A l`ère de la transparence, quelles conséquences sur
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A l`ère de la transparence, quelles conséquences sur
A l’ère de la transparence, quelles conséquences sur la gestion du patrimoine des fondations ? Etude sur les pratiques de gestion du patrimoine des fondations d’utilité publique basées en Suisse romande en 2014 Etude mandatée par la Banque Julius Baer & Cie SA Pourquoi cette étude ? Le souhait d’une société davantage solidaire et pérenne suscite plus que jamais l’engagement d’acteurs déterminés. En Suisse notamment, véritable berceau d’une tradition humanitaire, nous avons vu les fondations se rapprocher pour partager leurs bonnes pratiques et maximiser ainsi la portée de leurs actions. Une impulsion nouvelle a été donnée dans ce secteur aux efforts de collaboration, de transparence et de professionnalisation. Fidèle à son positionnement innovateur face aux attentes d’une clientèle toujours plus sensible à la durabilité de ses placements, Julius Baer a résolument pris le chemin d’une intégration systématique des critères d’investissements responsables mesurant l’implication et le développement social, éthique et environnemental dans son processus d’analyse financière (critères ESG). Consciente de la valeur ajoutée qu’un conseil intégré peut offrir à des fondations, qui n’ont pas encore fait évoluer la gestion de leur portefeuille vers plus de cohérence avec leur mission, tout en minimisant aussi bien les risques financiers que les risques d’image, Julius Baer a voulu en savoir plus sur les mécanismes et les enjeux de ce secteur. C’est pourquoi elle a confié à deux partenaires de premier ordre dans le domaine du conseil en philanthropie et des investissements responsables, WISE et Conser, le soin de cerner les enjeux d’aujourd’hui. Cette première étude menée en Suisse romande complète une enquête similaire conduite sur les fondations en Suisse allemande. Il en résulte d’ailleurs une concordance dans les conclusions. Nous espérons que cet éclairage apporté grâce à la précieuse contribution des fondations et des experts interrogés, que nous remercions chaleureusement, puisse être une base de discussion et de réflexion pour les fondations et leurs partenaires dans leur approche concernant la gestion de leur patrimoine. Que ce monde des fondations en mouvement puisse évoluer vers une participation encore plus efficace au bien-être des bénéficiaires et de la population en général. Giovanni M.S. Flury Membre du Comité Exécutif Responsable Région Suisse Banque Julius Baer & Cie SA 2 Introduction Les fondations d’utilité publique participent largement à la qualité sociale, culturelle ou environnementale de notre société. Leur réputation dépend aussi de l’adoption de bonnes pratiques en termes de gouvernance, de transparence et de gestion. Désireux de faire reconnaître et valoriser leur bon fonctionnement, ainsi que de soutenir leur évolution par un partage de connaissances, Conser et WISE, avec le soutien de la Banque Julius Baer, se sont associés pour réaliser une étude approfondie sur le sujet. Notre objectif est d’établir un état des lieux des pratiques de gestion de patrimoine en Suisse romande, ainsi que de favoriser le partage d’expériences et la diffusion des bonnes pratiques. Un sondage comportant 37 questions a été mené au premier semestre 2014 auprès de fondations d’utilité publique basées en Suisse romande. Les trois grands thèmes abordés sont : F[aiop_lh[h]_ F[a_mncih^oj[nlcgich_×h[h]c_l1 Les pratiques de gestion du patrimoine de ces fondations sont au cœur de cette enquête. Un comité d’experts ad hoc a été constitué afin d’enrichir le débat et d’accompagner le processus de réalisation de l’étude : Bernard Vischer (Avocat, associé Schellenberg Wittmer) Didier Cherpitel (Trésorier de la Fondation Mérieux et secrétaire de la Swiss Philanthropy Foundation) Georg von Schnurbein (Directeur du Centre d’Etudes de la Philanthropie, Université de Bâle) Olivier Baudry (Membre du Management Committee Région Suisse auprès de la Banque Julius Baer) F[a_mncih^oj[nlcgich__h[]]il^[p_] la mission - MRI 2 Ce rapport livre les résultats de cette enquête, enrichis par des témoignages de fondations et des interviews d’experts dans le domaine. A la fin du document, le professeur Georg von Schnurbein du Center for Philanthropy Studies (CEPS) ajoute un éclairage sur la situation en Suisse alémanique et sur les pratiques à l’échelle internationale. Sa participation à une recherche similaire, menée en 2012 par CEPS en Suisse allemande, apporte une analyse comparative des résultats obtenus dans les deux régions. Nous tenons remercier chaleureusement tous les participants de leur précieuse contribution. Pour rester fidèles au principe de transparence, nous avons diffusé notre étude aux parties concernées ainsi qu’au grand public. Angela de Wolff, Conser Etienne Eichenberger, WISE 1 Les auteurs utilisent la notion de patrimoine en faisant référence au patrimoine financier 2 MRI – Mission-Related Investment 3 Table des matières 4 Pourquoi cette étude ? p.2 Introduction p.3 Résumé exécutif p.5 Perspectives p.7 Fondations d’utilité publique : le Panorama en Suisse La tradition suisse du don De la diversité des fondations d’utilité publique Quelles perspectives pour les fondations d’utilité publique ? p.8 p.9 Panel de l’enquête Un taux de participation significatif et une typologie très variée Un panel illustratif Des ressources financières multiples p.10 Gouvernance Entretien avec Peter Brey, Directeur de la Fondation Leenaards Organisation opérationnelle Composition du conseil de fondation Délégation des tâches Niveau de satisfaction La gouvernance va devenir un enjeu important Entretien avec Bernard Vischer, avocat, associé Schellenberg Wittmer p.13 Gestion du patrimoine Entretien avec Didier Cherpitel de la Fondation Mérieux et de la Swiss Philanthropy Foundation Organisation Délégation Critères de sélection Objectifs de gestion Philosophie d’investissement Niveau de satisfaction et perspectives Entretien avec Olivier Baudry, Membre du Management Commitee Suisse, Banque Julius Baer p.20 Gestion du patrimoine en accord avec la mission - MRI Entretien avec Jean Fiaux et Yves de Montmollin, Fondation Hahnloser Le MRI dans la réalité des fondations interrogées Les causes du manque d’intérêt pour le MRI Quelles motivations en faveur du MRI ? L’évolution future du MRI Entretien avec Anne Gloor, Fondatrice et Directrice de PeaceNexus p.30 p.31 p.32 p.33 p.34 p.35 p.36 Eclairage sur les pratiques en Suisse allemande et dans le monde L’utopie de la fondation éternelle Différences à l’échelle internationale concernant les obligations légales Comparaison intra-suisse : le tableau complet Augmenter la confiance en encourageant la professionnalisation Le petit doigt ou toute la main ? Augmenter les connaissances sur la gestion du patrimoine p.38 Remerciements p.42 p.11 p.12 p.15 p.16 p.17 p.18 p.22 p.23 p.24 p.25 p.26 p.27 p.28 p.39 p.40 p.41 Résumé exécutif Cette étude établit un état des lieux des bonnes pratiques des fondations basées en Suisse romande et favorise le partage d’expériences. Les résultats de l’enquête sont enrichis par des témoignages de fondations et des interviews d’experts. Qualité du panel Hiom[pihmmiffc]cn,+*`ih^[ncihm_n[pihmn[al[\f_g_hnmoljlcm^on[or^_ljihm_ proche des 30%. ?hfcah_[p_]f_jli×f]c\f&2-^_mljih^[hnmmihn^inm^Îoh][jcn[f&^ihn/2^cmjim_^Îoh_ fortune supérieure à CHF 10 millions. F_mlmofn[nm]ih×lg_hnfÎbnliahcn^om_]n_olkocm_l_Øn_^[hmf[^cp_lmcn^_mgcmmcihm (buts), de l’organisation et du financement des institutions. Gouvernance 50 % Globalement, les conseils de fondation comprennent des membres de qualité qui assument leurs responsabilités. des sondés estiment que les questions liées à l’organisation des conseils et aux conflits d’intérêt devraient être améliorés en priorité 12^_m`ih^[ncihm^cmjim_hn^Îoh^cl_]n_ol)lc]_ijl[ncihh_f"f_#io^Îohm_]ln[cl_ahl[f( La délégation est ciblée sur des activités techniques comme la gestion du patrimoine ou la sélection de projets. 03_rjlcg_hnoh_nin[f_m[ncm`[]ncihfÎa[l^^o]ihm_cf(Cfl_mmilnoh_`ilg_^_À\ihm_hm^_m fondations » dans l’organisation et l’optimisation des ressources. Curieusement, ces résultats très encourageants sont en contradiction partielle avec les préoccupations d’avenir exprimées par les sondés. /*_mncg_hnko_f_mko_mncihmfc_mfÎila[hcm[ncih^_m]ihm_cfm_n[or]ihØcnm^Îchnln^_pl[c_hn être améliorés en priorité. F_m]ihm_cfmmihn]igjimmjlm^_^_ornc_lm^Î_rj_lnmfa[or"[pi][nmiodolcmn_m#_n^_×h[h]c_lm (banquiers ou comptables). Cela explique peut-être l’évocation des conflits d’intérêts. 5 53% des fondations consacrent moins de 10% de leur temps au suivi de la gestion 11 % des fondations appliquent une philosophie MRI à leur portefeuille Gestion du patrimoine : La gestion du patrimoine en accord avec la mission (MRI 3) : La gestion de patrimoine doit s’inscrire dans un processus dynamique, qui prend en compte l’évolution de la situation propre de la fondation ainsi que des conditions du marché. Si le concept est largement connu (69% indiquent en être familiers), son application effective dans les portefeuilles reste encore modeste. >[hmf[al[h^_g[dilcn^_m][m&f_]ihm_cf assume la responsabilité stratégique et délègue la gestion opérationnelle à un comité ad hoc ou à l’externe. Jiol/-^_m`ih^[ncihm&f_n_gjm]ihm[]lj[l le conseil de fondation au suivi de la gestion du patrimoine est très modeste (10% du temps). =_mihnjlch]cj[f_g_hnf_m`ih^[ncihm^in_m de plus de CHF 10 millions qui consacrent le plus de temps et qui disposent de compétences internes. F_m-]lcnl_mjlcilcn[cl_m^[hmf_]bicr^_jl_mtataires externes sont l’intégrité, la compétence et l’indépendance, en ligne avec la préoccupancih[]no_ff_À^_f[j_l`ilg[h]_&g[cmj[m n’importe quel prix. » Les objectifs de gestion et philosophie d’investissement sont relativement homogènes : ;//&f_mmih^m]cn_hnf[jlin_]ncih^o][jcn[f comme une priorité. -.^_mljih^[hnmcgjim_hn^d^_m]lcnl_m éthiques à leur gérant. FÎ[ffi][ncih^Î[]nc`m_mnahl[f_g_hn\[f[h]_& avec un profil de placement plutôt prudent. Les résultats expriment un certain conservatisme et une aversion pour le risque, d’où, peut-être, la faible propension pour des approches de gestion innovantes et originales. Pourtant, à l’heure où le rendement est extrêmement bas, la revue des objectifs à la baisse ou l’augmentation du profil de risque paraît inévitable. De manière générale, les sondés sont très satisfaits des pratiques actuelles. Ce résultat peut surprendre au vu du plébiscite des mêmes sondés pour améliorer le niveau de professionnalisme et de transparence, en particulier concernant le cumul des frais de gestion. 3 6 MRI – Mission-Related Investment Aujourd’hui, seules 11% des fondations appliquent une philosophie MRI à leur portefeuille : F_m01koc^cm_hnh_j[mnl_chnl_mmm invoquent la méconnaissance de l’offre et la mesure insuffisante de l’impact. F_m[^_jn_mch^cko_hn[piclchnalf_GLCmiom l’influence d’un membre du conseil de fondation "]cnj[l2,#_n)io^[hmfÎijncko_^Î[^ijn_l^_m bonnes pratiques (cité par 45%). F_m`ih^[ncihm[]kocm_m]_nn_jbcfimijbc_ l’utilisent largement dans la gestion de leur portefeuille (45% l’appliquent à plus de la moitié de leur fortune). A l’avenir, 40% des répondants envisagent un renforcement de leurs investissements dans ce domaine. Néanmoins, il semble que la complexité du MRI dans sa compréhension et son application retienne bon nombre de fondations et les prive d’une innovation-clé en matière de gestion. Perspectives Les fondations de Suisse romande – et avec elles les fondateurs et les donateurs – sont d’une vitalité remarquable ; mais elles peuvent faire mieux encore, en visant une utilisation optimale de leurs ressources financières ou humaines. Les résultats de cette étude nous permettent de formuler cinq questions fondamentales que les conseils de fondation pourraient se poser en relation avec la gestion du patrimoine de la fondation afin d’améliorer l’impact de ses investissements. 