Thèse en médecine Annonce G.Grimault
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Thèse en médecine Annonce G.Grimault
UNIVERSITE MONTPELLIER I U.F.R. DE MEDECINE THESE Pour obtenir le grade de DOCTEUR EN MEDECINE Présentée et soutenue publiquement Par Gwénola GRIMAULT Le 1er décembre 2007 Titre : DE L’INFORMATION A L’ANNONCE DES MAUVAISES NOUVELLES EN MEDECINE GENERALE Directeur de thèse : Dr Jean Charles GASTON JURY Pr BOULENGER Jean Philippe Président Pr GUILLOT Bernard Assesseur Pr PAGEAUX Georges-Philippe Assesseur Dr CHEVALLIER Josiane Assesseur Dr BOURREL Gérard Assesseur Dr GASTON Jean Charles Assesseur UNIVERSITE MONTPELLIER I U.F.R. DE MEDECINE THESE Pour obtenir le grade de DOCTEUR EN MEDECINE Présentée et soutenue publiquement Par Gwénola GRIMAULT Le 1er décembre 2007 Titre : DE L’INFORMATION A L’ANNONCE DES MAUVAISES NOUVELLES EN MEDECINE GENERALE Directeur de thèse : Dr Jean Charles GASTON JURY Pr BOULENGER Jean Philippe Président Pr GUILLOT Bernard Assesseur Pr PAGEAUX Georges-Philippe Assesseur Dr CHEVALLIER Josiane Assesseur Dr BOURREL Gérard Assesseur Dr GASTON Jean Charles Assesseur PERSONNEL ENSEIGNANT Professeurs honoraires ALLIEU Yves ALRIC Robert AYRAL Guy CAZAL Pierre CHAPTAL PaulAndré CIURANA AlbertJean D’ATHIS Françoise BAILLAT Xavier DEJEAN Yves BALMES Michel BALMES Pierre BANSARD Nicole DESCOMPS Bernard DU CAILAR Jacques DUMAS Robert BAUMEL Hugues DUMAZER Romain BAYLET René EMBERGER JeanMarie FABRE Serge FREREBEAU Philippe GRASSET Daniel ASTRUC Jacques BERTRAND André BILLIARD Michel BLARD Jean-Marie BONNET Hubert BORIES-AZEAU Antoine BOSSY Jean BOUDET Charles BOURGEOIS JeanMarie CADILHAC Jean CALLIS Albert CATAYEE Gabriel JARRY Daniel JEAN Roger PAGES André PEGURET Claude LABAUGE Robert POUGET Régis LAFFARGUE François LAMARQUE JeanLouis LAPEYRIE Henri LLORY Jacques LOUBATIERES M.Madeleine MAGNAN DE BORNIER Bernard MANDIN André POURQUIER Henri MARCHAL Georges MARTY-DOUBLE Christiane MATHIEU-DAUDE Pierre GREMY François MEYNADIER JeanCharles GROLLEAU-RAOUX MICHEL FrançoisRobert Bernard GUILHOU JeanMICHEL Henri Jacques HERTAULT Jean MION Charles IZARN Pierre MION Henri JAFFIOL Claude JANBON Charles JANBON François MIRO Luis NAVARRO Maurice NAVRATIL Henri Gwénola GRIMAULT De l’information à l’annonce PUECH Paul PUJOL Henri RABISCHONG Pierre RAMUZ Michel RIEU Daniel RIOUX Jean-Antoine ROCHEFORT Henri SERRE Arlette SIMON Lucien SOLASSOL Claude SUQUET Pierre THEVENET André VERNHET Jean VIDAL Jacques VISIER Jean Pierre VLAHOVITCH Boris 3/118 Décembre 06 Professeurs des Universités – Praticiens Hospitaliers Professeurs de classe exceptionnelle AUSSILLOUX Charles BALDY-MOULINIER Michel BOUSQUET Jean BUREAU Jean Paul CANAUD Bernard CASTELNAU Didier CLOT Jacques DAURES Jean Pierre DEDET Jean Pierre DEMAILLE Jacques DIMEGLIO Alain ELEDJAM Jean Jacques FOURCADE Jacques GODLEWSKI Guilhem GUERRIER Bernard HUMEAU Claude JOURDAN Jacques MARY Henri MONNIER Louis PREFAUT Christian ROSSI Michel ROUANET DE VIGNE LAVIT J.Pierre SANY Jacques SULTAN Charles TOUCHON Jacques - Doyen Pédopsychiatrie Biologie Cellulaire Pneumologie Cytologie et Histologie Néphrologie Psychiatrie d’adultes Immunologie Epidémiologie, Economie de la santé et Prévention Parasitologie et Mycologie Génétique Chirurgie Infantile Anesthésiologie et réanimation chirurgicale ; médecine d’urgence Médecine interne ; Gériatrie et Biologie du vieillissement Anatomie Oto-Rhino-Laryngologie Biologie et Médecine du développement et de la reproduction Thérapeutique ; médecine d’urgence Chirurgie thoracique et cardio-vasculaire Endocrinologie, diabète et maladies métaboliques ; gynécologie médicale Physiologie Biophysique et médecine nucléaire Radiologie et imagerie médicale Rhumatologie Biologie et Médecine du développement et de la reproduction ; gynécologie médicale Neurologie Professeurs de 1re classe ARNAUD Bernard ARTUS Jean-Claude ASENCIO Gérard AVEROUS Michel BACCINO Eric BALDET Pierre BLANC François BLAYAC Jean Pierre BLOTMAN Francis Ophtalmologie Biophysique et Médecine nucléaire Chirurgie orthopédique et Traumatologique Urologie Médecine légale et droit de la santé Anatomie et cytologie pathologiques Médecine interne ; gériatrie et biologie du vieillissement Pharmacologie fondamentale ; pharmacologie clinique Rhumatologie BONAFE Alain BONNEL François Radiologie et imagerie médicale Anatomie Gwénola GRIMAULT De l’information à l’annonce 4/118 Décembre 06 BOULENGER Jean Philippe BRINGER Jacques BRUEL Jean Michel CLAUSTRES Mireille COLSON Pascal COMBE Bernard COSTA Pierre DAUZAT Michel DAVY Jean Marc DE LA COUSSAYE Jean Emmanuel DOMERGUE Jacques DUBOIS Jean Bernard DUJOLS Pierre ECHENNE Bernard GALIFER René-Benoît GODARD Philippe GUILLOT Bernard HEDON Bernard HERISSON Christian JEANDEL Claude JONQUET Olivier KLEIN Bernard LALLEMANT Jean Gabriel LARREY Dominique LE QUELLEC Alain LEROUX Jean Louis LOPEZ François Michel LORIOT Jean MARES Pierre MAURY Michèle MERCIER Jacques MILLAT Bertrand MIMRAN Albert MOURAD Georges PELISSIER Jacques PETIT Pierre RIBSTEIN Jean ROUANET Philippe SAINT AUBERT Bernard SANCHO-GARNIER Hélène SCHVED Jean François SENAC Jean Paul UZIEL Alain VOISIN Michel Psychiatrie d’adultes Endocrinologie, diabète et maladies métaboliques ; gynécologie médicale Radiologie et Imagerie médicale Génétique Anesthésiologie et réanimation chirurgicale ; médecine d’urgence Rhumatologie Urologie Chirurgie vasculaire ; médecine vasculaire : option médecine vasculaire Cardiologie Anesthésiologie et réanimation chirurgicale ; médecine d’urgence Chirurgie générale Cancérologie ; radiothérapie Biostatistiques, informatique médicale et technologies de la communication Pédiatrie Chirurgie infantile Pneumologie Dermato-vénéréologie Gynécologie-obstétrique ; gynécologie médicale Médecine physique et de réadaptation Médecine interne ; Gériatrie et Biologie du vieillissement Réanimation médicale ; médecine d’urgence Hématologie ; transfusion Oto-rhino-laryngologie Gastroentérologie ; hépatologie Médecine interne ; gériatrie et biologie du vieillissement Rhumatologie Radiologie et imagerie médicale Médecine et santé au travail Gynécologie-obstétrique ; gynécologie médicale Pédopsychiatrie Physiologie Chirurgie digestive Médecine interne ; gériatrie et biologie du vieillissement Néphrologie Médecine physique et de réadaptation Pharmacologie fondamentale ; pharmacologie clinique Médecine interne ; gériatrie et biologie du vieillissement Cancérologie ; radiothérapie Cancérologie ; radiothérapie Epidémiologie, économie de la santé et prévention Hématologie ; transfusion Radiologie et imagerie médicale Oto-rhino-laryngologie Pédiatrie Gwénola GRIMAULT De l’information à l’annonce 5/118 Décembre 06 Professeurs de 2ème classe ALBAT Bernard ALRIC Pierre Chirurgie thoracique et cardiovasculaire Chirurgie vasculaire ; médecine vasculaire (option chirurgie vasculaire) AVIGNON Antoine Nutrition BALMES Jean Louis Gastroentérologie ; hépatologie BASTIEN Patrick Parasitologie et mycologie BLANC Pierre Gastroentérologie, hépatologie, BORIE Frédéric Chirurgie digestive BOULOT Pierre Gynécologie-obstétrique ; gynécologie médicale BRUNEL Michel Médecine interne ; gériatrie et biologie du vieillissement CAMU William Neurologie CANOVAS François Anatomie CAPDEVILA Xavier Anesthésiologie et réanimation chirurgicale ; médecine d’urgence CHAMMAS Michel Chirurgie orthopédique et traumatologique CORBEAU Pierre Immunologie COSTES Valérie Anatomie et cytologie pathologiques COUBES Philippe Neurochirurgie COURTET Philippe Psychiatrie d’adultes CRAMPETTE Louis Oto-rhino-laryngologie CRISTOL Jean Paul Biochimie et biologie moléculaire CULINE Stéphane Cancérologie ; radiothérapie DE WAZIERES Benoît Médecine interne ; gériatrie et biologie du vieillissement DECHAUD Hervé Gynécologie-obstétrique ; gynécologie médicale DELAPORTE Eric Maladies infectieuses ; maladies tropicales DEMOLY Pascal Pneumologie DEREURE Olivier Dermatologie -vénéréologie DUFFAU Hugues Neurochirurgie ELIAOU Jean François Immunologie FABRE Jean Michel Chirurgie générale FRAPIER Jean-Marc Chirurgie thoracique et cardiovasculaire GALLIX Benoît Radiologie et imagerie médicale GIACALONE Pierre-Ludovic Gynécologie-obstétrique ; gynécologie médicale GOUDOT Patrick Chirurgie maxillo-faciale et stomatologie GUITER Jacques Urologie HAMAMAH Samir Biologie et médecine du développement et de la reproduction ; gynécologie médicale JORGENSEN Christian Thérapeutique ; médecine d’urgence JOYEUX Henri Chirurgie digestive KOTZKI Pierre Olivier Biophysique et médecine nucléaire LABAUGE Pierre Neurologie LAVABRE-BERTRAND Thierry Cytologie et histologie LECLERCQ Florence Cardiologie LEFRANT Jean-Yves Anesthésiologie et réanimation chirurgicale ; médecine d’urgence LEHMANN Sylvain Biochimie et biologie moléculaire Gwénola GRIMAULT De l’information à l’annonce 6/118 Décembre 06 LESBROS Daniel LUMBROSO Serge MARTY-ANE Charles MAUDELONDE Thierry MAURY Philippe MESSNER Patrick MEUNIER Laurent MONDAIN Michel MORIN Denis NAVARRO Francis OTHONIEL Jacques PAGEAUX Georges-Philippe PAGES Michel PERNEY Pascal PICAUD Jean-Charles PIOT Christophe POUDEROUX Philippe PRUDHOMME Michel PUJOL Jean Louis PUJOL Pascal QUERE Isabelle RENARD Eric REYNES Jacques RIPART Jacques RIVIER François ROSSI Jean François SARDA Pierre SEGNARBIEUX François SOTTO Albert TAOUREL Patrice TOUITOU Isabelle VANDE PERRE Philippe VERNHET Hélène VILLAIN Max VINCENT Denis YCHOU Marc ZANCA Michel Pédiatrie Biochimie et Biologie moléculaire Chirurgie vasculaire ; médecine vasculaire (option chirurgie vasculaire) Biologie cellulaire Chirurgie orthopédique et traumatologique Cardiologie Dermato-vénéréologie Oto-rhino-laryngologie Pédiatrie Chirurgie générale Médecine interne ; gériatrie et biologie du vieillissement Gastroentérologie ; hépatologie Neurologie Médecine interne ; gériatrie et biologie du vieillissement Pédiatrie Cardiologie Gastroentérologie ; hépatologie Anatomie Pneumologie Biologie cellulaire Chirurgie vasculaire ; médecine vasculaire : option médecine vasculaire Endocrinologie, diabète et maladies métaboliques ; gynécologie médicale Maladies infectieuses, maladies tropicales Anesthésiologie et réanimation chirurgicale ; médecine d’urgence Pédiatrie Hématologie ; transfusion Génétique Neurochirurgie Maladies infectieuses ; maladies tropicales Radiologie et imagerie médicale Génétique Bactériologie-virologie ; hygiène hospitalière Radiologie et imagerie médicale Ophtalmologie Médecine interne ; gériatrie et biologie du vieillissement Cancérologie ; radiothérapie Biophysique et médecine nucléaire Gwénola GRIMAULT De l’information à l’annonce 7/118 Décembre 06 Professeur des Universités Professeur de classe exceptionnelle PUJOL Rémy Neurosciences Professeurs Emérites MEYNADIER Jean ROCHEFORT Henri RIEU Daniel Professeurs Associés de Médecine Générale BOURREL Gérard LAMBERT Philippe Maîtres de conférences des Universités – Praticiens Hospitaliers Maîtres de conférences hors classe FAUROUS Patrick PRAT Dominique PRATLONG Francine RAMOS Jeanne SEGONDY Michel VENDRELL Jean Pierre Biophysique et médecine nucléaire Anatomie Parasitologie et mycologie Anatomie et cytologie pathologiques Bactériologie-virologie ; hygiène hospitalière Immunologie Gwénola GRIMAULT De l’information à l’annonce 8/118 Décembre 06 Maîtres de conférences de 1re classe ALLARDET-SERVENT Annick ANDARY Monique ARNAL Françoise Bactériologie-virologie ; hygiène hospitalière Immunologie Biologie et médecine du développement et de la reproduction ; gynécologie médicale BAUDIN Gérard Biochimie et biologie moléculaire BEROUD Christophe Génétique BOULLE Nathalie Biologie cellulaire CACHEUX Valère Génétique CARRIERE Christian Bactériologie-virologie ; hygiène hospitalière CHALET Marcel Cytologie et histologie CHARACHON Sylvie Bactériologie-virologie ; hygiène hospitalière DARBAS Hélène Bactériologie-virologie ; hygiène hospitalière ESCANDE Andrée Immunologie FABBRO-PERAY Pascale Epidémiologie, économie de la santé et prévention HAYOT Maurice Physiologie HILLAIRE-BUYS Pharmacologie fondamentale ; pharmacologie clinique Dominique LACHAUD Laurence Parasitologie et mycologie MARCHANDIN Hélène Bactériologie-virologie ; hygiène hospitalière MARIANO-GOULART Biophysique et médecine nucléaire Denis MASSE Christian Physiologie MATHIEU-DAUDE Jean Biophysique et médecine nucléaire Claude MICHEL Françoise Biochimie et biologie moléculaire PARIS Françoise Biologie et médecine du développement et de la reproduction ; gynécologie médicale PELLESTOR Franck Cytologie et histologie PIGNODEL Christine Anatomie et cytologie pathologiques PUJOL Joseph Anatomie RAMONATXO Michèle Physiologie RAVEL Christophe Parasitologie et mycologie RICHARD Bruno Thérapeutique ; médecine d’urgence RISPAIL Philippe Parasitologie et mycologie ROGER Pascal Anatomie et cytologie pathologiques RONDOUIN Gérard Physiologie SIMONY-LAFONTAINE Cancérologie ; radiothérapie Joëlle STOEBNER Pierre Dermatologie-vénéréologie TERRAL Claude Physiologie VALLET Bernard Biochimie et biologie moléculaire VANNEREAU Henri Cytologie et histologie Gwénola GRIMAULT De l’information à l’annonce 9/118 Décembre 06 Maîtres de conférences de 2ème classe BADIOU Stéphanie BRUN Michel CAPTIER Guillaume DAUVILLIERS Yves DE VOS John DEMARIA Roland GIANSILY-BLAIZOT Muriel GODREUIL Sylvain GRAAFLAND Hubert JABER Samir LAVIGNE Jean-Philippe MATECKI Stéphan PEREZ-MARTIN Antonia SOLASSOL Jérôme VINCENT Thierry Biochimie et biologie moléculaire Bactériologie-virologie ; hygiène hospitalière Anatomie Physiologie Hématologie ; transfusion Chirurgie thoracique et cardio-vasculaire Hématologie ; transfusion Bactériologie-virologie Hématologie ; transfusion Anesthésiologie et réanimation chirurgicale ; médecine d’urgence Bactériologie-virologie ; hygiène hospitalière Physiologie Physiologie Biologie cellulaire Immunologie Maître de conférences Associé de Médecine Générale AMOUYAL Michel MERIC Bernard Praticiens hospitalo-universitaires GARREL Renaud MOREL Jacques RIGAU Valérie Oto-Rhino-Laryngologie Rhumatologie Anatomie et cytologie pathologiques Gwénola GRIMAULT De l’information à l’annonce 10/118 Décembre 06 Maîtres de Conférences des Universités Maîtres de Conférences hors classe BADIA Eric CARBONNEAU M. Annette DAURES Marie-Françoise HARRICANE Marie Cécile PIVA Marie Thérèse Sciences Biologiques Pharmaceutiques Sciences Biologiques Pharmaceutiques Sciences physico-chimiques et technologies pharmaceutiques Sciences Biologiques Pharmaceutiques Sciences Biologiques Pharmaceutiques Maîtres de Conférences de classe normale ALAUX André BECAMEL Carine CADILHAC-BONNET Claire CANOVAS Michèle CARILLO Serge CHAMBON Monique CHARASSON Virginie CHAZAL Nathalie CHENIVESSE Dalila COURET Isabelle DEREURE Jacques DUFFOUR Jacqueline GAY Bernard MOLINARI Nicolas NEVEU Dorine PROVANSAL Monique ROMEY Catherine ROUY Simone SIESO Victor TOURNAMILLE Jean VIGNAUD Mireille VISIER Laurent Sciences physico-chimiques et technologies pharmaceutiques Neurosciences Sciences du langage : linguistique et phonétique générales Physiologie Sciences biologiques pharmaceutiques Sciences biologiques pharmaceutiques Sciences du médicament Biologie cellulaire Biochimie et biologie moléculaire Sciences physico-chimiques et technologies pharmaceutiques Sciences biologiques pharmaceutiques Sciences du médicament Sciences biologiques pharmaceutiques Mathématiques appliquées et applications des mathématiques Sciences biologiques Sciences biologiques pharmaceutiques Sciences biologiques pharmaceutiques Sciences biologiques pharmaceutiques Sciences biologiques pharmaceutiques Sciences biologiques pharmaceutiques Sciences du médicament Sociologie, démographie Gwénola GRIMAULT De l’information à l’annonce 11/118 Décembre 06 REMERCIEMENTS Un grand merci au Dr Jean Charles GASTON, mon maître de thèse, pour m’avoir accompagné, guidé et soutenu tout au long de cette réflexion, pour avoir supporté tous mes retards, mes périodes de silence, mes doutes. Tu as su me redonner l’élan lorsque cela était nécessaire et je t’en remercie du fond du cœur. Tous mes remerciements au Dr Dominique BLET qui m’a fourni les bases indispensables à ce travail, qui a également relu et corrigé la première version de ma thèse avec autant d’attention. Merci aux Dr Anne CATTEY et Bernard DUMERIL avec qui nous avons eu tant de discussions si intéressantes et enrichissantes sur le sujet. Vous m’avez éclairé sur des points qui me paraissaient obscurs. Vous m’avez fait comprendre que la gravité de certaines situations ne dispensait pas d’être le plus humain possible, que l’Homme avait besoin d’être écouté, particulièrement en ces moments difficiles. J’essaierai de suivre votre exemple. Merci encore à tous les médecins avec qui j’ai travaillé au cours de mon cursus médical et de mon internat, et notamment aux Dr Marcel ANDRIAMANANA et Alain GRANIER, qui m’ont fait découvrir des aspects si différents, mais non moins intéressants, de la médecine, qui ont fait naître toutes ces interrogations et m’ont incité à me pencher et à réfléchir au problème de l’annonce. J’aimerais également remercier plus que tout l’ensemble des patients qui ont accepté de me confier leurs sentiments les plus intimes et m’ont permis de progresser dans ma réflexion. Ils ont fait preuve de beaucoup de courage, de sincérité, d’humilité et de don d’eux-mêmes. Merci mille fois. Merci à tous mes membres du jury d’avoir accepté de lire ma thèse et d’accorder de l’attention à mon travail. Enfin, merci Didier. Tu as su être à la fois présent et discret tout au long de la réalisation de ce travail. Tu as vécu mes périodes d’incertitudes et de désarroi, tu m’as encouragé, motivé, guidé, conseillé. Tu as même relu plusieurs fois certaines parties de ce travail alors qu’il ne s’agissait pas de ton sujet de prédilection. Tu m’as également aidé à mettre en forme ce document pour qu’il puisse être présenté à d’autres, éveiller ainsi les esprits et donner à réfléchir. Je t’adore. Gwénola GRIMAULT De l’information à l’annonce 12/118 Décembre 06 SOMMAIRE 1 INTRODUCTION............................................................................................................... 15 2 INFORMATION DU PATIENT........................................................................................ 21 2.1 DIFFÉRENCES ENTRE INFORMATION ET ANNONCE ........................................ 21 2.2 L’ARRÊT MARTIN ..................................................................................................... 22 2.3 L’ARRÊT HÉDREUL ET LES RECOMMANDATIONS DE LA HAUTE AUTORITE DE SANTE................................................................................................................................ 22 2.3.1 CONTEXTE d’adoption des solutions juridiques en matière d’information ........ 22 2.3.2 ASPECT JURIDIQUE : Lien entre obligation d’information et responsabilité médicale ............................................................................................................................... 24 2.3.3 ASPECT MÉDICAL : Des craintes d’une nouvelle responsabilité au souci de la qualité de la relation ............................................................................................................. 26 2.3.4 FICHES D’INFORMATION PRODUITES PAR LES SOCIÉTÉS SAVANTES .... 35 2.3.5 EN CONCLUSION ................................................................................................ 36 2.4 INFORMATION DU PATIENT D’APRÈS LA LOI DU 4 MARS 2002...................... 39 2.4.1 FONDEMENTS PHILOSOPHIQUES DE LA LOI DU 4 MARS 2002 ................. 39 2.4.2 LOI DU 4 MARS 2002 .......................................................................................... 42 2.5 CODE DE DÉONTOLOGIE......................................................................................... 50 3 DE L’INFORMATION À L’ANNONCE.......................................................................... 66 3.1 POURQUOI EST-CE SI DIFFICILE D’ANNONCER UNE MAUVAISE NOUVELLE ?........................................................................................................................... 66 3.2 LE TRAUMATISME DE LA MALADIE .................................................................... 67 3.2.1 LE TRAUMATISME DE L’ANNONCE................................................................. 67 3.2.2 LE TRAUMATISME DES MOTS .......................................................................... 72 3.2.3 LE TRAUMATISME AJOUTÉ .............................................................................. 72 3.3 MÉCANISMES DE DÉFENSE .................................................................................... 73 3.3.1 CONSÉQUENCES PSYCHOLOGIQUES DE L’ANNONCE SUR LE PATIENT. 73 3.3.2 PROCESSUS DE DÉFENSE................................................................................. 74 3.3.3 STRATÉGIES D’ADAPTATION ........................................................................... 78 3.4 LE NON-DIT................................................................................................................. 78 3.4.1 QU’EST-CE QUE LE NON-DIT ?........................................................................ 78 3.4.2 LES LIEUX DU NON-DIT .................................................................................... 79 3.4.3 LES BÉNÉFICES PROCURÉS PAR LE NON-DIT .............................................. 80 3.5 NOTION DE VÉRITÉ .................................................................................................. 81 3.5.1 « DIRE OU NE PAS DIRE » EST-IL ENCORE D’ACTUALITÉ ?....................... 81 3.5.2 SITUATIONS DE COLLUSION............................................................................ 81 3.5.3 POUR QUELLES RAISONS DIRE LA VÉRITÉ ? ................................................ 83 3.5.4 LA VÉRITÉ DU PATIENT .................................................................................... 85 3.6 RÉPERCUSSIONS DE L’ANNONCE SUR LE MÉDECIN ET MÉCANISMES DE DÉFENSE DES SOIGNANTS.................................................................................................. 86 3.7 RÔLE ET PLACE DU MÉDECIN GÉNÉRALISTE LORS DE L’ANNONCE........... 92 Gwénola GRIMAULT De l’information à l’annonce 13/118 Décembre 06 4 QUELQUES BASES DE COMMUNICATION............................................................... 96 4.1 LES ENJEUX DE LA COMMUNICATION ................................................................ 96 4.2 TECHNIQUES DE COMMUNICATION INTERPESONNELLE .............................. 98 4.2.1 L’EMPATHIE........................................................................................................ 98 4.2.2 L’ÉCOUTE ACTIVE ............................................................................................. 98 4.2.3 LE QUESTIONNEMENT ...................................................................................... 99 4.2.4 PARLER POUR SE FAIRE COMPRENDRE...................................................... 100 4.2.5 LES ATTITUDES DE PORTER .......................................................................... 101 4.2.6 LA REFORMULATION....................................................................................... 102 4.2.7 LA COMMUNICATION NON-VERBALE........................................................... 103 4.2.8 LA TECHNIQUE DU SILENCE ......................................................................... 104 4.3 « PROTOCOLE » D’ANNONCE EN 6 ETAPES ...................................................... 104 4.3.1 ETAPE N°1 : LES PRÉLIMINAIRES.................................................................. 104 4.3.2 ETAPE N°2 : QUE SAIT DÉJA LE PATIENT ? ................................................. 105 4.3.3 ETAPE N°3 : QUE VEUT SAVOIR LE PATIENT ? ........................................... 105 4.3.4 ETAPE N°4 : LA COMMUNICATION D’INFORMATIONS ............................. 106 4.3.5 ETAPE N°5 : RÉPONDRE AUX SENTIMENTS DU PATIENT ......................... 107 4.3.6 ETAPE N°6 : PROPOSITIONS ET SUIVI .......................................................... 108 4.4 QUELQUES ÉCUEILS À ÉVITER............................................................................ 109 5 CONCLUSION.................................................................................................................. 110 BIBLIOGRAPHIE .................................................................................................................... 114 SERMENT D’HIPPOCRATE ................................................................................................. 116 PERMIS D’IMPRIMER........................................................................................................... 117 Gwénola GRIMAULT De l’information à l’annonce 14/118 Décembre 06 1 INTRODUCTION L’information des personnes malades est devenue l’une des tâches essentielles dans l’exercice de la médecine. On pourrait même parler d’une « ardente » obligation, compte tenu du contexte social et des nombreuses dispositions législatives et réglementaires mises en place suite à la pression des usagers du système de santé, rendus méfiants par les drames de santé publique. L’information se justifie pour respecter la dignité des patients, les aider à vivre leur maladie, mais aussi pour faciliter la tâche des médecins dans la prise en charge de telle ou telle maladie, dans l’accompagnement du malade qui fait suite à l’annonce. Ainsi, informer fait partie du travail quotidien en médecine générale. Néanmoins, lorsque le médecin généraliste se trouve dans son cabinet avec un patient auquel il doit annoncer une mauvaise nouvelle, il se trouve seul avec ses compétences, mais aussi ses doutes, ses interrogations et ses craintes. La tâche est loin d’être aisée, surtout, en ce qui concerne l’annonce des mauvaises nouvelles. Avant tout, il faut définir ce que sont les mauvaises nouvelles dans le cadre de la médecine générale. On pourrait qualifier de mauvaise nouvelle en médecine toute nouvelle qui modifie radicalement et négativement l’idée que le patient se faisait de son état de santé présent et à venir. En effet, la notion de « mauvaise nouvelle » ou de « maladie grave » ne se réduit pas uniquement à un risque vital plus ou moins proche. Ainsi, le diabète insulinodépendant est une maladie sérieuse chez tout patient, mais peut être une pathologie particulièrement grave chez un patient peu instruit et / ou vivant dans de mauvaises conditions d’hygiène si l’on considère les complications rénales, oculaires, cardiaques... Par ailleurs, la notion de « mauvaise » nouvelle, la perception du degré de « gravité » n’est pas obligatoirement la même pour le patient ou le médecin. Une mère à qui l’on annonce que son enfant a de l’eczéma ou de l’asthme peut parfois penser, malgré l’avis émis par le médecin, qu’il s’agit d’une maladie « grave » (ce qui, occasionnellement, peut d’ailleurs être le cas). Néanmoins, en dépit de tout ceci, la maladie « grave » la plus courante en Occident reste le cancer, malgré les progrès importants réalisés dans ce domaine. Même si les médias accréditent largement l’idée que l’on guérit maintenant beaucoup de cancers, le nombre de ces cancers augmente de plus en plus du fait de l’allongement de l’espérance de vie. Par conséquent, l’annonce du diagnostic de cancer devient de plus en plus fréquente et son annonce reste toujours aussi difficile. D’un autre côté, des pathologies aussi sévères que la mucoviscidose ou certaines dégénérescences neurologiques occupent moins le devant de la scène, sans doute parce qu’elles sont moins fréquentes, mais restent cependant extrêmement lourdes et invalidantes. Il faut donc garder à l’esprit que, même si le cancer est la « mauvaise nouvelle » la plus connue, de nombreuses autres maladies ont également une annonce très douloureuse. Il ne faut également pas oublier les annonces de rechute (rechute d’un cancer avec apparition de métastases multiples par exemple) ni celle de passage en soins palliatifs. Elles sont excessivement délicates car souvent vécues comme un échec des médecins, un signe d’abandon. Enfin, il ne faut pas perdre de vue que la nouvelle peut être mauvaise du fait du patient lui-même. Ainsi, un adolescent qui avait prévu de devenir pilote d’avion voit son rêve brisé le jour où est découvert un daltonisme discret mais lui interdisant une telle profession. Dans d’autres cas, c’est l’empêchement absolu pour le malade de participer à une réunion prévue de longue date (un anniversaire de mariage, un retour dans son pays natal pour y revoir toute sa famille…), de faire un pèlerinage longtemps attendu, qui donne tout son poids à l’annonce d’une maladie grave ou bénigne. Il ne s’agit là que de quelques exemples de ma courte expérience de jeune médecin, mais ils permettent néanmoins de réaliser que la définition de mauvaise nouvelle ou de maladie grave est très difficile à établir car multifactorielle et empreinte de beaucoup de Gwénola GRIMAULT De l’information à l’annonce 15/118 Décembre 06 subjectivité, tant de la part du patient que de celle du médecin. Nous ne tenterons donc pas de la définir avec précision mais nous retiendrons plutôt qu’il s’agit d’une pathologie qui perturbe et modifie les présents et les avenirs possibles que s’était imaginé, pour lui-même, le patient. « L’information est au cœur de la relation de soin », cette phrase d’Emmanuel Hirsch résume l’importance de l’information dans la relation médecin-patient. Le patient a besoin de savoir, c’est une évidence. Pourtant, comprendre le discours des médecins est souvent très difficile car la médecine est elle-même compliquée, mais aussi parce que le patient doit faire face à des interférences d’ordre psychologique : les mécanismes de défense. Ainsi, et malgré tous nos efforts, à la fin d’une consultation le patient n’aura pas forcément retenu grand chose. Ce que le patient retient d’une consultation (ce qui s’appelle le recall en anglais) a été observé dans de nombreuses études. Ces études sont déjà anciennes puisqu’elles datent des années 60, 70 et 80, mais leurs constatations sont hélas encore d’actualité. En 1986, Tuckett effectue une étude sur 474 patients et obtient les résultats suivants : 36% des patients auxquels un diagnostic ou une explication de leur maladie a été donné n’ont pas souvenir de ce que le médecin leur a dit, n’ont pas compris ses explications, ou n’ont pas compris l’intérêt de ses explications. Par ailleurs, 30% des informations données sur le traitement et 42% de celles communiquées à des fins préventives n’ont pas été comprises. Pour 50% des consultations, les patients sont incapables de donner les points essentiels de leur diagnostic, du traitement qui leur a été prescrit ou des conseils de prévention qui leur ont été donnés. Nous passerons sur les études qui démontrent que 50% environ des patients ne prennent pas correctement leurs médicaments (Ley, 1979) et sur le fait que les conseils (hygiène de vie, facteurs de risque, etc…) qui leur sont donnés sont suivis dans moins de 40% des cas. Citons enfin deux études qui expliquent peut-être les chiffres dramatiques qui sont donnés ici : Waitzkin et Stœckle montrent en 1972 que, sur des consultations générales de 20 minutes, les médecins consacrent au plus une (1 !) minute aux explications diagnostiques ou thérapeutiques ou à l’éducation plus générale de leurs patients. Beckman et Frankel ont conduit une étude (1984/85) sur 74 consultations de médecine interne pour mieux comprendre la façon dont le médecin influe sur la quantité et la profondeur des soucis, inquiétudes, questions et angoisses exprimés par le patient. 18 secondes ! C’est le temps moyen accordé au patient pour s’exprimer librement, avant d’être interrompu par le médecin. Cela semble extrêmement court… Notons cependant, que les rares patients autorisés à s’exprimer aussi longtemps et librement qu’ils le souhaitaient, prennent rarement la parole plus d’une minute… et ne s’expriment jamais plus de trois minutes. Ces chiffres témoignent donc d’une terrible carence de la part des médecins en matière d’écoute, d’attention portée sur la compréhension du patient de la situation. Toutefois, on observe depuis quelques années une évolution des mentalités. En 1953, Fitts rapporte que 69% des médecins n’informent jamais leurs patients de la gravité de leur maladie. Une étude similaire effectuée par Friedman en 1970 fait apparaître que les médecins dissimulant toujours la vérité ne sont plus que 9%. En 1965, Feidel montre que seuls 10 à 31% des médecins informent leurs patients d’un diagnostic de cancer. En 1974, ce chiffre passe à 78% (Mount et al., 1974) et en 1979… à 97% ! (Novack et al., 1979). Ces chiffres sont éloquents. Ils témoignent d’une double prise de conscience : la nécessité de l’information d’une part, mais surtout l’importance que revêt la manière d’apporter cette information dans la compréhension du patient et le retentissement sur la prise en charge ultérieure d’autre part. Le problème s’est déplacé de « faut-il dire la vérité » à « comment dire la vérité ». Enfin, d’autres études anglo-saxonnes axées sur la façon d’annoncer le diagnostic et de tenir compte des préférences des patients (Baillet et Pelicier, 1980) révèlent, qu’en cas d’anomalie, les patients préfèrent recevoir l’information de leur médecin généraliste plutôt que par un autre (radiologue par exemple), et ceci au cours d’une consultation. Au contraire, s’il n’y a aucune anomalie, peu leur importe. Le médecin généraliste occupe donc Gwénola GRIMAULT De l’information à l’annonce 16/118 Décembre 06 un rôle primordial en ce qui concerne l’information et plus encore l’annonce, de part sa position centrale entre les différents médecins spécialistes et son lien particulier avec le patient. Il est et sera probablement de plus en plus confronté à ces situations d’une extrême complexité. Nous commençons à l’entrevoir, l’information et la communication de mauvaises nouvelles relève d’un exercice hautement difficile. Il semble important de revenir rapidement sur les bénéfices de l’information du patient. Rappelons tout d’abord que la personne malade est la première concernée. C’est elle qui est au centre du système de soins et non pas ses proches ni même le médecin. C’est donc elle, en tant que personne atteinte dans son corps ou dans son esprit, qui est et reste le principal protagoniste - idéalement partenaire - de l’intervention médicale (en dehors des exceptions mentionnées par le Code de déontologie et les lois relatives à l’information). Ensuite, l’information du patient présente pour ce dernier une multitude d’intérêts. Ainsi, il est parfois plus souhaitable d’apporter une mauvaise nouvelle, désagréable voire momentanément traumatisante, plutôt que de la cacher, car elle aide le malade à effectuer un travail sur lui-même pour parvenir à affronter l’épreuve. L’information et le dialogue permettent aussi au patient de supporter certaines épreuves déplaisantes voire humiliantes qu’imposent la maladie et les soins. Cela apporte également au patient, sinon une prolongation de sa vie, une amélioration de la qualité de vie en lui permettant de choisir tel ou tel traitement parce qu’il ménage mieux ses relations matrimoniales, son insertion familiale, ses avantages professionnels, parce que cela lui laisse le temps de régler certains problèmes financiers, de prendre des dispositions concernant sa succession… Il faut également revenir sur le principe d’autonomie : il n’y a pas d’autonomie possible sans information. La maladie tend à diminuer, à infantiliser. Cette infantilisation est très souvent accentuée par l’entourage, protecteur, ou les soignants, paternalistes. Pourtant, la lutte contre la maladie revient aussi à combattre cette régression personnelle, non seulement pour éviter une infantilisation supplémentaire, mais aussi pour favoriser un sursaut. Beaucoup de malades aspirent à garder une maîtrise de la situation, un certain pouvoir sur eux-mêmes, un minimum de libre-arbitre mais, pour cela, ils ont besoin d’un minimum d’informations sur leur maladie. Repenser et reconsidérer ces différentes questions est une première manifestation du respect porté à autrui, en tant qu’être humain. Pour bien traiter une maladie, il faut commencer par bien traiter le malade, tout d’abord en évitant de lui mentir. Il s’agit ici d’authenticité, caractéristique indissociable de toute relation inter-humaine, qui va de paire avec le respect. Cela nous amène donc à aborder la relation interpersonnelle qui s’installe au fil des consultations entre le médecin et son patient, ce que Georges Duhamel a nommé en 1935 le « colloque singulier ». Le paternalisme, la relation de confiance aveugle en son médecin ainsi que le consentement aveugle mais confiant sont aujourd’hui révolus. Fini le temps où le médecin agissait en « père » détenant le « pouvoir » de la connaissance et « ordonnait » à son « enfant » les remèdes à prendre sans même lui avoir dit de quoi il souffrait. La relation médecin-malade recherchée actuellement par les patients est une relation d’égalité où les deux protagonistes échangent afin de parvenir à une compréhension partagée du problème. Entre soigné et soignant, la relation a besoin d’être fluide, aussi confiante et libre que possible. Elle doit jouer sans blocage. La plupart des patients ont une multitude de préoccupations qui les inquiètent ou leur empoisonnent la vie. Il suffit souvent de quelques mots, de quelques renseignements, d’un peu de disponibilité et d’écoute pour les rassurer et les autoriser à poser ces questions qui les assaillent. Gwénola GRIMAULT De l’information à l’annonce 17/118 Décembre 06 D’un point de vue parfaitement pratique d’autre part, l’instauration d’un dialogue, d’un échange d’informations lors de l’annonce d’une mauvaise nouvelle entre le médecin et son patient, permet de réduire les inconvénients liés à l’annonce et aux impératifs de la maladie. Cela permet également de réduire l’inquiétude du patient face à cette situation nouvelle et inconnue que représente la maladie, l’appréhension des effets secondaires du traitement…Par quelques mots, il est pourtant aisé de réduire ces effets indésirables ou, tout du moins, faire en sorte que le patient les supporte mieux. Les médecins imaginent mal tout ce qu’appréhende un malade, soucieux d’arriver à l’heure, malgré une circulation difficile, à un rendez-vous où il attendra inconsidérément ; inquiet de trouver sa route dans une grande ville qu’il connaît mal ; s’interrogeant sur les possibilités de garer sa voiture dans ou près de l’hôpital ; ignorant s’il doit se présenter à jeun, etc… L’appréhension peut également concerner les examens complémentaires. Est-ce que cela fait mal ? Combien de temps cela dure-t-il ? Est-ce qu’il faudra passer au travers d’un tunnel et y rester longtemps sans bouger ? Est-ce qu’il sera possible de rentrer chez soi immédiatement après dans de bonnes conditions ? Est-ce qu’il y aura anesthésie pour éviter la douleur ? Des indications données à l’avance, puis répétées juste avant l’examen, peuvent réduire le stress lié à la perspective d’une investigation. Toutefois, ce ne sont pas seulement les examens qui inquiètent, ce sont aussi les résultats. Quand seront-ils disponibles ? Qui les transmettra ? De quel genre seront-ils ? Qu’est-ce qui s’ensuivra ? Enfin, l’information préalable est également importante à propos des effets secondaires d’un traitement. Effectivement, un effet attendu dérange moins qu’une réaction imprévue, l’annonce d’une réaction secondaire permet d’en atténuer l’importance par l’instauration d’un traitement approprié (ainsi par exemple les traitement antiémétiques limiteront les nausées et vomissements), et d’en diminuer les conséquences par des recommandations simples (si un médicament entraîne une somnolence, il faut éviter de conduire une voiture). Ces quelques exemples qui me viennent à l’esprit permettent aisément de comprendre que, face à une maladie qui déstabilise l’existence, le patient aspire à trouver certains repères, qu’une information adéquate peut lui apporter, et faute desquels il se sent perdu. Enfin, l’information du patient permet de renforcer la compliance et l’observance thérapeutique. La prise en charge d’un patient, la lutte contre une maladie sont choses ordinaires pour un soignant mais pas pour le soigné. Elles ne doivent donc pas être considérées comme banales. Même un traitement simple ne donnera son plein effet avec le minimum d’inconvénients que s’il est bien appliqué grâce à l’observance du malade. A un degré de plus, la coopération active du malade est souhaitable, en particulier en cas de maladie chronique. Cela peut demander une véritable éducation que le médecin doit prendre le temps d’effectuer. Si la légitimité de l’information du patient ne fait maintenant plus aucun doute, la communication de ces informations reste néanmoins un acte souvent complexe et difficile. Les principales difficultés tiennent à l’implication directe des personnes concernées, le malade d’abord, mais aussi le médecin, et à la mise en jeu d’une existence qui rend la situation tragique. Effectivement, les enjeux touchent ici à une personne dont, au maximum, la vie est en danger. Cela crée une relation difficile, chargée d’émotion et donc troublante. Toutefois, de nombreuses autres difficultés existent. Gwénola GRIMAULT De l’information à l’annonce 18/118 Décembre 06 En premier lieu, il faut rappeler l’importance du contexte socio-culturel. Bon nombre de difficultés tiennent au milieu humain ambiant, au sens qu’il donne aux mots, aux représentations qu’il attribue aux maux. Le cadre d’interprétation peut varier selon le pays, les régions et les époques, le degré de développement des pays… Ainsi, dans les sociétés occidentales, jeunesse, santé et richesse occupent de nos jours la place d’honneur. Les vieux, malades et pauvres subissent une marginalisation qui les placent en dehors de la société dite « normale », vers un statut marginal, soit une perte de toute valeur sociale (déchéance sociale). Ceci est encore plus marqué dès lors que la maladie peut entraîner la mort. La peur de la mort déteint, directement ou indirectement, sur la conception qu’a notre société de toute maladie ou infirmité. D’autre part, la nature et la représentation que le patient se fait de la maladie entravent également l’annonce de cette dernière. La nature de l’affection paraît être la principale responsable des difficultés rencontrées par l’information. En effet, on ne présente pas aussi facilement qu’une infection respiratoire saisonnière une atteinte qui menace immédiatement la vie ou compromet l’avenir comme un infarctus du myocarde, un accident vasculaire cérébral… L’apparence de la maladie joue également un rôle : le patient perçoit plus facilement une hémiplégie évidente qu’une tumeur abdominale sournoise. Plus encore que son état actuel, le devenir du malade est difficile à présenter, surtout quand il comporte beaucoup d’incertitudes. Cependant, c’est l’idée qu’on se fait de la pathologie, davantage que sa nature objective, qui parasite la communication. Cette idée peut profondément différer entre un médecin qui a surtout un regard objectif (mais pas seulement nous l’aborderons plus loin) et un malade qui a une perception d’abord subjective. La signification d’une maladie nerveuse, de tel ou tel cancer, d’une sérologie positive à VIH ou de maladies moins sérieuses en général comme le lupus, une anémie, une pneumonie diffère profondément d’un malade à l’autre. Le malade écoute alors avec une émotion qui le gêne pour suivre et comprendre. Par ailleurs, la personnalité du patient intervient aussi parfois comme une difficulté supplémentaire lors de l’annonce d’une pathologie. Le malade n’est pas « un jouet, à peu près complètement aveugle, très douloureux et essentiellement passif », tel que le qualifiait le professeur Louis Portes, président de l’Ordre des médecins, en 1950. Néanmoins, le recul du paternalisme médical, l’accent mis sur l’autonomie du malade, ne transforme pas pour autant tous les malades en êtres intelligents, lucides et volontaires. Certaines difficultés tiennent à des déficiences préalables : défaut de compréhension, personnalité faible et infantilisée par l’entourage, refus de regarder la réalité en face, inaptitude à s’adapter à des situations nouvelles. Ces défauts préalables peuvent, par ailleurs, être aggravés par des défaillances liées à la maladie. Un autre facteur non négligeable est également à prendre en compte : les mécanismes de défense développés par le patient après l’annonce d’une mauvaise nouvelle. Ces derniers peuvent entraver la communication de façon relativement importante. Comment réagir face à un patient qui s’obstine à faire des projets inconsidérés alors que l’on vient de lui annoncer qu’il n’a plus que quelques temps à vivre, face à une patiente qui sombre dans une dépression mélancolique à l’annonce d’une maladie d’Alzheimer débutante chez son mari ? Est-ce réellement le bon moment pour annoncer telle ou telle nouvelle au patient ? Existe-t-il un bon moment d’ailleurs ? La formation médicale ne prépare en rien à ces situations. La faculté de médecine enseigne des pathologies, les investigations nécessaires pour parvenir à en faire le diagnostic, leur évolution, leur traitement, leurs complications éventuelles, avec ou sans prise en charge adaptée. Elle apprend aux médecins à être synthétiques, clairs et concis, rigoureux, structurés, mais en aucun cas à parler aux gens, à les écouter, à les comprendre, à les « déchiffrer ». Gwénola GRIMAULT De l’information à l’annonce 19/118 Décembre 06 Enfin, il faut aussi admettre que le médecin lui-même peut constituer un obstacle à l’information, tout comme la maladie et le patient. Les médecins ne vivent pas dans un monde à part. Ils sont marqués, dans leur ensemble, par le même contexte socioculturel que leurs patients. Pour certains, les cancers sont encore des maladies malignes par définition incurables. Pour d’autres, le sida est une maladie pas totalement imméritée, la toxicomanie une déviance sociale répréhensible. Même si ces préjugés tendent à être effacés par les études médicales, certains persistent encore. D’autre part, la personnalité de chaque praticien peut rendre telle ou telle relation médecin-malade plus ou moins difficile. Un contexte personnel peut également contrarier la communication (parent décédé de telle maladie entravant l’objectivité du médecin lorsqu’il se retrouve confronté à la même pathologie chez l’un de ses patients par exemple). Par ailleurs, de la même manière que le patient développe des mécanismes de défense à l’annonce d’une mauvaise nouvelle, le médecin peut aussi mettre en place des moyens de défense similaires ou différents. L’idée que le praticien se fait de sa profession peut également représenter un obstacle à une communication fluide et à une information naturelle, le médecin cherchant à affirmer sa position, à exagérer ses pouvoirs. Enfin, la formation des médecins a négligé, au cours des dernières décennies, une initiation et une véritable formation à la communication et à la relation. On peut observer un défaut de sensibilisation au malade et à son milieu, toute l’attention étant portée sur la maladie, son exploration, son traitement. L’annonce d’une mauvaise nouvelle est donc loin d’être une chose facile, incontestablement. Cependant, le nier ne servirait à rien. L’affrontement de la réalité est indispensable et semble même le premier temps nécessaire à quelques progrès. C’est l’objet de ce travail. Admettre qu’informer un malade n’est pas simple ne suffit pas. Identifier les difficultés les plus courantes pour les analyser, les comprendre et tenter de proposer des solutions ou, tout du moins des pistes de réflexion, semble plus constructif. C’est ce que nous nous proposons de faire. Nous reprendrons ainsi les textes réglementaires afin de se rappeler le contenu que doit avoir l’information à délivrer. Cependant, nous le verrons, ces textes ne sont pas si limpides que ce qu’ils veulent laisser paraître. Beaucoup de questions restent floues et à l’appréciation du médecin seul, notamment la notion de vérité, de limitation thérapeutique de l’information. La rédaction de ces textes a également soulevé un problème non négligeable : comment apporter la preuve de l’information et quel est son impact sur la relation médecin-malade ? Seront ensuite abordés le traumatisme de l’annonce chez le patient, la notion de non-dit et sa place dans la relation médecin-malade ainsi que la notion de vérité en médecine, les mécanismes de défense mis en jeu aussi bien chez le patient que chez le médecin. A partir de ces différentes réflexions, nous nous efforcerons de dégager le rôle du médecin généraliste lors de l’annonce. Enfin, nous tenterons d’apporter quelques bases de communication afin de guider les médecins dans leur relation avec leurs patients. Gwénola GRIMAULT De l’information à l’annonce 20/118 Décembre 06 2 INFORMATION DU PATIENT 2.1 DIFFÉRENCES ENTRE INFORMATION ET ANNONCE « Information » et « annonce » entrecroisent leur usage et font pourtant preuve de beaucoup de discordances. Ces deux termes ont des significations bien différentes, toutes en nuance. D’un point de vue étymologique, l’information est un ensemble de renseignements sur quelqu’un ou quelque chose. Son contenu est parfaitement objectif et la forme compte peu. Seul ce qui est restitué, transmis à l’autre, importe. Dans le cas précis du médecin, informer consiste à remettre à son patient une certaine quantité de données du savoir médical, en l’état présent des connaissances. Ceci est totalement impersonnel, ce qui compte étant la transmission (soit l’acte lui-même) et surtout ce qui est dit (le contenu). Ce terme est ainsi fréquemment retrouvé sous la plume des juristes. Au contraire, l’annonce comprend une certaine part de subjectivité. Il s’agit de porter à la connaissance de quelqu’un, de faire savoir quelque chose, tout en prenant garde à la manière avec laquelle le message est transmis. Beaucoup plus qu’un simple compte rendu, l’annonce véhicule certes de l’information, mais prend également en compte tout ce qui se rattache à cette dernière. Ainsi, pour le médecin, annoncer un diagnostic, la nécessité de faire des explorations, une mauvaise nouvelle, un pronostic péjoratif …, met en jeu beaucoup plus que la simple transmission de données objectives. Il faut réfléchir à ce que l’on va dire, à quel moment, à quelle vitesse (au fur et à mesure des consultations), comment le dire, avec quels mots mais aussi quels gestes et attitudes (c’est à dire tout le champ du non-verbal ), dans quel environnement… Ceci implique nécessairement d’être à l’écoute de l’autre et d’avoir déjà fait, auparavant, un travail avec le patient, d’avoir établi avec ce dernier une relation de confiance suffisante pour pouvoir faire ce chemin avec lui. Le versant psychologique est ici omniprésent. En théorie, cela semble très simple, mais sur le terrain la tâche se complique rapidement et de multiples questions se posent : Dans quel but doit-on informer les patients ? Quel vont être le contenu et les modalités de l’information donnée aux patients ? Comment prouver que cette information a bien été délivrée ? Comment s’assurer de la qualité de cette information ? Comment parvenir à dépasser le stade de l’information et parvenir à annoncer ? Qu’estce que cela implique, pour le patient comme pour le médecin ? A quel moment passe-t-on du stade de la simple information à celui de l’annonce ? Ces questions ont largement été suscitées par la pression des usagers revendiquant le droit de tout savoir de leur santé. L’information est ainsi devenue une obligation médico-légale. Il semble donc intéressant de se replonger dans la jurisprudence et de relire le Code de déontologie. En effet, la loi du 4 mars 2002 sur « les droits des malades » a clarifié et renforcé les obligations des professionnels à l’égard des malades. Le Code de Santé Publique, articulé au Code de déontologie et aux recommandations des Agences Sanitaires offre, quant à lui, aux professionnels un cadre à la fois précis et suffisamment souple pour s’adapter aux différentes situations des pratiques médicales. Reprenons tout ceci pour voir l’évolution des textes concernant l’information destinée aux patients ainsi que les réactions qu’ils ont suscité. Gwénola GRIMAULT De l’information à l’annonce 21/118 Décembre 06 2.2 L’ARRÊT MARTIN L’arrêt Martin, rendu en 1951, stipulait qu’en cas de litige, le malade devait apporter la preuve qu’il n’avait pas été informé. Cet arrêt prévalu jusqu’en 1997, date à laquelle fut rendu l’arrêt Hédreul. 