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Stéphane Malandain – Inès Peyret ÉLOGE DU SAUCISSON De Confucius à Bocuse, un trésor de l’humanité DAUPHIN TABLE DES MATIÈRES 9 11 REMERCIEMENTS À TOUS LES AMOUREUX DU SAUCISSON SEC 12 L’ODYSSÉE DU SAUCISSON 17 Un régal universel 27 Les dieux s’en mêlent 29 La conservation de la nourriture : du séchage aux salaisons 29 30 31 33 - La magie du vent - L’art du fumage - L’or blanc - L’alchimie des salaisons 37 Le noble carburant 42 DU COCHON AU SAUCISSON 46 L’élevage de notre petit porcidé domestiqué préféré 54 La saint Cochon 57 Les beaux quartiers 57 L’art du charcutier 64 LES TERROIRS DU SAUCISSON 68 LES SAUCISSONS FRANÇAIS 69 Le Massif Central 73 75 77 79 80 82 85 85 86 86 86 87 90 91 91 91 91 95 95 96 96 Page de gauche : saucisson sec et saucisse séchée biologique Roches Blanches. 96 97 97 98 - La rosette - La rosette de Lyon - Le jésus - Le saucisson de Lyon - Le saucisson des moissons L’Aveyron - La saucisse sèche à la perche Les monts de Lacaune - Le saucisson de Lacaune - La rayolette d’Anduze - Le saucisson de Vallabrègues - Le saucisson d’Arles La Savoie - Le saucisson sec de Savoie - Le saucisson de chèvre ou d’âne - Le saucisson de Magland Les Pyrénées - La ventrèche - Le fetge sec - Le saucisson filet Les Vosges - Les saucissons d’Alsace - Les gendarmes - Le salami de Strasbourg ou salami alsacien - Le saucisson lorrain 99 99 La Normandie - Le saucisson de marin 102 La Corse 103 104 105 105 107 107 108 - U salamu ou a salciccia - À coppa - U lonzu - U ficatellu ou figatellu – figatelle sur le continent - À panzetta - À vuletta LES DÉLICIEUX COUSINS : LES SAUCISSONS ITALIENS 109 Le Piémont 109 - Salamini alla Cacciatora 111 La Lombardie 111 112 112 112 114 - Salame Brianza - Salame Milano - Salame Mantovano - Salame di Varzi - Bresaola della Valtellina 114 La Vénétie 115 115 115 - Sopressa vicentina - Ossocòlo - Brasolara 116 L’Émilie Romagne 116 - Salame di Felino 118 La Plaisance 119 119 121 121 - Salame piacentino - Coppa piacentina - Pancetta piacentina - Salame gentile 121 La Toscane 122 - Finocchiona 122 Les Marches 122 - Salame di Fabriano 123 L’Ombrie 123 123 - Corallina di Norcia - Mazzafegati 124 Les Abruzzes 125 125 - Ventricina del Vastese - Salsicciotto del Vastese 125 La Campanie 125 125 - Salame di Mugnano - Salame di Napoli 126 La Basilicate 126 - Soperzata di Rivello 127 La Calabre 127 128 128 - Soppressata di Calabria - Salsiccia di Calabria - Capocollo 128 La Sicile 128 128 129 - Salame di Sant’Angelo di Brolo - Fellata - Pancetta arrotolata dei Monti Nebrodi 129 La Sardaigne 129 129 130 - Salame di Tergu - Mustela LES SAUCISSONS ESPAGNOLS 133 La Catalogne 133 134 134 134 134 - Llonganissa de Vic ou Salchichón de Vic - Fuet - Secallona - Xolis - Bull 134 La Castille et le Léon 134 136 136 137 138 - Chorizo de Soria - Salchicha Soria - Chorizo de Candelario - Chorizo de León - Chorizo cular de Salamanca 138 138 - Morcón ibérico - Lomo embuchado ibérico de Salamanca 138 La Navarre 138 - Chorizo pamplonica 139 L’Éstrémadure 139 139 - Morcón estremeño - Lomo ibérico estremeño 139 L’Andalousie 139 139 140 - Salchichón Ibérico Huelva/Jabugo - Morcón Huelva/Jabugo - Caña de lomo ibérico de Bellota Blanco Huelva/Jabugo 140 Majorque 140 130 - Sobrasada de Mallorca - Chouriço de carne de Estremoz e Borba - Chouriço grosso de Estremoz e Borba - Paia de Lombo de Estremoz e Borba - Paia de Toucinho de Estremoz e Borba - Chouriço de Portalegre - Chouriço Mouro de Portalegre - Painho de Portalegre - Lombo Enguitado de Portalegre - Lombo branco de Portalegre - Paio de Beja - Chouriça de Carne de Vinhais - Salpicão de Vinhais 148 LE GOÛT DU SAUCISSON 152 155 156 156 157 157 158 158 158 159 160 160 161 LES ACCORDS ENTRE LE SAUCISSON, LE PAIN ET LE VIN - Les saucissons subtils et moelleux - Les saucissons secs corsés et typés - Les saucissons de marin - La ventrèche, la panzetta, la pancetta arrotolata dei Monti Nebrodi et la vuletta - La bresaola - Les saucissons de chèvre ou d’âne - Les saucisses sèches en U, saucisse à la perche, rayolette d’Anduze, salame di Tergu ou la salsiccia di Calabria - Les saucisses au foie - Les fumés - Les épicés - Dans la tribu des aillés - Dans le clan des pimentés LES SAUCISSONS PORTUGAIS 144 L’Alentejo 145 145 145 146 146 146 146 146 147 147 147 147 155 LE SAUCISSON DES GOURMETS 152 Comment choisir l’heureux élu ? 152 Comment le conserver ? 162 162 162 163 163 164 164 165 165 166 166 167 167 168 169 170 171 172 172 174 LES SUBLIMES RECETTES DE STÉPHANE - Financiers au saucisson aux noisettes - Gaspacho vert au chorizo - Pois chiches au chorizo - Huîtres au chorizo - Papillotes cabillaud-chorizo - Figatellu polenta - Penne aux courgettes et au saucisson du marin - Salade de haricots verts et saucisson du marin - Salade de pâtes au saucisson - Risotto tomate rosette - Les chips au saucisson de Thierry - Les œufs cocotte de Micheline ON UTILISE LES RESTES DE SAUCISSON - Cake au saucisson de Raymond - Fougasse au saucisson CONCLUSION ANNEXES - Les labels - Les bonnes adresses « La chenille devient papillon, le cochon devient saucisson, c’est une grande loi de la nature. » françois cavanna L’odyssée du saucisson Un banquet russe attend l’astronaute américain Peter Wisoff et son équipe lorsqu’ils arrivent dans la station Mir en janvier 1997. Au menu de ces galactiques agapes, la nourriture déshydratée habituellement servie dans les cantines de l’espace mais, oh surprise ! La pièce de résistance est un authentique salami. « J’avais l’impression d’être dans une charcuterie spatiale ! » raconte Wisoff absolument ravi. Quatre ans plus tard, la chaîne Pizza Hut paie 1 million de dollars pour une publicité interplanétaire. Elle fait livrer par une fusée russe décorée de son logo géant, une pizza au salami destinée à Yuri Usachov, le commandant russe de la Station Spatiale Internationale (SSI). Le