Les variétés améliorées de manioc, nouvel or vert de l`Afrique
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Les variétés améliorées de manioc, nouvel or vert de l`Afrique
SYNOPSIS DU DOCUMENT AUDIO N°10 Thème «Les variétés améliorées de manioc, nouvel or vert de l’Afrique» (2ème Partie) Durée: 15’23’’ Langue: Français Réalisateur-présentateur: Emmanuel S. TACHIN (Communication Office, IITA-Ibadan) International Institute of Tropical Agriculture – Institut international d’agriculture tropicale – www.iita.org 1 Musique d’identification en fondu enchaîné Lancement Dans le droit fil du magazine passé, celui d’aujourd’hui met davantage l’accent sur la sélection variétale du manioc, objet de nombreuses recherches. Le chargé des essais internationaux de l’IITA, le Nigérian Paul Ilona, qui n’en finit pas de l’évoquer est à nouveau reçu au micro d’Emmanuel Tachin. Il tient des propos inattendus sur la valeur économique du manioc encore appelé cassava. Ce tubercule, pour ce qu’on en sait, peut être bouilli, cuit, frit ou séché. On l'utilise pour faire de la farine, du tapioca et de l'amidon de blanchisserie. Mais peu de gens savent qu’il entre dans la fabrication du sucre, du pain et même de certaines boissons alcoolisées. Plante indigène d'Amérique, il faut le rappeler, le manioc est cultivé dans tous les pays tropicaux. Il constitue une denrée de base au Nigeria où son entrée dans les industries locales tient moins du hasard que de la volonté affirmée des dirigeants de ce géant ouest-africain d’en faire le nouvel or vert de leur économie. Intro «Les paysans eux-mêmes ont constaté que même qu’en jetant les tiges derrière la maison n’importe comment, après 6 à 7 mois quand on y revient, il y a toujours quelque choses à manger. En fin de guerre, quand les gens reviennent à la maison, chez soi, il n’y a que le manioc qui est encore dans les champs. Les herbes ont déjà envahi les autres cultures telles que le maïs, le niébé… Le manioc est une culture qui répond à toutes les conditions climatiques. Que la variété soit bonne ou pas, elle vous donne quand même quelque chose». Transition présentateur Le manioc a la caractéristique fondamentale de s’adapter à toutes les régions agro écologiques. Sa culture se fait surtout en zone forestière en Afrique, mais les méthodes de culture traditionnelles en savane ou en forêt sont à peu près les mêmes. Il peut être associé à d'autres cultures comme le maïs, l’arachide ou le sésame. Il est peu sensible aux maladies et aux attaques des prédateurs. La consommation des jeunes feuilles de manioc en Afrique et en Amérique permet une amélioration sensible de l’équilibre nutritionnel et doit donc être encouragée. Et Paul Ilona de confirmer l’importance alimentaire du tubercule de plus en plus prisé. Paul Ilona «Le manioc n’est plus une culture du pauvre comme les gens le pensaient… Aujourd’hui, le manioc est devenu une culture principale pour l’autosuffisance alimentaire et pour les industries. Il y a à peu près 45 différentes recettes qu’on peut préparer à base de manioc. Au Nigeria, par exemple, on parle de «gari», d’amidon, de «fufu». Dans les autres pays tels que le Bénin et le Togo, on parle de «tapioca»; en Côted’ivoire, on parle de l’«atiéké»; en RDC, on parle de la «tchéckuang»; au Cameroun, on parle de «bôbôlô»; en Afrique de Sud, on parle de «nsima» … Donc, il y a très peu de choses qu’on ne peut pas faire avec le manioc. Le kub «Maggi» qui sert à assaisonner les sauces est fait à base de manioc au Nigeria aujourd’hui. En Côte-d’Ivoire, c’est la même chose. L’usine qui transforme le manioc en farine, principalement pour le kub «Maggi» pour le compte de «Nestlé» est basée en Côte d’Ivoire. L’IITA a travaillé en collaboration avec cette usine pour développer les variétés les mieux adaptées. Alors, 2 aujourd’hui, il y a un minimum de quatre variétés que l’IITA a sélectionnées en collaboration avec «Nestlé», lesquelles les paysans cultivent aujourd’hui et qui supportent l’industrie Nestlé en Côted’Ivoire». Animateur: Est-ce que vous pouvez donc dire aujourd’hui que le manioc étant devenu une culture industrielle et donc plus comme on le pensait avant, une culture du pauvre, elle serait devenue une principale source de devises, notamment pour un pays comme le Nigeria? Paul Ilona «Il y a des champs qui viennent d’être plantés au Nigeria qui font