la reforme des suretes - L`Université Paris Descartes
Transcription
la reforme des suretes - L`Université Paris Descartes
Université René Descartes (Paris V) Faculté de Droit MASTER 2 PROFESSIONNEL « BANQUE ET FINANCE » Responsables Pr. Sylvie de COUSSERGUES Et Pr. Gautier BOURDEAUX LA REFORME DES SURETES Par Katarzyna KOLARSKA Mémoire soutenu En vue de l’obtention Du Master 2 professionnel « Banque et Finance » Année Universitaire : 2005/2006 Session : Oct./Nov. 2006 1 ART. L.527-1 : « TOUT CRÉDIT CONSENTI PAR UN ÉTABLISSEMENT DE CRÉDIT À UNE PERSONNE MORALE DE DROIT PRIVÉ OU À UNE PERSONNE PHYSIQUE DANS L’EXERCICE DE SON ACTIVITÉ PROFESSIONNELLE PEUT ÊTRE GARANTI PAR UN GAGE SANS DÉPOSSESSION DES STOCKS DÉTENUS PAR CETTE PERSONNE. .................................................................................................................................37 DE PLUS, À CÔTÉ DU GAGE SUR STOCKS LE LÉGISLATEUR A INSTITUÉ UN RÉGIME SPÉCIAL DE GAGE AUTOMOBILE, DONT LES CONDITIONS D’APPLICATION DOIVENT ÊTRE PRÉCISÉES PAR DÉCRET. L’ARTICLE 2351 LE PRÉVOIT LORSQU’IL PORTE SUR UN VÉHICULE TERRESTRE À MOTEUR OU UNE REMORQUE IMMATRICULÉS, LE GAGE EST OPPOSABLE AUX TIERS PAR LA DÉCLARATION QUI EN EST FAITE À L’AUTORITÉ ADMINISTRATIVE DANS LES CONDITIONS FIXÉES PAR DÉCRET EN CONSEIL D’ETAT.............................................38 L’ORDONNANCE DU 23 MARS 2006 CONSACRE DANS UN NOUVEL ARTICLE 2422 L’HYPOTHÈQUE L'HYPOTHÈQUE RECHARGEABLE A ÉTÉ RECHARGEABLE, PARMI SES INNOVATIONS LES PLUS IMPORTANTES. INSTAURÉE DANS LE DROIT INTERNE DANS UN OBJECTIF DE FAVORISER LE DÉVELOPPEMENT DU CRÉDIT HYPOTHÉCAIRE EN EN DIMINUANT CONSIDÉRABLEMENT LE COÛT. LE MÉCANISME NOUVEAU PERMET D’AFFECTER UNE SEULE HYPOTHÈQUE EN GARANTIE DE PLUSIEURS CRÉANCES SUCCESSIVES AUTRES QUE CELLES VISÉES DANS L’ACTE. EN OUTRE, LA RECHARGE DE L’HYPOTHÈQUE PEUT BÉNÉFICIER AU PRÊTEUR INITIAL OU À UN AUTRE CRÉANCIER. L’HYPOTHÈQUE ORIGINELLE PREND LA FORME D’UN ACTE AUTHENTIQUE. LA CONVENTION DE RENOUVELLEMENT DE L’AFFECTATION HYPOTHÉCAIRE PREND ÉGALEMENT LA FORME D’UN ACTE NOTARIÉ, CEPENDANT L’ACTE EST PUBLIÉ À LA PUBLICITÉ FONCIÈRE EN MARGE DE L’HYPOTHÈQUE INITIALE, À PEINE D’INOPPOSABILITÉ AUX TIERS. LA RECHARGE DE L’HYPOTHÈQUE PEUT BÉNÉFICIER AU PRÊTEUR INITIAL OU À UN AUTRE CRÉANCIER. L’ARTICLE 2422 DU CODE CIVIL PRÉVOIT ENFIN QUE L’ENSEMBLE DE CE RÉGIME EST D’ORDRE PUBLIC, LES CLAUSES CONTRAIRES ÉTANT RÉPUTÉES NON ÉCRITES.. 51 ARTICLE 2422 NOUVEAU : « L’HYPOTHÈQUE PEUT ÊTRE ULTÉRIEUREMENT AFFECTÉE À LA GARANTIE DE CRÉANCES AUTRES QUE CELLES MENTIONNÉES PAR L’ACTE CONSTITUTIF POURVU QUE CELUI-CI LE PRÉVOIE EXPRESSÉMENT. ......................................................................................................................51 B. LE PRÊT VIAGER HYPOTHÉCAIRE (OU HYPOTHÈQUE INVERSÉE), NOUVELLE SÛRETÉ FAVORIE DU ? ........................................................................................................................................57 BANQUIER ARTICLE 2368 NOUVEAU : « LA RÉSERVE DE PROPRIÉTÉ EST CONVENUE PAR ÉCRIT. « ......................................................................................................................................66 ARTICLE 2370 NOUVEAU : « L’INCORPORATION D’UN MEUBLE FAISANT L’OBJET D’UNE RÉSERVE DE PROPRIÉTÉ À UN AUTRE BIEN NE FAIT PAS 2 OBSTACLE AUX DROITS DU CRÉANCIER LORSQUE CES BIENS PEUVENT ÊTRE SÉPARÉS SANS SUBIR DE DOMMAGE. » .............................................................................67 L’ARTICLE 2371 NOUVEAU ÉNONCE EN EFFET QUE « A DÉFAUT DE COMPLET PAIEMENT À L’ÉCHÉANCE, LE CRÉANCIER PEUT DEMANDER LA RESTITUTION DU BIEN AFIN DE RECOUVRER LE DROIT D’EN DISPOSER. LA VALEUR DU BIEN REPRIS EST IMPUTÉE, À TITRE DE PAIEMENT, SUR LE SOLDE DE LA CRÉANCE GARANTIE. LORSQUE LA VALEUR DU BIEN REPRIS EXCÈDE LE MONTANT DE LA DETTE GARANTIE ENCORE EXIGIBLE, LE CRÉANCIER DOIT AU DÉBITEUR UNE SOMME ÉGALE À LA DIFFÉRENCE. »........................................................................67 ARTICLE 2287 : « LES DISPOSITIONS DU PRÉSENT LIVRE NE FONT PAS OBSTACLE À L’APPLICATION DES RÈGLES PRÉVUES ENCAS D’OUVERTURE D’UNE PROCÉDURE DE SAUVEGARDE, DE REDRESSEMENT JUDICIAIRE OU DE LIQUIDATION JUDICIAIRE OU ENCORE EN CAS D’OUVERTURE D’UNE PROCÉDURE DE TRAITEMENT DES SITUATIONS DE SURENDETTEMENT DES PARTICULIERS. ».......................................................................................................................70 ARTICLE L 622-7 – MODIFIÉ - : » LE JUGEMENT OUVRANT LA PROCÉDURE EMPORTE, DE PLEIN DROIT, INTERDICTION DE PAYER TOUTE CRÉANCE NÉE ANTÉRIEUREMENT AU JUGEMENT D'OUVERTURE, À L'EXCEPTION DU PAIEMENT PAR COMPENSATION DE CRÉANCES CONNEXES. IL EMPORTE ÉGALEMENT, DE PLEIN DROIT, INTERDICTION DE PAYER TOUTE CRÉANCE NÉE APRÈS LE JUGEMENT D'OUVERTURE, NON MENTIONNÉE AU I DE L'ARTICLE L. 622-17, À L'EXCEPTION DES CRÉANCES LIÉES AUX BESOINS DE LA VIE COURANTE DU DÉBITEUR PERSONNE PHYSIQUE ET DES CRÉANCES ALIMENTAIRES. IL FAIT ENFIN OBSTACLE À LA CONCLUSION ET À LA RÉALISATION D'UN PACTE COMMISSOIRE ….................................................................73 IL S’AGIT D’ÉCLAIRER BRIÈVEMENT LE RÉGIME DE LA CLAUSE DE RÉSERVE DE PROPRIÉTÉ, QUI N’EST QUE PEU MODIFIÉ, MAIS QUI EST DÉSORMAIS 3 DÉFINIE DANS LE CODE CIVIL AU SEIN D’UN ARTICLE 2367 AINSI RÉDIGÉ : « LA PROPRIÉTÉ D’UN BIEN PEUT ÊTRE RETENUE EN GARANTIE PAR L’EFFET D’UNE CLAUSE DE RÉSERVE DE PROPRIÉTÉ QUI SUSPEND L’EFFET TRANSLATIF D’UN CONTRAT JUSQU’AU COMPLET PAIEMENT DE L’OBLIGATION QUI EN CONSTITUE LA CONTREPARTIE. ........................................................................................73 ARTICLE 2287 : « LES DISPOSITIONS DU PRÉSENT LIVRE NE FONT PAS OBSTACLE À L’APPLICATION DES RÈGLES PRÉVUES ENCAS D’OUVERTURE D’UNE PROCÉDURE DE SAUVEGARDE, DE REDRESSEMENT JUDICIAIRE OU DE LIQUIDATION JUDICIAIRE OU ENCORE EN CAS D’OUVERTURE D’UNE PROCÉDURE DE TRAITEMENT DES SITUATIONS DE SURENDETTEMENT DES PARTICULIERS. ».......................................................................................................................75 L'INSCRIPTION NE PRODUIT AUCUN EFFET ENTRE LES CRÉANCIERS D'UNE SUCCESSION SI ELLE N'A ÉTÉ FAITE PAR L'UN D'EUX QUE DEPUIS LE DÉCÈS, DANS LE CAS OÙ LA SUCCESSION N'EST ACCEPTÉE QUE SOUS BÉNÉFICE D'INVENTAIRE OU EST DÉCLARÉE VACANTE. TOUTEFOIS, LES PRIVILÈGES RECONNUS AU VENDEUR, AU PRÊTEUR DE DENIERS POUR L'ACQUISITION, AU COPARTAGEANT, AINSI QU'AUX CRÉANCIERS ET LÉGATAIRES DU DÉFUNT, PEUVENT ÊTRE INSCRITS DANS LES DÉLAIS PRÉVUS AUX ARTICLES 2108, 2109 ET 2111, NONOBSTANT L'ACCEPTATION BÉNÉFICIAIRE OU LA VACANCE DE LA SUCCESSION...............................................................................................................................75 ENFIN, LE NOUVEAU PRIVILÈGE ATTACHÉ AUX CRÉANCES NÉES APRÈS L'OUVERTURE DE LA PROCÉDURE COLLECTIVE EN EFFET, SOUS L'EMPIRE DU DROIT DES PROCÉDURES REDISTRIBUE LES RÔLES DES CRÉANCIERS DE LA MASSE. 4 COLLECTIVES ANTÉRIEUR À LA RÉCENTE RÉFORME, LE DROIT DE PRÉFÉRENCE ACCORDÉ AUX CRÉANCIERS DONT LA CRÉANCE ÉTAIT NÉE RÉGULIÈREMENT APRÈS L'OUVERTURE DE LA PROCÉDURE COLLECTIVE N'ÉTAIT PAS UN VÉRITABLE PRIVILÈGE, AINSI QUE L'AVAIT AFFIRMÉ LA CHAMBRE COMMERCIALE DANS UN ARRÊT RENDU LE 5 FÉVRIER 2002 (BULL. CIV. N, N° 27; D. 2002, AJ P. 805, OBS. A. LIENHARD), ESTIMANT QUE CE DROIT N'ÉTAIT PAS LIÉ À UNE QUALITÉ INTRINSÈQUE DE LA CRÉANCE MAIS PROCÉDAIT SEULEMENT DE LA DATE DE CELLE-CI. UNE MÊME CRÉANCE POUVAIT, AINSI, BÉNÉFICIER OU NON DE CETTE PRIORITÉ DE PAIEMENT SELON QU'ELLE ÉTAIT NÉE APRÈS OU AVANT LE JUGEMENT D'OUVERTURE, CE QUI AVAIT ENTRAÎNÉ À LA FOIS LE DÉVELOPPEMENT D'UN CONTENTIEUX IMPORTANT RELATIF À LA DÉTERMINATION DE LA DATE DE NAISSANCE DES CRÉANCES. .....................................................77 ART. L.527-1 : « TOUT CRÉDIT CONSENTI PAR UN ÉTABLISSEMENT DE CRÉDIT À UNE PERSONNE MORALE DE DROIT PRIVÉ OU À UNE PERSONNE PHYSIQUE DANS L’EXERCICE DE SON ACTIVITÉ PROFESSIONNELLE PEUT ÊTRE GARANTI PAR UN GAGE SANS DÉPOSSESSION DES STOCKS DÉTENUS PAR CETTE PERSONNE. .................................................................................................................................91 LORSQU’IL PORTE SUR UN VÉHICULE TERRESTRE À MOTEUR OU UNE REMORQUE IMMATRICULÉS, LE GAGE EST OPPOSABLE AUX TIERS PAR LA DÉCLARATION QUI EN EST FAITE À L’AUTORITÉ ADMINISTRATIVE DANS LES CONDITIONS FIXÉES PAR DÉCRET EN CONSEIL D’ETAT. AINSI, À LA DATE DU DÉCRET, SERA ABROGÉ LE DÉCRET N° 53-968 DU 30 SEPTEMBRE 1953 RELATIF À LA VENTE À CRÉDIT DES VÉHICULES AUTOMOBILES.................................................92 INTRODUCTION Le Code civil bénéficie d’une présomption favorable : on le dit siège des sûretés classiques de Droit français, tant ses mécanismes sont liés au droit des obligations et au droit des contrats. Néanmoins le Code Napoléon, dont le bicentenaire a été récemment applaudi et commenté1, est aussi empreint par son immobilisme et son inaptitude à offrir, dans la société moderne, des sûretés simples dans leur constitution et efficaces dans leur réalisation. Les commentateurs du bicentenaire du Code civil ont fait remarquer qu’à la différence des droits de la famille, des incapacités, des régimes matrimoniaux ; ceux des sûretés et des obligations n’ont pas fait l’objet de réflexion nouvelle ni de refonte globale depuis plus de deux cents ans. A l’occasion du bicentenaire du Code civil, un groupe de travail présidé par Monsieur Michel Grimaldi, professeur à l’Université Panthéon Assas Paris 2, ès qualité de président 1 Recueil Dalloz Sirey Numéro spécial « Le bicentenaire du Code civil » ; 08/04/2004 ; Ouvrage collectif de Paris II « Le Code civil, un passé, un présent, un avenir) 5 de l’Association Henri Capitant des Amis de la Culture Juridique Française, associé à des professeurs d’Université et praticiens du Droit (ci-après « groupe de travail »), a présenté son rapport au Garde des sceaux ; aboutissement de 18 mois d’études, en vue de refondre le droit des sûretés françaises, tenant compte des évolutions récentes notamment en matière de pratique bancaire et commerciale. En parallèle, un groupe de travail dirigé par le professeur Pierre Catala a été mis en place pour réfléchir à une refonte globale du droit des obligations2, autre chantier à restaurer à l’occasion du bicentenaire du Code civil. Les objectifs affichés du groupe de travail sur les garanties françaises consistaient à redonner aux sûretés une lisibilité et une accessibilité nouvelles en les réorganisant au sein du Code civil de 1804, qui redevient un siège privilégié de la matière. Ainsi, les praticiens du droit, les agents économiques sans exclure les théoriciens et praticiens étrangers peuvent comprendre les mécanismes qui dirigent notre droit des sûretés, notamment à travers les principes directeurs proposés par le groupe de travail. Il s’agit de donner aux sûretés françaises et au Code civil un rayonnement nouveau à l’étranger en vue d’une unification des garanties à l’échelon mondial. A terme, l’objectif clair affiché par le législateur est de donner aux garanties une meilleure lisibilité pour permettre aux créanciers de choisir dans une palette de garanties efficaces et de renforcer le développement du crédit en France. Selon la commission Grimaldi d’ailleurs des solutions novatrices devaient être adoptées afin de favoriser le développement du crédit et de sauvegarder la compétitivité juridique du marché français. 