salami remplace l’habituel pepperoni parce qu’il se conserve sans problème et sans moisissures. Le navigateur Thierry Dubois, pour le Vendée Globe 2000, a emporté avec lui des provisions de saucisson sec. Lorsqu’il a passé le Cap Horn, il a respecté la tradition qui veut que le marin qui réussit cette épreuve, débouche une bouteille de vin offerte par son parrain, en boive la moitié et verse l’autre dans la mer. Nature morte en cuisine, disciple de Pieter Corneliusz van Rijck, XVIIe siècle. Notre loup de mer, parrainé par Les Roches Blanches, a fêté son exploit en partageant avec Neptune l’un de ses saucissons. Il en a également ramené un à son sponsor qui a toujours, dans son bureau protégé sous une cloche de verre, le seul saucisson à avoir fait le tour du monde. Très dur, mais toujours consommable ! Pratiquement inchangé depuis l’âge de bronze, le saucisson a traversé avec allégresse le temps et l’espace. De l’Odyssée d’Homère à celle de l’espace dans la station Mir, cet antique viatique est de tous les voyages, y compris celui du pharaon Ramsès III dans l’au-delà. Un régal universel L’histoire connue de ce produit si humble et si familier est vieille de presque 4 000 ans. Mais comme le saucisson est sans doute beaucoup plus ancien que l’écriture, il faut attendre 1 750 av. J.-C. pour en avoir une première description. Un bas-relief découvert à Ninive, la capitale de l’Assyrie, met en scène des servantes qui apportent des mets de choix dont, parmi d’autres exquises délicatesses, des sauterelles en brochettes à la table royale. Un texte satirique, en lettres cunéiformes, sur des boyaux remplis de viande, grave pour l’éternité cette spécialité dans l’histoire et confirme que, dès le néolithique, les Mésopotamiens fabriquent et mangent probablement la première version connue du saucisson. Rien d’étonnant à cela, car c’est apparemment en Mésopotamie – aujourd’hui l’Irak –, berceau de la civilisation, que sont nées la haute cuisine et la bière, breuvage incontournable à l’époque, d’après L’Epopée de Gilgamesh : « Mange du pain Enkidu, C’est indispensable pour vivre. Bois de la bière : Ici c’est obligatoire ». Les Mésopotamiens utilisaient le sel pour conserver la viande et le poisson en 3 000 av. J.-C., soit 3 millénaires après la Chine. Un inventaire de 1900 av. J.-C., gravé sur vingt-quatre tablettes en langages sumérien et akkadien, donne une liste de plus de huit cents produits alimentaires. Cette nomenclature comptabilise, entre autres, plus de vingt variétés de fromages, plus de cent recettes de soupes différentes, plus de trois cents sortes de pains de tailles, de formes et de compositions différentes ainsi que trente façons de fabriquer la bière. Ces grands cuisiniers connaissaient la plupart des préparations, des types de cuisson et des procédés de conservation des aliments. Et ils ont même inventé les tavernes ! Trois autres tablettes en akkadien – datant de 1 700 av. J.-C. et traduites par l’Assyriologue Jean Bottéro – sont les premières recettes de cuisine écrites découvertes à ce jour. On ne vous parle pas de simplissimes concoctions pour célibataires manchots et pressés mais de vraies recettes sophistiquées prouvant l’extrême raffinement de la préparation des aliments par les toqués étoilés de l’époque. Leurs confrères d’Amérique du Nord, à la fin de la Période III (8000-2000 av. J.-C.), ne sont pas en reste avec le pemmican. La recette n’a été écrite que très tardivement, mais apparemment elle n’a pas changé. Les premiers Amérindiens débitaient la viande de bison en tranches minces qu’ils séchaient au feu ou au soleil et au vent. Une fois séchée, ils la hachaient et la râpaient avec des pierres. Ils ajoutaient des baies sauvages et un mélange de gras fondu, de graisse de rognon, et de graisse de moelle. Ils tassaient tout ça bien serré dans des vessies ou des intestins qui rétrécissaient en séchant et comprimaient la viande. Cet emballage sous vide permettait de conserver le pemmican indéfiniment. L’odyssée du saucisson 17 Du cochon au saucisson « C’est le roi des animaux immondes », écrit Grimod de la Reynière, dans l’éloge qu’il fait de cet animal « c’est celui dont l’empire est le plus universel et les qualités les moins contestées. Sans lui, point de lard, et par conséquent, point de cuisine ; sans lui, point de jambon, point de saucisson, point d’andouilles, point de boudins noirs, et par conséquent, point de charcutiers ». Une légende, rapportée par Varron et citée dans la Salaméide, veut que, comme beaucoup d’inventions culinaires, celle de manger du cochon de lait soit née d’un accident. Varron raconte que la fameuse affaire est arrivée à un prêtre sacrificateur répondant au doux nom de Porphirio. Avant lui et depuis la nuit des temps, les hommes sacrifiaient des animaux aux dieux dont ils ne mangeaient pas la chair. Jusqu’au jour où le préposé aux sacrifices se brûle la main et sans réfléchir lèche la partie endolorie, toute grasse des sucs de cuisson. La révélation est aussi foudroyante que sa plaie brûlante. Il suffit de quelques minutes douloureuses et exquises pour qu’il devienne accro aux délices du cochon. Nature morte de Jacopo Chimenti da Empoli (1551-1640), Seconde partie du XVIe siècle. Collection privée. L’élevage de notre petit porcidé domestiqué préféré Le cochon domestique, nous disent les naturalistes, est une dérivation du sanglier sauvage. L’animal préféré d’Obélix fait son apparition à l’ère tertiaire, au Miocène, quelque 30 millions d’années avant l’arrivée des Gaulois. Contrairement aux moutons, aux chèvres ou aux bovins, le cochon, avec ses petites pattes courtes, n’est pas fait pour la vie de nomade. L’homme attend donc de se sédentariser pour se lancer dans l’élevage du porc. Une fois mise en route, l’expérience est concluante car très rapidement, l’élevage se développe à partir de la Chine et de l’Asie Mineure. Dès le IIIe millénaire, le porc a séduit tout le pourtour méditerranéen et quelques villes, comme l’attestent leurs noms, en conservent un souvenir ému. Selon une classification établie par Antonio Frizzi, cité par Gérard Oberlé, on retrouve sus, porc en latin dans le nom de « l’antique Suse de Perse, Sousse au Maroc, Susa au Piémont, et pour finir Suez en Égypte ». Troie ou Troja en grec veut dire truie. Et cela inclut la ville de Troyes en France. Les éleveurs néolithiques du Moyen Orient consomment le porc avec autant d’enthousiasme que les autres viandes. C’est ce que disent les sites archéologiques de 4 000 avant notre ère, où les ossements de porc représentent plus du tiers des restes d’animaux 46 Éloge du saucisson découverts. L’interdiction, pour des raisons aussi obscures que multiples, ne vient que beaucoup plus tard. C’est vers le IIe millénaire av. J.