cette demande peut
être le signe d’un besoin : faim, soif, douleur. Mais comment interpréter l’attitude de celui qui
décline toute nourriture ou tout antalgique et qui ne cesse d’appuyer sur se sonnette ? Comment
Gwénola GRIMAULT
De l’information à l’annonce
89/118
Décembre 06
décrypter ce langage de refus lié toujours à une nouvelle plainte ? Comment l’empressement de
soignants à le soulager laisse en permanence le malade insatisfait ? Il ne s’agit plus d’une plainte
mais d’une complainte, celle de la souffrance no palpable.
► L’identification projective :
Ce mécanisme consiste à attribuer à l’autre certains traits de sa personnalité en lui prêtant ses
propres sentiments et réactions, pensées et émotions. Il existe alors une véritable symbiose avec
le malade qui permet au médecin de croire qu’il sait ce qui est bon pour lui. Pourtant, le soignant
partage, de façon illusoire, une souffrance inconnue qui ne sert qu’à se mettre à l’abri de la
souffrance du malade. Cette situation enferme le malade dans la certitude du partage de sa
souffrance qui le cantonne dans un non-dit d’incompréhension.
Ex : L’infirmière a une malade du même âge qu’elle, à laquelle elle s’est totalement identifiée…
-Allons, ne vous laissez pas aller ! Il faut que vous vous fassiez belle pour la visite de votre
mari ce soir. Et puis, plutôt que dormir, regardez donc la télévision…il faut vous tenir au courant
de ce qui se passe dans le monde, sinon de quoi pourrez-vous discuter avec vos visiteurs… !
► Transfert et contre-transfert :
Ce mécanisme, fondamental en psychanalyse, est constant en médecine. Des patients s’attachent
à leur médecin, voire le haïssent. Le plus souvent, ils attendent trop de lui : comment ne pas être
flatté par cette situation ? Comment résister et ne pas profiter ? Comment ne pas se sentir
puissant ? En fait, il semble que ces mécanismes de transfert, ou bien satisfassent le médecin
dans son orgueil, ou bien perturbe sa relation soignante : il n’est pas facile de contenter
quelqu’un qui attend tout de vous. Tous les soignants ont à composer avec le transfert, qu’ils le
veuillent ou non. L’intensité, la nature même du transfert dépendent de la personnalité du
patient, mais aussi de celle du médecin : il est plus habituel (et plus facile) d’analyser la
personnalité du patient que celle du médecin. Certains soignants sont chaleureux, amicaux : ils
peuvent aller jusqu’à une attitude fusionnelle avec leurs patients, au risque de s’y perdre.
D’autres apparaissent plus froids, plus distants : ils donnent l’impression d’être observateurs plus
qu’acteurs du soin. Ces diverses attitudes médicales constituent autant de modes de contretransfert.
Ces mécanismes, on le comprend mieux maintenant, peuvent rendre la communication non
fonctionnelle et le discours médical peut alors se colorer d’un langage technique. Tout se passe
comme si l’équipe médicale voulait et devait se protéger de ces questions existentielles qui la
touche et la perturbe. Le patient se voit « découpé », mis à l’écart d’un dialogue possible. On
résume sa maladie à un ensemble de problèmes techniques et scientifiques, et les questions
propres à l’humain paraissent mises à part. Les soignants semblent satisfaits car ils ont
l’impression de pouvoir travailler de façon plus neutre et plus objective. Néanmoins, cette
attitude tend à geler les interrogations du patient et à favoriser leur rejet. Elle amène également
les soignants à refouler ou méconnaître leurs propres inquiétudes. D’autres médecins utilisent,
afin d’éviter ces situations délicates, un langage métaphorique, des lieux communs ou même se
cantonnent au non verbal. Certains se contentent, voire s’enferment dans un discours rempli
d’euphémismes et de faux-fuyants qui feront le lit des quiproquos à venir. Ainsi, un tel parlera
« d’état pré-cancéreux », un autre de « petit cancer ». Pourtant, l’annonce de la mort ne devrait
pas nous surprendre car chacun sait qu’il va mourir. Le taux de mortalité restera constant malgré
tous les progrès que pourra réaliser la recherche et il y aura immanquablement un mort par
personne. Nous pourrions même dire que nous commençons tous à mourir depuis le jour de notre
naissance. Curieusement, l’annonce d’une vérité universelle telle que « notre existence sur terre
est limitée et nous allons un jour mourir », prend une acuité particulière au moment de l’annonce
et ce savoir quotidien pourtant assimilé devient alors soudainement traumatisant (REICH et al.,
2001). En outre, il semble incontestable que l’échec thérapeutique effraie le médecin : « La
Gwénola GRIMAULT
De l’information à l’annonce
90/118
Décembre 06
médecine a un remède contre tout ». En conséquence, la mort, ou toute dégradation de la
condition du patient, est mise sur le compte d’une défaillance du système médical. Passivement,
le médecin se laisse encore parer de l’auréole de la toute-puissance… Mais sous cette illusion
que tout peut être guérit, apparaît également en filigrane le refus de reconnaître le caractère
inéluctable de la mort. Afin de comprendre pourquoi le médecin est si personnellement concerné
dès qu’il est question de mort, il faut se pencher sur le contenu et la manière dont est enseignée
la médecine. Tout au long de la formation médicale du médecin, l’accent a été mis sur la
dimension bioéthique de son métier, au dépend de la dimension affective et relationnelle. Plus ou
moins explicitement, on lui a fait comprendre qu’il devait, pour des raisons de sécurité, se
conduire en technicien « froid ». Mais rien ne peut empêcher un médecin de souffrir, fut-il
chevronné, comme par exemple au moment de l’annonce d’un cancer chez un adolescent. Dans
de telles circonstances, la notion de « distance thérapeutique », même si elle reste de rigueur,
devient difficile à gérer. Sentiments de tristesse, de frustration et de colère ne sont jamais bien
loin. En tout état de cause, si le médecin aimerait bien oublier qu’il peut éventuellement être
gravement malade, il ne peut pas oublier que, comme tout un chacun, il est lui aussi mortel.
Ces sentiments, communs chez toute personne, interviennent, qu’on le veuille ou non, chez le
médecin qui annonce une mauvaise nouvelle.
Il semble donc indispensable que le soignant acquiert la capacité de faire retour sur ses propres a
priori et projections, qu’il prenne conscience de toute l’importance de son propre « je » de
soignant dans la relation à un patient donné. Une telle démarche est délicate et loin d’être
spontanée, mais il faut tenter de s’en approcher (EVEN, 2000).
Pour cela, il est impératif de se poser des questions telles que : qu’est-ce qui sous-tend
l’information du soignant ? Ce ne sont pas toujours des considérations éthiques. Ce peut être
ainsi le besoin de se soulager d’un fardeau trop lourd à porter et dont on souhaite se décharger en
le partageant avec le patient (ou souvent avec sa famille). L’angoisse de connaître un pronostic
péjoratif peut pousser ainsi certains à le dévoiler de manière intempestive, sans tenir compte des
souhaits de celui qui va recevoir l’information. Ne s’agit-il pas là d’une solution de facilité que
de se débarrasser de la vérité comme d’un encombrant paquet qu’on dépose, sans trop de
ménagement, sur le seuil du patient ? Dire la vérité au patient, est-ce accepter l’angoisse que
cette scène suscite en nous, ou est-ce plutôt se défaire de ce qui est trop difficile à porter ? Et
dans le cas contraire, ne pas dire la vérité, ne pas la dire (ou si peu) à celui dont on se sent si
proche, est-ce courageusement garder pour soi l’angoisse qui y est liée, ou est-ce fuir la
confrontation, se protéger d’une rencontre où l’on serait amené à parler ? Il est très difficile de
trancher, sûrement parce qu’il y a un peu de tout ceci dans nos réactions (EVEN, 2000).
L’acte d’information du soignant peut également être sous-tendu par le besoin de soulager le
malaise que l’on suppose créer par le déséquilibre des savoirs, dans l’illusion qu’une
communication ne peut être bonne que si on partage tout. On peut retrouver ce type de
comportement chez les soignants qui s’engagent dans le soin palliatif avec l’illusion d’une
communication totale avec le patient (CHASTAING, 1998). Cependant, nous l’avons vu
précédemment, ce qui compte n’est pas la transmission de la vérité entière, crue et nue, mais
bien celle de la vérité du patient, ce qui est très différent. Il faut donc tenir compte des attentes
des deux parties. Il faut certes informer le patient, la loi l’exige, mais l’information relative à
l’existence de métastases, de la non réponse du cancer aux traitements, ne répond en aucune
façon aux éternelles questions du « quand », du « comment » et du « pourquoi ». Or ce sont ces
questions qui préoccupent le patient… et qui nous effraient probablement autant.
Gwénola GRIMAULT
De l’information à l’annonce
91/118
Décembre 06
La communication de mauvaises nouvelles évoque ainsi chez les médecins la peur d’être
désapprouvés pour une telle information, la peur de la surresponsabilité, la peur de leurs
réactions émotionnelles, la peur de la mort, qui les renvoie à leur propre mort, et également peutêtre la peur de n’avoir pas les compétences suffisantes en matière de communication. Annoncer
une maladie grave ou une rechute, ou encore le stade palliatif, constitue donc une prise de
risque pour le médecin, tiraillé entre des obligations légales codifiant la démarche informative,
et un souci de l’Autre, le respect de son vis à vis, le patient (et son entourage). En effet, dès lors
qu’il y a annonce, « celui qui annonce n’est plus responsable de lui seul, il ne lui suffit plus de
s’astreindre aux recommandations des avocats diffusées par les sociétés savantes. Le médecin
qui annonce est tout uniment responsable pour lui-même et pour l’autre » (BLET, 2002). Cette
prise de risque est source de violence pour chacune des parties. En être conscient permet peutêtre d’en atténuer l’intensité, en tout cas cela permet certainement le développement d’une
démarche adaptative, unique, personnelle de l’un à l’autre dans le « creuset de la relation ».
L’objectif pour le médecin est d’ouvrir un autre espace psychique pour que la vie soit encore
possible, alors même que l’annonce d’une maladie potentiellement létale apparaît comme une
impasse psychique car occupée entièrement par la mort. Il s’agit d’un véritable paradoxe mais
l’annonce permet cette ouverture puisqu’elle permet au patient de mettre en place ses processus
d’ajustement pour survivre à cette expérience traumatique. La relation médecin-malade, et
surtout l’annonce d’une mauvaise nouvelle, doit être envisagée comme un cheminement à deux,
et non pas comme l’application d’une loi, d’un protocole (BLET, 2002).