2.3 L’ARRÊT HÉDREUL ET LES RECOMMANDATIONS DE LA HAUTE AUTORITE DE SANTE 2.3.1 CONTEXTE d’adoption des solutions juridiques en matière d’information Le serment d’Hippocrate (HOERNI, 1996), réactualisé en 1996, stipule : « Mon premier souci sera de rétablir, de préserver ou de promouvoir la santé dans tous ses éléments, physiques et mentaux, individuels et sociaux… J’informerai les patients des décisions envisagées, de leurs raisons et de leurs conséquences. Je ne tromperai jamais leur confiance et n’exploiterai pas le pouvoir hérité des circonstances pour forcer les consciences ». Il s’agit donc là d’une obligation contractuelle, c’est à dire d’un engagement moral, et non d’un devoir, donnant naissance à un contrat d’information tacite entre le médecin et son patient. Ceci prévalait jusqu’à l’arrêt Hédreul1 (arrêt du 25 février 1997 rendu par la 1ère chambre civile de la Cour de Cassation), rendu suite à l’affaire suivante. A l’occasion d’une coloscopie avec ablation d’un polype réalisée par un gastro-entérologue (Dr Cousin), un patient (M. Hédreul) fut victime d’une perforation intestinale. Il du donc subir une intervention qui permit de lui sauver la vie, mais, par la suite, une seconde intervention mutilante réalisée par un second chirurgien (ablation du colon et du rectum) fut nécessaire. Supportant un dommage particulièrement sérieux, ce patient assigna en justice en 1991 le gastro-entérologue et le premier chirurgien en leur reprochant : une faute lors de la coloscopie pour le premier et le retard de diagnostic de perforation pour le second. L’expertise conclut à l’absence de faute de la part des médecins, mais souligna que « le risque de perforation colique au cours d’une coloscopie et de l’ablation de polype est à prendre en considération car il est loin d’être exceptionnel ». Le patient effectua alors un pourvoi en cassation en reprochant au médecin de ne pas l’avoir informé de ce risque. Cependant, sur ce point, l’arrêt d’appel estima qu’il lui appartenait de « rapporter la preuve de ce que le médecin ne l’aurait pas averti des risques inhérents à une polypectomie, et notamment de celui de perforation digestive… », ce que ne fit pas le patient au cours des débats. Rappelons en effet que depuis l’arrêt rendu en 19512 (arrêt Martin), la Cour de cassation estimait que si le contrat qui se formait entre le chirurgien et son client comportait l’obligation pour le praticien de ne procéder à une intervention chirurgicale qu’après avoir obtenu l’assentiment du malade, il appartenait toutefois au patient de rapporter la preuve que le médecin avait manqué à cette obligation contractuelle en ne l’informant pas. C’est ce que contestait précisément le patient dans son pourvoi. La Cour de cassation décida alors de revoir la question des obligations contractuelles pesant sur le médecin, ce qui donna naissance à l’arrêt du 25 février 1997. A partir de cet instant, l’obligation contractuelle d’information devint plus qu’une responsabilité médicale : elle devint une règle d’action. 1 Les arrêts considérés comme particulièrement importants sont parfois désignés par le nom de l’auteur du pourvoi, dans le cas particulier le patient demandeur, M. Hédreul ; dans certains articles écrits par des médecins, ce même arrêt est parfois désigné par le nom du médecin, le Dr Cousin, objet du pourvoi. 2 Cass. 1ère civ., 29 mai 1951, Bull. civ. I, n°162; D. 1952, 53, note R. Savatier; S. 1953, 41, note R. Nerson. Gwénola GRIMAULT 22/118 De l’information à l’annonce Décembre 06 Désormais, la charge de la preuve n’incomba plus au patient mais au médecin. Ce renversement fut ressenti par les milieux médicaux comme un renversement de la relation médecin-patient en faveur de ce dernier, et toute une série de questions se posa : Qu’entend-on par information du patient et quel doit être son contenu ? S’agit-il : - d’informations générales publiées dans un but de vulgarisation, - d’informations données dans un but d’éducation sanitaire, toutes deux étant soumises à des processus de diffusion pour toucher le plus grand public possible, - d’informations données à une personne singulière, dans le cadre d’un rapport interindividuel entre patient et professionnel de santé, fondé sur une communication, et ayant pour but de lui faire connaître son état de santé, les traitements envisageables, les résultats qui en sont attendus, les risques et/ou effets indésirables susceptibles de se produire, - d’informations générales sur la pathologie en cause ainsi que sur les modalités de soins et/ou la conduite d’investigations ou d’opération, - d’informations synthétiques prouvant que les divers professionnels de santé intervenant dans la prise en charge du patient s’intègrent dans un système multidisciplinaire, Quelle position adopter face à la constitution de la preuve dans le cadre d’une éventuelle responsabilité ? Dans quels buts informer le patient et quels avantages peuvent en tirer le patient comme le médecin ? Comment évaluer la qualité de l’information ? Afin de guider les médecins, l’HAS (Haute Autorité en Santé, anciennement appelée ANAES) a rédigé des recommandations en mars 2000 concernant l’information du patient3. Ces recommandations ont pour objectif principal de « promouvoir l’amélioration continue de la qualité en matière d’information, aussi bien en médecine ambulatoire que dans les établissements de santé ». Elles proposent donc au médecin une aide dans la manière de dispenser à chaque patient une information pertinente et de qualité, tout au long du processus de soins, en tenant compte des besoins propres à ce dernier et du respect dû à sa personne. Pour rédiger ces recommandations, un groupe de travail fut réuni par l’HAS. Il comprenait des représentants de l’ensemble des acteurs ayant vocation à s’exprimer sur le thème de l’information destinée au patient (médecins, usagers, juristes, avocats, représentants du Conseil de l’ordre des médecins et du Comité national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé, journalistes) et était présidé par Madame le Professeur Dominique THOUVENIN, Professeur de droit. 3 http://www.anaes.fr Gwénola GRIMAULT De l’information à l’annonce 23/118 Décembre 06 Les différents objectifs de ce travail étaient les suivants : L’information délivrée au patient doit porter sur deux points essentiels lui permettant de prendre une décision concernant les actes diagnostiques et/ou thérapeutiques envisagés : - son état de santé, l’évolution de sa maladie avec ou sans soins - la nature et le déroulement des soins, leurs objectifs, l’utilité et les bénéfices escomptés, les conséquences et inconvénients, les complications (graves comme exceptionnelles) Le médecin doit remplir une obligation d’information qui doit être : - hiérarchisée - la plus compréhensible possible en respectant le Code de déontologie et le Code de Santé Publique concernant les droits du patient. Afin d’éclaircir ces points, l’HAS reprend la littérature juridique. 2.3.2 ASPECT JURIDIQUE : Lien entre obligation d’information et responsabilité médicale Le point de départ est l’arrêt Hédreul (ou arrêt du 25 février 1997, cf. pages précédentes) en réponse au manquement des médecins face à leur devoir d’information. Cet arrêt a suscité de nombreuses discussions aussi bien dans les milieux médicaux que dans la communauté juridique. L’attention qui lui a été portée ne s’est pas relâchée puisque cinq autres arrêts4 ont été rendus par la suite. Ces derniers, compte tenu des questions qui étaient posées, ont apporté des précisions, à la fois sur le contenu de l’information, ainsi que sur les modalités de preuve. 2.3.2.1 L’obligation d’information pèse sur le professionnel Ainsi, le médecin libéral est soumis à l’obligation d’information comme tout autre professionnel, aussi bien les prestataires de services matériels que les professionnels de la vente, les constructeurs, les assureurs, les agents immobiliers, agents d’affaires, les notaires, les avocats, etc5…. Les médecins ne sont pas dans une situation singulière et cette règle leur est également appliquée. De plus, l’obligation d’information pèse sur tout médecin « …aussi bien sur le médecin prescripteur que sur celui qui réalise la prescription »6. 4 Cass. 1ère civ., 14 oct. 1997, Bull. Civ. I, n° 278; Cass. 1ère civ., 17 févr. 1998, Bull. civ. I, n°67; Cass. 1ère civ., 27 mai 1998, Bull. civ. I, n°287 ; Cass. 1ère civ., 7 oct 1998, 2 arrêts, Bull. Civ. I, n° 287 et 291. 5 Arrêt Cass. 1re civ., 29 avril 1997 6 Cass. 1re civ., 14 oct. 1997 Gwénola GRIMAULT 24/118 De l’information à l’annonce Décembre 06 2.3.2.2 Le contenu de l’information à donner au patient L’arrêt du 25 février 1997 ne s’est pas prononcé sur ce point pour la simple et bonne raison que la question n’avait pas été soulevée dans le pourvoi. C’est l’arrêt du 14 octobre 1997 qui statuera sur la question en précisant que : ▪ L’information doit être loyale (c’est à dire honnête), claire (soit intelligible, facilement compréhensible) et appropriée (c’est à dire adaptée à la situation du patient). L’énoncé de cette règle s’appuie sur l’article 35 du Code de déontologie médicale7. ▪ L’information concerne TOUS les risques des investigations ou soins, ce qui fait disparaître la distinction traditionnelle retenue par la Cour de cassation entre risques prévisibles et risques exceptionnels. Les deux arrêts de la Cour de cassation du 7 octobre 1998 confirmeront cette nuance en précisant que l’information concerne « les risques graves afférents aux investigations ou soins proposés » et que le médecin « n’est pas dispensé de cette obligation par le seul fait que ces risques ne se réaliseraient que de manière exceptionnelle ». Par ailleurs, cette obligation vaut également lorsque c’est le patient qui demande les investigations ou soins. L’abandon de la distinction entre risques graves et exceptionnels a deux justifications : la fiabilité relative des statistiques sur le risque, et la non prise en considération de la nature, de la gravité de la maladie, de l’âge du patient, de sa situation familiale, sociale, professionnelle, … au détriment du caractère uniquement quantitatif du risque. ▪ L’information concerne aussi l’état du patient, son évolution possible, les investigations et soins nécessaires ▪ L’information doit aborder la nature et les conséquences de la thérapeutique ▪ L’information doit enfin exposer les alternatives thérapeutiques. Tout ceci soulève alors la question des limites éventuelles de l’information. L’arrêt du 7 octobre 1998 précise que le médecin est tenu de donner une information au patient « hormis le cas d’urgence, d’impossibilité ou de refus du patient d’être informé ». Cependant, le médecin doit apprécier seul ces situations. L’article 35 alinéa 2 du Code de déontologie médicale8 prévoit, quand à lui, que « … dans l’intérêt du malade et pour des raisons légitimes que le praticien apprécie en conscience, un malade peut être tenu dans l’ignorance d’un diagnostic ou d’un pronostic grave, sauf dans le cas où l’affection dont il est atteint expose les tiers à un risque de contamination ». Toutefois, ceci introduit alors la notion de vérité à dire ou non au malade, ce qui est un peu différent. Dans un second temps, puisque le médecin doit, pour mettre le patient en mesure d’effectuer un choix éclairé, lui apporter l’information adéquate, il doit faire la preuve qu’il l’a bien délivré. Néanmoins, la preuve de l’information ainsi que les moyens de l’apporter sont laissés à la charge du médecin. En effet, l’arrêt Hédreul ne statut pas sur les moyens car la question n’est pas posée à la Cour de cassation. Cependant, les opinions diront qu’il est quasiment certain que les praticiens auront recourt à un document écrit qu’ils feront signer au patient, alors même qu’aucun texte ne l’exige. Effectivement, P. SARGOS9 précise que le principe est la liberté de la preuve (arrêt du 14 octobre 1997), rendant recevable aussi bien les témoignages que les présomptions (opinions fondées sur des vraisemblances, donc pouvant être tirées des mentions dans les dossiers médicaux, fiches, comptes rendus et lettres à des confrères). Ce système ne pourra avoir, selon les opinions, qu’une incidence néfaste sur la relation médecin-malade 7 http://www.conseil-national.medecin.fr/?ml=deonto/rubrique.php http://www.conseil-national.medecin.fr/?ml=deonto/rubrique.php 9 Pierre SARGOS est le conseiller, le rapporteur des arrêts, il a fonction d’interprète légitime du sens et de la portée à leur donner. Gwénola GRIMAULT 25/118 De l’information à l’annonce Décembre 06 8 puisque la signature témoigne d’une mauvaise confiance entre les deux protagonistes, d’autant plus que tout ce qui touche au corps, à la santé et à la vie, porte une dimension émotionnelle qui peut entraîner une mauvaise compréhension. Notons enfin que l’information comprend deux versants complémentaires : le contenu (somme des données médicales délivrées au patient) ainsi que l’acte d’informer. Or, la jurisprudence, mais aussi l’HAS, n’abordent que le premier item, purement objectif et scientifique. Aux médecins est laissé le soin d’apprécier la manière d’aborder l’information et de la délivrer. C’est pourtant à ce moment précis que l’on peut parler d’annonce et non pas seulement d’information. 2.3.2.3 Le devoir d’information à l’hôpital public En ce qui concerne l’obligation d’information à l’hôpital public, le Conseil d’Etat a été amené plus tardivement que la Cour de cassation à se prononcer sur le contenu de l’information à donner et sur la preuve à apporter. Comme la Cour de cassation pendant très longtemps, le Conseil d’Etat avait les mêmes positions concernant la charge de la preuve et les risques exceptionnels. Cependant, l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Paris du 9 juin 1998 s’aligna sur l’arrêt Hédreul à propos de l’obligation d’information, en n’omettant pas les risques exceptionnels. Par contre, le Conseil d’Etat ne se prononcera pas en ce qui concerne la question de la charge de la preuve, tout comme la Cour de cassation. L’information, dans le cadre du service public, porte sur les conditions d’admission, de séjour et de sortie, sur l’état de santé, les traitements et soins proposés au malade dans les conditions fixées par le Code de déontologie. 2.3.3 ASPECT MÉDICAL : Des craintes d’une nouvelle responsabilité au souci de la qualité de la relation 2.3.3.1 Réactions professionnelles à l’arrêt Hédreul du 25 février 1997 et aux arrêts suivants L’arrêt Hédreul et les cinq arrêts suivants ont suscité de nombreuses inquiétudes chez les professionnels de santé. On note alors un réel souci, de la part du Conseil de l’ordre des médecins, du Concours Médical et des revues spécialisées, de rendre compte des solutions adoptées par ces divers arrêts, dès mai 1997, notamment dans le Bulletin de l’Ordre des médecins avec l’éditorial intitulé « L’information du malade : la preuve est désormais à la charge du médecin ». Soucieuses de diffuser une information pertinente, plusieurs revues font même appel à des médecins légistes, experts ou juristes pour leurs connaissances des affaires de responsabilité médicale et du droit. Le conseiller Pierre SARGOS est désigné interprète légitime de ces arrêts par les milieux médicaux, et ses analyses sont diffusées par le Bulletin de l’ordre des médecins10. Trois grands types de questions sont abordés dans ces revues : l’information médicale dont la preuve incombe au médecin comme source de responsabilité du médecin, c’est à dire la manière dont l’arrêt Hédreul et les arrêts postérieurs sont reçus dans les milieux médicaux l’annonce du diagnostic et l’accompagnement du patient l’évaluation de la compréhension de l’information 10 P. SARGOS. Information et consentement du patient. Bull. ordre méd. 1999 ; 1 :10-12 Gwénola GRIMAULT De l’information à l’annonce 26/118 Décembre 06 ► Le contenu de l’information à donner au patient : Les préoccupations quant au contenu de l’information sont au nombre de deux : le type d’information à délivrer au patient d’une part, et la nécessité de lui transmettre des informations validées d’autre part. En ce qui concerne le type d’information à transmettre au patient, les médecins sont plutôt sur la défensive et la question essentielle reste : quelle information donner pour se couvrir dans l’éventualité d’un procès ? Même si certains médecins considèrent la question sous un angle différent en se demandant plutôt quelle information donner pour que le patient puisse faire un choix pertinent par rapport à sa santé, ceci apparaît de façon beaucoup moins marquée. Deux positions peuvent alors être relevées : une première analyse est focalisée sur les risques et se demande alors si l’information doit tous les englober, y compris les risques exceptionnels. Les deux arrêts du 7 octobre 1998 mettent fin à cette discussion en répondant OUI. une seconde analyse rend compte du devoir général d’information du médecin, en se fondant sur ses obligations déontologiques. Il est précisé que cette information doit porter sur : l’état de santé du patient et l’évolution prévisible de sa maladie ; la nature du traitement, les bénéfices escomptés et ses répercussions sur la qualité de vie du patient, les investigations et leurs risques ; enfin sur les conséquences en cas de refus ou d’absence de soins ou d’investigations. Un article sera même rédigé par le Pr. B. HOERNI11 en février 1999 pour rappeler la position du Conseil de l’Ordre des médecins en s’appuyant sur l’article 35 du Code de déontologie. Le second souci des médecins est de délivrer à leurs patients une information dont le contenu objectif a été validé. Pour cela, il sera demandé aux sociétés savantes d’élaborer des modèles d’information, notamment concernant les risques graves connus inhérents à telles investigations ou à tel traitement. Certains reprendront même l’idée et suggéreront la réalisation de documents officiels servant de base aux magistrats pour apprécier l’information donnée au patient par le médecin12. Enfin d’autres réclameront des fiches, établies collectivement, axées sur les risques13 dans le but de permettre aux praticiens d’utiliser ces fiches et d’en adapter le contenu à leur pratique auprès des patients. 11 B.HOERNI. L’art d’informer des patients. Bull. ordre méd. 1999; 2:10-13 Dr. C. SICOT. A propos de la nouvelle jurisprudence de la Cour de cassation - II. Concours Méd 1997 ;119 :2827-2829. 13 B. MALAVAUD. L’information du malade : évolution de la jurisprudence ; 1998 Gwénola GRIMAULT De l’information à l’annonce 12 27/118 Décembre 06 ► La limitation du contenu de l’information : La logique contractuelle veut que le médecin donne au patient TOUTE l’information pour qu’il puisse contracter en connaissance de cause. Cependant, le premier arrêt rendu le 7 octobre 1997 précise trois exceptions : « l’urgence, l’impossibilité ou le refus du patient d’être informé ». Les deux arrêts du Conseil d’Etat du 5 janvier 2000 vont dans le même sens. La non-information dépend donc soit de circonstances objectives empêchant de la donner, soit du choix de l’intéressé de ne pas la recevoir. Cette décision ne revient en aucun cas au médecin. Cependant, l’article 35 du Code de déontologie médicale reste applicable et précise que, dans l’intérêt du malade, le médecin peut légitimement taire un diagnostic ou un pronostic graves, ceci à titre exceptionnel et limité aux cas graves. Le médecin redevient, dans ce cas, l’interprète des intérêts du patient. Devant ce manque de clarté, le conseiller SARGOS précise alors, dans un commentaire de l’arrêt Hédreul au Bulletin de l’ordre des médecins de janvier 1997, que cet arrêt « s’il vise la justification de l’absence d’information par l’urgence, l’impossibilité ou le refus du patient », n’exclut pas, bien au contraire, ce que l’on pourrait appeler « une limitation thérapeutique de l’information », lorsqu’il apparaît au médecin que l’information est de nature à avoir une influence négative sur la réussite des investigations ou des soins. Il garde la faculté, même si elle doit rester exceptionnelle, de « la limiter pour des raisons légitimes et dans l’intérêt du patient »14. L’exception est alors plus large et le médecin redevient l’interprète des intérêts du patient. Une réflexion sur la question du consentement éclairé s’impose alors. Le consentement éclairé représente l’acceptation par le patient d’un traitement, d’une prise en charge thérapeutique de façon plus globale, après avoir reçu une information « loyale, claire et appropriée » sur son état, les investigations ou le traitement proposé. Même si le consentement aux soins est tacite et implicite du fait même de la demande de consultation médicale par le patient, une information la plus claire et la plus complète possible doit incontestablement être fournie au patient, dans le but d’établir la relation de confiance indispensable à sa participation aux décisions qui le concerne. Le médecin doit donc nécessairement réfléchir à la nature et à la quantité d’informations qu’il peut délivrer à son patient pour lui permettre de prendre les décisions les plus adaptées à son état de santé sans au contraire lui enlever tout espoir et ainsi nuire à la réussite des investigations et soins à venir. Il s’agit d’un exercice extrêmement difficile car il faut prendre en compte les ressources psychologiques du patient, être capable de prévoir ses mécanismes de défense, avoir une idée de l’importance et de la qualité du réseau relationnel, de l’entourage du patient… Il ne s’agit alors plus tout à fait d’information mais plutôt d’annonce, ce que nous aborderons ultérieurement. ► Les modalités de la preuve de l’information et ses conséquences sur la relation médecinmalade : Une fois exposée la nouvelle règle imposant aux médecins de faire la preuve de l’information du patient, ces derniers s’interrogent et s’inquiètent sur les modalités les plus appropriées pour y parvenir. Bien que la règle soit la liberté de la preuve, la majorité des opinions penche pour une solution d’extrême prudence et recommande le recours à un écrit ou, plus précisément, à une signature. L’inquiétude de tous est alors le risque d’altérer la relation de confiance entre patient et médecin. En ce qui concerne le recours à un écrit, trois positions se distinguent. La première, conforme à l’arrêt du 14 octobre 1997, affirme que « la preuve de cette information peut être faite par tous moyens » (aveu, présomptions, témoignages, écrit). La seconde, évoquée par les juristes à l’avis autorisé, suggère aux médecins de se ménager un écrit. Ainsi, le conseiller Pierre SARGOS affirme en 199915 que « l’écrit est cependant la forme la plus sûre de la preuve de l’information… Cet écrit pourrait d’ailleurs prendre la forme de fiches d’information réalisées 14 P. SARGOS. Information et consentement du patient. Bull. ordre méd. 1999 ; 1 :10-12 P. SARGOS. Information et consentement du patient. Bull. ordre méd. 1999 ; 1 :10-12. préc. n°40. Gwénola GRIMAULT 28/118 De l’information à l’annonce Décembre 06 15 par les sociétés savantes dans leurs spécialités respectives, fiches que le praticien remettrait à son patient en les assortissant de toutes explications ou compléments qu’il estime utiles ». Il ajoute que cet écrit permet de conserver une trace de l’information même s’il ne règle pas tout. Jean PENNEAU16 est du même avis et considère par ailleurs que « la nouvelle jurisprudence conduit inéluctablement à cette solution ». La troisième position adoptée considère que l’écrit n’est susceptible d’assurer sa fonction que s’il est signé par le patient. Yves CHARTIER17, conseiller à la Cour de cassation, est de cet avis même si la relation médecin-malade y perd une partie du climat de confiance. Selon lui, la signature du document d’information par le patient est le moyen le plus efficace pour le médecin de se constituer une preuve, mais aussi de prouver que le patient a bien été informé de l’existence des risques, voire même qu’il les a acceptés. Certains assureurs de la responsabilité médicale suivent cette opinion. La seconde question que se posent les médecins est alors le retentissement de cette formalisation de l’information sur la relation médecin-malade. Ils craignent une altération de la confiance du patient en son médecin pour deux raisons. L’information étant en principe exhaustive, elle risque d’affoler le patient et peut même entraîner son refus d’investigations ou de soins indispensables pour sa santé. D’autre part, la remise d’un document écrit pour se ménager une preuve en cas d’éventuel contentieux entraîne une perte de confiance du patient. « D’une relation basée sur la confiance établie à travers un contrat moral constitué de la rencontre entre le patient et le chirurgien, nous passons à une relation de défiance qui impose une réflexion nouvelle de la part du médecin »18. Néanmoins, il semble qu’il y ait confusion entre la portée de la remise de documents écrits et celle de la signature éventuelle par le patient dans le but de confirmer qu’il a bien reçu lesdites informations. En effet, ce n’est pas la fourniture d’un écrit qui risque de créer la défiance, mais bien le fait que le médecin exige que ce document soit signé par le patient. Délivrer une fiche récapitulative de toutes les informations fraîchement délivrées ne constitue en rien un acte agressif pouvant nuire à la relation médecin-malade si le praticien explique sa finalité. Il faut en effet préciser que cette fiche permet au patient de se remémorer à distance et de façon plus posée l’ensemble des informations délivrées d’un bloc et sur un temps très court. Ce document peut également susciter chez le patient des questions auxquelles il n’avait pas songé lors de la consultation initiale, questions qu’il est toujours temps de poser lors des consultations ultérieures. Il peut d’autre part révéler au médecin les points sur lesquels il n’a pas été suffisamment clair. Ce formulaire peut donc constituer un excellent support pour favoriser la discussion et l’échange entre ces deux partenaires que sont le patient et le médecin. Cependant, c’est à partir du moment où il est question de signature que ce document est susceptible de devenir néfaste et dangereux. Le patient peut effectivement avoir le sentiment que le médecin se défit de lui, mette en doute ses capacités de compréhension. Quant au praticien, il peut ne voir en ce document que le moyen d’apporter la preuve de la délivrance de l’information, le moyen de couvrir ses arrières et de se protéger d’un éventuel procès. Il n’est alors plus question de relation médecin-malade, de communication ni d’échange d’informations puisque patient et médecin, se méfiant l’un de l’autre, se retrouvent comme postés de part et d’autre d’une barrière imaginaire représentée par la signature de ce document, preuve de ladite information. On peut également émettre une dernière hypothèse pour expliquer cette méfiance d’un écrit. Si les médecins expriment leurs craintes d’un formalisme excessif, c’est peut-être parce qu’ils redoutent de perdre la maîtrise de l’information donnée, cette dernière étant diffusée sous forme de fiches au contenu préalablement validé, diminuant ainsi leur marge de manœuvre. Les professionnels se trouvant dans ce cas de figure devraient peut-être se remettre en cause et 16 J. PENNEAU. L’obligation d’information du patient. Hospitalisation privée 1998 : 17-20. Y. CHARTIER. Information du patient et responsabilité médicale. Progr. Urol. 1998 ; 8 : 487-490. 18 P. SARGOS, D. PELLERIN, B. GLORION. Information du malade par le chirurgien. Aspects judiciaires, aspects éthiques, aspects déontologiques (communication présentée à l’Académie nationale de chirurgie au cours de la séance du 11 juin 1997) ; Chirurgie 1998 ; 123 : 85-96 Gwénola GRIMAULT 29/118 De l’information à l’annonce Décembre 06 17 s’interroger sur l’origine de leur vocation, sur la valeur et le statut qu’ils attribuent à leur profession, sur le type de relation qu’ils souhaitent établir avec leur patientelle… car peut-être en sont-ils restés à la relation médecin-malade d’antan, unidirectionnelle et paternaliste, celle où seul le médecin détenait le pouvoir de la connaissance et où aucun dialogue n’était de rigueur. 2.3.3.2 L’annonce du diagnostic et l’accompagnement du malade Les arrêts précités concernent des investigations invasives et c’est probablement la raison pour laquelle les préoccupations se portent sur la définition des risques. Ces préoccupations ne se posent pas nécessairement dans ces termes pour les maladies chroniques, puisque l’information est abordée en terme de partenariat avec le patient, dans le but de l’aider à vivre avec sa maladie. La question principale abordée dans les articles est alors celle de l’annonce du diagnostic, dans la mesure où la manière de dire peut exercer une influence sur les conditions de l’accompagnement futur du patient, sur son vécu de la maladie. En revanche, lorsqu’il s’agit d’une maladie grave voire mortelle, son annonce est envisagée de façon différente car le problème crucial devient le suivant : est-il nécessaire de taire ou non la réalité ou de l’édulcorer ? Des études mettent alors en évidence, comme nous allons pouvoir le constater, l’écart entre les attentes des patients interrogés et les idées que s’en font les médecins. ► Information du patient atteint de maladie grave : Jusqu’en 1995, le Code de déontologie prévoyait comme un principe que le médecin pouvait légitimement ne rien révéler au malade en cas de maladie grave ou fatale. Le médecin était le juge légitime de l’intérêt physique et moral du patient dans un souci d’humanité. A partir de 1995, ce qui était la règle est devenu l’exception à l’exigence de loyauté de l’information. Ainsi, le fait de tenir le patient dans l’ignorance d’un diagnostic ou d’un pronostic graves constitue dorénavant une exception, exception qui peut permettre au médecin d’adapter l’information à la réalité et de la délivrer progressivement. L’accent n’est ainsi plus mis sur le contenu de l’information à délivrer au patient, mais sur la manière d’annoncer soit un diagnostic lourd de conséquences pour l’intéressé, soit un diagnostic dont le pronostic est fâcheux. A partir de cet instant, on note alors deux tendances chez les médecins. Certains ont pour souci d’annoncer le diagnostic de manière à assurer au patient une prise en charge future de qualité. D’autres, lorsque le diagnostic implique un pronostic de maladie grave, mettent l’accent sur la nécessité de délivrer une information qui permette au patient de s’adapter à sa nouvelle situation. Ces deux préoccupations sont très souvent intriquées, mais ce qui diffère est l’éventualité d’une mort proche. Dans le cas d’une maladie chronique, deux points sont importants. Il faut tout d’abord prendre en compte les représentations du malade sur la maladie et sur la santé (nous aborderons ce point plus en détail ultérieurement) car la maladie va nécessiter des changements de comportement de la part du patient. Ensuite, il faut garder en tête que la relation médecin-malade est fondée sur la négociation (et non sur l’ordre), négociation au sein de laquelle le patient devient un partenaire de l’équipe soignante, et où médecin et malades définissent ensemble des objectifs intermédiaires en fonction des difficultés psychologiques et sociales rencontrées par le patient. Dans le cas où la mort se profile à plus ou moins court terme, la préoccupation première est de ne pas « réduire la vérité au diagnostic » car se serait « réduire le malade à sa maladie » (CHASTAING ,1998). Lorsque la mort est proche, l’information ne concerne pas seulement sa maladie et les traitements, mais aussi leurs répercussions sur la vie du patient, ses conditions de vie et ses propres réactions, l’attitude des soignants, la possibilité de donner un sens à la vie qui lui reste, le devenir de ses proches… L’attention doit alors être portée au malade dans sa globalité, physique et psychologique. Gwénola GRIMAULT De l’information à l’annonce 30/118 Décembre 06 ► Les attentes des patients en matière d’information et l’idée que les médecins en ont : Le désir d’information diagnostique est sous-estimé par les médecins. Une étude canadienne19 conduite il y a vingt ans (étude déjà ancienne, certes, mais dont les conclusions restent malheureusement encore d’actualité) montrait que devant une affection grave, 78 % des patients interrogés désiraient être informés du diagnostic, alors que seulement 13 % des médecins pensaient qu’il fallait le fournir. De plus, le pourcentage de patients désireux de connaître le pronostic, même fatal, était de 65 % tandis que celui des médecins qui acceptaient de l’annoncer n’était que de 12 %. On peut cependant s’interroger sur un point qui semble essentiel : peut-on faire l’amalgame entre le désir d’information et la capacité à entendre ?. Car il s’agit bien là de deux notions différentes que le médecin doit également prendre en compte. Il existe parfois des situations où le patient désire connaître le diagnostic ou pronostic de sa maladie sans pour autant être capable de l’entendre à l’instant « t »… Cette notion sera plus largement développée dans la seconde partie de ce travail. Une autre étude consacrée aux perceptions de leur maladie par les patients atteints de cancer20 a montré que la moitié des patients connaîtrait intuitivement la gravité pronostic de leur maladie. Enfin, d’autres études anglo-saxonnes axées sur la façon d’annoncer le diagnostic et de tenir compte des préférences des patients21 rendent compte, qu’en cas d’anomalie, les patients préfèrent recevoir l’information de leur médecin généraliste plutôt que par un autre (radiologue par exemple), et ceci au cours d’une consultation. Au contraire, s’il n’y a aucune anomalie, peu leur importe. Les divers articles consacrés à l’annonce du diagnostic mettent ainsi en relief trois aspects : ▪ L’idée que le médecin puisse masquer la vérité n’apparaît plus comme allant de soi. Les chiffres cités ci-dessus suscitent la réflexion : il semble que les patients désirent être informés du diagnostic aussi bien que du pronostic de leur maladie. Prétendre protéger le patient en lui cachant la vérité ne représente, à priori, qu’une fausse excuse car les patients pressentent souvent la gravité de leur pathologie, même si les médecins le nient. Par conséquent, procéder de la sorte, ne peut que susciter davantage de stress et d’inquiétude chez les patients, et non les protéger, ▪ C’est la manière de délivrer le diagnostic qui doit être mise en avant pour permettre au patient de s’adapter progressivement à la réalité de sa maladie. Le médecin traitant doit jouer le rôle de coordinateur, dans le sens où il prescrit des examens après avoir émis des hypothèses diagnostiques, mais doit aussi être la personne qui annonce leurs résultats et établit le programme de la prise en charge qui suivra (nous aborderons ultérieurement ce point capital de façon plus approfondie). C’est d’ailleurs ce que souhaite le patient : avoir affaire à une seule et même personne, celle en qui il a remis sa confiance et avec qui il a instauré des liens, celle qui, par conséquent, trouvera plus facilement les mots, le moment, ▪ Enfin, il existe un dernier point qui n’est pas abordé de façon explicite, mais qui s’impose néanmoins à l’esprit à la lecture de ces études : qu’est-ce qui sous-tend la pratique de l’omission chez les médecins ? Quelles en sont les motivations ? Peut-être permet-elle à certains médecins de ne répondre qu’à un minimum de questions sans fournir d’informations complètes, et ainsi de pallier à un manque de connaissances. Certains prétendent le faire pour protéger le malade, d’autres, au contraire, avouent le faire pour se ménager eux-même (cf mécanismes de défense du médecin). Enfin et surtout, d’autres ont compris qu’annoncer le diagnostic véritable de manière adéquate permettait au malade de faire face à sa maladie, et donnait également naissance à une relation médecin-malade de bonne qualité sur le mode du partenariat. Ce sont ces même médecins qui ne craignent plus les procès car il y a une collaboration véritable. 19 BR. MOUNT, A. JONES, A. PATTERSON. Death and dying attitudes in a teaching hospital. Urology 1974; 4:27. 20 WJ. MACKILLOP, WE. STEWART, AD. GINSBURG, SS. STEWART. Cancer patients, perceptions of their disease and its treatment. Br. J. Cancer 1988; 58: 355. 21 Etude portant sur les préférences et attentes des patientes concernant la manière d’apprendre les résultats de leur mammographie réalisée par F. BAILLET et N. PELICIER Gwénola GRIMAULT 31/118 De l’information à l’annonce Décembre 06 2.3.3.3 Evaluation de l’information donnée La question de l’information est ici abordée sous un angle différent. Il s’agit de savoir si les médecins donnent des informations à leurs patients et, si oui, comment et dans quelles proportions. La réflexion porte également sur la qualité de l’information et sur l’éventuel effet anxiogène de l’information sur les risques. On cherche donc moins à prendre en considération les demandes exprimées par les patients en matière d’information qu’à évaluer l’information en tant qu’élément de la pratique médicale faisant dorénavant partie des obligations professionnelles des médecins. ► Evaluation des pratiques médicales : Elle s’appuie sur des questionnaires adressés soit à des patients, auxquels sont posés un certain nombre de questions ayant trait à l’information délivrée, soit à des médecins, à qui il est demandé de répondre sur les types d’information qu’ils donnent à leurs patients. A titre d’exemple, l’une des enquêtes réalisée auprès des patients concerne l’information sur l’injection intraveineuse de produit de contraste iodé22. Les résultats sont les suivants : l’information est souhaitée dans 86 % des cas lorsqu’elle ne comporte pas le risque de décès, dans 52 % lorsque tous les risques sont envisagés, y compris ce dernier. En outre, l’information est considérée comme peu anxiogène car 11 % des patients seulement se disent alarmés. Il ressort donc que les patients désirent indéniablement être informés, notamment en ce qui concerne les risques induis par les actes médicaux envisagés. Néanmoins, leur désir d’information est à moduler en fonction de la gravité du risque, et en particulier lorsque ce dernier représente un risque vital. Le pourcentage de personnes désirant être informé s’abaisse alors de façon non négligeable. Enfin, l’information sur les risques semble peu anxiogène, ce qui invalide l’argument souvent avancé de ne pas informer la personne pour ne pas l’alarmer inutilement. Cependant, il faut noter plusieurs biais à cette étude : -la méthode d’évaluation choisie est peu précise et n’évalue que « l’anxiété ou la confiance avouée par les patients, ce qui ne garantit pas nécessairement la sincérité des réponses »23. Il faut en effet prendre en considération le fait que la personne interrogée se demande toujours quel usage sera fait de la réponse qu’elle fournit. De plus, cette dernière dépend de la nature de la relation existant entre celui qui la pose et celui qui y répond, -en excluant de l’étude les patients présentant des troubles de la conscience ou des difficultés linguistiques, on élude la question de savoir comment les soignants devraient procéder pour délivrer des informations à ceux présentant des difficultés de compréhension, -enfin, on ne sait pas si les patients auxquels sont distribués les questionnaires sont malades ou bien portants. S’agit-il d’un groupe de malades uniquement, ou seulement de bien-portants, ou encore de malades et bien-portants mélangés dans des proportions identiques ou même variable ? Ne pourrait-on pas envisager que le résultat de l’enquête soit modifié en fonction du type de patients choisi ? La variante malade, ou même « ayant l’intuition d’être malade », ne pourraitelle pas générer de l’angoisse susceptible de s’ajouter elle-même à l’angoisse de présenter les risques éventuels de l’examen subi et ainsi fausser les résultats ? 22 MP. DEBRAY, B. MESSIN, F. BONNEVILLE, JP. LAISSY. Information des patients et produit de contraste iodé. J. RADIOL. 1999 ; 80 : 437-440. 