plus de 2000 ha. Le champ de l’usine de production d’amidon au Nigeria est de plus de 2000 ha. Il existe un minimum de 10 à 15 champs qui sont de plus de 1000 ha. Ces plantations ne sont pas destinées à l’alimentation ordinaire et sont plutôt prévues pour la production agro-alimentaire afin de soutenir les industries. Les sucreries fonctionnent jusque-là à base du sucre qu’on appelle le sucrose. C’est un produit qui peut facilement aggraver le diabète. Peut-on trouver des sources alternatives qui présentent moins de danger? A cette question, il a été répondu que le fructose serait moins dangereux. Le sirop de glucose aussi est moins dangereux. A base de manioc, on peut très facilement fabriquer le fructose ou le sirop de glucose. Il y aura bientôt la production de sirop de glucose. Son usine est basée à Lagos et, cette année, il a été cultivé au moins 2500 tonnes parce que l’usine va consommer 400 tonnes de tubercules frais par jour. Une autre usine basée à Iyala consomme aussi 400 tonnes de tubercules frais par jour. L’objectif à ce niveau, c’est de produire l’amidon puis l’amidon modifié. Le Nigeria va bientôt commencer à ajouter l’alcool au pétrole. 10% de pétrole vont être remplacés par l’alcool qui sera fourni par le manioc ou le sucre de canne. Il y a donc déjà une production de cannes à sucre à grande échelle. Il en est de même pour le manioc. Il y a deux ans déjà que le Nigeria a commence l’utilisation de la farine de manioc dans la fabrication du pain. Dès le 1er juillet de cette année, c’est devenu obligatoire pour toutes les industries de farine, toutes les boulangeries d’utiliser la farine de manioc dans la fabrication du pain. Au Nigeria, la consommation de la farine est de plus de 3.000.000 de tonnes par an. 10% de cette quantité font 300.000 tonnes de farine. Les gens sont vraiment mobilisés par ces décisions car ils voient que le marché de la farine de manioc deviendra un marché prometteur». Animateur: Est-ce que dans sa démarche, l’IITA a pu inspirer ces différentes mesures et décisions politiques? Paul Ilona «L’IITA a joué un grand rôle dans ce sens. Avec les essais que l’IITA a menés, on a vu que la farine de manioc peut très facilement remplacer la farine de blé, de sorte que l’un des moyens de créer de l’emploi, améliorer économiquement la vie des gens à partir du manioc, c’est d’élargir le marché. L’IITA a compris le bien-fondé de cette politique, car s’il n’y a pas pareilles mesures, les recherches que nous avons menées pendant des années n’auront pas été utiles. Il y a eu des réunions, des séances de sensibilisation et de formation des boulangers, on a fait des démonstrations afin de convaincre les gens que l’utilisation de la farine de manioc correspond bien aux besoins des pays africains. Indirectement, l’IITA a beaucoup influencé ces politiques. La plupart de ce qu’on voit aujourd’hui sont les résultats des différentes formations, rencontres et réunions que l’IITA a organisées soit avec le chef de l’Etat, soit les 3 politiques de tous bords. Et nous sommes très heureux aujourd’hui parce que c’est difficile de voir un paysan au Nigeria jeter les tiges de manioc. La demande de la matière de plantation montre qu’il y a une révolution dans la production». Transition musicale Animateur: Paul Ilona, félicitations pour tout ce que vous venez de dire et qui se constate ici. C’est des faits vérifiables au Nigeria. Le président Obasanjo est lui-même un homme résolument tourné vers la terre où il a des superficies emblavées de manioc. Sauf qu’on ne comprend pas qu’au Bénin les consommateurs utilisent les feuilles sous forme de légumes alors qu’au Nigeria, on n’en consomme pas. Quels sont vos axes de réflexion à ce sujet là? Paul Ilona «Dans la recherche, il ne faut pas totalement négliger les habitudes alimentaires des gens. Ici, les gens se contentent de plusieurs autres légumes. Ce n’est pas vraiment dans leurs habitudes alimentaires de consommer les feuilles de manioc. Nous avons organisé quelques formations ici à Ibadan sur l’utilisation des feuilles de manioc. La plupart des Nigérians n’en consomment pas, c’est vrai. Mais on en trouve quelques personnes isolées qui l’ont goûté et qui l’ont trouvé intéressant. C’est le cas de quelques régions du sud, vers Calabar, peut-être à cause de l’influence du Cameroun. Moi, personnellement, j’en consomme. Toutefois, il