Crowdsourcing, concept ou réalité

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Crowdsourcing, concept ou réalité
Projet de système d'information
Le crowdsourcing, quels enjeux pour les entreprises ?
Master management des systèmes d'information
IAE Grenoble 2007-2008
Le Crowdsourcing
Analyse et définition
Jacques Blanc
Julien Canard
Maxime Carrara
Miao Cheng
Sébastien Delorme
Valérian Reynaud
Sommaire
1 . Introduction ............................................................... 3
2 . Crowdsourcing : état de l'art ........................................... 6
2.1.
Contexte et naissance du terme ........................... 6
2.2.
Une part d'open source ...................................... 7
2.3.
Une part d'open innovation ................................. 9
2.4.
Où situer le crowdsourcing ? .............................. 10
3 . Crowdsourcing : grille d'analyse .....................................
3.1.
Les critères d'analyse ......................................
Critère 1 : Internet, Web, Web 2.0 ..............................
Critère 2 : Entreprise et business model .......................
Critère 3: Communauté de partage .............................
Critère 4: Grand public / Spécialistes ..........................
Critère 5: Produits immatériels ..................................
Critère 6: Rémunération des acteurs (contributeurs,
bénéficiaires) ........................................................
3.2.
Application de la grille d'analyse .........................
11
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11
12
13
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18
4 . Domaines stratégiques .................................................
4.1 . Gestion de la communauté ..................................
4.2 . Gestion de la rémunération .................................
4.3 . Gestion de la propriété intellectuelle .....................
4.4 . Gestion du modèle de travail ...............................
4.5 . Business Model propre au Crowdsourcing .................
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5 . Le crowdsourcing au service des entreprises ...................... 37
6 . Bibliographie et webographie ........................................ 39
7 . Annexes .................................................................. 41
Crowdsourcing, concept ou réalité ?
2
1. Introduction
Remontons quelques années en arrière, lors de
l'avènement du Web. Ce nouveau média, alors synonyme
d'incroyables possibilités et de réussites rapides, attire de
nombreux jeunes entrepreneurs qui se lancent à la recherche du
profit. En 2001, ils devront faire face à l'explosion de la bulle
Internet, combien d'entre eux essuieront un échec, combien de
start-up fermeront leurs portes aussi rapidement qu'elles se sont
créées ? Modèles économiques fragiles, voire inexistants,
manque d'expérience et de recul, quoiqu'il en soit cet
événement allait marquer de profonds changements pour le
Web.
La situation est aujourd'hui bien différente, les
technologies ont évoluées, elles tendent à se standardiser, plus
d'un milliard de personnes utilisent Internet dans le monde1. Les
entreprises qui ont traversé l'éclatement de la bulle Internet
sont entrées dans une phase certaine de maturation.
Le Web n'est plus un simple média de communication
mais il tend à devenir une plate-forme où peuvent interagir
différents acteurs. Partant du constat qu'une nouvelle ère du
Web était née, Tim O'Reilly2, lors d'une conférence en 2005,
imagine une nouvelle expression « Web 2.0 » qui souligne un
changement avec le précédent Web que l'on pourrait appeler «
Web 1.0 ».
1
2
1 810 000 personnes utilisent Internet au moins une fois par an (source: janvier
2007, eMarketer, données de l'International Télécommunications Union, base de
données de l'US Census Bureau).
Tim O'Reilly est le fondateur d'O'Reilly Media, société d'édition américaine
spécialisée dans l'informatique. Il a été l'un des initiateurs du premier sommet
de l'Open Source.
Crowdsourcing, concept ou réalité ?
3
Il est difficile de donner une définition précise à ce
terme, il s'agit davantage d'un concept qui souligne les deux
principales nouvelles tendances du Web, l'une technologique,
l'autre sociale. Les techniques ont en effet évolué, les
navigateurs deviennent plus puissants et les connexions plus
rapides. Il est désormais possible de développer des services
plus interactifs, plus ergonomiques, plus fluides. Ces évolutions
technologiques
représentent
surtout
un
support
au
développement de la seconde tendance qui semble être celle la
plus caractéristique des changements observés aujourd'hui, une
tendance sociale centrée sur l'utilisateur.
Désormais l'internaute n'est plus un simple visiteur, il
devient un acteur à part entière sur le Web. De façon
individuelle ou intégré au sein de communautés, l'internaute
participe à l'évolution de services, à la rédaction de contenus, à
la notation de produits... Les services en ligne en vogue
illustrent bien cette tendance, les réseaux sociaux en ligne ne se
comptent plus et certains d'entre eux comme MySpace ou
Facebook rencontrent d'incroyables succès3.
Dans cette tendance de services Web 2.0, de nombreuses
entreprises se mettent à imaginer ou à adapter sur le Web des
modèles économiques intégrant l'internaute comme un nouvel
acteur autre que le client final. De nouveaux termes font alors
leurs apparitions afin de pouvoir distinguer des modèles
communs derrière ces nouveaux concepts.
Jeff Howe, fut le premier à faire mention du terme
« crowdsourcing » dans un article paru dans la revue Wired4 en
juin 20065. S'approchant, par certains aspects, de l'open source
ou de l'open innovation, que nous définirons plus précisément
3
4
5
Plus de 69 millions de visiteurs uniques et 67 milliards de pages vues pour
MySpace, plus de 26 millions de visiteurs uniques et 15 milliards de pages vues
pour FaceBook (source: Compete, mesure d'audience et de trafic, août 2007).
Wired Magazine est une revue américaine traitant de l'incidence de la
technologie sur l'économie, la politique et la culture.
Premier article paru dans Wired Magazine à propos du crowdsourcing : The Rise
of Crowdsourcing (www.wired.com/wired/archive/14.06/crowds.html).
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dans la suite de ce document, le crowdsourcing semble
renfermer un concept différent, plus précis. La traduction
littéraire du terme, « approvisionnement par la foule », ne
reflète pas l'ensemble des critères qui composent le
crowdsourcing. Jeff Howe définit lui-même ce concept comme
« the act of taking a job traditionally performed by a
designated agent (usually an employee) and outsourcing it to an
undefined, generally large group of people in the form of an
open call »6. Il illustre ses propos en citant plusieurs exemples
dont celui du site iStockPhoto qui met à disposition, à faible
coût, un grand ensemble de photographies en provenance d'une
communauté composée de divers contributeurs amateurs comme
professionnels7.
6
7
Traduction : Le fait de prendre un travail habituellement réalisé par un agent
désigné (généralement un employé) et de l'externaliser à un groupe important de
personnes sous la forme d'un appel ouvert à contribution.
iStockPhoto est une plateforme Web d'achat de photographies sous licence. Des
contributeurs amateurs ou professionnels mettent à disposition des
photographies aux visiteurs. Chaque photographie peut être achetée,
permettant ainsi de rémunérer l'entreprise qui gère iStockPhoto ainsi que les
photographes concernés par les téléchargements.