23 MP. DEBRAY et al., préc. Gwénola GRIMAULT 32/118 De l’information à l’annonce Décembre 06 Une seconde enquête est réalisée, quant à elle, auprès de médecins gastro-entérologues, chirurgiens digestifs et cancérologues de la région Nord. Elle a été menée dans le but de rechercher d’éventuelles disparités dans le degré d’information des patients atteints de cancer du colon24. Les résultats sont les suivants : le diagnostic est donné dans : - 83 % des cas au patient lorsqu’il en fait explicitement la demande, - 40 % des cas au patient lorsqu’il ne fait pas cette demande, .53 % des cas à la famille. le diagnostic de métastases est révélé dans : - 23 % des cas au patient, - 95 % des cas à la famille. - 3 % des cas au patient, - 4 % des cas à la famille. Ainsi, 27 % des patients réclamant leur diagnostic ne l’obtiennent pas et restent dans l’incertitude malgré l’obligation d’information qui pèse sur les praticiens. Ceci représente un nombre assez important de malades. Quelles sont les motivations des médecins ? Ont-ils jugé que leurs patients n’étaient pas aptes à recevoir cette information ? Cette information a-t-elle été donnée de façon différée, progressive par la suite, soit après la clôture de l’enquête ? Cette dernière ne le précise pas. D’autre part, 40 % des patients se sont vus imposer une information qu’ils ne désiraient pas recevoir. Pourquoi tant d’agressivité ? Faut-il y voir le simple soucis de respecter la législation, un excès de zèle, un moyen de protection de la part du médecin (« je te livre ton diagnostic et débrouille toi avec, avec tes questions, tes angoisses, ta douleur… »), un manque de tact ou une ignorance en matière de communication de mauvaises nouvelles ? Nous aborderons plus tard ces différents points. En outre, la famille est informée dans 53 % des cas. Cependant, l’enquête ne précise pas si la famille a été informée après que le patient l’ait été ou si seule la famille a reçu l’information. Dans le premier cas, l’information de la famille a t-elle été faite sur demande du patient ou après simple appréciation du médecin ? Dans le second cas se pose le problème de la confidentialité et du secret professionnel. L’enquête met également en relief qu’un euphémisme est employé dans 92 % des cas à la place de « cancer du colon ». Par conséquent, les 83 % des patients dits informés sont en réalité surestimés. Dans ces 83 %, un certain nombre de patients n’ont pas compris qu’il s’agissait d’un cancer du colon et ne sont donc pas informés. L’obligation d’information est ainsi loin d’être appliquée. Enfin, l’enquête fait remarquer que les cancérologues informent les patients tandis que les gastro-entérologues et chirurgiens informent plutôt la famille. Là encore, quelles en sont les raisons ? Les cancérologues sont-ils mieux formés à l’annonce des mauvaises nouvelles, aux techniques de communication ? Disposent-ils de plus de temps, par rapport aux chirurgiens par exemple ? Les chirurgiens communiquent-ils davantage avec la famille car l’information est donnée en sortant du bloc opératoire, alors même que le patient est encore endormi ? Quant aux motivations des gastro-entérologues, elles restent obscures. La loi du 4 mars 2002 est pourtant formelle à ce sujet : « Toute personne a le droit d’être informée sur son état de santé ». De plus, « cette information incombe à tout professionnel de santé…seules l’urgence, l’impossibilité ou le refus de recevoir l’information peuvent l’en dispenser ». 24 A. ADENIS, P. VENNIN, B.HECQUET. L’information des patients atteints d’un cancer du colon : résultats d’une enquête auprès des gastro-entérologues, chirurgiens et cancérologues de la région Nord. Bull. Cancer 1998 ; 85 : 803-808. Gwénola GRIMAULT 33/118 De l’information à l’annonce Décembre 06 L’information des patients est loin d’être évidente, nous pouvons aisément nous en rendre compte à travers ces deux enquêtes. Elle est pourtant indispensable à une relation médecinmalade de qualité. Afin de la délivrer de la manière la plus adaptée, il semble impératif de définir les désirs et les besoins des patients en matière d’information. ► Evaluation des besoins d’information des patients avec leur collaboration : Un exemple de cette démarche est fourni par la Fédération Nationale des Centres de Lutte Contre le Cancer (FNCLCC) qui, en 1998, a mis en place un projet d’information à l’attention des patients atteints de cancer et de leurs proches. Ce projet s’est fixé différents objectifs : répondre aux besoins d’information exprimés par les patients, mettre à leur disposition des informations validées, compréhensibles, accessibles et systématiquement actualisées, permettre aux patients de les assimiler, améliorer la qualité des soins en considérant le malade comme acteur. L’intention initiale était de produire une information de qualité et de la « traduire » en un langage compréhensible pour les patients et leurs proches. Pour cela, la FNCLCC s’est entourée de spécialistes du cancer, d’une linguiste, d’un psychiatre, de professionnels paramédicaux et d’éducateurs pour la santé. Néanmoins, la FNCLCC désirait faire plus que transmettre des connaissances, elle voulait définir les besoins et les attentes réels des patients en matière d’information et de communication, ce qu’elle a tenté de faire en constituant un groupe de travail. L’article25 qui rend compte de cette démarche livre les résultats sous forme de recommandations pour les médecins par rapport aux besoins des patients. Il ressort que ces derniers demandent des informations générales sur l’origine des cancers, des informations personnalisées par type de cancer, les différents traitements, les diverses alternatives… Ce travail révèle donc une modification des pratiques de soins. Effectivement, dans le but d’améliorer la qualité des soins, il semble indispensable de définir les attentes des patients en terme d’information mais aussi de compréhension. Indiscutablement, ces deux déterminants ont un impact important sur la prise en charge médicale ultérieure, leur non prise en compte pouvant être à l’origine de conséquences néfastes sur la conduite thérapeutique tels que anxiété, refus… D’une manière plus générale, il apparaît donc que l’information donnée au patient doit être considérée comme un élément d’une pratique organisée de soins, dans le souci d’une relation de qualité où le patient devient acteur de sa malade et de sa prie en charge médicale. Ainsi, l’information n’est plus seulement une obligation du médecin qui, non respectée, peut entraîner un procès, mais surtout un élément essentiel de la relation médecin-malade qui doit être considérée comme un partenariat. 25 F. DEMMA, A. DOUILLER, B. FERVERS, B. SANDRIN-BERTHON, P. SALTEL, F. FARSI, et al. Les besoins d’information et de communication de personnes atteintes de cancer. Santé Homme 1999 ; 341 : 24-27. Gwénola GRIMAULT 34/118 De l’information à l’annonce Décembre 06 2.3.4 FICHES D’INFORMATION PRODUITES PAR LES SOCIÉTÉS SAVANTES Ces fiches ont été établies, ou affinées pour celles qui existaient déjà, à la demande du Conseil de l’ordre des médecins en mai 1997. Dans la très grande majorité des cas (70 %), les sociétés savantes considèrent qu’il est nécessaire d’établir des documents d’information destinés aux patients, tout en sachant que, dans 52 % des cas, ces fiches sont soit déjà rédigées, soit seront disponibles à très court terme. Seules deux sociétés savantes26 ont rédigé des documents d’information à l’attention des médecins, toutes les autres l’ont fait à l’attention des patients. Les caractéristiques des fiches actuellement disponibles sont les suivantes : ► Documents décrivant les soins et / ou les investigations à réaliser : L’accent est mis sur trois points essentiels : la fonction, le déroulement, les complications et / ou risques éventuels des soins et / ou investigations. Ces fiches expliquent ainsi en quoi les soins envisagés sont nécessaires et pourquoi ils sont utiles. Elles visent également à décrire la manière dont l’examen ou l’intervention sont réalisés de façon à expliquer au patient comment les soins seront conduits, pourquoi il est impératif de réaliser une bonne préparation à cet examen (comme par exemple la préparation pour une coloscopie), mais aussi pour lui faire savoir ce qui l’attend. Enfin, la description des complications et / ou risques éventuels a pour but, en les portant à la connaissance des patients, de les aider à mesurer le rapport entre les avantages espérés du traitement et les risques potentiels. Il s’agit là d’un élément essentiel à la prise de décision en tenant compte notamment du caractère nécessaire ou non du traitement. ► Documents produits par des professionnels (sociétés savantes) : Ces documents ont une double particularité : ils fournissent une information objective validée par la communauté professionnelle, et rédigée en langage médical. Cela pose la question du recours à un langage savant alors que le document d’information s’adresse à des personnes qui utilisent un langage courant. Les sociétés savantes, dans un souci de mettre au point des documents d’information, se sont probablement préoccupées avant tout de la pertinence du contenu médical de ces fiches, sans toujours s’attacher suffisamment à leur compréhension par les « non-médecins ». Leur lecture donne souvent le sentiment que la démarche implicite demandée au patient est de se hausser vers le médecin et non pas à ce dernier de se mettre à la portée du malade. Au contraire, dans la mesure où ces fiches ont pour but de fournir une information destinée à permettre au patient d’exercer des choix en connaissance de cause, il est nécessaire de vérifier que ceux à qui elles sont destinées les comprennent. Il paraît donc souhaitable que leur contenu soit construit en collaboration avec des représentants de patients, notamment des associations. ► Documents portant une attention particulière aux risques : L’attention des sociétés savantes s’est portée particulièrement sur ce point à la suite de l’arrêt Hédreul et des arrêts qui l’ont suivi. Deux problèmes centraux se posent. Il existe tout d’abord un décalage entre la connaissance d’évènements aléatoires en pourcentage d’une population donnée et leur survenue éventuelle entièrement supportée par une personne en particulier. Effectivement, l’épidémiologie est bien différente du risque personnel et lorsqu’un événement survient, il est supporté en totalité par le patient. Ensuite, les risques ont tendance à être surestimés par rapport aux bénéfices escomptés des soins. Il serait donc préférable que les documents précisent les 26 Société française d’allergologie et d’immunologie clinique, Société française de pathologie infectieuse de langue française Gwénola GRIMAULT 35/118 De l’information à l’annonce Décembre 06 risques connus, certes, mais en ne les mentionnant qu’après les bénéfices des investigations ou soins, tout en précisant les moyens dont dispose l’équipe soignante pour prendre en charge ces évènements lorsqu’ils surviennent. Il ne s’agit pas là de dénier l’existence des risques, mais de leur rendre la place qui leur revient. ► Documents trop souvent déviés de leur but initial : Même s’il s’agit plus d’une constatation que d’une caractéristique, il faut cependant le souligner : les fiches d’information sont trop souvent conçues dans un but défensif. En effet, presque le tiers des documents affichent ouvertement être une modalité de preuve pour les médecins en portant, par exemple, le titre « Consentement pour la réalisation de… ». La signature de ce document est présentée comme obligatoire pour le patient, obligation fondée sur celle du médecin de faire la preuve qu’il a fourni l’information à son patient. Ainsi, ce qui constitue une obligation pour le médecin devient une contrainte pour le patient. Cependant, on peut légitimement s’interroger sur l’adéquation entre la finalité recherchée et les moyens d’y parvenir. Effectivement, l’usage de ces documents et formules stéréotypés pourrait finalement se retourner contre les médecins car leur formulation incompréhensible démontre incontestablement que le patient ne peut avoir compris l’information comme il le prétend. Il semble donc indéniable que : rédigées par des professionnels, les fiches d’information ne sont pas toujours compréhensibles pour des personnes sans connaissances médicales, associés à la signature du patient, les documents d’information doivent apparaître pour ce qu’ils sont, non plus un outil d’information mais bien un moyen pour le médecin de se constituer une preuve. 2.3.5 EN CONCLUSION L’information à donner au patient est considérée comme une nécessité incontournable depuis l’arrêt Hédreul rendu par la Cour de cassation. Pourtant, l’obligation pour le médecin d’informer le patient n’est pas née avec cet arrêt, elle est bien antérieure. Le changement apporté par l’arrêt Hédreul tient à ce que c’est dorénavant au médecin de faire la démonstration qu’il s’est acquitté de son obligation, et non pas au patient de démontrer qu’il n’a pas reçu l’information nécessaire. Ce renversement de la charge de la preuve a conduit les médecins à s’interroger sur le contenu de l’information à transmettre au patient, mais surtout sur les moyens dont ils disposent pour prouver qu’ils ont bien fourni cette information. Leur préoccupation est donc essentiellement défensive. Cependant, n’envisager la question de l’information que sous l’angle de la responsabilité civile et / ou administrative semble inconcevable. Effectivement, cela nuirait gravement à la relation médecin-malade, le médecin ne voyant plus en son patient qu’un éventuel plaideur, le malade ne considérant plus son médecin que comme un responsable potentiel. Gwénola GRIMAULT De l’information à l’annonce 36/118 Décembre 06 Pour faire en sorte que l’information du patient soit prise en considération comme un temps du soin et même plus, qu’elle soit considérée comme un acte de soin à part entière, plusieurs recommandations peuvent d’ores et déjà être faites sur lesquelles les membres du groupe de travail auraient à se mettre d’accord : 1) Déterminer le contenu de l’information à donner au patient Il faut distinguer l’information générale de l’information spécifique, adaptée à la situation personnelle du patient. information générale : - description des soins, examens, interventions envisagés, - fonction, utilité et / ou bénéfices escomptés, - déroulement, - complications et risques éventuels, y compris exceptionnels, en les hiérarchisant, information spécifique : - état du patient, évolution prévisible, examens et / ou soins envisagés - nature exacte et conséquences de la thérapeutique proposée, séquelles éventuelles - alternatives thérapeutiques envisageables L’information générale pourrait être formalisée sous forme de fiches d’information. Néanmoins, ce procédé est moins adapté en ce qui concerne l’information spécifique qui reste patientdépendante. Il faudrait donc réfléchir à un support qui guiderait les médecins dans leur démarche d’information. Peut-être même qu’aucun support ne puisse être créé et que le médecin ait à trouver, pour chaque patient, le moyen le plus adapté de l’informer. Ainsi, s’il semble assez simple de mettre en fiches ce qui est général, ce qui relève du singulier revient indéniablement au médecin. D’autre part, les items cités paraissent insuffisants. Ne faudrait-il pas prendre aussi en compte les conséquences sur la vie du patient, pour sa famille, les conséquences sociales, professionnelles, psychologiques, et bien d’autres encore qu’il faudrait déterminer ? 2) Garantir au patient des informations validées La qualité de l’information ne peut être assurée au patient que si les médecins s’appuient sur des connaissances évaluées et validées à l’aide de preuves scientifiques et d’avis d’experts. 3) Réfléchir à la manière de présenter les risques ainsi qu’à leur prise en charge Il semble indispensable de ne pas présenter les risques avant les avantages de la thérapeutique envisagée. Ceci permettrait d’appréhender les risques non plus comme une série d’événements gouvernés par la fatalité auxquels, malheureusement, le patient ne peut échapper, mais comme faisant partie intégrante des soins. Il faudrait alors intégrer dans les fiches d’information des renseignements sur la manière dont il est possible sinon de les maîtriser du moins d’en limiter les conséquences ou, en tous les cas, d’y faire face. 4) Veiller à la compréhension de l’information par les patients Les sociétés savantes ont créé, à la demande du Conseil de l’ordre, des documents d’information réunissant, dans la majorité des cas, des informations peu accessibles pour une personne n’ayant pas les compétences médicales requises. Il faut donc considérer qu’il ne s’agit là que d’une première étape et que la seconde consisterait à soumettre ces fiches à l’avis de représentants de patients pour que leurs remarques et / ou suggestions soient prises en compte. Ceci semble impératif pour que les patients bénéficient d’une information qui réponde le mieux possible à leurs besoins leur permettant ainsi de prendre une décision en toute connaissance de cause concernant leur santé. Gwénola GRIMAULT De l’information à l’annonce 37/118 Décembre 06 5) Veiller à ce que les documents d’information aient une fonction strictement informative Le mélange des genres (informer le patient par le biais d’un document écrit dont un exemplaire est signé par le patient pour servir de preuve au médecin) ne pourrait qu’aboutir au résultat inverse de celui recherché. On transformerait une obligation du médecin en obligation du patient, puisque l’information lui serait moins donnée pour lui permettre de faire des choix que pour permettre au médecin de disposer d’une preuve qui lui paraît nécessaire. Il faudrait donc trouver un moyen de faire la preuve sans que ce dernier se confonde avec le document écrit servant à informer le patient. Il faudrait deux documents strictement différents et parfaitement indépendants. 6) Veiller à ce que l’information soit envisagée comme un élément du système de soins L’information du patient doit être envisagée de telle façon que les renseignements donnés par chaque intervenant soient en cohérence les uns par rapport aux autres. En effet, la prise en charge d’un patient nécessite souvent plusieurs examens, plusieurs intervenants. Le patient reçoit alors de multiples informations qu’il faut mettre en relation les unes par rapport aux autres. Il serait donc nécessaire d’envisager l’information du patient en terme d’organisation, tenir compte du fait que cette dernière émane de plusieurs sources et faire en sorte que ces différents éléments fassent l’objet d’une synthèse. C’est ce qui est envisagé dans le plan cancer, lancé en mars 2003, par Jacques CHIRAC (BENKIMOUN, 2005). L’expérimentation, conduite auprès de 15 000 personnes, a permis de réfléchir sur quatre thèmes : la consultation paramédicale, l’articulation entre les médecins hospitaliers et les médecins généralistes, le repérage des besoins psychologiques et sociaux, et le programme personnalisé de soins. Il est entre autres ressorti que les patients ne parlent pas des mêmes sujets avec chacun des intervenants. Ainsi, les patients abordent rarement la question du pronostic avec le médecin alors qu’ils le font devant les infirmières. De même, les sujets jugés délicats sont plus souvent discutés avec l’équipe infirmière ou les paramédicaux qu’avec les médecins spécialistes (perte des cheveux, diminution de la libido…). Ce phénomène au cours duquel les questions dont on ne veut pas connaître la réponse sont posées à la personne qui n’est pas habilité à y répondre est fréquemment rencontré. Les divers intervenants de l’équipe doivent donc impérativement se réunir régulièrement pour échanger leurs informations sur le patient et ainsi l’aider au mieux à affronter sa maladie. Il est également capital qu’une personne soit désignée pour faire, à intervalles réguliers, le point avec le patient sur la situation, les examens ou traitements en cours… Ce rôle peut parfaitement être rempli par le médecin traitant, à condition qu’il soit régulièrement informé par l’ensemble des autres intervenants, et en particulier par les médecins spécialistes (oncologues). Gwénola GRIMAULT De l’information à l’annonce 38/118 Décembre 06 2.4 INFORMATION DU PATIENT D’APRÈS LA LOI DU 4 MARS 2002 « Sous la pression des usagers du système de santé rendus méfiants par les drames de santé publique (et la médiatisation d’affaires isolées), de nombreuses dispositions législatives et réglementaires sont venues conforter des droits fondamentaux (accès aux soins, qualité et sécurité des soins, respect de la personne) mais également ouvrir de nouveaux espaces déjà explorés par la jurisprudence, permettant de mieux prendre en compte les besoins et les attentes de la personne malade (information, consentement aux soins, indemnisation des risques sanitaires) (POCHON, 2003). La loi du 4 mars 2002 sur « les droits des malades » comporte 5 titres et 126 articles27. Elle a été rédigée dans un contexte de méfiance et d’attente des associations d’usagers, et toute référence à cette loi reste imprégnée de méfiance et d’attente. Tandis que l’arrêt Hédreul inverse la charge de la preuve, la loi du 4 mars 2002 va beaucoup plus loin. Elle impose l’information « claire, loyale et appropriée » du patient, certes, mais surtout se met en quête de son consentement, au nom du principe d’autonomie. Ceci a clarifié et renforcé les obligations des professionnels à l’égard des malades. Avant de procéder à une lecture de la loi sur les droits des malades, revenons sur les concepts philosophiques qui la fondent. 2.4.1 FONDEMENTS PHILOSOPHIQUES DE LA LOI DU 4 MARS 2002 La loi du 4 mars 2002 repose sur une assise philosophique qui articule trois principes (BLET, 2003) : le principe Hippocratique de bienfaisance à l’origine de l’acte médical le principe d’autonomie l’utilitarisme 2.4.1.1 PRINCIPES DE BIENFAISANCE ET DE NON-MALFAISANCE Ces principes se retrouvent dès l’antiquité et perdurent jusqu’à la moitié du XX ème siècle. Ils sont certes encore présents, mais leur affaiblissement est notoire. Dans le traité des épidémies d’Hippocrate (460 avant JC.), on peut lire « avoir dans la maladie deux choses en vue : être utile et ne pas nuire ».Il s’agit pour le médecin de seconder la nature sans entraver son action, dans l’intérêt de l’homme28. Si l’action doit être dirigée dans l’intérêt de l’homme, il faut alors définir le Bien, dans la pensée hellénique. Voici ce que révèle Aristote (384 avant JC.), dans le chapitre premier d’Ethique de Nicomaque29 : « Tout art et toute recherche, de même que toute délibération réfléchie, tendent semble-t-il, vers quelque bien… Toutefois il paraît qu’il ait une différence entre les fins… la santé est la fin de la médecine ». 27 hhtp://www/legirance.gouv.fr RESENFELD D., Hippocrate et les principes de la déontologie. La lettre de l’espace éthique. N°15-18. Hiver-Eté, 2002. 29 Aristote. Ethique de Nicomaque. Traduit, préfacé, et annoté par Jean VOILQUIN. Edition Garnier Flammarion, 1965. Gwénola GRIMAULT 39/118 De l’information à l’annonce Décembre 06 28 La santé est la fin de la médecine. Le bien pour la médecine est ce qui tend vers la santé. Le « bien » appartient à la catégorie du savoir, d’un savoir sur l’autre et pour l’autre. Cette représentation est à l’origine des pratiques paternalistes d’antan. Plus proche de nous, Emmanuel Levinas et Hans Jonas fondent la moralité de l’action sur la fragilité de l’autre. Celui qui agit n’est pas seulement responsable de son acte devant la loi, il est également responsable pour l’autre. Ces principes imprègnent la relation médecin-malade. Mais l’apparition du concept d’autonomie en médecine vient bousculer leur suprématie. 2.4.1.2 LE PRINCIPE D’AUTONOMIE En France, d’un point de vue philosophique, le concept d’autonomie voit le jour au XVIIIème siècle. L’autonomie consiste en la possibilité de se donner, à soi, la Loi de son action. Il s’agit d’obéir à une loi (nomos) qui ne s’impose pas de l’extérieur (hétéronomie), mais qui est élaborée par soi-même (autos), comme sujet libre et rationnel. Comme toute loi, celle qui est produite par un sujet autonome est universelle. Cette autonomie se couple donc à la notion d’universalité de la loi pour devenir le respect de tout individu comme membre de l’humanité30. De façon très schématique, la paternité de ce concept peut être attribuée à Rousseau et à Kant. En effet, tous deux rattachent le principe d’autonomie non pas à l’individu, mais au genre humain, à la communauté humaine. Lorsque la volonté d’un seul individu se reconnaît dans la volonté générale au détriment de ses intérêts particuliers, il se reconnaît dans le tout, il fait partie intégrante de la communauté, et il trouve sa liberté. Nous voyons donc que le concept d’autonomie à la française renvoie à l’universel et non à l’individuel. Au contraire, pour les Anglo-saxons (nord-américains), l’autonomie (qu’ils opposent d’ailleurs au principe de bienfaisance) se conçoit comme la liberté individuelle d’avoir des préférences singulières31. Cette liberté se définit comme une indépendance négociée, et les conflits entre deux personnes autonomes se règlent par voie contractuelle. Néanmoins, il ne s’agit plus là d’autonomie, mais plutôt d’autodétermination qui est la capacité d’opérer des choix sans contraintes. La langue française, dans le domaine de la santé, utilise de plus en plus l’autonomie au sens anglo-saxon du terme, ce qui fait courir le risque de remplacer le pacte de soins et sa dimension d’alliance thérapeutique par l’affrontement brutal de deux volontés : la bienfaisance du médecin opposée à l’autonomie du patient. Affirmer « c’est mon choix » relève d’une conception autiste de la liberté qui peut être assimilée à une spontanéité pulsionnelle, à une autodétermination irrationnelle bien éloignée de l’autonomie qui est, et doit rester, l’obéissance à une loi que l’on s’est prescrite, une loi rationnelle, universalisable, et non une loi personnelle32. Afin de résoudre ce conflit de principes (principe d’autonomie et principe d’autodétermination), H.T.Engelhardt développe, en 1986, la théorie de l’autonomie pluraliste dans son ouvrage The Foundations of Bioethics. Pour Engelhardt, la moralité est fondée sur la liberté de l’homme, et sur le respect absolu de celle-ci33. Cette position éthique recentre la moralité sur le principe d’autonomie, tout en laissant une place à la bienfaisance, mais en modifiant ce principe. L’action morale n’est pas de faire le bien pour autrui, mais de faire aux autres leur bien. Cette éthique 30 RAMEIX S. Fondements philosophiques de l’éthique médicale. Editions Ellipses, 1997. WOLF M. Relation médecin-malade. Le consentement. Décembre 2001 ; http://www.inserm.fr/ethique 32 Le livre bleu, 10ème congrès national de la Société Française d’Accompagnement et de soins Palliatifs (SFAP), recommandations de 2003. 33 idem note 27 Gwénola GRIMAULT 40/118 De l’information à l’annonce Décembre 06 31 procédurale repose sur la négociation entre les deux parties. Selon cette vision, la relation de soin devient un véritable contrat mettant en relation deux personnes de valeur égale. Le rôle du médecin est d’offrir une prestation de soin, en échange de quoi le malade le rétribue. Le médecin a donc dans ce cas pour devoir de respecter la liberté du malade, et le malade d’affirmer ce qui, pour lui, est sa loi. Si le principe d’autonomie est aussi important, c’est qu’il débouche sur le consentement du patient. En effet, le respect de l’autonomie du patient exige sa complète information (sans information, personne ne pourrait prendre de décision adéquate) ainsi que, après information, le consentement du patient avant toute intervention sur lui. Le principe d’autonomie est le fondement de l’exigence du consentement informé avant tout acte médical. 2.4.1.3 L’UTILITARISME Le dilemme éthique que doit résoudre le médecin peut alors être schématisé ainsi : -faire le bien pour l’ensemble des patients atteints de telle pathologie, ou présentant tel ou tel symptômes -faire le bien pour tel patient, et uniquement ce patient L’utilitarisme développé par Stuart Mill (1806-1873) et Jérémy Bentham (1748-1832) est une doctrine qui vise à tendre vers le plus grand bonheur possible, pour le plus grand nombre. L’action tend vers le bonheur individuel, et au-delà, vers le bien-être collectif par altruisme. Afin d’y parvenir, il convient de développer des méthodes d’évaluation des besoins et des ressources. Les questionnaires de qualité de vie qui se développent en soins palliatifs s’inscrivent entre autre dans cette démarche. Après cet éclairage sur les fondements philosophiques de la loi du 4 mars 2002, il semble manifeste que l’apparition de cette obligation du recueil du consentement du malade aux soins tend à nous rapprocher du concept anglo-saxon pour ce qui est de la définition même de la relation médecin-malade (relation dualiste où l’autonomie se conçoit comme la liberté de faire ses propres choix, au prix de négociations, et où les mal-entendus se règlent par voie contractuelle). Cependant, il apparaît nécessaire de mettre en lumière quelques ambiguïtés : Le principe d’autonomie « à la française » ne renvoie pas aux mêmes notions que celui de nos collègues nord-américains Le code de déontologie, au travers de ses rédactions successives, a évolué sur le point de l’information. Initialement tue le plus souvent, cette information est aujourd’hui valorisée, voire rendue quasiment obligatoire. Cependant, il faut noter que le Code de déontologie tient compte de la notion psychique et de la violence engendrée par la révélation, rendant ainsi possible la mise sous silence partielle ou totale, définitive ou transitoire du diagnostic. La problématique éthique actuelle en France repose donc sur l’existence ou non d’une intersection entre les deux ensembles, constitués d’une part par le respect de l’autonomie de l’individu et, d’autre part, par l’évidente fragilité du patient présentant une maladie chronique, grave, voire mortelle. Gwénola GRIMAULT De l’information à l’annonce 41/118 Décembre 06 2.4.2 LOI DU 4 MARS 2002 La loi du 4 mars 2002 (ou loi KOUCHNER) s’est inspirée des arrêtés de la Cour de cassation qui l’ont précédé. Elle est venue compléter et modifier le Code de la Santé Publique (CSP) en définissant les règles de l’information des malades. Ils figurent au Chapitre Premier : Information des usagers du système de santé et expression de leur volonté. Le contenu de la loi du 4 mars 2002 dépasse largement la seule question de l’information. Il définit le cadre des réseaux, les coopérations sanitaires, l’indemnisation du risque sanitaire… La lecture du CSP actuellement en vigueur montre l’importance accordée à l’information puisque dès les premiers articles elle est mentionnée : Art. L. 1111-2 : pose l’information comme un impératif. Art. L. 1111-3 : porte sur l’information du coût des soins. Art. L. 1111-4 et 5 : traite du consentement comme conséquence de l’information. Art. L. 1111-6 : introduit la personne de confiance, qui constitue une notion très innovante de la loi du 4 mars 2002 dans le CSP. Cette personne peut être consultée, à condition d’avoir été désignée, mais l’information ne concerne que le malade. Art. L. 1111-7 : traite de l’accès au dossier, complété par les Art. R. 710-2-1 à 2-9 et le décret 2002-637. Les Art. R. 710-2-1 à 2-9 précisent les règles d’accès à l’information médicale : « toute personne a accès à l’ensemble des informations concernant sa santé, détenues par les professionnels et les établissements de soins… à l’exception des informations mentionnant qu’elles ont été recueillies auprès de tiers n’intervenant pas dans la prise en charge thérapeutique ». Le décret 2002-637 précise les conditions de la demande d’information et d’accès au dossier. Art. L. 1111-8 : traite de l’archivage des dossiers. Le Code de déontologie, quant à lui, décrivait déjà l’art et la manière d’informer : Art. 34, 35, 36, 41 et 42. Pour peu que l’on soit correctement informé de ces règlements, comment doit-on informer le patient et quelles réflexions peut-on en tirer ? 2.4.2.1 LOI ET INFORMATION Article 11, Chapitre Ier de la Loi n°2002-303 du 4 mars 2002 : « Information des usagers du système de santé et expression de leur volonté » Art. L. 1111-2 du Code de Santé Publique : « Toute personne a le droit d’être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu’ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. Lorsque, postérieurement à l’exécution des investigations, traitements ou actions de prévention, des risques nouveaux sont identifiés, la personne concernée doit en être informée, sauf en cas d’impossibilité de la retrouver. Gwénola GRIMAULT De l’information à l’annonce 42/118 Décembre 06 Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables. Seules l’urgence ou l’impossibilité d’informer peuvent l’en dispenser. Cette information est délivrée au cours d’un entretien individuel. La volonté d’une personne d’être tenue dans l’ignorance d’un diagnostic ou d’un pronostic doit être respectée, sauf lorsque des tiers sont exposés à un risque de transmission. Les droits des mineurs ou des majeurs sous tutelle mentionnés au présent article sont exercés, selon les cas, par les titulaires de l’autorité parentale ou par le tuteur. Ceux-ci reçoivent l’information prévue par le présent article, sous réserve des dispositions de l’article L. 1111-5. Les intéressés ont le droit de recevoir eux-mêmes une information et de participer à la prise de décision les concernant, d’une manière adaptée soit à leur degré de maturité s’agissant des mineurs, soit à leurs facultés de discernement s’agissant des majeurs sous tutelle. Des recommandations de bonnes pratiques sur la délivrance de l’information sont établies par l’Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé et homologuées par arrêté du ministre chargé de la santé. En cas de litige, il appartient au professionnel ou à l’établissement de santé d’apporter la preuve que l’information a été délivrée à l’intéressé dans les conditions prévues au présent article. Cette preuve peut être apportée par tout moyen ». La somme des informations à remettre au patient tend à l’exhaustivité. Informer le patient ne relève pas d’un excès de générosité de la part du médecin mais bien d’un devoir. Toute omission constitue un manque caractérisé et, par conséquent, le médecin doit pouvoir fournir la preuve de son acte. Bien avant la loi du 4 mars 2002 déjà, du fait de la jurisprudence (arrêt Hédreul), l’information devait être remise au malade, selon les modalités définies par le Code de déontologie (CD). L’obligation d’informer le malade préexistait à la loi du 4 mars 2002. Cependant, dans un contexte de judiciarisation et malgré les nuances apportées par le CD, certains praticiens s’en tenaient aux prescriptions légales de la procédure pour informer le malade, de telle manière qu’il s’en dégageait un effet de violence. « Après la charge de la preuve, l’esprit de la loi subissait lui-aussi un renversement. Alors que la loi tentait de répondre au besoin d’information du patient afin qu’il puisse prendre une décision concernant sa santé, elle ne faisait que lui porter préjudice en l’effrayant, lui enlevant, par là-même, une partie de sa capacité à prendre une décision adaptée. La loi du 4mars 2002 n’a pas atténué le risque de violence de l’acte, mais elle a rétablit le sens des obligations par les précisions qu’elle a apportée. En procédant à une synthèse de la jurisprudence et des attentes des associations d’usagers, la loi du 4 mars 2002 a permis de dégager un esprit de la loi qui ne s’en tient pas à la dimension pénale que les arrêtés avaient introduits. Elle réintroduit ainsi la possibilité, pour le patient, de refuser une information. La lettre de la loi était devenue orpheline de son esprit du fait des affaires médico-légales. La lettre avait pris le devant de la scène et nous avons pu assister à des actes de violence lorsqu’il s’agissait d’informer des malades « selon la loi ». Celle du 4 mars 2002 n’a pas modifié les obligations des professionnels de santé vis-à-vis de l’information à donner aux malades, elle les a précisées, et elle a redonné du sens aux prescriptions morcelées du CD et de la jurisprudence, qui n’arrivait plus à s’articuler » (BLET et CARAYON, 2003). Gwénola GRIMAULT De l’information à l’annonce 43/118 Décembre 06 2.4.2.2 LE CONSENTEMENT La notion de consentement est issue de la loi de bioéthique du 29 juillet 1994 insérée dans l’Art. 16-3 du Code Civil : il est interdit de porter atteinte à l’intégrité du corps humain. Les Art. L. 1111-4 et 5 confirment la notion de consentement. Art. L. 1111-4 du Code de Santé Publique : « Toute personne prend, avec le professionnel de santé et compte tenu des informations et des préconisations qu’il lui fournit, les décisions concernant sa santé. Le médecin doit respecter la volonté de la personne après l’avoir informée des conséquences de ses choix. Si la volonté de la personne de refuser ou d’interrompre un traitement met sa vie en danger, le médecin doit tout mettre en oeuvre pour la convaincre d’accepter les soins indispensables. Aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne et ce consentement peut être retiré à tout moment. Lorsque la personne est hors d’état d’exprimer sa volonté, aucune intervention ou investigation ne peut être réalisée, sauf urgence ou impossibilité, sans que la personne de confiance prévue à l’article L. 1111-6, ou la famille, ou à défaut, un de ses proches ait été consulté. Le consentement du mineur ou du majeur sous tutelle doit être systématiquement recherché s’il est apte à exprimer sa volonté et à participer à la décision. Dans le cas où le refus d’un traitement par la personne titulaire de l’autorité parentale ou par le tuteur risque d’entraîner des conséquences graves pour la santé du mineur ou du majeur sous tutelle, le médecin délivre les soins indispensables. L’examen d’une personne malade dans le cadre d’un enseignement clinique requiert son consentement préalable. Les étudiants qui reçoivent cet enseignement doivent être au préalable informés de la nécessité de respecter les droits des malades énoncés au présent titre. Les dispositions du présent article s’appliquent sans préjudice des dispositions particulières relatives au consentement de la personne pour certaines catégories de soins ou d’interventions ». Art. L. 1111-5 du Code de Santé Publique : « Par dérogation à l’article 371-2 du code civil, le médecin peut se dispenser d’obtenir le consentement du ou des titulaires de l’autorité parentale sur les décisions médicales à prendre lorsque le traitement ou l’intervention s’impose pour sauvegarder la santé d’une personne mineure, dans le cas où cette dernière s’oppose expressément à la consultation du ou des titulaires de l’autorité parentale afin de garder le secret sur son état de santé. Toutefois, le médecin doit dans un premier temps s’efforcer d’obtenir le consentement du mineur à cette consultation. Dans le cas où le mineur maintient son opposition, le médecin peut mettre en oeuvre le traitement ou l’intervention. Dans ce cas, le mineur se fait accompagner d’une personne majeure de son choix. Gwénola GRIMAULT De l’information à l’annonce 44/118 Décembre 06 Lorsqu’une personne mineure, dont les liens de famille sont rompus, bénéficie à titre personnel du remboursement des prestations en nature de l’assurance maladie et maternité et de la couverture complémentaire mise en place par la loi n° 99-641 du 27 juillet 1999 portant création d’une couverture maladie universelle, son seul consentement est requis ». Ces articles ont été insérés à la suite de la loi du 4 mars 2002 qui n’a pas modifié le sens du concept mais l’a précisé. Le consentement est la visée de l’information. L’information a pour but d’obtenir le consentement du patient dans une symétrie des pouvoirs telle que l’indique le CD : Art. 36 : « Le consentement de la personne examinée ou soignée doit être recherché dans tous les cas… » Le consentement est un acte de parole du patient qui s’inscrit dans une suite logique articulant le savoir médical, la parole du médecin, le savoir du patient, la réponse du patient et l’acte médical. D’autres catégories de l’activité médicale sont également concernées. Ainsi, l’Art. L. 1111-4 stipule que l’enseignement clinique impose le consentement du patient pour qu’il en soit l’objet. Certains sollicitaient déjà l’accord des patients sans attendre la loi. Mais les règles d’humanité sont devenues règlements, leur omission n’est plus seulement une atteinte au respect de l’autre mais une atteinte à la loi. 2.4.2.3 LA PERSONNE DE CONFIANCE Art. L. 1111-6 du Code de Santé Publique : « Toute personne majeure peut désigner une personne de confiance qui peut être un parent, un proche ou le médecin traitant, et qui sera consultée au cas où elle-même serait hors d’état d’exprimer sa volonté et de recevoir l’information nécessaire à cette fin. Cette désignation est faite par écrit. Elle est révocable à tout moment. Si le malade le souhaite, la personne de confiance l’accompagne dans ses démarches et assiste aux entretiens médicaux afin de l’aider dans ses décisions. Lors de toute hospitalisation dans un établissement de santé, il est proposé au malade de désigner une personne de confiance dans les conditions prévues à l’alinéa précédent. Cette désignation est valable pour la durée de l’hospitalisation, à moins que le malade n’en dispose autrement. Les dispositions du présent article ne s’appliquent pas lorsqu’une mesure de tutelle est ordonnée. Toutefois, le juge des tutelles peut, dans cette hypothèse, soit confirmer la mission de la personne de confiance antérieurement désignée, soit révoquer la désignation de celle-ci ». Gwénola GRIMAULT De l’information à l’annonce 45/118 Décembre 06 L’Art. L. 1111-6 introduit la personne de confiance, désignée par le patient pour être consultée à sa place dans le cas où il ne pourrait exprimer sa volonté ou recevoir l’information le permettant. Avant le 4 mars 2002, la personne de confiance était tacitement reconnue par les patients ou les soignants. Mais depuis le 4 mars, la désignation de cette personne se fait par écrit, ce qui introduit implicitement deux ordres de faits : -l’anticipation d’une dégradation éventuelle du malade -l’exclusion du médecin comme personne de confiance de manière systématique. « La loi a érigé la méfiance au cœur de la relation de soin quand d’autres textes évoquent la confiance comme un pré-requis à la relation de soins. En réalité, la loi a seulement dénoncé un non-dit : la confiance n’est pas un a priori, elle s’acquiert. Elle s’acquiert, en particulier, par et dans le respect de la loi, qui définit les préliminaires au développement de la confiance. La loi met en mots ce qui n’était pas dit et, dans le même mouvement, elle dévoile que la relation de soin n’échappe pas à la règle des relations humaines, a priori fondées sur la méfiance, qu’elles soient contractuelles ou d’une autre nature. La relation de soins semblait y échapper, on la croyait fondée sur la vocation médicale, sur un élan irrépressible de soigner. Ce n’est plus le statut qui garantit la valeur du soignant. La blouse blanche qui s’offrait au regard comme une garantie de respectabilité, de compétence et d’humanité suscite désormais la réserve. La blouse blanche est le signifiant du savoir médical et non moins d’un supposé savoir, et à ce titre déjà, elle attire la méfiance comme toute institution de pouvoir lorsqu’un malheur s’abat sur la population. Dans les situations de catastrophes ou de détresse, un bouc émissaire est toujours recherché et les regards se tournent le plus souvent vers les lieux de pouvoir. Le supposé savoir est toujours suspect ! » (BLET et CARAYON, 2003). 2.4.2.4 CONCILIATION ET PROCÉDURE AMIABLE Article 98, Chapitre II de la Loi n°2002-303 du 4 mars 2002 : « Risques sanitaires résultant du fonctionnement du système de santé » Section 1 : « Principes généraux » Art. L. 1142-1 du Code de Santé Publique : « - I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d’un défaut d’un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d’actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu’en cas de faute. Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d’infections nosocomiales, sauf s’ils rapportent la preuve d’une cause étrangère. II. - Lorsque la responsabilité d’un professionnel, d’un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d’un producteur de produits n’est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient au titre de la solidarité nationale, lorsqu’ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu’ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l’évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités Gwénola GRIMAULT De l’information à l’annonce 46/118 Décembre 06 fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d’incapacité permanente ou de la durée de l’incapacité temporaire de travail. Ouvre droit à réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale un taux d’incapacité permanente supérieur à un pourcentage d’un barème spécifique fixé par décret ; ce pourcentage, au plus égal à 25 %, est déterminé par ledit décret ». Section 2 : « Procédure de règlement amiable en cas d’accidents médicaux, d’affections iatrogènes ou d’infections nosocomiales » Art. L. 1142-5 du Code de Santé Publique : « - Dans chaque région, une commission régionale de conciliation et d’indemnisation est chargée de faciliter le règlement amiable des litiges relatifs aux accidents médicaux, aux affections iatrogènes et aux infections nosocomiales, ainsi que des autres litiges entre usagers et professionnels de santé, établissements de santé, services de santé ou organismes ou producteurs de produits de santé mentionnés aux articles L. 1142-1 et L. 1142-2 ». Art. L. 1142-6 du Code de Santé Publique : « - Les commissions régionales de conciliation et d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales sont présidées par un magistrat de l’ordre administratif ou un magistrat de l’ordre judiciaire, en activité ou honoraire. Elles comprennent notamment des représentants des personnes malades et des usagers du système de santé, des professionnels de santé et des responsables d’établissements et services de santé, ainsi que des membres représentant l’office institué à l’article L. 1142-22 et les entreprises d’assurance ». Avant la loi du 4 mars 2002, le risque médical posait le problème important de l’indemnisation des victimes d’accidents médicaux sans faute du médecin. Qui devait assumer ces accidents : la victime ou le médecin ? On observait de nombreuses inégalités entre les accidents médicaux non fautifs d’un côté et les autres régimes d’indemnisation (accidentés de la route, victimes d’actes de terrorisme…), les victimes d’accidents médicaux fautifs (alors même que le préjudice était le même pour la victime), les victimes elles-mêmes de l’aléa thérapeutique si le dommage avait lieu dans une institution privée ou publique, par un professionnel de santé du privé ou du public de l’autre. On notait une différence non négligeable concernant l’interprétation de la faute et les conditions d’indemnisation des cas d’aléa. Ainsi, l’accident médical non fautif n’était pas couvert par une assurance ni la solidarité nationale. Il faut alors revenir sur la terminologie. Le risque médical dont nous parlons ici est parfois appelé « aléa » ou « risque », tantôt « médical » ou « thérapeutique ». Le terme le plus juste semble être « accident médical non fautif », c’est à dire un préjudice survenant à l’occasion de soins médicaux ou traitements, non prévisible et ne résultant d’aucune faute de la part du médecin traitant. Au contraire, l’accident médical fautif implique un manquement grave du médecin à la conformité des soins nécessités par l’état du patient par rapport aux données actuelles de la science, un manquement de compétences, ou autres fautes dans la délivrance des soins au malade. Gwénola GRIMAULT De l’information à l’annonce 47/118 Décembre 06 Tout acte médical comporte inévitablement une part de risque pouvant aboutir à la non-guérison ou à des effets indésirables. Le risque est consubstantiel à l’acte médical. Les risques médicaux ont toujours existés mais, du fait des progrès thérapeutiques, on observe une progression de la dangerosité des risques. Cependant, ces risques restent exceptionnels en proportion du nombre d’actes médicaux croissants. Il serait donc injuste de mettre à la charge du médecin une obligation de résultat qui l’obligerait au succès de son intervention, ce alors même que ce succès ne dépend pas entièrement de sa compétence. C’est pourquoi le droit commun a mis à la charge du médecin une obligation de moyens. Il n’est tenu de faire que ce qui est en son pouvoir pour soigner au mieux le patient. Le principe en matière médicale est donc la responsabilité pour faute. Toutefois, dans la plupart des interventions médicales, un risque de dommages est possible, même sans faute du médecin (ex : anesthésie au cours d’une intervention bénigne sur une personne en bon état général). Le risque médical représente ici l’accident non fautif exceptionnel, survenu à l’occasion d’un acte médical et ayant causé au patient un préjudice particulièrement grave. Dans ce cas, faut-il indemniser les victimes d’un accident médical en l’absence de faute ? D’un côté il est moralement et socialement impossible de laisser la victime supporter seule le poids de la malchance. De l’autre, il est injuste de mettre en cause la responsabilité du médecin, alors qu’il n’a commis aucune faute. La loi du 4mars 2002 a alors créé un dispositif de règlement amiable et d’indemnisation en cas d’accident médical non fautif. Désormais, un accident médical préjudiciable à un patient est suivi d’une réparation au titre de la solidarité nationale, attribuée par un organisme de l’Etat : l’Office National d’Indemnisation des accidents médicaux. La loi fait aussi une place importante à la procédure amiable par des commissions de conciliation. Les juridictions ne peuvent ainsi plus retenir la responsabilité d’un médecin ou d’un établissement de soins en cas d’accident médical, afin d’indemniser le patient victime. La notion de préjudice sans faute a été acceptée et donne droit, dès lors que la faute a été dédouanée, à une indemnisation en fonction d’un certain nombre de critères très précis. Ce système d’indemnisation est mixte et repose essentiellement sur la solidarité nationale par la dotation des régimes d’assurance maladie et les compagnies d’assurances. En définissant la responsabilité de chacun, en restaurant le principe de responsabilité pour faute, en précisant le concept d’accident médical non fautif et en introduisant sa réparation par la solidarité nationale, la loi du 4 mars a, du même coup, circonscrit la méfiance et restauré la confiance. Elle ne laisse plus peser sur le seul médecin la responsabilité des préjudices (accident médical non fautif) et des décisions (personne de confiance). Mais surtout, en redéfinissant le rôle de chacun, elle restaure la relation inter-individuelle que le flou qui la précédait risquait d’altérer(DURRIEU-DIEBOLT, 2006)34. 34 http://sos-net.eu.org/medical/risque.htm Gwénola GRIMAULT De l’information à l’annonce 48/118 Décembre 06 Ainsi, la loi du 4 mars 2002 a permis d’affiner le Code de Santé Publique en répondant aux questions que l’on se posait : Par qui l’information doit-elle être délivrée ? Elle doit l’être par le médecin et les autres professionnels de santé dans le champ de leurs compétences. A qui doit-elle être remise ? L’information doit être remise au patient. Quelle information délivrer ? Elle doit être aussi complète que possible : le patient a droit à toute l’information le concernant, excepté ce qui a été rapporté par un tiers nonsoignant. Pourquoi informer ? Le patient doit être informé pour accorder son consentement aux traitements proposés. Enfin le Code de déontologie précise la manière de le faire : Art. 35 : « Le médecin doit à la personne qu'il examine, qu'il soigne ou qu'il conseille, une information loyale, claire et appropriée sur son état, les investigations et les soins qu'il lui propose. Tout au long de la maladie, il tient compte de la personnalité du patient dans ses explications et veille à leur compréhension. Toutefois, dans l'intérêt du malade et pour des raisons légitimes que le praticien apprécie en conscience, un malade peut être tenu dans l'ignorance d'un diagnostic ou d'un pronostic graves, sauf dans les cas où l'affection dont il est atteint expose les tiers à un risque de contamination ». « En première lecture, l’acte d’information semblerait suffisamment bien codifié pour ne pas prêter à discussion si toutefois l’article 35 n’ouvrait un espace de liberté et de responsabilité au médecin qui « tient compte de la personnalité du patient ». En d’autres termes, l’article 35 introduit ce que la littérature appelle l’annonce. La loi du 4 mars ne parle pas de l’annonce d’un diagnostic, il n’est question que d’information. Seuls les auteurs qui traitent de l’aspect psychologique en parlent, les juristes quant à eux parlent d’information. L’annonce serait à la psychologie ce que l’information est à la loi. Les réflexions sur le concept d’information (dans la seconde partie) en montreront les limites et la nécessité de recourir d’une part au concept d’annonce et, d’autre part, à l’accompagnement de celle-ci. » (BLET et CARAYON, 2003). Gwénola GRIMAULT De l’information à l’annonce 49/118 Décembre 06 2.5 CODE DE DÉONTOLOGIE Le Code de déontologie35 décrit l’art d’informer. Ainsi, il traite davantage de l’annonce que de l’information, dans le sens où il s’attache à décrire la manière d’informer beaucoup plus qu’au contenu de l’information. L’aspect relationnel est alors mis en avant, ce qui n’est pas le cas dans le Code de Santé Publique. C'est en 1825 que le mot "déontologie" apparaît pour la première fois en langue française, dans la traduction de l'ouvrage du philosophe utilitariste anglais Jeremy Bentham intitulée "l'Essai sur la nomenclature et la classification des principales branches d'Art et Science". Il écrit : "L'Ethique a reçu le nom plus expressif de Déontologie". Vingt ans plus tard, le Dr Max SIMON publiait le premier ouvrage de Déontologie médicale. Aujourd'hui la déontologie rassemble les éléments d'un discours sur les devoirs. La déontologie médicale concerne le médecin qui exerce une profession (au sens strict du terme, qui suppose une certaine autonomie de pratique et de régulation) à laquelle les lois françaises donnent depuis près de deux siècles un monopole dans le domaine de la santé. Elle sert de référence aux instances juridictionnelles de l'Ordre des médecins, mais d'abord de guide aux médecins dans leur pratique quotidienne, au service des patients. Le Code de déontologie médicale n'est pas seulement établi par la profession. Si celle-ci, représentée en l'occurrence par l'Ordre national des médecins, est chargée de l'élaborer, le texte qui en découle est soumis à l'administration, au Conseil d'Etat et finalement au gouvernement, chacun ayant la charge de vérifier sa conformité avec les lois et autres règlements régissant la société où exercent les médecins et la possibilité d'y apporter des modifications. Enfin, le Code est publié au Journal Officiel sous la signature du Premier ministre. Le Code de déontologie précise ainsi des dispositions réglementaires concernant un exercice professionnel. Elles sont subordonnées à d'autres textes plus importants, la Constitution et les lois ; elles doivent être compatibles avec d'autres décrets et commandent d'autres textes de moindre portée, en particulier les arrêtés. Le présent Code de déontologie est, en France, la quatrième version, après le premier Code de 1947, une deuxième version de 1955 et la troisième de 1979. Une mise à jour du Code de 1979 est apparue nécessaire en septembre 95 (06/09/95) pour adapter les règles professionnelles s'appliquant aux médecins dans un contexte social, juridique et scientifique qui a évolué. Reprenons à présent les articles 34, 35, 36, 41 et 42 qui concernent respectivement l’obligation de compréhension des prescriptions par le patient, la qualité de l’information à délivrer, et en particulier lors de pronostics graves voire fatals, le consentement du patient et ses limites et enfin le cas particulier des mineurs ou majeurs protégés. Développons l’analyse de chacun de ces articles (www.conseil-national.medecin.fr/?url=deonto/rubrique.php). 35 http://www.conseil-national.medecin.fr/?ml=deonto/rubrique.php Gwénola GRIMAULT De l’information à l’annonce 50/118 Décembre 06 Article 34 (conformément à l’article R.4127-34 du code de la santé publique) : « Le médecin doit formuler ses prescriptions avec toute la clarté indispensable, veiller à leur compréhension par le patient et son entourage et s'efforcer d'en obtenir la bonne exécution ». A la fin de la consultation ou de la visite, le médecin va, dans le cas le plus fréquent, formuler ses prescriptions (conseils, explorations, traitement) par une ordonnance qui engage sa responsabilité. Aussi sa délivrance doit-elle être accompagnée par des explications claires et précises, nécessaires au patient (et éventuellement à son entourage) pour une bonne observance du traitement. Le médecin doit aussi s’enquérir auprès du malade du traitement qu’il peut suivre par ailleurs, afin d’éviter toute incompatibilité médicamenteuse. Il doit attirer l’attention du patient sur les risques d’auto-prescription (par exemple : la prise d’aspirine par un sujet soumis à un traitement anticoagulant). Il doit également s’assurer auprès de son malade et de son entourage que ses prescriptions ont été bien comprises. Il s’agit du respect du devoir d’information du patient figurant déjà dans d’autres dispositions du Code de déontologie médicale mais qui a été renforcé par des arrêts rendus par la Cour de cassation les 17 février, 27 mai et 7 octobre 1998. Néanmoins, la liberté du patient reste entière et le médecin ne peut l’obliger à suivre le traitement qu’il a prescrit ou les examens complémentaires qu’il a conseillé. Si le patient refuse le traitement ou les explorations, le médecin doit s’attacher à lui montrer le bien-fondé de ce qu’il lui propose, dans le but de lui faire comprendre qu’il n’agit que dans son intérêt. Article 35 (conformément à l’article R.4127-35 du code de la santé publique) : « Le médecin doit à la personne qu'il examine, qu'il soigne ou qu'il conseille, une information loyale, claire et appropriée sur son état, les investigations et les soins qu'il lui propose. Tout au long de la maladie, il tient compte de la personnalité du patient dans ses explications et veille à leur compréhension. Toutefois, dans l'intérêt du malade et pour des raisons légitimes que le praticien apprécie en conscience, un malade peut être tenu dans l'ignorance d'un diagnostic ou d'un pronostic graves, sauf dans les cas où l'affection dont il est atteint expose les tiers à un risque de contamination. Un pronostic fatal ne doit être révélé qu'avec circonspection, mais les proches doivent en être prévenus, sauf exception ou si le malade a préalablement interdit cette révélation ou désigné les tiers auxquels elle doit être faite ». Analysons les différents termes de cet article fondamental. Gwénola GRIMAULT De l’information à l’annonce 51/118 Décembre 06 1- Devoir d'information Le devoir d'information du malade a toujours été reconnu et, à défaut du Code, la jurisprudence de la Cour de cassation l'avait formulé, admettant qu'il découlait, implicitement mais nécessairement, de l'obligation (posée désormais à l'article 36 suivant) d'obtenir du malade, préalablement à toute intervention ou traitement, son consentement. Celui-ci ne pouvait être donné que si le patient avait reçu sur son état et sur les soins envisagés une information : "simple, approximative, intelligible et loyale"36 lui permettant de prendre une décision en connaissance de cause. Ce n’est que dans le Code de 1995 que ce devoir est expressément énoncé. Cette addition répond à une tendance générale visant à corriger l'insuffisance habituelle de l'information, telle du moins qu'elle est ressentie et signalée par les patients. En France, comme dans d'autres pays occidentaux, le premier reproche adressé aux médecins se résume par la formule : "Il ne m'a rien dit". Cela doit s'entendre souvent comme : "il ne m'a pas dit ce que j'attendais de lui" ou : "je n'ai pas compris ce qu'il m'a dit". Ce défaut d'information, que l’on peut assimiler à un défaut de communication, est la principale cause, dans plus de la moitié des cas, des procédures engagées contre un médecin. Cette demande du corps social à plus d’autonomie et à une meilleure information a été prise en compte, comme nous l’avons vu précédemment, par la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002, après que la jurisprudence de la Cour de cassation, à partir de 1997, ait mis en exergue un certain nombre de problèmes relatifs à l’information et laissés dans l’ombre jusqu’alors. A partir de mars 2002, plusieurs décisions posent en principe qu’hormis les cas d’urgence, d’impossibilité ou de refus du patient d’être informé, un médecin est tenu de lui donner une information loyale, claire et appropriée sur les risques des investigations et des soins qu’il lui propose de façon à lui permettre d’y donner un consentement ou un refus éclairé. 2- Droit à l’information L’importance de l’article L.1111-2 du Code de la Santé Publique n’est plus à démontrer en ce qui concerne le droit du patient à l’information. Avant tout acte médical, de soins ou de prévention, le patient doit, sauf urgence ou impossibilité, être informé de son état de santé, du contenu de l’acte envisagé, de son opportunité, des alternatives thérapeutiques existantes, de leurs avantages et inconvénients, des conséquences du refus de l’acte. En outre, une information ultérieure sur des risques nouvellement identifiés est prévue ainsi que sur « un dommage imputable à une activité de prévention, de diagnostic ou de soins… au plus tard dans les quinze jours suivant la découverte du dommage »37. Enfin, postérieurement à l’acte médical ou au cours du traitement, le patient se voit ouvrir un droit d’accès aux informations le concernant et qui figurent dans le dossier médical. 3- Information loyale, claire et appropriée Ces qualificatifs, repris par des décisions récentes de la Cour de cassation expriment la forme sous laquelle l’information doit être donnée. 36 Cour de cassation- arrêt du 21 février 1961 Art. L.1142-4 du code de la santé publique Gwénola GRIMAULT De l’information à l’annonce 37 52/118 Décembre 06 Claire, l’information donnée au patient doit lui être intelligible. Elle doit être simplifiée par rapport à un exposé spécialisé, évitant un langage trop technique et des détails superflus. Le praticien a souvent un rôle pédagogique (docteur vient du verbe latin docere qui signifie enseigner, instruire) qui suppose simplification, répétition, échange. Il peut être difficile de faire comprendre une situation complexe, il peut falloir la simplifier sans travestir la réalité, il faut s’assurer que le patient saisit ce qu’on lui explique, lui laisser poser des questions complémentaires, lui proposer de répéter ce qu’il a compris pour vérifier que c’est le cas. Appropriée (aux circonstances), cette information doit l’être suivant plusieurs facteurs : ▪ selon la maladie et son pronostic : un médecin n’informe pas dans les mêmes conditions pour une angine banale ou pour un cancer bronchique généralisé, ▪ selon le traitement envisagé : l’article 41 du Code de déontologie médicale revient sur l’obligation du consentement en cas de mutilation envisagée, que ce soit une amputation anatomique (mastectomie) ou fonctionnelle (stérilité, impuissance). D’autres traitements moins importants peuvent entraîner des désagréments très mal ressentis par certains patients selon leur activité (endormissement au volant par exemple). Ainsi, quantité d’informations « mineures » sont quasi nécessaires pour la bonne marche du traitement, pour favoriser son observance, réduire sa toxicité, éviter des inquiétudes injustifiées (comme pour une coloration des urines par un médicament par exemple). Cependant, même si l’information s’impose pour les conséquences les plus sérieuses et les plus fréquentes, elle ne se limite pas à elles, rappelons-le, ▪ selon le moment de l’évolution d’une maladie un tant soit peu prolongée : il y a des moments critiques, préoccupants, d’autres de rémission, de détente. Ces changements supposent une adaptation du malade, du médecin et de leur relation, en évitant des positions de principe figées qui se trouveraient à certains moments inadaptées, en porte-à-faux, ▪ selon le patient, enfin et surtout : des troubles mentaux liés à la maladie ou à l’âge ne doivent pas a priori constituer une raison de se taire. Pour chaque personne au contraire il faut parler et expliquer, en exploitant toutes les possibilités de compréhension du patient, possibilités qui se révèlent dans leur étendue et leurs limites au cours de l’exercice. L’article 42 précise ce point pour le mineur ou le majeur protégé. Loyale est le mot-clé cité d'ailleurs en premier dans cet article 35. On ne ment pas à quelqu'un qui doit être respecté et, vis versa, on ne respecte pas quelqu’un à qui l’on ment. Cette loyauté ne signifie pas une franchise brutale, crue, sans cœur. Mais toute dissimulation ou tout mensonge est exclu, sauf en fonction des restrictions que nous allons voir et dont l'application devrait devenir plus rare. L'intention de tromper, est une faute en droit général : elle peut être la cause de nullité d'un contrat et source de responsabilité. Ainsi définie, cette information doit permettre au patient de prendre la décision que semble imposer sa situation. Cette formulation laisse croire qu'une décision s'impose, en fonction de la situation pathologique et des données de la médecine établies et présentées par le praticien, et que le patient n'a plus qu'à l'accepter, l'information étant seulement destinée à obtenir son acquiescement conscient. C'est effectivement ce qui se passe dans la majorité des cas : le malade n'est pas soumis à une volonté aveugle ou à une décision mystérieuse, mais se voit expliquer les raisons d'une décision qu'impose au médecin l'état de la maladie. Cependant cette séquence logique peut connaître des exceptions. Tout d'abord le malade peut refuser une décision pourtant logique et comme évidente. Les raisons de ce refus peuvent tenir à des options personnelles contestables ou à des troubles mentaux. Dans ce cas le médecin devra s'efforcer de persuader le patient de changer d'avis, tout en évitant d'exercer sur lui des pressions. D'autres influences, un peu de temps de réflexion sont favorables à Gwénola GRIMAULT De l’information à l’annonce 53/118 Décembre 06 une évolution qui amènera le patient à une attitude plus raisonnable. S’il persiste cependant dans son refus et sauf urgence, son choix devra être respecté et la décision qui semblait s’imposer ne sera pas prise ou suivie d’effet. Cependant, lorsque l’acte proposé est indispensable à la survie du patient et proportionné à son état38, le médecin se doit d’agir en conscience pour tenter de le sauver. C’est le cas en présence d’une conduite suicidaire. Une seconde situation est réalisée lorsqu'il existe une alternative thérapeutique. La science médicale laisse persister des zones de flou ou d'incertitude. Deux ou trois options semblent ou sont équivalentes pour le soigner convenablement du point de vue médical. Dans ce cas plusieurs solutions existent, toujours après information adéquate du patient : le patient fait valoir une préférence personnelle qui emporte la décision, il laisse le médecin décider et ce dernier choisit en fonction de critères associant sa connaissance du malade et celle de l'art médical, dans l'indécision du patient et du médecin, le malade peut être inclus dans un protocole de recherche destiné à comparer les divers termes de l'alternative. Dans tous les cas, si la maladie est relativement sérieuse et prolongée, l'information ne doit pas être unique, condensée au début de la prise en charge médicale et considérée comme définitive. Au contraire, elle s'impose tout au long de cette prise en charge, renforcée à certains moments cruciaux. Ces échanges prennent du temps, mais ils contribuent à une relation de bonne qualité, dans une confiance partagée. Une information de qualité est le préalable indispensable à un consentement éclairé. Loin d'être une vue de l'esprit, comme on en a parfois jugé, ce consentement est la pierre angulaire de la relation médecin-malade et de la pratique médicale. Il est la contrepartie logique du pouvoir exorbitant du droit commun qu'a le médecin de porter atteinte à l'intégrité d'un individu, par ses paroles, une exploration, un médicament, une intervention chirurgicale, …, pour le soigner. L’information du patient revêt une nécessité toute particulière en milieu hospitalier où le malade est en contact avec toute une équipe soignante. L'article L. 1112-1 du Code de la Santé Publique (ancien art. L. 710-2), en rappelle le principe : "dans le respect des règles déontologiques qui leur sont applicables, les praticiens des établissements assurent l'information des personnes soignées" et le décret du 29 avril 2002 en fixe les modalités. L’obligation d'information entraîne des conséquences importantes dans le domaine de la responsabilité médicale. La responsabilité du médecin est en effet engagée s'il n'a pas donné à son patient l'information nécessaire. Il peut alors être condamné à indemniser ce dernier non pas de l'ensemble du dommage corporel dont il est atteint, mais de la perte de la chance qu'il avait d'échapper au risque qu'il a encouru et dont il a été finalement victime. Comme dit précédemment, jusqu'en 1997 une telle condamnation intervenait rarement car c'était au patient de faire la preuve que l'information nécessaire n’avait pas été apportée (Cour de cassation, 29 mai 1991 ), preuve négative toujours difficile à apporter. Mais un revirement de jurisprudence est intervenu avec l'arrêt rendu par la Cour de cassation le 25 février 1997 (arrêt Hédreul) qui a renversé la charge de la preuve en matière d'information du patient. Comme nous l’avons vu, c'est maintenant au médecin et non plus au patient qu'il incombe, en cas de litige, d'apporter la preuve qu'il a bien informé ce dernier des risques du traitement ou de l'investigation qu'il lui propose, et cette obligation porte également sur l'existence d'un risque exceptionnel si c'est un risque grave39. Cette jurisprudence, qui a suscité bien des inquiétudes dans le corps médical, a été par la suite 38 Conseil d’Etat du 16 août 2002 Feuillatey, cité sous l’article 36. 39 Cour de Cassation, 7 octobre 1998 : arrêt Castagnet Gwénola GRIMAULT De l’information à l’annonce 54/118 Décembre 06 confirmée avant d’être reprise à l’article L. 1111-2 du Code de la Santé Publique. Les arrêts postérieurs de la Cour de cassation sont venus en préciser la portée. Tout d'abord, la preuve que le médecin, prescripteur ou traitant, doit apporter ne porte que sur l'existence de l'information donnée au patient et non pas sur la pertinence de son contenu. D'autre part, cette preuve ne réside pas nécessairement dans un écrit. Elle peut être faite par tous moyens et notamment, à défaut d'écrit, peut résulter d'un faisceau de présomptions40. L'établissement d'un écrit demeure toutefois une précaution recommandable (notamment sous forme d'une mention dans le dossier). Enfin l'absence de preuve d'une information suffisante du patient n'entraîne pas ipso facto la condamnation du médecin à indemnisation. Encore faut-il que la perte de la faculté, qu'aurait eue le patient s'il eût été informé, de refuser l'intervention lui ait causé un préjudice certain41. 4- Diagnostic ou pronostic graves À ce devoir d'information du patient il est une exception traditionnelle (formulée à l'article 42 de la précédente édition du Code et reprise dans cet article 35), à la suite de l'énoncé du principe : c'est celle qui autorise, pour des raisons légitimes et dans son intérêt, à tenir un malade dans l'ignorance d'un diagnostic ou d'un pronostic graves. Le médecin souhaite informer complètement son patient. Mais, dans certains cas, le médecin peut juger que la révélation d’un diagnostic aurait un effet dévastateur ou que celle d’un pronostic très grave serait dangereuse et malfaisante. Le médecin ne doit pas semer le désespoir. Non seulement les médecins, mais aussi les familles des malades, ont compris ce principe. Néanmoins, l’évolution des mentalités et un meilleur abord psychologique des malades ont beaucoup restreint aujourd’hui le champ du « silence charitable ». Le médecin ne se résout alors à cacher la vérité, de préférence temporairement, que pour des raisons tenant au malade, et non plus, par exemple, à cause de la demande d’un proche. Il doit alors peser ces raisons en toute conscience. Dans cette appréciation entrent en ligne de compte le degré de certitude du médecin, la personnalité du malade, le risque de détresse ou de désespoir. Ce principe est cependant soumis à une importante restriction, si le patient expose des tiers à un risque de contamination. Cette précision, inspirée du cas du sida, mais qui vaut pour d'autres affections transmissibles (comme certains cas de maladies génétiques graves) s'impose en raison de la responsabilité du patient comme des intérêts de santé publique. Quel que soit en effet le traumatisme qui peut résulter d'une telle révélation, on ne saurait la cacher au patient, en le laissant exposer ses proches ou ses relations à une regrettable contamination, qu'il pourrait être le premier à se reprocher. Dès lors il est indispensable, et dans les meilleurs délais, de l'informer de son caractère contaminant et de ses conséquences, notamment quant aux précautions à prendre vis-à-vis de son entourage. Cela pourra nécessiter plusieurs entretiens. Les progrès de la médecine font que certains diagnostics, jadis désespérants, ne sont plus aujourd'hui synonymes d'incurabilité. Il n'est plus question de taire, par exemple, un diagnostic de tuberculose. Quant au cancer, pour prendre un autre exemple, certains diagnostics peuvent et doivent être dits au malade, parce que la conséquence n'est plus l'incurabilité constante et que le malade a besoin de cette information pour s'adapter à la réalité et se soumettre sans retard au traitement utile lorsqu’il en existe un. 40 Cour de Cassation, 14 octobre 1997 ; arrêt Guyomar Cour de cassation, 7 octobre 1998 : arrêt Rozec Gwénola GRIMAULT De l’information à l’annonce 41 55/118 Décembre 06 5- Pronostic fatal Lorsque le pronostic est fatal et que la vie est menacée à brève échéance, le patient peut aussi avoir besoin de le savoir, parce qu'il est le premier concerné ou qu'il a des dispositions à prendre en vue de sa probable disparition. D'une façon générale l'authenticité de la communication est un élément important de la confiance. Mais il y a la façon de dire, qui compte beaucoup, ou de laisser deviner. Le cœur comme la raison et l'expérience dictent comment il faut s'y prendre, pour rendre service sans désespérer, pour rester proche de la vérité sans abandonner tout espoir. Lorsque le médecin juge qu'il doit taire à son malade une vérité alarmante, cet article lui recommande de confier ses inquiétudes à un membre de la famille42, par prudence et par loyauté, en raison de dispositions à prendre par l'entourage et pour amorcer un nécessaire processus de deuil. Avec un interlocuteur choisi en fonction des circonstances, il arrêtera sa ligne de conduite pour donner l'information à d'autres personnes. Ces transmissions doivent concerner la mort prochaine, pas nécessairement sa cause exacte qui reste couverte par le secret médical. Par ailleurs le mourant garde un certain pouvoir de décision, qui a pu être exprimé antérieurement, pour autoriser, de façon tacite ou de préférence explicite, certaines communications en désignant éventuellement un interlocuteur privilégié (personne de confiance), ou au contraire pour les interdire. Le rôle du médecin peut être simplifié par des "directives anticipées" évitant l'embarras qui peut résulter d'une situation imprévue et conduisant à l'improvisation, avec ses aléas. 6- Accès aux informations de santé La loi du 4 mars 2002 a prévu qu’au cours des soins ou postérieurement, le patient puisse avoir accès, directement ou par l’intermédiaire d’un médecin qu’il désigne, aux informations de santé le concernant, établies ou détenues par un professionnel ou établissement de santé. Cette communication concerne les informations « qui sont formalisées et ont contribué à l'élaboration et au suivi du diagnostic et du traitement ou d'une action de prévention, ou ont fait l'objet d'échanges écrits entre professionnels de santé, notamment des résultats d'examen, comptes rendus de consultation, d'intervention, d'exploration ou d'hospitalisation, des protocoles et prescriptions thérapeutiques mis en oeuvre, feuilles de surveillance, correspondances entre professionnels de santé, à l'exception des informations mentionnant qu'elles ont été recueillies auprès de tiers n'intervenant pas dans la prise en charge thérapeutique ou concernant un tel tiers »43. A la différence de l’art. L. 1111-2, l’art. L. 1111-7 ne fait pas référence au « respect des règles professionnelles » qui doit entourer l’information. Cette différence est moins paradoxale qu’il n’y paraît. En effet, tout au long de la prise en charge, le médecin amènera progressivement le patient à entendre une information traumatisante qui, dans la majorité des cas, devrait être connue lorsqu’il demandera l’accès à son dossier. Sous réserve que le patient n’y ait pas fait opposition de son vivant, ses ayants droit peuvent avoir accès à certaines informations « dans la mesure où elles leur sont nécessaires ». C’est souligner que le secret dû au patient n’est pas aboli par son décès. Cependant, les médecins doivent être attentifs à ne transmettre que les informations pertinentes, nécessaires et non excessives, permettant aux ayants droit de faire valoir leurs intérêts légitimes (connaître la cause du décès, défendre la mémoire du défunt, faire valoir leurs droits). 42 Article L. 1110-4, 6ème alinéa Art. L. 1111-7 du Code de la Santé Publique Gwénola GRIMAULT De l’information à l’annonce 43 56/118 Décembre 06 Article 36 (conformément à l’article R.4127-36 du code de la santé publique) : « Le consentement de la personne examinée ou soignée doit être recherché dans tous les cas. Lorsque le malade, en état d'exprimer sa volonté, refuse les investigations ou le traitement proposés, le médecin doit respecter ce refus après avoir informé le malade de ses conséquences. Si le malade est hors d'état d'exprimer sa volonté, le médecin ne peut intervenir sans que ses proches aient été prévenus et informés, sauf urgence ou impossibilité. Les obligations du médecin à l'égard du patient lorsque celui-ci est un mineur ou un majeur protégé sont définies à l' article 42 ». Le malade a le droit d'accepter ou de refuser ce que le médecin lui propose et non lui impose. Cette liberté du malade est une exigence éthique fondamentale, corollaire du devoir d'information énoncé à l'article précédent. L'information du malade est en effet la condition préalable de son consentement, conséquence qu'il tire de cette information (Art. 35). L’article 36 s’appuie sur la loi du 4 mars 2002 qui précise à cet égard qu’« aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne et ce consentement peut être retiré à tout moment ». Les actes médicaux justifiant ce consentement doivent être entendus, au sens large : en commençant par l’examen clinique habituel dont certains gestes peuvent être désagréables, les investigations complémentaires éventuelles non-invasives ou non-sensibles (par exemple sérologie virale), différents traitements, la surveillance du traitement et de ses suites. Il porte également sur l’éventuelle participation du patient à la formation d’étudiants, à la formation continue des médecins44, à des publications qui permettraient une identification. Le fait d'intervenir sur un patient contre son consentement est pour un médecin une faute qui engage sa responsabilité civile et l'expose à une sanction disciplinaire. Si le malade est inconscient ou dans l'impossibilité de donner un consentement éclairé, il est nécessaire de consulter les proches ou la personne de confiance45 qu’il a pu désigner, susceptibles de transmettre une position antérieurement exprimée par la patient. Rester inactif irait à l'encontre des prescriptions de l'article 9 du Code qui fait obligation à tout médecin en présence d'un blessé ou d'un malade en péril de lui porter assistance ou de s'assurer qu'il reçoit les soins nécessaires. Un tel comportement serait en outre de nature à entraîner des poursuites pour non-assistance à personne en danger. En cas d'urgence ou d'impossibilité persistante de joindre ces proches, le médecin devra intervenir comme il le juge souhaitable. 1- Caractères du consentement Le consentement doit être "libre et éclairé". Le patient doit formuler son consentement après avoir reçu de la part du médecin, une information claire, compréhensible, adaptée à ses capacités de comprendre la nature des actes et prescriptions proposés, leur intérêt pour sa santé et les conséquences néfastes en cas de refus. Le médecin l'aide à réfléchir, lui apporte les explications qu'il souhaite, peut rectifier des erreurs d'appréciation, rappeler des données mal mémorisées. Le consentement ne représente pas tant une fin en soi que la marque d'une relation de bonne qualité avec le patient. 44 Art. L.1110-4, 6ème alinéa du Code de la Santé Publique Art. L.1111-4, 4ème alinéa du Code de la Santé Publique Gwénola GRIMAULT De l’information à l’annonce 45 57/118 Décembre 06 Le médecin doit se garder d’une attitude trop distante. Le patient qui le consulte lui accorde sa confiance. Le médecin doit l’aider à donner son consentement sans mettre le patient dans une situation organisée d’abandon, face à une décision qui peut le dépasser. Souvent en fait, le consentement que donne le patient à son médecin est plus affectif qu'éclairé. Ce n'est pas un "abandon inconditionnel", ni un "blanc-seing" mais une confiance utile au patient et dont le médecin ne peut guère se passer. On conseille parfois au médecin de recueillir auprès de ses malades un consentement écrit dès qu'il s'agit d'une décision d'importance. Pour les patients mineurs, ce consentement écrit ("permis d'opérer") est souvent demandé d'avance et systématiquement. Cette méthode n'est pas satisfaisante, faute d’information sur l’intervention qui se révèlerait ultérieurement nécessaire. Elle risque de dénaturer la confiance et de perturber d'emblée la relation normale entre les malades et le médecin. Le médecin, qui seul possède bien les données de la décision, ne peut être ainsi déchargé de sa responsabilité par un "chèque en blanc" donné par le malade ou son entourage. Le consentement écrit n'a d'ailleurs pas une valeur juridique absolue sauf lorsqu'il est exigé par la loi (cas notamment des recherches biomédicales : loi du 20 décembre 1988 modifiée). Il peut être indiqué parfois, en cas de refus du malade, de lui faire consigner ce refus par écrit, ne serait-ce que pour lui signifier d'une autre manière la gravité de sa décision. Un tel document ne décharge pas le médecin de ses responsabilités mais peut témoigner que le malade a bien été informé. 2- Patients ayant de la difficulté à exprimer leur volonté Le langage médical, même simplifié, nécessite de la part du patient une capacité de perception sensorielle, une capacité de compréhension de la langue française. Il sera nécessaire de s’assurer de la bonne compréhension auprès de patients ne maîtrisant pas le français, par l’intermédiaire de la famille proche ou de la personne de confiance. La même attitude sera adoptée concernant les patients présentant un déficit des fonctions sensorielles, auditives ou visuelles, un déficit des fonctions cognitives par évolution dégénérative, par lésion encéphalique ou par la présence d’une pathologie psychiatrique. 3- Patient hors d'état d'exprimer sa volonté a) Si le patient est comateux ou obnubilé, le médecin a souvent l'obligation d'agir immédiatement. Dès qu'il en aura la possibilité il donnera des explications à la famille. Dans le cas où le patient est hors d’état de donner son consentement et où tout retard serait préjudiciable au patient, le médecin ou le chirurgien peut être conduit à intervenir sans pouvoir recueillir le consentement du patient ni avertir la famille. Il devra en informer dès que possible le patient et justifier sa décision. Gwénola GRIMAULT De l’information à l’annonce 58/118 Décembre 06 b) Le consentement du malade mental aux soins qu'on lui propose doit être recherché et on insistera, si besoin, pour l'obtenir. Cependant, lorsqu'il s'y refuse, le médecin et l'entourage familial doivent dans certains cas passer outre. En cas d'aliénation mentale caractérisée ou d'état dangereux pour la sécurité des personnes, l'hospitalisation s'impose avec ou sans internement administratif. La loi du 27 juin 199046 sur l'hospitalisation des malades mentaux permet dans certaines conditions de passer outre au refus de consentement du patient, tant pour réaliser l'admission en milieu hospitalier public que pour appliquer le traitement. Lorsqu'il s'agit de troubles névrotiques ou de déséquilibre affectif même spectaculaires, mais n'altérant pas la personnalité et laissant au sujet la possibilité d'un jugement raisonnable, aucun soin ne peut lui être donné sans son assentiment. c) Mis en présence d'une tentative de suicide, le médecin doit tout faire pour sauver la vie de la personne. L'expérience apprend qu'en attentant à ses jours le sujet commet un acte pathologique. Dans l'immense majorité des cas le suicidaire ne se plaindra pas d'avoir été soigné. d) Le fait que le patient détenu soit privé de sa liberté n'entraîne en aucune manière une exception. Comme tout être humain, un prisonnier a le droit d'accepter ou de refuser les soins. 4- Mineurs Le praticien qui donne ses soins à un enfant doit recueillir le consentement de ses représentants légaux (parents ou tuteurs), après les avoir informés sur la maladie, les actes et traitements proposés, leurs avantages et risques, les alternatives thérapeutiques, les conséquences d’une abstention ou d’un refus. Les parents divorcés ou séparés exercent en commun l'autorité parentale et ils doivent tous deux être prévenus et consultés pour une décision grave concernant l'enfant. Néanmoins, l'article 3722 du Code Civil précise qu'"à l'égard des tiers de bonne foi, chacun des parents est réputé agir avec l'accord de l'autre, quand il fait seul un acte usuel de l'autorité parentale relativement à la personne de l'enfant". Lorsque les parents sont absents et ne peuvent être prévenus et si la situation est grave et urgente, le médecin prend les mesures nécessaires et donne les soins sous sa seule responsabilité (Art. 42 ). Mais le mineur a le droit de recevoir une information selon son degré de maturité et son consentement doit être systématiquement recherché s’il est apte à exprimer sa volonté et à participer à la décision. Cela concerne en particulier les adolescents. La loi du 4 mars 200347 apporte une dérogation à l’article 371-2 du Code Civil et autorise le médecin à se dispenser du consentement du ou des titulaires de l’autorité parentale lorsque la personne mineure a expressément demandé au médecin de garder le secret sur son état de santé vis-à-vis de ses parents et que le traitement ou l’intervention s’impose pour sauvegarder sa santé. 46 Loi n° 90-527 du 27 juin 1990 (J.O. 30 juin 1990) ; Art. L. 3211-1 à L. 3211-10 du Code de la Santé Publique (anciens Art. L. 326-1 à L. 355) 47 Art. L.1111-5 du code de la santé publique Gwénola GRIMAULT De l’information à l’annonce 59/118 Décembre 06 Le médecin devra s’efforcer d’obtenir le consentement du mineur à la consultation des titulaires de l’autorité parentale. En cas de refus, le mineur sera obligatoirement accompagné d’une personne majeure de son choix. Le médecin gardera à l’esprit la nécessité d’informer complètement le mineur sur la gravité de la décision prise d’écarter les titulaires de l’autorité parentale et s’assurera de l’identité et de la qualité de la personne majeure choisie pour accompagner le mineur. 5- Refus de consentement Si le malade, en état d'exprimer sa volonté, refuse ce qui lui est proposé, le médecin ne doit pas se satisfaire d'un seul refus. Il doit s’efforcer de convaincre le patient en lui apportant à nouveau toutes les précisions nécessaires et en s’assurant qu’elles sont correctement comprises. Il peut également solliciter l’avis d’un consultant. En cas de refus réitéré du patient, le médecin pourra refuser de continuer la prise en charge, à condition de faire assurer la continuité des soins par un autre médecin. Le médecin pourra passer outre le refus du consentement lorsque le patient présente un risque vital : phase ultime d’une grève de la faim, conduite suicidaire, …. Face à des croyances sectaires, le médecin devra respecter la volonté des patients, après les avoir informés des conséquences de leur refus. En cas de risque vital, le médecin se doit d’agir en conscience48. Face à un mineur en danger, il doit avertir le Procureur de la République et donner les soins nécessaires. 6- Consentement du malade dans les hôpitaux Comme l'hospitalisation est généralement décidée en raison d'une situation médicale complexe, dans laquelle aucun diagnostic n’a encore pu être posé, ou bien qui ne répond pas au traitement débuté en ville, les médecins hospitaliers doivent veiller tout spécialement à fournir aux malades les explications nécessaires, afin d'être assurés de leur adhésion aux soins prévus. Parfois le consentement du malade est un peu trop vite considéré comme acquis, au point que son opposition, si elle se manifeste, scandalise plus ou moins et prend l'allure d'une incongruité. Certes, avant de lui faire subir une intervention chirurgicale, on le préviendra, ainsi que sa famille, mais on l'aura quelquefois soumis au préalable à nombre d'examens dont certains comportent des risques, et à des traitements sur lesquels peu d'explications lui sont données. S'il exprime des réticences vis-à-vis du traitement, ou du transfert décidé vers un autre service, le médecin n'a pas toujours le temps, la patience de lui expliquer et de le convaincre, ce qui est regrettable et doit être évité. Ces explications sont d'autant plus recommandables que le malade se trouve assez souvent pris par une obligation de fait de donner son consentement, dans un établissement hospitalier ou certains organismes de soins, parce qu'il ne voit pas pour lui d'alternative. L'alternative doit toujours exister et être signalée au patient. Quand le malade est réticent, il ne faut pas hésiter à lui faciliter l'accès à un consultant pour un "deuxième avis" et faire appel à son médecin traitant, avec lequel il décidera. 48 Conseil d’Etat, ordonnance du 16 août 2002 – Feuillatey, à propos d’un Témoin de Jéhovah transfusé sans son consentement. Gwénola GRIMAULT 60/118 De l’information à l’annonce Décembre 06 Article 41 (conformément à l’article R.4127-41 du code de la santé publique) : « Aucune intervention mutilante ne peut être pratiquée sans motif médical très sérieux et, sauf urgence ou impossibilité, sans information de l'intéressé et sans son consentement ». L'amputation d'un membre, l'ablation d'un organe, sont lourdes de conséquences puisque irréversibles. Il va de soi que le chirurgien ne s'y décide qu'en cas de nécessité, parce que les lésions l'imposent, parce qu'agir autrement serait périlleux. Les interventions mutilantes ne sont pas seulement chirurgicales. D'autres thérapeutiques peuvent entraîner la privation d'une fonction majeure, par exemple une stérilisation à la suite d'un traitement médical ou d'une radiothérapie. Dans tous les cas, le consentement du malade, sauf si son état ne lui permet pas de le donner, est indispensable, encore plus qu'en d'autres circonstances (Art. 36). 