-C., que progressivement, dans certains pays, le porc devient tabou. La plus ancienne colonie permanente de Mésopotamie, Jarmo, adopte le porcidé dès – 7 000. Vers la même époque, la Chine qui consomme du porc sauvage depuis l’ère Paléolithique, en fait son petit sus domesticus préféré. Les premiers élevages connus datent de cette période. Le quadrupède favori des Chinois prend rapidement une énorme place dans le quotidien. Le légendaire empereur Fo Hi en impose l’élevage par un décret impérial en 3 486 av. J.-C. Et dans la foulée, pour faciliter la mise en application du dit décret, l’empereur, un garçon fort pragmatique au demeurant, rédige le premier manuel traitant de l’élevage des cochons. À son actif également, l’invention du filet de pêche ainsi qu’une épouse qui a raccommodé le ciel. Tout est utilisé dans le cochon, même les omoplates qui, pendant la dynastie Shang (1523-1027), recouverts d’idéogrammes gravés, sont recyclées en os de divination. Pendant le règne des Zhou (1 122-221), entre les Chinois et les cochons, c’est à la vie à la mort. Ils apprécient tellement leurs porcidés qu’ils les choisissent pour les accompagner dans l’au-delà. Avant l’enterrement, ils placent, entre les mains des morts, de petites statues de cochons en terre. Apparemment les statuettes ne suffisent pas car, un peu plus tard, ce sont des porcheries entières qui sont enterrées dans les tombes. En 500 av. J.-C. – enfin, il était temps ! – un lettré généreux décide de partager avec le reste de l’humanité sa recette préférée pour cuire le cochon de lait en la consignant par écrit. Un autre artiste immortalise sur un bas-relief de la même époque, une scène de cuisine, la première représentation connue de saucissons chinois. Mais leur fabrication remonterait à 1 000 auparavant. À des milliers de kilomètres, sur un autre continent, « Laberius d’Égypte fut le premier à manger du porc, dont la chair était celle que Galen préférait entre toutes… ». Que cette information d’un auteur anonyme romain soit vraie ou pas, elle suggère que la consommation de l’ancêtre du porc domestique en Égypte remonte à la plus haute Antiquité. Jusqu’à la période ptolémaïque où la tendance s’inverse, le cochon est un animal extrêmement populaire au pays des pharaons, au point de figurer dans la tombe de Ramsès VII, sur le bateau du soleil en bonne place entre deux babouins. À Merimda Beni Salama et à El Omari, deux sites néolithiques du Ve millénaire au sud du Caire, on élevait des porcs. Des restes d’animaux domestiques, dont de très nombreux os de cochons, ont été retrouvés dans les âtres, les réserves et les tas d’ordures. À El Omari, entre 4600 et 4400 av. J.-C., c’est l’animal domestique le plus important à en juger par les ossements. Et, vu l’abondance des ordures découvertes, les cours de cette ville étaient sans aucun doute, de vrais paradis pour ces petits omnivores. Des bas-reliefs de l’Ancien empire (3000-2780) représentent notre porcidé comme un animal mince avec de longues pattes, un poil épais et un groin allongé. Le cochon domestique, nous disent les naturalistes, est une dérivation du sanglier sauvage. L’animal préféré d’Obélix fait son apparition à l’ère tertiaire, au Miocène, quelque 30 millions d’années avant l’arrivée des Gaulois. Contrairement aux moutons, aux chèvres ou aux bovins, le cochon, avec ses petites pattes courtes, n’est pas fait pour la vie de nomade. Du cochon au saucisson 47 Les terroirs du saucisson En principe les saucissons secs et les saucisses sèches sont une spécialité des montagnes dont l’air frais et sec convient particulièrement à leur fabrication. Une chaleur tiède et humide provoque le pourrissement et une chaleur sèche fait durcir le saucisson trop rapidement. Tous deux font obstacle au développement de la flore (ou fleur), ces petites traces de moisissure blanche qui apparaissent à l’extérieur du boyau ne sont surtout pas un défaut, bien au contraire ! Elles sont le signe d’un saucisson sec qui a bénéficié d’un bon affinage, un gage de qualité, votre garantie d’un très bon saucisson artisanal. Pourquoi ? Tout simplement parce que ces champignons microscopiques jouent un rôle essentiel dans le processus d’affinage et contribuent à donner une saveur de maturation à la viande. Le processus est le même que pour le fromage. On dit d’ailleurs que les fabricants de saucissons secs sont les fromagers de la viande parce que les deux processus de fabrication sont similaires. Pour le fromage comme pour le saucisson, les champignons microscopiques et les bactéries jouent un rôle dans le processus d’affinage. Ils absorbent l’humidité dans le saucisson et dans le hâloir et contribuent à donner une saveur originale à la viande. La géographie du saucisson sec et des saucisses sèches est aussi celle des jambons, dont le processus de séchage est encore plus délicat étant donné l’épaisseur de la viande, et celle des fromages à pâte pressée. L’élevage porcin est souvent répandu dans les régions d’élevage ovin en raison de l’abondance de petit-lait. Rosette