Actualité en droit de la concurrence précaution et conseils pratiques.

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Actualité en droit de la concurrence précaution et conseils pratiques.
Actualité en droit de la concurrence
précaution et conseils pratiques.
Note de Synthèse réalisée par le réseau Enterprise Europe Network de la CCI de Lyon
dans le cadre de la réunion du club JEVI organisée le 29 janvier 2015.
Avec le concours de
Maître Olivier LEROY, avocat au barreau de Lyon (cabinet FIDAL)
Madame Catherine JAMON-SERVEL, Conseil Affaires Européennes
Mademoiselle Manon Velluet, stagiaire juriste conseil
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Intervenants
 Maître Olivier LEROY
Avocat au barreau de Lyon (Directeur du département concurrence-distribution),
Cabinet FIDAL
 Maître Karen LUZI
Avocat au barreau de Lyon, Cabinet FIDAL
Plan
1. Les enquêtes en matière de concurrence (OVS)
2. Comment identifier les risques d’ententes anticoncurrentielles ?
3. Comment identifier les risques d’abus de position dominante?
4. Sanctions et actions en réparation
5. Les stratégies en droit de la concurrence
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1. Les enquêtes en matière de concurrence. (OVS)
Tant la Commission européenne que les autorités françaises de concurrence peuvent
diligenter des perquisitions. En France, les perquisitions sont effectuées par l’Autorité de la
concurrence (ADLC) ou la DGCCRF.
Il existe, en pratique, deux types d’enquêtes :
a) Les enquêtes simples
 s’agissant de la Commission européenne:
Lorsqu‘elle soupçonne une infraction, la Commission européenne peut, par simple demande
ou voie de décision, demander aux entreprises de fournir tous les renseignements
nécessaires pour lui permettre d’apprécier l’existence ou non d’une infraction au droit de la
concurrence.
 s’agissant des autorités nationales de concurrence :
Comme la Commission, de telles enquêtes sont ouvertes lorsque l’ADLC soupçonne une
infraction. L’ADLC n’a pas besoin d’une autorisation judiciaire préalable pour faire une
enquête simple, les pouvoirs seront limités et il n’y aura pas d’OPJ (officier de police
judiciaire).
b) Les enquêtes lourdes
Il existe des différences entre la procédure française et européenne.


En France, il existe un contrôle préalable à chaque perquisition. De surcroit, l’enquête
se déroulera sous l’autorité du juge et d’un ou plusieurs OPJ.
La Commission européenne, quant à elle n’a pas besoin d’autorisation préalable du
juge pour diligenter une perquisition. La seule véritable exigence réside dans la
régularité formelle de la décision d’inspection qu’elle va adopter.
Enfin, dans les deux cas, un contrôle a posteriori des perquisitions sera exercé : par le
président de la Cour d’Appel en France s’agissant de l’ADLC, et par le Tribunal de l’Union
européenne s’agissant de la Commission.
Quels sont les pouvoirs des agents de la Commission européenne et de l’ADLC ?
 Accéder à tous les locaux, terrains et moyens de transport de l’entreprise.
 La Commission européenne peut accéder aux domiciles privés et véhicules du chef
d'entreprise, des dirigeants et des autres membres du personnel de l'entreprise concernée
par l’enquête. Ce qui est plus rare en France.
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 Contrôler et obtenir des copies : les livres ainsi que tout autre document professionnel
(y compris les matériels et fichiers informatiques). Les enquêteurs peuvent utiliser leurs
propres logiciels.
 Apposer des scellés sur une partie ou la totalité des locaux commerciaux, dans la
mesure où cela est nécessaire aux fins de l’enquête.
 Demander des explications à tout membre du personnel ou représentant de l’entreprise
sur des faits ou documents en rapport avec l’enquête.
 Bloquer les comptes mail pendant une certaine durée (il s’agit d’une pratique
européenne seulement).
 Exiger que l’entreprise délègue un employé/ représentant pour assister les enquêteurs
(y compris pour les tâches liées aux dossiers électroniques et informatiques).
*Conseil : Anticiper la procédure et s’y préparer en amont.
Point d’actualité :
 La Loi Hamon n° 2014-344 du 17 mars 2014 a renforcé les pouvoirs d’enquêtes des
agents de l’ANC et de la DGCCRF. Cette loi est entrée en vigueur le 19 mars 2014.
La loi renforce aussi les moyes de sanctions, L’article L-450-3 du Code de commerce
a été entièrement réécrit: les agents peuvent par exemple agir à couvert “lorsque
l’établissement de la preuve de l’infraction ou du manquement en dépend et qu’elle
ne peut être établie autrement.
Peut-on s’opposer aux perquisitions ?
En principe, l’entreprise peut difficilement s’opposer à une perquisition.
Il existe toutefois des moyens à disposition des entreprises. Il convient de impérativement de
vérifier :