3 En matière de sûretés, le Code civil souffre depuis plusieurs dizaines d’années d’une « décodification », en ce que le législateur n’ordonne plus les garanties au sein du Code napoléon, mais les éparpille dans des dispositions éparses ou dans d’autres codes. Le droit des sûretés a beaucoup perdu en lisibilité. D’une part, nombre de garanties sont issues de la pratique et leurs contours sont précisés de manière prétorienne : il en va ainsi de la lettre d’intention, du droit de rétention, du cautionnement réel, de la garantie autonome… Des 2 « Bref aperçu sur l'avant-projet de réforme du droit des obligations » P. Catala Recueil Dalloz Sirey 23/02/2006 N° 8, Page(s) 535-538 ; « L'avant-projet français de réforme du droit des obligations et du droit de la prescription et les principes du droit européen du contrat : variations sur les champs magnétique dans l'univers contractuel » B.FauvarqueCosson ;D. Mazeaud Les Petites Affiches 24/07/2006 N°146, Page(s) 3-11 ; « Présentation de l'avant-projet de réforme du droit des obligations et du droit de la prescription » P.Malaurie, Revue des contrats 01/01/2006 N° 2006/1, Page(s) 7-9 3 (3) V. page 2 du rapport Grimaldi. 6 solutions jurisprudentielles viennent préciser les régimes respectifs de ces garanties issues de la pratique, mais les solutions manquent parfois de cohérence et de prévisibilité et donc de sécurité juridique attendue. D’autre part c’est le législateur qui a tenté, dès que les besoins de la société moderne l’y ont incité, de créer des régimes spéciaux pour de nouvelles sûretés telles notamment le gage sans dépossession portant sur des véhicules automobiles, le nantissement sans dépossession de matériel et d’outillage ou encore le nantissement de fonds de commerce4. Pour les besoins de la pratique financière, le législateur a introduit le nantissement de comptes d’instruments financiers au sein du Code monétaire et financier5. Néanmoins l’éclatement incessant de la matière dans divers codes (Code des marchés publics qui prévoit le régime des garanties autonomes ; Code de la construction et de l’urbanisme qui prévoit des garanties financières professionnelles, Code de l’environnement, Code de commerce, Code de la consommation) laisse la place à un nouveau terrain de réflexion : le Code civil est-il encore le siège de droit commun des sûretés ?6 C’est en particulier le Code de la consommation qui tend aujourd’hui à devenir le siège de droit commun du cautionnement, depuis que le législateur y a réformé, par une loi en date du 1er août 2003 pour l’initiative économique, dite loi « Dutreil »7 presque tout le droit du cautionnement. Désormais le cautionnement souscrit par une caution personne physique auprès d’un « créancier professionnel » est régi par les dispositions L.341-2 et suivants du Code de la consommation, alors même que le texte n’empêche nullement la protection d’une caution dirigeante8, qui trouve ainsi sa place dans un code qui ne lui est pas directement destiné ! Ainsi, la juxtaposition des sûretés nouvelles ainsi que les réformes législatives récentes se sont opérés au détriment de la solidité et de la crédibilité du Code civil. Celui-ci n’est plus le siège des garanties en France. 4 L. 17 mars 1909, D. 28 août 1909 portant nantissement de fonds de commerce ; L. n°51-59 du 18 janvier 1951, D. 51-194 du 17 février 1951 portant nantissement de matériel et d’outillage ; L. n°81-1 du 2 janvier 1981, D. n°81-862 du 9 septembre 1981 portant nantissement de créances professionnelles ; L. n°53-968 du 30 sept. 1953 portant gage automobile ; L. 22 février 1944 portant nantissement de films… 5 Art. L.431-4 du Code monétaire et financier (Ordonnance nº 2005-171 du 24 février 2005 ; art. 1 I Journal Officiel du 25 février 2005) 6 « Le code de la consommation siège d'un nouveau droit commun du cautionnement: Commentaire des dispositions relatives au cautionnement introduites par les lois du 1 er août 2003 relatives à l'initiative économique et sur la ville » D. Legeais ; JCP E Semaine Juridique (édition entreprise) 09/10/2003 Numéro 41, Page(s) 1610-1615 7 Loi n° 2003-706 du 1er Août 2003 pour l’initiative économique ; J.O. 5 Août 2003. 8 « Responsabilité de la banque à l'égard de la caution » D.Legeais, Revue de Droit Bancaire et Financier 01/11/2003 Numéro 6, Page(s) 364-364. 7 Le professeur Grimaldi a remis, le 31 mars 2005, le rapport de travail sur les sûretés personnelles et réelles, pour répondre au vœu du Président de la République, qui déclara lors du colloque du bicentenaire du Code civil en date du 11 mars 2004 que les travaux de réforme du droit des obligations et des sûretés déboucheraient « dans les cinq ans » sur une recodification des deux matières au sein du Code civil.9 Par l’article 24 de la loi n° 2005-842 en date du 26 juillet 200510 « pour la confiance et la modernisation de l'économie », le Parlement a autorisé le Gouvernement à adopter, par voie d’ordonnance une réforme des sûretés. Néanmoins, le texte de l’ordonnance définitivement adopté le 26 mars 2005 est nettement moins ambitieux que le rapport Grimaldi initialement déposé. On peut regretter que le législateur n'ait pas saisi l'occasion d'entreprendre, comme le suggérait le rapport, une réforme de certaines sûretés, comme le cautionnement, qui souffre d’incohérences suite à l’adoption de la loi « Dutreil » en date du 1er Août 2003. Il est en outre regrettable que le Gouvernement ait paralysé la volonté du groupe de travail d’apporter des modifications à la loi n°2005-845 du 26 juillet 2005 de « sauvegarde des entreprises »11 qui a opéré une refonte globale des procédures collectives. En réalité, chacune de ces réformes a été préparée sans véritable concertation entre ses rédacteurs respectifs, la réforme du droit des sûretés ayant même été placée dans une position subordonnée. L’ordonnance a été ratifiée par un projet de loi déposé au Sénat le 21 juin 200612, qui complète et modifie certaines dispositions de la réforme. Ainsi, des modifications ont été apportées à certains articles du Code civil13, mais aussi à des règles de fond en matière d’hypothèques et de privilèges. Les objectifs principaux affichés par la réforme étaient en premier lieu d’apporter au droit des sûretés françaises lisibilité et efficacité, vecteurs de sécurité juridique et d’attractivité 9 JCP G 2004, act. 166 JCP G 2005, act. 445 11 J.O n° 173 du 27 juillet 2005 page 12187 12 Projet de loi Sénat n° 415, 2005-2006 10 13 l’alinéa 2 de l’article 2364 du Code civil est modifié : « En cas de défaillance du débiteur de la créance garantie (et non plus « nantie ») et huit jours après une mise en demeure restée sans effet, le créancier affecte les fonds au remboursement de sa créance dans la limite des sommes impayées ». Aussi, l’article 2428 du Code civil, dont les alinéas 5 à 13 sont remplacés par un unique alinéa, qui renvoie à un décret en Conseil d’État la liste exhaustive des indications devant figurer sur le bordereau. 8 de nos sûretés à l’étranger; et en second lieu de consacrer à la fois des sûretés issues de la pratique (lettre d’intention, garantie autonome, nantissement de solde de compte bancaire…) tout en apportant des innovations majeures à la plupart des sûretés codifiées (dépossession, assiette élargie, réalisation des sûretés facilitée par la consécration du pacte commissoire..). En premier lieu, l’objectif majeur de l’ordonnance n° 2006-346 du 23 mars 2006 relative aux sûretés résulte de la création d'un livre quatrième du code civil, organisé en 2 titres. L’intégration des sûretés personnelles et réelles au sein d’un Livre IV nouveau du Code civil tend à favoriser la lisibilité, l’accessibilité et l’attractivité des sûretés françaises. Le titre Ier, intitulé « Des sûretés personnelles » insère quelques règles en matière de cautionnement et de garanties issues de la pratique qui trouvent ainsi leur consécration dans le Code civil : il s’agit de la lettre d’intention et de la garantie autonome. Le titre second, qui englobe les « sûretés réelles » réforme dans ses trois sous-titres les dispositions générales, puis les sûretés mobilières, et enfin les sûretés immobilières. En ce qui concerne la méthode même de recodification, l’on constate que ce sont les partisans de l’école de la recodification « à la française » qui se félicitent d’avoir réaménagé les dispositions du Code civil tout en respectant les fondements de la culture juridique française, sans s’éloigner des principes qui y sont ancrés, notamment dans le droit des obligations et des contrats, par opposition aux défenseurs d’une recodification à l’échelon européen, qui souhaitent plutôt harmoniser les règles à l’échelon européen en tenant compte des principes de droits transnationaux et en s’appuyant sur les travaux en cours de recodification du droit des contrats tels le projet Gandolfi pour des principes européens du droit des contrats, d’influence continentale, le projet Lando pour le droit européen du contrat ou encore les travaux du professeur Von Bar. Néanmoins si certains principes généraux sont énoncés, qui reprennent le principe du droit de gage général14, la consécration du droit de rétention15 et le caractère subalterne des dispositions du Livre IV du Code civil par rapport aux dispositions d’ordre public du Code de commerce en cas d’ouverture d’une procédure de sauvegarde, de redressement 14 15 Art. 2284 et 2285 nouveaux du Code civil (anciens art. 2092 et 2093) Art. 2286 nouveau 9 judiciaire, de liquidation judiciaire, ou encore de traitement des situations de surendettement16, il n’en reste que certains principes n’ont pas été repris par le projet tel le principe de l’accessoire qui ne trouve plus application en cas de procédure d’insolvabilité, sauf disposition inverse. (art 2287) En outre, il faut relever que les rédacteurs du projet n’ont pas fait précéder les principes généraux d’une définition générale des sûretés, selon eux, afin de permettre une adaptation et une évolution ultérieures de la matière aux pratiques nouvelles. Ainsi, la définition traditionnellement opérée par le Professeur Pierre Crocq, qui retient quatre critères cumulatifs pour définir les sûretés n’est plus, de par l’introduction de certaines garanties dans le Code civil, adaptée à appréhender la réalité des nouvelles « sûretés » issues du projet Grimaldi. La définition des sûretés emporte donc quatre critères cumulatifs. Elles se définissent ainsi tout d’abord par leur : - finalité : les sûretés doivent permettre au bénéficiaire d’échapper à la loi du concours entre créanciers. En effet, la confiance entendue par un créancier à son débiteur lors de l’octroi d’un crédit passe ne suffit pas toujours à la bonne exécution du contrat de prêt. Le banquier, ou « le créancier professionnel »17 est dans l’obligeance de demander au débiteur une sûreté supplémentaire que la surface financière propre de ce dernier, afin d’assurer une bonne exécution du crédit. S’il est vrai qu’à défaut de garanties demandées par le professionnel du crédit, ce dernier jouit d’un droit de gage général, privilège accordé par les articles 2284 et 228518, à tout créancier d’une somme non immédiatement exigible lui octroyant, en cas d’inexécution ou de mauvaise exécution du contrat, le droit de faire saisir les biens du débiteur, de les vendre aux enchères afin de se paye sur le prix. Néanmoins, le privilège créancier chirographaire est d’une efficacité limitée. Pour des raisons de droit ou de fait, les biens du débiteur peuvent s’avérer insaisissables. Aussi, sauf cas de fraude 19 , le créancier reste paralysé au moment de l’exigibilité par le créancier dont la surface financière a diminué depuis le moment de la naissance de la dette. Surtout, la finalité première de la sûreté permet ainsi à un créancier chirographaire d’échapper à son rang 16 Art. 2287 nouveau : « Les dispositions du présent livre ne font pas obstacle à l’application des règles prévues en cas d’ouverture d’une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire ou encore en cas d’ouverture d’une procédure de traitement des situations de surendettement des particuliers. » 17 tel qu’il est défini, en matière de cautionnement régi par la loi Dutreil du 1er Août 2003. 