de Lyon et Jésus Saucisson du marin Figatelli Coppa et saucisson de Corse MANCHE Normandie PARIS Vosges FRANCE OCÉAN ATLANTIQUE Massif central Savoie BASTIA Aveyron Monts de Lacaune ESPAGNE Pyrénées Corse AJACCIO MER MÉDITERRANÉE LES SAUCISSONS FRANÇAIS « D e ce peuple proviennent de magnifiques pièces de porc salé exportées jusqu’à Rome » écrit Strabon dans le Livre V de la Géographie. La tradition perdure. Au XVIe siècle, Rabelais écrit que Grandgousier, le père de Gargantua « éstoit bon raillard [gai compagnon] en son temps aymant à boire net autant que les hommes qui pour lors fust au monde, et mangeoit volontiers salé. À ceste fin, avoit ordinairement bonne munition [provision] de jambons de Magence [Mayence] et de Baionne, force langues de beuf fumées, abondance de andouilles en la saison et beuf sallé à la moustarde, renfort de boutargues, provision de saulcisses, non de Bouloigne [Bologne] (car il craignoit ly boucon [poison] de Lombard), mais de Bigorre, de Lonquaulnay, de la Brene et de Rouargue ». Le Massif Central « Certains villages comme Préporché et Villapourçon, conservent le souvenir des troupeaux de porcs qu’élevaient les Eduens grâce aux glands des forêts du vieux massif » Jean Drouillet, Folklore du Nivernais et du Morvan. Les salaisons du Massif Central sont extrêmement florissantes à l’époque gallo-romaine. Non seulement les grands blonds braillards et belliqueux en braies collantes et tuniques colorées fendues haut sur la cuisse, sont des champions de la salaison mais ils sont aussi d’excellents commerçants. Ils exportent leurs salaisons et les vendent dans des échoppes le long des grandes voies romaines, comme celle menant de Dijon à Lausanne. Les marchands proposent aux passants les fameuses salaisons séquanes. Au Moyen Âge, les salaisons sont toujours de mise. Albin Mazon, alias Docteur Francus, cité dans Odeurs de forêt et fumets de table de Charles Forot, explique que les moines qui soignaient les malades atteints du mal des ‘ardents’ recevaient en reconnaissance des jambons. Au XVIe siècle, Olivier de Serres dans son Théâtre de l’agriculture, conseille de tuer les cochons les plus gras en premier afin de pouvoir vivre « tout l’hiver de leurs dépouilles et menuisailles ». Pour lui, rien ne vaut le porc pour les salaisons. La chair de porc « ne prend pas plus de sel qu’elle n’en a besoin, au contraire de celle de bœuf qui en suce tant qu’on lui en baille ». Les terroirs du saucisson 69 Les deux saucissons qui font la fierté du Massif Central sont la rosette, aussi appelée cuolarde ou la grosse en Ardèche, et le jésus aussi appelé judru dans le Morvan, fin du monde ou bout du monde en Ardèche. Deux gros garçons rustiques, fruits d’une tradition campagnarde de charcuterie domestique. Pendant des siècles, ce sont des produits paysans uniques pour la bonne raison, disent les campagnards pragmatiques, qu’un porc ne peut donner qu’un boyau ‘rosette’ dans lequel est emprisonnée la mêlée de la délicatesse éponyme et qu’un seul boyau caecum dans lequel est embossée celle du jésus. Ces pièces uniques étaient traditionnellement réservées aux grandes occasions religieuses telles que le baptême ou la communion pour la rosette et Noël ou le jour de l’an pour le jésus. Les plus connus sont la rosette et le jésus de Lyon, les deux paysans qui se sont sérieusement embourgeoisés en passant par la capitale de la charcuterie. LA ROSETTE La rosette doit donc son nom au boyau utilisé pour sa fabrication : le fuseau ou rosette de porc, la partie de l’intestin du porc se terminant par le rectum. La rosette est renflée à cette extrémité naturellement resserrée. « Mais la gastronomie ne manque pas de ressources pour aller plus loin encore dans l’inconvenance : sait-on que la fameuse rosette n’est autre que la partie terminale de l’intestin servant à embosser certaines spécialités charcutières ? Cette déno- mination, même si elle peut à son tour alimenter les romans pornographiques, est sans doute plus gracieuse que le terme anatomique dans toute son implacable rigueur : l’amateur de cochonnailles se verrait peut-être moins aisément commander une assiette ‘d’anus’... à moins que le bon goût ait changé et que la décadence nous guette ! » 1 Le Französisches etymologisches wörterbuch (Dictionnaire Etymologique du Français) de Wartburg indique que dans la région lyonnaise le mot rosette est utilisé au sens métaphorique de « gros intestin des animaux » (Mâcon), et au sens métonymique de ce dernier pour désigner une sorte de « saucisson fait dans le rectum (Loire, Dombes, Rhône, Saône et Loire) : le contenant donne son nom au contenu. P. et M. Hyman, dans L’Inventaire du patrimoine culinaire de la région Rhône-Alpes signalent que « dans l’Ardèche, ce saucisson s’appelle aussi ‘cuolarde’, dénomination intéressante quand on sait que le Gazetin du Comestible présentait à ses lecteurs, en 1767, des saucissons dit ‘culards’. Expédiés à Paris depuis Avignon, ces saucissons coûtaient 48 sous pièce (un poulet de grain coûtait 10 sous) et les auteurs du Gazetin nous assurent que ‘beaucoup de personnes les trouvent supérieurs à [d’autres saucissons] qui ont été cy-devant annoncés’ ». 1. J.