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T.L. – Bac blanc n°1 – 2010 – corrigé de l’explication du texte d’Aristote 1 T.L. – Bac blanc n°1 – 2010 – corrigé de l’explication du texte d’Aristote La philosophie, est, étymologiquement, la recherche du savoir et de la sagesse. Aussi, il semble logique qu’Aristote, philosophe de l'Antiquité, élève de Platon, lie dans cet extrait de son ouvrage Métaphysique le concept de science et celui de philosophie. Pour autant, la philosophie est-elle une science comme les autres ? En quoi se distingue-t-elle de toute autre activité humaine ? D’où vient l’envie de philosopher ? Selon Aristote cette activité tire sa spécificité de ses origines, et de sa finalité. En effet, d’une part, elle provient de la surprise qu’éprouvent les hommes face à tout phénomène naturel, tendance qui les pousse à s’interroger sur la raison d’être des différents éléments du réel. Mais, d’autre part, elle n’a pas d’autre but qu’elle-même : un philosophe recherche la sagesse de façon désintéressée, pour expliquer des phénomènes qu’il ignore encore. Autrement dit, la philosophie est une activité sans but utilitaire. Pour examiner cette thèse, nous allons découper cet extrait en deux moments qui seront autant de parties de notre développement. Dans un premier temps, de la ligne une à la ligne sept, Aristote explique la genèse de la pensée philosophique en la mettant au compte de l'étonnement. Dans un second temps, de la ligne huit jusqu’à la fin du texte, il déduit la spécificité de l'activité philosophique de cette origine première : elle n'aurait pas d'autre but que de mettre fin à l'ignorance révélée par l'étonnement. Comment Aristote peut-il caractériser la discipline qu’il pratique par son inutilité ? Voulant prouver que la philosophie a pour seul but de satisfaire le besoin de connaissance qu'éprouve celui qui s'y adonne, Aristote commence par remonter à la source de ce besoin. C'est ainsi qu'il constate que « ce fut l'étonnement qui poussa, comme aujourd'hui, les premiers penseurs aux spéculations philosophiques », constat qu'il illustrera immédiatement en évoquant l'activité de recherche des premiers philosophes. On reconnaît ici l'influence de la philosophie platonicienne sur le jeune Aristote. Platon n'écrivait-il pas lui-même déjà dans le Théétète: « s'étonner, voilà un sentiment qui est tout à fait d'un philosophe. La philosophie n'a pas d'autre origine ». Toutefois, alors que Platon se contentait de constater l'effet de l'étonnement sur le philosophe pour expliquer son activité, Aristote non seulement va en montrer les effets en évoquant ce qu'il appelle les « spéculations philosophiques », mais il va expliquer qu'il puisse produire de tels effets en parlant du constat d'ignorance qu'il conduit à faire. Mais sur quoi se sont étonnés les philosophes ? Nous pouvons voir que, partant des problèmes qui se posent immédiatement, comme l’indique l’expression « difficultés les plus apparentes », les philosophes ont peu à peu interrogé l’ensemble du réel, c’est-à-dire de ce qui existe, comme le montre les références aux astres. On pourrait par exemple penser à des problèmes concernant la manière d’organiser la vie en société, qui se posent concrètement et de manière très visible dès le premier conflit entre deux hommes, pour illustrer ce à quoi fait sans doute référence Aristote en parlant des « difficultés les plus apparentes ». L’'expression « spéculations philosophiques » doit ici être interrogée. La spéculation est une activité intellectuelle purement théorique, qui ne vise aucune application pratique. Le mot tire son origine du mot latin « spectare » qui signifie regarder, ce que veut dire le mot grec « théorein » que l'on retrouve dans l'adjectif théorique. En qualifiant de « spéculation » la pensée des premiers philosophes, Aristote souligne déjà par avance la spécificité de l'activité intellectuelle appelée philosophie, qu'il s'emploie ici à mettre en évidence. Il semble s’agir d’une activité ayant pour but le savoir, la recherche de la vérité. Lorsqu'il évoque, dans la foulée, l'évolution des recherches de ses prédécesseurs, Aristote souligne l’élargissement de leur objet : « au début, dit-il, ce furent les difficultés les plus apparentes qui les frappèrent, puis, s'avançant ainsi peu à peu, ils cherchèrent à résoudre les problèmes plus importants, tels