18 Anciennement Articles 2092 et 2093 du Code civil 19 La fraude du débiteur fait naître au profit du créancier impayé une action paulienne fondée sur l’article 1167 du Code civil. 10 subalterne et à la loi du concours avec d’autres créanciers au cours de l’ouverture de la procédure collective du débiteur et de se faire payer par rang de préférence par rapport aux autres créanciers. - effet : les sûretés doivent avoir pour finalité de satisfaire le créancier et entraîner l’extinction de sa créance. Les sûretés n’ont pour finalité que le désintéressement du créancier au sens strict et leur montant ne peuvent dépasser celui qui est convenu pour le remboursement de la dette. La mise en œuvre fructueuse de la sûreté par le créancier en cas d’impayé est une condition de l’extinction du contrat principal. - droit d’agir que les sûretés confèrent au bénéficiaire contre le garant ou contre l’un de ses biens aux fins de se l’attribuer ou de le revendre pour se payer sur le prix. Dans le premier cas, l’objet des sûretés personnelles est d’adjoindre, au bénéfice du créancier, un garant supplémentaire par rapport au débiteur principal. Dans le second cas, l’objet de la sûreté réelle est d’octroyer au bénéfice du créancier un droit sur le bien même du débiteur. - accessoire : la sûreté est l’accessoire de la créance qu’elle garantit. Le dernier critère permet de distinguer les sûretés de simples garanties. A titre d’exemple, le caractère accessoire du cautionnement résulte de ce que l’engagement de la caution est subordonné à la non exécution par le débiteur du contrat principal. Une des corollaires du principe résulte en ce que la caution ne peut être tenue à plus que le débiteur principal en vertu du contrat principal ; et qu’elle peut opposer au créancier certaines exceptions dès lors que ce dernier aurait failli à certaines de ses obligations envers le tiers débiteur. Au contraire, la garantie autonome n’est pas soumise au principe de l’accessoire, les engagements autonomes ne comportant pas de référence au contrat principal. Le projet Grimaldi a fait le choix de ne pas insérer dans le Code civil les dispositions relatives au caractère accessoire. Il s’avère donc que la définition même des sûretés nouvelles englobe, selon les vœux du projet, des réalités diverses et que le nouveau droit des sûretés s’adapte aux engagements divers nés de la pratique, gage de sa modernité. En second lieu, par conséquent, le droit des sûretés a pour objectif d’offrir des sûretés modernes et efficaces, qu’elles soient juste la consécration de garanties issues de la pratique, ou encore qu’elles soient des sûretés modernisées, simplifiées et de ce fait, plus attractives. A ce titre, l’ordonnance insère dans le Code civil certaines garanties issues de la pratique, notamment en matière de sûretés personnelles : ainsi la garantie autonome, consacrée à 11 l'article 2321 est enfin définie et quelques éléments de son régime juridique sont précisés, à compléter avec les nouvelles dispositions du code de la consommation. Aussi, la lettre d'intention, dont l'article 2322 donne une définition, qui permet de la distinguer du cautionnement. Enfin, le droit de rétention, un droit réel rudimentaire utilisé par la pratique pour son efficacité en cas d’ouverture d’une procédure collective est consacré dans un nouvel article 2286 au sein des dispositions générales relatives aux sûretés : son régime est précisé : connexité volontaire, ou juridique, ou matérielle ; le relatif effacement de la dépossession matérielle et sa disparition par suite d'un dessaisissement volontaire. Certaines controverses existent de par son introduction dans le Livre relatif aux sûretés : le droit de rétention exerce-t-il son influence sur toutes les sûretés réelles, tout en étant luimême une sûreté ? Il est cependant à noter que les réformateurs du Code ont été paralysés dans leurs propositions de réformer le droit du cautionnement et que par conséquent celuici reste, pour la majorité de ses dispositions, écarté des dispositions de l’ordonnance et régi par le droit de la consommation. Ensuite, en matière de garanties réelles mobilières, les innovations les plus importantes sont à noter. La réforme consacre notamment le gage sans dépossession qui permet à un débiteur de conserver l’usage de la chose qu’il met en gage. En effet, le caractère réel du contrat de gage obligeait par le passé à ne constituer que des gages avec dépossession du constituant, sauf à citer les exceptions législatives de gages sans dépossession prévus par un texte spécial, remplaçant la dépossession par une formalité elle-même prescrite à peine de nullité, ou par une publicité peu efficace. Désormais en les contrats de gage de meubles corporels, tout comme de nantissement de meubles incorporels ne sont plus des contrats réels, mais des contrats solennels. Par conséquent, la dépossession, lorsqu'elle est possible, n'est qu'une formalité d'opposabilité. Le créancier peut choisir entre un gage traditionnel avec dépossession, ou opter pour un gage sans dépossession du débiteur et assurer l’opposabilité de ses droits par une publicité sur un registre spécial. Ensuite, la réforme rend possible le gage par une entreprise de ses stocks sans dépossession, lui permettant ainsi, tout en conservant l’usage de ces derniers, d’obtenir de la trésorerie pour continuer l’activité et obtenir des fonds pour de nouveaux investissements. Le gage portant sur un véhicule automobile dispose d’un nouveau régime décrit aux articles 2351 et suivants du Code civil. Enfin, la réforme facilite la réalisation des sûretés mobilières et immobilières en mettant notamment fin à la prohibition du pacte commissoire. Les parties pourront ainsi convenir dès la constitution du gage que le bien deviendra la 12 propriété du créancier en cas de défaillance du débiteur. Enfin, le texte final retient, aux articles 2367 à 2372, des solutions pour l'essentiel acquises, en matière de réserve de propriété. En matière de sûretés immobilières, les principales innovations concernent en premier lieu la modernisation du régime de l’hypothèque conventionnelle, dont l’allègement du coût, la simplification des règles de mainlevée et de la purge deviennent les principaux atouts. En outre, la réforme consacre en droit français l’hypothèque rechargeable qui permet à un débiteur qui a déjà constitué une hypothèque, de ne pas en constituer une nouvelle pour garantir des crédits successifs dans la limite du montant maximal prévu lors de l’hypothèque initiale. Aussi, le prêt viager hypothécaire est consacré, qui permet à un propriétaire d’un bien immobilier d’obtenir une somme d’argent au moyen d’un prêt garanti sur son immeuble remboursable au décès de l’emprunteur ou lorsqu ’il vend l’immeuble. L’antichrèse-bail est consacrée à l’article 2390, puisqu’il a été prévu de « modifier les dispositions du code civil pour améliorer le fonctionnement de l'antichrèse, en autorisant le créancier à donner à bail l'immeuble dont le débiteur s'est dépossédé à titre de garantie [...]». La pratique bancaire, et notamment la Fédération Bancaire Française, consultée par la Chancellerie et le Ministère des Finances lors de la rédaction du projet d’ordonnance, se félicite de l’adoption du texte malgré certaines de ses demandes qui n’ont pas été prises en compte : ainsi la pratique salue le prêt viager hypothécaire et l’hypothèque rechargeable, mais s’interroge sur les dispositions transitoires relatives à leur application. Ainsi, pour les hypothèques antérieures à la réforme, il semble que seules les hypothèques conventionnelles peuvent être transformées en hypothèques rechargeables, et non les privilèges de prêteurs de deniers ; or la plupart des crédits immobiliers sont actuellement garantis sous cette forme, en raison des avantages fiscaux qui y sont attachés. Aussi, la profession bancaire regrette que les dispositions du projet Grimaldi « qui visaient à transformer les privilèges immobiliers spéciaux en hypothèques légales spéciales soumises à publicité et ne prenant rang qu’à compter de leur inscription au registre de la publicité foncière, ont finalement été sorties du champ de l’ordonnance. »20 Enfin, si le pacte commissoire a été quasiment généralisé, tant dans les sûretés mobilières qu’immobilières, 20 FBF Lettre aux adhérents n° 35 avril 2006 13 la clause de voie parée, qui permet à un créancier, en cas d’inexécution du débiteur, de faire vendre à l’amiable le bien garanti, n’a pas été autorisée. La profession avait pourtant proposé d’introduire cette option pour les parties, sous certaines conditions21 en ce qu’elle permet au créancier d’éviter les aléas d’une vente judiciaire. Il s’agit ici non de développer de manière détaillée les régimes respectifs des sûretés modernisées, mais d’en dessiner les principaux traits et démontrer les enjeux auxquels ces sûretés nouvelles sont confrontées et des attraits ou invalidités éventuelles qu’elles représentent à l’égard des utilisateurs et en particulier du banquier dispensateur du crédit. La réforme des sûretés a cherché à répondre aux besoins des praticiens du crédit dans la constitution, l’exécution et la réalisation de sûretés modernes et efficaces. Elle a opéré une véritable révolution en harmonie avec les objectifs principaux du droit du crédit. Elle a consacré de nombreuses sûretés issues de la pratique dont elle a clarifié les définitions et le régime répondant ainsi à l‘objectif de protection du débiteur contre l’imprévisibilité du droit. La sécurité juridique ainsi assurée trouve son écho dans une souplesse et une modernité remarquables des sûretés, qu’elles soient nouvelles ou ancrées dans la pratique, cherchant à rendre le nouveau droit des sûretés efficace et ouvert aux évolutions. (1e Partie) Cependant, des imperfections et dissonances apparaissent déjà face aux enjeux collectifs. En effet, le manque d’harmonisation de la réforme des procédures collectives, en date du 26 juillet 2005 et du droit des sûretés fait déjà apparaître les premières discordances entre les deux régimes. Or c'est dans les procédures collectives que se mesure, à l’égard du créancier, toute l’efficacité d’une sûreté. Le défi de l’efficacité des sûretés françaises reste ainsi en proie à des difficultés. Comment alors, à l’aune des réformes globales annoncées à l’échelon européen, le droit français des sûretés pourra-t-il prétendre à une attractivité et une adaptabilité nouvelles ? (2e partie) 21 Les parties pouvant prévoir une vente amiable du bien en subordonnant celle-ci à la fixation préalable du prix par un expert pour tous les biens non cotés sur un marché organisé. 14 1e PARTIE : Le nouveau régime des sûretés en France : une recherche entre souplesse et sécurité juridique. Si en matière de sûretés personnelles les innovations sont plus limitées, en ce qu’elles regroupent la consécration des usages en matière de garanties personnelles (TITRE 1er) ; les innovations les plus importantes sont à rechercher dans le nouveau droit des garanties réelles mobilières et immobilières. (TITRE 2nd) TITRE 1er : Sûretés personnelles : de la consécration des usages à la recherche de la sécurité juridique. Les innovations en matière de cautionnement et de garantie autonome sont mineures. En premier lieu, le cautionnement, grand absent de la réforme, n’a pas pu être réformé, le groupe de travail ayant été censuré dans cette démarche par le gouvernement. En outre, la garantie autonome, qui se trouve consacrée par l’ordonnance, a été définie dans un souci de sécurité juridique, mais de par son introduction dans le Code civil, son régime juridique devient moins autonome qu’auparavant.