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2. Crowdsourcing : état de l'art
2.1. Contexte et naissance du terme
Lorsque que Jeff Howe mentionne pour la première fois
le concept de crowdsourcing dans son article intitulé « The rise
of crowdsourcing », il illustre ses idées en évoquant différentes
entreprises créées récemment sur la toile comme iStockPhoto ou
Innocentive, un service en ligne qui regroupe plus de 135 000
personnes de 175 pays8 qui répondent à des problématiques de
recherche et développement lancées par des entreprises
privées.
Revenons-en à iStockPhoto et présentons cette
entreprise ainsi que les acteurs qui y gravitent. iStockPhoto est
une plate-forme en ligne d'achat de photographies. Jeff Howe
raconte l'anecdote de Claudia Menashe, elle contacte un
photographe car elle est à la recherche d'une série de clichés
pour illustrer une exposition qu'elle organise sur le thème de la
santé. Mark Harmel, photographe professionnel, lui fait une
proposition avec une ristourne (entre 100$ et 150$ une
photographie) mais la somme reste trop importante pour Claudia
qui préfère réfléchir.
Quelques semaines plus tard, celle-ci contacte le
photographe pour lui annoncer qu'elle a pu trouver une centaine
de photographies à 1$ l'unité sur un site Web dénommé
iStockPhoto. Cette entreprise propose aux photographes,
professionnels mais surtout amateurs, de mettre en vente leurs
créations. Les photographies sont vendues à très bas prix et les
8
Données officielles www.innocentive.com en janvier 2007
Crowdsourcing, concept ou réalité ?
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contributeurs se voient attribués quelques centimes pour chaque
photographie achetée par un visiteur du site.
Ce système ne permet pas à un photographe
professionnel de gagner suffisamment sa vie, mais il représente
pour n'importe quel amateur, qui peut aujourd'hui s'équiper d'un
appareil photographique haut de gamme pour un coût
raisonnable, un excellent moyen pour arrondir ses fins de mois
grâce à une passion ou un loisir.
Les banques d'images en ligne basées sur ce modèle
rencontrent un succès important, iStockPhoto possède une
collection de près de 2 662 000 photos9. En avril 2007, dans un
article publié par Les Echos10, Bruce Livingstone, PDG
d'iStockPhoto annonce recevoir 35 000 clichés par semaine et
avoir vendu 3,6 millions de photos sur le seul dernier trimestre
2006. Dans le même article, Fotolia, le principal concurrent
d'iStockPhoto, basé sur un modèle similaire, annonce un chiffre
d'affaires de 400 000 à 500 000 dollars par mois et près de deux
millions d'euros de revenus en 2006.
Jeff Howe souligne que ce phénomène d'utilisation de la
foule existe depuis bien longtemps également dans le monde de
l'informatique avec l'open source et dans le Web avec comme
exemple le désormais célèbre projet d'encyclopédie
collaborative Wikipedia. La question à se poser à ce niveau est
de savoir ce qui distingue le crowdsourcing des wikis ou autres
projets open source.
2.2. Une part d'open source
L'open source, comme son nom pourrait le faire deviner,
ne signifie pas seulement « accès au code source ». Le terme de
9 Données officielles www.istockphoto.com en janvier 2007
10 Les Echos, article: Les photos de particuliers concurrencent les banques d'images
sur le Net (www.lesechos.fr/info/innovation/4567506.htm)
Crowdsourcing, concept ou réalité ?
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distribution open source implique le respect de la licence qui lui
est associée définissant 10 conditions à remplir pour une libre
distribution11.
Le terme d'open source est à différencier de celui de
logiciel libre qui implique un autre mode de distribution et une
autre philosophie du monde du logiciel. Les logiciels open source
sont développés selon un mode de travail en commun et en ligne
grâce à des plates formes de travail communautaire comme
SourceForge ou GForce12.
On parle de communauté open source pour l'ensemble
des contributeurs au développement de ces logiciels liés par ce
travail en commun. Chacun de ces contributeurs apporte sa
touche de développement pour des projets logiciels de plus ou
moins grande ampleur.
Bien que l'on puisse penser qu'un tel fonctionnement
mène à une désorganisation qui n'aboutisse jamais, ces
méthodes de travail en commun donnent des résultats bien
souvent satisfaisants13. Aujourd'hui, la plupart de ces modes de
développement est gérée par un organisme ou une communauté
structurée permettant une organisation correcte des
contributions.
Jeff Howe décrit parfois le crowdsourcing comme
l'application des principes de l'open source à des domaines hors
logiciels. Cependant, on retrouve dans l'open source une
cohabitation
assez
hétérogène
d'innovation,
d'absence
d'innovation, de business model, d'absence de business model,
avec des notions de propriétés intellectuelles et des formats de
licences différents.
11 Détail de la licence open source sur www.opensource.org/docs/osd.
12 SourceForce (www.sourceforge.net), Gforge (www.gforge.org).
13 Un exemple équivoque traduit d’Eric S. Raymond:
www.freescape.eu.org/biblio/article.php3?id_article=69
Crowdsourcing, concept ou réalité ?
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Nous préfèrerons dans un premier temps la définition qui
consiste à dire que le crowdsourcing est le fait de prendre un
travail habituellement réalisé par un employé et de
l'externaliser à un groupe important de personnes sous la forme
d'un appel ouvert à contribution. On se rapproche alors d'un
second concept : l'open innovation.
2.3. Une part d'open innovation
Si nous devions donner une définition de l'open
innovation en quelques mots, nous pourrions dire que c'est
l'utilisation de savoirs internes et externes pour accélérer
l'innovation interne. Le paradigme open innovation peut être
compris comme l'antithèse du traditionnel modèle d'intégration
verticale où les activités internes de recherche et
développement mènent à des produits développés en interne qui
sont alors distribués par la société.
Henry Chesbrough14, auteur de « open innovation researching a new paradigm », ne dissocie pas l'open innovation
d'un business model, au contraire, l'open innovation doit
explicitement intégrer un business model qui sera la source à la
fois de la valeur créée et de la valeur récupérée.
Le business model utilise à la fois des idées internes et
externes pour créer de la valeur et en même temps des
mécanismes internes pour récupérer une partie de cette valeur.
L'open innovation prévoit que les idées développées en interne
peuvent être commercialisées à travers des réseaux externes,
en dehors des activités actuelles de la société pour générer de
la valeur ajoutée. En ce sens, nous distinguons également de
grandes similitudes entre le crowdsourcing et l'open innovation.
14 Henry Chesbrough est professeur et directeur du centre pour l'open innovation à
l'Haas School of Business de l'université de Californie à Berkeley. Il est l'auteur
de « open innovation - researching a new paradigm » publié en 2005.
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2.4. Où situer le crowdsourcing ?
Alors que Jeff Howe rapproche le crowdsourcing de
l'open source, après quelques lectures, nous avons également
trouvé de nombreux points communs entre l'open innovation et
le crowdsourcing tel qu'il a été défini auparavant. Aujourd'hui
nombreux sont les sites qui se considèrent ou qui sont considérés
comme utilisateurs du concept de crowdsourcing sur le Web.
Paradoxalement ils se présentent souvent sous des formes bien
différentes avec des business models clairement établis, sans
business model, on retrouve des « appels à la foule pour
résoudre des problèmes de connaissance »15 ou des formes plus
simple de collaboration en ligne sur des sujets divers et variés
(productions photographiques, objets high-tech16, ...).