L’objet de l’enquête
Les produits visés
Le marché concerné
Les entreprises visées (dénomination exacte)
Adresses des locaux saisis
En effet, les enquêteurs doivent rester strictement dans le cadre de l’enquête.
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Les limites du pouvoir de la Commission européenne
La première limitation réside dans l’objet et le but de l’inspection : Les agents de la
Commission européenne ne peuvent pas se lancer dans une « fishing expedition » à la
recherche de preuves concernant d’autres pratiques ou d’autres marchés.
L’affaire « Deutsch Bahn » du 6 septembre 2013, le Tribunal rappelle les limites des pouvoirs
de la Commission :



L’existence d’un contrôle judiciaire complet a posteriori est de nature à compenser
l’absence de mandat judiciaire préalable.
La Commission ne dispose pas non plus de moyens excessifs de coercition.
L’assistance des autorités nationales que doit requérir la Commission déclenche la
mise en œuvre de contrôles additionnels.
Les saisies informatiques
Risque de saisies de données personnelles et correspondances avocats-clients.
Le droit français est favorable aux enquêteurs, La pratique européenne est, à ce jour, plus
protectrice et encadrée.
Le problème des boites mails :
 l’ADLC utilise en principe le logiciel « Encase ». En pratique, elle réalise une copie
intégrale de la messagerie électronique et des fichiers répondant aux mots clefs : l’ensemble
des documents saisis en masse est par suite analysé dans les locaux de l’Autorité de la
concurrence.
 La Commission utilise la « méthode Nuix » : elle copie les seuls éléments entrant dans le
champ de l’enquête.
La méthode utilisée par l’Autorité de la concurrence est contestable dans la mesure où elle
porte atteinte à la protection des données personnelles et des documents protégés par le
secret avocat-client. La Jurisprudence tend toutefois à évoluer :en avril 2013 (arrêts
medtronic) la Cour de cassation a sanctionné par la nullité les saisies irrégulières.
 La France modifiera sans doute son procédé de saisies informatiques.
Les moyens pour contester les saisies informatiques :
Premier moyen : Il est possible de saisir le JLD pendant les perquisitions
Second moyen : formuler des observations dans les PV pendant les perquisitions
Se préparer aux perquisitions : anticiper
 Mettre en place en amont une cellule de gestion de crise.
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 Former les équipes/ opérationnels : nommer a minima 2 référents par site ou mettre en
place sur chaque site, une équipe interne en charge des perquisitions.
 Préparer vos référents à rencontrer les enquêteurs.
 Ne JAMAIS laisser les enquêteurs seuls.
 Réaliser éventuellement une mise en situation : « Mock Dawn raid ».
Remarque
Les salariés d’une entreprise mal préparés peuvent porter préjudice à votre société
2. Prévenir les risques d’entente
Une entente peut prendre plusieurs formes (Articles 420-1 C. Com. et 101 TFUE) :