1. Sommes-nous au clair sur les objectifs de notre fondation ? La fondation est constituée autour d’une mission. Il est essentiel que le(s) fondateur(s) partage(nt) la définition de cette mission avec le conseil de fondation et la direction, ainsi que la théorie du changement qui les guide. Cet alignement garantit une vision claire et un engagement solidaire au sein de l’organe de direction. Questions fondamentales : Quelle est la vision et la mission de notre fondation ? Quels bénéfices sociétaux ambitionnons-nous d’atteindre à titre individuel et collectif ? Quel niveau d’engagement sommes-nous prêts à donner (temps, réseau, etc.) ? 2. Nos ressources internes et externes sont-elles adéquates ? Les membres du conseil, la direction et autres acteurs internes constituent autant de ressources participant au développement d’une fondation. Elles sont en général complétées par des ressources externes, tant pour l’organisation de la fondation que pour les actions sur le terrain. Questions fondamentales : Avons-nous les bons experts au sein du conseil et de nos équipes ? Connaissons-nous les experts nécessaires pour compléter nos besoins ? Quels partenaires ou réseaux (formels ou informels) pourraient renforcer notre pratique ? 3. De quels moyens financiers disposons-nous ? La fondation dispose de certains moyens financiers pour remplir sa mission. Il est primordial d’évaluer la fiabilité et la visibilité des revenus financiers pour assurer une gestion optimale. Le conseil de fondation doit planifier les dépenses annuelles et à long terme, planifier les cycles d’une fondation (création, croissance, cofinancement), mesurer les moyens dont il dispose à l’aune de ses ambitions et donner des indications précises aux gérants de ce patrimoine. Questions fondamentales : Avec quels moyens disponibles (revenus et/ou capital) pouvons-nous compter ? Ceux-ci permettent-ils de couvrir nos engagements annuels ? Avons-nous clairement communiqué à nos gérants ou experts financiers nos besoins à court et moyen terme, ainsi que notre profil de rendement/risque ? 4. Quel est notre processus d’évaluation ? Les fondations sont peu sujettes aux pressions externes. Les critères de qualité et d’efficacité sont du ressort du conseil. En réponse à un contexte changeant et exigeant, une fondation se doit d’établir volontairement un cadre de fonctionnement, des garde-fous ainsi que des processus de contrôle. La mesure de la qualité et de l’impact favorise le déploiement de la mission. Questions fondamentales : Comment procédonsnous à l’évaluation de la qualité de nos actions ? Nos prestataires, notamment nos gérants de fortune, disposent-ils d’objectifs précis ? Ont-ils atteint les résultats escomptés ? Avons-nous clairement exprimé nos attentes, aussi en termes d’impact ? Avons-nous évalué avec diligence les options pour gérer notre capital en accord avec notre mission ? 5. Formons-nous un leadership responsable et innovateur ? La liberté dont disposent les fondations leur confère une marge de manœuvre et une capacité d’innovation considérables pour l’organisation, la gestion et l’adoption des meilleures pratiques. Cette liberté est à la fois un atout, une opportunité et un défi. En partageant ses expériences, la fondation devient source d’inspiration et d’exemplarité. Questions fondamentales : Savons-nous agir avec audace et en tant qu’entrepreneurs responsables dans notre mission d’utilité publique ? Osons-nous inspirer le changement et partager nos succès et échecs avec nos pairs ? Nous espérons que les éclairages apportés par cette étude permettront aux conseils de fondation d’entrevoir leur engagement de manière pratique. Nous sommes reconnaissants des commentaires ou suggestions que tout lecteur voudrait bien nous faire concernant cette publication. 7 Fondations d’utilité publique : le Panorama en Suisse Au fil des siècles et en particulier dans les moments de crise comme celui que nous traversons, la fondation est devenue un rouage économique et social déterminant qui participe au nouvel équilibre de notre société, entre transfert de compétences et de capital, entre partage avec la collectivité et quête de sens personnel. A l’heure où les Etats se désengagent, ces entités à but non lucratif jouent un rôle prépondérant dans la solution des enjeux sociaux et environnementaux. 12’909 fondations d’utilité publique étaient inscrites au Registre du Commerce à fin 2013 La tradition suisse du don De la diversité des fondations d’utilité publique La création d’une fondation constitue un des moyens pour les donateurs qui disposent d’un certain capital et qui souhaitent pérenniser leur démarche philanthropique. La Suisse a toujours favorisé la création de fondations. L’Inselspital, créée à Berne en 13544, est l’une des plus anciennes fondations encore en activité en Europe ! Les premières fondations ont été créées dès le XIIe siècle. Le code civil suisse date quant à lui de 1907 ; les fondations y sont réglementées dans une douzaine d’articles. Cette loi n’a d’ailleurs connu que très peu de révisions au fil des décennies, témoignant de la confiance du législateur dans la capacité du fondateur à utiliser sa liberté de manière responsable. Comment expliquer une telle importance des fondations en Suisse ? Selon le rapport 2014 sur les fondations en Suisse, il existait, fin 2013, 12’909 fondations5 d’utilité publique inscrites au Registre du Commerce. Comparée à d’autres pays européens, la Suisse se démarque largement : en France, il existait 3’220 fondations6 (à fin 2012, selon l’Observatoire de la Fondation de France et le Centre Français des Fonds et Fondations). En Allemagne, on compte une fondation pour 5’000 habitants. Avec une fondation pour 620 habitants, la Suisse est l’un des pays au monde avec la plus grande densité de fondations. En termes de montants, les fondations suisses distribuent en moyenne 3% de leur capital, sauf celles qui ont décidé de distribuer l’intégralité de leur capital et donnent en moyenne 5% de leur capital par an7. Enfin, on estime qu’en Suisse romande uniquement les fondations disposent d’une fortune d’environ CHF 20 milliards. 8 4 Miol]_4bnnj4))_h(qcecj_^c[(ila)qcec)Chm_fmjcn[f 5 Miol]_4bnnj4))qqq(mqcmm`ioh^[ncihm(]b)`l)`[cnm']bc``l_m Une des premières raisons est sans aucun doute la volonté politique de favoriser leur essor. En effet, il est relativement simple de créer sa propre fondation en droit suisse et les contraintes réglementaires sont limitées8. Par ailleurs, les fondations d’utilité publique sont exonérées d’impôts sur le revenu et le capital. De plus, les dons du contribuable suisse à une telle fondation peuvent être déduits de son revenu taxable jusqu’à concurrence de 20% de son revenu au niveau fédéral (ce pourcentage peut varier d’un canton à l’autre pour l’impôt cantonal). Les acteurs du secteur de la philanthropie sont de plus en plus ouverts et dynamiques. Dans ce contexte, le fondateur pourra s’appuyer pour son projet sur des nouveaux métiers et ressources qui facilitent la gestion d’une telle organisation, comme par exemple le Swiss Foundation Code9 (code de gouvernance). Mais, d’une manière générale, il y a aussi en Suisse une tradition de participation à la vie publique et de solidarité qui explique le développement de ce secteur. Les motivations particulières d’un donateur pour créer une fondation d’utilité publique varient : volonté de soutenir une cause de manière durable, engagement pour faire la différence, ou désir de laisser une trace pour les générations suivantes. Il faut constater l’immense richesse et diversité du secteur en Suisse. D’une part, le législateur suisse a laissé au fondateur une très grande liberté pour déterminer le but qu’il veut donner à la fondation, les moyens qu’il veut lui attribuer et comment il veut en organiser les opérations. De cette liberté, découle une variété de formes. 6 Miol]_4bnnj4))qqq(]_hnl_'`l[h][cm'`ih^[ncihm(ila)`ih^[ncihm' `ih^m'^_'^in[ncih)f_'m_]n_ol)f_m'^_lhc_lm']bc``l_m'mol'f_m' fonds-et-fondations-en-france 7 Miol]_4bnnj4))qqq(afi\[f[h]_'\[he(]ig)×f_[^gch)om_lY ojfi[^)j^`)Afi\[f[h]_YMnc`nohammno^c_Y@_\lo[lY,*+-Y@ch[f(j^` Quelles perspectives pour les fondations d’utilité publique ? D’autre part, la notion suisse d’intérêt public dont découle le statut d’exonération fiscale est, en comparaison internationale, relativement large. Les domaines d’activité qu’elle englobe sont étendus (caritatif, sanitaire, écologique, éducatif, scientifique et culturel). De plus, ces buts peuvent être poursuivis en Suisse mais aussi à l’étranger, sans que cela remette en question le statut d’utilité publique. Cette ouverture à l’étranger, qui témoigne de la solidarité internationale de la Suisse, contribue au rayonnement et à la diversité de ses fondations. Ce contexte favorable aux fondations a aussi permis le développement de fondations de tailles très différentes. Il faut cependant que ce patrimoine soit et reste adapté pour permettre la réalisation de son but. Si son but devenait inatteignable, notamment faute de moyens financiers, elle pourrait être dissoute par l’autorité de surveillance compétente. Les perspectives de croissance du secteur des fondations sont bonnes. En 2013, il s’est créé plus d’une fondation d’utilité publique par jour (381). La même croissance est observée sur le montant de f_olj[nlcgich_koc_mn[``_]nohÀ\onmj]c[fÁ( Mais l’avenir des fondations doit s’inscrire dans l’évolution des attentes et préoccupations de leurs fondateurs. Ceux-ci cherchent de plus en plus à donner de leur vivant et la pérennité de la fondation n’est plus toujours une priorité. Ils peuvent vouloir changer le but de leur fondation en cours de route. Ils recherchent une certaine souplesse d’action en même temps qu’un accompagnement par des professionnels dans le conseil de leur fondation pour sélectionner les projets, orienter les investissements et s’assurer de l’impact de leur action. On assiste donc à une évolution des stratégies des fondateurs et à une professionnalisation de l’action philanthropique. Force est de noter donc l’importance du patrimoine financier dans la vie d’une fondation et, par voie de conséquence, sa gestion qui va nous intéresser ici. 8 Miol]_4bnnj4))qqq([^gch(]b)ij])`l)]f[mmc×_^']igjcf[ncih)+3*1**.,) 9 Miol]_4bnnj4))qqq(mqcmm`ioh^[ncihm(]b)`l)mqcmm'`ioh^[ncih']i^_ 9 Panel de l’enquête Un taux de participation significatif et une typologie très variée 30% taux de réponse réjouissant de près de 30% Nous avons envoyé un questionnaire ciblé à 210 fondations d’utilité publique, auquel 60 d’entre elles ont accepté de répondre. Après un tri des réponses complètes et utilisables, 54 questionnaires ont été retenus et exploités dans notre analyse. Le taux de participation, qui atteint presque 30%, est significatif. Il faut relever aussi que les missions et les actions portées par ces fondations sont diverses. Cela confirme la présence en Romandie d’un bassin important d’acteurs actifs dans la philanthropie. Leur contribution est fondamentale à la qualité sociale (solidaire), culturelle et environnementale de notre société. La grande majorité des répondants assume, au sein de leur fondation, une fonction de directeur ou de secrétaire général, voir de membre du conseil. Les questions relatives à la gestion du patrimoine sont celles qui ont posé le plus de problèmes. La technicité liée à la politique d’investissement décourage encore beaucoup d’acteurs et explique les réponses partielles ou approximatives dans les deux parties dédiées aux placements financiers. La multiplication des thèmes (3 à 4) au sein de certaines fondations soulève le risque de dispersion et de dilution de l’impact. Il est intéressant de constater que 60% des répondants sont des fondations récentes créées après l’an 2000. Nous nous sommes interrogés sur le lien entre la jeunesse des fondations et leur ouverture à partager. Peut-être les nouvelles fondations disposent-elles d’une organisation plus institutionnelle, qui leur permet de mieux communiquer. Cette problématique ne fait pas l’objet d’une analyse spécifique dans notre rapport, mais elle a le mérite de rappeler quelques recommandations. 