1- Interventions mutilantes a) L'article 41 insiste sur la gravité de ces interventions. Ce sont les données relevant de l'examen clinique et des examens complémentaires qui dictent la décision. S'il existe pour le patient une méthode thérapeutique qui permette, sans compromettre les chances de guérison, d'éviter une mutilation, elle doit être préférée. Mais ces efforts pour éviter une mutilation au patient ne doivent pas déborder les limites de la prudence. La nature des lésions, leur étendue, leur potentiel évolutif, l'état général du malade, sont les éléments déterminants de la conduite du chirurgien. b) Une information claire et complète du malade sur l’intervention proposée, ses conséquences et celles d’une abstention, ainsi que le recueil précis de son consentement sont plus indispensables que jamais lorsqu'on envisage la nécessité, ou même seulement l'éventualité d'une mutilation. c) La rédaction de l'article 41 du Code ajoute, car aucune règle déontologique n'est absolue, "sauf urgence ou impossibilité". Dans de tels cas, le chirurgien décidera parfois seul ce qui doit être fait. L'urgence ne dispense pas le médecin, si le malade ou blessé n'est pas inconscient, d'avoir avec celui-ci un entretien qui le renseigne ou le prépare, en respectant la réserve et les ménagements nécessaires à cette annonce. Lorsque le patient est obnubilé ou comateux, on ne peut plus parler de son consentement. La famille ou la personne de confiance qu’il aurait désigné doit être avertie de la situation et le chirurgien expose les raisons de l'intervention qu'il propose ou la possibilité prévisible d'être amené à sacrifier un organe. Mais la conscience du praticien peut être mise à rude épreuve si la famille, effrayée par la gravité de l'acte envisagé et peut-être de sa propre responsabilité, oppose un refus catégorique. Ni les juristes ni les moralistes ne peuvent, devant une telle situation, apporter une réponse : "la décision n'appartient qu'à un seul" (Montesquieu). Le médecin décidera alors en conscience, sous sa propre responsabilité. d) Ce peut être au cours de l'intervention que la nécessité d'une action mutilante apparaît. Si, autrefois, les décisions pré-opératoires étaient relativement fréquentes (erreur de diagnostic entre une tumeur maligne et une tumeur bénigne, erreur sur l'organe atteint : ovaire ou utérus...), Gwénola GRIMAULT De l’information à l’annonce 61/118 Décembre 06 actuellement, grâce aux progrès des techniques de diagnostic, de l'imagerie, de la biologie, de la cytopathologie, les rectifications de diagnostic au cours d'une intervention sont devenues rares. Les chirurgiens demandent aux investigations pré-opératoires une connaissance précise des lésions et se mettent ainsi à l'abri de surprises. Celles-ci restent cependant possibles. Il est rare alors que le chirurgien puisse interrompre l'intervention, pour avertir le malade réveillé avant de ré intervenir. En général, il doit assumer seul la décision, en faisant prévenir, si possible, la famille ou le médecin traitant (Art. 36). Dans tous les cas, il devra en informer le patient dès que possible et lui expliquer sa décision. e) La chirurgie du cerveau fournit une situation exemplaire parce que le neurochirurgien, au moment d'intervenir, ne sait pas toujours parfaitement ce qu'il devra faire. Souvent, il opère dans des conditions d'urgence et de gravité. La chirurgie d'exérèse des tumeurs cérébrales peut amener à des résections dont l'étendue n'était pas prévisible. La neurochirurgie fonctionnelle, la "psychochirurgie" (lobotomie, topectomie, coagulations) ont des indications qui doivent être pesées avec une grande circonspection. Des auteurs ont parlé de "mutilations inadmissibles" parce qu'il s'agit d'atteintes portées à la personnalité du malade, dans des conditions où un consentement valable ne peut être recueilli. Cette chirurgie n'est légitime que dans des cas très étudiés, en fonction de la gravité des symptômes et de l'impossibilité d'obtenir un résultat par d'autres méthodes. 2- Stérilisation chirurgicale La suppression irréversible de la fonction de reproduction fait bien partie des interventions mutilantes. Ces interventions (ligature des trompes ou vasectomie) peuvent avoir trois sortes de motifs : thérapeutique, contraceptif, eugénique. a) Stérilisation dans un but thérapeutique C'est la stérilisation rendue nécessaire par des lésions sérieuses de l'appareil génital. L'information et le consentement du malade sont indispensables ; il se peut toutefois que la mutilation (hystérectomie, salpingectomie double, castration) non prévue préalablement, soit décidée en cours d'intervention, mais cela est rare comme on l'a vu. b) Stérilisation contraceptive Ligature des trompes et vasectomie sont le plus souvent pratiquées comme procédé définitif de contraception. ▪ Cette intervention est décidée pour des raisons médicales : si l'on a des raisons de prévoir des risques obstétricaux (il a été longtemps classique de lier les trompes après trois césariennes), ou si la femme est atteinte d'une affection contre-indiquant définitivement la grossesse (cardiopathie, néphropathie, toxémie gravidique récidivante, otospongiose, sclérose en plaques, certaines affections mentales...). Elle peut également être pratiquée sur une personne majeure dont l’altération des facultés mentales constitue un handicap, sur une personne placée sous tutelle ou curatelle, lorsqu’il existe une contre-indication médicale absolue aux méthodes de contraception ou une impossibilité avérée de les mettre en œuvre efficacement. L’intervention est autorisée par le juge des tutelles après avis d’un comité d’expert49. La personne concernée doit recevoir une information adaptée à son degré de compréhension et son consentement doit être systématiquement recherché. Il ne peut être passé outre à son refus. 49 Article L. 2123-2 du Code de la Santé Publique Gwénola GRIMAULT De l’information à l’annonce 62/118 Décembre 06 ▪ Ou bien la stérilisation est envisagée, comme procédé de contraception simple et sûr, à la demande des intéressés. Longtemps en France, la stérilisation chirurgicale, sans motif médical a été interdite. Cependant les techniques opératoires se sont perfectionnées, permettant certains succès des tentatives ultérieures de reperméabilisation. Cette possibilité a entraîné un assouplissement des positions déontologiques, aujourd’hui consacrées par la loi. La stérilisation à visée contraceptive est désormais admise50 à la demande d’une personne majeure qui a exprimé « une volonté libre, motivée et délibérée, après une information claire et complète sur les risques médicaux qu’elle encourt et les conséquences de l’intervention ». Un délai de réflexion de quatre mois doit permettre à la personne de mûrir sa décision avant de confirmer sa demande par écrit. c) Stérilisation eugénique Parfois appelé « eugénisme négatif », il s’agit de pratiques sous-tendues par une idéologie politique, sanitaire ou directement raciale, mises en œuvre pour empêcher la reproduction des « porteurs de tares » et autres « anormaux psychiques », délinquants, pervers sexuels … notamment en les stérilisant. Ces pratiques sont unanimement réprouvées. Elles se distinguent de la stérilisation assez souvent admise, sur demande d’un couple, inspirée par un conseil génétique. 3- Transsexualisme Les interventions chirurgicales que réclament les rares sujets atteints de ce que l'on appelle "transsexualisme" sont des mutilations qui ont longtemps été considérées comme illégitimes et interdites. Les spécialistes, qui ont étudié le transsexualisme, ont cependant reconnu qu'il s'agissait d'une anomalie psychique très particulière (et non d'une déviation endocrinienne). Ils ont admis la notion d'un "sexe psychologique" pouvant être différent du sexe morphologique, du sexe gonadique, du sexe génotypique. Certains considèrent que la transformation anatomique que les transsexuels demandent avec persévérance ne doit pas leur être refusée, et pourrait améliorer leur condition et leur comportement social (avec l'appoint d'un traitement hormonal permanent). Ces questions sont encore controversées, d'autres psychiatres restant sceptiques sur la valeur des résultats. Le magistrat ne se prononce qu'après une expertise menée par des médecins particulièrement compétents. Il accorde assez volontiers un changement de prénom. Les tribunaux n'ont accordé le changement d'état civil que dans des cas où le transsexualisme, après un recul suffisant, avait été dûment authentifié. Avant d'accéder aux demandes des transsexuels, il est donc recommandé de prendre de grandes précautions. 50 Article L. 2123-1 du Code de la santé publique Gwénola GRIMAULT De l’information à l’annonce 63/118 Décembre 06 Article 42 (conformément à l’article R.4127-42 du code de la santé publique) : « Un médecin appelé à donner des soins à un mineur ou à un majeur protégé doit s'efforcer de prévenir ses parents ou son représentant légal et d'obtenir leur consentement. En cas d'urgence, même si ceux-ci ne peuvent être joints, le médecin doit donner les soins nécessaires. Si l'avis de l'intéressé peut être recueilli, le médecin doit en tenir compte dans toute la mesure du possible ». Comme nous l’avons déjà précisé, le médecin qui soigne un enfant doit une information loyale et précise aux parents et titulaires de l’autorité parentale. Leur consentement lui est nécessaire pour agir (Art. 36 ). Les parents divorcés ou séparés exercent en commun l'autorité parentale et ils doivent tous deux être prévenus et consultés pour une décision grave concernant l'enfant. L'article 372-2 du code civil précise néanmoins qu' "à l'égard des tiers de bonne foi, chacun des parents est réputé agir avec l'accord de l'autre, quand il fait seul un acte usuel de l'autorité parentale relativement à la personne de l'enfant". Si les parents ne peuvent être prévenus en temps utile et que des soins sont urgents, le médecin peut et doit assumer lui-même la responsabilité de la décision : il donne les soins nécessaires et urgents. Par ailleurs, le médecin doit informer l'enfant et, dans la mesure du possible, recueillir son consentement51. Cette information est d'autant plus importante chez les adolescents qu'ils sont capables de participer au colloque malade-médecin. C'est en particulier le cas des mineurs proches de la majorité. À cette question se rattache celle du consentement écrit exigé par avance des parents dans beaucoup d'établissements hospitaliers pour le cas où une intervention chirurgicale serait nécessaire et urgente, alors qu'on ne pourrait les joindre. Ce "chèque en blanc" est une pratique contestable, parce que les parents ne peuvent guère refuser de signer cette "autorisation d'opérer". Il n'atténue en rien la responsabilité morale du médecin ou du chirurgien et ne dispense pas de tout entreprendre pour avertir les parents au moment où une intervention est décidée. Aucune opération qui ne serait pas urgente ne peut être pratiquée avant qu'on les ait joints. La loi du 4 mars 200252 a introduit une nuance essentielle par rapport à cet article, en ouvrant une dérogation à l’autorité parentale. Le médecin peut se dispenser d’obtenir le consentement des représentants légaux du mineur venu le consulter si ce dernier a exprimé son opposition à l’information de ses parents pour pouvoir garder le secret sur son état de santé. Le médecin doit s’efforcer de convaincre l’adolescent de la nécessité d’informer les titulaires de l’autorité parentale ; en cas de refus, il doit s’assurer que le mineur sera accompagné d’une personne majeure avant de mettre en œuvre le traitement. 51 Article L.1111-4, 5ème alinéa du code de la santé publique Article L.1111-5 du code de la santé publique Gwénola GRIMAULT De l’information à l’annonce 52 64/118 Décembre 06 En toute logique, ce droit du mineur au secret s’applique aussi au dossier constitué à l’occasion des soins dispensés sans l’accord des représentants légaux. Le mineur peut s’opposer à ce que ceux-ci y aient accès. Cette disposition nouvelle s’inscrit dans la reconnaissance de l’autonomie juridique et des droits spécifiques de l’enfant, énoncés en 1990 par la Convention des Droits de l’Enfant. L’article 12 rappelle que l’enfant est capable de discernement, qu’il a le droit d’exprimer librement son opinion sur toutes questions l’intéressant et que son avis doit être pris en considération en fonction de son âge et de sa maturité. Elle avait été précédée d’une modification de la loi sur l’interruption volontaire de grossesse53 pour permettre à une jeune femme mineure de demander une IVG sans l’autorisation de ses représentants légaux. 53 Article L. 2212-7 du Code de la Santé Publique Gwénola GRIMAULT De l’information à l’annonce 65/118 Décembre 06 3 DE L’INFORMATION À L’ANNONCE 3.1 POURQUOI EST-CE SI DIFFICILE D’ANNONCER UNE MAUVAISE NOUVELLE ? La relation médecin-malade a été marquée par une évolution importante en s’éloignant du modèle paternaliste. En effet, on a pu observer un phénomène social de généralisation de l’information médicale associé à de nombreuses démarches d’associations de malades et de consommateurs. Ces dernières réclament un maximum d’informations médicales. Cependant, leurs inquiétudes concernent surtout les objets ou les actes de la vie courante, comme si elles réclamaient en quelque sorte un manuel d’utilisation de telle ou telle maladie, assimilant la dite maladie à un appareil électroménager…Le droit de savoir est devenu un leitmotiv. Ce besoin et cette recherche d’informations de la part des patients répondent à une nécessité : comprendre l’événement pour se l’approprier et atténuer l’anxiété générée par cet événement. Ceci a malheureusement pris des formes d’obligation avec des conséquences juridiques non négligeables en cas de non délivrance de cette information. Même si l’on peut regretter la forme que peuvent revêtir ces documents plus défensifs qu’informatifs, qui pourrait nier l’intérêt d’informer clairement un patient de la balance entre risques et bénéfices d’un examen complémentaire dit invasif, d’un protocole thérapeutique, d’une intervention chirurgicale ? Pour prendre un exemple, qui peut refuser de discuter avec son patient hyperthyroïdien le choix des modalités de traitement : antithyroïdiens de synthèse ou traitement radical, radio-iode ou chirurgie ? Néanmoins, ce n’est pas seulement l’annonce de cette nouvelle-là qui pose problème, mais aussi, et surtout, l’annonce de celle qui engage sévèrement le pronostic fonctionnel ou vital. Tout est relativement simple quand il y a une ou des solutions à proposer. Dans ce cas, une information « claire, loyale et appropriée », comme il est préconisé dans le Code de déontologie, est nécessaire car elle va venir éclairer le choix. C’est évidemment quand il y a peu ou pas de recours thérapeutique que culmine la difficulté : cancer polymétastatique, maladie de Charcot, maladie d’Alzheimer… C’est la vérité du pronostic, quand il est catastrophique, qui pose problème, davantage encore que celle du diagnostic, dont les révélations peuvent en être, au moins provisoirement, dissociées. C’est dans ces cas précisément, qu’il faut quelques précautions pour annoncer à un malade que son existence est menacée et qu’il ne faut surtout pas le faire entre deux portes ni par téléphone… Il s’agit d’une période difficile aussi bien pour le patient et sa famille que pour le professionnel de santé. En effet, l’annonce d’une mauvaise nouvelle va déclencher des mécanismes de défense chez le patient, mécanismes qui peuvent compliquer et entraver le processus d’annonce. Cependant, n’oublions pas que le soignant développe, de la même manière, des mécanismes de défense qui, même s’ils sont communs en grande partie avec ceux des patients, lui sont propres et doivent être pris en considération. La maladie entre dans la vie du patient telle une véritable tornade. Le patient se sent dissocié, désuni, disloqué dans son être, sa chair, mais aussi en ce qui concerne le domaine familial, professionnel, social…. Il évolue dans un univers nouveau où plus aucune stabilité ni aucun repère n’existent. C’est un véritable traumatisme. « A l’annonce du mot cancer se brisent les ailes du désir, et l’esprit se noie dans un abîme sans fond, tandis que le corps est précipité dans l’horreur de la chute : tomber cancéreux, c’est « tomber-mourir » dans un univers déchaîné, désaffecté…54 ». Aussi respectueuse soit-elle de la subjectivité du patient, l’annonce constitue un traumatisme. La perte de maîtrise, associée à la gravité du diagnostic et à ses représentations, en font le lit. « La maladie fait effraction dans l’histoire du patient, s’y infiltre sans échappatoire ni 54 Deschamps D. Psychanalyse et Cancer- L’harmatan. Paris 1997. pp6-8 Gwénola GRIMAULT De l’information à l’annonce 66/118 Décembre 06 retour possible. A l’instant de l’annonce, l’homme malade perd la maîtrise de son corps et de son histoire »(BLET, 2002). Il se sent percé à jour et dépendant. Le médecin et son équipe deviennent les maîtres de sa destinée, de sa vie, de sa mort et de ses secrets. Il ne sait pas s’ils seront ou non sensibles à sa détresse, s’ils pourront l’aider, le soulager. Il ne les connaît pas mais pourtant il doit avoir en eux une confiance quasi aveugle. Les semaines, les mois durant lesquels la maladie s’étirera n’éclaireront pas forcément ses questions : le patient entre dans un nouveau réseau de relations dont bien des codes lui échappent et, peut-être, lui échapperont toujours (CHICAUD, 1998). Le patient développe alors des mécanismes de défense, dont nous avons parlé et que nous développerons plus amplement, pour surmonter ce choc, entraînant parfois des réactions incompréhensibles pour le soignant. Il s’agit-là d’une des raisons qui rendent l’annonce difficile. Se surajoutent encore les mécanismes de défense développés par les professionnels de santé, venant ajouter à la complexité de la situation. La notion de vérité pose également problème. Que dire au patient, comment le lui dire ? Enfin, ne nous voilons pas la face. La maladie et son annonce nous ramène, même si nous occupons la place du médecin, à notre condition humaine d’individu voué à la disparition… Cela nous déstabilise énormément, nous, professionnels de santé. 3.2 LE TRAUMATISME DE LA MALADIE 3.2.1 LE TRAUMATISME DE L’ANNONCE La mise en place d’une relation plus égalitaire entre médecin et malade est, par bien des points, une avancée positive et révèle un plus grand respect du patient. Comment ne pas cependant remarquer ce qu’elle contient d’exigences, lorsque l’on considère cette image d’un individu autonome et maître de lui-même qui semble vouloir actuellement s’imposer dans nos sociétés ? Un personnage bien dans l’air du temps, un malade-citoyen, un usager confronté à cette nouvelle norme qui enjoint tout un chacun « à devenir lui-même », mais l’épuise aussi, sommé qu’il est de « se dépasser » (EVEN, 2000). Il faut prendre garde de ne pas surestimer les capacités psychologiques des patients à affronter la réalité de leur situation, en l’occurrence dans le cas des maladies graves. Si l’information respecte le droit légitime de savoir et prévient les éventuelles plaintes pour défaut d’information, elle évince radicalement les interrogations vis à vis des capacités du patient à entendre à ce moment précis. Lors de l’annonce d’une maladie grave, le temps est comme aboli. La personne, qui jusqu’alors vivait dans un temps à trois dimensions, le passé, le présent et l’avenir, voit soudain son temps réduit, brutalement à un présent de répétition. Il lui semble définitivement acquis que sa destinée est désormais fixée. Très souvent, le patient revoie la scène de l’annonce, les réactions des proches : il entend sans fin les mots prononcés. Brusquement, sa vie est coupée en deux : il y a un « avant » qui semble dépouillé de sens, et un « après » qui se résume à un présent sans cesse recommencé. Cet effet de rupture du temps se retrouve dans d’autres annonces graves telle que la survenue d’une catastrophe, la mort d’un proche, mais lorsque le patient se sait gravement atteint, son univers est brutalement réduit aux limites du corps et de l’espace décrites par la maladie. Il a le sentiment que ce qui lui arrive est tout à fait indifférent aux autres, même très aimés et aimants, mais qui ont eux, du moins le croit-il, le temps de vivre. Le temps se répète tel le tic-tac d’une horloge, de façon lancinante identique et rythmée. Le temps s’est arrêté, ne passe plus. Pire même que l’abolition du temps, les patients ont aussi parfois le sentiment que le temps leur est volé dès l’instant où ils entrent dans la maladie. En effet, le temps des malades est souvent tout entier occupé par un protocole de soins. Les patients sont conviés à prévoir l’avenir, mais un avenir qui n’est plus le leur, un avenir déterminé par des soins datés, répétitifs douloureux et qui semblent ne devoir jamais cesser. Les consultations aussi vont s’enchaîner, se multiplier, dans des Gwénola GRIMAULT De l’information à l’annonce 67/118 Décembre 06 endroits divers, avec la plupart du temps de longues attentes et une grande inquiétude quant à l’attitude qu’aura envers eux le médecin. Et ceci d’autant plus que, le plus souvent, les médecins ne perçoivent pas ce sentiment de temps volé, de temps qui s’envole, de temps que l’on ne maîtrise plus et que l’on subit. Les médecins évoluent dans un autre temps, totalement différent. Tandis que les malades ont la sensation d’un temps volé, incontrôlable, qui ne leur laisse aucun répit, aucun « temps libre », les médecins évoluent dans un temps ultra maîtrisé, minuté. Ainsi, la durée extrêmement brève de leurs consultations, les horaires précis des prises médicamenteuses, des perfusions, la programmation très rigoureuse des cures de chimiothérapie (J-1 ou J-8 de la première cure…), le rythme et les horaires des soins en témoignent. Rien ne permet aux malades de retrouver les rythmes biologiques qui les sécuriseraient. Ils sont comme dépouillés de leur propre temps, pris dans le rythme qui leur est imposé par les soignants, comme s’il s’agissait d’un passage imposé. Ils sont « happés » par le traitement… (CHICAUD, 1998). Alors, est-ce le diagnostic cru et scientifique qui importe réellement, la vérité en termes médicaux, ici et maintenant ? L’heure du médecin n’est pas forcément celle du patient. Il faut souvent du temps, de la prévenance, une connivence en quelque sorte. « Il faut que l’annonce ressemble au patient pour qu’il la reconnaisse. L’annonce est une création fécondée dans le creuset de la rencontre. L’information en constitue l’assise brute et nue »55 (BLET, 2002). En effet, la maladie confère à l’individu un nouveau statut et le confronte à une expérience de désordre. Les choses semblent prendre, pour le malade, un cours différent de celui qu’il avait imaginé. De multiples peurs font éruption dans sa vie : peur des conséquences physiques de la maladie (douleurs, nausées, perte de mobilité, infirmité…), peur des conséquences psychologiques de cette même maladie (dépression, démence…), peur de la mort (peur existentielle, spirituelle), peur du traitement (effets secondaires tels que calvitie et douleur, chirurgie souvent perçue comme synonyme de mutilation, de modification de l’apparence physique…), mais également peur face à l’entourage (perte d’attrait, de sa place dans la famille, impression d’être un fardeau, diminution des capacités sexuelles…), et enfin peur relative à sa situation économique, à sa position sociale (perte d’emploi, d’autorité et de pouvoir, coût du traitement, exclusion sociale). Le patient se sent désarmé et doit faire l’apprentissage d’un nouveau monde : le milieu médical avec ses règles et ses codes, son langage et l’assignation d’un nouveau statut. Il doit accepter de ne plus tout contrôler et de s’en remettre, en partie, à autrui. L’individu malade se sépare de son groupe social : le groupe des individus sains. Il se sépare de ses objets précédemment investis pour se concentrer sur lui-même. Il fait l’épreuve de ses limites, limites désormais dictées par son propre corps. Et il intègre un nouveau groupe social : le groupe des individus malades et donc un nouveau mode de vie dans ce corps devenu un corps malade. Ce sentiment se pose aussi bien pour les patients atteints de maladies graves au pronostic sombre que pour les patients chez qui vient d’être découvert un diabète insulino-dépendant par exemple. Afin de comprendre ce qu’est un corps malade, il faut tout d’abord réfléchir à la définition de ce que l’on appelle la « santé ». Définir la « santé » et parler des rapports qu’entretient l’être humain avec son corps « en bonne santé » est très difficile. Avoir un corps en bonne santé, c’est vivre son corps comme une unité, comme en harmonie avec le sujet que l’on se sait être. Chacun « est » son corps, corps ressenti, corps instrument, médiation, manifestation de la personne et de ses relations. Même si parfois on ressent des douleurs, des malaises, dès lors que l’on perçoit son corps comme solide, non menacé dans son fonctionnement, son activité, son identité, on est « dans sa peau », comme dit si justement le langage populaire. De ce fait, on se sent ajusté à la vie, on sait comment faire avec soi. Le miroir semble être fidèle à ce que l’on sait de soi. 55 D. BLET. De l’information à l’annonce. La place du non-dit ; 2002. Gwénola GRIMAULT De l’information à l’annonce 68/118 Décembre 06 L’annonce de la maladie remet en question tout cet ensemble de données que l’on nomme « moi » en terme d’expérience quotidienne et vitale, et non en terme de moi psychanalytique (PUJOL et al., 1997). Apprendre qu’une maladie grave atteint son corps, même si cette maladie n’est pas encore ressentie, est comme la révélation d’une trahison. Que va-t-il advenir de l’unité complexe de l’être si l’on perd les éléments essentiels qui la constitue ? La connaissance d’une maladie définie comme grave atteint cette unité, la fissure, et parfois même amène à des effondrements plus ou moins durables. La personne, au corps défini comme malade, ne sait plus quelles sont ses forces, ses droits, ses possibilités. Elle interroge les médecins, leur demande des règles de vie (« Qu’est-ce que je peux faire ? », « Qu’est-ce que je peux manger ? »). Parfois, on observe ce comportement avant même que la maladie soit ressentie, comme dans les cancers ou la séropositivité qui sont souvent diagnostiqués avant l’apparition des symptômes. Certains patients déclarent : « Avant, j’étais bien, j’étais en forme ; dès que j’ai su ce que j’avais, je me suis senti tout drôle, très fatigué, angoissé, j’ai ressenti des douleurs ». Celui qui se sait malade cesse immédiatement, même s’il en était autrement quelques instants auparavant, de se sentir « bien dans sa peau ». Il ne reconnaît plus ce corps dont il ne sait plus que penser, qui l’a trahi. Parfois, il ne le reconnaît plus physiquement. Le patient interroge alors son miroir et guète les moindres signes qui pourraient révéler aux autres sa maladie (pâleur, rides, cheveux blancs…). Il est de si bon ton actuellement de paraître « en forme », « en bonne santé », bronzé, musclé, sportif. Ceci est encore plus difficile pour ceux qui se sentent atteints dans leur intégrité physique : les images du corps blessé, travaillé par la maladie renvoient à des maladies graves telles que les maladies génétiques, les cancers nécessitant des traitements délabrant… Dans bien des cas, en effet, le corps est modifié par la maladie mais aussi, et peut-être surtout, par les traitements qui dévoilent ce que l’on voulait cacher. La chute des cheveux causée par les chimiothérapies proclame l’atteinte par une maladie maligne, une de celle que l’on regroupe sous le nom de cancer, les corticoïdes modifient le visage et la silhouette et confèrent un embonpoint incongru au temps où la minceur est reine, nombre de médicaments efficaces entraînent une photosensibilisation qui fait craindre l’apparition d’une multitude de taches brunes à la moindre exposition au soleil. Le patient, quelque soit son âge, son sexe, sa situation dans la vie, est confronté à de nouvelles images de lui-même lui imposant des remaniements très rapides et toujours douloureux. Les comportements résultant de ces transformations sont parfois déconcertantes pour le patient luimême mais aussi pour son entourage. Ainsi, certains tentent de nier ces transformations du corps en achetant une perruque identique aux cheveux et à la coiffure d’avant, en dissimulant leur embonpoint ou leur amaigrissement sous des vêtements, tandis que d’autres se rasent les cheveux avant la première chimiothérapie, ne portant jamais de perruque, affirmant ce qui leur arrive. Dans l’un comme dans l’autre des cas, il s’agit probablement d’une tentative pour se reconnaître dans ce corps transformé et s’affirmer dans ce nouvel état. D’autres cessent de sortir, de s’habiller, et même longtemps après une amélioration définitive. Il existe au contraire des patients quelque peu exhibitionnistes qui exposent de façon ostentatoire les stigmates de l’atteinte (pâleur, ecchymoses, traces de perfusion…) de façon à faire peur, à provoquer autrui. Toutes ces attitudes renvoient, plus qu’on ne le pense, non seulement au traumatisme de l’annonce de la maladie, mais aussi à des images de soi très archaïques, partiellement inconscientes, dans lesquelles chacun essaie de se réfugier pour pouvoir s’adapter aux situations nouvelles liées à la maladie. Gwénola GRIMAULT De l’information à l’annonce 69/118 Décembre 06 Il arrive fréquemment que le corps malade devienne un corps perçu comme étrange et étranger. La maladie devient alors comme une entité qui envahit le corps, l’habite, prend la place du sujet, allant jusqu’à prendre son identité. Le langage courant reprend d’ailleurs des thèmes fantasmatiques assez forts à ce sujet : on parle d’ « envahissement » par les tumeurs, de « prolifération ». On évoque des « copies » de virus et lorsqu’on affirme qu’elles sont peu nombreuses, elles sont néanmoins présentes le plus souvent à plusieurs milliers « d’exemplaires », ce qui affole littéralement les patients non initiés. On dit également : il est « tuberculeux », il est « syphilitique », il est « sidéen ». La personne malade, habitée par la maladie, se sent alors parfois envahie par le sentiment d’une « inquiétante étrangeté ». Elle traîne un corps devenu bizarre, incongru, un corps qu’elle a du mal à dominer car il répond peu à ses ordres, à ses quêtes de plaisir, à ses stimulations. C’est sa propre chair qui est en question et sa propre chair qui lui devient étrangère. Elle se transforme, se met au travail. Pour survivre et demeurer soi, le patient va devoir faire sa « propre gestation, non seulement celle de son corps, mais aussi celle du tissus même de sa vie ». Le malade va tenter de retrouver le propre cours de son existence, sa propre durée. Il le fera par des chemins qui lui sont propres, des chemins dont il parle rarement et peu volontiers. Corps mutant, « surnaturalisé » pour certains, le corps malade est pour d’autres un corps puni. L’exclamation : « Qu’est-ce que j’ai bien pu faire pour mériter cela » recouvre une interrogation générale qui renvoie à des angoisses ancestrales concernant une « rétribution » mystérieuse à laquelle, croyants ou non, nous serions tous assujettis. Parce qu’ils ont fait telle ou telle chose dans leur passé, parce qu’ils ont telle attitude envers leurs famille, leurs proches… la maladie leur tombe dessus. Les médias et revues médicales de vulgarisation ont d’ailleurs souvent un discours qui enclin à avoir ce type de raisonnement : les cancers ORL sont favorisés par la consommation excessive d’alcool, les néoplasies pulmonaires par le tabagisme, notamment par sa durée et son importance, les cancers colo-rectaux par les régimes alimentaires pauvres en fibres… Cependant, ils oublient de signaler les facteurs environnementaux, génétiques, le simple vieillissement de la population… La maladie fait entrer dans une logique de culpabilité, d’expiation. Chaque être humain se sent porteur de sa vie riche en évènements, en relation et il est bien rare que l’homme n’ait rien à se reprocher. Tout se passe comme si chaque erreur devait se payer, comme si l’être humain se devait d’être parfait, impassible et intemporel. Ainsi, beaucoup de patients tentent de rester magnifiques, stoïques, déniant même leur maladie. Ce sont des malades courageux mais blessés, et parfois désespérés au point d’aller jusqu’au suicide. D’autres vivent la maladie comme une plongée en enfer : ils se sont réveillés un jour comme transformés en monstre, ou condamnés par un procès sans raison. La maladie leur révèle l’absurdité du monde, son non-sens. Non seulement ils sont frappés sans savoir pourquoi, mais leur destinée leur est arrachée et, tout cela, pour rien. Leur univers a perdu toute logique et leurs démarches seront stériles, du moins le croient-ils. Néanmoins, ils se débattent contre cette absurdité et en ressortent souvent renforcés. Pour d’autres curieusement, la maladie est un chemin obligé par lequel il faut passer. Ceux-là se résignent. Ils semblent avoir pris la mesure de leur condition humaine mais l’acceptent sans réticence, ni bataille. Moins amers et moins révoltés que les précédents, ils sont aussi moins forts. On comprend donc parfaitement qu’à la question du « pourquoi moi, pourquoi suis-je malade », il n’est pas de réponse logique, rationnelle, claire, même si, comme c’est parfois le cas, les agents de la maladie, ses conditions d’éclosion sont désignées, connues, voire contrôlées. Ces questions dépassent de beaucoup la biologie et la médecine et interrogent sur la réalité même de l’être humain, sur se destinée. A ces interrogations, chacun cherche et trouve des voies de réponse, déploie des attitudes qui seront rarement complètement tranchées ou fermées, et qui peuvent varier. Gwénola GRIMAULT De l’information à l’annonce 70/118 Décembre 06 Par ailleurs, telle une punition, ce corps malade ne peut plus être désiré. Il n’est plus considéré comme un être de désir, de pulsions, on lui dénie souvent tout charme et beauté, que ce soit le malade ou le médecin. Le patient est invité à considérer désormais son corps comme un objet de soins, et lui-même est convié à se soumettre à ce corps-objet, encombrant et souvent douloureux. A tel point que, la plupart du temps, quand un patient est atteint d’une maladie grave non sexuellement transmissible, les médecins, les soignants semblent oublier complètement qu’il s’agit d’un sujet sexué, et les patients n’osent pas aborder la question. Les « parloirs sexuels » n’existent pas plus à l’hôpital qu’en prison. Fréquemment, durant leur temps de retour en famille, appelés « permissions », comme dans l’armée, les patients ne savent pas s’ils ont le « droit » d’avoir des rapports sexuels sans compromettre leur santé. Quand ils s’en donnent l’autorisation, ils en viennent à se demander s’ils n’ont pas aggravé leur état. Corps perçu comme étrange, et parfois étranger, corps douloureux et parfois horrible, corps transformé, replié ou épanouie, le corps malade est paradoxalement, car la maladie frappe essentiellement le corps, un corps méconnu, morcelé par les soignants. En témoigne d’ailleurs s expressions employées par le personnel soignant dans les couloirs des hôpitaux : « un tel, tu sais le cancer du pancréas… ». Pour les patients, cette expérience revêt toujours un aspect déconcertant car assimilée à une perte d’identité. Le malade va donc devoir se trouver, se reconnaître comme travaillé dans son corps par ce qui lui arrive. Il le ressent, le plus souvent obscurément, tout ce qu’il est en lui-même sera transformé mais il s’attachera à retrouver un semblant d’unité. Cela ne se réalisera pas sans angoisse, ni sans espoir (CHICAUD, 1998). La maladie est, par conséquent, une expérience de pertes qui force l’individu à se pencher sur le sens qu’il donne à sa vie… et à sa mort. Il s’agit d’une perte de ses capacités, de la vie, mais aussi d’un « sentiment de perte de sens dans le rapport avec l’avenir et devant l’existence »56 (REICH et al., 2001). Si ceci est si prégnant chez le patient atteint de maladie grave et si effrayant et difficile à comprendre pour le soignant, c’est probablement que ces deux protagonistes ne fonctionnent pas sur le même mode. J. BENOIST a travaillé sur cette question (BENOIST, 1996). Selon lui, la différence se situe essentiellement au niveau de l’image du corps. Pour le médecin, le corps est une somme d’organes, un objet manipulable, alors que pour le patient le corps est une expérience sociale et culturelle beaucoup plus globale. Comment, après une épreuve telle que la maladie, un individu pourrait-il sortir indemne d’une maladie qui s’attaque à toutes les bases à partir desquelles il s’était constitué auparavant : son corps fonctionnel et esthétique, ses relations interpersonnelles, sexuelles, sociales ou amicales, son accomplissement personnel dans le travail, les compétitions, ses structures de conduites spirituelles, éthiques, morales ou esthétiques ? C’est bien toutes ces valeurs, sur lesquelles s’est bâti le patient, qui se trouvent dépréciées à ses yeux. Le problème qui se pose alors au professionnel de santé est loin d’être uniquement d’ordre scientifique. Il se double d’une question pratique concernant la manière de faire pour entendre l’autre, essayer de le comprendre afin de mieux l’aider. C’est toute la difficulté du suivi médical en médecine générale. Pour y parvenir, il faut saisir un point essentiel : la maladie est un fait, certes, mais également une représentation. Ce sont ces représentations mêmes qui viennent interférer avec les données scientifiques fournies par le médecin pour constituer ce qu’on abordera plus tard, la vérité du patient. Cette vérité est empreinte de subjectivité, avec ce que cela comporte de référence à l’imaginaire, aux désirs et même à l’illusion. Mais il ne faut pas non plus oublier les facteurs culturels, l’histoire personnelle, l’influence de l’entourage, les croyances… Chacun de ces facteurs influence à la fois la perception de la maladie, ses représentations et son vécu. Par exemple, chaque culture a sa propre définition de la santé et de la maladie. La manière dont le malade se représente ses maux diffère de celle que le médecin peut lui proposer (EVEN, 2000). 56 Saillant F. Cancer et culture. Produire le sens de la maladie. Montréal : Saint Martin ; 1988. Gwénola GRIMAULT De l’information à l’annonce 71/118 Décembre 06 3.2.2 LE TRAUMATISME DES MOTS Si le contenu et la nature même de l’information font traumatisme lorsqu’il s’agit d’une maladie grave, la manière d’annoncer, les mots employés peuvent également être pourvoyeurs de souffrance. A l’heure du colloque singulier, le médecin, dépositaire d’un savoir qui engage sa responsabilité, doit, dans le même temps, être soucieux du poids des mots qu’il prononce. « Les mots sont des revolvers ». Qui n’a pas en tête un exemple de situation où l’annonce d’un diagnostic grave a pu entraîner une perte de l’élan vital, de l’envie de se battre avec, pour conséquence, la majoration d’une participation psychosomatique aux symptômes exprimés, un état dépressif, voire un suicide ? Ces réactions font, certes, partie de la réponse physiologique de l’individu confronté à la perspective d’une mort prochaine, cependant, il faut veiller à ce que la séquence puisse se dérouler jusqu’à son terme normal. Une arme à feu se manipule avec précaution… alors ne perdons pas de vue que « la vie d’un malade peut être abrégée, non seulement par les actes, mais aussi par les mots et le comportement d’un médecin » (GIRGIS et FISHER, 1995). Les mots utilisés et utilisables pour annoncer un diagnostic de cancer, une rechute ou le terme d’une phase curative véhiculent leur part d’information mais aussi de nondit. Les mots de l’annonce ne sont certainement pas superposables à ceux qui informent. Il convient donc que le praticien se décale d’un discours médical. Les mots de la science sont arides, secs comme ces préparations lyophilisées vendues dans le commerce, si durs que seuls peuvent les prononcer les spécialistes habitués à désigner ce qui tue. Ces mots-là ne sont pas audibles pour le patient et il est nécessaire que le médecin les abandonne pour retrouver sa langue maternelle. Langue maternelle au titre de langue communément parlée et de langue du corps, de langue pour le corps. Le patient apporte ses symptômes et ses plaintes, mais la prescription et les paroles du médecin qu’il reçoit en échange ne sont en aucun cas un simple compte rendu. Tandis que le compte rendu restitue « tout » ce qui est lisible sur le cliché d’imagerie ou sur les résultats chiffrés de la biologie, l’annonce est un compromis. Elle est une restitution de ce qui se joue à cet instant précis du colloque singulier puis évoluera progressivement au fur et à mesure des consultations57 (BLET, 2002). 3.2.3 LE TRAUMATISME AJOUTÉ Au traumatisme de l’annonce lié à la gravité du diagnostic, peut encore s’associer ce qu’on pourrait appeler le traumatisme ajouté. Introduit à l’occasion d’un travail sur la dimension psychologique en situation d’urgence, ce concept représente tout ce qui s’ajoute à la blessure lorsque le dispositif des secours est mis en place : le hurlement des sirènes, le clignotement des gyrophares, la parole malheureuse du sauveteur. Les caractères du traumatisme s’y retrouvent après coup, avec leur lot de cauchemars répétés qui reproduisent les scènes du sauvetage, les paroles du sauveteur… De la même manière, on observe parfois une majoration de l’angoisse chez certains patients à qui, au nom de l’obligation d’information et devant la pression juridique, on impose une information alors même qu’ils n’y sont pas préparés. Cette situation peut être vécue comme un véritable traumatisme ajouté, l’annonce étant régie par une loi sociale qui ne s’accorde pas avec les lois de l’inconscient. « L’imaginaire greffe son lot de violence, comme l’a décrit D. Deschamps, d’autant plus que « tout » serait dit, qu’il n’y aurait plus de place pour une élaboration. Comme si tout était dit, qu’il n’y aurait plus rien à dire, à se dire »(BLET, 2002). L’information ne peut se suffire à elle-même. Délivrer l’information de manière froide et exhaustive à chaque patient dans le but d’obtenir son consentement éclairé ne peut être qu’une erreur. Dès l’instant où on lui impose cette vérité crue et nue, il n’a plus le choix de décider, de donner son avis, ses préférences. Telle une sentence, on lui impose cette maladie, d’un coup. Il perd toute maîtrise alors que l’information était supposée lui prêter la liberté de choix et de 57 D. BLET. De l’information à l’annonce. La place du non-dit ; 2002. Gwénola GRIMAULT De l’information à l’annonce 72/118 Décembre 06 décision, lui restituer sa place de sujet. Elle n’est donc pas dénuée de risque, celui d’un « tout savoir » où la feinte n’est pas de mise. La vérité scientifique protègerait le malade des démons légendaires de l’angoisse et de la détresse. Le savoir serait un rempart contre les affres des représentations, de la maladie comme de la mort. En réalité il n’en est rien. « Tandis que le médecin assigné par la loi à informer le patient se protège de la faute professionnelle, il laisse au malade le soin d’élaborer seul les processus de défenses qui l’autorise à vivre » (BLET, 2002). Et malgré toutes les précautions qu’il pourra prendre, le traumatisme ajouté ne pourra malheureusement être totalement épargné en ce qu’il s’origine avant tout de la radicalité de la situation. 3.3 MÉCANISMES DE DÉFENSE 3.3.1 CONSÉQUENCES PSYCHOLOGIQUES DE L’ANNONCE SUR LE PATIENT L’accès à la conscience d’évènements négatifs bouleversent massivement le statut de l’individu. Altéré par la maladie, exposé au traumatisme de l’annonce, fragilisé par les pertes sociales, familiales, narcissiques corrélatives d’une maladie grave, le patient est en difficulté pour élaborer seul un nouvel ordre psychique lui permettant de réagir au mieux à son environnement. Diverses modalités de réactions sont alors susceptibles d’être mises en jeu en fonction de la personnalité de chacun. E. Kübler-Ross (KUBLER-ROSS, 1969) parle également de mécanismes de défense. Le moment de l’annonce est à l’origine d’une sidération émotionnelle qui ébranle les assises identitaires et crée une rupture de la temporalité. L’annonce, de quelque manière qu’elle soit faite, entraîne toujours un choc. Même si le patient se « doutait » de quelque chose, la verbalisation, brutale ou non, concrétise ce qui se passe, objective quelque chose dont on ne se doutait pas du tout ou qui demeurait flou : quelque chose à quoi l’on ne voulait pas croire. Parfois, dans le même temps que l’état de choc, parfois aussitôt après, les patients ont le sentiment que le temps leur est enlevé, qu’ils n’ont plus d’avenir et que le présent ne signifie plus rien. De ce fait, tout leur paraît différent, ils sont assignés à une limite. Cette limite, comme un seuil noir où tout s’arrête, les anxieux la connaissent bien. Mais pour ceux qui viennent de recevoir l’annonce, elle semble infranchissable. Leur univers va se reconstituer, mais ils n’en savent rien encore et ils n’ont pas de mots pour dire ce qu’ils ressentent. Actuellement, on propose aux gens qui viennent de subir un choc sévère d’en parler, de dire ce qu’ils ressentent : on organise des cellules « psychologiques » lors d’un attentat, d’une catastrophe naturelle, etc. Mais la plupart du temps tout se passe comme si l’on perdait et la faculté de parler et même la possibilité d’exprimer des émotions. Dans certains cas, la fuite permet un aménagement temporaire. Souvent, dans l’annonce d’une maladie grave, la sidération fige la personne au point qu’elle ne peut rien dire à ses proches, qu’elle revendique une ignorance par rapport au diagnostic comme pour protéger magiquement tout son entourage et d’abord elle-même. Quelle parole est possible dans ce cas ? La seule parole entendue est d’abord celle qui signe la destinée. Il serait certes souhaitable que le sujet puisse aussi en dire quelque chose, mais la plupart du temps le moment n’en est pas encore tout à fait venu. Il pressent que son monde d’avant vient de voler en éclats et c’est tout ce que, dans le moment même de l’annonce, il peut percevoir et affirmer. Son corps, son temps, son espace, ses relations les plus proches, tout est remis en cause et il semble au patient qu’il s’échappe de lui-même. S’il ne fuit pas physiquement, il va tenter de trouver des refuges, des lieux de repli : tantôt devant la télévision qu’il regardera jour et nuit, tantôt dans son lit ou dans un recoin de la maison. Captif de l’annonce, il cherche à retrouver son souffle, quelque chose de ses rythmes vitaux mais, dans Gwénola GRIMAULT De l’information à l’annonce 73/118 Décembre 06 un premier temps, tout s’est arrêté (CHICAUD, 1998). Ces conséquences sont à l’origine d’une distorsion immédiate de la communication qui empreint ce premier entretien d’une incompréhension des informations délivrées, dont le degré surprend parfois le praticien lors des entretiens ultérieurs. Le patient va ensuite passer par des phases de travail de deuil selon un rythme qui lui est propre, partiellement conditionné aussi par l’évolution affective de son entourage. Les relations inter-individuelles en sont souvent sévèrement perturbées. Globalement, l’évolution du vécu dépendra des ressources psychiques de l’individu, de ses expériences antérieures, de la dynamique de l’entourage affectif, familial et socio-professionnel, de la qualité des réponses apportées dans la prise en charge médicale, de la représentation de la maladie qu’élabore le patient et de son évolution effective (CLANET et al., 2001). 