3.7 RÔLE ET PLACE DU MÉDECIN GÉNÉRALISTE LORS DE
L’ANNONCE
« L’article 35 du Code de déontologie, l’arrêt Hédreul puis la loi du 4mars 2002 imposent
l’information et laissent à chaque praticien la charge d’en déterminer les limites. Enserré dans
cet espace étroit et alourdi du poids de ses propres représentations, le praticien réalise des
prouesses oratoires faites de non-dits, silences et dénégations, à moins qu’il ne se réfugie
derrière le bouclier irréfutable de la loi : annoncer le diagnostic de la maladie dans le jargon
médical, son pronostic et son traitement (garanti par les consensus). Pour en finir et sceller le
pacte thérapeutique, il lui suffit de remettre un document écrit au patient qui le signe (méthode
conseillée par la SFAR, Société Française d’Anesthésie et Réanimation). Le procédé, qui évince
la personnalité du patient, protège le médecin d’un éventuel procès. Ajoutons que, parmi les
premiers critères de qualité du dossier médical retenus pour l’accréditation des établissements de
soins, figure en bonne place la mise en évidence de l’information du patient sur l’aléa
thérapeutique. A suivre cette logique, on est en droit de s’interroger sur la place laissée à la
subjectivité du patient… et du médecin, à la place laissée à ce qui les lie de personne à personne
et autorise une alliance thérapeutique qui ne soit pas seulement contractuelle » (BLET, 2002).
Pour sortir de cette impasse et parvenir à articuler le champ de l’annonce et les impératifs
médico-légaux de l’information, il faut envisager les choses de manière différente. Il est capital
de ne pas perdre de vue un point essentiel : « dans la communication du savoir on se trouve à
côté d’autrui, pas confronté à lui, dans la droiture de l’en face de lui »60. Annoncer au patient une
mauvaise nouvelle ne signifie pas le terrasser d’un coup, mais plutôt être à l’écoute et ainsi
l’accompagner pas à pas sur le chemin de la vérité en étant le plus juste possible, le plus en
accord avec soi-même et au plus proche du patient et de ses souhaits. L’authenticité de la
relation, le respect du patient, de sa dignité et l’accompagnement qui en découle permettent
une meilleure adaptation à la situation douloureuse que le patient traverse. Quand la
60
Lévinas E. Ethique et infini. Biblio-Essais, p49.
Gwénola GRIMAULT
De l’information à l’annonce
92/118
Décembre 06
communication avec le patient est authentique, quand on se situe dans une relation de sincérité, il
est plus facile pour tous (patient, famille et même soignant) de composer avec l’angoisse et avec
les mécanismes de défense (CHASTAING, 1998).
Il ne faut pas non plus perdre de vue que la maladie n’est pas une entité « extérieure » au malade,
un « mal à extirper » pour rendre le sujet à son bien-être et à son innocence originels. Il faut
considérer le malade de façon globale et ne pas oublier que toute affection, notamment de longue
durée, comporte un retentissement psychologique et social d’intensité variable et sollicite les
ressources du patient afin qu’il puisse y faire face (mécanismes de « coping »). Ces ressources
psychologiques, ainsi d’ailleurs que les traits de personnalité du patient, interviennent lors de la
relation de soins et contribuent au pronostic de la maladie. Ceci est indéniable, même si leur rôle
n’est que secondaire dans la genèse puis l’évolution de cette maladie. Au quotidien, il faut donc
garder un regard attentif et être disposé à s’interroger sur ces multiples interactions et sur les
liens bidirectionnels qui relient santé physique d’un côté, vie psychique et environnement social
de l’autre. Ce regard s’oppose à une réification de la maladie et permet de renouer avec la
tradition hippocratique d’une vision élargie de l’individu lié à son environnement : l’homme
malade n’est ainsi ni une victime, ni un coupable, artisan éventuel de son malheur, mais un être
qui souffre de sa rupture d’homéostasie et de sa différence, et qu’il s’agit d’aider à fonctionner
de nouveau au mieux de ses capacités (GRIMALDI et COSSERAT, 2004).
S’il y a une personne bien placée pour réussir au mieux cette tâche, c’est bien le médecin de
famille, ce médecin généraliste qui suit des familles sur une ou plusieurs générations. Ils n’ont
pas disparu et pourraient même voir leur nombre augmenter avec l’instauration du « médecin
traitant ». Ces médecins connaissent leurs patients de longue date, en ont même fait naître
certains. Dans ces conditions, la survenue d’une maladie grave, voire l’approche d’un décès, sont
des évènements qui prennent place dans une trame relationnelle au long cours. Apprendre à un
inconnu qu’il est atteint d’une maladie grave peut s’avérer difficile. Mais l’apprendre à
quelqu’un que l’on suit depuis vingt ans, dont on soigne les parents et les enfants, ne ressemble
en rien à un acte anonyme. L’affectivité du médecin, son parcours de vie personnelle, ses
propres angoisses, les liens qui se sont créés avec une personne malade et sa famille, tous ces
éléments vont intervenir lors de l’annonce d’une mauvaise nouvelle. Même si, dans la pratique,
il est peu fréquent que le médecin généraliste aboutisse seul à un diagnostic (de cancer, par
exemple), même si la certitude de ce diagnostic nécessite souvent des examens spécialisés et
donc l’intervention de médecins spécialistes, l’annonce du diagnostic incombe souvent au
médecin généraliste, plus qu’au spécialiste. A ce moment précis, s’il est possible de parler de
« confort » dans de telles circonstances, peut-être est-il moins inconfortable pour un patient de se
faire annoncer une nouvelle péjorative par un médecin qu’il connaît bien, par son médecin
traitant.
Effectivement, celui qui entre dans la maladie entre aussi dans le monde de la médecine, monde
dans lequel il devient transparent. Il est soumis à des consultations et à des examens répétés et,
bien souvent, rencontre chaque fois un médecin et des équipes techniques différentes. Cette
première épreuve est particulièrement difficile et source d’anxiété, même chez les plus solides et
les plus détendus. Le patient est d’abord reçu par un externe qui établit les premières
observations, pratique l’« interrogatoire », telle une véritable enquête policière. Ensuite
intervient l’interne, souvent plus familier, plus chaleureux, prenant davantage le temps
d’expliquer tout en demeurant cependant assez évasif car il ne possède aucun pouvoir
décisionnel. Enfin c’est le tour du « professeur », du « patron » qui s’exprime souvent peu, de
manière scientifique, précise,
Gwénola GRIMAULT
De l’information à l’annonce
93/118
Décembre 06
concise, un peu laconique, dictant des consignes à l’infirmière ou à l’étudiant présent.. Peu au
courant de la hiérarchie médicale, les patients appellent presque toujours « professeurs »ceux
qu’ils rencontrent en troisième étape, ceux qui, en principe, décident du traitement. Néanmoins,
ce traitement n’est parfois décidé qu’après d’autres examens et d’autres consultations encore,
impliquant la rencontre de nouveaux médecins, de telle sorte que, bien souvent, les patients
ignorent les noms de ceux qui les ont ainsi reçus. Parfois, ils ne savent même pas qui sera
responsable de leur traitement, d’autant plus que le hasard des calendriers et des emplois du
temps les amènent parfois à rencontrer, dans un très court laps de temps, des externes, des
internes, des chefs de cliniques des assistants voire des « patrons » différents. Tandis que le
patient cherche à savoir qui va le soigner, s’il va bien s’entendre avec son médecin et s’il va
pouvoir lier avec lui une relation de confiance, tout semble vouloir s’y opposer. Dans ces
circonstances, pas question pour le patient de poser la moindre question. Le patient sortira, nanti
d’une liste d’examens et de médicaments sans pouvoir rien nommer de ce qui lui arrive, puisque
celui qui sait ne lui a pas donné les mots pour le dire (CHICAUD, 1998).
Il semble donc indéniable qu’il faille une personne pour refaire le point avec le patient sur ce
qu’il sait et a compris de sa maladie, de son traitement, du rythme des consultations et de leurs
conclusions, des divers examens complémentaires qu’il a passé et de leurs résultats, de
l’organisation du programme des soins ultérieurs, de l’état psychique dans lequel se trouve le
patient à tel ou tel moment de sa maladie. Le médecin traitant apparaît comme la personne la
mieux placée pour :
ƒ
ƒ
ƒ
ƒ
ƒ
juger de la capacité de son patient à entendre la « vérité »,
savoir quand aborder cette vérité,
estimer à quelle « dose » donner cette vérité,
se faire aider dans sa tâche par les proches du patient,
gérer, simultanément, les réactions prévisibles d’un entourage qu’il connaît souvent bien.
Par la suite, une fois la mauvaise nouvelle transmise, le médecin de famille peut encore aider son
patient, pendant un temps plus ou moins long, à faire le travail d’acceptation de la réalité. Grâce
à cette connaissance si affinée de ses patients, le médecin généraliste demeure le personnage
proche le plus compétent pour apporter une aide technique, psychologique, voire amicale
(GRIMALDI et COSSERAT, 2004).
L’acte d’information, désormais codifié, requiert un cadre, une compétence et beaucoup
d’attention. La procédure relève du rituel, avec ses représentations (les principes
philosophiques), ses actes (la procédure d’information) et ses objets (le bureau de
consultation…). Il s’agit d’un rituel de passage qui émancipe le malade du Savoir de l’Autre.
Alors qu’il s’adresse au médecin dans une position de non-savoir, associée à une attitude
(relative) de soumission / régression, l’information restitue le patient dans une position de savoir
et d’autonomie. Dès lors qu’il a été informé, le patient a le pouvoir de décider pour lui-même. Le
rituel s’accomplit à l’initiative du médecin et à la discrétion du malade. Il constitue un
évènement pour chacun des participants à partir duquel le cours de leur vie et de leurs relations
se trouve modifié. La qualité de l’événement tient à la manière dont il se déroule et ne peut être
rapportée exclusivement à l’un ou à l’autre des participants. « L’événement est une
construction : simple routine qui délivre l’information pour répondre à une loi rédigée dans un
climat de méfiance, ou rencontre, traversée par la loi, qui autorise l’annonce d’une
mauvaise nouvelle à un sujet qui la redoute ? » (BLET et CARAYON, 2003)
Gwénola GRIMAULT
De l’information à l’annonce
94/118
Décembre 06
La rencontre où se dévoile l’annonce s’inscrit dans une logique d’accompagnement. Les paroles
qui annoncent et accompagnent s’autorisent à une progression adaptée de l’information qui
prend en compte le cheminement du patient. Le praticien s’émancipe du discours médical, il
retrouve sa « langue maternelle, langue communément parlé et langue du corps, pour le corps ».
Les mots et leur grammaire sont vivants, ils s’énoncent au rythme du patient, de ses symptômes,
de son cheminement… mais aussi de ses rencontres. L’annonce est une construction élaborée
entre le médecin, l’équipe et le patient. Elle respecte le rythme et les défenses du patient
(BLET et CARAYON, 2003). Or ce que demande par dessus tout le malade à son médecin n’est
pas une réponse précise à ses questions, mais bien que le médecin ne se dérobe pas, qu’il puisse
lui permettre de cheminer à son rythme dans l’approche de la vérité.
Le praticien doit garder à l’esprit que, dans ces moments dramatiques où la technique médicale
rencontre la limite de son efficacité, l’important se situe dans cette prise en compte de ce que ni
la science ni le collectif ne donnent les moyens d’appréhender, c’est à dire le soutien de ce qui,
jusqu’au bout, restera essentiel pour le patient : ses relations avec ses proches, la manière dont
un quotidien est vécu…, ce « désir indestructible », comme le dit J. D. Nasio, qui accompagnera
l’homme jusqu’à ses derniers instants, jusqu’à sa mort. Pour un patient, ce sera sans doute en
parlant de cette mort que le médecin pourra au mieux être utile. Alors que pour un autre, au
contraire, seul le bénéfice du moindre doute laissera à ses pensées un peu d’espace pour exister.
