Newsletter - Schellenberg Wittmer

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Newsletter - Schellenberg Wittmer
Avocats
nov em br e 2011
Newsletter
Auteurs:
Martin Weber
Roy Ryan
Olivier Hari
CO R P O R A T E / m er g er s & a c q u i s i t i o n s
Cash Pooling – Dos et Don’ts
Une société suisse d’un groupe de sociétés censée devenir membre d’un système de gestion de la trésorerie centralisée doit être attentive aux limites posées par le droit suisse, particulièrement si la
société suisse doit fournir des garanties upstream. La violation de ces règles est susceptible d’entraîner l’invalidation du prêt upstream et des conséquences négatives en matières fiscale. En outre, la
responsabilité personnelle des administrateurs et personnes chargées de la gestion pourrait être en
jeu.
1. I N T R O D UCTIO N
Les groupes internationaux de sociétés centralisent souvent
la gestion de la trésorerie des sociétés affiliées (“Cash Pooling“) afin d’optimiser la gestion de la trésorerie, de réduire
les frais financiers et d’améliorer le rendment du trop-plein
de liquidités.
Dans un système de Cash Pooling physique, la société du
groupe assurant le financement (“Pool Master“) ouvre un
compte auprès d’une banque tierce, la “Banque Pivot”,
auprès de laquelle tous les comptes bancaires individuels
des sociétés affiliées du groupe (les “Membres du Pool”)
sont automatiquement et régulièrement transférés et crédités ou débités du ou vers le compte pivot. Le solde des
comptes des filiales est soit mis à zéro (“Zero Balance Cash
Pooling”), soit limité à un montant supérieur laissant à disposition des entités du groupe concernées un coussin de
liquidités (le “Target Balance Cash Pooling”).
A la différence du Cash Pooling physique, le “Cash Pooling
notionnel“ se base sur une fusion virtuelle des positions
individuelles en cash des sociétés du groupe afin de fusionner les échelles d’intérêt sur un seul compte consolidé.
Chaque société affiliée conserve son compte auprès de la
Banque Pivot, sans que le solde positif ou négatif ne soit
physiquement transféré sur un compte pivot.
Tant dans les systèmes de Cash Pooling physique que de
Cash Pooling notionnel, il se peut que la Banque Pivot du
Pool exige que les Membres du Pool endossent une responsabilité conjointe solidaire, ou fournissent une garantie
upstream, sous forme d’un gage ou d’un autre type de
garantie (les “Garanties Upstream“) afin de pallier à tout
risque de défaut du Pool Master ou de tout autre Membre
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du Pool.
Dans le cadre du présent aperçu, nous partons de la prémisse que la filiale suisse d’un groupe international de
sociétés est censée faire partie d’un système de Cash Pooling physique opéré par une société mère, directement ou
indirectement, ou par l’une de ses affiliées, directe ou indirecte (“Cash Pooling Upstream“). Nous partons en outre de
l’hypothèse que le compte de la société suisse Membre du
Pool est créditeur.
Le fait que le compte de la société suisse présente un solde
débiteur, ou que le Pool Master soit la société suisse ou une
de ses filiales, directe ou indirecte (Downstream Cash Pooling), est moins problématique du point de vue du droit
suisse. Ces aspects ne seront donc pas examinés ici.
2 . L IMIT E S G É N É R A L E S A P P O R T É E S PA R L E D R OIT
SUISS E A U “C A S H P OO L I N G U P ST R E A M “
La société suisse Membre du Pool qui contribue positivement à un système de Cash Pooling Upstream octroie un
prêt upstream (ou cross-stream) au Pool Master. Comme
tout prêt cross- ou upstream en général, ce prêt s’inscrivant
dans un système de Cash Pooling Upstream n’est admis que
moyennant respect de certaines conditions et limitations
découlant du droit des sociétés et du droit fiscal suisses
détaillées ci-après.
