chapitre 8 - les contrats
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CHAPITRE 8 : LES CONTRATS Sommaire I. La notion de contrat II. Classification III. La formation des contrats A. Conditions de validité B. Conséquences en cas de non respect des conditions de validité IV. Conséquences des contrats A. Principe de la force obligatoire B. L'effet relatif C. L'inexécution du contrat Lex est quod notamus. Ce que nous écrivons fait loi. (Devise de la chambre des notaires, à Paris) I. LA NOTION DE CONTRAT La définition du contrat est donnée par l'article 1101 du Code civil. Article 1101 du Code civil Le contrat est une convention par laquelle une ou plusieurs personnes s'obligent, envers une ou plusieurs autres, à donner, à faire ou à ne pas faire quelque chose. Les mots contrats et convention sont souvent employés comme synonymes. L'échange de volontés a un rôle essentiel dans la création du contrat. Il y a de très nombreuses variétés de contrats, qui peuvent être classés selon le mode de formation, selon la qualité des parties, selon l'objet du contrat. II. CUEEP USTL_ DAEU / Droit civil l les contrats Page 1 CLASSIFICATION DES CONTRATS A. Classification des contrats selon le mode de formation CONTRAT SOLENNEL CONTRAT CONSENSUEL CONTRAT REEL CONTRAT DE GRE A GRE ( ou CONTRAT NEGOGIE) Outre l'échange de consentement, il nécessite l'accomplissement de formalités sous peine de nullité du contrat. Ces formalités consistent généralement en la rédaction obligatoire d'un écrit, sous seing privé ou authentique. Exemples : Acte authentique obligatoire : Contrat de mariage, vente immobilière Ecrit obligatoire : Contrat de vente à domicile (démarchage), contrat de travail, assurance… …/… Le seul échange des consentements suffit sans qu'il soit nécessaire d'adopter une forme déterminée pour donner naissance au contrat. Ils constituent la règle générale en droit français. Exemples : La plupart des contrats de vente mobilière, contrats de prestation de services… Il doit porter sur une chose. Il nécessite la remise matérielle de la chose, objet du contrat. Exemples : Contrat de prêt (remise de l'argent), gage (remise de la chose gagée, ne concerne pas le gage automobile), contrat de dépôt… Si la chose n'est pas remise dans un contrat réel : le contrat est nul, il est même sensé n'avoir jamais existé. Il est conclu après libre discussion des clauses du contrat entre les parties. La libre discussion n'est possible que si les parties sont économiquement égales. Le contrat n'est négocié que si chaque clause est discutée de manière détaillée et personnalisée. Exemple : On peut penser que Renault (assembleur automobile) et Valéo (équipement automobile) négocient des contrats d'achat/vente sur pied d'égalité. CONTRAT D'ADHESION Le contenu du contrat est fixé par la partie la plus puissante économiquement. La seule liberté de l'autre partie étant d'adhérer au contrat proposé ou de ne pas contracter du tout. Exemple : La plupart des contrats conclus entre un professionnel et un particulier. Le contrat de travail d'un ouvrier est généralement un contrat d'adhésion, ce n'est pas obligatoirement le cas pour le contrat de travail d'un cadre dirigeant de grande entreprise. Conséquences : - La volonté des contractants sera étudiée par le juge en cas de litige concernant un contrat de gré à gré, pas pour un contrat d'adhésion. - Les contrats d'adhésion sont surveillés par le législateur car ils sont dangereux pour les plus faibles. De nombreuses lois les réglementent ; ceci pour empêcher le développement de clauses abusives. B. Classification des contrats selon la qualité des parties CUEEP USTL_ DAEU / Droit civil l les contrats Page 2 CONTRAT AVEC OU SANS INTUITUS PERSONAE Conséquences : Ce contrat est conclu en considération de la personne du cocontractant. S'il ne s'agissait pas de tel interlocuteur, le cocontractant ne s'engagerait pas. L'intuitus personae peut porter sur une personne pour ses qualités personnelles, humaines, il peut aussi porter sur la possession du titre, du diplôme, de la qualification. Exemple : La donation, le contrat de travail, le contrat de société (dans une SNC, voir Chapitre 13) sont des contrats intuitus personae. Exemple : La vente n'est pas un contrat intuitus personae, ce qui compte dans le contrat c'est l'objet, pas la personnalité du vendeur ou de l'acheteur. - L'erreur sur la personne est une cause de nullité. - L'exécution du contrat ne peut être faite par