(Section 1) En outre, la lettre d’intention a été définie et son régime précisé : des interrogations demeurent cependant sur le régime des autorisations dans les sociétés anonymes pour garanties prises par les dirigeants. (Section 2) 15 Section 1. Une avancée « à petits pas » en matière de cautionnement et de garantie autonome : entre liberté des parties et sécurité juridique. La réforme attendue du cautionnement n’a pas eu lieu. L’ordonnance du 23 mars 2006 introduit en tête du titre I, intitulé « Des sûretés personnelles », du Livre IV du code civil un article 2287-1 ainsi rédigé : « Les sûretés personnelles régies par le présent titre sont le cautionnement, la garantie autonome et la lettre d’intention ». Chacune de ces sûretés fait respectivement l’objet de trois chapitres distincts, néanmoins les apports majeurs de la réforme concernent surtout la réception dans le code civil de techniques reconnues jusqu’alors dans la jurisprudence, concernent la garantie autonome et la lettre d’intention. Ainsi, le Code civil introduit en son sein des dispositions en matière de garantie autonome (§1) qu’il se contente de définir et de distinguer du grand absent de la réforme, le cautionnement. (§2) §1. La garantie autonome : d’une définition efficace à un régime imparfait. A). Une définition claire permettant de distinguer la garantie autonome des garanties voisines : le cautionnement et la lettre d’intention. En matière de garantie autonome, le législateur a décidé de mettre fin à des années de jurisprudence fluctuante et source d’insécurité juridique. Les juges ont en effet cherché à distinguer la garantie autonome du cautionnement, les effets de la distinction, découlant du caractère accessoire (cautionnement) ou non (garantie autonome) de la garantie se répercutant sur les droits du garant à contester la portée de son engagement. En effet, en vertu du caractère accessoire du cautionnement, la sûreté est l’accessoire de la créance qu’elle garantit et la caution peut d’une part se prévaloir de la non exécution ou de la mauvaise exécution par le débiteur du contrat principal et d’autre part opposer au créancier sa propre « défaillance » envers le débiteur dans ses obligations envers ce dernier, telles l’obligation d’information ou de conseil. Au contraire, la garantie autonome n’est pas soumise au principe de l’accessoire, les engagements autonomes ne comportant pas de référence au contrat principal. La garantie autonome est caractérisée par l’inopposabilité des exceptions. Le créancier appelle la garantie, sans que le garant ne puisse lui opposer d’exceptions tenant au contrat principal. 16 Les difficultés de distinction entre garantie autonome et cautionnement se présentaient de manière récurrente, notamment au vu de la difficulté de définition de la garantie autonome dans ses réalités diverses : la garantie à première demande était susceptible de degrés variables au regard du principe de l’accessoire. Ainsi, la jurisprudence acceptait, pour définir l’autonomie, tantôt de retenir les critères de l’objet accompagnée d’une inopposabilité des exceptions22, tantôt l’étendait à un engagement qui comportait des références « simples » au contrat de base mais non des références « complexes » impliquant appréciation des modalités d’exécution de celui-ci pour l’évaluation des montants garantis ou la détermination des durées de validité. 23 Parfois même la jurisprudence adoptait des termes différents pour englober une réalité similaire, celle de la garantie autonome qu’elle qualifiait de garantie stipulée « inconditionnelle ou à première demande », à « demande justifiée » ou encore « documentaire ». Désormais le nouvel article 2321 du Code civil définit la garantie autonome comme « (…) l’engagement par lequel le garant s’oblige, en considération d’une obligation souscrite par un tiers, à verser une somme soit à première demande, soit suivant des modalités convenues ». La distinction est ainsi opérée avec le cautionnement, dont la caractéristique principale est d’être un engagement accessoire à celui du débiteur principal, tandis que la garantie autonome se limite au versement d’une somme en vertu d’un accord entre le garant et le bénéficiaire, sans référence au contrat principal. Aussi, la lettre d’intention ne comporte pas nécessairement le paiement d’une somme d’argent envers le créancier. Cette définition est empreinte de la théorie de l’autonomie de la volonté et laisse, dans un libéralisme contractuel le choix aux parties de prévoir leur degré de liberté dans les engagements pris au travers de cette garantie24. Le régime de la garantie autonome a fait l’objet de peu de précisions, afin de laisser aux parties le soin de convenir de la meilleure forme que revêt cette sûreté. Néanmoins, certaines de ses dispositions prévoient des règles 22 23 Cass. com., 13 déc. 1994, n° 92-12.626, Bull. civ. IV, n° 375, p. 309 Cass. com., 18 mai 1999, n° 95-21.539, Bull. civ. IV, n° 102, p. 83 24 Voir notamment Cass.com. 12 juillet 2005, Bull.civ. IV, n° 161 ; D. 2005, AJ. p. 2214, obs. X. Delpech ; Banque et Droit nov.-déc. 2005, p.80, obs. T. Bonneau ; Dr. Et ptrimoins févr. 2006, p. 132, obs. P. Dupichot ; RTDcom. 2005, p. 823, obs. D. Legeais, concernant une « garantie injustifiée ». 17 protectrices, afin de limiter le développement de cette garantie, réservée aux usagers avertis. B). La garantie autonome devient moins autonome quant à son régime juridique. Il en va ainsi en premier lieu du domaine de cette garantie dont les contours sont dessinés par le législateur. En premier lieu, en vertu de l’article L.313-10-1 nouveau du Code de la consommation, « la garantie autonome définie à l'article 2321 du code civil ne peut être souscrite à l'occasion d'un crédit relevant des chapitres Ier et II du présent titre. ».25 En d’autres termes, la garantie autonome ne peut être employée aux fins de souscription d’un crédit régi par le Code de la consommation. En second lieu, le nouvel article 22-1-1 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 interdit l’usage de la garantie autonome en cas de bail d’habitation, à moins que cette garantie ne soit « souscrite en lieu et place du dépôt de garantie prévu à l’article 22 et que dans la limite du montant résultant des dispositions du premier alinéa de cet article ». L’article 2321 alinéas 2,3 et 4 prévoit uniquement les traits principaux de la garantie autonome, définition qui laisse une large place à la liberté des parties. L’alinéa 3 de l’article 2321 énonce le principe de l’inopposabilité des exceptions selon lequel « le garant ne peut opposer aucune exception tenant à l’obligation garantie ». Néanmoins ce principe est atténué par l’alinéa 2 de l’article 2321 en vertu duquel « le garant n’est pas tenu en cas d’abus ou de fraude manifeste du bénéficiaire ou de collusion de celui-ci avec le donneur d’ordre ». L’alinéa 4 énonce enfin que « sauf convention contraire, cette sûreté ne suit pas l’obligation garantie ». Enfin, il faut surtout préciser que l’introduction de la garantie autonome dans le Code civil est accompagnée de l’affaiblissement de cette garantie pourtant traditionnellement très efficace en raison de l’inopposabilité des exceptions qu’elle procurait au bénéficiaire de la sûreté : désormais la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2006 sur la sauvegarde des 25 Art. L. 313-10-1 du Code de la consommation, introduit par l’ordonnance nº 2006-346 du 23 mars 2006, art. 39. 18 entreprises assimile expressément les personnes ayant consenti une garantie autonome à celles ayant consenti un cautionnement.26 En effet, le législateur assimile les titulaires d’un cautionnement et celui d’une garantie autonome que ce soit dans la procédure de conciliation,27 de sauvegarde28, ou de redressement29. L’assimilation ainsi opérée n’est pas justifiée depuis la nouvelle définition de la garantie autonome qui la distingue nettement de celle là. §2. Le cautionnement, grand absent de la réforme des sûretés. L’ordonnance du 23 mars 2006 apporte très peu de modifications ne matière de sûretés personnelles. Elle introduit de nouvelles sûretés personnelles au sein du Livre IV du code civil, telles la garantie autonome et la lettre d’intention. L’article 2287-1 semble autoriser la coexistence d’autres techniques juridiques issues pour la plupart du droit des obligations pouvant être utilisées à des fins de sûretés tels l’engagement de codébiteur solidaire non intéressé à la dette, délégation simple, promesse de porte-fort, convention de ducroire…). Néanmoins, le cautionnement, qui reste encore largement régi par la loi Dutreil du 1er août 2003, dont les imperfections ont été abondamment critiquées30 est le grand absent de cette réforme. Pourtant, le groupe de travail présidé par le professeur Grimaldi avait proposé de réformer de manière rationnelle tout le droit du cautionnement afin, notamment de mettre fin aux imperfections de la loi Dutreil, qui insère dans le Code de la consommation des dispositions en matière de cautionnement des cautions personnes physiques sans en exclure expressément les cautions-dirigeantes. A). Absence de réforme du droit du cautionnement. 26 « Les sûretés personnelles à l’épreuve de la loi de sauvegarde des entreprises , Banque et Droit janv-févr. 2006, p.17, Dupichot, Dr. et Patrimoine févr. 2006, p.133. 27 les cautions, coobligés ou garants autonomes peuvent identiquement se prévaloir des dispositions de l’accord homologué (C. com., art. L. 611-10) 28 l’arrêt du cours des intérêts, la suspension provisoire des poursuites jusqu’au jugement arrêtant le plan ou prononçant la liquidation (C. com., art. L. 622-28) 29 les « garants » personnes physiques ne pourront plus se prévaloir de l’arrêt du cours des intérêts (C. com., art. L. 631-14, II,) 30 « Le code de la consommation siège d'un nouveau droit commun du cautionnement : Commentaire des dispositions relatives au cautionnement introduites par les lois du 1 er août 2003 relatives à l'initiative économique et sur la ville »D.Legeais, JCP E Semaine Juridique (édition entreprise) 09/10/2003 °41, Page(s) 1610-1615 19 Les dispositions de l’ordonnance relatives au cautionnement relèvent de modifications purement formelles, dans la mesure où le texte reproduit intégralement les anciennes dispositions relatives aux principes généraux du cautionnement des articles 2011 à 2043 dans de nouveaux articles 2288 à 2320 du même code. Le cautionnement reste donc en grande partie défini par la loi Dutreil dès lors qu’il est conclu par une personne physique ou morale auprès d’un créancier professionnel par un acte sous seing privé.31 Néanmoins, à défaut de définition précise du « créancier professionnel »32, ou de précision en faveur de quel type de caution la loi entend étendre ses effets, caution profane, qui pourrait justifier d’une protection spéciale instaurée par la loi Dutreil, ou une caution « dirigeante » ou « avertie », qui ne justifie pas de protection en ces termes, alors même que la jurisprudence opérait quant à elle, non sans difficultés, la distinction.33 A défaut de la loi, la jurisprudence continue à améliorer le sort du créancier. Ainsi, deux arrêts de la chambre commerciale en date du 8 novembre 200534 ont apporté des précisions en cas de fusion-absorption de la société créancière, d’une part, et de la société débitrice, d’autre part. Le cautionnement réel a également fait l’objet de redéfinition en jurisprudence suite à une décision rendue en chambre mixte de la Cour de cassation le 2 décembre 2005 35. La décision met un terme aux controverses relatives à la nature juridique du cautionnement réel. Des arrêts antérieurs avaient consacré la thèse de la nature mixte du cautionnement réel36. La Cour a jugé que « une sûreté réelle pour garantir la dette d’un tiers n’impliquant aucun engagement personnel à satisfaire à l’obligation d’autrui et n’étant dès lors pas un 31 voir les articles L. 311-2 et s. du Code de la consommation « Qui se cache derrière la qualification de créancier professionnel ? » G. Marraud des Grottes, Revue LAMY droit civil Juillet –Août 2005 , n° 18, p.35. 