Ici, reconnaître ce qui est vivant et continue d’exister, le soutenir en essayant de relancer ce
qui, dans la confrontation à un diagnostic ou à un pronostic, risquerait de s’abîmer,
pourrait bien constituer une tâche prioritaire pour le médecin, une de ses responsabilités.
Le médecin doit en effet être capable, à toutes les étapes de l’information de son patient, de
revaloriser ce qui, chez ce dernier, risque, par la maladie, par la prise en charge médicale et par
l’information elle-même, d’être fragilisé. Pour être un acte médical au sens plein du terme, la
démarche d’information doit donc non seulement être « claire et loyale », mais aussi (plutôt que
et) « appropriée » (EVEN, 2000).
Gwénola GRIMAULT
De l’information à l’annonce
95/118
Décembre 06
4 QUELQUES BASES DE COMMUNICATION
4.1 LES ENJEUX DE LA COMMUNICATION
Lorsque l’on est à la faculté de médecine, la valeur de la communication semble être limitée à la
qualité des questions précises et structurées susceptibles d’induire des réponses aussi précises
que possible de la part d’un patient afin de conduire à un diagnostic correct. Ainsi, le « bon »
étudiant ou le « bon » médecin posera toutes les questions nécessaires à la confirmation d’un
diagnostic et utilisera la communication comme l’un des nombreux outils techniques à sa
disposition pour cerner aussi précisément que possible l’affection spécifique du patient. Dans ce
cas, la communication médicale n’est, ni plus ni moins, qu’un outil, au même titre qu’une
analyse sanguine, qu’une IRM, qu’un scanner ou qu’une biopsie.
Bien entendu, le propos n’est pas de dénigrer l’importance d’une communication structurée,
basée sur un savoir médical absolument nécessaire à l’élaboration d’un diagnostic différentiel
précis. Sans cette base de communication, le médecin serait en effet incapable de proposer des
solutions thérapeutiques appropriées. Cependant, la communication entre médecin et patient ne
peut et ne doit pas être réduite à cette dimension technique : la communication médecin-malade
fait partie de l’arsenal thérapeutique (JENKINS and FALLOWFIELD, 2002 ; FALLOWFIELD
et al., 2002).
Toutefois, la communication avec les patients n’est pas toujours aisée, en particulier dans les
situations de crise qui entourent les différentes étapes des maladies chroniques invalidantes, des
maladies cancéreuses, des situations de fin de vie… Soigner un patient, c’est non seulement
prendre les meilleures décisions thérapeutiques, mais aussi communiquer le mieux possible avec
ce patient et ses proches : écouter, comprendre, s’adapter aux besoins, mettre en confiance,
conforter tout en expliquant simplement… autant de techniques de communication que l’on doit
posséder afin de soigner aussi les maux par les mots.
Dans le climat social qui a cours actuellement, l’image de marque d’un professionnel de santé
dépend en bonne partie de son aptitude à trouver les mots pour parler des problèmes délicats. On
observe néanmoins encore trop fréquemment des patients qui, restés sur leur faim après des
explications trop sommaires du médecin, ou bien n’en ayant pas saisi le sens, consultent d’autres
sources d’information telles que :
ƒ des bribes de conversations échangées entre soignants ou entre un soignant et un proche
du patient,
ƒ des informations générales trouvées dans un livret d’information, un dictionnaire ou autre
ouvrage de médecine, les pages médicales d’un journal,
ƒ des informations involontaires à travers l’intonation d’un mot ou d’une phrase, le
comportement ou le visage d’un interlocuteur, un commentaire de brancardier,
ƒ des informations indirectes du comportement de l’entourage qui fuit ou se rapproche,
rend une visite inattendue, élude des questions sur l’avenir ou, au contraire, soulève des
questions subalternes.
ƒ sans oublier enfin les symptômes du patient, ce qu’il voit ou observe sur lui-même, une
déformation, un handicap qui se corrige ou s’accentue, un déplacement dans un service
de réanimation de l’hôpital…
Gwénola GRIMAULT
De l’information à l’annonce
96/118
Décembre 06
Ces sources sont suffisamment nombreuses pour qu’un patient souhaitant certains
renseignements n’ait finalement aucun mal à se les procurer. Cependant, ceci n’entre en jeu que
dans la mesure où l’information du patient par le médecin n’a pas été suffisante ou lorsqu’elle a
été donnée de façon maladroite et inappropriée. Un dictionnaire médical n’est consulté que si le
malade n’est pas satisfait et ceci ne devrait pas exister (HOERNI et BENEZECH, 1994).
Chercher à améliorer les performances des professionnels de santé en matière de communication
de mauvaises nouvelles semble donc être un but fondé. Afin d’y parvenir, il faut envisager deux
objectifs essentiels. Le premier objectif consiste à aider le médecin à prendre conscience de
l’importance thérapeutique de l’outil communication. Le second objectif propose la découverte
de techniques de communication reconnue pour favoriser leur utilisation. Même s’il n’existe
aucune méthode infaillible, on peut néanmoins espérer mettre le praticien plus à l’aise face à ces
situations si difficiles, et ainsi réduire le taux d’échec. Cependant, il ne faudra pas perdre de vue
le sens premier du mot « communication ». Sur le plan théorique, si l’information se fait en
sens unique, la communication s’effectue, elle, dans les deux sens, malade-médecin et
médecin-malade, et aboutit à une relation, sans préjuger de la qualité de cette relation. En réalité,
on sait pertinemment que c’est habituellement la communication médecin-malade qui est
privilégiée, et ce dans le sens allant du médecin vers le malade. Il est donc très aisé pour le
médecin de penser que, par le biais du concept de communication, il acquiert de nouveaux outils
pour, par exemple, mieux expliquer son point de vue aux patients et, d’une certaine façon,
augmenter son « pouvoir » sur eux… Telle qu’elle est le plus souvent abordée en médecine, la
notion de communication paraît centrée sur le médecin, comme s’il était essentiel (c’est
d’ailleurs essentiel) que le patient comprenne bien ce qu’on lui communique, et qu’il puisse, de
cette façon, se conduire de façon obéissante. Le rôle du patient, dans les processus de
communication, est en général moins développé que celui du médecin, comme s’il était
secondaire. Au contraire, nous essaierons de démontrer que chacun des protagonistes, ainsi que
ce qui se passe entre eux-deux au moment de l’annonce, a de l’importance car interfère dans la
communication. La relation médecin-malade est, en bonne partie, conditionnée par les attitudes
adoptées par le patient face à sa maladie et par les réactions que de telles attitudes induisent chez
le praticien, ne l’oublions pas.
Enfin, rappelons que, même si la loi astreint le corps médical à bien faire son travail, la peur de
poursuites judiciaires ne devrait pas être la seule raison de vouloir s’acquitter convenablement de
sa tâche. L’information est un devoir du médecin envers ses patients, nous ne reviendrons pas
sur ce point. Néanmoins, le débat se déplace peu à peu de la question de l’opportunité de la
communiquer vers celle de l’art et la manière de la dire ou celle, plus fondamentale encore, des
moyens de transmettre cette information, l’accent étant mis sur l’indispensable dialogue entre
médecin et patient. Le travail bien fait sera toujours source de satisfaction. En son absence,
l’obligation de s’occuper de malades atteints de maladies incurables pendant de nombreuses
années lasse le médecin. Celui qui parvient à bien fonctionner en dépit des mauvaises nouvelles
qu’il doit communiquer aura la force de poursuivre sa carrière (BUCKMAN, 1994).
Gwénola GRIMAULT
De l’information à l’annonce
97/118
Décembre 06
4.2 TECHNIQUES DE COMMUNICATION INTERPESONNELLE
Maintenant établi l’intérêt thérapeutique de l’instrument-communication dans la relation de soin,
abordons les outils de communication dont nous disposons pour améliorer la relation avec les
patients (CHARPENTIER et al., 1997).
4.2.1
L’EMPATHIE
Même s’il ne s’agit pas d’une véritable technique de communication, il semble indispensable de
rappeler ce qu’est l’empathie. La relation de soin est fondamentalement une relation inégalitaire,
puisqu’elle met généralement en présence un sujet souffrant, physiquement et / ou moralement
plus ou moins démuni face à ses problèmes de santé, et un professionnel de santé, généralement
bien portant, doté d’un savoir et de compétences qui lui assurent un pouvoir sur le patient. Faire
du patient un « partenaire de soins » à part entière, le responsabiliser, contractualiser les objectifs
thérapeutiques, ne réduiront jamais totalement une telle inégalité de base.
Une attitude empathique du médecin suppose une aptitude à s’intéresser à la personne de son
patient autrement que comme un « cas clinique », et à pouvoir percevoir ce que le patient ressent
face à ses problèmes de santé, en fonction de son histoire personnelle et des particularités de son
environnement familial et social. Cela n’a rien à voir avec l’apitoiement, et si l’on peut parler de
« compassion », c’est au sens de partage d’une palette de sentiments. Cela n’est pas non plus
synonyme d’une identification sans nuances, qui ferait perdre au médecin sa clairvoyance, en
raison de l’anxiété ou du découragement ressentis en place et lieu du patient. En outre, il est loin
d’être évident que l’utilisation, par des médecins, d’allusion à leur vie personnelle face à certains
de leurs patients, ait réellement des effets rassurants (« moi aussi. Ou telle personne de ma
famille aussi, avons eu votre même maladie, etc… »). Il n’en est pas de même si le médecin se
contente de dire « ce traitement que je vous propose, c’est celui que je proposerais aux proches
qui me sont les plus chers, à mon père, à mon conjoint, à mon enfant », car dans ce cas, les
propos médicaux assurent le patient de l’existence d’un lien affectif et montent que la
proposition thérapeutique a été mûrement réfléchie et n’a pas été plaquée, de manière abstraite et
anonyme, comme une simple application de l’enseignement universitaire.
4.2.2
L’ÉCOUTE ACTIVE
C’est l’une des techniques de communication les plus difficiles à mettre en œuvre car on est
souvent trop centré sur soi-même, il est difficile de se substituer à l’autre pour ressentir ses
impressions et comprendre ses comportements, et enfin car on a parfois tendance à vouloir
interpréter les propos de l’interlocuteur avant même qu’il ait expliqué sa situation. Elle reflète
l’aptitude du médecin à facilité la communication.
L’écoute active se résume en quelques points qu’il est nécessaire de respecter pour optimiser les
résultats :
ƒ Prendre une attitude d’accueil et d’ouverture en adoptant une attitude physique favorable
(sourire, attention soutenue du regard, bras ouverts le long du corps, jambes
détendues…), et en prenant garde de laisser l’autre commencer, pour le mettre en
confiance et le rassurer.