un tiers (un salarié malade ne peut envoyer son conjoint travailler à sa place). - Le sous contrat est interdit. C. Classification des contrats selon l'objet CONTRAT SYNALLAGMATIQUE (OU BILATERAL) CONTRAT UNILATERAL Remarques : Conséquences : CONTRAT A TITRE GRATUIT CONTRAT ONEREUX Conséquence : CONTRAT COMMUTATIF Crée des obligations réciproques et interdépendantes : chaque partie est à la fois créancière et débitrice de l'autre. Exemple : Dans un contrat de vente, chaque partie doit donner ou recevoir : le vendeur donne la chose et reçoit le prix, l'acheteur donne le prix et reçoit la chose. Acte entre une ou plusieurs personnes qui ne fait naître d'obligation qu'à la charge d'une seule. Exemple : Dans un leg (donation), seul le légataire s'engage à donner. Une promesse unilatérale de vente La plupart des contrats sont synallagmatiques. - Dans un contrat synallagmatique si l'un des contractant ne remplit pas son obligation, l'autre peut refuser d'exécuter la sienne : c'est l'exception d'inexécution. Exemple : Le salarié qui n'a pas été payé peut ne pas retourner au travail sans que cela ne constitue une faute. - L'inexécution du contrat peut entraîner sa résolution. C'est un contrat par lequel l'une des parties procure volontairement à l'autre un avantage purement gratuit. Sans contrepartie attendue. Exemples : Donation, prêt sans intérêt… C'est un contrat par lequel les parties attendent une réciprocité des avantages. Exemples : Vente, contrat de travail, prêt à intérêts… Dans un contrat à titre gratuit la responsabilité du contractant à titre gratuit est moins sévèrement appréciée par les juges (faute du bénévole). L'étendue des prestations à fournir est connue ou évaluable dès la signature du contrat. Exemples : Achat d'une 206 Peugeot pour 11 450 € CUEEP USTL_ DAEU / Droit civil l les contrats Page 3 CONTRAT ALEATOIRE Conséquence : CONTRAT A EXECUTION INSTANTANEE CONTRAT A EXECUTION SUCCESSIVE Conséquences : Ce qui est à donner ou à faire dépend d'un événement incertain. Exemples : Dans un contrat de vente en viager : quel sera le prix réellement supporté par l'acheteur ? Dans quel état sera transmis le bien ? Exemples : Dans un contrat d'assurance (les parties ne savent pas si un sinistre aura lieu), jeu, loterie… Pour être valide un contrat aléatoire doit comporter un événement incertain. Exemple : Un contrat de vente en viager dans lequel l'acheteur connaîtrait l'imminence de la mort du vendeur ne serait pas valide. Les parties exécutent leur(s) obligation(s) à un moment précis et en une seule fois. Exemples : Vente au comptant L'exécution des obligations est échelonnée dans le temps, la durée peut être déterminée ou indéterminée. Exemples : Contrat de travail, contrat d'abonnement… - En cas d'inexécution, par l'une des parties de ses obligations, le contrat instantané est résolu (effet rétroactif, remise en l'état antérieur) le contrat successif est résilié (annulé pour l'avenir seulement). - Le contrat successif à durée indéterminé peut être résilié unilatéralement (respect d'un préavis) les contrats perpétuels étant attentatoires à la liberté. - Le contrat successif à durée déterminée peut être renouvelé soit par la volonté des parties, soit par tacite reconduction. Exercice 21_DC III. LA FORMATION DES CONTRATS A. Les conditions de validité des contrats Pour qu'un contrat soit valable, il faut un consentement non vicié, une cause, un objet et une capacité pour contracter (Art. 1108 du Code civil). 1. Un consentement non vicié a. La rencontre des volontés Le consentement c'est l'accord donné par chacune des parties. Le contrat se forme grâce à l'échange des volontés : il faut qu'il y ait la rencontre d'une offre et d'une acceptation. Concernant l'offre : elle est tacite (objets exposés en vitrines) ou expresse (annoncée clairement). Concernant l'acceptation : elle est expresse, sauf si une acceptation tacite est prévue (exemple la reconduction tacite d'un contrat), dans ce cas le silence vaut acceptation. Le contrat se forme dès la rencontre des volontés (même si l'écrit n'est pas encore signé). CUEEP USTL_ DAEU / Droit civil l les contrats Page 4 b. Les vices de consentement Pour être valable, le consentement doit être donné en connaissance de cause et librement. Il n'en est pas ainsi si l'une des parties s'est trompée, a été trompée ou a été contrainte. Dol Manœuvres pour tromper volontairement l'autre partie sur les qualités essentielles de la chose Conditions