Nous avons alors décidé de mettre en place une grille
d'analyse qui permettra d'identifier les services conçus sur le
modèle de crowdsourcing. Pour cela nous avons établi une liste
de critères à partir de différentes lectures sur les modèles
d'open source et d'open innovation.
Nous avons également analysé différents sites Web qui se
considéraient comme utilisant le crowdsourcing ou qui s'en
approchaient (sans que le terme ne soit explicitement cité) pour
faire ressortir certains critères communs qui s'appliquent au
crowdsourcing. Sur cette base nous avons défini le
crowdsourcing et identifié ses différentes variantes.
15 Extrait tiré de « Crowdsourcing et recherche », article d'un blog de rédacteur du
Monde (pisani.blog.lemonde.fr/2007/07/27/crowdsourcing-et-recherche)
16 Exemple, Crowdspirit (www.crowdspirit.com)
Crowdsourcing, concept ou réalité ?
10
3. Crowdsourcing : grille d'analyse
Cette démarche permet d'identifier les éléments
caractérisant le crowdsourcing mais elle est également un
moyen de modéliser le crowdsourcing et ses différentes
variantes d'applications. La grille d'analyse permet enfin de
mieux situer le crowdsourcing au milieu des concepts voisins
d'open source et d'open innovation.
Les critères suivants sont soit essentiels à tout modèle de
crowdsourcing, soit ils permettent de différencier des variantes
d'applications du modèle selon l'environnement ou le type de
produit sur lequel porte la démarche. Nous détaillerons chacun
de ces éléments dans la partie suivante.
Internet, Web, Web 2.0
Entreprise et Business Model
Communauté de partage
Grand public / Spécialistes
Produits immatériels
Rémunération des acteurs (contributeurs, bénéficiaires)
3.1. Les critères d'analyse
Critère 1 : Internet, Web, Web 2.0
Internet, le Web et le Web 2.0 sont des composantes
essentielles du crowdsourcing. Internet est le réseau
informatique public mondial qui permet de délivrer des services
comme le courrier électronique ou la messagerie instantanée.
Le Web (World Wild Web) est lui-même une des applications
Crowdsourcing, concept ou réalité ?
11
d'Internet qui permet d'afficher dans un navigateur des pages,
des images, des éléments multimédias, des liens hypertextes, ...
Le Web est le support au développement du crowdsourcing, il
est l'outil pour réunir la foule et faire interagir les participants.
Le terme crowdsourcing est apparu à un moment où le
Web 2.0 est très à la mode. Cette notion souligne une étape de
l'évolution du web dont l'utilisateur et le partage d'information
sont la clé. Ce web est notamment caractérisé par l'apparition
de nouveaux matériels l'utilisant (pda, téléphones, ...) et
l'apparition d'outils favorisant l'interaction entre les internautes
(blogs, wiki, social networking, partage de photos et de
vidéos, ...).
Le tout s'est rapidement développé grâce à de nouvelles
technologies qui permettent de créer des sites plus intuitifs,
plus fluides et plus conviviaux. Les sites Web autrefois composés
principalement de simples pages tendent à devenir de réelles
applications. Le crowdsourcing se positionne comme étant une
spécificité du Web 2.0.
Le Web 2.0 est un pré-requis indispensable à tout
modèle de crowdsourcing.
Critère 2 : Entreprise et business model
L’entreprise est un regroupement d'une ou plusieurs
personnes dans une structure sociale présente dans un
environnement économique, elle est généralement caractérisée
par la présence d'un business model. Le business model est une
façon de faire des affaires qui est décrite par deux éléments
suivant17 :
la proposition de valeur pour les clients
le réseau de valeur
17 D'après les travaux de Voelpel et Al. (2004)
Crowdsourcing, concept ou réalité ?
12
L'entreprise cherche à fournir des biens et des services.
Nous nous intéressons ici aux entreprises privées à but lucratif.
Leur objectif principal est de générer du profit en vendant des
services ou des produits aux prix permis par le marché tout en
diminuant au maximum le coût des ressources pour les produire.
Ce critère permet d'écarter du crowdsourcing les services
et modèles non-lucratifs (comme Wikipedia) où le contexte de
mise en place est différent et les motivations des contributeurs
et bénéficiaires ne sont pas les mêmes que pour une structure à
but lucratif. Nous avons également fait le choix d'appliquer ce
critère comme pré-requis car nous souhaitons analyser les
enjeux du crowdsourcing pour les entreprises et leurs business
models.
Critère 3: Communauté de partage
Une communauté est un groupe de personnes ayant des
similitudes communes, ils partagent un bien ou une ressource.
C'est en ce sens que l'on parle de communauté de partage. Ce
terme intègre un sens sociologique fort. On retrouve aujourd’hui
par le biais d'internet des communautés informelles. Elles
représentent des personnes ayant pour point commun d’utiliser
des ressources issues d’Internet.
Nous voyons également par le biais des nouvelles
technologies de l’information et de la communication la
création de communautés de travail. Dans ce cas, la
communauté est composée des personnes constituant les parties
prenantes d’un projet. Par exemple le monde du logiciel libre
s’appuie sur une communauté comprenant à la fois des
développeurs et des utilisateurs. Ici le terme est plus large et
amène vers une notion de communauté vue comme un ensemble
de personnes aidant au développement d’un projet. Nous
perdons ici le sens de la similitude exprimée dans la définition
primaire du mot communauté.
Crowdsourcing, concept ou réalité ?
13
Nous distinguerons enfin la communauté d’intérêt. Celle
ci est un groupe de personnes échangeant sur une même
passion. Elle créé un sentiment de forte appartenance. Ces
communautés n’intègrent pas la notion de rassemblement
géographique. Les fondateurs de ce terme sont Licklider et
Taylor dans un article intitulé « The Computer as a
Communications Device » qui donne une analyse sur les
nouvelles utilisations d’internet.
A partir de ces trois catégories de communauté, nous
retiendront comme critère qu’une communauté est un ensemble
de personnes qui utilisent des ressources (comme Wikipédia par
exemple), qui peuvent travailler en commun (SourceForge), ou
qui ont en commun une passion (Sellaband18) et n’ont pas
forcément de rattachement géographique.
Au sens sociologique du terme, une communauté peut
être définie comme un ensemble de personnes qui
communiquent entre eux, échangent des informations ou des
ressources et partagent des idées ou des biens.
Certains sites parmi ceux que nous avons étudiés
affichent clairement leur volonté de créer une communauté en
faisant remplir une inscription pour pouvoir voter sur des
articles et sur les projets (comme Wikipédia). D'autres proposent
des forums de discussion sur les projets (Sellaband) ou sur
l’évaluation des idées (Cambrian House19).
Il apparait donc que toute communauté partage quelque
chose que ce soit matériel (du code pour du développement, des
graphismes...) ou immatériel (des idées, des votes...) : il est
18 SellaBand (www.sellaband.com) est un site permettant d’aider des artistes
anonymes à diffuser leur musique à travers une communauté de fans ou simples
amateurs de musique.