La violation des dispositions idoines en la matière est en
particulier susceptible d’entraîner l’invalidation du prêt
upstream et d’engager la responsabilité personnelle des
administrateurs et personnes chargées de la gestion de la
société suisse concernée. En outre, la violation des règles du
droit suisse peut également entraîner des conséquences fiscales, constituer une infraction sous l’angle du droit suisse
de la faillite, et même une infraction pénale (avantage
accordé à certains créanciers, gestion déloyale).
Le respect strict du principe de pleine concurrence est difficile à respecter dans le
cadre du Zero Balance Cash Pooling physique
En l’absence de normes de droit positif ou de jurisprudence
claire en la matière, il est souvent difficile de déterminer
dans un cas concret si et dans quelle mesure les restrictions
du droit suisse s’appliquent et sont respectées. Par conséquent, et eu égard aux conséquences potentiellement très
néfastes de la violation de ces règles, les personnes compétentes au sein de la structure suisse doivent analyser soigneusement la situation, de cas en cas, avant de prendre la
décision de faire partie d’un Cash Pooling. La prudence sera
de mise en cas de doute s’agissant de savoir si le prêt
upstream est octroyé «at arm’s length» et est conforme au
principe de gestion diligente des liquidités de la société
suisse.
Il convient de préciser que le droit suisse des sociétés ne
connaît pas de véritable concept de droit des groupes de
sociétés. En conséquence, les administrateurs de la société
suisse adhérant à un Cash Pooling ne peuvent-ils pas appréhender la problématique d’un point de vue consolidé et
satisfaire à leurs obligations fiduciaires en prenant en considération l’intérêt général de l’entier du groupe. Au contraire,
ils doivent examiner et préserver le statut financier de la
société suisse strictement du point de vue de la société
suisse, en gardant à l’esprit que la société suisse en question
possède une identité propre et qu’elle est juridiquement
indépendante.
3 . L E P R I N CI P E D E P L E I N E CO N CU R R E N C E : R È G L E
D E CO N D UIT E é L éM E N TA I R E
A l’instar de toute transaction intragroupe, un prêt
upstream s’inscrivant dans un système de gestion centralisée de trésorerie doit être effectué conformément au principe dit “de pleine concurrence“ ou “at arm’s length“. L’on
examinera donc si une banque tierce non affiliée aux sociétés du groupe aurait été disposée à accorder un prêt du
même montant et aux mêmes conditions au Pool Master.
Il en découle que:
> La durée, la résiliation, les intérêts et l’amortissement du
prêt upstream accordé au Pool Master doivent obéir à des
règles usuelles en la matière;
> Le prêt upstream doit être également dans l’intérêt du
Membre du Pool; et
> Des garanties adéquates en vue du remboursement du
prêt upstream devraient être données par le Pool Master
(garantie de tiers par exemple).
En outre, a société suisse prêteuse doit soigneusement et
régulièrement contrôler la solvabilité de l’emprunteur et sa
volonté et capacité à rembourser le prêt upstream.
Le respect strict du principe de pleine concurrence est difficile à respecter dans le cadre du Zero Balance Cash Pooling
physique. C’est encore plus le cas si le prêteur est censé
octroyer un prêt upstream à la Banque Pivot sans recevoir
une contre-prestation adéquate en échange de son assistance financière. L’on mentionnera que tous les critères
suivants doivent être remplis, individuellement.
4 . R E ST R ICTIO N S IM P OS É E S PA R L E D R OIT D E S
SOCI É T É S
4.1 Conformité au but statutaire
Afin d’éviter que la décision de faire partie d’un système de
Cash Pooling Upstream ne soit considérée comme ultra
vires et, partant, nulle ab initio, le but statutaire de la société
suisse prêteuse devrait mentionner expressément l’assistance financière à des sociétés du groupe, y compris par le
biais de prêts upstream et de participation au système centralisé de type Cash Pooling. De plus, il est conseillé de faire
figurer dans l’article précité une référence explicite au fait
que la société est elle-même membre dudit groupe.