un accord (peu importe que l’accord soit écrit ou oral)
une décision d’association d’entreprises
une pratique concertée
Une entente est anticoncurrentielle quand elle a pour objet ou pour effet d’empêcher, de
restreindre ou de fausser le libre jeu de la concurrence.
Il existe deux types d’ententes : horizontales et verticales.
 L’entente horizontale : ce sont les accords ou pratiques entre entreprises qui sont
au même niveau dans la chaine de production. Une entente horizontale peut prendre
plusieurs formes :
 Echanges d’information.
 Pratiques concertées : plus difficile à démontrer que l’existence d’un accord en bonne et
due forme.
 Ententes sur les prix : il peut s’agir de la diffusion d’une liste de prix minimum par l’un
des participants, suivie d’un accord des concurrents pour suivre les prix ainsi diffusés.
 Répartition de marchés : s’entendre pour se répartir et/ou geler les parts de marché des
différents participants. Cette pratique est généralement rendue visible par les refus de
livraisons qui sont opposés par les membres du cartel.
 En matière d’appels d’offres : s’entendre en vue de s’abstenir de répondre à un appel
d’offres ou soumettre des offres de couverture.
 L’entente verticale : ce sont des ententes et accords entre entreprises placées à
des niveaux différents.
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En période de crise, on constate une augmentation des pratiques anticoncurrentielles.
Les échanges d’informations
Les échanges d’informations ne sont pas illicites. Un certain nombre d’échanges peuvent
favoriser le jeu de la concurrence
Un échange d’information confidentielle peut être anticoncurrentiel par objet ou par effet.
Sont anticoncurrentiels par objet, les échanges d’information qui :
- Permettent aux entreprises de connaître leurs stratégies commerciales respectives;
- Concernent des données sensibles portant sur leurs stratégies futures (prix, capacités…);
- Permettent un contrôle mutuel des comportements de chacun (notamment sur un marché
fortement concentré);
 Si l’information n’est pas anticoncurrentielle par son objet, les autorités de
concurrence vérifieront alors les effets de l’échange d’information.
Remarque :

Plus le marché est concentré, plus l’effet de l’échange d’informations sensibles aura
des effets néfastes.