-P. Branlard, Manger avec les oreilles. Les terroirs du saucisson 73 74 Éloge du saucisson L’origine géographique de la rosette n’est pas définie. LA ROSETTE DE LYON Les spécialistes parlent plutôt du berceau de la C’est le saucisson sec français le plus connu en France rosette, une aire géographique relativement étendue, et dans le monde. La rosette de Lyon est une grosse comprenant le Rhône, la Loire, la Saône-et-Loire, la campagnarde qui a été adoptée par la ville de Lyon qui Dombes et une partie de l’Ardèche. Dans cette aire, l’a rendue célèbre. C’est une grosse campagnarde mal chacun a sa recette, et, même à recette identique, il fagotée – parfois affublée en patois de noms vulgaires n’y a pas deux rosettes identiques, affirment les fabricomme biau cuolar, biau cuolier ou cuolarde, soit cants. La première recette imprimée à se rapprocher « boyau de cul ». Au XVIIIe siècle, les artisans fabride la rosette, indiquée dans L’Inventaire de patriquant pour le marché urbain se regroupent dans les moine culinaire de Bourgogne, est celle Monts du Lyonnais offrant les condiC’est une grosse des Saucissons de Bage du Livre des tions de séchage requises. Un siècle recettes de ménage Bourgogne datant de plus tard, les industries s’installent campagnarde mal fagotée 1850 : « Le saucisson décrit se compose dans les Monts du Lyonnais et plus – parfois affublée en comme la rosette de jambon et, une fois particulièrement à Saint-Symphorienpatois de noms vulgaires fait, il est ‘suspendu dans un grenier, à sur-Croise, pour fabriquer le saucisson comme biau cuolar, l’air’ pour un bon séchage ». de Lyon, la rosette et le jésus. biau cuolier ou cuolarde, La rosette du Morvan, d’après la définition du Larousse gastronomique est Les spécialistes jurent que c’est le soit « boyau de cul ». un : « Saucisson sec pur porc, originaire boyau qui fait la rosette. Un fabricant du Beaujolais, qui doit son nom au boyau dans lequel explique : « C’est le vrai boyau de Rosette, je vais vous il est embossé, le fuseau, intestin de porc, se termifaire voir, je vais vous en couper une. Vous voyez là elle nant par le rectum, communément appelé rosette en doit être moelleuse. C’est ce qu’on appelle les boyaux raison de sa couleur rose ». gras. Touchez, voyez, il est moelleux. Vous devez avoir le boyau mince ici et plus ventru au fond ». Pour que le boyau soit assez grand, il doit être prélevé sur des porcs assez lourds ou de, préférence des coches qui ont déjà eu une ou deux portées. Sa forme et son épaisseur imposent des temps séchage longs. Les diamètres varient d’un animal à l’autre, ce qui se traduit par des calibres irréguliers et des durées de séchage différentes pour un même lot. Rosette fuseau, filet de porc séché et noix de bœuf séchée tranches Roches Blanches. Les terroirs du saucisson 75 À ces problèmes s’ajoutent ceux de sa forme. La rosette est une grosse pièce mesurant au moins 60 cm et le boyau est épais et tordu. Pour le redresser, il faut le ficeler, d’où son surnom de grosse fille mal fagotée. Le ficelage traditionnel, opération longue et complexe, était réservé à des spécialistes. Bérard et Marchenay définissent cette technique de telle sorte : « Un jeu savant d’entrecroisements verticaux et de tirants horizontaux, renforcés par un ficelage diagonal a pour objectif de tenir la viande et de redresser le boyau, le plus souvent de forme irrégulière. La ficelle est resserrée plusieurs fois pendant le séchage. Le bridage, dans ce cas est l’action de faire des nœuds et l’on s’employait à ‘brider sur la bosse’ c’est-à-dire à effectuer des nœuds sur les parties bosselées de manière à corriger la déformation et à rendre le boyau plus régulier. Les anciens professionnels sont intarissables sur cette phase technique qui était en général confiée à un employé dont c’était la tâche et qui ne faisait que cela ». Pourquoi, à moins d’être d’ardents adeptes du bondage, les anciens faiseurs se donnaient-ils tant de mal pour redresser un affreux boyau tordu ? Parce que, de l’avis des connaisseurs, c’est lui qui donne son goût si particulier à la rosette. Dabin, dans son ouvrage Le Saucisson sec, la bible des fabricants, Rosette de Lyon et Jésus (chef cuisiner : Marguin Christophe cuisine de tradition française). 76 Éloge du saucisson explique que « La rosette (boyau) qui est très épaisse modifie la saveur du saucisson autant par l’apport de son goût propre caractéristique que par l’évolution différente de la maturation qu’elle entraîne en ralentissant fortement le séchage. La véritable rosette, appréciée par certains connaisseurs avertis, a souvent une très légère pointe d’acidité ». La plupart des fabricants utilisent aujourd’hui des boyaux naturels collés en double épaisseur, plus faciles à maîtriser. Les filets, indispensables étant donné la taille de ladite délicatesse, remplacent le bridage. La grosse fille porte aujourd’hui des bas résilles ! Les viandes, composées de jambon et de longe soigneusement dégraissés et de gras, sont hachées avec une grille moyenne puis assaisonnées avec du sel, du poivre en grain pour la rosette du Morvan et de poivre moulu très fin et d’ail dégermé pour celle de Lyon. Après maturation, elles sont embossées. La rosette est ensuite piquetée avec des épingles pour évacuer l’air qui pourrait rester. Le séchage reste une opération délicate qui demande quatre à six mois alors qu’il est de moitié ou du tiers pour un saucisson ordinaire. La rosette reste toujours le saucisson des grandes occasions à la campagne comme à la ville. À Lyon, on l’offre souvent pour les fêtes de fin d’année. L’Europe vient de reconnaître officiellement l’appellation Rosette de Lyon, IGP qui protège son territoire, ses traditions et ses méthodes de fabrication. Côté saucisson, c’est une première pour les salaisons françaises, après le Jambon de Bayonne. LE JÉSUS Beau de truffes en cabochons, Joufflu, pansu, veiné de rose, Il s’habille, en vers comme en prose, Au boyau gras de nos cochons. Fait du meilleur de l’être immonde, Mais savoureux jusqu’au péché, Il fut d’abord « le bout du monde », Ce bout, en tous, si bien caché. Saucisse énorme et savoureuse, Que l’on servait aux réveillons, Quand les astres dans la nuit creuse Semblaient des vols de papillons. Est-ce en songeant à ces posthumes Et chers Noëls, tels je les eus, Qu’en souvenir de ces coutumes, Sans blasphème, on dit « le Jésus » ? Charles Forot, Poèmes gastronomiques. Si la rosette est une grosse fille mal fagotée, le jésus est un gros enfançon emmailloté serré comme les bébés au Moyen Âge sur les tableaux de La Tour. On le réservait traditionnellement en