d'admission du vice La tromperie est telle que le consentement n'aurait jamais été donné sans ces manœuvres. Il doit y avoir intention de nuire. Erreur L'un des co-contractants se trompe par lui-même, l'autre ne met en place aucune manœuvre visant à le tromper ou plus souvent les deux se trompent. L'erreur doit porter sur une qualité essentielle, de la chose ou de la personne. L'erreur sur la personne n'entraînera la nullité que pour les contrats intuitus personae. Violence L'un des signataires ou un tiers exerce une pression morale ou physique sur l'autre partie dans le but de lui arracher son consentement. Réalité de la violence Définition Exemples Le vendeur prétend vendre un vrai Polo Lacoste, alors qu'il sait très bien que c'est un faux. La vente d'une automobile ne saurait être nulle si le vendeur a omis de préciser que… Le marché des œuvres d'art est le terrain privilégié de l'erreur. Un malade pense s'adresser à un médecin célèbre, c'est en réalité un homonyme, il n'y aura pas nullité de l'acte. Un créancier menace son débiteur de rétorsion s'il ne s'engage pas à rembourser. Exercice 22_DC 2. L'objet doit exister, être déterminé ou déterminable, être possible L'objet du contrat est la chose sur laquelle porte le contrat. Ce n'est pas forcément une chose matérielle, c'est la prestation due (qu'on s'est obligé à donner, à faire ou à ne pas faire). Pour que le contrat soit valable, l'objet doit : 1. Exister Le contrat n'est plus valable si la chose sur laquelle il porte a cessé d'exister au moment de la signature du contrat. Exemple : Le contrat de vente portant sur la récolte de betteraves sera annulé si ces betteraves sont détruites par le gel lors du transport. "A l'impossible nul n'est tenu." CUEEP USTL_ DAEU / Droit civil l les contrats Page 5 Une chose qui ne se fabrique plus ne pourra pas être livrée. Cette chose peut être seulement future : La récolte est parfois vendue avant d'être faite, meubles à fabriquer, immeuble à construire… 2. être Déterminé ou Déterminable La nature, la quantité et le prix de la chose doivent être connus, ou alors pour les choses futures, des critères objectifs et précis doivent permettre de les déterminer. Exemple : Le prix n'est pas toujours déterminé à la conclusion du contrat, mais il doit être déterminable par une méthode connue, par référence au cours de bourse, à l'indice du coût de la construction, à l'argus automobile… 3. être Possible - Les choses hors commerce ne peuvent pas faire l'objet de transactions. Exemple : Le corps humain, les droits de la personnalité, les armes, les stupéfiants, les choses du domaine public (l'air, la mer…) - Certaines choses font l'objet d'une réglementation. Exemple : Tabacs, alcools, médicaments, … - D'autres choses sont impossibles matériellement. Exemple : L'immortalité, un voyage sous le soleil… 3. La cause doit exister, être licite et morale La cause, c'est le mobile, la raison pour laquelle les parties se sont engagées. Généralement chaque cocontractant à une cause différente de l'autre. Il ne faut pas confondre la cause et l'objet : OBJET Ce à quoi on s’engage ⎢ CAUSE Ce pourquoi on s’engage ⎢ Exemple : Contrat : Une vente de voiture entre particuliers. Objet : Cession de voiture Causes : Le vendeur de la voiture s'engage, pour en transférer la propriété (pour ne plus en être responsable), pour pouvoir financer ses vacances. L'acheteur n'a pas le même mobile d'action, il a besoin d'un moyen de locomotion. CUEEP USTL_ DAEU / Droit civil l les contrats Page 6 Pour que le contrat soit valable, la cause doit : • exister : un contrat sans cause (ou dont la cause n'est pas respectée) peut être annulé. Exemple : Un arrêt de la Cour de cassation du 22 octobre 1996 a appliqué l'absence de cause à un contrat Chronopost de la Poste. Un colis, envoyé par l'intermédiaire de Chronopost, n'était pas arrivé dans les délais rapides prévus au contrat et cette défaillance avait été lourde de conséquences pour l'expéditeur. Le contrat comportait une clause de non responsabilité ; l'expéditeur n'était pas un consommateur mais une entreprise ; la Cour de cassation ne pouvant pas déclarer cette clause abusive (contrat entre professionnels) a cependant retenu la responsabilité de transporteur (La Poste) au motif que la cause essentielle de ce contrat, justifiant un prix élevé, était la rapidité du service. Exemple : Un contrat de viager est nul si le crédit rentier connaît l'imminence de son décès. • être