1. S’assurer que les moyens disponibles (humains et financiers) sont adaptés aux objectifs 2. Fédérer les fondations avec mission, objectifs ou champs d’actions similaires La mission de votre institution traite-t-elle des thèmes suivants : Education, formation 50% Aides sociales 45% Santé, recherche médicale 42% Protection de l’enfance 25% Soutien aux femmes 25% Protection de l’environnement et de la nature 24% Aide humanitaire 22% Culture, art ou loisir 20% Autre 35% 10 Un panel illustratif 83% des répondants, soit 45 fondations, sont dotés d’un capital 83% des répondants, à savoir 45 fondations, sont dotés d’un capital. Ce qui correspond parfaitement à notre cible recherchée pour évaluer les pratiques de gestion du patrimoine. Les 17% restant sont constitués de fondations dont le financement est assuré soit par des flux réguliers provenant des fondateurs ou d’une entreprise, soit par des appels de fonds au public. Parmi les fondations dotées de capital, 58% disposent d’un montant sous gestion supérieur à 10 millions. Dans ce groupe, 12 annoncent un montant supérieur à 50 millions, dont certaines avec un capital de plusieurs centaines de millions. Par déduction, le montant total géré par notre échantillon est estimé à près de CHF 3 milliards. Capital disponible en CHF 14 12 9 8 2 < 1 mio 1 à 5 mios 5 à 10 mios 10 à 50 mios > 50 mio 11 Des ressources financières multiples 63% des fondations sont financées en partie grâce à leur capital Avant d’évaluer l’organisation et les techniques financières utilisées, voyons comment sont financées les fondations. Les sources de revenus sont souvent multiples et ne se limitent pas uniquement au rendement de la fortune. On constate l’émergence de nouvelles manières de générer du revenu ou de disposer de moyens financiers supplémentaires. Citons en particulier le co-financement qui permet de joindre les forces et les moyens de plusieurs fondations pour soutenir un projet. M_of_m+-ila[hcm[ncihm]igjn_hnohcko_g_hn sur le rendement de leur fortune. 0-^_m`ih^[ncihm^in_mmihn×h[h]_m en partie grâce à leur capital, que ce soit par la génération d’un rendement régulier ou par l’utilisation de celui-ci. F[al[h^_g[dilcn`[cn[jj_f^_mmiol]_m multiples de financement qui leur permettent d’assurer le fonctionnement de la structure et le financement des projets. Pour le financement de ses projets, votre institution recourt (plusieurs réponses possibles) : Au rendement du capital de la fondation 54% Aux flux réguliers assurés par les fondateurs 37% A l’utilisation du capital 28% A la recherche régulière de fonds auprès de donateurs 26% A des co-financements avec d’autres fondations 20% Autre (veuillez préciser) 26% 12 Gouvernance La bonne gestion d’une institution (appelée aussi gouvernance) comprend l’ensemble des organes et règles de décision, d’information et de surveillance qui permettent de respecter les intérêts et d’entendre les voix des parties concernées dans le fonctionnement de l’institution. Cette enquête était importante pour comprendre l’organisation actuelle des fondations, leur mode de fonctionnement et le rôle du conseil afin d’estimer le niveau d’adoption des bonnes pratiques. La diversité ressort comme un facteur récurrent de notre analyse. L’historique, l’engagement personnel des fondateurs, la mission poursuivie ainsi que les moyens à disposition influencent fortement la structure et la gouvernance de chaque fondation. Les enjeux liés à la bonne gouvernance et la volonté de la plupart de fondations d’y adhérer sont évoqués de manière de plus en plus fréquente, comme l’expriment ces deux sondés : ÀHinl_]ihm_cf_mn]ihmncno^_j_lmihh_m[or compétences variées et complémentaires, avec la volonté de transparence et de pratiques éthiques ainsi que le souhait de collaborer avec d’autres fondations. » À;mjcl[ncihohg_cff_olj[ln[a__n^c``omcih des bonnes pratiques entre autres par : des ateliers et formations plus accessibles, des possibilités d’autoévaluation, des interventions de partenaires externes, la rédaction d’un code ou recommandations à l’attention des fondations mixtes également. » Entretien avec Peter Brey, Directeur de la Fondation Leenaards Sur les bonnes pratiques en matière de gouvernance Fondée en 1980 par le couple Leenaards, la Fondation s’est donné pour mission de stimuler la dynamique créatrice dans l’arc lémanique. Dotée d’un capital d’origine de CHF 325 millions, la Fondation œuvre sous la forme de mécénat et soutient des projets culturels, sociaux et scientifiques retenus pour leur caractère novateur, leur qualité et leur ambition d’accompagner les mutations rapides de la société. La gouvernance de la fondation n’a eu de cesse d’évoluer depuis son origine. En 1996, après le décès de M. Leenaards, le conseil de fondation a mis en place une structure comprenant des commissions par domaine d’activité, dont une commission financière indépendante. Des règles de fonctionnement plus précises du conseil ont été établies (clauses d’incompatibilité, principe de récusation, etc.). Depuis, la structure a continué d’évoluer avec une préoccupation d’adapter le fonctionnement et les directives aux nouvelles exigences du secteur. Dès 2013, le nouveau président et le directeur poursuivent dans cette direction et œuvrent pour l’adoption des meilleures pratiques, en s’inspirant entre autres du code de gouvernance de la « Swiss Foundation ». L’organisation très structurée de la Fondation Leenaards lui confère un aspect unique. Elle est dotée d’un conseil de fondation, d’une équipe de direction et de quatre commissions (finances, sociale, scientifique et culturelle). Comment expliquer cette évolution vers une gouvernance forte ? La Fondation Leenaards a explicité sa vision stratégique. De son rôle traditionnel d’acteur philanthropique, elle évolue vers une responsabilité plus large d’investisseur social, qui souhaite accompagner des mutations de la société avec l’ambition d’en évaluer les résultats concrets. Pour ce faire, l’institution doit disposer du bon savoir au bon niveau. La présence de compétences fortes est une nécessité, tant au niveau du conseil et des commissions qu’au niveau de la direction. Une bonne gouvernance ne garantit pas un résultat, mais une mauvaise gouvernance rend la réalisation de la mission quasiment impossible. C’est une condition de base. 13 Quel a été le moteur de cette démarche ? L’évolution s’est faite dans la continuité. De par sa taille et son rayonnement régional, la Fondation Leenaards a développé une culture de bonne gouvernance qui lui assure une véritable indépendance (politique et thématique) et renforce sa crédibilité. Cela fait partie de son ADN. Nous avons établi des règles précises qui définissent les rôles et les responsabilités entre le stratégique (conseil de fondation) et l’opérationnel (commissions et direction). Ces mécanismes en place sont essentiels pour assurer une collaboration efficace avec d’autres partenaires, anticiper et gérer les conflits d’intérêt et assurer une utilisation optimale des ressources (humaines, financières ou techniques). ÀF_m]lcm_m^_aiop_lh[h]_mihnjfonn Cette commission est composée de membres très qualifiés et disposant d’une longue expérience dans le domaine de l’investissement. Cela dit, il n’y a pas de volonté d’internaliser la gestion. Les mandats, en général par type d’instrument financier, sont confiés à l’externe. Le choix des gestionnaires répond à des critères de sélection précis et est conforme au règlement d’investissement. La règle d’or reste la diversification qui limite la concentration des risques et évite les conflits d’intérêt. Quels enseignements retenir de ce mode d’organisation et partager avec vos pairs ? Un système structuré permet aux membres du conseil de se concentrer sur les enjeux et les réflexions stratégiques et aux membres des commissions de se concentrer sur les questions thématiques. L’inconvénient c’est qu’une action plus stratégique requiert de leur part un engagement sur la durée et un contact régulier avec la direction. Celle-ci se doit d’être professionnelle. la règle que l’exception dans notre secteur, il est donc important d’anticiper ! » Comment trouver les bons profils pour gérer la relève ? Sa responsabilité première est de faire fonctionner cette organisation assez complexe en gardant la vision globale et d’agir comme force de proposition en assurant la cohérence de l’ensemble. Son rôle se rapproche de celui de chef d’orchestre. Votre conclusion ? Grâce à la qualité et l’impact de ses programmes ainsi qu’à sa réputation, la fondation bénéficie du soutien et de l’apport de compétences de près de 40 personnes actives dans divers organes ou commissions. La présidence de chaque commission est assurée par un membre du conseil de fondation, ce qui assure une fluidité de l’information et de la prise de décisions. Les clauses de limite d’âge et de durée des mandats qui figurent dans les statuts obligent la fondation à se préoccuper régulièrement du renouvellement de ses organes. La commission des finances regroupe de nombreux experts : quel est leur rôle et leur marge de manœuvre ? La volonté d’organiser une commission financière existe depuis longtemps. Elle s’est concrétisée en 1996 et s’est fortement professionnalisée depuis. Dans le cadre stratégique donné par le conseil, la responsabilité de l‘allocation tactique est assumée par la commission finances qui se réunit 6 à 8 fois par an. 14 Une bonne gouvernance est un postulat de base pour assurer le bon fonctionnement d’une organisation. Une démarche d’introspection permet au conseil de fondation de se poser les bonnes questions et l’aide à définir la forme de gouvernance la plus appropriée en fonction des objectifs et moyens à disposition. Les crises de gouvernance sont plutôt la règle que l’exception dans notre secteur il est donc important d’anticiper ! Organisation opérationnelle 78% des fondations disposent d’un directeur ou d’un secrétaire général 12^_m`ih^[ncihm^cmjim_hn^Îoh^cl_]n_ol)lc]_ opérationnel (le) ou d’un secrétaire général, un rôle essentiel pour assurer la gestion opérationnelle et le suivi des programmes, ainsi que d’alléger l’activité du conseil qui peut se concentrer sur les questions stratégiques. La présence d’un directeur financier est plutôt une exception, puisque seules 22% des fondations ont pourvu cette fonction. Ce poste existe principalement dans les fondations importantes dotées d’un capital supérieur à CHF 10 millions ou disposant de flux financiers récurrents. L’absence de cette fonction n’est pas forcément liée à la taille ni au patrimoine sous gestion, mais dépend de l’histoire ou de la mission de la fondation. Cette fonction est souvent inexistante, lorsque le fondateur (ou autres membres de la famille) est présent et engagé personnellement. Une autre raison peut être la collaboration avec d’autres institutions et les opportunités de synergies sur des projets. Relevons la très grande variété des fondations dans la manière de s’organiser opérationnellement. Il y a peu de corrélation entre la taille du patrimoine et le nombre d’employés, de bénévoles ou de membres du conseil de fondation. Ceci reflète la variété des institutions qui justifie l’organisation et le type de financement de chacune. Vorte organisation dispose-telle ? oui 12 non 41 39 12 >Îoh^cl_]n_olijl[ncihh_f) secrétaire général ? D’un directeur financier ? 