Les associations professionnelles sont fortement concernées par le droit de la
concurrence. Elles constituent des zones de risque: en effet, la simple participation
à une réunion au cours de laquelle s’est tenu un échange d’information confidentielle
peut être sanctionné.
Comment prévenir les risques ?
Il est nécessaire d’identifier les sujets susceptibles d’être qualifiés d’informations
confidentielles (prix, stratégie produit, stratégie emballage, stratégie commerciale,…)
De manière générale, en cas de doute sur le caractère licite d’une information lors d’une
réunion, il faut :
 Vérifier l’ordre du jour.
 Mettre fin à la discussion portant sur le sujet concerné et alerter les autres membres de
l’association des risques encourus.
 Quitter la salle de réunion et demander à ce que votre départ soit acté dans le compte
rendu de réunion.
 S’assurer que le compte-rendu de cette réunion reprenne bien votre intervention,
l’archiver.
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 Se rapprocher de votre service juridique afin de l’informer de la situation.
Remarque
Le risque sera d’autant plus élevé que les informations en question seront individualisées,
récentes, prospectives, commercialement sensibles (tout particulièrement les prix) et
échangées de façon opaque et/ou discriminatoire sur des marchés;
En revanche, des informations agrégées, historiques, peu sensibles, échangées de façon
transparente sur un marché atomisé, risquent assez peu d’attirer la critique.
3. Eviter l’abus de position dominante
L’Autorité de la concurrence définit la position dominante d’une entreprise comme « une
position de nature à lui permettre de s’abstraire de la concurrence d’autres entreprises
présentes sur le même marché ».
La position dominante d’une entreprise sur un marché est déterminée après une analyse
multicritères prenant en compte :
 la part de marché (PM) détenue par l’entreprise (présomption PM supérieur à 50%)
 la structure de l’entreprise : groupe ? Notoriété?
 la structure du marché : quelle est l’intensité de la concurrence sur le marché? les
concurrents ont-ils la possibilité d’y accéder?
La position dominante n’est pas contraire au droit de la concurrence, SEUL, l’abus de
position dominante l’est.
Les principaux abus de position dominante sont notamment :
 traiter de manière différente des partenaires commerciaux pourtant placés dans des
situations identiques.
 Imposer ses prix.
 Subordonner abusivement la vente ou l’approvisionnement à des achats ou prestations
complémentaires.
 empêcher l’arrivée de nouveaux acteurs sur le marché.
 dénigrer les produits concurrents : exemple Décision de l’ADLC 13-D-11 (affaire du
Plavix) -14 mai 2013.
 exclure des acteurs présents sur le marché : 17 avril 2014 : Machines à café expresso.
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 octroyer des remises de fidélité ou des rabais conditionnels afin de fidéliser ses
partenaires (cf. Arrêt Michelin, Hoffmann-La Roche du 9 juin 1979 et arrêt Intel.
 etc.
 Points d’actualité : le projet de loi Macron
Il prévoit de renforcer les pouvoirs de l’Autorité de la concurrence en lui ajoutant notamment
la possibilité de prononcer des injonctions structurelles sous certaines conditions.
Les conditions :
 en cas d’existence d’une position dominante (et de détention de magasin(s) de détail)
qui représentent une part de marché supérieure à 50 %
 ces magasins soulèvent des préoccupations de concurrence du fait de prix ou de marges
élevées en comparaison des moyennes habituellement constatées dans le secteur
économique concerné => cela concerne essentiellement le commerce de détail
 l’Autorité de la concurrence « peut faire connaître ses préoccupations » aux
entreprises visées, qui peuvent dans un délai de deux mois lui proposer divers engagements
 si les engagements ne sont pas concluant, elle peut leur enjoindre de procéder à la
cession d’actifs si cette cession constitue le seul moyen permettant de garantir une
concurrence effective. »
De plus, ce projet de loi remplace la procédure de non-contestation des griefs par une
procédure de transaction qui fixera les limites de la sanction pécuniaire encourue.
4. Les sanctions et risques de dommages et intérêts
L’article L.464-2 du Code de commerce, sans donner plus de précision, prévoit que les
sanctions doivent :




être proportionnées à la gravité des faits reprochés,
l’importance du dommage causé à l’économie,
à la situation de l’entreprise ou du groupe auquel elle appartient et
à l’éventuelle réitération des pratiques prohibées.
L’Autorité a publié un communiqué le 16 mai 2011 détaillant sa méthode de fixation des
sanctions
La durée est l’un des principaux critères.
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Point d’actualité : les actions en dommages et intérêts.
La directive 2014/104/UE du 26 novembre 2014, a été adoptée pour faciliter les actons en
dommages et intérêts introduites par les victimes de pratiques anticoncurrentielles tout en
préservant la place des programmes de clémence et des autres mécanismes
transactionnels.
5. Stratégie vis-à-vis du droit de la concurrence
En amont : la prévention
 Mise en place d’un « compliance programme » : action proactive de l’entreprise qui vise à
organiser et mettre en œuvre les procédures et moyens nécessaires au respect de la
réglementation.
 L’identification des pratiques éventuelles et la formation de vos équipes;
En présence d’une pratique anticoncurrentielle non révélée
 Le choix éventuel de la procédure de clémence. Il faut limiter les personnes informées à
un cercle restreint.
En présence d’une enquête :
 La stratégie de la contestation (recours et défense).
 La stratégie de la coopération aux fins de limiter les sanctions (engagements et
transactions).
La Chambre de commerce et d’industrie de Lyon et le réseau Enterprise Europe Network ne
peuvent en aucun cas être tenus pour responsables de l’utilisation et de l’interprétation de
l’information contenue dans cette fiche qui ne vise pas à délivrer des conseils personnalisés
qui supposent l’étude et l’analyse de cas particuliers.
Pour compléter cette note, nous pouvons vous fournir une copie des présentations réalisées
lors de la réunion.
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