Gwénola GRIMAULT
De l’information à l’annonce
98/118
Décembre 06
ƒ
ƒ
ƒ
ƒ
ƒ
S’intéresser à la personne en tant qu’individu à part entière avec ses motivations, ses
préoccupations… Ecouter activement ses premiers mots, s’intéresser à la manière dont
elle pose le problème pour discerner, dans un premier temps, les grands axes de la
situation et la psychologie de l’interlocuteur. Prendre compte notamment de son
langage, du ton de sa voix, de sa gestuelle…
Respecter l’autre en lui manifestant de la considération. Cela consiste à prendre quelques
instants au début du dialogue pour obtenir quelques renseignements sur son état actuel,
sur les changements depuis la dernière entrevue, ce qui crée ainsi un climat de confiance
favorable à l’entretien.
Ne pas chercher à montrer que l’on est perspicace. Le patient a besoin d’être rassuré et,
pour cela, il faut dans un premier temps l’écouter pour bien identifier ses motivations et y
répondre le plus judicieusement possible. Seule une découverte bien faite et structurée
permet de faire un diagnostic.
Ecouter son interlocuteur sans a priori même si la tâche est loin d’être évidente. Le
physique et le comportement de l’individu conditionnent des jugements souvent trop
hâtifs et, même si ces derniers peuvent se révéler justes, ils sont souvent incomplets.
Admettre l’opinion de l’autre, accepter le patient tel qu’il est pour ainsi témoigner d’une
certaine ouverture d’esprit et établir une relation adulte-adulte.
Ainsi, par exemple, lorsque je suis réellement à l’écoute, je respecte les silences entre les phrase
du patient en évitant d’avancer des solutions ou des idées trop rapidement, je suis tournée vers
lui, je suis disponible et je ne profite pas de cet instant pour ranger mon bureau ou mes dossiers,
ni pour travailler sur mon ordinateur. De cette manière le patient se sait écouté, il peut parler
sans être interrompu et ainsi aller jusqu’au bout de ses idées, se dévoiler davantage que ce qu’il
n’avait prévu initialement, il se sent à l’aise et valorisé.
4.2.3
LE QUESTIONNEMENT
Poser une question est une tâche apparemment simple, mais le type de questions posés
conditionne bien souvent les réponses. Ainsi, les techniques de questionnement sont de
formidables atouts. Il existe cinq principaux types de questions :
► La question fermée :
Recherchant un fait, un état des lieux, elle est utilisée pour obtenir rapidement une réponse brève
et précise. Elle peut cependant passer à côté d’informations intéressantes que l’on aurait pu
obtenir. En outre, elle ne donne pas la parole au patient, surtout en ce qui concerne son
interprétation personnelle de la situation ou ses sentiments. Il ne faut pas l’utiliser de manière
trop répétitive pour éviter l’interrogatoire. Elle est surtout utilisée pour la constitution du dossier
médicale.
Ex : Où se situe votre douleur ?
► La question ouverte :
A la recherche d’une opinion ou d’un point de vue, elle s’utilise pour avoir les informations
détaillées d’une situation et pour mettre en confiance l’interlocuteur. Elle laisse le patient libre d
répondre comme il l’entend et permet ainsi de cerner progressivement des réactions non
évidentes d’emblée. Il est cependant préférable d’identifier au préalable le débit du patient car
une question ouverte peut entraîner un discours sans fin.
Ex : Pourquoi êtes-vous réticent à ce médicament ?
Gwénola GRIMAULT
De l’information à l’annonce
99/118
Décembre 06
► La question suggestive ou orientée :
Elle permet de suggérer des idées à l’interlocuteur et donne une option très précise : elle conforte
donc le médecin dans sa stratégie. Ce type de question permet ainsi de faire progresser
l’entretien puisqu’on découvre l’autre peu à peu, en lui proposant des solutions et en avançant
des arguments. Une question judicieusement posée induit la réponse et l’interlocuteur donne
rapidement son avis, il approuve ou désapprouve. Ce type de question reste néanmoins une
affirmation déguisée, même si elle est posée sur le ton interrogatif. Il faut donc s’en méfier car
elle peut susciter l’animosité du patient.
Ex : Avez-vous déjà songé à faire des examens complémentaires ? Vous ne pensez pas
que… ?
► La contre-question :
Elle est particulièrement tactique puisqu’elle permet de répondre à une question que l’on
souhaite éviter, momentanément, par une autre question. La contre-question permet au médecin
de recueillir des informations avant de répondre à la question que son interlocuteur lui a posé. Le
médecin peut alors reprendre l’initiative et la maîtrise du dialogue après la réponse du patient,
diminuant ainsi d’éventuelles objections par les précisions obtenues. Il ne faut cependant pas
l’utiliser trop souvent car le patient s’en rendra compte et pourra l’interpréter comme une
esquive, responsable d’une certaine frustration.
Ex :Patient : Pensez-vous que ce traitement a été efficace ?
Médecin : Et vous-même, qu’en pensez-vous ?
► La question alternative :
Elle consiste à offrir un choix entre deux possibilités. Le patient prendra rapidement une décision
ente les deux possibilités qu’on lui propose. Il peut également émettre une troisième possibilité
ou refuser les deux premières alternatives.
Ex : Préférez-vous ce médicament en comprimés ou en sachets ?
4.2.4
PARLER POUR SE FAIRE COMPRENDRE
Pour se faire comprendre, il faut dans un premier temps parler positivement. C’est fondamental
pour la psychologie du patient. Il existe ainsi certaines règles de base :
ƒ
ƒ
ƒ
ƒ
ƒ
ƒ
ƒ
ƒ
Utiliser des termes sécurisants : « c’est bien », « la forme », « le tonus », « la santé »,
« ça ira », « rétablir »…
Eviter les mots noirs : « grave »
Privilégier le temps présent et bannir le conditionnel qui engendre le doute.
Eliminer les expressions vagues : « j’ai entendu dire que », « ça devrait aller »…
Etre concret dans son discours : « où avez-vous mal exactement ? », « de quand date
votre dernier traitement ?é, « vous allez prendre ce médicament en deux prises au cours
des deux principaux repas »
Illustrer les propos d’exemples : « il est important que vous fassiez le vaccin hépatite B,
êtes-vous au courant du reculs du nombre d’hépatites B depuis le début de l’année ? »…
Parler distinctement pour se faire entendre et donc se faire comprendre.
Utiliser un vocabulaire adapté au patient.
Gwénola GRIMAULT
De l’information à l’annonce
100/118
Décembre 06
4.2.5
LES ATTITUDES DE PORTER
Dans toute communication en face à face, entre deux personnes, il y a un émetteur A et un
récepteur B. Les recherches sur les relations entre individus ont montré que la façon de parler, de
bouger, de se comporter …de A face à B a une influence sur la réaction et l’attitude de B. C’est
cette réaction qui nous « bloque » parfois. Il se peut donc que ce blocage vienne, en fait, de notre
propre attitude envers autrui. La prise de conscience de nos réactions spontanées peut ainsi
améliorer notre propre expression. PORTER E. H. (psychologue) a mis au point une typologie
de 7 attitudes appelées : « les attitudes de PORTER » On distingue ainsi :
► Les attitudes qui bloquent la communication :
ƒ L’attitude d’évaluation : Elle consiste à porter un jugement en se référant à des normes et
à des valeurs. C’est un conseil moral ou moralisant pour mettre en garde, approuver ou
désapprouver et inviter son interlocuteur à penser de telle ou telle manière. Cette attitude
provoque chez l’autre un sensation d’inégalité morale car il se sent jugé. Les réactions
peuvent être diverses : culpabilité, angoisse, révolte, dissimulation…
ƒ L’attitude d’interprétation : Elle consiste à traduire, à votre façon, avec vos propres
critères, les idées ou les comportements de l’interlocuteur, pour en fournir une véritable
explication. Les réactions face à ce type d’attitude sont l’incompréhension, l’étonnement,
le désintérêt ou l’irritation.
► L’attitude neutre :
ƒ L’attitude de constat : Elle est fondamentale pour établir une véritable communication
entre le patient et le médecin. Elle consiste à reprendre les informations sur le patient
pour les valider.
► Les attitudes qui favorisent la communication :
ƒ L’attitude de support (aide) : Elle consiste à soutenir le patient tout en dédramatisant la
situation. Dans certains cas, cela peut induire une attitude paternaliste. Cette réponse
provoque chez l’autre le désir de conserver une bonne relation et la bienveillance. Cela
peut entraîner une certaine dépendance du patient face au médecin ou le refus d’être pris
en pitié.
ƒ L’attitude d’écoute : Elle consiste à réellement essayer de comprendre le patient en
faisant abstraction de vous-même et reflète un effort pour s’introduire sincèrement dans
la pensée de l’autre. Cet effort clarifie l’essentiel de ce qui a été dit pour respecter
l’interlocuteur et lui manifester une considération réelle. Le choix de cette attitude
entraîne l’autre à s’exprimer davantage puisqu’il a la preuve d’être écouté sans préjugé. Il
est ainsi incité à mieux accepter et comprendre ce que vous, vous avez envie de dire, ce
qui minimise ainsi son comportement défensif.
ƒ L’attitude d’enquête (investigation) : Elle a pour objectif d’obtenir des compléments
d’informations de l’autre par les techniques de questionnement. Les questions montrent
au patient qu’il n’a pas fait complètement le tour de la question et que vous pouvez
encore compléter et affiner le diagnostic. Ce type d’attitude peut cependant transformer
la relation en interrogatoire ou provoquer des réactions hostiles. Il est donc préférable
d’alterner les différents types de questions (fermées, ouvertes, alternatives…)
ƒ L’attitude de conseil (solution immédiate) : Elle consiste à se mettre à la place du patient
pour lui indiquer ce qu’il doit faire. Cette substitution est la base du métier de médecin et
c’est ce que recherche le patient en venant consulter. Néanmoins, cette attitude engendre
un dialogue plutôt directif, même s’il permet de donner des solutions immédiates à
l’interlocuteur.
Gwénola GRIMAULT
De l’information à l’annonce
101/118
Décembre 06
4.2.6
LA REFORMULATION
La reformulation est une technique de communication interpersonnelle qui permet de montrer à
son interlocuteur que l’on comprend bien ce qu’il dit, plus exactement ce qu’il ressent, sans
interpréter ni juger ses propos. L’utilité de l’emploi de cette technique réside dans le fait que le
patient se sent écouté, ressentant chez le médecin une attitude empathique. Il aura ainsi tendance
à s’exprimer plus librement et à révéler tout doucement la manière dont il vit une situation, et
pas seulement les éléments objectifs de cette situation.
Cette technique, développée par Carl ROGERS, consiste à renvoyer à l’interlocuteur une
« image » de ce qu’il ressent sans pouvoir ou sans vouloir l’admettre. En pratique, cela revient
à:
ƒ redire en d’autres termes et d’une manière plus concise, ou plus explicite, ce que le
patient vient d’exprimer, de telle sorte que celui-ci soit d’accord avec vos propos,
ƒ ne rien introduire de différent, reprendre uniquement le point de vue de l’interlocuteur et
en comprendre la signification,
ƒ s’assurer que le patient se reconnaît et que vous êtes sur la même voie.
De cette manière, une fois la reformulation acceptée par le patient, ce dernier peut poursuivre
son discours et ainsi de suite.