19 Cambrian House (www.cambrianhouse.com) est en quelque sorte un incubateur
d'idées et de projets. L'objectif est de découvrir, concrétiser et commercialiser
des projets basés sur des idées novatrices en exploitant l'intelligence collective
et le modèle participatif.
Crowdsourcing, concept ou réalité ?
14
alors impossible de séparer le mot communauté de la notion de
partage.
La participation des membres d’une communauté peut se
faire au travers de divers moyens techniques que sont les
wikis20, les blogs (qui permettent aux visiteurs de laisser un
commentaire à un article) ou le système de flux de
syndication21 qui permet une diffusion à un ensemble de
personnes d’informations propres à un site ou un sujet.
Par rapport à cela on s’attachera à différencier trois
fractionnements communautaires au sein du crowdsourcing :
a) Une différenciation entre une communauté
contributeurs et communauté de bénéficiaires.
de
Les contributeurs sont les personnes apportant les
ressources ou les idées. Les bénéficiaires sont les personnes
utilisant ces ressources ou ces idées. Le processus de
crowdsourcing peut comprendre soit une communauté de
contributeurs soit une communauté de bénéficiaires soit les
deux.
Présence d’une communauté de bénéficiaires : par
exemple iStockPhoto comprend uniquement une
communauté de bénéficiaires. Les personnes notent les
photos et font évoluer de façon interactive le classement
des photos. Nous ne distinguons pas dans le principe de
ce site une communauté de contributeurs. Les
contributeurs mettent de façon individuelle leurs
photographies sans concertation avec les autres
contributeurs.
Présence d’une communauté de contributeurs : par
exemple le site la fraise comprend une communauté de
graphistes et dessinateurs (une communauté de
20 Le wiki est un système de gestion de contenu permettant une participation
collaborative
21 Flux de syndication, plus connus sous le nom de flux RSS
Crowdsourcing, concept ou réalité ?
15
bénéficiaires est également présente pour évaluer les
différentes contributions).
b) Une différenciation entre communauté de partage de
ressources et communauté de partage d’idées.
Par le terme « ressources », nous entendons tous les
apports des différents contributeurs. Le terme d'idée représente
tous les apports intellectuels. On notera que le crowdsourcing
comprend soit une communauté de ressources ou d'idées.
Présence d’une communauté de partage de ressources :
l’idée développée par Zopa22 qui consiste à la mise en
commun de ressource financière afin de prêter de
l’argent.
Présence d’une communauté de partage d’idées : il
existe une communauté de partage au niveau des idées
sur des sites comme « Cambrian House » ou « La
Fraise »23.
c) Une différenciation entre une communauté de partage
d'idées ou de ressources avec ou sans intérêt.
Par le terme intérêt, nous représentons la
reconnaissance (financière ou non) reçue par le contributeur ou
le bénéficiaire à participer.
Présence d’une communauté de partage d'idées sans
intérêt : nous pouvons distinguer ainsi les contributeurs
de Wikipédia qui, sans intérêt particulier participent à
22 Zopa (www.zopa.com) est une banque peer-to-peer, les contributeurs prêtent de
l'argent à un taux qu'ils choisissent, Zopa fait office de plateforme de rencontre
entre prêteurs et emprunteurs et prend un pourcentage sur chaque prêt réalisé.
23 La Fraise (www.lafraise.com) organise des concours de création de motifs pour
tee-shirts, rachète les dessins préférés des internautes pour les imprimer sur des
vêtements et les revendre.
Crowdsourcing, concept ou réalité ?
16
l’amélioration des articles (hormis la reconnaissance
pour quelques rares contributeurs très impliqués).
Présence d’une communauté de partage d'idées avec
intérêt : Cambrian House est composée d'une
communauté de contributeurs qui ont un intérêt
financier à participer puisque leurs idées peuvent être
amenées à trouver des financements.
La présence d'une communauté s'avère être un prérequis à la création d'un modèle basé sur le crowdsourcing. La
façon dont sera gérée la communauté et les intérêts qu'auront
les internautes à y participer déterminera ainsi différentes
applications du crowdsourcing.
Représentation schématique de la décomposition existante
de la notion de communauté au sein du Crowdsourcing.
Critère 4: Grand public / Spécialistes
Nous avons vu que le crowdsourcing est basé sur une
forme de business model et celui-ci donne donc lieu à une
activité économique. Dans ce cas le grand public est assimilé au
Crowdsourcing, concept ou réalité ?
17
BtoC, c'est-à-dire au Business to Customer. En effet lorsque l’on
parle de grand public nous désignons une activité économique
qui se destine aux consommateurs finaux, on désigne une
activité dont les acteurs proviennent du grand public.
C'est une particularité remarquable que de s'appuyer sur
un public créateur de produits qu'il aimerait consommer. C'est
peut être une évolution vers une utopie: le réseau social à
l'origine d'un marché dont il est lui même le premier
consommateur...
Tout au contraire un spécialiste est une personne ayant
des connaissances approfondies (théoriques, techniques,
pratiques...) dans un domaine (métier, science,...). Une
personne spécialiste peut faire partie intégrante du grand
public, mais elle apporte une vision plus technique, plus
élaborée et parfois plus complexe. Cette vision peut être
nécessaire et recherchée pour un certain type de produit.
Un modèle de crowdsourcing peut aussi bien cibler une
communauté grand public, une communauté d'experts, ou les
deux, soit de façon distincte soit au sein d'une communauté
unique mêlant les différents profils.
Critère 5: Produits immatériels
On peut définir le matériel comme un objet dont on peut
se servir. On peut donc assimiler le matériel comme un bien. Ce
bien peut très bien être un produit que l’on peut acheter, louer,
etc. Quand on parle de matériel on parle très souvent de
moyens financiers, de quelque chose de réel et fait de matière.
L'immatériel fait parti, d’une certaine façon, du matériel
mais en amont de sa création. Avant de créer quelque chose de
matériel, c’est d'abord un raisonnement, une idée floue qui a
commencé à être pensé (le partage de connaissance, la
réflexion). L’immatériel est donc toute cette partie en amont
Crowdsourcing, concept ou réalité ?
18
nécessaire afin de parvenir à quelque chose de matériel. Dans
cette perspective moins industrielle, les entreprises valorisent
dans leurs actifs une part de plus en plus grande d'immatériel :
Fichier clients
Brevets
Retour d'expériences
Bonnes pratiques
...
Le crowdsourcing, s'appuyant sur des communautés
rassemblées via le Web, ne peut être considéré que pour des
biens immatériels.
Positionnement du crowdsourcing
(Biens matériels et immatériels).
Crowdsourcing, concept ou réalité ?
19
Critère 6: Rémunération des acteurs (contributeurs,
bénéficiaires)
La rémunération des différents acteurs est une
composante essentielle du crowdsourcing. Rappelons qu'il s'agit
d'utiliser le temps disponible, les compétences ou les idées
d'individus extérieurs à l'entreprise pour remplacer une activité
qui pourrait être interne à celle-ci. Ainsi le recours à ce type
d'activité nécessite pour l'entreprise qui la met en place d'être
capable d'en générer un revenu direct ou indirect.
Selon les cas que nous avons été amenés à étudier, nous
avons distingué des modèles de rémunération assez différents.