3.3.2 PROCESSUS DE DÉFENSE Le patient va passer par différentes phases qui peuvent se succéder dans un ordre variable et fluctuer dans le temps : déni, révolte, marchandage, désespoir, acceptation… Souvent même, elles se mélangent (MAGER and ANDRYKOWSKI, 2002). Le déni est un mécanisme inconscient, destiné à protéger des conséquences émotionnelles d’une information trop déstructurante. Il peut expliquer des comportements paradoxaux de refus de traitement, d’interprétation inadéquate de la réalité à l’origine de projets irréalistes malgré une information médicale apparemment satisfaisante. Cependant, il s’agit d’un mécanisme trop massif pour pouvoir être conservé longtemps. Il faut respecter l’étape de déni qui correspond à une période de protection de l’individu vis à vis d’une vérité inacceptable, même s’il est très difficile à vivre pour le médecin, souvent accusé par l’entourage de n’avoir pas clairement exprimé le diagnostic. Ex : -Une intervention chirurgicale est indiquée pour éliminer ces mauvaises cellules, mais votre cancer est tout à fait localisé et circonscrit…vous ne serez hospitalisé que pour 2 à 3 semaines et très vite vous verrez que vous irez mieux.. -Oh merci Docteur…quel soulagement ! Si vous saviez comme j’avais peur d’avoir un cancer ! La phase de révolte (ou projection agressive) est une période où le malade déclenche des mécanismes agressifs liés à la frustration la plus fondamentale qui est la perte de la bonne santé. Le malade se protège en adoptant un mode de revendication agressive, rendant l’entourage responsable de tous les malheurs : récriminations, remontrances, plaintes, griefs, reproches, accusations. La réalité a été intégrée, cependant le malade fait front par une agressivité accrue. Le médecin devient la cible privilégiée du despotisme et est tenu pour responsable et incompétent de l’évolution de la maladie. Cette animosité est très souvent difficile à vivre pour le médecin qui est touché dans sa raison d’être. Le risque majeur pour le soignant est de développer une réaction agressive symétrique en retour, rendant alors la relation soignant/soigné impossible. Gwénola GRIMAULT De l’information à l’annonce 74/118 Décembre 06 Ex : Mme G. est rivée sur sa sonnette …cela fait 1heure que je sonne, ah bien il ne faut pas être pressée ! Vous parlez d’un service, tout le monde s’en moque ici ! On ne s’occupe pas de MOI ! Les infirmières préfèrent rester dans l’office prendre un café et le médecin devrait déjà faire sa visite ! Il m’a peut-être oubliée ! Pensez, cela fait 5 jours que je suis là ! Et ma fille, elle est venue avant hier, et pourquoi pas hier ? Je suis malade, moi. Si elle croit que c’est drôle d’être bloquée sur un lit d’hôpital ! Avec ça personne ne répond ! Je ne suis pas sûre que ce soit une équipe bien compétente… Faire attendre des malades comme ça… Ils vont savoir de quel bois je me chauffe… Ah vous voilà déjà Docteur !… La dénégation intra-psychique est un mécanisme où le malade conteste et récuse l’annonce faite par le médecin. Parfois, seule une partie de la vérité peut être acceptée par le malade qui rejette tout ce qui est encore intolérable ou trop douloureux. Les comportements agressifs peuvent s’exprimer envers les proches, le personnel soignant, soi-même quelquefois. Ex : -Mais enfin, c’est impossible Docteur ! Vos analyses sont erronées…ou bien vous vous trompez de malade…ça ne peut pas être un cancer… On peut même observer parfois une dénégation sociale et relationnelle qui peut être assimilée à une forme de sérénité apparente : le patient sait mais ne désire pas en parler ouvertement. L’isolation est un mécanisme de défense un peu différent car il permet de neutraliser l’angoisse, de séparer, dans son esprit, la réalité de tout support affectif et de parler apparemment avec détachement de sa pathologie. Le malade reconnaît la gravité de son état mais intellectualise sa maladie. La déconnexion de la réalité et de l’affecte permet d’évoquer l’annonce d’une mort potentielle avec une surprenante impassibilité. La mise en mot rendue alors possible rassure l’intellect au détriment de l’affect. Ex : Le malade à l’infirmière après la visite du médecin : -Si j’ai bien compris, les résultats ne sont pas fameux. C’est une leucémie qu’il va falloir traiter par chimiothérapie. Il paraît que ce traitement entraîne des effets secondaires qui risquent de provoquer une grande fatigue à cause d’une aplasie. Tout ça va nécessiter 3 semaines d’hospitalisation au bas mot…avec peut-être un petit temps de répit avant un nouveau traitement pour consolider le premier…Vous passez généralement plus tard que cela dans ma chambre… ? La maîtrise par la rationalisation est un mécanisme par lequel le patient cherche à comprendre sa maladie, à trouver une justification qui lui permettrait de la contrôler. Le malade peut « rationaliser l’irrationnel » par l’humour, la dérision, entraînant souvent une sidération des soignants. Néanmoins, rester dans la maîtrise de la maladie, c’est aussi refuser de se laisser porter. Ex : Maintenant que je sais que ma profession, en me contraignant à manipuler du benzène, n’est pas étrangère à la déclaration de ma leucémie, je vis avec. La maladie s’est installée en moi. Malgré mes souffrances, savoir qu’une intervention extérieure, réelle et palpable, a pu la déclencher, a paradoxalement apaisé ma colère et atténué mon angoisse initiale, disséminée et confuse. Une autre forme de maîtrise peut s’observer sous la forme de rites obsessionnels. La vigilance extrême s’exprime par des idées fixes, une surveillance permanente, de la recherche d’informations médicales détaillées. Les prescriptions sont scrupuleusement respectées, les médicaments vérifiés, tous les actes médicaux sont interrogés, les mesures d’hygiène sont appliquées de façon draconienne au point de refuser tout contact « dangereux » avec des proches. Gwénola GRIMAULT De l’information à l’annonce 75/118 Décembre 06 Il s’agit d’une démarche autonome, solitaire et opiniâtre qui est souvent perçu comme tyrannique par les soignants mais extrêmement nécessaire pour le malade. Ce dernier peut, à l’extrême, s’isoler par son attitude. Le déplacement permet de détourner l’émotion et la souffrance sur un autre problème lié à la maladie. La substitution peut se faire sur une partie non encore terrifiante de la maladie (les effets secondaires des traitements par exemple) ou sur une toute autre réalité plus distante et complexe à comprendre (l’avenir des enfants, l’organisation familiale, etc…). Ex : Moi je ne souffre pas…mais c’est mon fils… Il ne va plus à l’école, il refuse d’apprendre un métier. Il refuse de m’écouter et ne comprend pas que c’est pour son bien que je lui parle durement parfois. Il vit sur son nuage : il ne pense qu’aux copains, au cinéma, aux soirées et aux filles. Je ne sais plus comment le prendre. Je voudrais tant qu’il se fasse une vie honnête et sérieuse…Vous ne pourriez pas essayer de le raisonner, vous, Docteur ? Le marchandage est une autre tentative de sauvetage de l’équilibre psychique : la maladie existe mais la soumission docile à tous les avatars thérapeutiques doit créer les conditions d’une restitution définitive de l’état de bonne santé. C’est une phase qui peut être marquée par l’investissement d’activités douées du pouvoir magique de guérison. Phase sans doute utile à l’élaboration d’un bon projet thérapeutique, elle s’achèvera sur une nécessaire déception lors de la prise de conscience de l’irréalité de la guérison. Néanmoins il existe un moment où les « fables de la négociation et du marchandage sont nécessaires pour vivre encore avant la mort, pour remplacer les certitudes de la mort par les illusions de la vie »58 (BLET, 2002). La régression est un processus de défense dans lequel le malade s’immerge dans la maladie jusqu’à ne plus exister que par elle. Mouvement régressif souvent temporaire, le malade abandonne toute velléité d’initiative, d’autonomie et de volonté. Incapable de lutter contre la maladie, il se laisse prendre en charge jusqu’à adopter des comportements infantiles ou puérils. Le médecin est investi du rôle de père tout puissant, l’infirmière de celui de mère bonne et compréhensive. Il s’agit d’une situation difficile à supporter pour l’entourage et les soignants, pouvant entraîner exaspération, rejet ou abandon, mais qui revêt cependant une fonction consolatrice contre la peur et reste un moyen adaptatif et temporaire. La phase de désespoir correspond à la dépression qu’engendre la prise de conscience d’une perte inéluctable dans la perspective de vie. Elle est parfois à l’origine d’une détresse émotionnelle intense et, pendant cette période, le risque suicidaire est réel. La phase d’acceptation survient au terme du travail de deuil dans lequel le temps joue un rôle souvent déterminant. Le patient accepte la situation pathologique qu’il inscrit dans un projet de vie réaliste. Cette phase n’est malheureusement pas toujours possible à atteindre. On peut même s’interroger sur son existence réelle… Accepter le handicap de sa maladie, particulièrement pour les maladies qui ne guériront jamais, voire même une mort proche, est loin d’être évident. Accepter sa maladie et ses conséquences est en fait un processus complexe et lent de maturation psychologique qui permet au malade de ne plus rechercher cette liberté physique, psychique, sociale et professionnelle telle qu’elle était dans son état de santé antérieur. L’acceptation de la maladie peut être comprise comme le deuil de l’état de santé antérieur. Accepter la maladie est, par conséquent, réorganiser sa vie en tenant compte de son handicap personnel. Ce processus de maturation psychologique prend du temps et s’effectue de façon totalement indépendante du statut social et professionnel de chaque individu. 58 D. BLET. De l’information à l’annonce. La place du non-dit ; 2002. Gwénola GRIMAULT De l’information à l’annonce 76/118 Décembre 06 Un mécanisme totalement différent peut s’observer au terme du travail de deuil : la combativité / sublimation. Le malade refuse de se soumettre à la maladie et continue à construire et à créer, de façon à dévier son infortune sur un objectif positif et généreux, et ainsi à redonner vie et sens à son existence. Cette combativité est destinée à neutraliser l’angoisse et permet au patient de se surpasser. De plus, ce mécanisme rassure et réjouit l’entourage car le malade donne à voir une vitalité active et un extraordinaire dynamisme : soutien psychologique vécu avec avidité, création d’associations pour aider d’autres malades, volontariat, écriture de livres… Ce qui domine, c’est de sublimer ce temps pour redonner du sens au temps présent. Tout se passe comme si l’angoisse se mettait au service de l’élaboration psychique. Deux états émotionnels accompagnent de façon quasi inévitable ces divers mécanismes de défense : la peur et l’anxiété. L’anxiété participe au développement des préoccupations somatiques qui peuvent parfois se pérenniser chez certains malades, rendant plus difficile l’interprétation des symptômes qu’ils expriment. En retraçant l’anamnèse de l’individu et en l’écoutant attentivement, on peut se faire une idée et prévoir ses mécanismes de défense. En effet, nous avons tous notre propre fonctionnement et, face à un danger, l’individu met en place des modalités de défense privilégiées qui lui ont déjà été favorables dans le passé. Ces modalités de défense découlent moins de la spécificité de la maladie que de l’étape psychologique dans laquelle se trouve le patient et de la façon habituelle qu’a ce dernier d’affronter des problèmes sérieux. Il s’agit en réalité du fruit d’années d’influences familiales, d’expériences pendant l’enfance, de réussites à l’âge adulte, etc… Le rôle du médecin n’est pas de se prononcer sur la normalité ou non de ce mélange mais de déterminer si cette manière de réagir aide le patient ou non à affronter la situation. De manière beaucoup plus globale, on peut distinguer 3 étapes dans la maladie : Reconnaissance de la menace et prise de conscience qu’on peut mourir d’une maladie : cette étape engendre des réactions d’une grande intensité, conformes aux réactions habituelles face au stress (5 phases citées précédemment). Ces réactions sont le reflet de la personnalité du patient et ne peuvent pas être changées. On peut néanmoins en diminuer l’intensité en accompagnant le patient. Etape chronique : le patient fait l’expérience de la maladie, prend conscience qu’il va mourir de telle ou telle maladie, mais le moment n’est pas encore venu. On observe une résolution des éléments des premières réactions ainsi qu’une diminution de leur intensité. Une dépression apparaît très souvent au cours de cette période. Acceptation de sa mort : cette étape finale est utile mais n’est pas une condition sine qua non de l’acte d’affronter « correctement » sa propre mort. Les soignants doivent connaîtrent cette dynamique car, à chaque étape intermédiaire, ils ont tendance à développer des contre-attitudes qui peuvent freiner l’évolution psychologique du malade et fortement interférer avec l’efficacité du traitement. La dynamique d’acceptation d’une maladie est un parcours psychologique, un parcours du combattant, qui illustre la résistance de tout individu à accepter la perte d’un élément important auquel il était intimement lié : sa vie. Le rôle du médecin et des soignants est très important dans l’évolution psychologique du malade et la connaissance de ces divers mécanismes de défense est essentielle pour adapter le comportement médical à l’exigence de la situation. Gwénola GRIMAULT De l’information à l’annonce 77/118 Décembre 06 3.3.3 STRATÉGIES D’ADAPTATION Il est également utile d’avoir une connaissance des stratégies d’adaptation généralement utilisées par les patients contraints de coexister avec une affection chronique et / ou grave. Effectivement, une maladie chronique impose au malade de développer des stratégies d’adaptation, encore appelées « coping process » (LAZARUS et FOLKMAN, 1984), qui impliquent un choix entre le rejet (vivre contre), l’aliénation (vivre pour) ou la prise en compte (vivre avec). Ce concept de « coping » concerne les efforts cognitifs et comportementaux dont l’objectif est de maîtriser, réduire ou tolérer les exigences qui menacent ou dépassent les ressources d’un individu. Deux types de stratégies sont couramment observés : la stratégie d’ajustement centrée sur l’émotion et la stratégie d’ajustement centrée sur la résolution du problème. La première est destinée à réduire la tension émotionnelle lorsque la situation ne peut être modifiée ou n’est pas maîtrisable. La seconde implique la confrontation du problème et la recherche de sa résolution. L’expérience montre que chaque patient utilise de façon préférentielle l’une des deux stratégies d’ajustement. Qualitativement, les stratégies d’adaptation peuvent faire appel à : la recherche d’information qui rend la maladie plus familière et moins inquiétante, l’organisation de l’action avec planification de conduites ajustées aux difficultés attendues, l’inhibition de l’action, la sauvegarde de la qualité de la vie à court terme, avec cependant un risque de limitation des projets et investissements, source de réaction dépressive, le support social par recherche d’une proximité relationnelle et sociale les processus psychiques des mécanismes de défense pré-cités. Au cours de la maladie, la qualité du devenir psychique dépend des capacités de mises en jeu des stratégies d’ajustement et de leur degré d’adaptation à la réalité, ainsi que de la capacité de mobilisation de mécanismes de défense efficaces. 3.4 LE NON-DIT 3.4.1 QU’EST-CE QUE LE NON-DIT ? Le patient entouré, aidé plus ou moins adroitement par ses proches, amorce une longue traversée. Parmi les processus de défense que le patient doit mettre en place pour traverser l’angoisse de l’annonce et de ses représentations associées, la fiction et le non-dit figurent en bonne place parmi d’autres. En effet, lors de l’annonce d’une mauvaise nouvelle, il y a une part irréductible, un reste que le magistrat ne peut appréhender et que le Code de déontologie évoque sans le citer : l’imaginaire du patient, ses défenses, ses angoisses, « sa culpabilité enfouie, la terreur de la faute… »59, tout ce qui brouille son écoute et s’impose à lui quand le médecin lui parle de son corps. Car il n’y a, quoiqu’il en soit, pas de commune mesure entre le dit et l’entendu. Quand l’angoisse et les fantasmes de la mort sont présents, quand la parole est insoutenable, le mystère, l’illusion et le non-dit constituent un espace de liberté indispensable. Une part d’illusion est toujours nécessaire. Quand bien même l’illusion s’estompe et se retire au fil des symptômes qui s’ajoutent et des rencontres qui en disent plus, le rythme du patient doit être respecté, faute de quoi il ne peut entendre (BLET, 2002). 59 Lacan J. cité par Deschamps, op. cité. Gwénola GRIMAULT De l’information à l’annonce 78/118 Décembre 06 3.4.2 LES LIEUX DU NON-DIT Les processus de défense décrits par E. Kübler-Ross s’organisent autour des productions de l’imaginaire et de la pensée magique, comme par exemple le pouvoir de rédemption acquis par la négociation. Le processus de non-dit est d’autant plus intéressant à considérer qu’il n’est pas le fait exclusif du médecin qui s’efforce de concilier la loi et la subjectivité du patient telle qu’il se la représente, mais qu’il advient aussi comme réponse du malade et de sa famille après qu’une information « juridiquement correcte » lui ait été délivrée ou qu’un diagnostic péjoratif lui ait été révélé. Avant la réforme de l’information et surtout avant l’arrêt Hédreul, le médecin évitait de parler de cancer. Il en taisait le nom comme une marque de soumission et de respect. Il y avait dans le cancer une incarnation du mal. On y voyait le diabolique et le mot était gardé secret. Le médecin parlait d’un kyste, d’une inflammation, parfois d’une tumeur, il y avait quelques cellules cancéreuses, rien de grave que le traitement ne saurait éradiquer. On minimisait l’affaire, c’était une petite tumeur avec un petit traitement, de simples perfusions. On ne parlait pas de chimiothérapie mais de thérapie. Ce n’était pas grave, tout juste une petite tache sur le poumon. Les analyses étaient normales et l’on cachait la radiographie. Le non-dit était la règle, la parole du médecin était son lieu. Le système reposait sur un paternalisme ancien : le patient-enfant confiait son corps, le médecin-père faisait le reste. Le non-dit était une non-information et le discours se voulait rassurant jusqu’au mensonge. Le médecin se berçait dans l’illusion d’une confiance aveugle. C’était l’époque d’un consentement aveugle mais confiant. Depuis la réforme du Code de déontologie et surtout depuis 1997, le médecin informe, au sens juridique du terme. Il révèle au patient tout ce qu’il est supposé pouvoir entendre (art. 35 et 36 du Code de déontologie). Certes, le médecin préserve, et en toute légalité, une part de non-dit, telle que la gravité de la maladie, le pronostic, le pourcentage de réussite thérapeutique… Mais, si la forme traditionnelle et le Code de déontologie (1995) prêtaient le droit au médecin de taire certains éléments du diagnostic, la jurisprudence (1997) lui impose désormais de remettre au patient un maximum d’informations. La jurisprudence a inversé les rôles et désigne le malade pour esquiver ce qu’il ne peut entendre. La dyade médecin-patient est modifiée dans ses rapports à la parole. Le lieu du non-dit se déplace et nous l’entendons à présent, sous le couvert des mots, dans la bouche des patients. Ils parlent de leur cancer mais en termes détournés, par métonymie…C’est désormais au patient et non plus au médecin qu’il revient d’être le lieu du non-dit (BLET, 2002). Gwénola GRIMAULT De l’information à l’annonce 79/118 Décembre 06 3.4.3 LES BÉNÉFICES PROCURÉS PAR LE NON-DIT Si le non-dit est utilisé par les patients auxquels on annonce une maladie grave voire même une mort proche et irrémédiable, c’est que dans ces cas la vérité médicale importe peu. Elle encombrerait la scène des derniers jours. En faisant usage du non-dit, le patient peut encore couler quelques jours heureux. Le silence protège le malade de l’insoutenable, comme il protège l’innocent d’une erreur judiciaire. La vérité, que la bienséance recherche et tente d’annoncer, n’intéresse donc pas nécessairement le patient. En choisissant d’employer le mot « kyste » au lieu de celui de « cancer » alors qu’il a parfaitement reçu et compris l’information, le patient s’autorise à vivre et à se projeter encore dans l’avenir. Un mot substitué, un signifiant pour un autre. Le kyste opère un compromis et permet, par un effet de langage, de réconcilier deux logiques diamétralement opposées, une logique de guérison et celle d’une mort éventuelle, en une seule et même trajectoire. En gardant secret le diagnostic funèbre, le patient se met ainsi à l’abri de l’impossibilité de vivre ou d’organiser la vie à proximité de la mort. Ainsi, le non-dit apparaît comme une condition nécessaire à la vie d’un patient affecté d’une maladie grave (BLET, 2002). Le non-dit et le secret sont également le garant de la parole d’après les psychanalystes. En effet, au moment où le diagnostic est révélé, où « le savoir est Savoir de l’Autre sur soi-même » (BLET, 2002), les représentations du sujet et les perceptions de son corps ne s’articulent pas nécessairement avec les paroles entendues. L’écart se creuse encore davantage lorsque l’information est inquiétante, quand sont prononcés les mots « cancer », « amputation », « chimiothérapie », perte de cheveux, arrêt de travail prolongé… auxquels viennent s’associer les représentations du patient. La réalité peut être insupportable, inaudible. Le patient ne l’entend pas : « Il ne m’a rien dit ». Il faut du temps pour que la vérité prenne corps. Il faut parfois attendre les complications, les effets secondaires des traitements pour que le sujet prenne conscience de la gravité de sa maladie. La totalité de l’information est dérisoire face aux processus de défense qui en occultent les premières bribes. Le patient ne peut et ne veut entendre ce que le médecin s’efforce de lui dire. Il faut lui accorder ce droit au silence et au non-dit afin que la relation thérapeutique puisse survivre à cette annonce et continuer d’exister au-delà de cette dernière. Il faut que la confiance soit préservée entre les deux protagonistes, pour que la parole et le dialogue soient à nouveau possibles. L’heure de l’information du médecin n’est pas forcément celle du patient. Le moment de l’annonce peut, en effet, faire l’objet d’un conflit de temporalité, source d’une grande violence pour le patient qui se sent contraint à cette information qu’il n’est pas encore prêt à recevoir et à digérer. Savoir avancer au rythme du patient, c’est se donner ensuite la possibilité de l’accompagner pendant, mais surtout après l’annonce de la maladie, c’est faire en sorte que l’annonce ne soit pas synonyme de rupture et de fin, mais plutôt le commencement d’une relation sincère d’accompagnement. Gwénola GRIMAULT De l’information à l’annonce 80/118 Décembre 06 3.5 NOTION DE VÉRITÉ 3.5.1 « DIRE OU NE PAS DIRE » EST-IL ENCORE D’ACTUALITÉ ? Faut-il dire la vérité au malade ? Cette question, qui était il y a encore très peu d’années l’enjeu des débats, pourrait sembler aujourd’hui dépassée, voire même « déplacée ». Après la revendication des patients d’être mieux informés et les lois qui en ont découlé, le corps médical a abandonné le paternalisme pour répondre au « mouvement d’émancipation des individus et au respect de leur autonomie », reléguant ainsi la question de la vérité au rayon des antiquités. Terminé la réflexion sur le « faut-il ? », qui interminablement faisait rediscuter du « pourquoi ? ». Nous en serions dorénavant au « comment ? ».Comment dire cette vérité ? La dire « loyalement », « clairement » et de manière « appropriée » nous répond la loi du 4 mars 2002. Cependant, l’article 35 du Code de déontologie semble laisser encore une place à la question du « faut-il ? », puisqu’il annonce que le malade peut, dans son intérêt, « être tenu dans l’ignorance du diagnostic ». Pris entre l’exigence générale du devoir d’information et la délicatesse de son application dans chaque cas singulier, comment le praticien peut-il se situer ? Nous pourrions partir de ce qui dans ce débat semblait jadis faire chez les médecins l’unanimité. C’est à dire de la réponse que nous pouvions tous faire à cette question préliminaire du « fautil ? » et du « pourquoi ? ». A ceci, une même réponse, une identique préoccupation était formulée par chaque professionnel : pour « l’utilité du malade ». Le problème évidemment est qu’il est fort difficile parfois de savoir où se situe cette « utilité ». Si la nécessité d’une information ne fait pas de doute dans les cas où les difficultés émotionnelles qu’elle peut susciter sont largement compensées par l’efficacité d’un traitement, la question reste posée quand une évolution favorable ne peut médicalement être envisagée. Qu’est-ce qui, en effet, peut m’assurer de ce que telle ou telle personne va faire de l’annonce de cette « vérité », et qu’est-ce qui me permet de savoir comment elle va réagir à son masquage ? Il est alors très facile pour le praticien de céder à la tentation et d’enrober son discours d’euphémisme, voire même de respecter le souhait de la famille de ne rien révéler au patient, lorsqu’il s’agit d’une annonce diagnostique ou pronostique inscrivant le sujet dans un temps de vie limité. On parle alors de conspiration du silence, de situation de collusion où le patient est exclu de l’information (REICH et MEKAOUI, 2003). 3.5.2 SITUATIONS DE COLLUSION On appelle collusion les situations où l’un des membres d’un système est tenu, activement ou passivement, à l’écart d’une information diagnostique ou pronostique. Synonyme de rupture de la communication, la collusion correspond à un mécanisme d’adaptation pathologique, le motif le plus fréquemment invoqué étant la protection d’un tiers. Effectivement, l’entourage d’un individu gravement malade craint parfois la réaction de celui-ci à une pénible vérité. La collusion lui paraît alors être une alternative au problème de l’annonce d’une mauvaise nouvelle. Elle traduit le plus souvent un évitement de ce problème. Beaucoup plus rarement, elle peut être assimilable à une dénégation ou à un déni, par l’entourage, de la gravité de la maladie. Il s’agit de deux mécanismes protecteurs mis en place face à une réalité jugée trop dure à accepter. Le déni, comme nous l’avons déjà dit, représente un mécanisme de défense psychologique inconscient qui tend à minimiser ou à annuler une partie ou la totalité de la réalité ou de ses significations jugées trop menaçantes pour l’individu. La dénégation représente, quant à elle, un mécanisme conscient où le sujet choisi délibérément de ne pas penser à une situation menaçante pour lui. Il refuse d’assimiler une information fâcheuse. La collusion peut également être une Gwénola GRIMAULT De l’information à l’annonce 81/118 Décembre 06 tentative pour reprendre le contrôle perdu. En effet, l’entourage est mis en défaut par la maladie grave. Il a le sentiment de perdre le contrôle et de faillir à ses devoirs de protection. La collusion lui permet de reprendre ce contrôle et d’essayer de protéger à nouveau ses proches. Les situations de collusion sont problématiques car elles sont souvent génératrices de souffrances psychologiques, tant pour le sujet au centre de la collusion, que pour ceux qui interviennent autour. Génératrices d’incompréhension et de solitude immense, elles interviennent comme une privation relationnelle pour le patient concerné, comme en témoigne Arthur RIMBAUD dans sa correspondance avec sa sœur (PENEL et al., 2001). En effet, Rimbaud fait l’objet d’un complot du silence alors qu’il est atteint d’un ostéosarcome métastatique du genou droit qui le fera décéder en novembre1891. Condamné au silence, le patient n’a aucun recours pour apaiser ses peurs et son angoisse. Il se retrouve confronté à un profond isolement, source d’une détresse majeure (CHASTAING, 1998). Les soignants peuvent également se trouver mêlés à cette conspiration du silence et exprimer, eux aussi, un vécu douloureux face à cette situation. L’instauration d’une collusion intervient comme mécanisme de défense psychique pour protéger le malade, mais elle traduit également l’embarras des médecins et la peur de l’entourage. Mécanisme d’identification projective de la part de la famille afin de contrecarrer sa propre angoisse (« si j’étais à sa place, je ne supporterai pas qu’on me le dise »), la collusion fait la part belle au silence, aux non-dits et aux mensonges. Elle façonne des attitudes de façade où personne n’est dupe et où l’angoisse parasite en permanence les relations. Dans la mesure du possible, il est conseillé de rompre cette situation de collusion, si souvent délétère à la fois pour le patient et son entourage. Toutefois, cela ne doit pas se faire de manière brutale. Il faut tout d’abord amener la famille à reconnaître l’existence d’une collusion au sein du système familial et tenter de dégager les raisons de son instauration. Il faut ensuite déterminer, à l’aide de l’entourage, le coût émotionnel de cette collusion. Enfin, il faut évaluer auprès du patient son désir de connaître ou non sa situation médicale et, si c’est le cas, en informer ses proches afin de rétablir entre les différents membres de la famille un dialogue permettent l’expression des préoccupations communes de chacun. Un point reste essentiel et capital : le respect des défenses psychiques de l’individu. En effet, si celui-ci met en place un mécanisme de défense puissant tel que le déni, il ne servira à rien de vouloir rompre à tout prix la collusion car, par son attitude, le patient signifiera qu’il ne souhaite pas être mis au courant de sa situation médicale. Cette collusion lui sera alors bénéfique. Certains signes précoces ainsi que certaines caractéristiques du fonctionnement familial du patient doivent alerter le praticien car ils sont prédictifs de l’instauration d’une collusion : aspect fusionnel des relations patient-famille avec attitude protectrice des proches, patient infantilisé par une famille au comportement maternant, -antécédents de situations de souffrance chez la famille (traumatismes, deuils…) et adoption d’attitudes d’évitement face à la réalité de la maladie, famille où prédomine une pauvreté du dialogue, un faible partage des ressentis (tendance à la répression des émotions et des sentiments), présence de manifestations de détresse psychologique chez la famille : tristesse, culpabilité, épuisement, angoisse…, adoption de réassurance excessive, tentative d’entraver systématiquement l’expression du patient concernant ses préoccupations et ses peurs. Gwénola GRIMAULT De l’information à l’annonce 82/118 Décembre 06 L’importance de préserver une bonne communication entre le soignant et son patient est primordiale et n’est pas sans incidence sur la qualité de vie et l’adaptation psychologique du malade. La transparence, la libre circulation des informations et leur partage entre le patient, le ou les membres de la famille désignés et le médecin représentent des garants du maintien d’une communication de qualité. C’est à ce prix que l’on pourra éviter l’instauration d’une situation de collusion. 3.5.3 POUR QUELLES RAISONS DIRE LA VÉRITÉ ? Les effets désastreux des situations de collusion montrent bien que le dialogue est préférable au silence. Il arrive, en effet, que le doute sur un état pathologique soit plus douloureux à vivre que la confrontation avec un mal qui se nomme et entraîne une réponse structurée, encadrée par un protocole, rassurante en ceci qu’elle semble chasser l’ambiguïté. L’ennemi est clairement identifié, il s’agit d’un cancer, d’une maladie d’Alzheimer, d’un diabète, d’une tumeur du cerveau… Certes, il s’agit d’une maladie sérieuse, mais le patient sait contre quoi il va devoir se battre. Cela lui est absolument nécessaire pour plusieurs raisons. Dans un premier temps, le patient peut avoir à mettre en ordre sa vie personnelle, professionnelle, son patrimoine. En effet, une personne gravement malade peut être soutient de famille, être la seule source de revenus. Sa famille subsiste alors péniblement grâce aux prestations de la Sécurité Sociale depuis le début de la maladie. Mais que va-t-il advenir des siens si elle meurt ? Que signifie cette dépendance financière totale des siens par rapport à elle ? S’est-elle suffisamment assurée sur la vie ? S’estelle même assurée ? Qui paiera ses obsèques ? En définitive, a-t-elle le droit d’être dans l’état où elle se trouve ? A-t-elle le droit de mourir ? Ces questions matérielles, même si elles font l’objet d’un non-dit et de honte, sont éminemment importantes à l’approche de la mort (CHAGNON, 2005). La seconde raison est d’ordre épidémiologique et tient au risque de propagation d’une maladie infectieuse grave et contagieuse, telle l’infection à VIH. Mais, plus encore que tout cela, on trouve la nécessité d’obtenir une pleine coopération lorsqu’il va falloir livrer bataille et s’engager dans le chemin des examens complémentaires et des lourds traitements. Comment omettre le mot « cancer » quand on va parler ensuite de chimiothérapie, de radiothérapie, de consultation d’oncologie ou, plus explicitement, de centre anti-cancer ? En privant le sujet d’informations sur sa maladie, on le dépossède de sa capacité à être pleinement acteur de sa vie. Les choix et décisions de celui-ci concernant les propositions thérapeutiques perdent alors toute leur validité, et soulèvent des questions éthiques en rapport avec l’authenticité du consentement éclairé. Effectivement, dire la vérité, c’est vouloir éclairer les choix du patient pour qu’il soit en mesure de décider librement de l’orientation de sa vie. C’est donc respecter le principe d’autonomie, la liberté du patient. Ceci ne signifie pas abandonner le patient à son sort comme dans le modèle libertaire (CHASTAING, 1998). En effet, dans ce modèle-type de relation médecin-malade, le patient a une entière liberté de choix, de décision. Le médecin se confine dans un rôle purement technique et présente au patient un maximum d’informations parmi lesquelles il devra « librement » choisir. La décision médicale est alors dévolue au patient seul. Bien au contraire, nous parlons ici d’un échange, comme dans le modèle participatif. Dans ce modèle-type, le médecin et le malade établissent un véritable dialogue, un véritable partage. Le médecin s’appuie sur ses connaissances, son expérience et l’objectivité de son évaluation pour fournir un avis justifié. Le malade, lui, soutient une position basée sur l’évaluation de sa situation personnelle. Cela sous-tend, bien entendu, que la maladie, la souffrance physique et psychique n’altèrent pas les capacités de réflexion et de décision du patient qui module le poids de la décision médicale. Gwénola GRIMAULT De l’information à l’annonce 83/118 Décembre 06 Cette notion de coopération, d’échange semble capitale à saisir, d’autant plus qu’elle concourre à l’instauration d’un climat de confiance indispensable lors de l’annonce d’une mauvaise nouvelle puis, par la suite, lors de la prise de décisions médicales partagées. En effet, l’annonce d’une mauvaise nouvelle, qui représente également souvent pour le malade son entrée dans la maladie, modèle de façon déterminante son vécu. Ainsi, lorsque l’annonce a été brutale, le patient vit tout contact futur avec son médecin, mais aussi parfois avec toute l’institution médicale, comme une atteinte à son intégrité. L’annonce peut être perçue comme un véritable traumatisme que le patient ne parvient pas à dépasser et qui se répète tout au long de la maladie. Il paraît donc essentiel que l’étape de l’annonce soit la plus « réussie » possible, à la fois pour le médecin, pour le patient et pour la relation de confiance qui se fonde entre ces deux protagonistes. Et puis, que se passerait-il si le patient s’apercevait qu’on lui a menti ou qu’on lui a dissimulé volontairement au moins une partie de la vérité ? Le risque existe d’une perte de confiance définitive vis à vis de toute future déclaration d’importance de la part des soignants. Même si de telles situations peuvent se rattraper, on entre dans la spirale des contrevérités et des mensonges, mauvaises fondations d’une relation médecin-malade qui ne pourra être que de médiocre qualité. Enfin, si cette annonce est aussi importante, c’est aussi parce que dire, c’est reconnaître l’autre, reconnaître son existence. Ainsi, le patient, face à cette annonce qui remet en cause ses projets et qui le confronte directement à la mort et à ses angoisses les plus profondes, est reconnu en tant qu’être vivant et pensant, capable de se prendre en charge en collaboration avec un spécialiste de la santé. En lui disant ainsi la vérité, le médecin lui fait confiance et lui permet de mettre en place ses propres mécanismes de défense. Il lui permet de reprendre, à minima, le contrôle d’une situation qui lui échappe, et de participer pleinement à la prise en charge médicale, à sa propre prise en charge (REICH et al., 2001). En outre, poser LE diagnostique permet au patient de donner un sens à sa maladie, de l’intégrer à son histoire. Effectivement, l’annonce permet au patient de mettre des mots sur le processus dévastateur, sur l’envahissement que constitue la maladie. Elle lui permet de donner une place à cette maladie sans qu’elle obture tout l’espace psychique du sujet. Elle rend ainsi possible un avenir. L’attribution de sens semble donc un processus capital pour vivre (avec) la maladie (REICH et al., 2001). Néanmoins, il faut réfléchir à une question essentielle : qu’est-ce que la vérité pour un être humain en situation de soins ? Gwénola GRIMAULT De l’information à l’annonce 84/118 Décembre 06 3.5.4 LA VÉRITÉ DU PATIENT Dire la vérité au malade, c’est donner les informations nécessaires pour lui permettre de faire un choix éclairé relatif à sa vie. Comme nous l’avons déjà dit, ceci fait référence à la maladie, son évolution, son traitement médical, mais aussi à l’administration de ses biens, à ses relations humaines, ses croyances… Cela n’implique pas connaître tous les détails de l’évolution de la maladie, ni les statistiques sur les cas similaires, encore moins la durée exacte de la survie, le pronostic. Vérité veut dire confiance, absence de mensonge, mais ne signifie pas limpidité. Il serait plus judicieux de parler d’ambiance de vérité plus que de vérité. On ne parle pas ici de la vérité du médecin, encore moins de celle de la médecine. Il ne s’agit pas non plus de la vérité d’une maladie. Il ne faut pas réduire la vérité à la vérité d’un diagnostic car réduire la vérité au diagnostic, c’est réduire le malade à sa maladie. La vérité est bien plus complexe que la révélation d’un diagnostic. Dire la vérité au patient, c’est être disponible et capable de répondre véritablement à sa demande. Or, les questions et demandes du malade peuvent être multiples et porter sur : la maladie, les traitements, leurs répercussions, ses conditions de vie, ses propres réactions, l’attitude des soignants, la possibilité de trouver un sens à la vie qui lui reste, le devenir de ses proches, etc… Alors de quelle vérité s’agit-il si ce n’est pas celle de la médecine, ni du médecin, ni encore celle de la maladie ? On peut dire que c’est la vérité du malade. L’homme, et en particulier l’homme malade qui nous occupe ici, est porteur et détenteur de sa vérité. « La vérité de l’annonce médicale ne fait que rencontrer et accentuer la connaissance intime du malade » (CHASTAING, 1998). Nous devons être préoccupés en permanence par l’intérêt du malade et cet aspect des choses prime sur la révélation d’une vérité. Quel est l’intérêt du malade et quel est finalement son véritable désir ? Afin de le comprendre, il faut que le médecin apprenne à se taire et à écouter son patient, parfois même aider ce patient à parler. Ce n’est qu’à ce prix que le professionnel de santé parviendra à redonner une place à la « vérité du patient ». Cependant, il ne faut pas perdre de vue que la question de la vérité n’est jamais réglée une fois pour toutes. Si la vérité pour un être humain en situation de soins est l’expression de la réalité de ce qu’il est et de la condition dans laquelle il se trouve, cette vérité évoluera au cours de la maladie puisque la réalité et les questions changeront. La vérité n’est ainsi pas la même à tous les moment de la maladie. Gwénola GRIMAULT De l’information à l’annonce 85/118 Décembre 06 3.6 RÉPERCUSSIONS DE L’ANNONCE SUR LE MÉDECIN ET MÉCANISMES DE DÉFENSE DES SOIGNANTS L’annonce d’une mauvaise nouvelle, et notamment d’une maladie potentiellement mortelle, n’est pas chose simple pour le médecin. Il faut bien convenir que cette partie, non strictement technique de la relation avec le patient, est laissée pour une bonne part à l’initiative de chacun, à sa sensibilité propre. Elle a certes pu être avivée par la rencontre, au hasard du cursus de formation, avec un senior chaleureux et charismatique. Mais il y a bien peu d’encadrement au cours de notre formation médicale concernant cette partie de la relation médecin-malade. Tout dépend alors de notre facilité à communiquer, de notre aptitude à écouter, de notre sensibilité propre et, plus encore, de notre intérêt pour ce sujet si délicat. C’est ce même intérêt qui nous incitera à nous interroger et nous aidera ainsi à aborder le problème de la façon la plus juste et ainsi à moins en souffrir. L’annonce d’une mauvaise nouvelle n’est pas chose aisée, nous l’avons déjà dit, et ce d’autant plus que le diagnostic peut parfois devenir iatrogène. On annonce à une personne qu’elle est atteinte d’une maladie engageant sérieusement son pronostic vital, qu’elle devra subir divers traitements alors même qu’elle ne se sent parfois pas malade. C’est ainsi le cas en ce qui concerne le cancer, pour ne prendre qu’un exemple, où l’individu peut porter en lui la maladie sans que cette dernière ne se manifeste par des symptômes visibles. Le patient apporte en effet à son médecin diverses plaintes mais ce ne sont que des petites gênes variées, des douleurs, il n’y a pas encore, « officiellement », de maladie. Le médecin intervient alors comme l’ambassadeur de la réalité médicale, légitimant cette maladie. En la nommant, le médecin « crée » la maladie. Celle-ci ne sera identifiée, légitimée, authentifiée qu’au moment où le médecin dira : « Vous souffrez de telle ou telle pathologie ». L’annonce d’un diagnostic de cancer met donc à la fois le médecin et le patient dans une situation paradoxale, le patient qui se sent en bonne santé et qui pourtant entre dans la maladie, et le médecin qui, par cette annonce, fait du mal à son patient alors que sa fonction première est de soigner et de soulager les souffrances. Le médecin se sent comme l’oiseau de mauvaise augure, le messager du malheur, celui qui annonce ce qui, le plus souvent, est vécu comme le verdict de la mort, alors que sa vocation est d’améliorer ou de préserver l’état de santé de ses patients. Ces situations peuvent faire naître un sentiment d’impuissance, de frustration, voire même de culpabilité chez le soignant. Les patients, quant à eux, attribuent au médecin le rôle de celui qui peut dire la vie et la mort, celui qui enlève tout espoir. L’être humain a en effet la fâcheuse tendance, dans ces circonstances, de tenir le messager pour responsable des mauvaises nouvelles qu’il porte (GRIMALDI et COSSERAT, 2004). Revenons rapidement sur la mythologie avec l’histoire de Mercure, courrier des dieux, doté du caducée devenu l’emblème des médecins. Le mot caducée vient d’un terme grec qui signifie : « emblème du héros ». Néanmoins, le messager n’est pas seulement porteur de bonnes nouvelles, d’où la difficulté de son rôle et l’ambiguïté du regard que l’on porte sur lui. Le médecin devient souvent l’annonceur de mauvaises nouvelles et cela va transformer à jamais sa relation avec le malade mais aussi avec lui-même, car, dans un premier temps, il est souvent entendu comme l’annonceur de la mort. On peut y voir ici encore une référence à la mythologie où le messager des dieux, porteur du caducée, était aussi l’accompagnateur des âmes vers les destinées de l’après-vie. Il faut cependant garder à l’esprit que le médecin n’est pas l’auteur du messager mais ne fait que le véhiculer. Or, tout se passe comme si l’homme (soit le patient), se trouvant aux prises avec ce problème difficile qu’est la maladie, avait besoin de le personnifier, surtout pour pouvoir diriger sa colère et son indignation contre quelqu’un de concret, souvent celui qui annonce la nouvelle, à savoir le médecin (CHICAUD, 1998). Dans cette situation si délicate, on comprend bien qu’annoncer un tournant grave dans l’évolution de sa santé, à un Gwénola GRIMAULT De l’information à l’annonce 86/118 Décembre 06 patient avec qui le médecin a pu nouer des liens d’estime ou d’amitié, n’est pas un sommet dans les gratifications de sa vie professionnelle. Le fait, pour un médecin, d’annoncer à son patient un diagnostic de maladie chronique ou grave engageant le pronostic vital n’est pas d’une si grande banalité car, afin de trouver les mots pour annoncer, le médecin devra savoir gérer sa propre angoisse, ses propres images de la maladie, sa propre histoire et son propre narcissisme (GRIMALDI et COSSERAT, 2004). Effectivement, si l’annonce d’une mauvaise nouvelle pose tant de problèmes, c’est également parce qu’elle nous renvoie nous, médecins, à nos propres représentations. En effet, si nous décidons d’annoncer ou non une mauvaise nouvelle à tel patient, c’est dans « son intérêt ». Mais comment être assuré qu’il ne s’agisse pas d’une position intime, d’a priori qui sont ainsi défendus ? Il ne s’agit pas ici de l’intérêt du patient en soi, mais de l’idée que nous nous en faisons. Autrement dit de nos représentations, avec ce qu’elles doivent aux mécanismes de projection et d’identification qui tous nous habitent (EVEN, 2000). Il faut garder en tête que les propres projections du médecin sont en jeu au moment et autour de l’annonce, et vont intervenir dans la démarche qu’il va adopter. Or le phénomène projectif peut amener tout soignant à méconnaître ou effacer, de par son intensité, la position et l’avis du soigné. Il faut donc s’en méfier. Ainsi, le médecin, et plus généralement l’ensemble du personnel soignant, est en proie à toute