33 « La caution dirigeante peut-elle se prévaloir d'un dol commis par un établissement de crédit dans l'octroi d'un prêt » D.Legeais, Revue de droit bancaire et de la Bourse 01/11/1998 N°70, Page(s) 193-196 34 Bull. civ. n° 218e et 219 ; D 2005, AJ p. 2875, obs. A. Lienhard ; JCP 2005, II, 10170, note D. Houtcieff ; JCP E 2006, 1000, note D. Legeais ; RTDCom. 2006, p.145, obs. P. Le Cannu, et p. 179, obs. D.Legeais; JCP 2006, I, 131, n°9, obs. P. Simler ; Banque et Droit, janv-fév. 2006, p.52, obs. N. R. Le premier arrêt énonce : « en cas de fusion absorption d’une société propriétaire d’un immeuble donné à bail, le cautionnement garantissant le paiement des loyers est , sauf stipulation contraire, transmis de plein droit à la société absorbante. » La portée de cette décision est discutée en doctrine : (V. notamment P. Simler, obs. préc.) 35 D.2006, Jur p. 729, avis Sainte-Rose, p.733, note L. Aynès, et AJ p.61, obs. V. Avena-Robardet ; JCP 2005,II,10183, note P. Simler ; Banque et Droit, janv-fév. 2006, p. 54, obs. F. Jacob ; Dr et Patrimoine févr. 2006, p. 128, obs. P. Dupichot ; AJ Famille 2006, p. 113, note P. Hilt. 36 Cass 1e civ 15 mai 2002, Defrénois 2002, art 37691, n°23, obs. P.Théry ; D. 2002, Jur p. 1780, note C. Barberot, et somm. p. 3337, obs. L. Aynès. 32 20 cautionnement, lequel ne se présume pas, » une cour d’appel a exactement retenu que l’article 1415 du code civil n’étant pas applicable au nantissement de titres communs donné par un époux marié sous le régime de la communauté universelle pour garantir le remboursement d’un prêt accordé à un tiers par une banque. L’ordonnance précise le régime du cautionnement réel en se fondant sur cette décision de la Cour de cassation et protège la communauté en complétant l’article 1422 du code civil par un second alinéa aux termes duquel les époux « ne peuvent non plus, l’un sans l’autre, affecter l’un de ces biens à la garantie de la dette d’un tiers ». B). L’insuccès des propositions du projet Grimaldi pour la réforme des sûretés en matière de cautionnement. Malgré les propositions novatrices du projet Grimaldi aux fins de réformer le droit du cautionnement et en réintégrer l’essence au sein du Code civil, en matière de cautionnement, les rédacteurs du projet ont néanmoins essuyé un refus de la part du législateur. Pourtant, l’essence du droit du cautionnement, « délocalisé » dans le Code de la consommation depuis la loi « Dutreil » en date du 1er août 200337, a fait l’objet de plusieurs réformes et d’une jurisprudence fluctuante, agissant dans un souci toujours croissant de la protection des cautions. Néanmoins, le groupe de travail présidé par le professeur Grimaldi a proposé de moderniser le droit du cautionnement, en réussissant enfin le pari de rendre cette sûreté efficace pour le créancier, tout en protégeant la caution personne physique. En premier lieu, le projet souhaitait voir insérée dans le Code civil une définition du cautionnement défini comme un contrat par lequel une caution s’oblige à payer la dette d’un débiteur en cas de défaillance de celui-ci. (article 2292) Une typologie a été proposée pour compléter la définition entre d’une part cautionnement conventionnel, judiciaire, légal ; d’autre part simple ou solidaire et enfin spécial ou général selon les dettes garanties. 37 L.n° 2003-721 du 1er août 2003, J.O. 5 août, p. 13449, « La réforme inopinée du cautionnement » Dr. Et Patr. 2003, n° 120, p.28. A. Robardet 21 En deuxième lieu, le projet proposait enfin d’intégrer dans le régime légal du cautionnement la distinction entre caution personne physique agissant à titre professionnel ou personne morale d’une part ; et personne physique agissant à titre non professionnel de l’autre. Seule cette dernière pourrait prétendre à une protection par le biais d’un certain formalisme du cautionnement souscrit par un acte sous seing privé. En cas de cautionnement souscrit par acte authentique, le devoir d’information et de conseil du notaire, donnant lieu à responsabilité de ce dernier, suffit à garantir la pleine protection de la caution profane. Le projet proposait en effet d’instaurer un formalisme « simplifié » en vertu duquel la caution, précisant le montant de son engagement dans un écrit, pouvait prétendre à une présomption de caducité du cautionnement en cas de mention jugée insuffisante, dont la preuve devait être rapportée par tout moyen par le créancier impayé. Enfin, afin de mettre un terme à l’enchevêtrement des dispositions relatives au devoir d’information du créancier, qui se superposent depuis la loi Dutreil en son article L.341-6 du Code de la consommation (s’agissant de l’obligation annuelle d’information) qui fait doublon avec l’article L.313-22 du Code monétaire et financier, ou encore avec l’article 2016, alinéa 2 du Code civil, qui impose une telle obligation aux cautions personnes physiques, par tout créancier38, le groupe de travail avait proposé de substituer à ces obligations un seul article 2307 en ces termes : « tout créancier est tenu, avant le 31 mars de chaque année, de faire connaître à toute caution personne physique le montant du principal de la dette et de ses accessoires restant dus au 31 décembre de l’année précédente, sous peine de déchéance des intérêts et accessoires échus durant la période de silence fautif. Dans le cas où le cautionnement serait à durée indéterminée, le créancier professionnel est, en outre, tenu de rappeler à la caution sa faculté de résiliation ». Enfin, le principe de proportionnalité serait maintenu, mais seulement au bénéfice de cautions personnes physiques agissant à titre non professionnel, la réduction de l’engagement serait prévue en cas de disproportion manifeste entre les revenus et le patrimoine de la caution, à moins que ceux-ci, au moment où elle est appelée, ne lui permettent d’y faire face. Pour restaurer l’efficacité du cautionnement, le caractère accessoire du cautionnement restant préservé, le groupe de travail comptait retirer à la caution le droit de soulever certaines exceptions en cas de défaillance du débiteur, tels les délais de paiement, 38 CA Paris 19 nov. 2004 JCPG 2005, I, n°135, obs. Ph. Simler. 22 l’extinction totale ou partielle de l’obligation pouvant résulter d’une procédure d’insolvabilité, sauf disposition contraire de cette législation. Cependant, le législateur n’a pas autorisé le groupe de travail d’apporter des modifications en matière de cautionnement, manquant ainsi une opportunité de rendre ce droit plus cohérent et efficace. Désormais, le Code de la consommation reste le siège privilégié du droit du cautionnement, tandis que les garanties personnelles issues de la pratique prennent leur place au sein du Code civil. Il en va ainsi de la lettre d’intention, engagement donné le plus souvent par un dirigeant d’entreprise pour garantir les dettes de sa filiale et dont la portée incertaine faisait l’objet d’une jurisprudence fluctuante. Laissant la place à une liberté des signataires de ces lettres, l’ordonnance accueille néanmoins une nouvelle définition de cette sûreté et en précise la portée. Section 2. Une lettre d’intention définie au service de la sécurité juridique et de la souplesse d’utilisation. De la pratique est née la lettre d’intention, forme la plus simple d’engagement pour garantir la dette d’une société filiale dans le monde des affaires. Cependant, la jurisprudence ne se prononçait pas clairement sur le régime de cette garantie et ouvrait la voie à des discussions juridiques pour déterminer clairement le contenu d’une telle stipulation.39 Le groupe de travail a considéré opportun d’introduire la lettre d’intention dans le Code civil de manière à assurer l’attractivité du Droit français à l’échelon international, et d’en préciser par la même occasion clairement les particularités. La lettre d’intention est un instrument d’engagement personnel surtout utilisé dans le contexte du droit des sociétés et des affaires, par lequel le plus souvent une Société mère se porte garante des engagements de sa filiale, notamment en vue de l’obtention de crédits bancaires. Sa consécration en tant que sûreté dans le Code civil a fait l’objet de débats par la commission Grimaldi40. 39 Cass. Com. 21 déc. 1987, Bull. civ. IV. N° 281; Rev. sociétés 1988, p. 398, note H. Synvet ; D. 1989 Jur. p. 112, note J-P. Brill. 40 Rapport du Groupe de Travail relatif à la réforme des sûretés, II,B, b, p.8, et P. Simler, Les sûretés personnelles, in rapport Grimaldi : pour une réforme globale des sûretés, Dr. Et Patrimoine sept. 2005, p.55, spéc. II, A, p.59. 23 C’est en son article 2322 que le Code civil consacre désormais la lettre d’intention comme un « engagement de faire ou de ne pas faire ayant pour objet le soutien apporté à un débiteur dans l’exécution de son obligation envers son créancier ». Il s’agit ainsi pour le débiteur de l’obligation d’adopter envers, le cas échéant, la société débitrice, un certain comportement (veiller à l’exécution de ses obligations, faire ses meilleurs efforts pour qu’elle puisse satisfaire à ses engagements…) afin de permettre au débiteur de s’acquitter de ses engagements envers le créancier. La définition de la lettre d’intention laisse aux parties une grande souplesse dans la fixation de l’étendue de leurs engagements. L’obligation du souscripteur consiste en un engagement de faire ou ne pas faire, qui se résout en vertu de l’article 1142 du Code civil en une obligation de payer des dommages et intérêts au créancier en cas de défaillance du débiteur. Il ne s’agit nullement de se substituer au débiteur dans l’exécution de l’obligation garantie. Le garant ne prend pas un engagement accessoire de se substituer au débiteur défaillant dans l’exécution de l’obligation par celui-ci. L’article 2322 marque ainsi la différence avec le cautionnement. En outre, le montant des dommages et intérêts ne correspond pas nécessairement à celui de la dette garantie. En cela, l’article 2322 marque une distinction avec la garantie autonome qui consiste pour le garant à verser une somme d’argent qui a pour objectif de désintéresser en totalité le créancier qui exerce son droit. Néanmoins, en dehors des décisions telles que l’arrêt rendu le 13 décembre 2005, la difficulté majeure qui concerne les lettres d’intention en jurisprudence consiste en la distinction, au sein des lettres d’intention portant engagement de « comportement », celles qui ne donnent lieu qu’à une obligation de moyens à charge du souscripteur et celles qui constituent de véritables engagements de résultat. La Cour de Cassation, se prononçant au cas par cas, n’a pas donné des contours nets à la distinction. En effet, les obligations de moyens et de résultat, qui résultent respectivement de la lecture des articles 1137 et 1147 du Code civil, dont l’intérêt de distinction repose sur la charge de la preuve, sont traditionnellement fondées sur des critères d’aléa ou d’absence d’aléa dans l’exécution de l’obligation. 