licite et morale Exemple : Les donations ou libéralités, ou prêts sans intérêts peuvent être déclarés nuls s'ils sont consentis pour persuader une personne de commencer ou de continuer des relations intimes. Ce genre de demande en nullité sont souvent faites par les héritiers après le décès du donateur. Exercice 23_DC et exercice 24_DC 4. La capacité des cocontractants Art. 1123 du Code civil Toute personne peut contracter, si elle n'en est pas déclarée incapable par la loi. La capacité est la règle générale et l'incapacité l'exception. Pour que le contrat soit valablement formé, il faut donc que chacune des parties s'assure de la capacité de l'autre. A-t-il la capacité de conclure le contrat envisagé (capacité de jouissance) ? A-t-il la capacité de le conclure seul (capacité d'exercice) ? B. Que se passe-t-il si les conditions de validité ne sont pas respectées ? Un contrat qui ne réunit pas les conditions de validité est frappé de nullité. La nullité du contrat a pour effet : • L'anéantissement du contrat qui est censé n'avoir jamais existé (rétroactivité de la nullité). • Pour les contrats à exécution successive (contrat de travail, bail, …), il ne peut y avoir de rétroactivité, dans ces cas le contrat est seulement nul pour l'avenir : il y a résiliation. CUEEP USTL_ DAEU / Droit civil l les contrats Page 7 Cette nullité peut être relative ou absolue. Sanctions Cas • Nullité relative • Nullité absolue • • • Qui demande la nullité ? Délai de prescription Vice de consentement Incapacité La personne que la loi veut protéger (le représentant du mineur, ou du majeur incapable). 5 ans Cause Objet Absence de consentement Toute personne intéressée (contractants, créanciers, héritiers, un tiers ayant intérêt à agir, le Procureur de la République 30 ans Exercice 25_DC et exercice 26_DC IV. CONSEQUENCES DES CONTRATS A. Le principe de la force obligatoire du contrat Art. 1134 du Code civil Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi. Une obligation née d'un contrat valablement formé, a la même force obligatoire qu'une obligation légale pour les cocontractants. En principe le contrat s'impose également au juge, seulement ce dernier a de plus en plus tendance à s'immiscer dans le contrat en imposant des obligations (conseil, renseignements, sécurité, …) et en ordonnant la suppression des clauses abusives. Le juge aujourd'hui peut intervenir dans l'exécution d'un contrat pour rééquilibrer les obligations réciproques, pour servir le "bien commun". B. L'effet relatif Toute obligation, quelle qu'elle soit ne lie que le créancier et le débiteur désignés par le contrat ; elle n'atteint pas les tiers. C'est l'effet relatif du contrat. Exemple : Dans une vente d'immeubles, seul le vendeur est tenu de délibérer la chose vendue et l'acheteur de payer le prix convenu… le locataire n'est donc pas concerné par ce contrat. CUEEP USTL_ DAEU / Droit civil l les contrats Page 8 Le principe de l'effet relatif aura parfois des exceptions. En effet, dans certains cas prévus par la loi, certains contrats produiront des effets juridiques à l'égard de personnes qui n'ont pas signé ce contrat. Exemple : Les accords et les conventions collectives sont négociés et signés par les syndicats représentatifs, mais ils s'appliquent à tous les salariés et les employeurs concernés. C. L'inexécution du contrat L'inexécution d'une des obligations contractuelles entraîne un préjudice (dommage) qu'il faut réparer en raison de la responsabilité contractuelle (voir Chapitre 10). Exécution forcée Inexécution du contrat Résiliation ou résolution Responsabilité contractuelle du débiteur défaillant 1. Exécution forcée • L'exécution forcée en nature Le juge peut ordonner au débiteur de s'exécuter c'est-à-dire de donner ce qui était promis (l'exécution forcée n'est pas possible pour des obligations de faire ou de ne pas faire, Art. 1142 du Code civil). • L'exécution forcée en équivalent Le juge peut ordonner au débiteur de verser des dommages et intérêts. 2. Résolution, résiliation L'inexécution du contrat peut entraîner différentes sanctions : • la résolution du contrat : le contrat est annulé et censé n'avoir jamais existé ; • la résiliation du contrat : le contrat prend fin pour l'avenir (cas des contrats successifs). 3. Responsabilité contractuelle Pour les conditions de mise en œuvre de la responsabilité contractuelle, voir le chapitre sur la responsabilité. CUEEP USTL_ DAEU / Droit civil l les contrats Page 9