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4.2 Principe de diversification adéquate des risques
Les personnes compétentes au sein de la société suisse prêteuse devront veiller à respecter le principe de diversification adéquate des risques. Le respect de ce principe vise à
éviter une concentration des risques, et par exemple une
situation où les actifs du bilan de la société suisse reposent
essentiellement sur le prêt upstream dans un système de
Cash Pooling Upstream.
4.3 Gestion diligente de la trésorerie
Les personnes compétentes au sein de la société suisse prêteuse devront s’assurer que dite société sera en tout temps à
même de faire face à ses propres besoins en trésorerie,
même si (et spécialement si) le Pool Master devait se trouver
en difficulté financière. La société suisse Membre du Cash
Pooling Upstream devrait donc conserver une part adéquate de liquidités hors du système, ou prévenir un pooling
automatique de ses liquidités excédentaires.
La société suisse Membre du Pool devra s’assurer qu’elle
aura en tout temps un droit de regard et de surveillance du
système afin de pouvoir vérifier en permanence la capacité
de remboursement du Pool Master. Par ailleurs, elle devra
faire en sorte de pouvoir réagir immédiatement et se réserver le droit de sortir du système et de récupérer le solde
positif de son compte dans l’hypothèse où la capacité de
remboursement du Pool Master devient douteuse. L’on
devra garder à l’esprit que le remboursement du prêt
upstream pourrait être interdit, en application de règles du
droit de la faillite.
4.4 Contribution limitée aux fonds propres librement disponibles
La contribution maximale du prêteur à un système de Cash
Pooling Upstream devrait être limitée à un montant correspondant à celui de ses fonds propres librement disponibles
(”Free Equity”), à moins que le critère de pleine concurrence
et les autres conditions décrites précédemment soient clairement remplis. Ceci est primordial, particulièrement si la
capacité de remboursement du Pool Master n’est pas entièrement garantie. Free Equity correspond au total des fonds
propres du prêteur (tels que ressortant du bilan), moins
150% (ou 120% pour une holding) de la valeur nominale du
capital-actions libéré, moins les réserves qui ne peuvent pas
être distribuées sous forme de dividendes.
L’octroi de garanties upstream illimitées
n’est que rarement justifié
De plus, le critère de contribution limitée au Free Equity
s’applique à n’importe quel octroi de garanties upstream
par la société suisse en faveur de la Banque Pivot, quelles
que soient les obligations du Pool Master ou des autres
sociétés affiliées qui seraient ainsi garanties. L’octroi de
garanties upstream n’est que rarement justifié par le fait
qu’il est effectué dans l’intérêt de l’entité qui l’octroie. Vu
qu’il est en pratique très difficile de remplir ce critère, la
société suisse Membre du Pool devra souvent être dispensée de l’obligation de fournir des garanties upstream.
4.5 Approbation de la contribution par l’assemblée générale
des actionnaires
Pour différentes raisons, l’on ne saurait trop conseiller à
l’entité qui rentre dans un système de Cash Pooling
Upstream de soumettre dite participation à l’accord préalable de l’assemblée générale des actionnaires.
De la sorte, il devrait être possible de limiter les risques
toute accusation de distribution cachée de dividendes. En
outre, l’approbation de la transaction par les actionnaires
offrira à l’organe compétent de l’entité concernée une certaine protection contre d’éventuelles actions en responsabilité de la part du Membre du Pool ou des actionnaires accordant.
5 . IM P L IC ATIO N S E N M ATI È R E F ISC A L E
Le fait d’adhérer à un système de Cash Pooling Upstream
est susceptible d’avoir des conséquences négatives en
matière d’impôt anticipé et d’impôt sur le revenu, si le prêt
upstream ou l’octroi de garanties upstream ne respecte pas
le principe de pleine concurrence, et peut donc être qualifié
de distribution cachée de dividendes. Pour ce faire, l’on doit
examiner les trois aspects suivants:
> Taux d’intérêt: si le prêt upstream est octroyé à un taux
inférieur à celui accepté d’ordinaire par les administrations fiscales suisses, la différence entre le taux appliqué
et le taux accepté sera considérée comme une distribution cachée de dividende.