que les phénomènes de la Lune, ceux du Soleil et des Etoiles, enfin la genèse de l'Univers ». Aristote met ainsi au compte de l'étonnement un approfondissement progressif de la connaissance portant sur l'univers. Le lecteur pourrait s'étonner de voir qualifiée de « spéculation T.L. – Bac blanc n°1 – 2010 – corrigé de l’explication du texte d’Aristote 2 philosophique » une investigation qu'il tiendrait aujourd'hui pour scientifique. Il faut dire que la philosophie en est alors à ses débuts et que l'on ne saurait encore la distinguer de la science. Ces recherches ont plus d’importance, concept employé par l’adjectif « important », au sens où les astres ont une influence directe sur l’ensemble de notre vie. De problèmes visibles, concrets et particuliers, le mouvement de la recherche philosophique semble passer à des problèmes plus éloignés, plus abstraits et plus universels. Après avoir illustré son affirmation selon laquelle ce fut l'étonnement qui poussa les premiers penseurs aux spéculations philosophiques, Aristote explique les effets de celui-ci sur ceux qui l'éprouvent. Il prépare ainsi le terrain, au moyen du concept d'ignorance, à l'énoncé de sa thèse, selon laquelle les philosophes s'adonnent à la connaissance en n'ayant aucune visée utilitaire. L'étonnement aurait pour effet la prise de conscience de l'ignorance qui conduit à l'éprouver: « apercevoir une difficulté et s'étonner, dit-il, c'est reconnaître sa propre ignorance ». De fait, pour avoir l'idée de chercher une quelconque explication, ne faut-il pas d'abord se rendre compte que l'on en manque ? Il n'est pire obstacle à la recherche que l'illusion de savoir. Si on croit savoir, on ne cherche plus à savoir. L’étonnement est donc la marque de la prise de conscience de notre ignorance face aux différents phénomènes évoqués. L’expression « c’est pourquoi » montre que l’étonnement est ce qui explique le lien entre la philosophie et les mythes. L’auteur explique en effet qu’ « aimer les mythes est, en quelque manière, se montrer philosophe, car le mythe est composé de merveilleux ». Il semble vouloir dire par là que le mythe éveille la curiosité, pousse à la réflexion, et stimule ainsi la soif de connaissance. Ils poussent donc à l’étonnement, et donc à la philosophie, pour Aristote. Aussi nous pouvons comprendre comprend que les mythes, c’est-à-dire des histoires qui ont un sens, toujours à réinterpréter, soient de nature à contenter le philosophe, qui se trouve stimulé intellectuellement à leur contact. Ils sont des matières privilégiées pour se mettre à penser. Platon lui-même, dont Aristote fut le disciple, n'a-t-il pas fait une large place aux mythes dans son œuvre, allant même jusqu'à en imaginer de toutes pièces pour susciter la réflexion, tel, par exemple, le mythe de la caverne ? Dans ce premier moment, Aristote a donc commencé par rappeler l'origine de la pensée philosophique en l'expliquant par un étonnement dû à une ignorance certaine. Il va maintenant s’interroger sur la fin, c’est-à-dire le but des différentes activités humaines, pour montrer que la philosophie n’a pas d’autre but que la recherche du savoir pour lui-même. C’est ce que nous allons étudier dans le deuxième moment de ce texte. Aristote, dans le deuxième temps de son argumentation, va tenter de nous faire découvrir le but original de la philosophie. Après avoir rappelé brièvement ce qu'il vient de dire de l'ignorance éprouvée dans l'étonnement, « ainsi donc, si ce fut pour échapper à l'ignorance et que les premiers philosophes se livrèrent à la philosophie », Aristote en vient au sujet qui l'intéresse au premier chef, celui du but spécifique de la philosophie. Dès la ligne neuf, l'idée de finalité est ainsi évoquée. En effet, parlant des premiers philosophes, Aristote écrit : « il est clair qu'ils poursuivaient la science en vue de connaître et non pour une fin utilitaire ». Il est évident en effet que celui qui s'adonne à la connaissance pour mettre fin à son ignorance n'a pas d'autre but que celui de faire cesser celle-ci ! Pour Aristote, le but de la philosophie et d'atteindre la connaissance ; il s'agit d'un but purement théorique et donc, en aucune façon, utilitaire, c’est-à-dire ayant une utilité dans la vie pratique quotidienne. Il s'agit de savoir pour savoir. Aristote le prouve en mettant en avant un constat d’ordre historique, de