Pour « réussir » ses reformulations, il faut :
ƒ ne pas poser de question
ƒ parler sur le ton de la constatation
ƒ ne pas laisser paraître votre propre sentiment, ni verbalement, ni gestuellement
ƒ ne pas s’impliquer dans la problématique de l’interlocuteur et le laisser gérer sa propre
situation
ƒ considérer le patient dans un rapport humain d’égal à égal.
Il existe 4 formes de reformulation (du plus simple au plus compliqué) :
► La reformulation Acquiescement :
C’est la plus simple des reformulations qui consiste à approuver ce que dit l’interlocuteur, par
des expressions simples (oui…, je comprends…, bien sûr…, tout à fait…) ou par une gestuelle
qui montre votre disponibilité (signe de tête, regard dans les yeux, bras ouverts…). Elle est très
utile en début d’entretien pour créer un climat de disponibilité physique et intellectuelle.
► La reformulation Echo :
Cela consiste à répéter les deux ou trois derniers mots prononcés par le patient avec une tonalité
neutre, sans poser de questions. Se sentant écouté, le patient aura tendance à développer son
point de vue. Il ne faut cependant pas en abuser car elle ne démontre pas un réel effort de
compréhension.
► La reformulation Reflet :
Elle consiste à paraphraser le patient et reprendre la ou les idées exprimées en les reformulant
d’une manière telle qu’il puisse les reconnaître surtout pour les significations qu’il leur donne.
Par là, le médecin lui montre qu’il a pensé avec lui et pas seulement à lui. Elle s’introduit par
« ainsi, selon vous… », « vous voulez dire que… », « en d’autres termes… », « à votre avis,
donc… ».
Gwénola GRIMAULT
De l’information à l’annonce
102/118
Décembre 06
► La reformulation Précision : Elle consiste à mettre en lumière et à renvoyer sur le patient le
sens même de ce qu’il a dit. C’est l’aspect le plus difficile de la reformulation car le risque est
d’interpréter. La clarification doit rester au niveau de l’essentiel : le médecin doit activer son
intuition, sa capacité à tirer au clair ce que l’interlocuteur dit souvent d’une manière confuse et
inorganisée.
Exemple :
Le patient : « Docteur, je viens vous voir par acquis de conscience mais je sais déjà ce que j’ai et
de toute façon personne n’y peut rien. Cela fait des années que ça dure. »
->Acquiescement : signe de tête approbatif, « oui », « je comprends »
->Echo : « des années » (et silence)
->Reflet : « vous avez le sentiment que personne ne peut vous aider »
->Précision : « vous voulez dire que vous souhaitez me faire part de votre cas particulier »
->Réaction typiquement négative du médecin : « pourquoi venez-vous me voir alors ? »
En conclusion, la reformulation n’est pas la pure et simple répétition des paroles du patient. Il
s’agit d’une attitude globale spécifique à l’égard de l’autre qualifiée d’attitude empathique. Cette
dernière se caractérise par :
-la disponibilité à l’égard d’autrui,
-l’attention concentrée sur ce qu’il éprouve,
-l’attitude de compréhension de ce qu’il exprime.
4.2.7
LA COMMUNICATION NON-VERBALE
La communication non-verbale accompagne souvent la communication verbale mais peut aussi
s’exprimer sans communication verbale, peut soutenir le silence ou le refus de communiquer
mais surtout se manifeste le plus souvent sans que l’on s’en rende compte, notamment par la
gestuelle (ensemble des postures, des gestes et des mimiques), mais aussi le ton de la voix,
l’habillement, le choix des couleurs….
Tout ceci communique des informations conscientes ou inconscientes que le médecin a intérêt à
capter pour comprendre ce qui n’est pas dit verbalement, et ainsi ajuster son propre
comportement et favoriser l’échange. Ainsi, par exemple, la posture de la tête, des bras, voire
même des mains, reflètent le vécu psychologique profond de l’individu face à une situation. Les
postures évoluent constamment en fonction de l’évolution de l’état d’esprit de l’individu, même
si nous avons tous des postures fétiches ou refuges qui révèlent la façon dont nous réagissons
spontanément à une tension et qui dépendent des traits dominants de notre personnalité.
Ex : La tête inclinée sur le côté est un signe d’ouverture, d’écoute attentive.
Gwénola GRIMAULT
De l’information à l’annonce
103/118
Décembre 06
4.2.8
LA TECHNIQUE DU SILENCE
La technique du silence est un procédé de communication qu’il est utile d’appliquer dans deux
cas précis.
► Pour faire « maturer » le patient :
Lorsque vous souhaitez faire passer une notion, une idée, un conseil, une solution importante et
lui donner tout son poids dans l’oreille de votre patient, vous pouvez vous taire après l’annonce
de cette notion. Cela permet à l’interlocuteur de bien l’intégrer, voire d’y réfléchir. Vous
permettez une remise en cause interne.
►Pour obtenir l’expression de votre patient quelle qu’elle soit :
Par exemple, suite à l’annonce d’une décision grave et irréversible, il est essentiel de savoir
comment réagit le patient, de lui faire exprimer son vécu psychologique afin de pouvoir adopter
ensuite une attitude appropriée. Utiliser le silence après l’annonce d’une telle décision permet
d’obtenir une expression quelle qu’elle soit sans l’orienter, et permet surtout de ne pas passer à
autre chose.
4.3 « PROTOCOLE » D’ANNONCE EN 6 ETAPES
Même si l’entretien médical s’appuie sur certaines normes d’échange quotidien (les bases de
communication décrites précédemment sont évidemment valables dans la vie quotidienne
comme pour l’entretien médical d’annonce), la relation médicale n’est en rien une conversation
courante. Ce qui se joue au moment de l’annonce d’une nouvelle, et en particulier dans le cas
d’une mauvaise nouvelle, est lourd d’émotions, de sentiments, de conséquences et le médecin ne
peut et surtout ne doit pas le prendre à la légère. Même s’il semble indispensable que le patient
soit le plus à l’aise possible, le médecin ne doit pas oublier pour autant d’être rigoureux,
structuré tout en restant à l’écoute. Pour ce faire, tentons de décrire un protocole dont les
diverses étapes pourront servir de guide au médecin traitant (BUCKMAN, 1994).
4.3.1
ETAPE N°1 : LES PRÉLIMINAIRES
Le contexte « physique » dans lequel se déroule l’entretien d’annonce est fondamental. Planter le
décor, c’est essayer d’obtenir les conditions matérielles optimales pour avoir une discussion
aussi longue que le patient le souhaite sans risque d’être interrompu et dans un endroit où il
pourra s’exprimer aussi librement que possible.
Ainsi, dans un premier temps, même si cela semble évident, il faut néanmoins rappeler que
l’entretien doit impérativement se faire de vive voix, sauf empêchement majeur. Des choses si
graves et importantes que la vie et la mort ne peuvent se discuter par téléphone ou courrier. En
outre, nous avons vu que la communication non-verbale avait une place importante : le face à
face reste donc capital.
Gwénola GRIMAULT
De l’information à l’annonce
104/118
Décembre 06
Le choix du lieu est également très important. On choisira une pièce calme et confidentielle où
l’on pourra discuter en toute tranquillité sans être dérangé. On pourra même aller chercher le
patient pour le conduire dans cet endroit. Il faut aussi prévoir des sièges et si on ne peut pas
s’asseoir, on se rapprochera suffisamment du patient tout en prenant une attitude montrant qu’on
ne va pas partir immédiatement, qu’on est disponible. Si l’on vient d’examiner le patient, ce
dernier sera mis en situation égalitaire (en position assise, au même niveau que nous) et digne
(habillé).
Il faudra encore demander poliment aux éventuelles personnes accompagnant le patient de
s’identifier et on demandera au patient s’il désire que ces personnes restent et assistent à
l’entretien. On veillera également à ne pas être dérangé de manière impromptue par des
interférences extérieures telles que le téléphone, un bip ou quelqu’un qui frappe à la porte au
cours de l’entretien.
Enfin, après les formules de politesse, après s’être assuré que le patient est bien installé, on
essaiera d’évaluer l’état psychologique dans lequel se trouve le patient en posant par exemple
des questions telles que : « Comment vous sentez-vous en ce moment ? », « Vous sentez-vous
assez bien pour parler aujourd’hui ? ». En effet, le moment est peut-être mal venu pour annoncer
une mauvaise nouvelle.
4.3.2
ETAPE N°2 : QUE SAIT DÉJA LE PATIENT ?
Comme nous l’avons évoqué plus haut, le patient ne retient jamais la totalité des informations
qui lui sont données. Il faudra donc toujours déterminer où en est le patient, ce qu’il a retenu, ce
qu’il a appris… aussi bien sur la maladie, sa gravité et son impact sur sa vie. On fera
particulièrement attention à la façon dont le patient s’exprime et aux termes qu’il choisit
d’utiliser : parle-t-il de cancer, de tumeur, de boule, de problème ? Les techniques de
reformulation-acquiescement ou écho faciliteront l’expression du patient. Il sera également
important d’observer le patient afin de noter toute incongruence entre son discours et son attitude
ou sa gestuelle (par exemple le patient qui se dit confiant sur l’avenir et se tord les mains
d’angoisse).
4.3.3
ETAPE N°3 : QUE VEUT SAVOIR LE PATIENT ?
Le patient désire-t-il connaître ou non la vérité. Poser directement la question au patient pose
deux problèmes : en la posant on « vend la mèche », on avoue qu’il s’agit d’un problème sérieux
d’une part, et on déroge également à l’impératif de l’honnêteté. En fait, ce qui importe est de
déterminer à quel niveau de profondeur le patient souhaite obtenir l’information, dans quelle
mesure il souhaite connaître les détails. C’est au cours de cette étape que nous cédons un peu du
contrôle de l’entretien au patient puisque c’est lui qui nous guidera par son attitude, ses
réactions, ses questions.
Gwénola GRIMAULT
De l’information à l’annonce
105/118
Décembre 06
4.3.4
ETAPE N°4 : LA COMMUNICATION D’INFORMATIONS
Il s’agit de délivrer l’information au patient et ensuite de discuter en fonction des réactions et
questions de ce dernier. Mais avant toute chose, le soignant doit déterminer quels sont ses
objectifs à atteindre en fin d’entretien de façon précise. Il existe quatre objectifs fondamentaux :
le diagnostic, le traitement, le pronostic et le soutien. Il n’est pas forcément indispensable de
révéler son plan d’action au patient, mais il faut cependant en avoir un, fut-il sommaire afin
d’avoir un discours clair, structuré et cohérent.
Une fois déterminés ces objectifs, il faut ensuite toujours partir de ce que sait le patient, s’aligner
dans un premier temps sur sa position en reprenant les mots qu’il a employé pour s’en servir
comme point de départ à la présentation des informations pertinentes. On parle dans ce cas
d’alignement. Il faudra ensuite opérer un rapprochement entre le point de vue du patient et les
faits médicaux dont on a connaissance. Il existe pour cela quelques règles facilitant la tâche.
Pour commencer, il ne faut donner l’information que de manière progressive, par petits bouts
digérables, en vérifiant à chaque fois que le patient a bien compris. Le mieux est de délivrer une
information simple, claire et sincère qui soit à la fois utile et supportable pour le malade. On
pourra alors revenir brièvement sur l’historique de la maladie en rappelant ce qui s’est passé
jusqu’à présent, la symptomatologie, les différents examens complémentaires réalisés ainsi que
leurs résultats et s’appuyer sur ce constat des faits pour poursuivre.