une série d’émotions au moment de l’annonce, puisqu’il est lui aussi confronté à la mort, mort du patient qui le renvoie à sa propre finitude. Il met donc légitimement en place ses propres mécanismes de défense. Il existe des mécanismes de défense auxquels ont fréquemment recours les médecins (RUSZNIEWSKI, 2004) : ► Le mensonge : Il s’agit du mécanisme le plus radical devant l’angoisse du médecin à l’occasion de la révélation de la gravité de la maladie au patient. Mécanisme d’urgence et d’efficacité primaire, il permet de figer le temps en annihilant toute possibilité de dialogue ou de questionnement. Il entrave également tout mécanisme de défense nécessaire à l’adaptation pour le malade. C’est donc le mécanisme de défense le plus dommageable pour ce dernier. Il ne faut pas confondre le mensonge avec le « mensonge par omission » qui est une distillation graduelle des faits au rythme du malade lui permettant ainsi d’intégrer progressivement le diagnostic d’une maladie grave. Dans ce cas de figure, les réponses du médecin s’ajustent aux questions du patient qui évolueront à son rythme. Ex : -Vous avez les résultats de ma biopsie du sein ? -Oui, nous les avons reçu ce matin. -Alors ? -Ils indiquent que ce que vous avez nécessite rapidement un traitement. -Bon…je vois…on commence quand ? -Le temps que vous vous organisiez : disons une journée. Pouvez-vous venir aprèsdemain ? Gwénola GRIMAULT De l’information à l’annonce 87/118 Décembre 06 ► La fuite en avant : Le soignant, soumis à une angoisse imminente, ne peut plus trouver une solution d’attente. Il se libère alors de son fardeau trop lourd, se délivre de son angoisse, de tout son savoir. Cette réaction est souvent déclenchée par une question déroutante du malade, question qui provoque d’abord une sidération chez le médecin, puis entraîne une libération de la vérité crue. Ex : -Docteur, pensez-vous que je doive me soumettre à une nouvelle cure de chimiothérapie ? -Non…je ne crois pas que cela en vaille le peine… Ce mécanisme de défense du soignant entraîne une sidération du malade qui majore son angoisse et annihile tout combat contre sa maladie. Le médecin semble, symboliquement, avoir donné la mort à son malade. Ce dernier est alors privé de cet espoir nécessaire à contrecarrer l’angoisse pour se battre et espérer. ► La rationalisation : Par ce mécanisme, le médecin tente de pallier son dénuement en tenant un discours hermétique et incompréhensible pour le malade. Ce faisant, il instaure un dialogue sans échange en offrant aux questions des malades des réponses toujours plus obscures. Ceci engendre une rupture de communication avec le malade créant un vide, source d’angoisse. Ex : La malade, allongée dans son lit devant le chef de service, le chirurgien, l’interne et le chimiothérapeute : -Vous avez un cancer de l’utérus de 9cm de diamètre qui envahit le petit bassin…Il s’agit d’une infiltration des annexes par contiguïté loco-régionale, due à une expansion néoplasique aux organes voisins avec de probables adénopathies pelviennes profondes… -C’est guérissable, les anomalies pelviennes ? -On verra… Il faut d’abord faire un traitement par chimiothérapie et radiothérapie… ► L’évitement : Il s’agit d’un comportement de fuite réelle ou déguisée que l’on peut observer lorsque le soignant ne supporte pas une demande de présence et de sollicitude, un appel à l’écoute, une requête de communication et de contact. La présence du patient est alors niée et la relation se trouve ainsi privée de tout affect que le soignant estime ne pas être de son ressort. Cela revient à traiter la maladie et non plus le malade. En traitant la maladie sans oser voir le malade, le médecin se protège de la réalité de souffrance psychique et physique du patient. Ce dernier devient une série de courbes, une pancarte de soin, ou pire encore, une expansion du processus néoplasique aux organes voisins avec de probables adénopathies pelviennes profondes par exemple… Toute relation personnelle, directe, chaleureuse et empathique est ainsi évitée : le patient devient un dossier qui, tout en étant thérapeutiquement soigné le mieux du monde, n’a plus le droit à la parole et ne peut plus soigné son mal par les mots (BUTOW et al., 2002). Ex : Le soignant pénètre dans la chambre du malade sans un regard pour lui, il s’intéresse aussitôt au dossier dans lequel il va se plonger sans jamais relever le regard vers le malade. Il s’adresse aux étudiants pour s’informer des troubles du malade, de son appétit, devant un malade parfaitement en mesure de répondre de lui même. ► Parler Médi-français : Parler médi-français, c’est utiliser un registre verbal qui ne peut être compris par le patient, faire de ce dernier un enfant qui ne peut pas comprendre ce que dise les grandes personnes. C’est dialoguer sans dialoguer puisque l’on se sait incompris. C’est offrir au patient une vue détailler, précise et technique totalement incompréhensible de la maladie, tout en gardant l’aura du sorcier qui ne peut être compris mais qui doit être vénéré car lointain et détenteur d’un Savoir non vulgaire. Plutôt que de se cacher du patient Gwénola GRIMAULT De l’information à l’annonce 88/118 Décembre 06 ► La fausse réassurance : Impuissant à contrôler sa propre angoisse et détenteur d’un savoir à propos d’une réalité médicale que le malade commence à soupçonner, le médecin va optimiser les résultats médicaux entretenant ainsi un espoir artificiel chez le malade. Il s’agit d’une échappatoire temporairement efficace. Ce mécanisme maintient le décalage entre la réalité médicale et la progression de la maturité psychique du malade, suspendant ainsi l’accès à une certitude inéluctable. Ex : Le malade de 45 ans en phase terminale d’un cancer bronchique, alité depuis trois semaines, très amaigri, atteint d’une forte dyspnée : -Docteur, je suis traité depuis plus de 6 mois et pourtant je suis de plus en plus faible et incapable du moindre effort…Dites-moi où j’en suis, il faut que je sache… -Ne vous inquiétez donc pas tant…Vous avez bénéficié des meilleurs traitements et vous ne devez pas être si pessimiste…Gardez le moral ! ► L’esquive : Le soignant se sent démuni face à la souffrance psychique. Il ne peut, de ce fait, entrer en relation avec le malade avec lequel il reste en complet déphasage. Le soignant ne ment pas dans ces circonstances, il ne dénigre pas la gravité de la situation dont le patient peut avoir conscience, mais il reste en permanence hors sujet et hors de la réalité environnante, il dévie sans cesse la conversation, fournit des réponses artificielles, sans rapport avec l’angoisse sousjacente. C’est parce que le médecin reconnaît sa propre souffrance dans celle de son patient qu’il a recours à ce mécanisme de défense qui lui permet ainsi d’éluder, aussi longtemps que possible, cette souffrance psychique qui lui fait peur. Ceci peut engendrer un grand sentiment de solitude pour le malade. Ex : La malade de 35 ans avec un cancer du sein métastasé : -J’ai l’impression que les traitements ne sont plus efficaces, Docteur…J’ai peur…Que vont devenir mes enfants ? -Vous avez une fille et un garçon n’est-ce pas ? Je les ai vus hier dans le couloir…Ils sont superbes ! Allez, reposez-vous, je repasserai vous voir demain matin… ► La dérision : Lorsque les faux-fuyants se sont avérés sans efficacité et que le soignant est contraint à un échange minimum, la dérision est un autre comportement de fuite et d’évitement qui désoriente le malade. Cette non-reconnaissance d’une souffrance banalisée confine le patient dans l’angoisse, le silence et un lourd sentiment de solitude tandis qu’elle entraîne de façon concomitante une lassitude et un découragement chez le soignant. Ex : La malade en phase terminale d’un cancer et atteinte d’œdèmes volumineux des jambes : -Regardez mes pauvres jambes : c’est affreux, elles sont pleines d’eau ! L’infirmière : -Allons, allons, ce n’est tout de même pas la mer à boire ! ► La banalisation : Il s’agit d’un mécanisme de distanciation par excellence. Le soignant reconnaît une certaine vérité, mais est partiellement focalisé sur une seule partie du sujet en souffrance. Il traite une maladie avant de traiter un malade car en privilégient la souffrance physique, le soignant occulte la souffrance morale. Le soignant reste dans le geste médical ou de confort de base : réhydrater, administrer un antalgique, offrir la visite d’un kinésithérapeute, etc… Cette situation est intolérable pour le patient car il n’y a pas de rencontre vraie : le malade ne se sent pas entendu. Ex : Immobilisé dans son lit, le malade ne cesse d’appuyer sur sa sonnette. Cette demande peut être le signe d’un besoin : faim, soif, douleur. Mais comment interpréter l’attitude de celui qui décline toute nourriture ou tout antalgique et qui ne cesse d’appuyer sur se sonnette ? Comment Gwénola GRIMAULT De l’information à l’annonce 89/118 Décembre 06 décrypter ce langage de refus lié toujours à une nouvelle plainte ? Comment l’empressement de soignants à le soulager laisse en permanence le malade insatisfait ? Il ne s’agit plus d’une plainte mais d’une complainte, celle de la souffrance no palpable. ► L’identification projective : Ce mécanisme consiste à attribuer à l’autre certains traits de sa personnalité en lui prêtant ses propres sentiments et réactions, pensées et émotions. Il existe alors une véritable symbiose avec le malade qui permet au médecin de croire qu’il sait ce qui est bon pour lui. Pourtant, le soignant partage, de façon illusoire, une souffrance inconnue qui ne sert qu’à se mettre à l’abri de la souffrance du malade. Cette situation enferme le malade dans la certitude du partage de sa souffrance qui le cantonne dans un non-dit d’incompréhension. Ex : L’infirmière a une malade du même âge qu’elle, à laquelle elle s’est totalement identifiée… -Allons, ne vous laissez pas aller ! Il faut que vous vous fassiez belle pour la visite de votre mari ce soir. Et puis, plutôt que dormir, regardez donc la télévision…il faut vous tenir au courant de ce qui se passe dans le monde, sinon de quoi pourrez-vous discuter avec vos visiteurs… ! ► Transfert et contre-transfert : Ce mécanisme, fondamental en psychanalyse, est constant en médecine. Des patients s’attachent à leur médecin, voire le haïssent. Le plus souvent, ils attendent trop de lui : comment ne pas être flatté par cette situation ? Comment résister et ne pas profiter ? Comment ne pas se sentir puissant ? En fait, il semble que ces mécanismes de transfert, ou bien satisfassent le médecin dans son orgueil, ou bien perturbe sa relation soignante : il n’est pas facile de contenter quelqu’un qui attend tout de vous. Tous les soignants ont à composer avec le transfert, qu’ils le veuillent ou non. L’intensité, la nature même du transfert dépendent de la personnalité du patient, mais aussi de celle du médecin : il est plus habituel (et plus facile) d’analyser la personnalité du patient que celle du médecin. Certains soignants sont chaleureux, amicaux : ils peuvent aller jusqu’à une attitude fusionnelle avec leurs patients, au risque de s’y perdre. D’autres apparaissent plus froids, plus distants : ils donnent l’impression d’être observateurs plus qu’acteurs du soin. Ces diverses attitudes médicales constituent autant de modes de contretransfert. Ces mécanismes, on le comprend mieux maintenant, peuvent rendre la communication non fonctionnelle et le discours médical peut alors se colorer d’un langage technique. Tout se passe comme si l’équipe médicale voulait et devait se protéger de ces questions existentielles qui la touche et la perturbe. Le patient se voit « découpé », mis à l’écart d’un dialogue possible. On résume sa maladie à un ensemble de problèmes techniques et scientifiques, et les questions propres à l’humain paraissent mises à part. Les soignants semblent satisfaits car ils ont l’impression de pouvoir travailler de façon plus neutre et plus objective. Néanmoins, cette attitude tend à geler les interrogations du patient et à favoriser leur rejet. Elle amène également les soignants à refouler ou méconnaître leurs propres inquiétudes. D’autres médecins utilisent, afin d’éviter ces situations délicates, un langage métaphorique, des lieux communs ou même se cantonnent au non verbal. Certains se contentent, voire s’enferment dans un discours rempli d’euphémismes et de faux-fuyants qui feront le lit des quiproquos à venir. Ainsi, un tel parlera « d’état pré-cancéreux », un autre de « petit cancer ». Pourtant, l’annonce de la mort ne devrait pas nous surprendre car chacun sait qu’il va mourir. Le taux de mortalité restera constant malgré tous les progrès que pourra réaliser la recherche et il y aura immanquablement un mort par personne. Nous pourrions même dire que nous commençons tous à mourir depuis le jour de notre naissance. Curieusement, l’annonce d’une vérité universelle telle que « notre existence sur terre est limitée et nous allons un jour mourir », prend une acuité particulière au moment de l’annonce et ce savoir quotidien pourtant assimilé devient alors soudainement traumatisant (REICH et al., 2001). En outre, il semble incontestable que l’échec thérapeutique effraie le médecin : « La Gwénola GRIMAULT De l’information à l’annonce 90/118 Décembre 06 médecine a un remède contre tout ». En conséquence, la mort, ou toute dégradation de la condition du patient, est mise sur le compte d’une défaillance du système médical. Passivement, le médecin se laisse encore parer de l’auréole de la toute-puissance… Mais sous cette illusion que tout peut être guérit, apparaît également en filigrane le refus de reconnaître le caractère inéluctable de la mort. Afin de comprendre pourquoi le médecin est si personnellement concerné dès qu’il est question de mort, il faut se pencher sur le contenu et la manière dont est enseignée la médecine. Tout au long de la formation médicale du médecin, l’accent a été mis sur la dimension bioéthique de son métier, au dépend de la dimension affective et relationnelle. Plus ou moins explicitement, on lui a fait comprendre qu’il devait, pour des raisons de sécurité, se conduire en technicien « froid ». Mais rien ne peut empêcher un médecin de souffrir, fut-il chevronné, comme par exemple au moment de l’annonce d’un cancer chez un adolescent. Dans de telles circonstances, la notion de « distance thérapeutique », même si elle reste de rigueur, devient difficile à gérer. Sentiments de tristesse, de frustration et de colère ne sont jamais bien loin. En tout état de cause, si le médecin aimerait bien oublier qu’il peut éventuellement être gravement malade, il ne peut pas oublier que, comme tout un chacun, il est lui aussi mortel. Ces sentiments, communs chez toute personne, interviennent, qu’on le veuille ou non, chez le médecin qui annonce une mauvaise nouvelle. Il semble donc indispensable que le soignant acquiert la capacité de faire retour sur ses propres a priori et projections, qu’il prenne conscience de toute l’importance de son propre « je » de soignant dans la relation à un patient donné. Une telle démarche est délicate et loin d’être spontanée, mais il faut tenter de s’en approcher (EVEN, 2000). Pour cela, il est impératif de se poser des questions telles que : qu’est-ce qui sous-tend l’information du soignant ? Ce ne sont pas toujours des considérations éthiques. Ce peut être ainsi le besoin de se soulager d’un fardeau trop lourd à porter et dont on souhaite se décharger en le partageant avec le patient (ou souvent avec sa famille). L’angoisse de connaître un pronostic péjoratif peut pousser ainsi certains à le dévoiler de manière intempestive, sans tenir compte des souhaits de celui qui va recevoir l’information. Ne s’agit-il pas là d’une solution de facilité que de se débarrasser de la vérité comme d’un encombrant paquet qu’on dépose, sans trop de ménagement, sur le seuil du patient ? Dire la vérité au patient, est-ce accepter l’angoisse que cette scène suscite en nous, ou est-ce plutôt se défaire de ce qui est trop difficile à porter ? Et dans le cas contraire, ne pas dire la vérité, ne pas la dire (ou si peu) à celui dont on se sent si proche, est-ce courageusement garder pour soi l’angoisse qui y est liée, ou est-ce fuir la confrontation, se protéger d’une rencontre où l’on serait amené à parler ? Il est très difficile de trancher, sûrement parce qu’il y a un peu de tout ceci dans nos réactions (EVEN, 2000). L’acte d’information du soignant peut également être sous-tendu par le besoin de soulager le malaise que l’on suppose créer par le déséquilibre des savoirs, dans l’illusion qu’une communication ne peut être bonne que si on partage tout. On peut retrouver ce type de comportement chez les soignants qui s’engagent dans le soin palliatif avec l’illusion d’une communication totale avec le patient (CHASTAING, 1998). Cependant, nous l’avons vu précédemment, ce qui compte n’est pas la transmission de la vérité entière, crue et nue, mais bien celle de la vérité du patient, ce qui est très différent. Il faut donc tenir compte des attentes des deux parties. Il faut certes informer le patient, la loi l’exige, mais l’information relative à l’existence de métastases, de la non réponse du cancer aux traitements, ne répond en aucune façon aux éternelles questions du « quand », du « comment » et du « pourquoi ». Or ce sont ces questions qui préoccupent le patient… et qui nous effraient probablement autant. Gwénola GRIMAULT De l’information à l’annonce 91/118 Décembre 06 La communication de mauvaises nouvelles évoque ainsi chez les médecins la peur d’être désapprouvés pour une telle information, la peur de la surresponsabilité, la peur de leurs réactions émotionnelles, la peur de la mort, qui les renvoie à leur propre mort, et également peutêtre la peur de n’avoir pas les compétences suffisantes en matière de communication. Annoncer une maladie grave ou une rechute, ou encore le stade palliatif, constitue donc une prise de risque pour le médecin, tiraillé entre des obligations légales codifiant la démarche informative, et un souci de l’Autre, le respect de son vis à vis, le patient (et son entourage). En effet, dès lors qu’il y a annonce, « celui qui annonce n’est plus responsable de lui seul, il ne lui suffit plus de s’astreindre aux recommandations des avocats diffusées par les sociétés savantes. Le médecin qui annonce est tout uniment responsable pour lui-même et pour l’autre » (BLET, 2002). Cette prise de risque est source de violence pour chacune des parties. En être conscient permet peutêtre d’en atténuer l’intensité, en tout cas cela permet certainement le développement d’une démarche adaptative, unique, personnelle de l’un à l’autre dans le « creuset de la relation ». L’objectif pour le médecin est d’ouvrir un autre espace psychique pour que la vie soit encore possible, alors même que l’annonce d’une maladie potentiellement létale apparaît comme une impasse psychique car occupée entièrement par la mort. Il s’agit d’un véritable paradoxe mais l’annonce permet cette ouverture puisqu’elle permet au patient de mettre en place ses processus d’ajustement pour survivre à cette expérience traumatique. La relation médecin-malade, et surtout l’annonce d’une mauvaise nouvelle, doit être envisagée comme un cheminement à deux, et non pas comme l’application d’une loi, d’un protocole (BLET, 2002). 3.7 RÔLE ET PLACE DU MÉDECIN GÉNÉRALISTE LORS DE L’ANNONCE « L’article 35 du Code de déontologie, l’arrêt Hédreul puis la loi du 4mars 2002 imposent l’information et laissent à chaque praticien la charge d’en déterminer les limites. Enserré dans cet espace étroit et alourdi du poids de ses propres représentations, le praticien réalise des prouesses oratoires faites de non-dits, silences et dénégations, à moins qu’il ne se réfugie derrière le bouclier irréfutable de la loi : annoncer le diagnostic de la maladie dans le jargon médical, son pronostic et son traitement (garanti par les consensus). Pour en finir et sceller le pacte thérapeutique, il lui suffit de remettre un document écrit au patient qui le signe (méthode conseillée par la SFAR, Société Française d’Anesthésie et Réanimation). Le procédé, qui évince la personnalité du patient, protège le médecin d’un éventuel procès. Ajoutons que, parmi les premiers critères de qualité du dossier médical retenus pour l’accréditation des établissements de soins, figure en bonne place la mise en évidence de l’information du patient sur l’aléa thérapeutique. A suivre cette logique, on est en droit de s’interroger sur la place laissée à la subjectivité du patient… et du médecin, à la place laissée à ce qui les lie de personne à personne et autorise une alliance thérapeutique qui ne soit pas seulement contractuelle » (BLET, 2002). Pour sortir de cette impasse et parvenir à articuler le champ de l’annonce et les impératifs médico-légaux de l’information, il faut envisager les choses de manière différente. Il est capital de ne pas perdre de vue un point essentiel : « dans la communication du savoir on se trouve à côté d’autrui, pas confronté à lui, dans la droiture de l’en face de lui »60. Annoncer au patient une mauvaise nouvelle ne signifie pas le terrasser d’un coup, mais plutôt être à l’écoute et ainsi l’accompagner pas à pas sur le chemin de la vérité en étant le plus juste possible, le plus en accord avec soi-même et au plus proche du patient et de ses souhaits. L’authenticité de la relation, le respect du patient, de sa dignité et l’accompagnement qui en découle permettent une meilleure adaptation à la situation douloureuse que le patient traverse. Quand la 60 Lévinas E. Ethique et infini. Biblio-Essais, p49. Gwénola GRIMAULT De l’information à l’annonce 92/118 Décembre 06 communication avec le patient est authentique, quand on se situe dans une relation de sincérité, il est plus facile pour tous (patient, famille et même soignant) de composer avec l’angoisse et avec les mécanismes de défense (CHASTAING, 1998). Il ne faut pas non plus perdre de vue que la maladie n’est pas une entité « extérieure » au malade, un « mal à extirper » pour rendre le sujet à son bien-être et à son innocence originels. Il faut considérer le malade de façon globale et ne pas oublier que toute affection, notamment de longue durée, comporte un retentissement psychologique et social d’intensité variable et sollicite les ressources du patient afin qu’il puisse y faire face (mécanismes de « coping »). Ces ressources psychologiques, ainsi d’ailleurs que les traits de personnalité du patient, interviennent lors de la relation de soins et contribuent au pronostic de la maladie. Ceci est indéniable, même si leur rôle n’est que secondaire dans la genèse puis l’évolution de cette maladie. Au quotidien, il faut donc garder un regard attentif et être disposé à s’interroger sur ces multiples interactions et sur les liens bidirectionnels qui relient santé physique d’un côté, vie psychique et environnement social de l’autre. Ce regard s’oppose à une réification de la maladie et permet de renouer avec la tradition hippocratique d’une vision élargie de l’individu lié à son environnement : l’homme malade n’est ainsi ni une victime, ni un coupable, artisan éventuel de son malheur, mais un être qui souffre de sa rupture d’homéostasie et de sa différence, et qu’il s’agit d’aider à fonctionner de nouveau au mieux de ses capacités (GRIMALDI et COSSERAT, 2004). S’il y a une personne bien placée pour réussir au mieux cette tâche, c’est bien le médecin de famille, ce médecin généraliste qui suit des familles sur une ou plusieurs générations. Ils n’ont pas disparu et pourraient même voir leur nombre augmenter avec l’instauration du « médecin traitant ». Ces médecins connaissent leurs patients de longue date, en ont même fait naître certains. Dans ces conditions, la survenue d’une maladie grave, voire l’approche d’un décès, sont des évènements qui prennent place dans une trame relationnelle au long cours. Apprendre à un inconnu qu’il est atteint d’une maladie grave peut s’avérer difficile. Mais l’apprendre à quelqu’un que l’on suit depuis vingt ans, dont on soigne les parents et les enfants, ne ressemble en rien à un acte anonyme. L’affectivité du médecin, son parcours de vie personnelle, ses propres angoisses, les liens qui se sont créés avec une personne malade et sa famille, tous ces éléments vont intervenir lors de l’annonce d’une mauvaise nouvelle. Même si, dans la pratique, il est peu fréquent que le médecin généraliste aboutisse seul à un diagnostic (de cancer, par exemple), même si la certitude de ce diagnostic nécessite souvent des examens spécialisés et donc l’intervention de médecins spécialistes, l’annonce du diagnostic incombe souvent au médecin généraliste, plus qu’au spécialiste. A ce moment précis, s’il est possible de parler de « confort » dans de telles circonstances, peut-être est-il moins inconfortable pour un patient de se faire annoncer une nouvelle péjorative par un médecin qu’il connaît bien, par son médecin traitant. Effectivement, celui qui entre dans la maladie entre aussi dans le monde de la médecine, monde dans lequel il devient transparent. Il est soumis à des consultations et à des examens répétés et, bien souvent, rencontre chaque fois un médecin et des équipes techniques différentes. Cette première épreuve est particulièrement difficile et source d’anxiété, même chez les plus solides et les plus détendus. Le patient est d’abord reçu par un externe qui établit les premières observations, pratique l’« interrogatoire », telle une véritable enquête policière. Ensuite intervient l’interne, souvent plus familier, plus chaleureux, prenant davantage le temps d’expliquer tout en demeurant cependant assez évasif car il ne possède aucun pouvoir décisionnel. Enfin c’est le tour du « professeur », du « patron » qui s’exprime souvent peu, de manière scientifique, précise, Gwénola GRIMAULT De l’information à l’annonce 93/118 Décembre 06 concise, un peu laconique, dictant des consignes à l’infirmière ou à l’étudiant présent.. Peu au courant de la hiérarchie médicale, les patients appellent presque toujours « professeurs »ceux qu’ils rencontrent en troisième étape, ceux qui, en principe, décident du traitement. Néanmoins, ce traitement n’est parfois décidé qu’après d’autres examens et d’autres consultations encore, impliquant la rencontre de nouveaux médecins, de telle sorte que, bien souvent, les patients ignorent les noms de ceux qui les ont ainsi reçus. Parfois, ils ne savent même pas qui sera responsable de leur traitement, d’autant plus que le hasard des calendriers et des emplois du temps les amènent parfois à rencontrer, dans un très court laps de temps, des externes, des internes, des chefs de cliniques des assistants voire des « patrons » différents. Tandis que le patient cherche à savoir qui va le soigner, s’il va bien s’entendre avec son médecin et s’il va pouvoir lier avec lui une relation de confiance, tout semble vouloir s’y opposer. Dans ces circonstances, pas question pour le patient de poser la moindre question. Le patient sortira, nanti d’une liste d’examens et de médicaments sans pouvoir rien nommer de ce qui lui arrive, puisque celui qui sait ne lui a pas donné les mots pour le dire (CHICAUD, 1998). Il semble donc indéniable qu’il faille une personne pour refaire le point avec le patient sur ce qu’il sait et a compris de sa maladie, de son traitement, du rythme des consultations et de leurs conclusions, des divers examens complémentaires qu’il a passé et de leurs résultats, de l’organisation du programme des soins ultérieurs, de l’état psychique dans lequel se trouve le patient à tel ou tel moment de sa maladie. Le médecin traitant apparaît comme la personne la mieux placée pour : juger de la capacité de son patient à entendre la « vérité », savoir quand aborder cette vérité, estimer à quelle « dose » donner cette vérité, se faire aider dans sa tâche par les proches du patient, gérer, simultanément, les réactions prévisibles d’un entourage qu’il connaît souvent bien. Par la suite, une fois la mauvaise nouvelle transmise, le médecin de famille peut encore aider son patient, pendant un temps plus ou moins long, à faire le travail d’acceptation de la réalité. Grâce à cette connaissance si affinée de ses patients, le médecin généraliste demeure le personnage proche le plus compétent pour apporter une aide technique, psychologique, voire amicale (GRIMALDI et COSSERAT, 2004). L’acte d’information, désormais codifié, requiert un cadre, une compétence et beaucoup d’attention. La procédure relève du rituel, avec ses représentations (les principes philosophiques), ses actes (la procédure d’information) et ses objets (le bureau de consultation…). Il s’agit d’un rituel de passage qui émancipe le malade du Savoir de l’Autre. Alors qu’il s’adresse au médecin dans une position de non-savoir, associée à une attitude (relative) de soumission / régression, l’information restitue le patient dans une position de savoir et d’autonomie. Dès lors qu’il a été informé, le patient a le pouvoir de décider pour lui-même. Le rituel s’accomplit à l’initiative du médecin et à la discrétion du malade. Il constitue un évènement pour chacun des participants à partir duquel le cours de leur vie et de leurs relations se trouve modifié. La qualité de l’événement tient à la manière dont il se déroule et ne peut être rapportée exclusivement à l’un ou à l’autre des participants. « L’événement est une construction : simple routine qui délivre l’information pour répondre à une loi rédigée dans un climat de méfiance, ou rencontre, traversée par la loi, qui autorise l’annonce d’une mauvaise nouvelle à un sujet qui la redoute ? » (BLET et CARAYON, 2003) Gwénola GRIMAULT De l’information à l’annonce 94/118 Décembre 06 La rencontre où se dévoile l’annonce s’inscrit dans une logique d’accompagnement. Les paroles qui annoncent et accompagnent s’autorisent à une progression adaptée de l’information qui prend en compte le cheminement du patient. Le praticien s’émancipe du discours médical, il retrouve sa « langue maternelle, langue communément parlé et langue du corps, pour le corps ». Les mots et leur grammaire sont vivants, ils s’énoncent au rythme du patient, de ses symptômes, de son cheminement… mais aussi de ses rencontres. L’annonce est une construction élaborée entre le médecin, l’équipe et le patient. Elle respecte le rythme et les défenses du patient (BLET et CARAYON, 2003). Or ce que demande par dessus tout le malade à son médecin n’est pas une réponse précise à ses questions, mais bien que le médecin ne se dérobe pas, qu’il puisse lui permettre de cheminer à son rythme dans l’approche de la vérité. Le praticien doit garder à l’esprit que, dans ces moments dramatiques où la technique médicale rencontre la limite de son efficacité, l’important se situe dans cette prise en compte de ce que ni la science ni le collectif ne donnent les moyens d’appréhender, c’est à dire le soutien de ce qui, jusqu’au bout, restera essentiel pour le patient : ses relations avec ses proches, la manière dont un quotidien est vécu…, ce « désir indestructible », comme le dit J. D. Nasio, qui accompagnera l’homme jusqu’à ses derniers instants, jusqu’à sa mort. Pour un patient, ce sera sans doute en parlant de cette mort que le médecin pourra au mieux être utile. Alors que pour un autre, au contraire, seul le bénéfice du moindre doute laissera à ses pensées un peu d’espace pour exister. Ici, reconnaître ce qui est vivant et continue d’exister, le soutenir en essayant de relancer ce qui, dans la confrontation à un diagnostic ou à un pronostic, risquerait de s’abîmer, pourrait bien constituer une tâche prioritaire pour le médecin, une de ses responsabilités. Le médecin doit en effet être capable, à toutes les étapes de l’information de son patient, de revaloriser ce qui, chez ce dernier, risque, par la maladie, par la prise en charge médicale et par l’information elle-même, d’être fragilisé. Pour être un acte médical au sens plein du terme, la démarche d’information doit donc non seulement être « claire et loyale », mais aussi (plutôt que et) « appropriée » (EVEN, 2000). Gwénola GRIMAULT De l’information à l’annonce 95/118 Décembre 06 4 QUELQUES BASES DE COMMUNICATION 4.1 LES ENJEUX DE LA COMMUNICATION Lorsque l’on est à la faculté de médecine, la valeur de la communication semble être limitée à la qualité des questions précises et structurées susceptibles d’induire des réponses aussi précises que possible de la part d’un patient afin de conduire à un diagnostic correct. Ainsi, le « bon » étudiant ou le « bon » médecin posera toutes les questions nécessaires à la confirmation d’un diagnostic et utilisera la communication comme l’un des nombreux outils techniques à sa disposition pour cerner aussi précisément que possible l’affection spécifique du patient. Dans ce cas, la communication médicale n’est, ni plus ni moins, qu’un outil, au même titre qu’une analyse sanguine, qu’une IRM, qu’un scanner ou qu’une biopsie. Bien entendu, le propos n’est pas de dénigrer l’importance d’une communication structurée, basée sur un savoir médical absolument nécessaire à l’élaboration d’un diagnostic différentiel précis. Sans cette base de communication, le médecin serait en effet incapable de proposer des solutions thérapeutiques appropriées. Cependant, la communication entre médecin et patient ne peut et ne doit pas être réduite à cette dimension technique : la communication médecin-malade fait partie de l’arsenal thérapeutique (JENKINS and FALLOWFIELD, 2002 ; FALLOWFIELD et al., 2002). Toutefois, la communication avec les patients n’est pas toujours aisée, en particulier dans les situations de crise qui entourent les différentes étapes des maladies chroniques invalidantes, des maladies cancéreuses, des situations de fin de vie… Soigner un patient, c’est non seulement prendre les meilleures décisions thérapeutiques, mais aussi communiquer le mieux possible avec ce patient et ses proches : écouter, comprendre, s’adapter aux besoins, mettre en confiance, conforter tout en expliquant simplement… autant de techniques de communication que l’on doit posséder afin de soigner aussi les maux par les mots. Dans le climat social qui a cours actuellement, l’image de marque d’un professionnel de santé dépend en bonne partie de son aptitude à trouver les mots pour parler des problèmes délicats. On observe néanmoins encore trop fréquemment des patients qui, restés sur leur faim après des explications trop sommaires du médecin, ou bien n’en ayant pas saisi le sens, consultent d’autres sources d’information telles que : des bribes de conversations échangées entre soignants ou entre un soignant et un proche du patient, des informations générales trouvées dans un livret d’information, un dictionnaire ou autre ouvrage de médecine, les pages médicales d’un journal, des informations involontaires à travers l’intonation d’un mot ou d’une phrase, le comportement ou le visage d’un interlocuteur, un commentaire de brancardier, des informations indirectes du comportement de l’entourage qui fuit ou se rapproche, rend une visite inattendue, élude des questions sur l’avenir ou, au contraire, soulève des questions subalternes. sans oublier enfin les symptômes du patient, ce qu’il voit ou observe sur lui-même, une déformation, un handicap qui se corrige ou s’accentue, un déplacement dans un service de réanimation de l’hôpital… Gwénola GRIMAULT De l’information à l’annonce 96/118 Décembre 06 Ces sources sont suffisamment nombreuses pour qu’un patient souhaitant certains renseignements n’ait finalement aucun mal à se les procurer. Cependant, ceci n’entre en jeu que dans la mesure où l’information du patient par le médecin n’a pas été suffisante ou lorsqu’elle a été donnée de façon maladroite et inappropriée. Un dictionnaire médical n’est consulté que si le malade n’est pas satisfait et ceci ne devrait pas exister (HOERNI et BENEZECH, 1994). Chercher à améliorer les performances des professionnels de santé en matière de communication de mauvaises nouvelles semble donc être un but fondé. Afin d’y parvenir, il faut envisager deux objectifs essentiels. Le premier objectif consiste à aider le médecin à prendre conscience de l’importance thérapeutique de l’outil communication. Le second objectif propose la découverte de techniques de communication reconnue pour favoriser leur utilisation. Même s’il n’existe aucune méthode infaillible, on peut néanmoins espérer mettre le praticien plus à l’aise face à ces situations si difficiles, et ainsi réduire le taux d’échec. Cependant, il ne faudra pas perdre de vue le sens premier du mot « communication ». Sur le plan théorique, si l’information se fait en sens unique, la communication s’effectue, elle, dans les deux sens, malade-médecin et médecin-malade, et aboutit à une relation, sans préjuger de la qualité de cette relation. En réalité, on sait pertinemment que c’est habituellement la communication médecin-malade qui est privilégiée, et ce dans le sens allant du médecin vers le malade. Il est donc très aisé pour le médecin de penser que, par le biais du concept de communication, il acquiert de nouveaux outils pour, par exemple, mieux expliquer son point de vue aux patients et, d’une certaine façon, augmenter son « pouvoir » sur eux… Telle qu’elle est le plus souvent abordée en médecine, la notion de communication paraît centrée sur le médecin, comme s’il était essentiel (c’est d’ailleurs essentiel) que le patient comprenne bien ce qu’on lui communique, et qu’il puisse, de cette façon, se conduire de façon obéissante. Le rôle du patient, dans les processus de communication, est en général moins développé que celui du médecin, comme s’il était secondaire. Au contraire, nous essaierons de démontrer que chacun des protagonistes, ainsi que ce qui se passe entre eux-deux au moment de l’annonce, a de l’importance car interfère dans la communication. La relation médecin-malade est, en bonne partie, conditionnée par les attitudes adoptées par le patient face à sa maladie et par les réactions que de telles attitudes induisent chez le praticien, ne l’oublions pas. Enfin, rappelons que, même si la loi astreint le corps médical à bien faire son travail, la peur de poursuites judiciaires ne devrait pas être la seule raison de vouloir s’acquitter convenablement de sa tâche. L’information est un devoir du médecin envers ses patients, nous ne reviendrons pas sur ce point. Néanmoins, le débat se déplace peu à peu de la question de l’opportunité de la communiquer vers celle de l’art et la manière de la dire ou celle, plus fondamentale encore, des moyens de transmettre cette information, l’accent étant mis sur l’indispensable dialogue entre médecin et patient. Le travail bien fait sera toujours source de satisfaction. En son absence, l’obligation de s’occuper de malades atteints de maladies incurables pendant de nombreuses années lasse le médecin. Celui qui parvient à bien fonctionner en dépit des mauvaises nouvelles qu’il doit communiquer aura la force de poursuivre sa carrière (BUCKMAN, 1994). Gwénola GRIMAULT De l’information à l’annonce 97/118 Décembre 06 4.2 TECHNIQUES DE COMMUNICATION INTERPESONNELLE Maintenant établi l’intérêt thérapeutique de l’instrument-communication dans la relation de soin, abordons les outils de communication dont nous disposons pour améliorer la relation avec les patients (CHARPENTIER et al., 1997). 4.2.1 L’EMPATHIE Même s’il ne s’agit pas d’une véritable technique de communication, il semble indispensable de rappeler ce qu’est l’empathie. La relation de soin est fondamentalement une relation inégalitaire, puisqu’elle met généralement en présence un sujet souffrant, physiquement et / ou moralement plus ou moins démuni face à ses problèmes de santé, et un professionnel de santé, généralement bien portant, doté d’un savoir et de compétences qui lui assurent un pouvoir sur le patient. Faire du patient un « partenaire de soins » à part entière, le responsabiliser, contractualiser les objectifs thérapeutiques, ne réduiront jamais totalement une telle inégalité de base. Une attitude empathique du médecin suppose une aptitude à s’intéresser à la personne de son patient autrement que comme un « cas clinique », et à pouvoir percevoir ce que le patient ressent face à ses problèmes de santé, en fonction de son histoire personnelle et des particularités de son environnement familial et social. Cela n’a rien à voir avec l’apitoiement, et si l’on peut parler de « compassion », c’est au sens de partage d’une palette de sentiments. Cela n’est pas non plus synonyme d’une identification sans nuances, qui ferait perdre au médecin sa clairvoyance, en raison de l’anxiété ou du découragement ressentis en place et lieu du patient. En outre, il est loin d’être évident que l’utilisation, par des médecins, d’allusion à leur vie personnelle face à certains de leurs patients, ait réellement des effets rassurants (« moi aussi. Ou telle personne de ma famille aussi, avons eu votre même maladie, etc… »). Il n’en est pas de même si le médecin se contente de dire « ce traitement que je vous propose, c’est celui que je proposerais aux proches qui me sont les plus chers, à mon père, à mon conjoint, à mon enfant », car dans ce cas, les propos médicaux assurent le patient de l’existence d’un lien affectif et montent que la proposition thérapeutique a été mûrement réfléchie et n’a pas été plaquée, de manière abstraite et anonyme, comme une simple application de l’enseignement universitaire. 4.2.2 L’ÉCOUTE ACTIVE C’est l’une des techniques de communication les plus difficiles à mettre en œuvre car on est souvent trop centré sur soi-même, il est difficile de se substituer à l’autre pour ressentir ses impressions et comprendre ses comportements, et enfin car on a parfois tendance à vouloir interpréter les propos de l’interlocuteur avant même qu’il ait expliqué sa situation. Elle reflète l’aptitude du médecin à facilité la communication. L’écoute active se résume en quelques points qu’il est nécessaire de respecter pour optimiser les résultats : Prendre une attitude d’accueil et d’ouverture en adoptant une attitude physique favorable (sourire, attention soutenue du regard, bras ouverts le long du corps, jambes détendues…), et en prenant garde de laisser l’autre commencer, pour le mettre en confiance et le rassurer. Gwénola GRIMAULT De l’information à l’annonce 98/118 Décembre 06 S’intéresser à la personne en tant qu’individu à part entière avec ses motivations, ses préoccupations… Ecouter activement ses premiers mots, s’intéresser à la manière dont elle pose le problème pour discerner, dans un premier temps, les grands axes de la situation et la psychologie de l’interlocuteur. Prendre compte notamment de son langage, du ton de sa voix, de sa gestuelle… Respecter l’autre en lui manifestant de la considération. Cela consiste à prendre quelques instants au début du dialogue pour obtenir quelques renseignements sur son état actuel, sur les changements depuis la dernière entrevue, ce qui crée ainsi un climat de confiance favorable à l’entretien. Ne pas chercher à montrer que l’on est perspicace. Le patient a besoin d’être rassuré et, pour cela, il faut dans un premier temps l’écouter pour bien identifier ses motivations et y répondre le plus judicieusement possible. Seule une découverte bien faite et structurée permet de faire un diagnostic. Ecouter son interlocuteur sans a priori même si la tâche est loin d’être évidente. Le physique et le comportement de l’individu conditionnent des jugements souvent trop hâtifs et, même si ces derniers peuvent se révéler justes, ils sont souvent incomplets. Admettre l’opinion de l’autre, accepter le patient tel qu’il est pour ainsi témoigner d’une certaine ouverture d’esprit et établir une relation adulte-adulte. Ainsi, par exemple, lorsque je suis réellement à l’écoute, je respecte les silences entre les phrase du patient en évitant d’avancer des solutions ou des idées trop rapidement, je suis tournée vers lui, je suis disponible et je ne profite pas de cet instant pour ranger mon bureau ou mes dossiers, ni pour travailler sur mon ordinateur. De cette manière le patient se sait écouté, il peut parler sans être interrompu et ainsi aller jusqu’au bout de ses idées, se dévoiler davantage que ce qu’il n’avait prévu initialement, il se sent à l’aise et valorisé. 4.2.3 LE QUESTIONNEMENT Poser une question est une tâche apparemment simple, mais le type de questions posés conditionne bien souvent les réponses. Ainsi, les techniques de questionnement sont de formidables atouts. Il existe cinq principaux types de questions : ► La question fermée : Recherchant un fait, un état des lieux, elle est utilisée pour obtenir rapidement une réponse brève et précise. Elle peut cependant passer à côté d’informations intéressantes que l’on aurait pu obtenir. En outre, elle ne donne pas la parole au patient, surtout en ce qui concerne son interprétation personnelle de la situation ou ses sentiments. Il ne faut pas l’utiliser de manière trop répétitive pour éviter l’interrogatoire. Elle est surtout utilisée pour la constitution du dossier médicale. Ex : Où se situe votre douleur ? ► La question ouverte : A la recherche d’une opinion ou d’un point de vue, elle s’utilise pour avoir les informations détaillées d’une situation et pour mettre en confiance l’interlocuteur. Elle laisse le patient libre d répondre comme il l’entend et permet ainsi de cerner progressivement des réactions non évidentes d’emblée. Il est cependant préférable d’identifier au préalable le débit du patient car une question ouverte peut entraîner un discours sans fin. Ex : Pourquoi êtes-vous réticent à ce médicament ? Gwénola GRIMAULT De l’information à l’annonce 99/118 Décembre 06 ► La question suggestive ou orientée : Elle permet de suggérer des idées à l’interlocuteur et donne une option très précise : elle conforte donc le médecin dans sa stratégie. Ce type de question permet ainsi de faire progresser l’entretien puisqu’on découvre l’autre peu à peu, en lui proposant des solutions et en avançant des arguments. Une question judicieusement posée induit la réponse et l’interlocuteur donne rapidement son avis, il approuve ou désapprouve. Ce type de question reste néanmoins une affirmation déguisée, même si elle est posée sur le ton interrogatif. Il faut donc s’en méfier car elle peut susciter l’animosité du patient. Ex : Avez-vous déjà songé à faire des examens complémentaires ? Vous ne pensez pas que… ? ► La contre-question : Elle est particulièrement tactique puisqu’elle permet de répondre à une question que l’on souhaite éviter, momentanément, par une autre question. La contre-question permet au médecin de recueillir des informations avant de répondre à la question que son interlocuteur lui a posé. Le médecin peut alors reprendre l’initiative et la maîtrise du dialogue après la réponse du patient, diminuant ainsi d’éventuelles objections par les précisions obtenues. Il ne faut cependant pas l’utiliser trop souvent car le patient s’en rendra compte et pourra l’interpréter comme une esquive, responsable d’une certaine frustration. Ex :Patient : Pensez-vous que ce traitement a été efficace ? Médecin : Et vous-même, qu’en pensez-vous ? ► La question alternative : Elle consiste à offrir un choix entre deux possibilités. Le patient prendra rapidement une décision ente les deux possibilités qu’on lui propose. Il peut également émettre une troisième possibilité ou refuser les deux premières alternatives. Ex : Préférez-vous ce médicament en comprimés ou en sachets ? 