15 Composition du conseil de fondation 66% des sondés ont un conseil qui se réunit deux à quatre fois par an Organe-clé de l’organisation, le conseil de fondation joue un rôle fondamental dans le fonctionnement et la pérennité de la fondation. A l’exception de trois fondations, l’ensemble des répondants ont un conseil de fondation constitué au minimum de 3 personnes. 53% indiquent disposer d’un conseil de fondation avec 4 à 7 membres et 27% déclarent un nombre de membres supérieur à 8. Les fondations disposant d’un conseil de fondation important (supérieur à 8 membres) sont principalement de grandes fondations (70% des cas), dotées d’un capital de plus de 10 millions. Celles-ci ont besoin d’une répartition claire des rôles et responsabilités. Ceci dit, les fondations fortement dotées ne bénéficient pas systématiquement d’un conseil nombreux. Indépendamment de la taille, chez 66% des répondants, le conseil se réunit deux à quatre fois par an. Les professions les plus représentées dans les conseils de fondation sont les experts légaux (avocats ou juristes) et financiers (banquiers ou comptables). Leurs compétences semblent être essentielles au bon fonctionnement et au suivi juridique de l’institution. On peut toutefois s’interroger sur leur surreprésentation qui s’élève à près ^_,)-(=_nn_jlijilncihmiofp_f[ko_mncih^_f[ diversification des compétences et de potentiels conflits d’intérêts. (Voir l’entretien avec Bernard Pcm]b_l_hj[a_m+2)+3# A l’inverse, on peut s’étonner de la faible présence d’experts scientifiques ou de représentants issus de l’univers des ONG, alors que nombres d’objectifs poursuivis par ces fondations concernent ces domaines. Ce constat est pondéré dans certaines réponses par la présence d’autres professions indépendantes comme des médecins, des conseillers en philanthropie, des entrepreneurs ou des artistes. Quelles professions sont représentées dans votre conseil de fondation ? (plusieurs réponses possibles) Banquier ou expert financier 68% Avocat ou juriste 66% Comptable ou fiduciaire 28% Représentant d’ONG (actuel ou ancien) 25% Expert scientifique 23% Politicien (actuel ou ancien) 17% Autre (veuillez préciser) 64% 16 Délégation des tâches 27% des fondations ne disposent pas d’ une équipe interne ou de bénévoles Pour une large proportion (43%), le conseil de fondation assume et gère la plupart des tâches relatives à la gestion de la fondation. En effet, 23 fondations indiquent ne rien déléguer. Les tâches déléguées sont celles qui font appel à une expertise particulière, comme la gestion du patrimoine, la sélection et gestion de projet ou le comité scientifique. Il paraît naturel de rechercher des spécialistes pour ces domaines techniques et, dans certains cas, d’externaliser ces rôles. Une large majorité (73%) dispose d’équipes internes ou de bénévoles qui soutiennent le conseil dans la gestion et le suivi de ces activités. Le conseil de fondation a-t-il délégué certaines tâches à des comités ou commissions ad hoc ? Aucune 43% Gestion du patrimoine 36% Sélection et gestion de projets 26% Recherche de fonds 13% Autre (veuillez préciser) 21% Niveau de satisfaction Malgré la charge de travail qui incombe à certains conseils, le sentiment général quant au fonctionnement du conseil de fondation est relativement positif. L’organisation semble adaptée à l’institution, les rôles bien définis et les tâches efficacement réparties. La grande majorité des répondants (69%) exprime une satisfaction totale. Quelques-uns (25%) reconnaissent la nécessité d’améliorer certains aspects. Seules trois fondations expriment une insatisfaction, due à une situation particulière comme une transformation ou une réorganisation. Fonctionnement approprié du conseil de fondation 69% Entièrement d’accord 25% Partiellement d’accord 6% Pas d’accord 17 La gouvernance va devenir un enjeu important 50% estiment que la composition des conseils de fondation est un thème de haute importance Ces résultats très encourageants concernant la gouvernance sont pourtant en contradiction partielle avec les préoccupations d’avenir exprimées par les sondés. En effet, nombre d’entre eux juge nécessaire une amélioration de la gouvernance. La question des conflits d’intérêt ressort également comme méritant toute l’attention des conseils pour 50% des répondants. On relève une dichotomie entre l’analyse de sa propre fondation et les enjeux du secteur. La majorité des répondants (50%) estime que la composition des conseils de fondation est un thème de haute importance qui devrait être amélioré en priorité. Quels sont, selon vous, les thèmes à améliorer en priorité dans le fonctionnement des fondations concernant la Gouvernance ? Nombre de réponses Composition du conseil de fondation Très important Organisation du conseil de fondation Gestion des conflits intérêts Neutre Pas important Entretien avec Bernard Vischer, avocat, associé Schellenberg Wittmer Sur la gouvernance, la transparence et le conflit d’intérêts Le sondage révèle que 35 fondations sur 36 estiment que l’organisation de la gestion du patrimoine ne présente pas (ou pas vraiment) de conflit d’intérêts. Est-ce à dire que la problématique des conflits d’intérêts concerne peu les fondations ? Les situations de conflit d’intérêts peuvent être diverses et variées. Il est difficile d’appréhender la problématique de manière générale et abstraite. Le droit suisse des fondations ne prévoit pas de règles détaillées traitant des conflits. Ce ne sont que les cas évidents de poursuite d’un intérêt personnel par un membre du conseil au détriment de la fondation qui pourront engager la responsabilité des membres du conseil au titre d’une violation de leur devoir de loyauté de mandataire (art. 398 al. 2 CO). 18 Ainsi, la loi n’empêche en principe pas une fondation de confier la gestion de son patrimoine à la banque (de bonne réputation et performante) où travaille le banquier qui met (bénévolement) ses compétences au service de la fondation. Pourtant, il s’agit bien d’une situation de conflit d’intérêts, potentiellement dommageable. Le conseil devrait donc à tout le moins avoir pris la décision en connaissance de cause et s’être assuré qu’elle est bien dans le meilleur intérêt de la fondation. Le risque de laisser l’intérêt particulier d’un membre du conseil prévaloir sur le meilleur intérêt de la fondation est accentué par le fait qu’une fondation n’a pas d’organe qui surveille l’activité du conseil de fondation en opportunité ; l’autorité de surveillance ne contrôle que la légalité de la gestion. De plus, les membres d’un conseil de fondation auront une tendance naturelle à considérer que les intérêts qui peuvent paraître opposés vus de l’extérieur sont en réalité convergents. ÀF_mg_g\l_m^Îoh]ihm_cf^_`ih^[ncih auront une tendance naturelle à considérer que les intérêts qui peuvent paraître opposés vus de l’extérieur sont en réalité convergents. » Comment alors prévenir les conflits d’intérêts ? Au vu de l’impact négatif que les conflits d’intérêts peuvent avoir sur les résultats de la gestion financière, sur l’action et sur la réputation d’une fondation, il faut prévoir la manière de les identifier et de les gérer. Une règlementation des conflits d’intérêts vous paraît-elle nécessaire ? Dans le cas d’une fondation, la gestion des conflits d’intérêts est avant tout basée sur l’adoption, sur une base volontaire, de règles claires par le fondateur ou le conseil de fondation ; ensuite c’est une affaire de discipline individuelle des membres du conseil de fondation. Anticiper les situations de conflit d’intérêts par une réglementation interne adéquate permet de fixer les standards de manière objective, à tête reposée, et met les membres du conseil de fondation devant leurs responsabilités lorsqu’ils se retrouvent effectivement dans une situation de conflit d’intérêts. C’est une chance pour les fondations suisses de pouvoir adopter des règles adaptées à leurs situations spécifiques, sans cadre légal trop contraignant, mais il convient qu’elles la saisissent. Les principales mesures envisageables, sont les suivantes, comme l’illustre la recommandation 11 du Swiss Foundation Code de 2009 : ?h][m^_]ihØcn^Îchnlnmg[hc`_mn__n permanent, la personne concernée renonce à faire partie du conseil de fondation. ?h][m^_]ihØcn^Îchnlnmjih]no_f4 − La personne concernée signale le conflit d’intérêts. Cette information est nécessaire même si la personne concernée se récuse. − Elle se récuse au moment de la décision et, selon les cas, ne participe même pas à la discussion. − Le conseil de fondation procède à un appel d’offre et documente les motifs de la décision. 19 Gestion du patrimoine L’objectif d’une fondation donatrice est la poursuite de son but en préservant durablement l’équilibre financier. Ce principe devrait être pris en compte au mieux dans la gestion du patrimoine 10. Tributaire de la complexité des marchés financiers, la gestion de patrimoine requiert des compétences et des ressources toujours plus importantes. La stratégie de placement est définie à l’aune des objectifs de rendement, des risques assumés ainsi que des contraintes éthiques de la fondation. Le choix d’éventuels prestataires externes pourrait également être pris en considération. La gestion de patrimoine s’inscrit dans un processus dynamique, qui demande à être revu régulièrement, en prenant compte de l’évolution de la situation spécifique à la fondation ainsi que des conditions du marché. Entretien avec Didier Cherpitel de la Fondation Mérieux et de la Swiss Philanthropy Foundation Sur les enjeux de la gestion du patrimoine pour une fondation et le partage d’expériences Pour une fondation, quels sont les enjeux liés à gestion du patrimoine ? Avant toute démarche liée à la gestion du patrimoine, je conseille aux fondations d’établir leur profil financier, à savoir une cartographie de leurs besoins relativement à leurs moyens. Il faut d’abord définir l’horizon de temps et le mode de fonctionnement : la nature de la fondation, selon qu’elle se projette dans une durée de vie permanente ou limitée dans le temps, détermine sa stratégie financière. La couverture de ses coûts de fonctionnement influence également ses besoins. Est-ce une fondation donatrice ou opérationnelle ? Doit-elle intégrer les coûts de fonctionnement dans son budget annuel et dégager un revenu stable ? Enfin, la typologie du financement des programmes est aussi déterminante. Est-ce que la fondation gère et organise seule ses programmes ? Ou recherche-t-elle du cofinancement, des partenaires financiers ? ÀF[pl[c_ko_mncihm_jim_l_mn^_m[piclmcf_m obligations) ? D’un parc immobilier ? De brevets ? La fondation peut-elle compter sur des flux réguliers du fondateur ou d’une entreprise ? Les réponses permettent de mettre en perspective les mécanismes de revenus en fonction des flux ainsi que les ressources financières dont dispose la fondation. Une fois cette cartographie établie, le trésorier peut préparer pour le conseil de fondation un plan de financement à long terme qui tient compte des éléments suivants : - Rendement attendu : assurer une régularité des revenus en fonction de la nature du capital. - Profil de risque : évaluer la stabilité et prévisibilité des rendements en fonction de leur nature (actions, obligations, immobilier, royalties, etc.). - Internalisation ou externalisation de la gestion : définir la capacité existante de la fondation de gérer ses ressources financières, ou la nécessité d’acquérir cette compétence, ou de f[^fao_l"mf_]ncih^Î_rj_lnm×h[h]c_lm) gestionnaires ou banques). Les conseils de fondation sont-ils assez conscients des choix à consentir entre stabilité du rendement et prise de risque ? actifs disponibles aujourd’hui sont adaptés aux ambitions de la fondation. » Ensuite, il faut évaluer la nature du capital et des ressources disponibles : il est nécessaire d’évaluer les moyens financiers dont dispose la fondation. Si elle bénéficie d’un capital, de quoi ce dernier est-il constitué ? De valeurs mobilières (actions ou 10 20 Référence Swiss Foundation 2012 La vraie