24 Ainsi, la jurisprudence, à la lecture de divers engagements contenus dans une lettre d’intention a distingué celles qui ne mettent à charge du signataire que des engagements de moyens et ceux qui font naître de véritables engagements de résultat. A titre d’exemple, des engagements visant à mettre en œuvre les « moyens possibles », de « s’efforcer » de tenir ses engagements traduisent une volonté atténuée de se porter garant41. Il est clair que l’ordonnance du 23 mars 2006 n’appréhende pas les lettres d’intention recouvrant une obligation de moyens qui auraient été souscrites avant l’entrée en vigueur de la loi en ce qu’elles ne nécessitent pas l’autorisation du Conseil d’Administration ou du Conseil de Surveillance de la Société qui se porte garant, en ce qu’elles ne constituent pas de véritables garanties au sens de l’article L. 225-35 alinéa 4 du Code de commerce. . En revanche, la jurisprudence a mis en évidence deux types d’engagements constitutifs de garantie, en ce qu’ils recouvrent de véritables obligations de résultat : il s’agit d’une part des obligations de faire ou de ne pas faire, par opposition aux obligations de payer qui sont appréhendées désormais par la garantie autonome42, et d’autre part des engagements de se substituer au débiteur ou à la filiale défaillants. Ces derniers engagements, proches du cautionnement par leur caractère accessoire, sont de véritables garanties. Ils contiennent des formules caractérisant une volonté réelle de se trouver lié en cas d’inexécution du débiteur telles que « faire le nécessaire pour », « prendre toutes les dispositions pour », « faire en sorte que ». Dès lors que le résultat n’est pas atteint, le débiteur de l’obligation ne peut s’exonérer que par la force majeure ou le cas fortuit. Néanmoins, pour les sociétés anonymes, la société qui souscrit une lettre d’intention génératrice constitutive de garantie, doit, au sens de l’article L. 225-35 alinéa 4 du Code de commerce, obtenir, au préalable, l’autorisation du conseil d'administration de la société.43 41 V. par exemple Cass. com. 18 avr. 2000, Bull. civ. IV, n° 78; Banque et Droit juill.-août 2000, p. 53, obs. N. R; D. 2000, AJ p. 257, obs. J. Faddoul, et 2001, Somm. p. 700, obs. L. Aynès; RTD com. 2000, p. 664, obs. C. Champaud et D. Danet; Rev. sociétés 2000, p. 520, obs. A. Constantin; Cass. com. 18 mai 2005, RD banc, et fin. 2005, n' 173, obs. A. Cerles; Dr. et patrimoine févr. 2006, p. 131, obs. P. Dupichot 42 article 2321 alinéa 1er du Code civil 43 Cass.com. 19 avril 2005 : «la société qui s'oblige à faire le nécessaire pour que sa filiale respecte ses engagements envers un tiers contracte à l'égard de celui-ci une obligation de faire s'analysant en une obligation de résultat». Une telle obligation est « constitutive d'une garantie nécessitant l'autorisation du conseil d'administration de la société» en application de l'article L. 228-35, alinéa 4, du code de commerce. » 25 La consécration des lettres d’intention comme de véritables sûretés par leur introduction dans le Livre Quatrième du Code civil sans distinction entre les degrés du caractère contraignant de l’engagement ne permet désormais plus de distinguer là où la loi ne distingue pas. La définition nouvelle des lettres d’intention de l’article 2232 du Code civil suscite donc de nouvelles interrogations quant à leur avenir. En premier lieu, comment la Cour de cassation mettra-t-elle en exergue quelles lettres d’intention sont constitutives de garanties, pouvant le cas échéant être appréhendées par les exigences de l’article L. 225-35 du Code de commerce et celles qui n’ont qu’une portée relative, voire dépourvue de conséquences juridiques (engagements d’honneur…) ? La définition de l’article 2322 du Code civil recouvre-t-elle les lettres d’intention reconnues par la Cour de Cassation comme constituant de véritables engagements de portefort soumis à l’exigence d’une mention manuscrite du porte-fort conformément aux exigences de l'article 1326 du code civil ?44 44 Cass. com. 13 déc. 2005, : «celui qui se porte-fort de l'exécution d'un engagement par un tiers s'en gage accessoirement à l'engagement principal souscrit par le tiers à y satisfaire si le tiers ne l'exécute pas lui-même»D. 2006, A1 p. 298, obs. X. Delpech; JCP 2006, II, 10021, 2e espèce, note P. Simler; JCP E 2006, 1342, note P. Crosser; Defrénois 2006, p. 414, note E. Savaux; Contrats, conc., consom. 2006, n° 63, note approbative L. Leveneur; Banque et Droit mars-avr. 2006, p. 17, obs. N. R.; adde sur cet arrêt I. Riassetto, Le porte-fort d'exécution, une garantie à la recherche de son caractère, Rev. Lamy Droit civil, avr. 2006, p. 26. ; « Les lettres d’intention se portent-elles fort ? » P. Dupichot Lamy Droit civil 2006 26 La pratique bancaire fait mention d’une acceptation relative des nouvelles sûretés personnelles, garanties issues de la pratique dont des définitions légales ont été insérées dans le Code civil. Ainsi, la profession bancaire reste défavorable à la définition de la garantie autonome ou la lettre d’intention pour diverses raisons. En premier lieu, des raisons juridiques viennent modérer l’accueil des nouvelles sûretés personnelles par la profession bancaire : selon l’avis de la Fédération Bancaire Française, ce type de garantie n’a pas vocation à faire partie des dispositions du droit civil et du droit des obligations, la meilleure place pour ces garanties aurait été le Code des sociétés ou le Code de commerce, puisque ces sûretés, lettre d’intention et garantie autonome ne sont pas souscrites par des particuliers pour leurs besoins personnels mais par des dirigeants d’entreprises. En deuxième lieu, la FBF considère la définition de ces garanties comme « contreproductive »45. En effet, la jurisprudence française et étrangère, dans le cadre des transactions internationales impliquant ce type de garanties a déjà défini et précisé les contours de ces sûretés. Aussi, en l’absence de réforme du cautionnement, les définitions de ces garanties sont encore moins compréhensibles puisqu’elles visaient avant tout, dans le projet de réforme, à distinguer ces deux types de garanties du cautionnement lui-même. Enfin, les banques s’interrogent outre mesure encore sur la place de la lettre d’intention dans le chapitre réservé aux sûretés et se demandent s’il faudra de ce fait la soumettre, quelle que soit sa rédaction, à l’autorisation préalable du conseil d’administration ou du conseil de surveillance. Cela ferait perdre aux lettres d’intention une bonne partie de leur intérêt, puisque selon les distinctions opérée par la jurisprudence entre lettres donnant lieu à un engagement de moyens u de résultat, seules ces dernières sont, dans les SA, 45 « La position de la Fédération bancaire française sur le projet de réforme du droit des sûretés » A. Bac Droit et Patrimoine n° 140 septembre 2005 p 98 27 subordonnées à l’exigence d’autorisation préalable. En ce qui concerne le cautionnement, les critiques de la FBF viennent de ce que les propositions du rapport Grimaldi en matière de cautionnement ont été retirées par le Parlement du champ d’habilitation de la loi. Il est en effet dommageable que les propositions du groupe de travail aient été non validées, dans la mesure où la profession bancaire se félicitait des nouvelles dispositions qui étaient envisagées. Ainsi de la distinction entre caution avertie et de la caution profane, qui mérite une protection accrue, distinction qui n’entre pas dans le champ de la loi Dutreil du 1er août 2003. 28 TITRE 2nd : La souplesse du nouveau régime très novateur en matière de sûretés réelles. En matière de sûretés réelles les innovations sont au contraire très marquées par l’introduction du gage sans dépossession en droit des sûretés françaises (Section 1), l’accueil dans notre droit de l’hypothèque rechargeable et du prêt viager hypothécaire, mais aussi dans les assouplissements considérables des règles en matière de sûretés mobilières ou immobilières préexistantes telle la quasi généralisation de la validité du pacte commissoire et l’assouplissement des règles en matière d’hypothèque conventionnelle afin d’en faciliter la constitution et l’exécution.(Section 2) Section 1. Les sûretés mobilières : une révolution en cours. La principale nouveauté concerne l’introduction en droit français du gage de meubles corporels sans dépossession du débiteur, (§1), bien que le banquier soit également directement intéressé par les nouvelles dispositions en matière de nantissement de meubles incorporels et en particulier du nantissement de solde de compte bancaire. (§2) §1. L’accession en droit français du gage de meubles corporels sans dépossession du constituant, une souplesse d’utilisation à toute épreuve. A coté du gage de meubles corporels de droit commun, qui coexiste avec le traditionnel gage avec dépossession (A) ; la réforme a laissé subsister des sûretés sans dépossession archaïques dépourvues d’intérêt en la présence de ces deux principaux gages de droit commun. (B) A. Le gage de meubles corporels de droit commun peut être conclu sans dépossession du constituant: une révolution en cours. 1. Le nouveau gage sans dépossession du constituant de droit commun, une révolution en cours. 29 Le Livre 4 du Code civil tel que modifié par l’ordonnance du 23 mars 2006 introduit dans le nouveau droit des sûretés une distinction sémantique fondamentale, une summa divisio entre le gage de meubles corporels et le nantissement de meubles incorporels. Le nouveau régime préfère désormais retenir une appellation traditionnelle entre le « gage », appellation réservée aux biens corporels et « nantissement » dont l’usage revient aux biens incorporels. Il est permis de se poser la question, dans la mesure où les cas de nantissements régis par des textes spéciaux particuliers sans dépossession du constituant tels par exemple le « nantissement de matériel et d’outillage »46, qui n’ont point été modifiés ou supprimés pour être refondus par le groupe de travail, si l’appellation continuera en pratique à être employée selon la volonté du législateur de 1951. Néanmoins ce n’est point dans la sémantique qu’il faille rechercher les innovations majeures en matière de gage de meubles corporels, mais dans l’innovation la plus importante, l’institution d’un gage sans dépossession qui devient le gage de droit commun. Une nouvelle révolution a été consacrée dans le nouveau chapitre 2 du Titre 2 consacré aux « sûretés réelles » du Code civil, qui est désormais consacré au gage de meubles corporels. Parmi les innovations les plus importantes, il faut noter que le gage devient dans la loi non plus un contrat réel reposant sur la dépossession47, mais un contrat consensuel48dont la conséquence directe est l’option des parties d’en faire une sûreté avec ou sans dépossession. Régi par les articles 2333 à 2354, le gage de meubles corporels se définit comme « (…) une convention par laquelle le constituant accorde à un créancier le droit de se faire payer par préférence à ses autres créanciers sur un bien mobilier ou un ensemble de biens mobiliers corporels, présents ou futurs. Les créances garanties peuvent être présentes ou futures ; dans ce dernier cas, elles doivent être déterminables. »49 46 Loi du 18 janvier 1951 relative au » nantissement de l'outillage et du matériel d'équipement » et décret d’application n °51-194 du 17 février 1951. 47 En réalité, le contrat de prêt « consenti par un professionnel du crédit » avait déjà perdu son caractère réel depuis un arrêt en date du 28 mars 2000, (Bull 2000 I N° 105 p. 70 ; Semaine juridique, 2000-04-26, n° 17, p. 753, conclusions J. SAINTE-ROSE. Dalloz, 2000-06-08, n° 22, p. 482, note S. PIEDELIEVRE.) 48 qu’il s’agisse par ailleurs d’un gage civil (abrogation de l’article 2076 du Code civil) ou commercial (abrogation de l’article L.521-2 du Code de commerce). 