Nous observons ainsi des rémunérations directes liées à la
revente des apports des contributeurs, des rémunérations
indirectes en transformant l'apport initial ou encore des
rémunérations annexes. Selon le modèle sélectionné par
l'entreprise, la rémunération des contributeurs sera elle aussi
différente.
Rémunération directe
L'entreprise s'appuie dans ce cas sur une importante
communauté de contributeurs, le service Web de l'entreprise
permet de regrouper en un seul endroit un maximum de
contributions afin d'en assurer une meilleure visibilité. Les
contributeurs mettent à disposition leurs créations ou leurs
ressources et l'entreprise se charge de trouver des acheteurs.
Les clients paient directement l'entreprise qui en reverse
ensuite une partie aux contributeurs concernés par les achats.
Crowdsourcing, concept ou réalité ?
20
Crowdsourcing: rémunération directe (ici les contributeurs et les
clients sont dessinés séparément, mais nous avons précédemment
vu que les deux profils pouvaient parfois interagir directement
entre eux ou posséder des acteurs communs)
L'entreprise fait alors office de plateforme d'échange, la
rémunération des deux parties est financière mais généralement
d'un faible montant par contribution, il s'agit par exemple de
photographies (iStockPhoto.com), de créations artistiques
(comme des logos pour Wilogo.com) ou encore de ressources
comme de l'argent pour Zopa (banque peer-to-peer, les
contributeurs prêtent de l'argent à un taux qu'ils choisissent,
Zopa fait office de plateforme de rencontre entre prêteurs et
emprunteurs et prend un pourcentage sur chaque prêt réalisé).
Crowdsourcing, concept ou réalité ?
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Illustration tirée du site zopa.com
Rémunération indirecte
Un second modèle consiste, cette fois, à créer une
valeur ajoutée à la contribution initiale avant de la revendre à
de tierces personnes. Il peut s'agir comme dans le cas précédent
de créations artistiques, par exemple, le site de vente en ligne
LaFraise.com, qui organise des concours de création de motifs
pour tee-shirts, rachète des dessins pour les imprimer sur des
vêtements et les revendre.
La rémunération de l'entreprise se fait de manière classique sur
les marges du produit qu'elle vend. Dans cette situation le
contributeur n'est généralement pas payé en fonction du nombre
de ventes puisque l'entreprise rachète intégralement la
contribution et ses droits auprès du créateur. Dans ce type de
modèle la rémunération du créateur est double, d'une part
financière, de l'autre basée sur la reconnaissance, car certains
participants auront plus de succès que d'autres (les contributions
acceptées étant très minoritaires).
Crowdsourcing, concept ou réalité ?
22
Crowdsourcing: rémunération indirecte
Certaines structures tentent d'appliquer ce modèle sur
des idées d'innovations ou concepts technologiques, nous le
verrons par la suite, les problématiques de propriétés
intellectuelles deviennent alors bien plus importantes.
Rémunération annexe
Enfin d'autres structures offrent toutes les contributions
à leurs clients (ou visiteurs), dans ce cas, l'entreprise ne tire
aucun bénéfice direct des apports des contributeurs. L’enjeu est
de pouvoir créer du contenu via une communauté externe et
donc de baisser voire supprimer les coûts. Le contenu peut donc
être proposé à titre gratuit aux clients et la rémunération est
Crowdsourcing, concept ou réalité ?
23
annexe, en attirant un maximum de visiteurs par la gratuité, il
est possible de tirer, par exemple, davantage de revenu de la
publicité (comme c'est le cas pour Obiwi.com, site Web
d'information grand public). Il est également possible de
proposer des services annexes payants.
Crowdsourcing: rémunération annexe
En suivant ce modèle, il est plus difficile de rémunérer le
contributeur puisque ses apports sont proposés à titre gratuit
aux clients. La plupart du temps si il s'agit d'une rémunération
basée sur la reconnaissance, où les contributeurs de part leurs
apports se font une réputation dans un domaine particulier. Il
est possible de rémunérer les meilleurs contributeurs (comme
Crowdsourcing, concept ou réalité ?
24
c'est également le cas sur Obiwi.com) mais cela reste faible et
rare.
Crowdsourcing, concept ou réalité ?
25
3.2. Application de la grille d'analyse
Afin de valider notre grille d'analyse, nous l'avons testée
sur différents sites Web. Vous retrouverez ici un tableau
d'application de la grille sur le site Sellaband. L'ensemble des
sites analysés est disponible en annexe à la fin du document.
SellaBand est un site permettant d’aider des artistes
anonymes à diffuser leur musique. Un artiste s’inscrit sur le site
SellaBand, il dépose au maximum trois démos musicales. Cet
artiste doit alors obtenir le soutien budgétaire d’anonymes pour
obtenir une somme de 50000$. Chaque personne croyant en lui
et souhaitant l’aider à sortir son premier CD peut participer en
donnant 10$ pour le lancement de son projet.
Une fois la somme de 50000$ atteinte, SellaBand aide
l’artiste à enregistrer son premier CD et permet de télécharger
les morceaux enregistrés sur son site. Les personnes ayant
participé financièrement à l’aventure peuvent alors orienter par
l’intermédiaire de forum les décisions de l’artiste. Le site est
surtout alimenté par une communauté de musiciens et de plus
en plus par des investisseurs individuels. Les trois parties
prenantes que sont l’artiste, SellaBand et les investisseurs
perçoivent alors une rétribution sur les ventes.
Crowdsourcing, concept ou réalité ?
26
Critère
Explication
Internet,
Web, Web
2.0
Le site fait intervenir les internautes comme votants et/ou
« actionnaires » d'un groupe de musique dans lequel ils
croient et qui a été mis en ligne par un autre internaute. Il y
a donc un vote et un investissement d'internaute d'un coté et
inscription et publication de contenu avec la proposition de
musique de l'autre, c'est un des fondements du Web 2.0.
Entreprise
Sellaband est une société avec un réel business model. Elle
se rémunère sur la publicité du site ainsi que sur la vente des
chansons produites en ligne.
Communauté
de partage
Communauté de partage d'idées puisque il y a investissement
sur les groupes pour lesquels on croit. L'idée est donc que la
musique créée par ce groupe peut marcher. Communauté de
partage d'idées avec intérêt puisque si le groupe atteint
50000$ de votes, il est produit en studio et il y a
rémunération des membres du groupe et des internautes à
raison de 50%-50% sur les ventes de chanson en ligne.
Grand Public
et/ou
spécialiste
Grand public et spécialiste. En effet n'importe quel
internaute peux voter pour un groupe de musique du site en
revanche il faut être du monde musical et/ou membre d'un
groupe de musique pour mettre en ligne un morceau de
musique.
Niveau et
type de
rémunération
du
contributeur
Le contributeur, ici l'internaute qui vient voter en
investissant 10$ pour un groupe de musique se verra reverser
50% des bénéfices net de la vente du CD du groupe si ce
dernier arrive à obtenir 50000$ d'investissement des
internautes et donc à se produire en studio.