4.2.4 PARLER POUR SE FAIRE COMPRENDRE Pour se faire comprendre, il faut dans un premier temps parler positivement. C’est fondamental pour la psychologie du patient. Il existe ainsi certaines règles de base : Utiliser des termes sécurisants : « c’est bien », « la forme », « le tonus », « la santé », « ça ira », « rétablir »… Eviter les mots noirs : « grave » Privilégier le temps présent et bannir le conditionnel qui engendre le doute. Eliminer les expressions vagues : « j’ai entendu dire que », « ça devrait aller »… Etre concret dans son discours : « où avez-vous mal exactement ? », « de quand date votre dernier traitement ?é, « vous allez prendre ce médicament en deux prises au cours des deux principaux repas » Illustrer les propos d’exemples : « il est important que vous fassiez le vaccin hépatite B, êtes-vous au courant du reculs du nombre d’hépatites B depuis le début de l’année ? »… Parler distinctement pour se faire entendre et donc se faire comprendre. Utiliser un vocabulaire adapté au patient. Gwénola GRIMAULT De l’information à l’annonce 100/118 Décembre 06 4.2.5 LES ATTITUDES DE PORTER Dans toute communication en face à face, entre deux personnes, il y a un émetteur A et un récepteur B. Les recherches sur les relations entre individus ont montré que la façon de parler, de bouger, de se comporter …de A face à B a une influence sur la réaction et l’attitude de B. C’est cette réaction qui nous « bloque » parfois. Il se peut donc que ce blocage vienne, en fait, de notre propre attitude envers autrui. La prise de conscience de nos réactions spontanées peut ainsi améliorer notre propre expression. PORTER E. H. (psychologue) a mis au point une typologie de 7 attitudes appelées : « les attitudes de PORTER » On distingue ainsi : ► Les attitudes qui bloquent la communication : L’attitude d’évaluation : Elle consiste à porter un jugement en se référant à des normes et à des valeurs. C’est un conseil moral ou moralisant pour mettre en garde, approuver ou désapprouver et inviter son interlocuteur à penser de telle ou telle manière. Cette attitude provoque chez l’autre un sensation d’inégalité morale car il se sent jugé. Les réactions peuvent être diverses : culpabilité, angoisse, révolte, dissimulation… L’attitude d’interprétation : Elle consiste à traduire, à votre façon, avec vos propres critères, les idées ou les comportements de l’interlocuteur, pour en fournir une véritable explication. Les réactions face à ce type d’attitude sont l’incompréhension, l’étonnement, le désintérêt ou l’irritation. ► L’attitude neutre : L’attitude de constat : Elle est fondamentale pour établir une véritable communication entre le patient et le médecin. Elle consiste à reprendre les informations sur le patient pour les valider. ► Les attitudes qui favorisent la communication : L’attitude de support (aide) : Elle consiste à soutenir le patient tout en dédramatisant la situation. Dans certains cas, cela peut induire une attitude paternaliste. Cette réponse provoque chez l’autre le désir de conserver une bonne relation et la bienveillance. Cela peut entraîner une certaine dépendance du patient face au médecin ou le refus d’être pris en pitié. L’attitude d’écoute : Elle consiste à réellement essayer de comprendre le patient en faisant abstraction de vous-même et reflète un effort pour s’introduire sincèrement dans la pensée de l’autre. Cet effort clarifie l’essentiel de ce qui a été dit pour respecter l’interlocuteur et lui manifester une considération réelle. Le choix de cette attitude entraîne l’autre à s’exprimer davantage puisqu’il a la preuve d’être écouté sans préjugé. Il est ainsi incité à mieux accepter et comprendre ce que vous, vous avez envie de dire, ce qui minimise ainsi son comportement défensif. L’attitude d’enquête (investigation) : Elle a pour objectif d’obtenir des compléments d’informations de l’autre par les techniques de questionnement. Les questions montrent au patient qu’il n’a pas fait complètement le tour de la question et que vous pouvez encore compléter et affiner le diagnostic. Ce type d’attitude peut cependant transformer la relation en interrogatoire ou provoquer des réactions hostiles. Il est donc préférable d’alterner les différents types de questions (fermées, ouvertes, alternatives…) L’attitude de conseil (solution immédiate) : Elle consiste à se mettre à la place du patient pour lui indiquer ce qu’il doit faire. Cette substitution est la base du métier de médecin et c’est ce que recherche le patient en venant consulter. Néanmoins, cette attitude engendre un dialogue plutôt directif, même s’il permet de donner des solutions immédiates à l’interlocuteur. Gwénola GRIMAULT De l’information à l’annonce 101/118 Décembre 06 4.2.6 LA REFORMULATION La reformulation est une technique de communication interpersonnelle qui permet de montrer à son interlocuteur que l’on comprend bien ce qu’il dit, plus exactement ce qu’il ressent, sans interpréter ni juger ses propos. L’utilité de l’emploi de cette technique réside dans le fait que le patient se sent écouté, ressentant chez le médecin une attitude empathique. Il aura ainsi tendance à s’exprimer plus librement et à révéler tout doucement la manière dont il vit une situation, et pas seulement les éléments objectifs de cette situation. Cette technique, développée par Carl ROGERS, consiste à renvoyer à l’interlocuteur une « image » de ce qu’il ressent sans pouvoir ou sans vouloir l’admettre. En pratique, cela revient à: redire en d’autres termes et d’une manière plus concise, ou plus explicite, ce que le patient vient d’exprimer, de telle sorte que celui-ci soit d’accord avec vos propos, ne rien introduire de différent, reprendre uniquement le point de vue de l’interlocuteur et en comprendre la signification, s’assurer que le patient se reconnaît et que vous êtes sur la même voie. De cette manière, une fois la reformulation acceptée par le patient, ce dernier peut poursuivre son discours et ainsi de suite. Pour « réussir » ses reformulations, il faut : ne pas poser de question parler sur le ton de la constatation ne pas laisser paraître votre propre sentiment, ni verbalement, ni gestuellement ne pas s’impliquer dans la problématique de l’interlocuteur et le laisser gérer sa propre situation considérer le patient dans un rapport humain d’égal à égal. Il existe 4 formes de reformulation (du plus simple au plus compliqué) : ► La reformulation Acquiescement : C’est la plus simple des reformulations qui consiste à approuver ce que dit l’interlocuteur, par des expressions simples (oui…, je comprends…, bien sûr…, tout à fait…) ou par une gestuelle qui montre votre disponibilité (signe de tête, regard dans les yeux, bras ouverts…). Elle est très utile en début d’entretien pour créer un climat de disponibilité physique et intellectuelle. ► La reformulation Echo : Cela consiste à répéter les deux ou trois derniers mots prononcés par le patient avec une tonalité neutre, sans poser de questions. Se sentant écouté, le patient aura tendance à développer son point de vue. Il ne faut cependant pas en abuser car elle ne démontre pas un réel effort de compréhension. ► La reformulation Reflet : Elle consiste à paraphraser le patient et reprendre la ou les idées exprimées en les reformulant d’une manière telle qu’il puisse les reconnaître surtout pour les significations qu’il leur donne. Par là, le médecin lui montre qu’il a pensé avec lui et pas seulement à lui. Elle s’introduit par « ainsi, selon vous… », « vous voulez dire que… », « en d’autres termes… », « à votre avis, donc… ». Gwénola GRIMAULT De l’information à l’annonce 102/118 Décembre 06 ► La reformulation Précision : Elle consiste à mettre en lumière et à renvoyer sur le patient le sens même de ce qu’il a dit. C’est l’aspect le plus difficile de la reformulation car le risque est d’interpréter. La clarification doit rester au niveau de l’essentiel : le médecin doit activer son intuition, sa capacité à tirer au clair ce que l’interlocuteur dit souvent d’une manière confuse et inorganisée. Exemple : Le patient : « Docteur, je viens vous voir par acquis de conscience mais je sais déjà ce que j’ai et de toute façon personne n’y peut rien. Cela fait des années que ça dure. » ->Acquiescement : signe de tête approbatif, « oui », « je comprends » ->Echo : « des années » (et silence) ->Reflet : « vous avez le sentiment que personne ne peut vous aider » ->Précision : « vous voulez dire que vous souhaitez me faire part de votre cas particulier » ->Réaction typiquement négative du médecin : « pourquoi venez-vous me voir alors ? » En conclusion, la reformulation n’est pas la pure et simple répétition des paroles du patient. Il s’agit d’une attitude globale spécifique à l’égard de l’autre qualifiée d’attitude empathique. Cette dernière se caractérise par : -la disponibilité à l’égard d’autrui, -l’attention concentrée sur ce qu’il éprouve, -l’attitude de compréhension de ce qu’il exprime. 4.2.7 LA COMMUNICATION NON-VERBALE La communication non-verbale accompagne souvent la communication verbale mais peut aussi s’exprimer sans communication verbale, peut soutenir le silence ou le refus de communiquer mais surtout se manifeste le plus souvent sans que l’on s’en rende compte, notamment par la gestuelle (ensemble des postures, des gestes et des mimiques), mais aussi le ton de la voix, l’habillement, le choix des couleurs…. Tout ceci communique des informations conscientes ou inconscientes que le médecin a intérêt à capter pour comprendre ce qui n’est pas dit verbalement, et ainsi ajuster son propre comportement et favoriser l’échange. Ainsi, par exemple, la posture de la tête, des bras, voire même des mains, reflètent le vécu psychologique profond de l’individu face à une situation. Les postures évoluent constamment en fonction de l’évolution de l’état d’esprit de l’individu, même si nous avons tous des postures fétiches ou refuges qui révèlent la façon dont nous réagissons spontanément à une tension et qui dépendent des traits dominants de notre personnalité. Ex : La tête inclinée sur le côté est un signe d’ouverture, d’écoute attentive. Gwénola GRIMAULT De l’information à l’annonce 103/118 Décembre 06 4.2.8 LA TECHNIQUE DU SILENCE La technique du silence est un procédé de communication qu’il est utile d’appliquer dans deux cas précis. ► Pour faire « maturer » le patient : Lorsque vous souhaitez faire passer une notion, une idée, un conseil, une solution importante et lui donner tout son poids dans l’oreille de votre patient, vous pouvez vous taire après l’annonce de cette notion. Cela permet à l’interlocuteur de bien l’intégrer, voire d’y réfléchir. Vous permettez une remise en cause interne. ►Pour obtenir l’expression de votre patient quelle qu’elle soit : Par exemple, suite à l’annonce d’une décision grave et irréversible, il est essentiel de savoir comment réagit le patient, de lui faire exprimer son vécu psychologique afin de pouvoir adopter ensuite une attitude appropriée. Utiliser le silence après l’annonce d’une telle décision permet d’obtenir une expression quelle qu’elle soit sans l’orienter, et permet surtout de ne pas passer à autre chose. 4.3 « PROTOCOLE » D’ANNONCE EN 6 ETAPES Même si l’entretien médical s’appuie sur certaines normes d’échange quotidien (les bases de communication décrites précédemment sont évidemment valables dans la vie quotidienne comme pour l’entretien médical d’annonce), la relation médicale n’est en rien une conversation courante. Ce qui se joue au moment de l’annonce d’une nouvelle, et en particulier dans le cas d’une mauvaise nouvelle, est lourd d’émotions, de sentiments, de conséquences et le médecin ne peut et surtout ne doit pas le prendre à la légère. Même s’il semble indispensable que le patient soit le plus à l’aise possible, le médecin ne doit pas oublier pour autant d’être rigoureux, structuré tout en restant à l’écoute. Pour ce faire, tentons de décrire un protocole dont les diverses étapes pourront servir de guide au médecin traitant (BUCKMAN, 1994). 4.3.1 ETAPE N°1 : LES PRÉLIMINAIRES Le contexte « physique » dans lequel se déroule l’entretien d’annonce est fondamental. Planter le décor, c’est essayer d’obtenir les conditions matérielles optimales pour avoir une discussion aussi longue que le patient le souhaite sans risque d’être interrompu et dans un endroit où il pourra s’exprimer aussi librement que possible. Ainsi, dans un premier temps, même si cela semble évident, il faut néanmoins rappeler que l’entretien doit impérativement se faire de vive voix, sauf empêchement majeur. Des choses si graves et importantes que la vie et la mort ne peuvent se discuter par téléphone ou courrier. En outre, nous avons vu que la communication non-verbale avait une place importante : le face à face reste donc capital. Gwénola GRIMAULT De l’information à l’annonce 104/118 Décembre 06 Le choix du lieu est également très important. On choisira une pièce calme et confidentielle où l’on pourra discuter en toute tranquillité sans être dérangé. On pourra même aller chercher le patient pour le conduire dans cet endroit. Il faut aussi prévoir des sièges et si on ne peut pas s’asseoir, on se rapprochera suffisamment du patient tout en prenant une attitude montrant qu’on ne va pas partir immédiatement, qu’on est disponible. Si l’on vient d’examiner le patient, ce dernier sera mis en situation égalitaire (en position assise, au même niveau que nous) et digne (habillé). Il faudra encore demander poliment aux éventuelles personnes accompagnant le patient de s’identifier et on demandera au patient s’il désire que ces personnes restent et assistent à l’entretien. On veillera également à ne pas être dérangé de manière impromptue par des interférences extérieures telles que le téléphone, un bip ou quelqu’un qui frappe à la porte au cours de l’entretien. Enfin, après les formules de politesse, après s’être assuré que le patient est bien installé, on essaiera d’évaluer l’état psychologique dans lequel se trouve le patient en posant par exemple des questions telles que : « Comment vous sentez-vous en ce moment ? », « Vous sentez-vous assez bien pour parler aujourd’hui ? ». En effet, le moment est peut-être mal venu pour annoncer une mauvaise nouvelle. 4.3.2 ETAPE N°2 : QUE SAIT DÉJA LE PATIENT ? Comme nous l’avons évoqué plus haut, le patient ne retient jamais la totalité des informations qui lui sont données. Il faudra donc toujours déterminer où en est le patient, ce qu’il a retenu, ce qu’il a appris… aussi bien sur la maladie, sa gravité et son impact sur sa vie. On fera particulièrement attention à la façon dont le patient s’exprime et aux termes qu’il choisit d’utiliser : parle-t-il de cancer, de tumeur, de boule, de problème ? Les techniques de reformulation-acquiescement ou écho faciliteront l’expression du patient. Il sera également important d’observer le patient afin de noter toute incongruence entre son discours et son attitude ou sa gestuelle (par exemple le patient qui se dit confiant sur l’avenir et se tord les mains d’angoisse). 4.3.3 ETAPE N°3 : QUE VEUT SAVOIR LE PATIENT ? Le patient désire-t-il connaître ou non la vérité. Poser directement la question au patient pose deux problèmes : en la posant on « vend la mèche », on avoue qu’il s’agit d’un problème sérieux d’une part, et on déroge également à l’impératif de l’honnêteté. En fait, ce qui importe est de déterminer à quel niveau de profondeur le patient souhaite obtenir l’information, dans quelle mesure il souhaite connaître les détails. C’est au cours de cette étape que nous cédons un peu du contrôle de l’entretien au patient puisque c’est lui qui nous guidera par son attitude, ses réactions, ses questions. Gwénola GRIMAULT De l’information à l’annonce 105/118 Décembre 06 4.3.4 ETAPE N°4 : LA COMMUNICATION D’INFORMATIONS Il s’agit de délivrer l’information au patient et ensuite de discuter en fonction des réactions et questions de ce dernier. Mais avant toute chose, le soignant doit déterminer quels sont ses objectifs à atteindre en fin d’entretien de façon précise. Il existe quatre objectifs fondamentaux : le diagnostic, le traitement, le pronostic et le soutien. Il n’est pas forcément indispensable de révéler son plan d’action au patient, mais il faut cependant en avoir un, fut-il sommaire afin d’avoir un discours clair, structuré et cohérent. Une fois déterminés ces objectifs, il faut ensuite toujours partir de ce que sait le patient, s’aligner dans un premier temps sur sa position en reprenant les mots qu’il a employé pour s’en servir comme point de départ à la présentation des informations pertinentes. On parle dans ce cas d’alignement. Il faudra ensuite opérer un rapprochement entre le point de vue du patient et les faits médicaux dont on a connaissance. Il existe pour cela quelques règles facilitant la tâche. Pour commencer, il ne faut donner l’information que de manière progressive, par petits bouts digérables, en vérifiant à chaque fois que le patient a bien compris. Le mieux est de délivrer une information simple, claire et sincère qui soit à la fois utile et supportable pour le malade. On pourra alors revenir brièvement sur l’historique de la maladie en rappelant ce qui s’est passé jusqu’à présent, la symptomatologie, les différents examens complémentaires réalisés ainsi que leurs résultats et s’appuyer sur ce constat des faits pour poursuivre. Il faudra ensuite utiliser du langage de tous les jours et non pas du jargon médical afin que le patient ne se sente pas exclu ou qu’il n’y ait pas d’erreurs de compréhension. En effet, certains mots n’ont pas le même sens dans la vie quotidienne et dans le jargon médical (ex : « morbide »). Le but de l’entretien étant de transmettre un message à l’autre, il faut donc être compris. En outre, le contrôle fréquent de la compréhension permettra de vérifier que le message transmis est effectivement bien reçu. A-t-on été compris ou reste-t-il encore des zones d’ombre qui nécessitent des explications ? A-t-on donné suffisamment de détails ou le patient souhaiterait-il aller encore plus au fond des choses ? Telles sont les questions qui nous permettront de vérifier que nous sommes bien en phase avec le patient. Cela rendra également possible le découpage de l’information en petits bouts assimilables. Le patient comprendra ainsi que le médecin s’intéresse à sa compréhension, l’autorise à poser des questions comme à exprimer ses sentiments. Si l’on n’est pas sûr de la bonne compréhension du patient ou si l’on dépiste des fléchissements de l’attention, on pourra utiliser plusieurs outils de pédagogie afin de la renforcer. L’élucidation constitue un bon moyen de s’assurer que le médecin et le patient donnent le même sens aux mots en demandant au patient de reformuler à sa manière ce qui vient d’être dit. La reformulation peut également être effectuée par le soignant lui-même. Ce dernier clarifie ainsi le discours en marquant des étapes intermédiaires ponctuées de petits récapitulatifs. La répétition représente également un excellent instrument. Effectivement, beaucoup de personnes ont du mal à retenir les informations, surtout lorsqu’elles portent sur un sujet sérieux ou quand le patient cherche à nier la vérité. Ceci est normal et il faut faire déculpabiliser le patient. Le dernier outils intéressant à utiliser comprend les dessins, annotations que le médecin peut faire concernant la maladie, les étapes du traitement. Ces derniers permettent au patient de visualiser les choses mais également de conserver une trace qui leur permettra ensuite de continuer à réfléchir à ce qui vient d’être dit, à se poser d’autres questions qu’il pourra évoquer lors du prochain entretien. Gwénola GRIMAULT De l’information à l’annonce 106/118 Décembre 06 Enfin, il est capital de prendre en compte les soucis du patient. Le médecin doit, en même temps qu’il présente les informations, se mettre à l’écoute du patient et l’amener à exprimer sa propre hiérarchie de préoccupations. Il doit guetter la question dissimulée (par exemple la question posée pendant que le médecin parle) et se laisser diriger (o croit parfois que l’entretien se termine quand le patient relance le débat). Il faut donc accorder son plan de discussion avec les préoccupations du patient, réaliser une sorte d’accordage entre les préoccupations du patient et les objectifs qu’on s’était fixé pour l’entretien. 4.3.5 ETAPE N°5 : RÉPONDRE AUX SENTIMENTS DU PATIENT Tout au long de l’entretien, nous avons pu cerner un peu mieux les motivations, intérêts et soucis du patient en lui posant des questions qui le poussent à aller plus loin dans ses explications : « Je comprends votre question, mais dites-moi ce qui vous inquiète vraiment ? », « Je vais vous répondre tout de suite, mais j’aimerai vous demander ce qui motive votre question… ». Ces questions d’exploration aident le patient à mieux s’exprimer, à mettre d’autres mots, d’autres expressions, d’autres images sur ce qui le préoccupe profondément. On pourra s’aider de quelques techniques pour aider le patient à verbaliser ce qu’il ressent. Ainsi, on peut paraphraser ses dires, ce qui renvoie au patient le sentiment d’avoir été compris et le pousse à poursuivre dans cette voie : « Si je vous comprends bien, ce qui vous inquiète est d’avoir trop de souffrance », « Autrement dit, vous avez peur d’être un fardeau pour vos proches ».. Identifier et légitimer les réactions du patient est capital car on autorise, par ce moyen, le patient à s’exprimer encore davantage. Cela demande évidemment une concentration sans faille. La prise en compte des réactions émotionnelles par le dire permettra également la ventilation et l’apaisement des différentes émotions. Etre à l’écoute des spécificités émotionnelles et cognitives du patient, légitimer ses émotions et ses modes de réactions faciliteront ainsi la relation empathique du médecin. On parle parfois de renforcement pour qualifier cet acte. Proposer une ou plusieurs solutions au patient rassurera également le patient. Il peut s’agir non seulement de solutions thérapeutiques (« il existe des médicaments qui permettent de réduire le vomissements », « nous pourrons soulager votre douleur de façon adéquate en dosant ce produit très précisément »), mais aussi de solutions plus générales qui peuvent être amenées soit par nous même lors d’une consultation (peut-être devriez-vous parler à votre mari de cette angoisse que vous ressentez… »), soit apportées par d’autres professionnels de santé (assistante sociale, kinésithérapeute, psychologue…). Le message le plus important est que l’on peut, sinon toujours offrir une solution à un problème, tout du moins assurer le patient de notre sollicitude, de notre soutien et de notre présence, et ce à tout moment de sa maladie. Il faudra, de plus, laisser du temps pour les questions et proposer des réponses simples et courtes tout en s’assurant régulièrement de la bonne compréhension du patient. La reformulation permettra, par exemple, de vérifier que l’on se comprend bien, que les informations qui ont été partagées ne font l’objet ni d’incompréhension, ne de contresens. En effet, dans une rencontre aussi chargée émotionnellement et scientifiquement que la consultation d’annonce, il est capital d’harmoniser les différences linguistiques entre le vocabulaire des « blouses blanches » et celui des non-initiés. Gwénola GRIMAULT De l’information à l’annonce 107/118 Décembre 06 4.3.6 ETAPE N°6 : PROPOSITIONS ET SUIVI Même si le patient peut se sentir déprimé à ce stade, voire même déstructuré, il faut préparer avec lui l’avenir. Il ne suffit pas de réagir à la situation avec sensibilité et empathie, il faut aussi proposer une perspective clinique et une orientation claire concernant le traitement. Ceci différencie un simple ami d’un soignant. Il faut alors démontrer sa compréhension des préoccupations exprimées par le patient. Faire la différence entre les problèmes réversibles et les problèmes irréversibles est également primordial. Effectivement, si le patient tourne en rond et se perd dans le labyrinthe de ses problèmes, c’est le moment de l’inciter à effectuer une hiérarchisation de ceux-ci. A partir de ce moment-là, on peut annoncer les points que l’on souhaite aborder et l’ordre dans lequel on veut le faire. Il faut également présenter une stratégie, un plan, même s’il y a des points d’incertitude, ce qui assure le patient de notre soutien. Enfin, il ne faut pas oublier de toujours conserver une lueur d’espoir, de positiver aussi souvent que possible. On tentera ainsi de préparer le patient au pire tout en gardant l’espoir. Cela semble souvent difficile pour le patient qui se sent comme déchiré entre deux sentiments contradictoires : le désire de vivre et la préparation à une mort proche. On pourra légitimer ce sentiment en disant par exemple : « Se préparer au pire ne veut pas dire abandonner tout espoir ». Afin de préparer l’avenir, on pourra aussi s’appuyer sur l’entourage, rechercher des relais humains. Ainsi, beaucoup de patients ont spontanément l’idée de venir aux consultations dites « importantes » accompagnés d’un proche. D’abord parce qu’ils ont besoin d’une présence rassurante sur le plan affectif, mais également parce qu’ils ont conscience du fait qu’ils peuvent être dans un état de sidération et qu’ils considèrent « qu’il ou elle pourra écouter à ma place ». Sans nier le fait qu’il est important de conserver des moments privés ou duels entre le médecin et le patient, il ne faut pas se priver de l’aide des proches. En l’absence de proche, le médecin doit pouvoir aussi se reposer sur d’autres personnes pour faire ce « relais » (par exemple l’assistante sociale, l’équipe de soins à domicile…). Ensuite viendra le moment de conclure l’entretien. On achèvera sur une récapitulation qui permettra de synthétiser et de hiérarchiser les informations reçues. C’est avec la clôture que le médecin fera la jonction temporelle entre ce qui a été dit et entendu, et ce qui sera fait à l’avenir. On établira donc un contrat d’avenir qui fera le lien avec la suite et projettera ainsi le patient dans le temps. D’autre part, chaque clôture d’entretien est une « dernière chance ». Pour le patient, il s’agit de poser une dernière question, souvent capitale, afin de parfaitement comprendre le diagnostic ou le plan thérapeutique établi ou de vérifier que ses souhaits ont été pris en compte. Pour le médecin il s’agit de s’assurer que le patient a exprimé tout ce qu’il souhaitait et a compris ce qui lui a été dit. Il faut alors poser la question capitale : « Avez-vous d’autres questions ? », « Avez-vous compris ce que nous allons faire ? », « Sommes-nous d’accord sur la démarche à suivre ? ». La clôture de l’entretien, tout comme l’ouverture, est le moment le plus propice à l’expression du patient : ce dernier choisira souvent ce dernier moment pour exprimer ce qu’il n’a pas pu ou voulu dire plus tôt, de peur de passer trop de temps ou de déranger le médecin. Qui n’a pas eu un patient qui, au moment ou l’on se dit au revoir, réagit à la « Colombo » : « Une dernière chose Docteur, pensez-vous que… ». Attention de ne pas prendre cette dernière remarque à la légère : ce que le patient retient le mieux de l’entretien, ce sont les premières et les dernières paroles… (MOLEY-MASSOL, 2002).Enfin, il faudra déterminer la date du prochain entretien. A cette occasion, on pourra proposer au patient qui n’a posé aucune question lors de la clôture de l’entretien, d’écrire ses questions pour la fois suivante si elles lui viennent à l’esprit. Ceci nous permettra l’évaluation chez le patient de son intégration de l’information et des phénomènes de rétention mnésique. Gwénola GRIMAULT De l’information à l’annonce 108/118 Décembre 06 4.4 QUELQUES ÉCUEILS À ÉVITER L’information des malades ne va pas de soi, elle est exposée à de nombreuses difficultés qui méritent d’être exposées (HOERNI et BENEZECH, 1994). ► Eviter le contact déshumanisé La relation personnelle d’un patient et d’un soignant restant à la base d’une information de qualité, il faut éviter toute situation dépourvue de ce contact inter-humain : information exclusivement écrite ou par vidéo telle un compte rendu opératoire transmis sans commentaire, un résultat biologique ou une radiographie remis sans explication, une liste de démarches, d’adresses ou de références laissées de façon anonyme ; communication téléphonique entre des interlocuteurs mal identifiés ou correspondance délivrant par exemple une facture pour un examen non signalé ; transmission par le truchement d’un tiers, soit côté soignant tels un étudiant, une infirmière ou une secrétaire inconnus du patient, soit côté malade tel un proche mal évalué. ► Eviter les conditions inappropriées Il doit y avoir adéquation entre les circonstances de l’information et sa teneur. On peut adresser par courrier la date d’un rendez-vous annoncé mais pas un compte rendu qui apprend au malade qu’il a un cancer. Sont inappropriées des conditions artificielles : manque de temps et de calme pour une information sérieuse et complexe ; mine sinistre du médecin, sans le moindre sourire, pour une indication modeste, et inversement mine joviale pour une nouvelle vraiment mauvaise ; information inopportune, trop tardive ou prématurée, précipitée ; utilisation de mots ou de phrases maladroits : « ce traitement est très toxique » au lieu de « ce traitement très actif a un certain nombres d’inconvénients… » ou « votre radio st négative », ce qui est plutôt rassurant mais sera considéré comme « non positif », ou encore « le traitement que vous venez de recevoir est un échec complet, on va essayer autre chose » au lieu de « ce traitement ne marche pas assez bien, il vaudrait mieux le modifier… » ; renseignements donnés par un médecin dans un domaine, pour une technique qu’il ne connaît pas suffisamment, où il risque de se limiter à des approximations sans valeur, de se lancer dans des explications aventureuses et inexactes, que se soit avec assurance ou, pire, avec un manque d’assurance qui inquiète le malade ; données exclusivement médicales concernant maladie et traitement, quand le malade a d’abord des préoccupations psychosociales, pour sa vie normale ; Gwénola GRIMAULT De l’information à l’annonce 109/118 Décembre 06 5 CONCLUSION L’information des patients est indispensable, elle relève même d’une obligation légale. La discussion n’est plus là et la question centrale sur laquelle nous nous sommes penchés est surtout : que se joue-t-il au moment non plus seulement de l’information, mais plutôt de l’annonce, à l’instant précis de cette rencontre entre un patient, un médecin, une maladie et tout un environnement (social, professionnel, familial, temporel, spatial…) ? Plusieurs textes réglementaires ont défini l’obligation légale d’information. L’arrêt Hédreul a renversé la charge de la preuve. Ce renversement de la preuve a suscité beaucoup d’interrogations et d’inquiétudes au sein des professionnels de santé, et ce d’autant plus que les moyens de l’apporter sont laissés à la charge du médecin. Bon nombre de médecins craignent, plus que de ne pas choisir le moyen le plus adéquate d’apporter la preuve de l’information, une altération de la confiance du patient en son médecin suite à cette formalisation de l’information. Il est certain que la remise d’un document écrit pour se ménager une preuve en cas d’éventuel contentieux ne peut qu’entraîner une réaction de défiance chez le patient. Néanmoins, il semble qu’il y ait confusion : c’est bien la signature du document qui pose problème et non la fourniture d’un écrit ou d’une fiche récapitulative. Faire la distinction entre ces deux documents : l’un comme support permettant au patient de se remémorer à distance l’ensemble de l’information, favorisant la réflexion et la discussion ultérieure, l’autre comme preuve de l’information, éventuellement signé, permettrait d’éviter cet abîme. Les arrêts ultérieurs (arrêts du 14/10/97 et 7/10/98) stipulent que l’information doit être loyale, claire et appropriée. Elle concerne tous les risques des investigations ou soins, mais également l’état du patient, son évolution, les investigations et soins nécessaires, la nature et les conséquences de la thérapeutique. L’information doit également porter sur les risques graves, et non plus seulement les risques prévisibles les plus courants. Les sociétés savantes créent alors des fiches officielles décrivant les soins et / ou investigations à réaliser en portant une attention particulière sur les risques. Malheureusement peu compréhensibles par les « non-médecins » car axées sur la pertinence du contenu médical, ces fiches ont également tendance à surestimer les risques par rapport aux bénéfices et décrivent peu les moyens dont dispose l’équipe soignante pour prendre en charge ces évènements malheureux lorsqu’ils surviennent. La loi du 4 mars 2002 sur les « Droits des malades » a alors été rédigée dans ce climat de méfiance et de pression des associations d’usagers, pour renforcer et clarifier les obligations des professionnels de santé à l’égard des malades. Elle va beaucoup plus loin que l’arrêt Hédreul en imposant certes, une information claire, loyale et appropriée, mais surtout en se mettant en quête du consentement du patient, au nom du principe d’autonomie. En procédant à une synthèse de la jurisprudence et des attentes des associations d’usagers, la loi du 04/03/02 a ainsi redonné du sens aux prescriptions morcelées du Code de déontologie et de la jurisprudence, permettant ainsi de dégager un esprit de la loi qui ne se tient plus uniquement à la dimension pénale que les arrêtés avaient introduit. Gwénola GRIMAULT De l’information à l’annonce 110/118 Décembre 06 Enfin, le Code de déontologie aborde l’art d’informer, en traitant davantage de l’annonce que de l’information, mettant en avant l’aspect relationnel. Il rappelle notamment que l’information doit être réitérée au fur et à mesure de l’apparition de nouvelles données ou de nouveaux risques, au fil de l’évolution de la maladie et tout au long de la prise en charge, dans le but d’obtenir la confiance et l’acquiescement conscient du patient, soit le consentement éclairé, pierres angulaires de la relation médecin-malade et de la pratique médicale. Il apporte également une nuance aux trois exceptions, stipulées dans l’article du 7/10/97, permettant au médecin de limiter le contenu de l’information. Outre l’urgence, l’impossibilité ou le refus du patient d’être informé, le médecin peut légitimement taire un diagnostic ou un pronostic grave, à titre exceptionnel et uniquement dans les cas graves, ce qui lui donne, de nouveau, l’autorisation d’être l’interprète des intérêts du patient. Ceci se heurte à la notion de consentement éclairé sauf si le médecin parvient à doser la quantité et la qualité des informations à délivrer. C’est précisément à partir de cet instant que le terme d’« annonce » devient plus approprié que celui d’« information ». Si l’obligation légale d’information ne fait maintenant plus aucun doute, la prise en charge d’un patient en situation de recevoir une mauvaise nouvelle ne se limite pourtant pas à la délivrance d’une information crue, objective et scientifique. En effet, l’annonce d’une maladie, d’une rechute, d’un passage en soins palliatifs est un véritable traumatisme. Impression de rupture temporelle, sentiment de temps volé, que l’on ne maîtrise plus, sensation de rupture de l’unité corporelle, de trahison de ce corps qui lâche, perception d’étrangeté… Le médecin a souvent peu conscience de ces bouleversements émotionnels, pris dans le tourbillon des explorations diagnostiques, des discussions multidisciplinaires concernant la prise en charge thérapeutique. Pourtant, indubitablement, l’heure du médecin n’est pas forcément celle du patient. Il faut du temps, de la connivence et surtout que l’annonce (et non plus l’information) ressemble au patient pour qu’il puisse la reconnaître. Les mots prononcés et la manière d’annoncer font également traumatisme. Les mots de l’annonce ne sont certainement pas superposables à ceux qui informent : plus qu’un compte rendu exhaustif d’examen, les paroles du médecin sont un compromis, une restitution de ce qui se joue à l’instant « t ». Enfin, il ne faut pas oublier le traumatisme ajouté, c’est à dire tout ce qui majore l’angoisse du patient et qui, malheureusement, ne pourra être totalement épargné en ce qu’il s’origine avant tout de la radicalité de la situation. Au traumatisme de l’annonce s’ajoutent les mécanismes de défense du patient à l’origine d’une distorsion de la communication. Le rôle du médecin n’est pas de se prononcer sur la normalité ou non de ces derniers, mais de déterminer si cette manière de réagir aide le patient ou non à affronter la situation. Ceci est important car la qualité du devenir psychique dépend des capacités de mise en jeu des stratégies d’ajustement et de leur degré d’adaptation à la réalité. Ne pas considérer le malade comme un objet de la science médicale mais plutôt comme un « Sujet », jusqu’au bout de son existence, comme un sujet désirant, un sujet qui est le siège d’affects et de représentations est essentiel pour une relation médecin-malade de qualité. Gwénola GRIMAULT De l’information à l’annonce 111/118 Décembre 06 Parfois, le non-dit peut alors être utile. Ce non-dit ne se situe désormais plus du côté du médecin mais du côté du patient qui peut dorénavant esquiver ce qu’il ne peut entendre. En créant un espace adapté au cheminement du patient, à ses possibilités d’assimilation de l’information, à la vitesse de son cheminement pour lier les nouvelles données à l’ensemble de ses représentations antérieures, ce droit au silence permet à la relation thérapeutique de survivre à cette annonce et de continuer d’exister au-delà de cette dernière. Toutefois, le concept de non-dit vient ébranler la notion de vérité. Dire ou non la vérité n’est plus la question et dorénavant c’est le comment qui importe. Même si livrer la vérité au patient est primordial, les situations de collusion étant trop souvent génératrices de souffrances psychologiques, pour le sujet au centre de la collusion comme pour l’entourage, il faut garder à l’esprit que tout patient n’est pas prêt à entendre les mêmes données au même moment. Dire la vérité prend alors un autre sens : il ne s’agit plus tout à fait de la vérité de la médecine, ni du médecin, ni encore celle de la maladie, mais plutôt de la vérité du malade. Cheminer pas à pas vers cette vérité avec le patient est la tâche du médecin. Ce travail n’est pas une chose aisée pour le médecin. Tel un oiseau de mauvaise augure, le médecin a parfois le sentiment d’être le messager du malheur alors que sa vocation est d’améliorer ou de préserver l’état de santé de ses patients… Il se trouve alors confronté à ses propres représentations, à sa propre peur de la mort, avec tout ce que cela doit aux mécanismes de projection et d’identification qui tous nous habitent. Le médecin met alors en place, inconsciemment, ses propres mécanises de défense. Le but n’est pas d’annihiler ces processus de défense, qui sont parfaitement légitimes, ni de nier l’importance du propre « je » du soignant, mais plutôt d’en prendre conscience pour éviter qu’ils ne perturbent et parasitent trop la communication et la relation de confiance entre le malade et le médecin. Même si annoncer une mauvaise nouvelle constitue une prise de risque pour le médecin généraliste, tiraillé entre les obligations légales codifiant la démarche informative, et le souci de l’Autre, il semble pourtant la personne la mieux indiquée pour réussir cette tâche. Le médecin traitant est le plus apte pour refaire régulièrement le point sur ce que le patient sait et a compris de sa maladie, des examens complémentaires réalisés, du traitement envisagé, puis juger de la capacité du patient à entendre la « vérité », selon quel rythme. Par la suite, c’est également la personne la plus compétente pour assurer l’accompagnement indispensable qui doit suivre l’annonce, la personne la plus habile pour relancer ce qui, dans la confrontation à un diagnostic ou à un pronostic grave, risquerait de s’abîmer, et ainsi permettre au patient de continuer d’exister. Pour aider les médecins dans cette tâche, il existe quelques techniques de communication, très basiques, ainsi que quelques écueils à éviter. Leur but n’est pas de fournir une fiche technique dont l’intitulé serait « Techniques d’annonce d’une mauvaise nouvelle », mais plutôt de proposer des points de repère auxquels les médecins pourront se rattacher en cas de difficultés. L’annonce doit rester une « rencontre ». Il faut à tout prix essayer d’éviter que l’agir médical (mise en route des investigations cliniques, para-cliniques et thérapeutiques) empêchent l’établissement et le maintien d’une communication de qualité avec son patient. Gwénola GRIMAULT De l’information à l’annonce 112/118 Décembre 06 S’il existe encore quelques aspects non traités, comme l’accompagnement et le suivi après l’annonce d’une mauvaise nouvelle, le dessein de ces pages est de donner à penser sur l’information et l’annonce. En outre, ce travail pourra être utilisé dans le cadre de la Formation Professionnelle Conventionnelle en médecine générale (FPC, tel le séminaire intitulé « De l’obligation d’information à la difficulté de l’annonce » réalisé par Jean Charles GASTON, médecin généraliste de Carcassonne, et agréé par l’OGC début novembre 2006) et pourrait également l’être pour la formation des étudiants en médecine générale de 3ème cycle. Enfin, il pourrait trouver une dernière application dans le cadre de l’Evaluation des Pratiques Professionnelles (EPP). Après avoir demandé à des médecins généralistes de s’auto-évaluer sur dix cas d’annonces difficiles, mon travail pourrait servir de base pour la formation de ces médecins à qui l’on pourrait ensuite demander de s’évaluer une nouvelle fois sur dix autres cas d’annonces difficiles et apprécier ainsi l’évolution dans leur manière de procéder. Gwénola GRIMAULT De l’information à l’annonce 113/118 Décembre 06 BIBLIOGRAPHIE -Benkimoun P., 20 avril 2005. Un dispositif d’annonce des cancers devrait être généralisé. Le Monde : 9. -Benoîst J., 1996. Une médecine ou des médecines. A propos de la dimension culturelle de la maladie. Nouvelle revue éthnopsychiatrique, 30 : 147-59. -Blet D., 2002. De l’information à l’annonce : la place du non-dit. Communication : Colloque « L’annonce ». Clermont de l’Oise. -Blet D., Carayon I., 2003. L’annonce du diagnostic après la loi du 4 mars 2002. Colloque du Collège des médecins de la SFAP. -Buckman R., 1994. 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Respectueux (se) et reconnaissant (e) envers mes Maîtres, je rendrai à leurs enfants l’instruction que j’ai reçue de leurs pères. Que les hommes m’accordent leur estime si je suis fidèle à mes promesses. Que je sois couvert (e) d’opprobre et méprisé (e) de mes confrères si j’y manque. Gwénola GRIMAULT De l’information à l’annonce 116/118 Décembre 06 PERMIS D’IMPRIMER Page à insérer Gwénola GRIMAULT De l’information à l’annonce 117/118 Décembre 06 RÉSUMÉ Le médecin généraliste doit à son patient une information claire, loyale et appropriée. Il doit également être en mesure de fournir la preuve de cette information, comme le rappelle l’arrêt Hédreul. La loi du 4 mars 2002 va même plus loin en ajoutant que cette information a surtout pour but le consentement du patient, au nom du principe d’autonomie. Les choses semblent donc parfaitement limpides et précises. Néanmoins, l’information d’une mauvaise nouvelle est un exercice extrêmement délicat qu’il est difficile de réaliser dans un cadre aussi rigide. Le code de déontologie tient compte des conséquences psychiques, de la violence engendrée par la révélation et rend ainsi possible un compromis entre d’une part le respect de l’autonomie de l’individu, et d’autre part l’évidente fragilité du patient auquel on délivre une information douloureuse, angoissante et souvent lourde de conséquences. C’est à partir de ce moment précis qu’il est plus juste de parler d’annonce et non plus d’information uniquement. Les mots qui informent ne sont certainement pas les mêmes que ceux qui annoncent. Il faut prendre en considération le traumatisme de la maladie, les mécanismes de défense déployés aussi bien par le malade que par le médecin, autant d’éléments qui viennent perturber et parasiter la communication. Le non-dit peut alors être utile en permettant, paradoxalement, de maintenir le dialogue et l’existence de cette relation singulière si fragile et si complexe entre un médecin qui, tel un oiseau de mauvaise augure, vient bouleverser en quelques instants, la vie de son patient. L’annonce peut ainsi se poursuivre petit à petit dans le temps, au rythme du patient, jusqu’à ce que l’on nomme la vérité du patient. Le médecin traitant est l’une des personnes la mieux placée pour assurer cette tâche, accompagner le patient et surtout amener le patient à reconnaître qu’il possède en lui les ressources qui lui permettront de continuer d’exister. Afin de l’aider dans cette entreprise, il existe quelques techniques de communication qui peuvent servir de repères, de fil conducteur au médecin, mais qui ne constituent en aucun cas un guide pratique applicable pour chaque patient de façon identique. N’oublions pas que l’annonce doit se faire dans une relation de sujet à sujet. Elle doit rester individuelle. Malgré tout, l’annonce n’est pas contraire à la loi, elle est traversée par la loi. Ceci restaure ce que le législateur ne pourra jamais inscrire dans une loi : la relation intersubjective et la responsabilité pour l’autre. Mots clé : annonce information diagnostic vérité déontologie maladies graves soins palliatifs relation médecin-malade