Il faudra ensuite utiliser du langage de tous les jours et non pas du jargon médical afin que le
patient ne se sente pas exclu ou qu’il n’y ait pas d’erreurs de compréhension. En effet, certains
mots n’ont pas le même sens dans la vie quotidienne et dans le jargon médical (ex :
« morbide »). Le but de l’entretien étant de transmettre un message à l’autre, il faut donc être
compris.
En outre, le contrôle fréquent de la compréhension permettra de vérifier que le message transmis
est effectivement bien reçu. A-t-on été compris ou reste-t-il encore des zones d’ombre qui
nécessitent des explications ? A-t-on donné suffisamment de détails ou le patient souhaiterait-il
aller encore plus au fond des choses ? Telles sont les questions qui nous permettront de vérifier
que nous sommes bien en phase avec le patient. Cela rendra également possible le découpage de
l’information en petits bouts assimilables. Le patient comprendra ainsi que le médecin
s’intéresse à sa compréhension, l’autorise à poser des questions comme à exprimer ses
sentiments.
Si l’on n’est pas sûr de la bonne compréhension du patient ou si l’on dépiste des fléchissements
de l’attention, on pourra utiliser plusieurs outils de pédagogie afin de la renforcer. L’élucidation
constitue un bon moyen de s’assurer que le médecin et le patient donnent le même sens aux mots
en demandant au patient de reformuler à sa manière ce qui vient d’être dit. La reformulation peut
également être effectuée par le soignant lui-même. Ce dernier clarifie ainsi le discours en
marquant des étapes intermédiaires ponctuées de petits récapitulatifs. La répétition représente
également un excellent instrument. Effectivement, beaucoup de personnes ont du mal à retenir
les informations, surtout lorsqu’elles portent sur un sujet sérieux ou quand le patient cherche à
nier la vérité. Ceci est normal et il faut faire déculpabiliser le patient. Le dernier outils
intéressant à utiliser comprend les dessins, annotations que le médecin peut faire concernant la
maladie, les étapes du traitement. Ces derniers permettent au patient de visualiser les choses
mais également de conserver une trace qui leur permettra ensuite de continuer à réfléchir à ce qui
vient d’être dit, à se poser d’autres questions qu’il pourra évoquer lors du prochain entretien.
Gwénola GRIMAULT
De l’information à l’annonce
106/118
Décembre 06
Enfin, il est capital de prendre en compte les soucis du patient. Le médecin doit, en même temps
qu’il présente les informations, se mettre à l’écoute du patient et l’amener à exprimer sa propre
hiérarchie de préoccupations. Il doit guetter la question dissimulée (par exemple la question
posée pendant que le médecin parle) et se laisser diriger (o croit parfois que l’entretien se
termine quand le patient relance le débat). Il faut donc accorder son plan de discussion avec les
préoccupations du patient, réaliser une sorte d’accordage entre les préoccupations du patient et
les objectifs qu’on s’était fixé pour l’entretien.
4.3.5
ETAPE N°5 : RÉPONDRE AUX SENTIMENTS DU PATIENT
Tout au long de l’entretien, nous avons pu cerner un peu mieux les motivations, intérêts et soucis
du patient en lui posant des questions qui le poussent à aller plus loin dans ses explications : « Je
comprends votre question, mais dites-moi ce qui vous inquiète vraiment ? », « Je vais vous
répondre tout de suite, mais j’aimerai vous demander ce qui motive votre question… ». Ces
questions d’exploration aident le patient à mieux s’exprimer, à mettre d’autres mots, d’autres
expressions, d’autres images sur ce qui le préoccupe profondément. On pourra s’aider de
quelques techniques pour aider le patient à verbaliser ce qu’il ressent. Ainsi, on peut paraphraser
ses dires, ce qui renvoie au patient le sentiment d’avoir été compris et le pousse à poursuivre
dans cette voie : « Si je vous comprends bien, ce qui vous inquiète est d’avoir trop de
souffrance », « Autrement dit, vous avez peur d’être un fardeau pour vos proches ».. Identifier et
légitimer les réactions du patient est capital car on autorise, par ce moyen, le patient à
s’exprimer encore davantage. Cela demande évidemment une concentration sans faille. La prise
en compte des réactions émotionnelles par le dire permettra également la ventilation et
l’apaisement des différentes émotions. Etre à l’écoute des spécificités émotionnelles et
cognitives du patient, légitimer ses émotions et ses modes de réactions faciliteront ainsi la
relation empathique du médecin. On parle parfois de renforcement pour qualifier cet acte.
Proposer une ou plusieurs solutions au patient rassurera également le patient. Il peut s’agir non
seulement de solutions thérapeutiques (« il existe des médicaments qui permettent de réduire le
vomissements », « nous pourrons soulager votre douleur de façon adéquate en dosant ce produit
très précisément »), mais aussi de solutions plus générales qui peuvent être amenées soit par
nous même lors d’une consultation (peut-être devriez-vous parler à votre mari de cette angoisse
que vous ressentez… »), soit apportées par d’autres professionnels de santé (assistante sociale,
kinésithérapeute, psychologue…). Le message le plus important est que l’on peut, sinon toujours
offrir une solution à un problème, tout du moins assurer le patient de notre sollicitude, de notre
soutien et de notre présence, et ce à tout moment de sa maladie.
Il faudra, de plus, laisser du temps pour les questions et proposer des réponses simples et courtes
tout en s’assurant régulièrement de la bonne compréhension du patient. La reformulation
permettra, par exemple, de vérifier que l’on se comprend bien, que les informations qui ont été
partagées ne font l’objet ni d’incompréhension, ne de contresens. En effet, dans une rencontre
aussi chargée émotionnellement et scientifiquement que la consultation d’annonce, il est capital
d’harmoniser les différences linguistiques entre le vocabulaire des « blouses blanches » et celui
des non-initiés.
Gwénola GRIMAULT
De l’information à l’annonce
107/118
Décembre 06
4.3.6
ETAPE N°6 : PROPOSITIONS ET SUIVI
Même si le patient peut se sentir déprimé à ce stade, voire même déstructuré, il faut préparer
avec lui l’avenir. Il ne suffit pas de réagir à la situation avec sensibilité et empathie, il faut aussi
proposer une perspective clinique et une orientation claire concernant le traitement. Ceci
différencie un simple ami d’un soignant. Il faut alors démontrer sa compréhension des
préoccupations exprimées par le patient. Faire la différence entre les problèmes réversibles et les
problèmes irréversibles est également primordial. Effectivement, si le patient tourne en rond et
se perd dans le labyrinthe de ses problèmes, c’est le moment de l’inciter à effectuer une
hiérarchisation de ceux-ci. A partir de ce moment-là, on peut annoncer les points que l’on
souhaite aborder et l’ordre dans lequel on veut le faire. Il faut également présenter une stratégie,
un plan, même s’il y a des points d’incertitude, ce qui assure le patient de notre soutien. Enfin, il
ne faut pas oublier de toujours conserver une lueur d’espoir, de positiver aussi souvent que
possible. On tentera ainsi de préparer le patient au pire tout en gardant l’espoir. Cela semble
souvent difficile pour le patient qui se sent comme déchiré entre deux sentiments
contradictoires : le désire de vivre et la préparation à une mort proche. On pourra légitimer ce
sentiment en disant par exemple : « Se préparer au pire ne veut pas dire abandonner tout
espoir ».
Afin de préparer l’avenir, on pourra aussi s’appuyer sur l’entourage, rechercher des relais
humains. Ainsi, beaucoup de patients ont spontanément l’idée de venir aux consultations dites
« importantes » accompagnés d’un proche. D’abord parce qu’ils ont besoin d’une présence
rassurante sur le plan affectif, mais également parce qu’ils ont conscience du fait qu’ils peuvent
être dans un état de sidération et qu’ils considèrent « qu’il ou elle pourra écouter à ma place ».
Sans nier le fait qu’il est important de conserver des moments privés ou duels entre le médecin et
le patient, il ne faut pas se priver de l’aide des proches. En l’absence de proche, le médecin doit
pouvoir aussi se reposer sur d’autres personnes pour faire ce « relais » (par exemple l’assistante
sociale, l’équipe de soins à domicile…).
Ensuite viendra le moment de conclure l’entretien. On achèvera sur une récapitulation qui
permettra de synthétiser et de hiérarchiser les informations reçues. C’est avec la clôture que le
médecin fera la jonction temporelle entre ce qui a été dit et entendu, et ce qui sera fait à l’avenir.
On établira donc un contrat d’avenir qui fera le lien avec la suite et projettera ainsi le patient
dans le temps. D’autre part, chaque clôture d’entretien est une « dernière chance ». Pour le
patient, il s’agit de poser une dernière question, souvent capitale, afin de parfaitement
comprendre le diagnostic ou le plan thérapeutique établi ou de vérifier que ses souhaits ont été
pris en compte. Pour le médecin il s’agit de s’assurer que le patient a exprimé tout ce qu’il
souhaitait et a compris ce qui lui a été dit. Il faut alors poser la question capitale : « Avez-vous
d’autres questions ? », « Avez-vous compris ce que nous allons faire ? », « Sommes-nous
d’accord sur la démarche à suivre ? ». La clôture de l’entretien, tout comme l’ouverture, est le
moment le plus propice à l’expression du patient : ce dernier choisira souvent ce dernier moment
pour exprimer ce qu’il n’a pas pu ou voulu dire plus tôt, de peur de passer trop de temps ou de
déranger le médecin. Qui n’a pas eu un patient qui, au moment ou l’on se dit au revoir, réagit à la
« Colombo » : « Une dernière chose Docteur, pensez-vous que… ». Attention de ne pas prendre
cette dernière remarque à la légère : ce que le patient retient le mieux de l’entretien, ce sont les
premières et les dernières paroles… (MOLEY-MASSOL, 2002).Enfin, il faudra déterminer la
date du prochain entretien. A cette occasion, on pourra proposer au patient qui n’a posé aucune
question lors de la clôture de l’entretien, d’écrire ses questions pour la fois suivante si elles lui
viennent à l’esprit. Ceci nous permettra l’évaluation chez le patient de son intégration de
l’information et des phénomènes de rétention mnésique.
Gwénola GRIMAULT
De l’information à l’annonce
108/118
Décembre 06
4.4 QUELQUES ÉCUEILS À ÉVITER
L’information des malades ne va pas de soi, elle est exposée à de nombreuses difficultés qui
méritent d’être exposées (HOERNI et BENEZECH, 1994).
► Eviter le contact déshumanisé
La relation personnelle d’un patient et d’un soignant restant à la base d’une information de
qualité, il faut éviter toute situation dépourvue de ce contact inter-humain :
ƒ information exclusivement écrite ou par vidéo telle un compte rendu opératoire transmis
sans commentaire, un résultat biologique ou une radiographie remis sans explication, une
liste de démarches, d’adresses ou de références laissées de façon anonyme ;
ƒ communication téléphonique entre des interlocuteurs mal identifiés ou correspondance
délivrant par exemple une facture pour un examen non signalé ;
ƒ transmission par le truchement d’un tiers, soit côté soignant tels un étudiant, une
infirmière ou une secrétaire inconnus du patient, soit côté malade tel un proche mal
évalué.