question à se poser est de savoir si les actifs disponibles aujourd’hui sont adaptés aux ambitions de la fondation. Dans l’environnent économique actuel de taux bas et de rendement faible, il peut s’avérer nécessaire de sortir des placements classiques. Il est possible de rechercher de nouvelles sources de rendement en sélectionnant des classes d’actifs plus atypiques, souvent moins liquides (p.ex. le private equity ou produits structurés), ou en investissant dans des régions périphériques (ex : pays émergents). Le conseil de fondation prend alors des risques supplémentaires, qu’il doit bien comprendre et évaluer correctement. Quelle influence peut avoir la taille de la fondation sur la gestion ? La taille de la fondation influence directement le style de gestion à adopter et le niveau de risque à assumer. De manière simplifiée, je dirais que les petites fondations dotées de moins de CHF 50 millions doivent opter pour une gestion prudente et plutôt conservatrice. Leur marge de manœuvre est modeste et limite les possibilités de choix dans l’allocation. Une délégation de la gestion à l’externe semble généralement plus appropriée. Les fondations plus importantes dont la taille du capital est supérieure à CHF 50 millions disposent d’une plus grande marge de manœuvre. Elles peuvent consentir à des investissements plus complexes, voire plus risqués. Pour certaines, il est possible d’envisager une internalisation de la gestion si les compétences sont disponibles. Néanmoins, l’appui d’un expert externe pour des choix plus techniques devrait être envisagé. Quels seraient les compromis à faire et à ne pas faire en termes de gestion ? Idéalement – pour assurer une gestion pérenne de la fondation grâce à son capital – on recommande une consommation maximale de la fortune de 3% à 4% par an. Cette règle peut faire exception lors du démarrage ou d’une période de transformation. Des compromis financiers peuvent alors se justifier. Ces situations particulières exigent en effet des investissements importants en termes de personnel, de technologie (IT) ou de déplacements. Par contre, il y a des compromis qu’il ne faut pas faire, au risque de mettre en danger la viabilité de la fondation : une consommation immédiate et conséquente du capital supérieure à 20% lors de la création de la fondation, par exemple. Le capital ainsi dépensé n’est plus suffisant pour assurer les revenus récurrents nécessaires. Il faut éviter de mettre tous les œufs dans le même panier en ne choisissant qu’un seul gestionnaire ou en n’investissant que dans une seule classe d’actifs (p.ex. uniquement en actions). La diversification est le mot-clé pour la pérennité. Un débat doit avoir lieu au sein du conseil pour déterminer la ligne de conduite financière en fonction des objectifs de la fondation, de sa stratégie, de ses partenaires (ou non) et de la taille de son capital ou sa fortune. Prévisibilité rime avec pérennité ! 21 Gestion du patrimoine : organisation 10% c’est le temps moyen consacré à la gestion du patrimoine Si l’objectif de la fondation est de poursuivre son but à long terme grâce au rendement de son capital, celle-ci doit se préoccuper de la gestion du patrimoine. L’implication du conseil de fondation et le temps qu’il y consacre dépendent directement des compétences à disposition. Pour 53% des fondations, le temps consacré par le conseil de fondation au suivi de la gestion du patrimoine est très modeste (10% du temps). A l’opposé, 13% des fondations consacrent plus de 25% de leur temps à ce suivi. Ce sont essentiellement des fondations dotées d’un capital important (plus de 10 millions). En revanche, le nombre de membres au Conseil n’a pas d’influence directe sur le temps consacré. On constate une répartition assez claire des responsabilités entre la réflexion stratégique (règlements et principes de placement et allocation stratégique) et la gestion opérationnelle. La responsabilité stratégique est largement assumée par le conseil de fondation. Elle comprend la définition du règlement, la stratégie de placement, la sélection des gestionnaires externes et la revue de l’activité de placement. La gestion opérationnelle est, quant à elle, majoritairement déléguée à la direction ou comité ad hoc, voire externalisée. Lors des séances du conseil de fondation, quel pourcentage du temps est consacré au suivi de la gestion du patrimoine ? < 10% 10 - 25% > 25% Qui du conseil de fondation, du comité, de la direction, ou d’une ressource externe est responsable des tâches suivantes ? Nombre de réponses Rédaction du règlement de placement Conseil Définition de la stratégie de placement Fixation d’indices de référence Sélection des gestionnaires de fortune (mandat ou fonds) Revue de l’activité de placement 22 Direction Conseiller externe Gestion du patrimoine : délégation Les activités opérationnelles de gestion, qui comprennent les transactions et le suivi des portefeuilles, sont partiellement ou totalement déléguées à l’externe. Sur les 45 fondations dotées en capital, 33 ont entièrement délégué cette tâche, 12 s’appuient aussi sur des ressources internes et 2 ont entièrement internalisé la gestion. En toute logique, ce sont principalement des fondations disposant d’un capital de plus de CHF 10 millions qui disposent de compétences financières internes. A l’inverse, il est intéressant de constater que les fondations plus modestes n’utilisent pas leurs forces vives pour l’activité de gestion. Ces dernières font le choix de solliciter des experts externes pour la mise en œuvre opérationnelle. Dans le choix des prestataires pour leurs investissements, les très grandes fondations dotées de plus de 50 millions privilégient la collaboration avec des institutions bancaires. Les fondations de taille moyenne octroient des mandats aussi bien aux banques qu’à des tiers gérants. La gestion du patrimoine est assumée opérationnellement par (plusieurs réponses possibles) : Nombre de réponses Collaborateur(s) interne(s) - membres du conseil de fondation, du comité ou de la direction G[h^[n_rn_lh_oh_)^_mChmncnoncih"m#\[h][cl_"m# 1 à 3 mandats > 3 mandats G[h^[n_rn_lh_oh)^_mNc_lmal[hn"m# 23 Gestion du patrimoine : critères de sélection Si la délégation d’une partie ou de la totalité de la gestion se justifie pour optimiser les ressources et donner accès à des compétences spécifiques, elle nécessite cependant une attention et une diligence particulières. Les critères prioritaires dans le choix des prestataires externes sont : F[ljon[ncih"chnalcn# La performance historique, sans être primordiale, ressort presque unanimement comme un facteur important. Parmi les critères considérés comme secondaires, citons l’innovation (offre originale, offre durable, etc.), la taille de l’institution et la présence locale. Ces résultats sont en ligne avec les préoccupations actuelles des investisseurs qui souhaitent de la performance mais pas à n’importe quelles conditions. F[]igjn_h]_"_rj_lncm_mj]c×ko_# FÎch^j_h^[h]_"[\m_h]_^_]ihØcn^Îchnln# F_m_lpc]_)]ihm_cf F[nl[hmj[l_h]_ (notamment liée aux frais de gestion) Pouvez-vous hiérarchiser les critères principaux utilisés pour sa sélection ? Nombre de réponses Intégrité - réputation Très important Expertise spécifique - compétence Indépendance - absence conflit d’intérêt Service - conseil Frais de gestion - transparence Présence locale - proximité Reporting - documentation Offre d’investissement durable - éthique Performance financière historique Taille institution financière Innovation - originalité offre 24 Important Peu important Gestion du patrimoine : objectifs de gestion 34% imposent des critères éthiques à leurs gérants Interrogés sur leurs priorités concernant la gestion du patrimoine, 55% des sondés citent la protection du capital comme une priorité. Didier =b_ljcn_f"picl_hnl_nc_h_hj[a_m,*),+#l[jj_ff_ que la gestion du patrimoine doit être le résultat d’une analyse des besoins relativement aux moyens de la fondation ainsi que de ses objectifs. Relevons enfin que 34% des répondants imposent des critères éthiques à leurs gérants, comme par exemple l’exclusion de secteurs sensibles (tabac ou armement), de certaines classes ^Î[]nc`m"g[ncl_mjl_gcl_m#_n)io^_nsj_m d’investissement controversés (hedge funds, produits structurés). La conservation du patrimoine est particulièrement critique pour les petites fondations dotées de moins de 5 millions. Est-ce une question de survie ? On constate ici les limites du modèle du financement par le rendement du capital au-dessous d’un certain seuil. Ces résultats expriment un certain conservatisme qui prévaut dans le secteur à l’égard de la gestion du patrimoine. Cette volonté claire de protection du capital se traduit par une aversion au risque, ce qui explique peut-être la faible propension pour des approches de gestion innovantes et originales. Pourtant, dans le contexte actuel de rendement extrêmement bas, rares sont les fondations qui ont revu leurs objectifs à la baisse ou augmenté leur profil de risque. Il en va pourtant de la pérennité de la fondation de régulièrement remettre en perspective les besoins relativement aux moyens. L’objectif de rendement absolu, à savoir un rendement régulier et stable, semble concerner principalement les très grandes fondations dotées de plus de 50 millions, qui dépendent de la régularité des flux financiers provenant des placements pour assurer le fonctionnement de la fondation. Quant à l’objectif de rendement relatif (comparé à un indice de référence), cette pratique n’est pas étendue dans le secteur des fondations mais elle est coutumière des grands investisseurs institutionnels. Il n’y a que 37% des répondants qui utilisent cette mesure et la taille ne semble pas jouer un rôle déterminant dans ce choix. Quels sont les deux principaux objectifs donnés à votre (vos) gérant(s) : Protéger le capital - patrimoine 55% ;mmol_lohl_h^_g_hnl_f[nc`"j[ll[jjiln[o\_h]bg[le# 37% Respecter des directives éthiques 34% Assurer un rendement absolu 18% Budget de risque maximum 8% Autre (veuillez préciser) 18% Je ne sais pas 5% 25 Philosophie d’investissement 70% L’utilisation de véhicules de placement collectif est importante : ils sont présents dans 70% des portefeuilles Cette prudence se reflète logiquement dans l’allocation d’actifs, où les profils des placements sont généralement balancés. Les institutions les plus agressives, dont le pourcentage en actions dépasse 45%, sont celles qui sont le moins dépendantes de la régularité des revenus. Certaines bénéficient de flux additionnels des fondateurs, d’autres ont décidé d’utiliser en partie le capital, ou ont opté pour des solutions innovantes en participant, par exemple, au cofinancement de projets. L’utilisation de véhicules de placement collectif est relativement importante : ils sont présents dans 70% des portefeuilles. Dans 42% des cas, ils sont complétés par des lignes directes. On observe que 52% des sondés privilégient une approche active pour la gestion des actions, tandis ko_-2ijn_hnjiolohmnsf_gcrn_"[]nc`)j[mmc`#( La poche obligataire est quand à elle gérée de manière passive pour 50% des répondants et de manière active pour 42%. Quelle philosophie d’investissement appliquez-vous à la gestion ? Nombre de réponses Approche passive (réplication d’indice de marché) Action Approche active Obligation Je ne sais pas Mixte La stratégie de placement est principalement mise en oeuvre par : 42% Fonds de placements 25% Lignes directes 42% Mixte 6% 26 Je ne sais pas Niveau de satisfaction et perspectives 53% procèdent à une revue systématique des gestionnaires Une très large majorité des fondations interrogées exprime une grande satisfaction de la gestion du patrimoine de leur propre organisation. Seules trois réponses évoquent le problème de la transparence des frais de gestion. Conscients de la complexification des enjeux liés à la gestion de fortune, les sondés expriment certaines inquiétudes pour l’avenir. Pour une majorité d’entre eux, il faut améliorer le professionnalisme et la transparence notamment autour du cumul des frais de gestion. Cette satisfaction quasi unanime peut toutefois surprendre au vu de la faible fréquence de revue des prestataires. En effet, seule une fondation sur deux procède de manière systématique à une évaluation annuelle des performances et prestancihm^_mih)m_ma_mncihh[cl_"m#( Si vous deviez évaluer la mise en œuvre de la gestion du patrimoine de votre institution vous diriez qu’elle est : Nombre de réponses Approche passive (réplication d’indice de marché) Entièrement d’accord Approche active Partiellement d’accord Partiellement en désaccord Mixte Pas d’accord Pouvez-vous indiquer s’il existe un processus systématique de revue/évaluation des gestionnaires ? 