ne faut pas oublier qu’au Nigeria, il y a plus de 150.000.000 de personnes et que si les populations commencent à apprécier les feuilles de manioc, les racines de la plante auraient des problèmes, car toute la production va se volatiliser en un clin d’œil. Malgré tout, ces feuilles sont devenues très rentables. L’année dernière, des gens voulaient les exporter vers l’Afrique du Sud et surtout au Botswana, où il y a une grande demande. Le problème qui se pose aux investisseurs, c’est que c’est difficile d’avoir la quantité qu’il faut, sans oublier le séchage qui leur pose beaucoup de problème. On peut obtenir une tonne de tubercules dans 20 sacs, par contre pour obtenir la même quantité de feuilles, il faudra plus de 50 sacs parce que les feuilles ne pèsent pas beaucoup. Alors le problème de stockage et celui du transport se posent avec acuité. Comment alors utiliser le manioc à l’intérieur même si on ne l’exporte pas? On a développé des recettes des aliments de bétail qui peuvent consommer les feuilles de manioc produites sur place. Il suffit de mélanger les épluchures, les fibres, quelques tubercules avec les feuilles de manioc à broyer ensemble, et on prépare ce qu’on appelle des «pelletes», aliment de bétail de très bonne qualité parce que dans les feuilles de manioc, il y a suffisamment de protéines. Ce qu’on n’a pas dans l’oeuf. Dans 100 grammes de feuilles de manioc, il y a plus de protéines qu’on n’a pas dans la même quantité d’oeuf. C’est l’une des potentialités de cette culture que les Africains doivent reconnaître. Finalement, le manioc est comme le palmier: toutes les parties de la plante sont très importantes. Les feuilles de manioc sont directement consommées et on peut les utiliser pour engraisser le bétail. Il se dit que les Nigérians n’aiment pas manger les feuilles de manioc, mais ils aiment la protéine et les feuilles de cette contiennent beaucoup de protéines. Que faire donc pour extraire les protéines et les associer à d’autres aliments? Des essais ont été entrepris et on a de bons résultats qui ont donné lieu à des protéines concentrées. Avec les feuilles de manioc broyées, filtrées et mises au feu à une température de 80°, vous en obtiendrez une protéine concentrée qu’il reste à sécher afin d’avoir à la fin du processus une poudre riche en protéine. Au Tchad, la chose a été essayée et aujourd’hui, les femmes ont pris l’habitude de mettre une cuillérée du produit dans les aliments de leurs enfants. En RDC, 4 la consommation des feuilles est si élevée qu’on l’utilise pour préparer une sauce appelée «saka saka». De la même façon qu’on ne peut pas avoir visité le Nigeria sans voir du gari, encore moins la Côted’Ivoire sans l’«atiéké», l’on ne peut pas être passé en RDC sans goûter au «saka saka». Pour un pays en guerre depuis des années, les effets de celle-ci ne se voient pas sur les enfants». Animateur: Paul Ilona, on se rend compte que vous maîtrisez votre sujet et qu’apparemment, votre projet a ses beaux jours devant… Paul Ilona «La vérité c’est que, on continue à identifier d’autres gammes de choses qu’on peut faire avec le manioc». Animateur: Donc la production du manioc vient de commencer seulement maintenant en Afrique? Paul Ilona «L’Afrique n’a pas vraiment commencé à produire le manioc. C’est seulement maintenant que les gens commencent à découvrir cette culture. C’est seulement maintenant que les gens commencent à voir ce que le Bon Dieu leur a donné. C’est seulement maintenant que les gens commencent à constater que le manioc est devenu l’or vert de l’Afrique. D’ici cinq ans, la production africaine de manioc peut avoir atteint 200 millions de tonnes par an». Chute En espérant que les rendements attendus à cette échéance quinquennale ne démentent pas notre brillant interlocuteur, nos regards restent tournés vers l’ensemble des pays africains. Certains parmi eux, à l’instar de la République du Bénin avaient, on ne l’oubliera pas, opté pour une diversification de leur agriculture par l’introduction du nouvel «or vert» comme moteur de la prospérité de leur économie. Et il convient de les rassurer d’avoir pris la bonne décision et d’être sur la bonne voie. Montée de l’indicatif musical pendant quelques secondes, puis fermeture en fondu Pied C’est ainsi que je prends moi aussi congé de vous en vous remerciant de nous avoir suivi. Salut. 5