Niveau et
type de
rémunération
du
bénéficiaire
Le bénéficiaire, ici le groupe de musique, sera produit en
studio s’il arrive à obtenir 50000 $ de vote des internautes
sur le site. Il pourra donc vendre ses chansons sur le site
mais devra reverser 50% de ses bénéfices net de la vente du
CD correspondant au morceau qu'il a diffusé sur le site aux
internautes qui ont investi pour sa production.
Type de
produit
Immatériels puisqu'il s'agit de musique, de votes et d'argent.
Crowdsourcing, concept ou réalité ?
27
Crowdsourcing, concept ou réalité ?
28
4. Domaines stratégiques
4.1 . Gestion de la communauté
La gestion d’une communauté doit s’articuler autour de
certains principes fondamentaux.
Il est nécessaire de formaliser par un règlement les
règles régissant la communauté afin de créer un sentiment
d’appartenance et de permettre d’instaurer des mécanismes et
formalisme pour les discussions et le mode de fonctionnement
de la communauté.
Toute discussion de la communauté doit être encadrée
par des modérateurs afin d’augmenter la qualité des échanges.
De ce coté là, on discernera la notion de modération avant la
contribution d’un membre de la communauté qui consiste à ne
publier une contribution qu’après validation. Au contraire de la
modération après publication qui permet de supprimer des
contributions sans intérêt pour la communauté.
Dans certaines communautés, on sélectionne pour
devenir modérateurs des personnes issues de la communauté.
Pour son bon fonctionnement, il est important que les
modérateurs aient une capacité analytique à gérer les échanges
néfastes au bon fonctionnement.
Il faut, pour fédérer une communauté, mettre en place
des services destinés aux membres de la communauté
(informations sur les sujets intéressants les membres d'une
communauté, concours, calendriers des événements), ouvrir des
espaces de discussion et créer des rites qui fidéliseront la
Crowdsourcing, concept ou réalité ?
29
communauté. Seulement dans ce cas, l'évolution de la
communauté pourra se faire dans des conditions optimum.
4.2 . Gestion de la rémunération
La rémunération est une composante essentielle du
crowdsourcing. Les contributeurs sont généralement issus du
grand public, l'aspect financier n'est pas le seul intérêt des
participants, la motivation par la visibilité, la réputation ou la
reconnaissance se doivent d'être pris en compte.
Le problème est de trouver une rémunération qui doit
être assez importante pour attirer les contributions tout en
étant adaptée pour que le coût ne devienne pas trop important
lorsque la communauté de contributeurs augmente.
L'objectif est, rappelons le, de réaliser la rémunération
d'une prestation provenant d'une source externe à l'entreprise.
La structure travaille alors avec des ressources temporaires pour
qui la rémunération correspond à une petite somme qui dans le
meilleur des cas permettra d'arrondir les fins de mois.
Lorsque l'entreprise fait appel à une communauté
d'experts, la rémunération devient un critère plus important
pour eux puisque, à moins de participer par conviction ou pour
développer leur réputation, l'expert connaît les tarifs de ses
éventuels apports et ne participera pas si la somme ne lui
semble pas justifiée ses travaux.
Dans certains cas de crowdsourcing la communauté mêle
des experts et des amateurs. Faut-il distinguer les deux profils
et leur proposer des rémunérations différentes ? Comment faire
valoir son expertise si elle n'est pas différenciée de celle des
amateurs ? A l'inverse, comment un amateur peut développer
une expertise si elle n'est pas reconnue en tant que telle ?
Crowdsourcing, concept ou réalité ?
30
Ce cas se rencontre dans iStockPhoto où amateurs et
professionnels vendent leurs travaux aux mêmes tarifs. C'est
alors la demande qui génère la réputation d'un contributeur,
amateur ou professionnel. iStockPhoto a récemment été acheté
par une agence de photographies GettyImages qui a décidé de
réaliser des concours pour embaucher comme professionnels les
meilleurs contributeurs amateurs de la banque d'images. On
retrouve alors ici un processus inverse au crowdsourcing où des
contributeurs extérieurs sont sélectionnés pour devenir des
salariés. Est-ce une dérive du modèle pour sélectionner les
meilleures ressources à un coût très économique ?
4.3 . Gestion de la propriété intellectuelle
L’étude
des
différentes
manifestations
du
« crowdsourcing » à travers notre projet de recherche montre
que tout ce qui concerne la propriété intellectuelle est un sujet
qui est soit soigneusement traité soit consciencieusement évité.
Nous allons présenter cette problématique et l’illustrer.
Voici une définition de la propriété intellectuelle : « On
peut définir la propriété intellectuelle comme l'ensemble de
tous les instruments juridiques et administratifs qui permettent
de protéger et de valoriser les inventions, les innovations et les
créations dans les métiers, les arts et les lettres. »24
Même si cela ne s’applique pas en droit, en pratique on peut
diviser la propriété intellectuelle en trois branches:
La propriété industrielle, qui concerne les brevets, les
licences, le savoir-faire, la contrefaçon, les dessins et
modèles, les obtentions végétales et les topographies de
produits semi-conducteurs, et, c'est nouveau, les logiciels
informatiques ;
24 Définition extraite du site : www.progexpi.com
Crowdsourcing, concept ou réalité ?
31
La propriété commerciale, qui traite des « signes
distinctifs » : marques de fabrique, de commerce, de
service, appellations, indications d'origine, enseignes, noms
commerciaux, etc., ainsi que des règles de concurrence ;
La propriété littéraire et artistique qui gère les droits
d'auteurs et droits voisins (le « copyright » des anglosaxons), ainsi que les logiciels, que l'on retrouve encore ici.
Une étude menée en 2007 par le cabinet de conseil Ernst
& Young25 auprès de grandes entreprises, montrent que les 2/3
de leur valorisation est immatérielle. Elle repose sur des
brevets, de la connaissance, des fichiers clients – Exemple cité
dans le même article qui présente le rachat de Neuf Télécom
par SFR sur la base d’une valorisation du fichier clients. Notre
environnement est fortement influencé et encadré par les
brevets que les industries essayent de faire respecter à une
échelle planétaire.
Le « crowdsourcing » est selon les travaux de notre groupe de
recherche, la participation d’un groupe de personnes à un
processus de création, de recherche et développement pose un
certain nombre de questions.
A qui appartient le procédé, produit, ... issu de ce
travail collaboratif ?
Est-ce que les participants peuvent ultérieurement
invoquer leur contribution pour demander une
rétribution ?
Comment rémunérer les participants ?
Peut-on utiliser le fruit de ce travail comme composant
d’un produit plus complexe protégé par un brevet ?
Existe-t-il un cadre juridique traitant de ce sujet ?
Cette liste n’est pas exhaustive. Elle montre simplement
que le sujet mérite au premier plan d’être traité par les sociétés
25 Source : Les Echos – cahier économique du 24/01/08
Crowdsourcing, concept ou réalité ?
32
qui s’appuient sur le « crowdsourcing » pour développer leurs
activités.