49 Art. 2333 du code civil 30 Nul n’est désormais question de dépossession de la chose du constituant entre les mains du créancier pour la formation du contrat. Désormais le contrat est parfait entre les parties par l'établissement d'un écrit désignant la ou les dettes garanties et le ou les biens donnés en gage.50 Le gage n’est plus un contrat réel.51 Or la condition de dépossession, qui était une condition de validité du gage, soumise en outre à certains caractères, lorsqu’il était un contrat réel, devient désormais l’une des conditions d’opposabilité du contrat de gage aux tiers. En effet, désormais les conditions de validité du gage de meubles corporels sont énoncées dans les articles 2333 et suivants du Code civil et comprennent la nécessité de rédaction d’un écrit comportant la désignation de la dette garantie et la quantité et espèce des biens gagés. En effet, les règles de constitution du gage n’ont nullement été bouleversées, abstraction faite de l’éventuelle publicité aux fins d’opposabilité aux tiers ou du caractère consensuel du contrat qui donne plein effet au contrat dès la signature de celui-ci. D’ailleurs, aucun formalisme n’a été prévu de manière à encadrer le consentement du constituant profane lors de la constitution du gage, qui prend désormais effet dès la signature de la convention. Néanmoins le contrat de gage de meubles corporels doit être consigné dans un écrit signé par le créancier et le constituant52, contenant certaines mentions obligatoires à peine de nullité, telles la désignation de la dette garantie, la quantité des biens donnés en gage et leur espèce et nature.53 Il peut être en revanche constitué par le débiteur ou un tiers (Art. 2324 nouveau). Un époux ne peut accorder en gage un bien commun sans accord de l’autre époux (Art. 1422 modifié). Dès la signature, le gage devient parfait entre les parties. Afin d’avertir les tiers, un enregistrement sur un registre spécial sera organisé par voie réglementaire, afin de centraliser toutes les publicités de gages sans dépossession. Désormais donc le choix est 50 Art. 2336 : « Le gage est parfait par l’établissement d’un écrit contenant la désignation de la dette garantie, la quantité des biens donnés en gage ainsi que leur espèce ou leur nature. » 51 A l’exception des gages spéciaux nécessitant la dépossession 52 Art. 2074 ancien du Code civil. 53 Art. 2336 nouveau « Le gage est parfait par l’établissement d’un écrit contenant la désignation de la dette garantie, la quantité des biens donnés en gage ainsi que leur espèce ou leur nature. « 31 offert au créancier : le gage avec dépossession ou laisser le débiteur en possession de la chose tout en l’inscrivant au registre prévu. D’ailleurs en matière d’entrée en vigueur des dispositions concernant le gage de meubles corporels, les dispositions concernant le gage avec dépossession sont entrées en vigueur le 25 mars 2006, tandis que celles relatives au gage sans dépossession sont subordonnées à l’entrée en vigueur du décret d’application organisant le système de publicité. La pratique juridique a néanmoins commencé l’application des dispositions relatives à ce gage dès l’entrée en vigueur de l’ordonnance, conformément aux principes de droit commun de l’applicabilité directe de la réforme aux contrats en cours. En revanche, les conditions d’opposabilité du gage ne sont plus à trouver dans les formalités contenues dans l’écrit du contrat, mais se reportent à la publicité (dans le cas traditionnel d’un gage avec dépossession), ou dans la dépossession elle-même entre les mains du créancier ou d'un tiers convenu. En outre, parmi les principales innovations de l’ordonnance, il faut mentionner la possibilité de constituer un gage de choses fongibles corporelles et surtout de choses (et de créances) futures, pourvu que ces dernières soient au moins déterminables54, ces précisions autorisant, sans le dire expressément, le gage sur stocks, auquel des dispositions particulières sont cependant consacrées dans le Code de commerce. En revanche le gage n’est possible que sur des biens appartenant au constituant, le gage du bien d’autrui étant nul. Le créancier dispose d’un droit d’action en responsabilité en cas de violation à ladite règle. (Art. 2335 du Code Civil). En outre le gage sur choses fongibles emporte obligation pour le créancier de tenir ces choses séparées des choses de même nature qu'il détient, sauf dispense expresse, qui l'autorise, alors, à disposer des choses gagées, à charge de restituer la même quantité de choses équivalentes. 2. Le nouveau gage de droit commun et la place du créancier gagiste. a). Les nouvelles conditions d’opposabilité et de préservation de ses droits sur le gage. 54 Art 2333 nouveau « Le gage est une convention par laquelle le constituant accorde à un créancier le droit de se faire payer par préférence à ses autres créanciers sur un bien mobilier ou un ensemble de biens mobiliers corporels, présents ou futurs. Les créances garanties peuvent être présentes ou futures ; dans ce dernier cas, elles doivent être déterminables. » 32 La publicité permet de régler les conflits entre créanciers gagistes. Lorsqu’un même bien a fait l’objet de plusieurs gages successifs sans dépossession, l’article 2339 alinéa 1 organise leurs rangs respectifs en fonction de la date d’inscription de la sûreté. En cas de constitution d’un gage sans dépossession sur un bien suivi d’un gage avec dépossession, le droit de préférence du premier créancier régulièrement publié sera opposable au second nonobstant le droit de rétention du second créancier. (Art. 2339 alinéa 2 nouveau). L’on constate que le droit de rétention perd de son efficacité avec l’institution du gage sans dépossession. Il était autrefois la prérogative la plus efficace du créancier gagiste. Il tombe désormais devant la publicité antérieure d’un gage sans dépossession. Pendant l’exécution du contrat, les parties sont tenues à certaines obligations. Celles-ci diffèrent selon que le gage est constitué avec ou sans dépossession. En cas de gage avec dépossession, le créancier ou le tiers convenu qui possède la chose entre ses mains, doit conserver le bien et engager toutes dépenses utiles pour la conservation du bien (Art. 2243). Les fruits éventuellement tirés du bien sont perçus par le créancier et amputés sur les intérêts ou, à défaut, sur le capital de la dette (Art. 2345). Le débiteur a une action en restitution du bien gagé, notamment des choses fongibles, au cas où le créancier n’aurait pas satisfait à son obligation de conservation (Art. 2344 alinéa 1). Une possibilité du créancier d’inter changer les biens fongibles est prévue, à condition de les restituer sous la forme et quantité équivalentes. (Art. 2341 al. 2). En cas de gage sans dépossession, toutes les obligations de conservation incombent au constituant, le créancier pouvant agir en déchéance du terme ou en demande de complément du gage en cas de non satisfaction du débiteur à ses obligations. (Art. 2344) La réalisation du gage reste, en cas d’inexécution de l'obligation garantie la possibilité du créancier de demander la vente en justice ou l'attribution judiciaire du gage (Art. 2078 ancien) remplacé par les articles 2346 et 2347 nouveaux), moyennant évaluation par expert. Si la clause de voie parée, qui permettrait au créancier de se faire justice à soimême en s'affranchissant des procédures d'exécution, reste prohibée (Art. 2346 nouveau), le pacte commissoire est au contraire autorisé (Art. 2348)., sauf en matière de crédit à la consommation (Art. L.311-32 al.3 nouveau). Il s’agira pour les parties de convenir, dès la convention de gage ou postérieurement, qu'à défaut d'exécution le créancier deviendra pro33 priétaire du bien gagé, dont la valeur est estimée, à défaut d'accord, par voie d'expertise judiciaire. b). La summa divisio gage avec ou sans dépossession repose sur une notion aux contours flous : celle de la « dépossession du constituant ». La dichotomie nouvelle entre le gage traditionnel avec dépossession et le gage sans dépossession, repose sur une distinction aux contours flous : il s’agit de la notion de dépossession du créancier. Traditionnellement, la jurisprudence exige des caractéristiques précises et fermes pour admettre l’idée de dépossession dans le gage. La dépossession doit être effective en vertu de l’article 2076 ancien du Code civil. A défaut de la loi, la jurisprudence est venue également fixer les caractéristiques de la dépossession du constituant. La dépossession doit ainsi être « effective, apparente et permanente ». Si l’étude des caractéristiques de la dépossession semble primordiale, c’est parce que c’est de la dépossession que dépend l’opposabilité du gage aux tiers : ainsi, comme il a été énoncé plus haut, le gage avec dépossession est opposable aux tiers par une mise en possession effective entre les mains du créancier, tandis que le gage sans dépossession est rendu opposable aux tiers par la publicité du gage sur un registre spécial. La jurisprudence antérieure s’appliquant au gage avec dépossession sera-t-elle transposable à celle du gage sans dépossession ? De l’opposabilité du gage dépend l’efficacité de la sûreté aux yeux des tiers. Il s’agit donc d’étudier les contours, souvent flous, de la dépossession effective ou non effective du constituant, pour déterminer de quel type de gage il s’agit ! Il faut espérer que la distinction, entre gage avec ou sans dépossession, qui repose sur une notion aussi controversée en jurisprudence, ne nuira pas au succès escompté des nouveaux gages en droit français. Il faut retenir que selon la jurisprudence, la dépossession doit être cumulativement « effective, apparente et permanente », caractères qui relèvent de l’appréciation souveraine 34 des juges du fond. Le droit de rétention du créancier gagiste qui possède le bien entre ses mains ne se perd, a priori que par dessaisissement volontaire. En premier lieu, la dépossession doit être effective : à savoir « réelle et exclusive, semblable à celle qu’exigent les articles 1141 et 2279 anciens du Code civil ». Ainsi il est exclu pour le constituant de continuer à avoir un droit sur la chose, par exemple au titre d’un contrat de louage, voire de conserver une maîtrise sur la chose pour cause de détention d’un droit sur l’endroit où est entreposé le bien garanti. Cass.com. 13 février 1990) En deuxième lieu elle doit être apparente : la dépossession du constituant vise à avertir clairement les tiers sur l’identité du nouveau possesseur de la chose et la dépossession corrélative du constituant.(exemple Cass.com. 3 novembre 1980) Enfin la dépossession doit être permanente : le créancier gagiste ou le tiers convenu doivent détenir la chose donnée en gage de manière permanente, continue. Si le créancier gagiste se dépossède volontairement de la chose soit de manière générale, soit pour le remettre entre les mains du propriétaire, le contrat de gage devient caduc. Il en va de même lorsque le créancier, en matière maritime, remet au débiteur le connaissement, titre permettant de prendre livraison des biens livrés. Les caractères de la dépossession fermement reconnus par la jurisprudence ne sont cependant pas sans exceptions. En effet, des exceptions sont de longue date reconnues par quelques arrêts d’espèce visant de manière générale à permettre au constituant, dans un gage avec dépossession, de reprendre en possession le bien de manière momentanée, lorsqu’il est le seul à même de procéder à un tel soin, afin de valoir des droits sur le bien ou de fournir des soins particuliers à l’assiette du gage. Les exceptions revêtent différentes formes : - tantôt de permettre au banquier gagiste de conserver les marchandises dans un local jusqu à la vente prévue de celles-ci. (Cass civ 25 nov 1891) - ou encore de permettre de réaliser des traitements sur des sacs de riz. (Cass requetes 11 avril 1933). 