la lige neuf à la ligne douze. En effet, il explique que toutes les activités humaines visant à améliorer cette vie quotidienne T.L. – Bac blanc n°1 – 2010 – corrigé de l’explication du texte d’Aristote 3 (dont les « techniques », au sens de savoir-faire) dont le but était « utilitaire », avaient déjà été inventées lorsque l'on a commencé à se tourner vers la philosophie. Aristote veut montrer par là que, si le but effectif de la philosophie avait été utilitaire, cette science aurait existé depuis beaucoup plus longtemps. Or son apparition est, il faut bien en convenir, tout à fait récente, même de nos jours, à l’échelle de l’humanité, et plus encore au moment d’Aristote, disciple de Platon. Les latins en disant « primum vivere, deinde philosophari » faisaient leur, ainsi, le constat d'Aristote : la vie d'abord, avec ses impératifs pratiques, la philosophie ensuite, consacrée aux spéculations. La « recherche » dont parle Aristote ne peut avoir lieu que si les besoins les plus essentiels et élémentaires, pour la survie par exemple, comme le fait de construire des habitations, de se nourrir, etc., sont comblés par des activités adaptées et instituées. Ce n’est que par possibilité de se détourner des exigences de notre vie pratique, de nos actions « présentes » et « pressantes », comme dirait Bergson dans la quatrième conférence de L’énergie spirituelle, que l’on peut philosopher. La philosophie est donc permise par le fait que l’intelligence humaine n’est pas épuisée par la recherche de solutions aux problèmes pratiques, comme le remarquera, bien après Aristote, Bergson dans un autre ouvrage, L’évolution créatrice. Fort de ses considérations sur l'origine et l'histoire de la philosophie, Aristote peut alors conclure en disant: « il est donc évident que nous n'avons en vue, dans la philosophie, aucun intérêt étranger ». Il faut tout d’abord remarquer, ce qui répond en partie à notre problématique, qu’Aristote ne dit pas que la philosophie n’a aucun intérêt, mais bien qu’elle n’a aucun intérêt « étranger ». Il veut dire par là que la philosophie est à elle-même sa propre fin. Activité de connaissance, elle est au service de la connaissance et de rien d'autre. C'est pour bien faire entrer cette idée dans l'esprit du lecteur qu'Aristote va comparer la philosophie à un homme libre. « De même que, dit-il, nous appelons homme libre celui qui est à lui-même sa propre fin et n'est pas la fin d'autrui, ainsi cette science est aussi la seule de toutes les sciences qui soit libre, car seule elle est sa propre fin. » Quel est le sens de cette comparaison? Pour le comprendre, il est bon de se rappeler la condition de l'esclave, opposée à celle de l'homme libre : l'esclave et celui qui travaille pour un autre qui tire le bénéfice de son activité. Comparer la philosophie à un homme libre, c'est reconnaître en elle l'exercice d'une activité qui n'est pas subordonnée à l'obtention d'un résultat autre que la connaissance elle-même. La recherche biologique, par exemple, est subordonnée à l'exercice de la médecine. L'interrogation philosophique n'a pas d'autre finalité que le savoir auquel elle doit conduire. Aussi Aristote peut finalement conclure que la philosophie se suffit à elle-même, qu' « elle seule est sa propre fin » parmi toutes les activités humaines. C’est ce qui en fait l’originalité, la spécificité et l’intérêt. Pour conclure, nous avons donc vu qu’Aristote, loin de déprécier sa propre discipline, la valorisait au contraire, aussi bien du point de vue de son origine que du point de vue de sa fin. En effet, ce n’est pas qu’elle est inutile, c’est qu’elle est la seule activité humaine qui ne soit pas l’esclave d’autres intérêts. Elle n’apparaît qu’une fois les autres disciplines, qui prennent en compte les besoins vitaux humains, installées et pratiquées, au niveau historique. C’est là le signe qu’elle n’a pas d’utilité dans la vie pratique, mais bien un intérêt concernant la vie théorique, elle qui a pour but de savoir. Ainsi, sa finalité est en lien avec son origine, point de départ temporel : elle a pour but de répondre aux interrogations toujours plus grandes de l’homme face au réel qui l’entoure. La philosophie est donc amour de la sagesse théorique, amour qui nait de l’ensemble de ce qui nous surprend dans la réalité, et qui n’a d’autre fin que celle d’augmenter notre savoir.