► Eviter les conditions inappropriées
Il doit y avoir adéquation entre les circonstances de l’information et sa teneur. On peut adresser
par courrier la date d’un rendez-vous annoncé mais pas un compte rendu qui apprend au malade
qu’il a un cancer. Sont inappropriées des conditions artificielles :
ƒ manque de temps et de calme pour une information sérieuse et complexe ;
ƒ mine sinistre du médecin, sans le moindre sourire, pour une indication modeste, et
inversement mine joviale pour une nouvelle vraiment mauvaise ;
ƒ information inopportune, trop tardive ou prématurée, précipitée ;
ƒ utilisation de mots ou de phrases maladroits : « ce traitement est très toxique » au lieu de
« ce traitement très actif a un certain nombres d’inconvénients… » ou « votre radio st
négative », ce qui est plutôt rassurant mais sera considéré comme « non positif », ou
encore « le traitement que vous venez de recevoir est un échec complet, on va essayer
autre chose » au lieu de « ce traitement ne marche pas assez bien, il vaudrait mieux le
modifier… » ;
ƒ renseignements donnés par un médecin dans un domaine, pour une technique qu’il ne
connaît pas suffisamment, où il risque de se limiter à des approximations sans valeur, de
se lancer dans des explications aventureuses et inexactes, que se soit avec assurance ou,
pire, avec un manque d’assurance qui inquiète le malade ;
ƒ données exclusivement médicales concernant maladie et traitement, quand le malade a
d’abord des préoccupations psychosociales, pour sa vie normale ;
Gwénola GRIMAULT
De l’information à l’annonce
109/118
Décembre 06
5 CONCLUSION
L’information des patients est indispensable, elle relève même d’une obligation légale. La
discussion n’est plus là et la question centrale sur laquelle nous nous sommes penchés est
surtout : que se joue-t-il au moment non plus seulement de l’information, mais plutôt de
l’annonce, à l’instant précis de cette rencontre entre un patient, un médecin, une maladie et tout
un environnement (social, professionnel, familial, temporel, spatial…) ?
Plusieurs textes réglementaires ont défini l’obligation légale d’information.
L’arrêt Hédreul a renversé la charge de la preuve. Ce renversement de la preuve a suscité
beaucoup d’interrogations et d’inquiétudes au sein des professionnels de santé, et ce d’autant
plus que les moyens de l’apporter sont laissés à la charge du médecin. Bon nombre de médecins
craignent, plus que de ne pas choisir le moyen le plus adéquate d’apporter la preuve de
l’information, une altération de la confiance du patient en son médecin suite à cette formalisation
de l’information. Il est certain que la remise d’un document écrit pour se ménager une preuve en
cas d’éventuel contentieux ne peut qu’entraîner une réaction de défiance chez le patient.
Néanmoins, il semble qu’il y ait confusion : c’est bien la signature du document qui pose
problème et non la fourniture d’un écrit ou d’une fiche récapitulative. Faire la distinction entre
ces deux documents :
ƒ l’un comme support permettant au patient de se remémorer à distance l’ensemble de
l’information, favorisant la réflexion et la discussion ultérieure,
ƒ l’autre comme preuve de l’information, éventuellement signé,
permettrait d’éviter cet abîme.
Les arrêts ultérieurs (arrêts du 14/10/97 et 7/10/98) stipulent que l’information doit être loyale,
claire et appropriée. Elle concerne tous les risques des investigations ou soins, mais également
l’état du patient, son évolution, les investigations et soins nécessaires, la nature et les
conséquences de la thérapeutique. L’information doit également porter sur les risques graves, et
non plus seulement les risques prévisibles les plus courants. Les sociétés savantes créent alors
des fiches officielles décrivant les soins et / ou investigations à réaliser en portant une attention
particulière sur les risques. Malheureusement peu compréhensibles par les « non-médecins » car
axées sur la pertinence du contenu médical, ces fiches ont également tendance à surestimer les
risques par rapport aux bénéfices et décrivent peu les moyens dont dispose l’équipe soignante
pour prendre en charge ces évènements malheureux lorsqu’ils surviennent.
La loi du 4 mars 2002 sur les « Droits des malades » a alors été rédigée dans ce climat de
méfiance et de pression des associations d’usagers, pour renforcer et clarifier les obligations des
professionnels de santé à l’égard des malades. Elle va beaucoup plus loin que l’arrêt Hédreul en
imposant certes, une information claire, loyale et appropriée, mais surtout en se mettant en quête
du consentement du patient, au nom du principe d’autonomie. En procédant à une synthèse de la
jurisprudence et des attentes des associations d’usagers, la loi du 04/03/02 a ainsi redonné du
sens aux prescriptions morcelées du Code de déontologie et de la jurisprudence, permettant ainsi
de dégager un esprit de la loi qui ne se tient plus uniquement à la dimension pénale que les
arrêtés avaient introduit.
Gwénola GRIMAULT
De l’information à l’annonce
110/118
Décembre 06
Enfin, le Code de déontologie aborde l’art d’informer, en traitant davantage de l’annonce que de
l’information, mettant en avant l’aspect relationnel. Il rappelle notamment que l’information doit
être réitérée au fur et à mesure de l’apparition de nouvelles données ou de nouveaux risques, au
fil de l’évolution de la maladie et tout au long de la prise en charge, dans le but d’obtenir la
confiance et l’acquiescement conscient du patient, soit le consentement éclairé, pierres
angulaires de la relation médecin-malade et de la pratique médicale. Il apporte également une
nuance aux trois exceptions, stipulées dans l’article du 7/10/97, permettant au médecin de limiter
le contenu de l’information. Outre l’urgence, l’impossibilité ou le refus du patient d’être
informé, le médecin peut légitimement taire un diagnostic ou un pronostic grave, à titre
exceptionnel et uniquement dans les cas graves, ce qui lui donne, de nouveau, l’autorisation
d’être l’interprète des intérêts du patient. Ceci se heurte à la notion de consentement éclairé sauf
si le médecin parvient à doser la quantité et la qualité des informations à délivrer. C’est
précisément à partir de cet instant que le terme d’« annonce » devient plus approprié que celui
d’« information ».
Si l’obligation légale d’information ne fait maintenant plus aucun doute, la prise en charge d’un
patient en situation de recevoir une mauvaise nouvelle ne se limite pourtant pas à la délivrance
d’une information crue, objective et scientifique.
En effet, l’annonce d’une maladie, d’une rechute, d’un passage en soins palliatifs est un véritable
traumatisme. Impression de rupture temporelle, sentiment de temps volé, que l’on ne maîtrise
plus, sensation de rupture de l’unité corporelle, de trahison de ce corps qui lâche, perception
d’étrangeté… Le médecin a souvent peu conscience de ces bouleversements émotionnels, pris
dans le tourbillon des explorations diagnostiques, des discussions multidisciplinaires concernant
la prise en charge thérapeutique. Pourtant, indubitablement, l’heure du médecin n’est pas
forcément celle du patient. Il faut du temps, de la connivence et surtout que l’annonce (et non
plus l’information) ressemble au patient pour qu’il puisse la reconnaître.
Les mots prononcés et la manière d’annoncer font également traumatisme. Les mots de
l’annonce ne sont certainement pas superposables à ceux qui informent : plus qu’un compte
rendu exhaustif d’examen, les paroles du médecin sont un compromis, une restitution de ce qui
se joue à l’instant « t ».
Enfin, il ne faut pas oublier le traumatisme ajouté, c’est à dire tout ce qui majore l’angoisse du
patient et qui, malheureusement, ne pourra être totalement épargné en ce qu’il s’origine avant
tout de la radicalité de la situation.
Au traumatisme de l’annonce s’ajoutent les mécanismes de défense du patient à l’origine d’une
distorsion de la communication. Le rôle du médecin n’est pas de se prononcer sur la normalité
ou non de ces derniers, mais de déterminer si cette manière de réagir aide le patient ou non à
affronter la situation. Ceci est important car la qualité du devenir psychique dépend des capacités
de mise en jeu des stratégies d’ajustement et de leur degré d’adaptation à la réalité. Ne pas
considérer le malade comme un objet de la science médicale mais plutôt comme un « Sujet »,
jusqu’au bout de son existence, comme un sujet désirant, un sujet qui est le siège d’affects et de
représentations est essentiel pour une relation médecin-malade de qualité.
Gwénola GRIMAULT
De l’information à l’annonce
111/118
Décembre 06
Parfois, le non-dit peut alors être utile. Ce non-dit ne se situe désormais plus du côté du médecin
mais du côté du patient qui peut dorénavant esquiver ce qu’il ne peut entendre. En créant un
espace adapté au cheminement du patient, à ses possibilités d’assimilation de l’information, à la
vitesse de son cheminement pour lier les nouvelles données à l’ensemble de ses représentations
antérieures, ce droit au silence permet à la relation thérapeutique de survivre à cette annonce et
de continuer d’exister au-delà de cette dernière.
Toutefois, le concept de non-dit vient ébranler la notion de vérité. Dire ou non la vérité n’est
plus la question et dorénavant c’est le comment qui importe. Même si livrer la vérité au patient
est primordial, les situations de collusion étant trop souvent génératrices de souffrances
psychologiques, pour le sujet au centre de la collusion comme pour l’entourage, il faut garder à
l’esprit que tout patient n’est pas prêt à entendre les mêmes données au même moment. Dire la
vérité prend alors un autre sens : il ne s’agit plus tout à fait de la vérité de la médecine, ni du
médecin, ni encore celle de la maladie, mais plutôt de la vérité du malade. Cheminer pas à pas
vers cette vérité avec le patient est la tâche du médecin.
Ce travail n’est pas une chose aisée pour le médecin. Tel un oiseau de mauvaise augure, le
médecin a parfois le sentiment d’être le messager du malheur alors que sa vocation est
d’améliorer ou de préserver l’état de santé de ses patients… Il se trouve alors confronté à ses
propres représentations, à sa propre peur de la mort, avec tout ce que cela doit aux mécanismes
de projection et d’identification qui tous nous habitent. Le médecin met alors en place,
inconsciemment, ses propres mécanises de défense. Le but n’est pas d’annihiler ces processus
de défense, qui sont parfaitement légitimes, ni de nier l’importance du propre « je » du soignant,
mais plutôt d’en prendre conscience pour éviter qu’ils ne perturbent et parasitent trop la
communication et la relation de confiance entre le malade et le médecin.
Même si annoncer une mauvaise nouvelle constitue une prise de risque pour le médecin
généraliste, tiraillé entre les obligations légales codifiant la démarche informative, et le souci de
l’Autre, il semble pourtant la personne la mieux indiquée pour réussir cette tâche. Le médecin
traitant est le plus apte pour refaire régulièrement le point sur ce que le patient sait et a compris
de sa maladie, des examens complémentaires réalisés, du traitement envisagé, puis juger de la
capacité du patient à entendre la « vérité », selon quel rythme. Par la suite, c’est également la
personne la plus compétente pour assurer l’accompagnement indispensable qui doit suivre
l’annonce, la personne la plus habile pour relancer ce qui, dans la confrontation à un diagnostic
ou à un pronostic grave, risquerait de s’abîmer, et ainsi permettre au patient de continuer
d’exister.