Ardèche au repas de Noël ou à celui du jour de l’An. Pierre Charrié dans L’Ardèche au fil du temps explique que « au cours du repas rituel de cette fête la famille savoure ce saucisson bien particulier. Il est en effet très gros, ce qui lui permet de se Les terroirs du saucisson 77 dessécher moins vite et donc d’être consommé en tout « – Vous allez pouvoir pousser le jésus, concédait dernier, de boucler l’année si l’on veut. […] Il assure Riétou. Le jésus est la plus grosse saucisse, celle que ainsi la soudure achevée de l’ancien cycle, dont il l’on fait dans le plus gros intestin et qui se mange au témoigne, avec le nouveau ». Le judru morvandiau était réveillon de Noël. Et je voyais entonner dans le large réservé au dimanche de Quasimodo. boyau le hachis de viande qui fleurait Wartburg définit dans son FEW la bon les épices et l’alcool ; la peau se Si la rosette est une grosse fille genèse de l’acception lyonnaise du tendait entre les mains expertes, se mal fagotée, le jésus est un terme de jésus qu’on retrouve dans gonflait de protubérances, la saucisse gros enfançon emmailloté serré le Doubs, le Jura et l’Isère : « petit s’étalait. comme les bébés au Moyen Âge enfant » – « petit enfant emmailloté » –, – Faut pas y laisser d’air ni de creux, sur les tableaux de La Tour. par ressemblance « grosse saucisse expliquait l’officiant qui de toute sa courte » ou « gros saucisson (serré dans un filet) ». Dans force amenait le jésus à sa plus belle taille. Hein, Mots de table et de bouche, Claudine Brécourt-Villars, quelles tranches ça fera mon petit, et je te donne un définit le jésus comme « un gros saucisson de Franchemerle blanc si ça rancit. » Comté et du Lyonnais fait dans le boyau culier. De Il explique également, qu’il y a peu de temps encore, tous les saucissons, c’est le jésus qui, par sa taille, « on hachait la viande à la hache et le lard au couteau. inspire le plus grand respect, d’où probablement son Le paysan prétendait que le hachoir échauffait nom : en Gascogne, le plus gros des boudins fait dans la viande et de fait le goût était différent ». Et que le même boyau s’appelle boun diou (bon Dieu), en certains ‘cochonniers’, les tueurs de cochons, étaient hommage à sa taille. […] Mais le jésus bizarrement meilleurs que d’autres. Les malheureux aux mains ficelé, évoque peut-être l’enfant Jésus de la crèche moites « faisaient rancir le bout du monde ». dans son maillot ». La composition du jésus de Lyon est la même que celle Selon un fabricant, ‘jésu’, qui doit s’écrire sans ‘s’, est de la rosette du même nom : jambon et épaule avec du le boyau qui donne son nom au saucisson : « Les jésus gras, assaisonné avec du sel, du poivre et une pointe de Lyon qui sont ces grosses poches-là, ils ont une d’ail, mais le hachage est plus grossier que celui de la forme de ballon de rugby, on dit que ça a la forme d’un rosette. Le jésus d’Ardèche et le judru du Morvan sont petit jésus emmailloté, mais ça n’a rien à voir ‘jésu’, aromatisés de muscade et marinés dans du marc ou il ne faut pas de ‘s’ [C’est] une appellation de boyau. fine de Bourgogne. Comme la rosette, c’est l’appellation de boyau ». La mêlée obtenue est poussée dans la partie du gros Charles Forot, dans Odeurs de forêt et fumets de table, intestin qui forme un sac : le cæcum, un boyau de décrit la fabrication du divin saucisson : porc court et large, qui donne au saucisson une forme 78 Éloge du saucisson ovoïde très ventrue. Le gros poupon pansu est ensuite abondamment ficelé. Son gros diamètre et la lenteur du séchage, qui prend de 6 à 7 mois, donnent au produit une saveur légèrement acide. Mais tout est là, comme pour la bonne rosette, le secret de fabrication du bon jésus, c’est le temps de sèche. LE SAUCISSON DE LYON « Saucisson de Lyon ! O poème, O légende ! Toi que l’on dit si bon lorsqu’en tout petits ronds Dont le grenat s’éclaire aux blancheurs des lardons, Tu ouvres nos festins aux richesses gourmandes ; Ta patrie est ailleurs : c’est en fils adoptif Qu’il peut t’aimer, Lyon, ce père putatif Qui volontiers te fête et t’accueille à sa table. Saint-Symphorien-sur-Coise et Chazelle aux glaïeuls Sont tes lointains pays, ô cierge délectable Qui charme les palais et rajeunit… l’aïeul. » Amédée Matagrin in Lyon cité des brumes. Pour Max-André Dazergues cité par Curnonsky et Grancher, « le saucisson de Lyon enrobé de ‘papier d’argent’ règne en maître incontesté dans la vitrine du charcutier et l’on croirait voir en lui une sorte de bâton de maréchal pour le gourmet de chez nous. Il est trop connu pour en parler longuement ; mais qui dit Lyon y songe presque sans en avoir conscience… ». Si dès le XVIe siècle, Charles Estienne, cité par Le Grand d’Aussy, déclare que : « les saucissons de Lyon, et les cervelas de Milan avoient beaucoup de réputation », il faut attendre le siècle des Lumières pour que le saucisson de Lyon s’inscrive au tableau d’honneur des charcuteries françaises. Laurence Bérard et Philippe Marchenay signalent un document de police daté de 1772, qui atteste l’existence de saucissons et de cervelas à Lyon en les interdisant à certaines dates : « … qu’il convenoit encore, pour prévenir les abus qui pourroient se commettre en tuant des porcs hors de la ville, dont on travailleroit la chair en saucissons & cervelas pour les faire entrer dans la ville, d’y ajouter des défenses de faire entrer dans cette ville des saucissons, cervelas, & petit salé faits avec de la chair de porcs tués hors de la ville dans ledit temps… ». Avant le XVIIIe siècle, c’est le saucisson de Boulogne qui est le grand favori des Français. Au point d’être cité à titre d’exemple dans Le Dictionnaire de l’Académie française en 1694 : « Saucisson. s. m. Sorte de saucisse, qui est fort grosse, & de fort haut goust. Saucisson de Boulogne. une tranche de saucisson ». D’après le Thresor de santé de 1607, cité dans L’Inventaire du patrimoine culinaire