53% Oui 47% Non 27 Quels sont, selon vous, les thèmes à améliorer en priorité dans le fonctionnement des fondations concernant la gestion du patrimoine ? Nombre de réponses Professionnalisation Très important Transparence Neutre Pas important Diversification Gestion en accord avec la mission (MRI) Entretien avec Olivier Baudry, Membre du Management Committee Région Suisse, Banque Julius Baer Sur le rôle des banques et des gestionnaires à l’ère de la transparence Le secteur financier fait face à une nouvelle donne : les clients et les régulateurs exigent plus de transparence, d’intégrité et une meilleure gestion des conflits d’intérêts. Ko_fm]b[ha_g_hnm)[^[jn[ncihmmihnh]_mm[cl_m pour répondre à ces nouvelles exigences ? La crise financière de 2008 et ses conséquences (la faiblesse de la croissance économique et l’endettement des pays industrialisés) ont touché l’ensemble du secteur financier et de ce fait la banque privée suisse. Ceci a suscité une vague de changement et de transparence. Certaines banques ont disparu, d’autres ont été ébranlées ou ont dû revoir leur modèle d’affaire. Les rétrocessions des fonds, importantes sources de profit pour le secteur financier, ont été rendues transparentes (ou créditées au client final). L’approche en architecture ouverte (conseil en investissement des meilleurs produits du marché versus les produits internes), en constante croissance depuis lors, permet de minimiser les conflits d’intérêts. Ce modèle, qui est celui de notre établissement, a gagné en maturité et répond aux demandes de transparence, de qualité et de rendement de la clientèle. 28 Face à ces nouvelles donnes, quelles banques vont réussir à s’adapter et quelles banques vont échouer ? Une des clés de la survie consiste probablement à tirer profit des marchés où se crée la richesse comme les pays émergents. Les banques devront également pouvoir répondre aux plus jeunes générations via les dernières solutions digitales. De plus, les banques ne doivent également plus s’attendre à ce que les clients viennent a elles mais à aller les servir directement dans leur pays de résidence (on shore). Enfin, dans le domaine qui nous intéresse, les banques devront intégrer dans leur processus d’investissement les aspects environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) de manière plus structurée. Ces évolutions auront des incidences importantes sur la transparence, la traçabilité et la protection des consommateurs. Les fondations se trouvent-elles aussi à un période charnière et seront-elles le moteur d’un changement au travers d’une gestion plus transparente et responsable ? La Suisse a une longue tradition philanthropique, notamment grâce à un environnement juridique porteur. La Suisse héberge un grand nombre d’ONG et d’organisations internationales et, de ce fait, est toute indiquée pour définir les tendances en la matière. La diversité et la taille des fondations ont généré un environnement hétéroclite et parfois opaque. Àf_m\[hko_m^_plihnchnal_l^[hmf_oljli]_mmom d’investissement les aspects environnementaux, De nombreux établissements actifs dans le domaine philanthropique, tels Julius Baer, ont ainsi une compréhension approfondie des besoins spécifiques du secteur et proposent une politique d’investissement responsable et durable. Certaines banques ont également développé des outils, services et équipes spécialisées pour répondre aux besoins de leurs clients. Grâce à cette tendance, le secteur financier est à même d’informer et d’accompagner les fondations pour leur permettre d’harmoniser leur gestion et leur préoccupations tout en visant la rentabilité souhaitée. Cette prise de conscience ainsi que la notion de transparence et d’équité sont dorénavant des critères essentiels dans le soutien que nous pouvons leur apporter. sociaux et de gouvernance (ESG) de manière Quelle place pour le dialogue et l’échange de bonnes pratiques ? plus structurée. » Seules les grandes fondations sont obligatoirement auditées et l’obligation de communication de leurs données-clés est minime. J’ajouterai encore que dans la pratique, nous observons un bon nombre de fondations contrôlées par des banques, avocats ou fiduciaires. Donc, oui, les fondations Suisse pourraient montrer l’exemple, mais leur environnement doit encore passablement évoluer pour arriver à l’objectif souhaité. Comment le secteur financier peut-il accompagner les fondations qui seraient particulièrement sensibles à ces aspects ? Dans le monde des affaires, l’objectif consiste à augmenter le profit. Dans le domaine philanthropique, la création de valeur se mesure plutôt dans le changement qui a pu être généré afin d’augmenter l’impact social. Le dialogue et l’échange de bonnes pratiques est donc crucial car c’est le moteur de tout changement, quel que soit le secteur d’activité. Le déploiement de ces bonnes pratiques devrait permettre aux fondations d’être toujours plus professionnelles ce qui n’enlèvera en aucun cas les élans du cœur mais en augmentera encore les effets. Cela fait déjà de nombreuses années, que des acteurs financiers ont développé des initiatives dans le domaine philanthropique et intègrent de plus en plus les préoccupations sociales et environnementales dans leur stratégie d’investissement. 29 Gestion du patrimoine en accord avec la mission - MRI 11 Les investissements consentis par une fondation peuvent renforcer l’impact positif de sa mission ou, à l’inverse, aller à l’encontre des buts poursuivis. Il existe aujourd’hui des outils ou des styles de gestion permettant d’intégrer les enjeux environnementaux, sociaux ou de gouvernance (ESG12) dans les décisions d’investissement. La notion de gestion en accord avec la mission (Mission-Related Investment -MRI) s’est largement répandue auprès des fondations ces cinq dernières années. Ce concept, reconnu et soutenu par ^_m`ih^[ncihmjcihhcl_m"f[@ih^[ncihLi]e_`_ff_l a publié plusieurs ouvrages sur le sujet), séduit par la possibilité d’appliquer des principes éthiques _n)io^ol[\f_mc^_hncko_mf[a_mncih^_mjlid_nm et à la gestion du patrimoine. L’investissement responsable (IR), qui englobe la notion d’investissement en accord avec la mission (MRI), peut s’exprimer de multiples façons. En qualité d’expert, la société Conser a établi un panorama des diverses approches qui sont accessibles à la plupart des investisseurs, et contribuent de manière complémentaire et positive au financement d’une économie équitable et durable. Cette approche soutient l’objectif premier de la fondation en renforçant son impact et en assurant une cohérence à l’ensemble de la démarche, d’où l’intérêt suscité auprès des fondations. Solutions d’investissement 13 impact ++ style objectif Impact investing innovation thème, micro finance, etc . Dialogue - Engagement activisme, proxy voting, etc. influence ESG environement, social & gouvernance, promotion best-in-class, intégration, etc . Exclusions ×fnl_jimcnc`)ha[nc`& protection exclusion éthique impact Voici ce qu’ont exprimé deux sondés : 30 À;on[hnfÎch^j_h^[h]_^Î_mjlcn_mnh]_mm[cl_ pour décider des soutiens accordés. Autant la politique d’investissement doit disposer d’une vision à moyen et long terme et être en adéquation avec sa mission (but). » ÀHiom_rjlcgihmhinl_miob[cn^_piclf_m\[hko_m plus professionnelles et éthiques dans la gestion ^_m`ih^m5jfom^_nl[hmj[l_h]__n^_g_mol_) l’impact d’un investissement financier; meilleures stratégies MRI. » 11 MRI – Mission-Related Investment 13 12 ESG – Environnement, Social & Gouvernance Source : Conser Entretien avec Jean Fiaux et Yves de Montmollin, Fondation Hahnloser Sur les défis et opportunités auxquels fait face une institution de taille moyenne La Fondation Hahnloser est engagée depuis longtemps dans une transformation en profondeur de la société par le biais de l’association Initiatives et Changement (I&C) qu’elle soutient exclusivement. Elle œuvre en priorité sur le lien entre le changement individuel et le changement politique et social et vise à inspirer, soutenir et équiper chacun pour qu’il puisse contribuer à la construction d’un monde juste, pacifique et durable. La fondation a été créée en 1964, à Lucerne, par la veuve et les enfants de l’entrepreneur Robert Hahnloser, l’un des pionniers de Caux. Dotée à l’origine d’un capital de CHF 100’000, elle bénéficie aujourd’hui d’avoirs supérieurs à CHF 10 millions. Cette fortune est actuellement investie principalement en immobilier et en valeurs mobilières. La personnalité de Monsieur Zemp, ancien conseiller d’Etat de Lucerne en charge des finances et président de la fondation de 1980 à 2009, a fortement marqué le style de la Fondation et son développement. Assurer la continuité et viser la pérennité de la fondation sur le long terme constituent un défi et une opportunité pour l’équipe actuelle. La gestion de la succession s’est traduite par une réflexion et une révision profonde de l’organisation. Comment préparez-vous la succession de la présidence ? Une relève se prépare de longe date. Avant d’identifier des candidats potentiels, il faut s’assurer que l’organisation est apte à accueillir la relève, en allégeant notamment la charge du Président. En ce qui concerne la fondation Hahnloser, une réelle transformation de l’organisation a été initiée ces dernières années pour s’adapter à son nouveau fonctionnement. Comment votre fondation est-elle aujourd’hui organisée ? Historiquement, la fonction de Président s’accompagnait d’importantes charges opérationnelles. Les processus ont été redéfinis et la gouvernance simplifiée. Le conseil remplit aujourd’hui les tâches du comité exécutif. La structure est désormais plus claire et chaque membre supervise une activité en particulier (gestion des projets et programmes, suivi des placements et investissements, etc.). Parallèlement, une secrétaire générale a été nommée pour s’occuper de la gestion opérationnelle. Conscient des limites du bénévolat, notre Conseil s’est doté d’une ressource rémunérée qui assure le suivi régulier et professionnel de la Fondation. Depuis deux ans, votre fondation a intégré des principes liés à la mission dans sa politique de placement. Pourquoi cette démarche ? La fondation Hahnloser est particulièrement attachée à la notion d’exemplarité. Renforcer l’action sociale de la fondation au sens large par les investissements était intéressant. D’abord réservé et prudent sur les possibilités offertes, notre Conseil s’est engagé dans cette voie et a formalisé une philosophie de gestion responsable et éthique après un processus par étapes qui a généré la confiance nécessaire pour avancer comme un collège. Comment avez-vous procédé concrètement ? Un des membres de notre conseil a suggéré de faire évoluer la gestion du portefeuille vers plus de cohérence avec la mission. A la suite d’une formation et du partage de bonnes pratiques, nous avons été convaincus que cette voie pouvait être explorée. Les ressources à l’interne étant limitées, nous avons mandaté des experts pour nous accompagner dans ce processus puis dans la gestion. Cette expertise et cette indépendance ont été déterminantes pour la réussite de notre démarche. En parallèle de la redéfinition de notre profil de gestion, nous avons aussi structuré nos programmes de donations pour être à la fois plus professionnels et plus orientés vers le long terme. 