> Montant du prêt upstream: à certaines conditions, les
autorités fiscales peuvent estimer que l’intégralité du
montant du prêt correspond à une distribution cachée de
dividendes. Tel sera le cas si, au moment où le prêt a été
accordé ou renouvelé, le Pool Master était dans une situation financière si mauvaise que l’on ne pouvait raisonnablement pas s’attendre à un remboursement du prêt, et si
un tiers n’aurait pas accordé ou renouvelé le prêt à des
termes et à des conditions similaires.
> Liquidation de fait: si le prêt upstream n’est pas remboursé et que le prêteur suisse tombe en faillite ou est
liquidé, l’octroi d’un prêt upstream peut être rétroactivement considéré comme étant la première étape de la liquidation du prêteur suisse en vertu de la notion de la
liquidation de fait. Par conséquent, non seulement le
montant du prêt upstream en question, mais le montant
total calculé sur la base de la valeur réelle (”fair market
value”) des avoirs nets de la société suisse au moment de
l’octroi du prêt upstream sera traité comme produit de la
liquidation de fait.
La distribution cachée de dividendes et le produit de la
liquidation de fait d’une société ayant son siège en Suisse
sont assujettis à l’impôt à la source (actuellement 35%). Sur
requête, l’impôt peut être totalement ou partiellement rétrocédé au bénéficiaire de la distribution. Si le bénéficiaire
n’est pas suisse, une telle rétrocession ne peut être effectuée
que sur la base d’un traité bilatéral.
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Dans la mesure où l’impôt anticipé de 35% est prélevé à la
source, les autorités fiscales estiment que les paiements
effectifs correspondent à 65% de la distribution cachée de
dividendes ou du produit de la liquidation de fait. Ainsi,
elles calculent en premier lieu le montant total correspondant aux 100% du dividende caché (gross up) et prélèvent
ensuite l’impôt anticipé de 35% sur ce montant.
Un système de Cash Pooling Upstream non
conforme peut entraîner la perception d’un
impôt anticipé à hauteur de 53.8%
Par conséquent, le prêteur suisse (ou les membres de son
conseil d’administration ou les personnes chargées de la
gestion) peut être redevable d’un impôt anticipé s’élevant
potentiellement à 53.8% du montant du dividende caché ou
du produit de la liquidation de fait.
En sus de ces potentielles conséquences en matière d’impôt
anticipé, les pertes subies sur les prêts upstream constituant des dividendes dissimulés ne sont pas déductibles du
bénéfice imposable de la société suisse Membre du Pool. De
même, une rémunération insuffisante des prêts upstream
peut entraîner un réajustement du bénéfice imposable de la
société suisse.
6 . CO N C L USIO N
Avant d’accepter de rejoindre un système de Cash Pooling
Upstream, l’organe compétent de l’entité suisse concernée
devra analyser soigneusement, les implications concrètes
des restrictions imposées par le droit des sociétés et le droit
fiscal suisses. Ainsi, l’entité suisse devrait arriver à la
conclusion qu’elle doit (i) être membre d’un système notionnel et non physique, (ii) accepter un Target Balance Cash
Pooling plutôt qu’un Zero Balance Cash Pooling (iii)
rejoindre un système de pooling manuel (et non automatique) et (iv) refuser d’octroyer des garanties upstream à la
Banque Pivot.
C o n ta c t s
Le contenu de cette Newsletter ne peut pas être assimilé à un avis ou conseil juridique ou fiscal. Si vous souhaitez obtenir
un avis sur votre situation particulière, votre personne de contact habituelle auprès de Schellenberg Wittmer ou l’un des
avocats suivants répondra volontiers à vos questions:
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A Genève:
Martin Weber
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Associé
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