de la région Rhône-Alpes, le saucisson de Boulogne était composé d’un mélange de chair de porc et de bœuf aromatisé de safran, poivre, noix de muscade, clou de girofle, anis et fenouil. Une recette qui rappelle celle de son cousin italien de Bologne déposée à Arles par le charcutier Godart. Le saucisson de Lyon à l’origine, comme celui de Boulogne, était composé de porc et de bœuf que venaient plaisamment agrémenter d’exotiques épices, la fureur du moment. Un retour au terroir et à ses authentiques saveurs rustiques fait Les terroirs du saucisson 79 Le goût du saucisson « Quel magnifique arrière-train de porc vous nous avez envoyé ! Absolument divin. Le porcelet à qui il appartenait a dû avoir la vie belle ! » 1 Le saucisson n’est plus, comme autrefois, un aliment de réserve pour affronter les longs mois d’hiver ou les périodes de disette. C’est un aliment plaisir que les amoureux, transis d’excitation, dégustent les yeux fermés. Le choc gustatif provoqué par la collision d’un saucisson d’exception avec vos papilles en folie peut vous envoyer tout droit au nirvana. 1. Emma l’entremetteuse, un film de Douglais McGrath, Miramax, 1997. Saucisson pur porc extra maigre Roches Blanches. LE SAUCISSON DES GOURMETS Comment choisir l’heureux élu ? Comme le bon vin et le bon fromage, il est le fruit d’une maturation surveillée avec amour. Alors la question à 100 000 $ est : à quoi reconnaît-on un bon saucisson ? La réponse est simple. Pour être sûr d’acheter un saucisson de compétition, examinez l’étiquette, regardez les labels. (Vous les trouverez dans l’annexe) Un bon saucisson est un saucisson pur porc, de préférence bio. Des cochons qui ont fait de l’aérobic dans les prés ou du jogging dans le maquis toute leur vie, bref des cochons sportifs, heureux et épanouis, donneront une viande de qualité. Les Romains le savaient déjà. L’importance de la nourriture de notre bestiole est connue, elle aussi, depuis l’Antiquité. Des études récentes indiquent qu’en mettant des graines de lin au menu des petits quadrupèdes, la viande est plus savoureuse. Mais attention, depuis que les supermarchés se sont engouffrés dans la brèche du bio, la qualité a beaucoup baissé et ce label n’est pas nécessairement un gage d’excellence. Il garantit la qualité des produits utilisés 152 Éloge du saucisson – 95 % d’ingrédients issus du mode de production biologique – mais pas la qualité de fabrication. Explication : pour diminuer les coûts, un saucisson bio peut contenir une grande proportion de gras, bio certes, mais au détriment de la viande maigre plus chère. Pour fabriquer un produit au top, le choix se porte sur les morceaux nobles du cochon. Un saucisson trop maigre a peu de goût et un saucisson trop gras n’est pas plus goûteux. L’étiquette doit indiquer : Viande de porc : MINIMUM 190 gr de viande de porc utilisés pour 100 gr de produit fini. Elle doit provenir du pays d’origine : française pour la France, italienne pour l’Italie, etc. Les seuls additifs qui doivent figurer sur l’étiquette sont : le sel (conservateur indispensable), le poivre et les autres épices (pour donner du goût), le sucre (pour nourrir le ferment), le nitrate de potassium (ou salpêtre, conservateur indispensable) et les ferments de maturation. S’il y a d’autres additifs, dites-vous que le saucisson que vous avez devant les yeux s’éloigne du produit traditionnel et que sa fabrication a des chances de ne pas être maîtrisée. Toujours pour réduire les coûts, le producteur peut diminuer le temps de séchage et nuire à la qualité du produit fini qui se conservera moins bien. Un saucisson trop mou et trop humide se conservera mal et le goût sera neutre par manque d’affinage. Avant d’acheter, procédez à un examen scientifique complet du produit en fonction des 3 F sur lesquels vous devez être intraitable : Forme, Ficelle et Fleur. Forme : Regardez le candidat droit dans les yeux : il doit être de forme irrégulière, signe que le boyau utilisé est un boyau naturel. Un saucisson trop régulier indique que vous avez devant un saucisson embossé dans un boyau synthétique. Oubliez-le. Ficelle : La fermeture de ce boyau doit être faite par une ficelle. Si une agrafe métallique a pris sa place, passez votre chemin ! Fleur : La fleur à la surface du saucisson doit être authentique. Le test pour le savoir est simple. Vous écartez les mains et vous les frappez en même temps de part et d’autre du saucisson comme pour applaudir. Si après ce bref accès de violence, vous constatez la présence de poudre dans le sachet, vous avez devant les yeux un candidat qui a été recouvert de talc ou d’un autre produit d’enrobage. Autrement dit, le dépôt sur la peau n’a rien à voir avec la fleur naturelle du saucisson. Cette fleur artificielle ou une exsudation grasse signalent clairement que ce saucisson n’est pas bon. L’étiquette doit indiquer : Viande de porc : minimum 190 gr de viande de porc utilisés pour 100 gr de produit fini. Elle doit provenir du pays d’origine : française pour la France, italienne pour l’Italie, etc. Les seuls additifs qui doivent figurer sur l’étiquette sont : le sel (conservateur indispensable), le poivre et les autres épices (pour donner du goût), le sucre (pour nourrir le ferment), le nitrate de potassium (ou salpêtre, conservateur indispensable) et les ferments de maturation. Le goût du saucisson 153 Avant d’acheter, procédez à un examen scientifique complet du produit en fonction des 3 F sur lesquels vous devez être intraitable : Forme, Ficelle et Fleur. Si le saucisson que vous avez choisi est un triple F, procédez aux examens suivants : Touchez-le : il doit être sec et bien ferme. Humez-le : il doit dégager un arôme doux et agréable. Les tranches doivent pouvoir se couper fines et être pliées sans se casser, les morceaux de gras apparents doivent être blancs. Le saucisson est un aliment plaisir qui fait un bien fou à nos papilles en folie. Mais comme toutes les bonnes choses, il doit être consommé avec modération. Et bien entendu, uniquement du saucisson de qualité. La viande d’un pauvre petit porcidé élevé en batterie, gavé à la farine animale et aux hormones de croissance, n’est pas recommandée. Celle d’un beau cochon de haute lignée – une bonne race rustique – libre de gambader et bien nourri avec une alimentation naturelle donnera un saucisson riche en protéines nobles. 