Pour aider les médecins dans cette tâche, il existe quelques techniques de communication, très
basiques, ainsi que quelques écueils à éviter. Leur but n’est pas de fournir une fiche technique
dont l’intitulé serait « Techniques d’annonce d’une mauvaise nouvelle », mais plutôt de proposer
des points de repère auxquels les médecins pourront se rattacher en cas de difficultés. L’annonce
doit rester une « rencontre ». Il faut à tout prix essayer d’éviter que l’agir médical (mise en route
des investigations cliniques, para-cliniques et thérapeutiques) empêchent l’établissement et le
maintien d’une communication de qualité avec son patient.
Gwénola GRIMAULT
De l’information à l’annonce
112/118
Décembre 06
S’il existe encore quelques aspects non traités, comme l’accompagnement et le suivi après
l’annonce d’une mauvaise nouvelle, le dessein de ces pages est de donner à penser sur
l’information et l’annonce.
En outre, ce travail pourra être utilisé dans le cadre de la Formation Professionnelle
Conventionnelle en médecine générale (FPC, tel le séminaire intitulé « De l’obligation
d’information à la difficulté de l’annonce » réalisé par Jean Charles GASTON, médecin
généraliste de Carcassonne, et agréé par l’OGC début novembre 2006) et pourrait également
l’être pour la formation des étudiants en médecine générale de 3ème cycle.
Enfin, il pourrait trouver une dernière application dans le cadre de l’Evaluation des Pratiques
Professionnelles (EPP). Après avoir demandé à des médecins généralistes de s’auto-évaluer sur
dix cas d’annonces difficiles, mon travail pourrait servir de base pour la formation de ces
médecins à qui l’on pourrait ensuite demander de s’évaluer une nouvelle fois sur dix autres cas
d’annonces difficiles et apprécier ainsi l’évolution dans leur manière de procéder.
Gwénola GRIMAULT
De l’information à l’annonce
113/118
Décembre 06
BIBLIOGRAPHIE
-Benkimoun P., 20 avril 2005. Un dispositif d’annonce des cancers devrait être généralisé. Le
Monde : 9.
-Benoîst J., 1996. Une médecine ou des médecines. A propos de la dimension culturelle de la
maladie. Nouvelle revue éthnopsychiatrique, 30 : 147-59.
-Blet D., 2002. De l’information à l’annonce : la place du non-dit. Communication : Colloque
« L’annonce ». Clermont de l’Oise.
-Blet D., Carayon I., 2003. L’annonce du diagnostic après la loi du 4 mars 2002. Colloque du
Collège des médecins de la SFAP.
-Buckman R., 1994. S’asseoir pour parler : L’art de communiquer des mauvaises nouvelles aux
malades. Guide du professionnel de santé. Masson, Paris : 211p.
-Butow P. N., Brown R. F., Cogar S., Tattersall M. H. N., Dunn S. M., 2002.
Oncologists’reactions to cancer patients’ verbal cues. Psycho-oncology, 11 : 47-58.
-Chagnon A., 2005. Le médecin, le malade, la vérité. Faut-il dire la vérité, toute la vérité, rien
que la vérité ? Dans ce domaine, les mentalités évoluent. Le concours médical, 127 (13) : 709714.
-Charpentier L., Thépaut P., Darves J-M., 1997. Le médecin face à ses patients : mieux
communiquer avec ses patients et optimiser son organisation. Chiron, France : 92p.
-Chastaing M., 1998. L’information au malade atteint de maladie grave. Annales de psychiatrie,
13 (2) : 101-106.
-Chicaud M.-B., 1998. La crise de la maladie grave. Dunod, Paris: 148p.
-Clanet M., Gayot Pigois C., 2001. Annonce du diagnostic et information des patients atteints
de SEP : Conférence de consensus, la sclérose en plaque. Revue neurologique-Paris, 157 (8-9) :
1153-1156.
-Even G., 2000. De la vérité au malade au devoir d’information. Arguments pour une (anti ?)
méthode. La revue du praticien-Médecine générale, 14 (502) : 1124-1126.
-Fallowfield L., Jenkins V., Farewell V., Saul J., Duffy A., Eves R., 2002. Efficacy of a
cancer research UK communication skills training model for oncologists : a randomised
controlled trial. The lancet, 359 : 650-656.
-Girgis A, Sanson-Fisher RW, 1995. Breaking bad news: consensus guidelines for medical
practitioners. Journal of clinical oncologie, 13 : 2449-2456.
-Grimaldi A., Cosserat J., 2004. La relation médecin-malade-EMC référence. Elsevier : 202p.
-Hoerni B., 1996. Serment d’Hippocrate réactualisé. Bulletin de l’Ordre des médecins, 9 : 5-6.
-Hoerni B., Bénézech M., 1994. L’information en médecine. Evolution sociale, juridique,
éthique. Masson, Paris : 129p.
-Jenkins V., Fallowfield L., 2002. Can communication skills training after physicians’ beliefs
and behavior in clinics? Journal of clinical oncologie, 20 (3) : 765-769.
-Kübler-Ross E., 1969. Les derniers instants de la vie. Labor et Fides : 279p.
-Lazarus R. S., Folkman S., 1984. Stress. Appraisal and coping. Springer, New York : 445.
-Le livre bleu, 10ème congrès national de la Société Française d’Accompagnement et de soins
Palliatifs (SFAP), recommandations de 2003.
-Mager W. M., Andrykowski M. A., 2002. Communication in the cancer “bad news”
consultation : patient perceptions and psychological adjustment. Psycho-oncology, 11 : 35-46.
-Molley-Massol I., 2002. Le coaching médical. Les mots pour le dire… ou l’art de
communiquer des mauvaises nouvelles au patient. La lettre du cancérologue, 11 (5) : 189-192.
Gwénola GRIMAULT
De l’information à l’annonce
114/118
Décembre 06
-Penel N., Ulazewski A. L., Reich M., 2001. La vérité au malade : le témoignage d’Arthur et
Isabelle Rimbaud. La presse médicale, 30 (13) : 636-638.
-Pochon F., 2003. La loi du 4 mars 2002 : La mise en pratique. Berger-Levrault : 95p.
-Pujol H., Schraub S., Serin D., 1997. Les enjeux de la prise en charge des malades du cancer.
Flammarion, France : 215p.
-Reich M., Deschamps C., Ulaszewski A. L., Horner-Vallet D., 2001. L’annonce d’un
diagnostic de cancer : paradoxes et quiproquos. La revue de médecine interne Paris, 22 (6) :
560-566.
-Reich M., Mekaoui L., 2003. La conspiration du silence en cancérologie: une situation à ne pas
négliger. Bulletin du cancer, 90 (2) : 181-184.
-Ruszniewski M., 2004. Face à la maladie grave : patients, familles, soignants. Dunod, Paris :
206p.
Sites internet consultés :
-http://sos-net.eu.org/medical/risque.htm concernant l’accident médical non fautif
-http://www.anaes.fr concernant les recommandations de l’ANAES sur l’information du patient
-http://www.conseil-national.medecin.fr/?ml=deonto/rubrique.php concernant le Code de
déontologie
-http://www.legifrance.gouv.fr concernant la loi du 4 mars 2002
Gwénola GRIMAULT
De l’information à l’annonce
115/118
Décembre 06
SERMENT D’HIPPOCRATE
En présence des Maîtres de cette école, de mes chers condisciples et devant l’effigie
d’Hippocrate, je promets et je jure, au nom de l’Etre suprême, d’être fidèle aux lois de l’honneur
et de la probité dans l’exercice de la médecine.
Je donnerai mes soins gratuits à l’indigent et n’exigerai jamais un salaire au-dessus de mon
travail.
Admis (e) dans l’intérieur des maisons, mes yeux ne verront pas ce qui s’y passe, ma langue taira
les secrets qui me seront confiés, et mon état ne servira pas à corrompre les mœurs, ni à favoriser
le crime.
Respectueux (se) et reconnaissant (e) envers mes Maîtres, je rendrai à leurs enfants l’instruction
que j’ai reçue de leurs pères.
Que les hommes m’accordent leur estime si je suis fidèle à mes promesses. Que je sois couvert
(e) d’opprobre et méprisé (e) de mes confrères si j’y manque.
Gwénola GRIMAULT
De l’information à l’annonce
116/118
Décembre 06
PERMIS D’IMPRIMER
Page à insérer
Gwénola GRIMAULT
De l’information à l’annonce
117/118
Décembre 06
RÉSUMÉ
Le médecin généraliste doit à son patient une information claire, loyale et appropriée. Il doit
également être en mesure de fournir la preuve de cette information, comme le rappelle l’arrêt
Hédreul. La loi du 4 mars 2002 va même plus loin en ajoutant que cette information a surtout
pour but le consentement du patient, au nom du principe d’autonomie. Les choses semblent donc
parfaitement limpides et précises. Néanmoins, l’information d’une mauvaise nouvelle est un
exercice extrêmement délicat qu’il est difficile de réaliser dans un cadre aussi rigide. Le code de
déontologie tient compte des conséquences psychiques, de la violence engendrée par la
révélation et rend ainsi possible un compromis entre d’une part le respect de l’autonomie de
l’individu, et d’autre part l’évidente fragilité du patient auquel on délivre une information
douloureuse, angoissante et souvent lourde de conséquences. C’est à partir de ce moment précis
qu’il est plus juste de parler d’annonce et non plus d’information uniquement. Les mots qui
informent ne sont certainement pas les mêmes que ceux qui annoncent. Il faut prendre en
considération le traumatisme de la maladie, les mécanismes de défense déployés aussi bien par le
malade que par le médecin, autant d’éléments qui viennent perturber et parasiter la
communication. Le non-dit peut alors être utile en permettant, paradoxalement, de maintenir le
dialogue et l’existence de cette relation singulière si fragile et si complexe entre un médecin qui,
tel un oiseau de mauvaise augure, vient bouleverser en quelques instants, la vie de son patient.
L’annonce peut ainsi se poursuivre petit à petit dans le temps, au rythme du patient, jusqu’à ce
que l’on nomme la vérité du patient. Le médecin traitant est l’une des personnes la mieux placée
pour assurer cette tâche, accompagner le patient et surtout amener le patient à reconnaître qu’il
possède en lui les ressources qui lui permettront de continuer d’exister. Afin de l’aider dans cette
entreprise, il existe quelques techniques de communication qui peuvent servir de repères, de fil
conducteur au médecin, mais qui ne constituent en aucun cas un guide pratique applicable pour
chaque patient de façon identique. N’oublions pas que l’annonce doit se faire dans une relation
de sujet à sujet. Elle doit rester individuelle. Malgré tout, l’annonce n’est pas contraire à la loi,
elle est traversée par la loi. Ceci restaure ce que le législateur ne pourra jamais inscrire dans une
loi : la relation intersubjective et la responsabilité pour l’autre.
Mots clé :
annonce
information
diagnostic
vérité
déontologie
maladies graves
soins palliatifs
relation médecin-malade