31 Votre conclusion ? Le défi lié à la succession s’est transformé en opportunité pour redéfinir l’organisation et la gouvernance. Les limites du bénévolat ont été constatées. La nécessité de compter sur des compétences externes s’est imposée ainsi que l’utilité de collaborer et d’échanger avec nos pairs via des réseaux de fondations. Il faut parfois consentir des dépenses supplémentaires, envisager comme un investissement, afin d’améliorer le fonctionnement et l’efficacité de la fondation. L’intégration d’une nouvelle génération de membres dans notre conseil a permis d’explorer des nouveaux processus de fonctionnement. Nous sommes aujourd’hui satisfaits d’avoir mis en place des outils de pilotage et des lignes directrices. Ces éléments nous permettront d’évaluer l’efficacité de la fondation et d’apporter les évolutions nécessaires chez nous ainsi que chez les récipiendaires. Le MRI dans la réalité des fondations interrogées 11% des fondations appliquent une approche MRI à une large portion de leur portefeuille 69% des fondations indiquent être plus ou moins familières avec le MRI La connaissance de ce concept est plutôt élevée auprès des fondations, puisque 69% indiquent en être plutôt familières. Une large majorité des fondations les plus informées (74%) sont de grandes fondations dotées de plus de CHF 10 millions de capital. La taille et l’implication directe dans la gestion du patrimoine jouent un rôle clé dans l’intérêt porté au MRI. D’ailleurs, la plupart des fondations peu dotées en capital n’ont pas souhaité répondre à ces questions, ne se sentant certainement pas concernées. Si la connaissance du concept est largement répandue, son application effective dans les portefeuilles reste encore modeste. Aujourd’hui, seules 11% des fondations appliquent une approche MRI à une large portion de leur portefeuille. Si 22% mènent des réflexions sur le sujet, une grande majorité 67% n’intègre absolument pas ce principe dans ses pratiques de gestion. A nouveau, la taille joue un rôle-clé. Ce sont presque uniquement des fondations dotées de plus de CHF 10 millions de capital qui s’intéressent à ce concept nécessitant des ressources humaines et des expertises particulières. La mise en œuvre et le suivi du MRI demanderait une grande implication dans les choix d’investissement, alors que le marché offre aujourd’hui d’autres solutions facilement accessibles. Êtes-vous familier avec le concept de gestion en accord avec la mission ou Mission Related Investing (MRI) ? 44% Oui 26% Certaines notions 31% Pas du tout 32 32% Votre politique d’investissement intègre-t-elle des principes liés à votre mission (MRI) ? des sceptiques jugent l’impact du MRI insuffisant 11% Oui 22% Réflexions en cours 67% non Les causes du manque d’intérêt pour le MRI Les 67% des sondés qui ne sont pas intéressés connaissent mal cette approche ou estiment son impact sociétal ou environnemental insuffisant. Le problème de la performance n’est plus la principale raison évoquée. Néanmoins, la complexité du MRI dans sa compréhension et son application maintient bon nombre de fondation à l’écart de ce mouvement et les prive d’une innovation-clé en matière de gestion. FÎch^omnlc_^_f[×h[h]_^ol[\f_)nbcko_^icn_``_]tuer un travail de simplification, de clarification et de standardisation. Il faut offrir des solutions simples, performantes et dotées de mesures d’impact crédibles. Cet effort est indispensable si elle souhaite toucher davantage les fondations. Quels sont les freins à l’adoption d’une politique en accord avec la mission (MRI) ? Méconnaissance de l’offre 46% Impact marginal pour justifier cette démarche 32% Manque d’intérêt 25% Crainte d’une sous-performance 25% Anticipation d’une augmentation du niveau de risque 18% Cannibalisation des montants disponibles pour les donations 14% Contrainte additionnelle 0% Autre (veuillez préciser) 25% 33 Quelles motivations en faveur du MRI ? Le MRI est perçu comme un concept complexe et dont l’application nécessite une forte conviction. Les fondations qui l’ont adopté indiquent que l’impulsion a été donnée : j[lohg_g\l_^o]ihm_cf^_`ih^[ncih (cité par 82%). ^[hmfÎijncko_^Î[^ijn_l^_m\ihh_mjl[ncko_m (cité par 45%). Les fondations se différencient ici par rapport aux autres industries. Aucune ne semble réagir à une pression publique ou politique. Leur indépendance est forte et leur volonté d’agir en cohérence avec leurs valeurs est fondamentale. On peut se demander si elles prennent la pleine mesure de leur liberté entrepreneuriale. Il faut relever que les fondations acquises à cette philosophie l’utilisent de manière large à la gestion de leur portefeuille (45% l’appliquent à plus de la moitié de leur fortune). Elles optent pour des approches éthiques ou durables qui sont variées et complémentaires. Enfin, elles déclinent le MRI sur plusieurs classes d’actifs (actions, obligations et investissements réels). Si « oui » ou « réflexions en cours », sur l’impulsion de qui/quoi ? Membre du conseil de fondation 82% Evolution des bonnes pratiques 46% Donateur 18% Pression publique 0% Autre (veuillez préciser) 0% Si « oui » ou « réflexions en cours », quel pourcentage de votre capital est investi en accord avec votre mission ? 1-5% 5-20% 20-50% >50% 34 L’évolution future du MRI Près de 40% des répondants envisagent une croissance, voire un renforcement de leurs investissements dans cette approche. Ils confirment des perspectives réjouissantes pour le MRI. Les fondations les plus engagées sont celles qui perçoivent le potentiel d’avenir du MRI. Une fois conquises, elles deviennent le fer de lance de ce style de gestion. Une majorité (56%) opte néanmoins pour le statu quo. Les raisons invoquées sont l’existence d’autres priorités qui préoccupent les conseils de fondation. Pour d’autres, l’industrie du MRI ou la finance durable n’a pas encore su offrir des solutions adaptées, crédibles et accessibles pour les fondations, ou elle les a mal communiquées. A l’avenir, estimez-vous que l’approche MRI sera : Renforcée 38% Statu quo 56% Réduite 6% 35 Entretien avec Anne Gloor, Fondatrice et Directrice de PeaceNexus Sur la gestion en accord avec la mission (MRI) Fondée en 2009 par Anne Gloor, PeaceNexus a pour mission de relier/connecter les acteurs engagés dans les processus de paix, dans les pays en guerre ou post-guerre. L’organisation met à leur disposition de l’expertise interdisciplinaire pour faciliter l’interface entre les enjeux de développement, de démocratisation et de sécurité et favoriser l’émergence de solutions. Dotée d’un capital de plus de CHF 40 millions et financée par des fonds privés, la Fondation fonctionne de manière indépendante. Depuis 2013 et à la suite d’une décision du conseil de fondation, la globalité de la fortune est gérée en ligne avec les principes de l’investissement responsable. À=Î_mnj[l]_nn_^g[l]b_ko_f[@ih^[ncih[jo créer un dialogue avec le secteur financier et sensibiliser les banques sur leur contribution dans la stabilisation de pays fragiles par la promotion d’un entrepreneuriat responsable. » Quel est l’historique de la démarche ? La fondation a été créée grâce à une généreuse donation de l’entrepreneur suisse Hansjoerg Wyss. Au départ, l’objectif principal de la gestion du patrimoine était d’assurer un rendement maximal pour financer les nombreux projets. Aucune mention particulière concernant l’investissement responsable ou l’éthique n’avait été formulée. L’équipe de direction a fait évoluer cette logique d’investissement influencée par divers facteurs : 1. Collaboration avec des entreprises : PeaceNexus collabore sur le terrain avec le secteur privé. Ses équipes ont constaté le rôle fondamental que peuvent jouer les entreprises dans la construction et la promotion de la paix. Dans cette optique, la Fondation a établi des critères de sélection avant de collaborer avec des entreprises sur le terrain. 2. Risque de réputation : certains projets, menés dans des contextes politiques sensibles, ont mis en lumière l’enjeu de la réputation pour la fondation. Prenons le soutien de projets liés à la paix et, par ailleurs, l’investissement dans des entreprises dont les pratiques (corruption, non respect des droits de l’homme, pollution, etc.) peuvent mettre en danger un équilibre social et écologique parfois très précaire. 3. Processus de gestion opaque : à la suite de cette prise de conscience, le conseil de fondation a souhaité évaluer son portefeuille à l’aune de ces facteurs. Il n’a pas obtenu suffisamment de détail et transparence de la part de son gérant historique sur les sociétés présentes dans son portefeuille. Pourtant, de nombreux investissements concernaient des régions sensibles et des secteurs controversés, tels que l’extraction de matières premières. Fort de ce constat, l’équipe a exploré l’application des principes éthiques, découlant des acquis du terrain, à la gestion du portefeuille. Cette démarche, permettant d’assurer une cohérence entre la mission de fondation et ses investissements, renforçait l’impact de la fondation. 36 Comment s’est passée la mise en œuvre de ces principes éthiques ? Le processus a duré deux ans. Il a débuté par la définition d’une charte d’investissement, incluant des critères éthiques et le respect de minima environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) pour les entreprises. Il a abouti à la transformation complète du portefeuille par les étapes suivantes : 1. Etablissement d’une charte et définition de principes éthiques propres à PeaceNexus. Cette démarche a été pilotée en interne, grâce à une équipe déjà familiarisée avec le concept. Cette compétence interne a permis d’impliquer le conseil dès le départ. 2. Emission d’un appel d’offres auprès d’une dizaine d’acteurs financiers. Le principe était autant de solliciter des experts de l’investissement responsable que de faire réagir des grandes institutions moins actives dans le domaine. Cette transformation complète du portefeuille a été rendue possible notamment par l’engagement personnel de la Directrice et sa conviction que l’investissement responsable (en ligne avec la mission) offre un rendement similaire aux approches traditionnelles dans un horizon de 5 à 10 ans. Votre conclusion ? Cette démarche a nécessité une part importante de définition, de compréhension et de dialogue avec les banques. La combinaison des projets sur le terrain et la gesncih^Îoh][jcn[fchp_mncnbcko_g_hn)^ol[\f_g_hn lui confèrent un effet doublement positif. C’est par cette démarche que la Fondation a pu créer un dialogue avec le secteur financier et sensibiliser les banques sur leur contribution dans la stabilisation de pays fragiles part la promotion d’un entrepreneuriat responsable. Développer des indices ou des fonds liés à la paix fait désormais partie intégrante des activités de la Fondation PeaceNexus. 3. Sélection finale de trois gérants (deux banques et un gérant spécialisé en finance durable). Les solutions retenues ont dû répondre aux exigences éthiques de la charte et aux objectifs de rendement financier. Les gérants ont dû démontrer un intérêt pour le thème et s’engager à développer des critères d’analyse permettant d’évaluer le rôle (positif ou négatif) d’une entreprise active dans des zones exposées. 