154 Éloge du saucisson Comment le conserver ? Le saucisson, comme le vin et le fromage, est le fruit d’une maturation surveillée avec amour, il convient donc de bichonner ce trésor avec tous les égards dus à son rang une fois arrivé à la maison. Le saucisson sec et la saucisse sèche détestent les grandes chaleurs autant que les grands froids. L’idéal est de pouvoir les pendre haut et court à une potence à saucissons – ou de le poser sur une planche en bois – dans un endroit sec et frais comme une cave ou une pièce fraîche. La température de conservation idéale se situe entre 12 et 22°. Évitez de recouvrir la coupe. Laissez votre saucisson à l’air libre et, en règle générale, sacrifiez la première tranche que vous ne consommerez pas, avant de le découper pour vos invités. Le saucisson se présente avec la peau, coupé en tranches fines ou épaisses. Le top du top pour mener à bien cette délicate opération est d’utiliser une trancheuse à saucisson – allemande de préférence. Elle débitera, avec autant d’élégance que d’efficacité, n’importe quel saucisson en tranches exquises, extrafines ou pas, en l’espace de quelques secondes. LES ACCORDS ENTRE LE SAUCISSON, LE PAIN ET LE VIN A « ccoupler, occupation toujours divertissante, devient un véritable plaisir quand il s’agit de marier les aliments et le vin ». Alexis Lichine. Quel saucisson avec quel pain et quel vin ? Le mariage est un art délicat qui relève avant tout du goût de chacun et de l’ambiance du moment. Un saucisson que vous dégustez sous une tonnelle en été, pendant les vacances n’aura pas le même goût que le même produit, avalé à la va-vite entre deux rendez-vous. Il existe des mariages très classiques, parfaitement harmonieux. D’autres, plus inventifs, réservent de sublimes surprises. À vous de tester ceux qui vous séduiront. LES SAUCISSONS SUBTILS ET MOELLEUX Ce sont de grands saucissons moelleux au goût léger et subtil comme la Rosette, le Jésus, le Judru, le saucisson des moissons, le saucisson de Lyon, de nombreux salamis italiens et la sobrasada de Mallorca. Les pains : ces saucissons se sentiront en excellente compagnie avec des pains aux céréales, pain d’épeautre, à la semoule de blé dur, baguette au pavot, baguette au sésame, gâche ou bâtard, ciabatta, pain aux figues et du pain au beaujolais nouveau. Les vins : des vins de Bourgogne comme les Côte de Beaune, Pommard ou Volnay ou des vins de Bordeaux comme les Saint-Émilion, Saint-Julien ou Graves accompagneront fort joyeusement le tout. Dégustation : • Rosette, Jésus, Judru, saucisson des moissons se consomment à l’apéritif ou en entrée avec du pain, du beurre, des cornichons et des petits oignons, seuls ou avec d’autres charcuteries. • Le saucisson de Lyon, coûteuse délicatesse, se déguste en tranches très fines, en entrée, seule ou accompagnée d’une assiette de charcuterie ou bien en casse-croûte de luxe. • La sobrasada de Mallorca est onctueuse et douce avec un léger goût de paprika et d’épices. Traditionnellement, on la consomme étalée sur une tranche de pain, avec des associations parfois audacieuses, telles que le miel ou la confiture d’abricots. Elle est également servie avec des plats de viande, de poissons, de légumes et certains desserts. Le goût du saucisson 155 LES SUBLIMES RECETTES DE STEPHANE 162 Financiers au saucisson aux noisettes Gaspacho vert au chorizo • Enlevez la peau d’un ravissant saucisson aux noisettes et coupez-le en dés. Préchauffez le four à 180 °C/th 6. Beurrez généreusement le moule avec du beurre salé – sauf si vous utilisez un moule en silicone. • Dans le bol du batteur électrique, montez vigoureusement 2 jaunes d’œuf avec 1 cuiller à soupe d’eau chaude jusqu’à ce qu’ils fassent une belle mousse. • Ajoutez délicatement 50 g de farine et 1 cuiller à café de levure chimique, puis 50 g de poudre d’amandes et 75 g de beurre fondu. • Battez 4 blancs d’œufs rapidement et incorporez-les au reste. • Ajoutez les dés de saucisson et un fromage frais – Boursin au poivre par exemple – émietté. • Versez dans des moules assez profonds que vous ne remplissez qu’à moitié. • Enfournez pour 20 minutes – ou jusqu’à ce qu’ils aient une belle couleur blond miel –, un cran au-dessus du milieu du four et démoulez ces délicatesses dès la sortie. • Faites cuire 200 g de petits pois et 2 courgettes dans une casserole d’eau bouillante salée pendant 6 minutes. • Égouttez-les et plongez-les dans un grand saladier d’eau glacée. Égouttez-les à nouveau avant de les transférer dans votre beau blender avec un petit carton de lait de coco, un verre d’eau et 4 feuilles de menthe. • Mixez furieusement, salez, poivrez et mettez au réfrigérateur pour quelques heures. • Placez 4 tomates cerise au réfrigérateur. • Au moment de servir, émincez 4 tranches très fines de saucisson du marin. Versez le gaspacho dans de jolies verrines, décorez avec le saucisson émincé, saupoudrez de piment d’Espelette. • Pour la touche finale raffinée, déposez une tomate cerise. Éloge du saucisson CONCLUSION « Tout a une fin, sauf le saucisson qui en a deux. » Proverbe danois Le saucisson est un produit noble, qui a retrouvé sa place à la table des rois. Vous en doutez ? Alors devinez ce qui se trouvait dans les paniers dégustation offerts aux chefs d’État venus fêter le 70e anniversaire du D Day en 2014 ? Du saucisson du marin. Et sur la table de Karl Lagerfeld ? Le même accompagné de ses petits camarades. 171
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