Notre étude montre en extrême que le transfert de
propriété intellectuelle est contractualisé dans certains cas et
complètement occulté dans d’autres. Par exemple, sur le site
Wilogo.com la propriété intellectuelle est gérée et
contractualisée par un contrat de reconnaissant implicitement
des droits aux transferts de propriété contributeurs. A l’opposé,
le site WeAreTheMarket.com où il semble que cette partie là ne
soit pas gérée ou bien SourceForge où le code source est
normalement sous licence GPL (libre de droit) mais le site
revendique la propriété du code qui est hébergé d’où des
problèmes récents sur cette notion.
Ce critère d’analyse semble pertinent compte des enjeux
qui sont encore liés à la propriété intellectuelle chaque fois que
des ressources extérieures à l’entreprise sont utilisées même à
titre ponctuel. Pour la production intellectuelle pouvant
déboucher sur un procédé ou invention d’un salarié dans le
cadre de l’entreprise ; on attribue la propriété des brevets à
l’entreprise.
Il faut donc que l’on soit contributeur ou bénéficiaire
s’assurer que :
La propriété intellectuelle soit gérée ;
Il existe une contractualisation pour le contributeur
comme pour le bénéficiaire
Un principe de rémunération existe
Nous nous trouvons à un moment particulier où la notion
de propriété intellectuelle est remise en question implicitement
par une nouvelle génération qui est née dans Internet et qui
remet en question certains business modèles où le contenu est
payant.
Crowdsourcing, concept ou réalité ?
33
Il est facile de mettre évidence ce comportement par
rapport à la musique, à la vidéo, aux jeux ; à voir la perplexité
des producteurs de contenus, la réponse idéale n’existe pas.
Pour le « crowdsourcing » c’est encore plus flou ; le curseur est
difficile à positionner. Les grands groupes internationaux qui
revendiquent l’externalisation d’une partie de leur R&D le font
d’une manière très contrôlée (IBM, P&G...). Nous sommes sans
doute au début d’une démarche qui va évoluer par rupture entre
les extrêmes tout ouvert ou tout fermé.
4.4 . Gestion du modèle de travail
Le système économique lié au Crowdsourcing risque de
se poser comme problématique. Le marché pourrait être
sollicité pour effectuer des prestations qui étaient jusque là
réalisées en interne. Les conséquences sont difficiles à évaluer,
une remise en question du modèle de l'organisation du travail
est à envisager.
Il relancerait le débat sur les tâches pouvant être
réalisées en externalisation. De nouvelles tâches actuellement
faites en interne dans les entreprises seraient alors demandées à
des personnes externes. Ceci entraînera une libéralisation du
marché qui risque d’engendrer une diminution des revenus et un
dumping social du fait que chaque tâche pourra être confiée aux
personnes proposant leur service au prix le plus bas tout en
apportant une qualité de travail suffisante.
Les tâches complexes, certainement les mieux
rémunérées, s’adresseront principalement à des spécialistes
moyennant finances. Par opposition, dans le cas d’une vision
plus optimiste, on pourrait voir le Crowdsourcing comme la
chance de mettre en commun des millions de connaissances sur
un sujet unique afin d’avoir une connaissance unique. Le
Crowdsourcing permettrait alors d’avoir avec exhaustivité toutes
les informations. Il permettrait ainsi à certaines personnes de
Crowdsourcing, concept ou réalité ?
34
travailler de façon rémunérée sans être contraint de travailler
dans une structure définie.
Dans cette perception de l’utilisation du crowdsourcing,
on a conscience que tout ne sera pas externalisé. Il pourrait
libérer des énergies permettant de mettre à jour des services ou
des biens encore non présent sur le marché.
De ce phénomène, deux tendances pourront alors se
dégager, soit le fait d’ouvrir le travail à une plus grande partie
des personnes voulant travailler, soit le fait que cette pratique
risque d’engendrer une diminution des personnes travaillant
dans les entreprises.
En restant attentif à ne pas créer encore un écart plus
important, il pourra cependant servir à avoir une visibilité sur la
réelle valeur d’un bien ou d’un service en l’ouvrant aux lois du
marché.
4.5 . Business Model propre au Crowdsourcing
Il est intéressant dans une optique d’application à
l’entreprise du Crowdsourcing d’établir un Business Model qui lui
est propre. Pour le définir nous nous sommes appuyé sur un
model sous forme de questions auxquels nous apportons les
réponses qui constitue tout autant de critères formant le BM.
Celui-ci peut être résumé sous la forme d’un tableau :
Crowdsourcing, concept ou réalité ?
35
1
2
Quel est le
concept ?
Partager des
idées ou des
ressources avec
un ou des
objectifs
communs
Qui sont les
clients-cibles ?
Entreprises pour
le concept et
particulier ou
entreprises pour
le produit réalisé
3
Quelle est la
valeur ajoutée
apportée au client
?
Permet
d'apporter des
solutions
techniques
4
Quelles sont les
compétences
requises ?
biens immatériels
(connaissances
ou idées)
5
Compétences :
interne ou externe
Externe
6
Accès aux
compétences
Internet (création
de communauté)
7
Accès aux clients
Par le biais des
entreprises
(internet ou
services
marketing)
8
Est-ce que l'offre
est standardisée
ou personnalisée
?
Doit etre
personnalisé
9
Comment génèret-on des revenus
?
Vente des
produits réalisés
Permet
d'apporter
des idées
sur des
thèmes
Permet
d'apporter
une
évaluation
sur des
produits
Offre un
Permet de produit au
mettre des plus prêt
ressources
de la
en
demande
commun
du public
visé
Diminution Augmentation
des
des
ressources ressources
servant à
humaines
réaliser le
réalisant le
produit
produit
Crowdsourcing, concept ou réalité ?
36
5. Le crowdsourcing au service des
entreprises
Au vue des recherches précédemment effectuées, nous
sommes désormais capables de fournir une définition plus
précise du crowdsourcing : Il s'agit pour une entreprise d'utiliser
le support Web 2.0 pour une ou plusieurs de ses activités
concernant des produits immatériels (idées, concepts, musique,
photographies, ...) en s'adressant à une communauté de
partage, experte ou non en prévoyant une forme de
rémunération pour tous les acteurs (contributeurs et
bénéficiaires).
De récentes études le montrent, les multinationales ont
développés leur capacité interne d'innovation au maximum de
leur capacité financière en enregistrant quelques milliers de
brevets par exercice.
Le manque d'innovations qui répondent aux attentes du
marché ainsi que le nombre d'inventions qui resteront au stade
de brevets interpellent de plus en plus les administrateurs de
ces organisations.
Ils se trouvent en effet au centre de grands courants
opposés:
Ouvrir ses brevets à l'extérieur afin de récupérer des revenus
de licences ;
Protéger encore plus les innovations « maison » au risque
qu'elles ne profitent à personne ;
Entrer en concurrence avec des sociétés plus légères, plus
réactives, plus proches des clients ;
Laisser l'innovation se développer en dehors de l'entreprise.
La question mérite d'être développée: comment les
entreprises peuvent-elles s'approprier le « crowdsourcing » ?
Crowdsourcing, concept ou réalité ?
37
Nous avons prévu dans la suite de notre projet de
comprendre et d'étudier :
Comment les entreprises perçoivent le sujet ?
Comment envisagent-elles l'évolution du business model
basé sur la propriété intellectuelle ?