37 Eclairage sur les pratiques en Suisse allemande et dans le monde L’utopie de la fondation éternelle par Georg von Schnurbein Directeur du Centre d’Etudes de la Philanthropie, Université de Bâle Idéalement, une fondation est établie par un fondateur avec une dotation et les revenus annuels sont utilisés pour remplir la mission de la fondation. En fait, le capital de la fondation doit générer assez de revenus pour couvrir tous les frais et dépenses et garder une partie importante pour remplir sa mission. Bien qu’il existe des fondations de ce type, la grande majorité des fondations d’utilité publique a rencontré des difficultés financières ces dernières années. En raison de la volatilité des marchés financiers, les fondations ont dû faire face à des taux d’intérêt bas et ont subi une grande perte de leur valeur. Comme un mobile perpétuel, cette fondation idéale tourne toute seule année après année, décennie après décennie et même pendant des siècles. Comme beaucoup de fondations n’ont pas d’autre source de revenu que leur dotation, il leur est devenu très difficile de planifier les dépenses et les allocations. Certaines fondations ont donc dû réduire leurs dépenses et leurs coûts, voire cesser d’exister. Différences à l’échelle internationale concernant les obligations légales 38 D’un point de vue international, la structure juridique et les obligations financières diffèrent largement. Aux Etats-Unis, les fondations doivent verser annuellement 5% de leur fortune. En Suisse, les fondations profitent de régulations juridiques souples qui interdisent toutefois les fondations qui ne distribuent aucun argent afin de préserver leur capital. Si une fondation veut préserver son capital, elle a besoin d’un revenu financier supérieur à 5% pour pouvoir couvrir des coûts et frais supplémentaires, en plus des contributions distribuées. En Allemagne, les fondations sont obligées de dépenser leurs gains financiers dans l’année (avec quelques exceptions), sinon elles sont soumises à des impôts. Cette situation permet un large spectre de stratégies d’investissements pour les fondations d’utilité publique. Comme dans beaucoup d’autres pays, les fondations n’ont pas été préparées à faire face aux incertitudes et aux changements rapides des marchés financiers. Comparaison intra-suisse : le tableau complet Cette étude sur la gestion des biens de fondations d’utilité publique en Suisse romande confirme les résultats de précédentes études menées dans d’autres pays européens et en Suisse alémanique. Ensemble, ces résultats montrent qu’aujourd’hui, les conseils de fondations se préoccupent davantage de la gestion de leurs biens. Cette étude présente des résultats très semblables à ceux donnés par une étude menée en Suisse alémanique à l’automne 2012 par le Centre d’Etudes sur la Philanthropie (CEPS) de l’Université de Bâle et la banque Globalance de Zurich. Au total, 110 fondations d’utilité publique en Suisse alémanique ont participé au sondage. De manière générale, les résultats de cette étude correspondent fortement à ceux de l’étude en Suisse romande, ce qui montre que les deux études, réalisées avec de petits échantillons, semblent bien représenter le secteur des fondations dans son ensemble (12’909 fondations en Suisse à la fin 2013). Bien que les fondations de l’échantillon romand aient tendance à être plus jeunes mais possèdent davantage de biens, les résultats concernant le fonctionnement, la structure de gouvernance et l’allocation du capital sont similaires. Capital disponible des fondations sondées (comparatif des deux études) 58% =?JM)Afi\[f[h]_ =ihm_l)Qcm_ 40% 30% 30% 20% < 2 mio 22% 2-10 mio > 10 mio 39 Augmenter la confiance en encourageant la professionnalisation Dans les deux échantillons, les professions les plus représentées au sein des conseils de fondations sont les avocats, suivis par les banquiers ou intermédiaires financiers. Ceci a pour conséquence une auto-évaluation élevée des compétences et des connaissances du conseil. Pour conclure sur les structures de gouvernance des fondations en Suisse, les deux études brossent le portrait d’un secteur qui est en train de changer, mettant en œuvre davantage de standards et de processus professionnels dans la gestion du patrimoine. De plus, la grande majorité des sondés de part et d’autre de la barrière de Rösti juge bonne, voire très bonne la composition de leur conseil. L’image de professionnalisation du secteur est renforcée par le fait qu’environ deux tiers des fondations en Suisse romande et alémanique investissent au moins une partie de leurs biens selon des standards éthiques. Cependant, comme le révèle l’étude suisse alémanique, le manque de connaissances spécialisées est cité comme étant le plus gros risque pour la gestion des avoirs. Un trait similaire ressort de l’échantillon romand : la composition du conseil est considérée comme une question importante dans le but d’améliorer la gouvernance de la fondation. La supervision par des gestionnaires externes a lieu dans 53% des cas en Suisse romande (comparé aux 43,1% en Suisse alémanique). Ceci pourrait être dû au pourcentage élevé de banquiers, car l’étude suisse-alémanique a constaté une corrélation positive entre les procédures de révision financière et l’existence de savoir-faire financier au sein du conseil. Le petit doigt ou toute la main ? J[l]ihnl[mn_&f_]ih]_jn^_ÀGcmmcih'l_f[n_^ Investing » (MRI) est plus apprécié en Suisse alémanique. Bien que la connaissance du MRI soit équivalente parmi les représentants de fondations en Suisse, 41,6% de l’échantillon alémanique a approuvé l’investissement d’une partie de ses biens selon les standards de sa mission. Cependant, comme dans d’autres études à petite échelle effectuées en Allemagne, aux Pays-Bas et au Royaume-Uni, ce pourcentage élevé doit être examiné avec précaution. En comparaison avec des études américaines menées sur des échantillons beaucoup plus grands, le chiffre de 11,1% de fondations romandes qui pratiquent le MRI semble plus réaliste. Si l’on considère que l’attention portée au MRI n’est que récente, on peut relever un point intéressant qui ressort dans les deux études suisses : si certaines fondations se lancent immédiatement, d’autres ont une approche beaucoup plus réservée. Ceci est un indicateur du manque de confiance qui règne au sein de conseils de fondations quant au MRI. 40 De nombreuses fondations mettent en place des instruments spécifiques dans une approche MRI parallèlement à une stratégie traditionnelle d’investissement, tandis que d’autres utilisent tout le potentiel du MRI en y investissant la majorité de leurs biens. Les fondations qui ont des réserves vis-à-vis du MRI invoquent comme raison principale leur manque de connaissances sur le sujet. Une meilleure connaissance du fonctionnement, des méthodes et des instruments du MRI est donc nécessaire à l’avenir, si l’on espère convaincre davantage de fondations à investir leur capital en accord avec leur mission. Cette étude s’intéresse particulièrement aux perspectives d’avenir. Elle aide à comprendre et à développer les attentes concernant la gouvernance et la gestion du patrimoine dans les fondations. Dans le cas présent, les fondations suisses pourraient tirer des enseignements d’autres pays. Dans les pays qui obligent les fondations à distribuer une partie de l’argent, ces dernières sont plus enclines à aligner leurs investissements avec leur but ou mission. Un autre point soulevé par cette étude concerne la gestion de conflits d’intérêts. Comparé à l’international, les fondations suisses manquent de réglementation écrite, notamment en ce qui concerne les conflits d’intérêts potentiels. Ainsi, 75,7% des fondations dans l’échantillon alémanique n’ont pas de règlement écrit régissant les relations avec leurs partenaires. De plus, les fondations suisses ont généralement une structure minimale. Avec un petit nombre de membres du conseil et seulement quelques collaborateurs, les fondations suisses se concentrent sur l’attribution de dons et réduisent les coûts administratifs. En ce qui concerne le MRI, les fondations suisses ont les mêmes opinions que les fondations dans d’autres pays européens. Les fondations utilisent généralement la sélection négative pour être conforme à leur mission dans la stratégie d’investissement. Il existe des méthodes plus sophistiquées mais qui ne sont pas très généralisées. Malgré le manque de connaissances et de confiance, une autre explication à cette longue résistance pourrait être liée aux obligations juridiques. Les membres d’un conseil de fondation concentrent principalement leurs efforts sur la préservation du capital de la fondation, parce qu’il reste trop de questions ouvertes et d’incompréhension quant aux techniques d’investissement plus progressistes. Augmenter les connaissances sur la gestion du patrimoine Cette étude contribue de plusieurs manières à l’amélioration du secteur des fondations en Suisse et au-delà. Les résultats montrent que les fondations en Suisse se sont adaptées aux développements des marchés financiers et ont augmenté le niveau de professionnalisme dans les domaines de la gouvernance et de la gestion du patrimoine. Cependant, on relève encore un manque de connaissances et un manque de confiance au sein des conseils de fondations concernant les pratiques d’investissement et du MRI en particulier. 41 Remerciements Cette publication est née de l’initiative de la Banque Julius Baer, qui l’a également soutenue. Nous exprimons nos chaleureux remerciements aux nombreux collaborateurs qui ont permis à cette étude d’être menée à bien. Nous avons pu compter sur la participation de nombreuses fondations qui ont répondu au questionnaire sur lequel est basé notre étude. Pour des raisons évidentes de confidentialité, nous ne pouvons pas les remercier nominalement. Cependant, sans leur disponibilité et leur volonté de décrire leurs pratiques, notre étude n’aurait pas été possible. Nous les remercions vivement pour leur confiance; une pensée particulière va à celles et ceux qui ont accepté de partager publiquement leur expérience : Anne Gloor, Peter Brey, Jean Fiaux et Yves de Montmollin. Nous souhaitons remercier sincèrement les membres de l’Advisory Board pour leur disponibilité et leur précieuse contribution tout au long de cette étude : Bernard Vischer, Didier Cherpitel, Georg von Schnurbein et Olivier Baudry. 42 Conser – experts en finance durable Fondée en 2007 à Genève, Conser Invest est une société de conseil et de gestion 100% dédiée à l’investissement responsable. Ce spécialiste offre aux investisseurs privés, institutionnels et aux fondations une allocation du capital intégrant les principes du développement durable. La mission de Conser est d’apporter une plus-value à ses clients en intégrant dans leurs choix d’investissement et la gestion de leur portefeuille les critères éthiques et ESG – environnemental, social _n^_aiop_lh[h]_Énion_hl_mj_]n[hnf_olm]ihnl[chn_m^_l_h^_g_hn)lcmko_( Cabinet indépendant, il bénéficie d’une expertise reconnue dans la finance durable grâce au développement d’outils propriétaires, une connaissance approfondie de l’univers d’investissement ainsi qu’un réseau local et international. En qualité de conseiller en investissement et gérant d’actifs, Conser Invest est supervisé par l’association suisse des gérants indépendants (ASG). www.conser.ch WISE – conseillers en philanthropie Fondée en 2004 à Genève, WISE compte aujourd’hui parmi les sociétés de conseil en philanthropie les plus reconnues en Europe. Depuis près de 10 ans, elle accompagne des donateurs particuliers, des entrepreneurs et des fondations, depuis l’élaboration de leur stratégie philanthropique jusqu’à la réalisation de leur projet, de manière à optimiser l’impact de leur action. En leur offrant un service personnalisé et sur mesure tout au long des différentes étapes de l’engagement, WISE leur permet ainsi de vivre pleinement leur projet. WISE a été reconnue par ses pairs pour la qualité de son travail et pour son esprit pionnier. Elle a reçu notamment le prix de l’Innovation 2012 par la Chambre de commerce, d’industrie et des services de A_hp_&[chmcko_f_ÀJbcf[hnblijsn_[gi`nb_s_[l,*+,),*+-\snb_MN?JJlcp[n_=fc_hn;q[l^mÁ( www.wise.net 43 Décembre 2014 Cgjl_mmcihmolj[jc_lMoj_lmcfeMhiq répondant aux normes FSC