Comment utiliser le meilleur des mondes (interne et
externe) ?
Comment la technologie est un formidable accélérateur
de performance dans le domaine de l'innovation ?
Cette partie permettra à notre projet de recherche de
réunir un ensemble de bonnes pratiques nécessaires à la
création et au développement d'un projet s'appuyant en partie
ou totalement sur le « crowdsourcing ».
Comme l'ont défini D. Tapscott et A. Williams dans leur
ouvrage « Wikinomics », la wikinomie, l'économie des wikis, est
devenue un des enjeux du futur: « les réseaux sociaux » au
coeur de la nouvelle économie.
Crowdsourcing, concept ou réalité ?
38
6. Bibliographie et webographie
Chanal, V., 2007. « Intérêts et limites de l’approche leadusers » Conférence AUEG
Chesbrough, H., 2006. « Open Innovation – researching a new
paradigm » Oxford University Press
Howe, J., 2006. « The rise of Crowdsourcing » Wired
Tapscott, D., and A. Williams. 2006. « Wikinomics – how mass
collaboration changes everything » Atlantic Books
Von Hippel, E., 1998. « The sources of innovation » Oxford
University Press
Von Hippel, E., 2005. « Democratizing innovation » MIT Press
Crowdsourcing, concept ou réalité ?
39
Blogosphère:
crowdsourcing.typepad.com
cecrowdsourcing.blogspot.com
blog.webu.fr/blog/190
crowdsource.wordpress.com/
crowdsourcingdirectory.com
www.wikinomics.com
www.openinnovation.net
blog de Jeff Howe
blog de Lionel David
Articles:
http://www.wired.com/wired/archive/14.06/crowds.html (us)
http://www.internetactu.net/?p=6470 (fr)
http://www.internetactu.net/index.php?p=5995 (fr)
http://cefrio.qc.ca/pdf/PerspecTIves_article3.pdf (fr)
http://cmo.uqam.ca/pipermail/controversesdulibre/2005June/000114.html (fr)
Crowdsourcing, concept ou réalité ?
40
7. Annexes
Crowdsourcing, concept ou réalité ?
41
Web 2.0
Entreprise
Communauté
Grand public
et/ou experts
Produits
matériels ou
immatériels
Prérequis
Prérequis
Prérequis et
différenciateur
Différenciateur
Prérequis
Prérequis et
différenciateur
Prérequis et
différenciateur
Différenciateur
Oui
Oui
Oui (solvers &
seekers)
Grand public
(dont experts)
Procédés ou
concepts de
produits
Oui, monétaire
Oui, revente de
licences
Géré: Innocentive rachète
l'ensemble des droits des
procédés ou produits
Oui
Oui
Oui
Grand public
Immatériels
(articles)
Oui,
reconnaissance
(monétaire rare)
Oui, publicités
Géré: Obiwi est propriétaire du
contenu de part
Oui
Oui
Oui
Experts
Immatériels
(logos)
Oui, monétaire
pour les
graphistes
Oui, sur les
ventes de logos
Géré et contractualisé par un
contrat de transfert de
propriété
Non
Oui
Non
Experts
Procédés ou
concepts de
produits
Soutien et aide
financière pour
création
Oui, pourcentage
sur les ventes
Géré, le contributeur est
reconnu comme le créateur ou
la source de l'idée.
Oui
Oui
Oui
Experts
Procédés ou
concepts de
produits
Soutien et aide
financière pour
création
Oui, pourcentage
sur les ventes
Géré, le contributeur est
reconnu comme le créateur ou
la source de l'idée.
Non
Oui
Oui
Experts
Procédés ou
concepts de
produits
Oui, monétaire
(élevé)
Oui, revente de
licences
Géré contractuellement
Oui
Oui
Oui (créateurs &
clients)
Grand public et
experts
Immatériels
(dessins)
Oui, monétaire
(faible) et
reconnaissance
Oui, revente de
tee-shirts
Géré, achat des dessins et des
droits pour ceux qui seront
imprimés
Oui
Oui
Oui (utilisateurs
plutôt que
contributeurs)
Grand public
(dont experts)
Immatériels
(photos)
Oui, monétaire
(faible)
Oui, revente de
photos
Géré, licence sur les photos
Oui
Oui
Oui
Grand public
(dont experts)
Concepts de
produits
Aide pour
lancement
activité
?
Il semblerait que cela ne soit
pas géré
Oui
Oui
Oui
Grand public et
experts
Matériel
Oui, vente
d'articles
Oui, frais,
pourcentages
sur ventes et
publicité
N/A
Rémunération Rémunération
contributeur
bénéficiaire
Propriété intellectuelle
Grille d'analyse
Innocentive
www.innocentive.com
Obiwi
www.obiwi.com
Wilogo
www.fr.wilogo.com
EurekaMed
www.eurekamed.com
NineSigma
www.ninesigma.com
YourEncore
www.yourencore.com
LaFraise
www.lafraise.com
IStockPhoto
www.istockphoto.com
WeAreTheMarket
www.wearethemarket.com
Ebay
www.ebay.com
Crowdsourcing, concept ou réalité ?
42
Zopa
Oui
Oui
Oui
Grand public
Immatériels
(argent)
Taux d'intérêt
Pourcentage sur
taux du prêt
N/A
Non
Oui
Non
Experts
Immatériels
(articles)
Reconnaissance,
publicité, parfois
monétaire
Vente de
magazines
Géré par un contrat, l'auteur
reste propriétaire de l'article
Oui
Oui
Oui
Experts
Immatériels
(code source et
logiciels)
Reconnaissance
dans quelques
cas
Services
annexes
Code source sous licence,
mais SourceForge propriétaire
du code. Problématique
récente
Non
Oui
Non
Grand public
Immatériels
(information)
Rémunérer par
l'information
trouvée
Services
annexes,
publicité
Par d'autorisation préalable à
la diffusion
Non
Oui (selon le
projet)
Non
Grand public
Immatériels
(puissance de
calcul)
Non
Puissance de
calcul (non
monétaire direct)
N/A
Oui
Oui
Oui (utilisateurs
plutôt que
contributeurs)
Grand public et
experts
Immatériels
(musique)
Oui, sur vente
Oui, sur vente
Gérée, respect du droit
d'auteur
Oui
Non, association
à but non lucratif
Oui
Grand public et
experts
Immatériels
(articles)
Reconnaissance
dans quelques
cas
Non
Licence de documentation libre
GNU
Oui
Non, parti
politique
Oui
Grand public
Immatériels
(idées et argent)
Reconnaissance
dans quelques
cas
Argent collectée
Licence Creatives Commons
Oui
Oui (mais pas à
l'origine)
Oui
Grand public et
experts
Immatériels
(idées,
concepts)
Oui, royalties
Oui, royalties
Il semblerait que cela ne soit
pas géré
www.zopa.com
PHPSolutions
www.phpsolmag.org
SourceForge
www.sourceforge.net
Google
www.google.com
Grid
www.gridcomputing.com
Sellaband
www.sellaband.com
Wikipedia
www.wikipedia.org
Actblue
www.actblue.com
CambrianHouse
www.cambrianhouse.com
Crowdsourcing, concept ou réalité ?
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