35 En outre, la jurisprudence avait reconnu, dans le gage avec dépossession, une action en revendication exerçable par le créancier et prescriptible dès la 30ème année contre le constituant de mauvaise foi pour le bien perdu ou volé. Il ets permis de se demander si le jurisprudence appliquera les mêmes décisions vis-à-vis du créancier de mauvaise foi : Ainsi une décision en date du 28 novembre 1989, nous renseigne sur le caractère apparent de la mise en possession et sur la mauvaise foi du débiteur. Dans cette espèce, des graines sont entreposées dans un silo détenu par une société tierce qui gère le stock pour le compte d’une banque constituant du gage. La Cour retient que la banque, dont la mauvaise foi n’est pas rapportée selon l’appréciation souveraine des juges du fond, ne peut faire échec à l’application de l’article 2279 du Code civil qui profite au détenteur de la chose présumé de bonne foi. Une décision en date du 18 janvier 2000 de la 1e chambre civile de la Cour de Cassation en matière de warrant agricole apporte de s précisions sur l’appréciation de la mauvaise foi dans cette sûreté dont le régime est souvent calqué sur celui du gage en jurisprudence. Ainsi, la Cour de Cassation retient que si la mauvaise foi de l’acheteur des graines peut être retenue sur des marchandises identifiables en cas de connaissance par celui-ci de l’existence du warrant, le seul fait de publier le warrant n’est pas une condition suffisante pour renverser la présomption de bonne foi du débiteur en application de l’article 2268 du Code civil. De plus, des distinctions doctrinales ajoutent des interrogations quant à la notion de dépossession, réflexions fondées sur la théorie de la possession corpore alieno, selon laquelle la possession de manière générale pourrait se décomposer en deux prérogatives distinctes. La possession impliquerait le pouvoir de disposer matériellement de la chose (corpus) d’une part, combiné avec la conviction de posséder la chose (animus) de l’autre. La théorie reçoit des applications concrètes en jurisprudence, notamment dans le régime du gage ou de l’antichrèse. Dans cette hypothèse la perte de la possession peut s’analyser en la perte des deux prérogatives simultanément ou seulement d’une d’entre elles. En perdant l’animus, le possesseur détient encore le corpus de la chose. En revanche en perdant uniquement le corpus, le possesseur a été dessaisi de la chose de manière involontaire (par exemple par vol ou perte) dans le cas où la chose est un meuble. 36 Il faut attendre des applications concrètes en jurisprudence pour voir de quelle manière, saisie d’une contestation, la jurisprudence déterminera les caractères de la possession effective dans le gage afin d’en déterminer la nature, à défaut des parties. B. Le gage de stocks : une sûreté dénuée d’utilité. L’ordonnance du 23 mars 2006 prévoit la constitution d’un gage sans dépossession qui peut porter notamment sur des biens corporels fongibles, lesquels peuvent en outre être futurs à condition d’être au moins déterminables.55 De là découle la possibilité de constituer un gage sur des stocks de marchandises, prévue expressément par un chapitre VII nouveau (art. L. 527-1 à L. 527-11 du Code de commerce). Il eût été possible de faire l'économie de ces textes, dans la mesure où le gage sans dépossession permet déjà de réaliser une telle sûreté sur des biens meubles corporels. Néanmoins le régime du gage de stocks doit être brièvement exposé : réservé aux établissements de crédit, le gage sur stocks peut être consenti par toute personne morale ou toute personne physique dans l'exercice de son activité professionnelle. Il doit être passé par écrit et doit contenir un certain nombre de mentions à peine de nullité.56 Il doit être inscrit sur un registre public tenu au greffe du tribunal du ressort du débiteur. Il est renvoyé aux dispositions du Code civil pour les modes d'exécution : vente forcée ou attribution judiciaire. Mais, paradoxalement, le projet prohibe, pour le gage commercial sur stocks, le pacte commissoire, autorisé pour le gage civil de droit commun. Certaines critiques peuvent être apportées à l’introduction du dispositif nouveau relatif au gage sur stocks. Il eut été possible de faire l’économie de ces dispositions dans la mesure 55 L’entrée en vigueur des dispositions sur le gage des stocks entrent en vigueur dès la publication d’un décret d’application (Art. 527-11 nouveau du Code de commerce) 56 Art. L.527-1 : « Tout crédit consenti par un établissement de crédit à une personne morale de droit privé ou à une personne physique dans l’exercice de son activité professionnelle peut être garanti par un gage sans dépossession des stocks détenus par cette personne. Le gage des stocks est constitué par acte sous seing privé. A peine de nullité, l’acte constitutif du gage doit comporter les mentions suivantes : 1° La dénomination : “acte de gage des stocks ; 2° La désignation des parties ; 3° La mention que l’acte est soumis aux dispositions des articles L. 527-1 à L. 527-11 ; 4° Le nom de l’assureur qui garantit contre l’incendie et la destruction ; 5° La désignation de la créance garantie ; 6° Une description permettant d’identifier les biens présents ou futurs engagés, en nature, qualité, quantité et valeur ainsi que l’indication du lieu de leur conservation ; 7° La durée de l’engagement. Les dispositions de l’article 2335 du code civil sont applicables. Un gardien peut être désigné dans l’acte de gage. » 37 où le gage sans dépossession permet déjà, au vu de l’extension de l’assiette du gage, de constituer une telle sûreté sur un ensemble de biens fongibles. En outre, étant de nature commerciale, un régime dérogatoire du gage sur stocks plus formaliste encore que le gage ne se justifie guère. Il est peu probable que le gage sur stocks rencontre le succès escompté dans la pratique commerciale, notamment au vu des mentions obligatoires devant figurer dans l’acte constitutif du gage de stocks ou encore des délais brefs (15 jours à compter de l’acte) imposés pour l’inscription qui sont imposées à peine de nullité. De plus, sans justification aucune, le pacte commissoire n’est pas autorisé en la matière alors qu’il le devient dans le gage sans dépossession. Vu son caractère pénalisant, un établissement de crédit peut-il soumettre le gage des stocks au droit commun? Il semble que la réponse soit négative. Dans le cas contraire, il serait possible de contourner les dispositions protectrices édictées en faveur du constituant. De plus, à côté du gage sur stocks le législateur a institué un régime spécial de gage automobile, dont les conditions d’application doivent être précisées par décret. L’Article 2351 le prévoit lorsqu’il porte sur un véhicule terrestre à moteur ou une remorque immatriculés, le gage est opposable aux tiers par la déclaration qui en est faite à l’autorité administrative dans les conditions fixées par décret en Conseil d’Etat.57 Les dispositions relatives au gage automobile, enfin, sont intégrées au Code civil, l'opposabilité aux tiers restant subordonnée à une déclaration à la préfecture ; son régime s'en trouve corrélativement modifié, les voies d'exécution étant celles du Code civil cidessus esquissées, et non plus celles prévues au Code de commerce. §2. Le nantissement de meubles incorporels, un assouplissement considérable au profit du banquier. A côté du nantissement de meubles incorporels réformé par l’ordonnance,(A) le banquier intéresse surtout l’accueil de sûretés redéfinies telles le nantissement de solde de compte bancaire. (B) 57 A la date qui sera ainsi fixée, sera abrogé le décret n° 53-968 du 30 septembre 1953 relatif à la vente à crédit des véhicules automobiles 38 A.Le nantissement meubles incorporels. Le nantissement de meubles incorporels est désormais régi par les nouveaux articles 2355 à 2366, et peut être conventionnel ou judiciaire. Pour celui constitué par le juge à titre conservatoire, il est renvoyé aux dispositions relatives aux procédures civiles d'exécution. Une distinction est faite, s'agissant du nantissement conventionnel, entre celui ayant pour objet les créances et celui portant sur d'autres biens incorporels. Pour ce dernier, il est renvoyé, sauf dispositions spéciales, à celles du gage. En revanche, le nantissement de créance fait l'objet de dispositions novatrices. Il doit être conclu par écrit à peine de nullité. Il doit désigner les créances nanties ou du moins, s'ils 'agit de créances futures, permettre leur individualisation. S'il porte sur un compte, il a pour objet le solde, provisoire ou définitif, sous réserve des opérations en cours, au jour de la réalisation de la sûreté ou, dans l'hypothèse d'une procédure collective, au jour du jugement. Il est opposable de plein droit aux tiers à la date de l'acte et son opposabilité au débiteur est seulement subordonnée à une notification ou à son intervention à l'acte, et non plus à une signification par voie d'huissier. Seul le créancier nanti peut alors valablement recevoir paiement, qui s'impute sur la créance si elle est exigible ou qui, dans le cas contraire, est porté sur un compte ouvert auprès d'un établissement habilité. En cas de défaillance du débiteur, la créance nantie peut, comme le gage, faire l'objet d'une attribution judiciaire, à moins que les parties soient convenues d'un pacte commissoire. La solution de la vente judiciaire est écartée. Faute d'habilitation, l'ordonnance est muette sur le nantissement d'instruments financiers et de monnaie scripturale, que l'avant-projet du groupe de travail souhaitait réintégrer dans le Code civil, de tels actifs figurant dans le patrimoine de nombreux Français, auxquels un Code monétaire et financier est plus difficilement accessible qu'un Code civil. B. Le nantissement de solde compte : des innovations opportunes. Le nantissement de compte joue un rôle considérable en matière de pratique bancaire. Pratiquement toutes les sûretés réelles prises par le banquier, et en particulier en ce qui concerne les grands projets internationaux dans lesquels les banques françaises tiennent le rôle de créancier bénéficiaire ou de garant, sont prises sur le compte bancaire des sociétés en cause. 39 Il faut rappeler que le nantissement de solde de compte bancaire est bien un nantissement de solde du compte et non des sommes qui y figurent prises individuellement. Il s’agit en effet d’une affectation en garantie des sommes sur un compte par un constituant, étant donné que le plus souvent la banque bénéficiaire est aussi teneur du compte, qui peut être bloqué ou courant. La nature juridique du nantissement de solde de compte bancaire a en effet été controversée quant à cette distinction en fonction de la nature du compte, qui rejaillit sur celle de la nature (corporelle ou incorporelle) de la monnaie, réelle ou scripturale ; ainsi que son mode de fonctionnement. En effet, si le compte est bloqué, le nantissement deviendrait alors un nantissement de monnaie scripturale, une créance sur le solde du compte qu’il fallait soumettre à la formalité contraignante de la signification en vertu de l’article 2075 du Code civil, la banque devant souvent en pratique se signifier à elle-même. Lorsque les conditions de la connexité étaient remplies au jour de l’ouverture de la procédure collective, la compensation des sommes pouvait s’opérer au profit du créancier. Une seconde analyse a été proposée pour échapper à ce formalisme ; la monnaie scripturale serait alors un bien corporel, obéissant au régime du gage de droit commun (le gage antérieur avec dépossession), et la garantie serait constituée, en raison du caractère réel du gage par simple inscription en compte des sommes. Le banquier pourrait alors se faire attribuer le solde créditeur sans évaluation judiciaire. La jurisprudence a semblé consacrer la théorie selon laquelle le nantissement de solde de compte bancaire serait proche de la fiducie-sûreté, la propriété des sommes sur le compte étant transférée au créancier en garantie qui les restitue. Le dénouement s’opère par compensation ou par un droit de propriété acquis définitivement. Néanmoins dans cette décision un doute planait sur la nature du compte en l’espèce.58 Désormais s'il porte sur un compte, le nantissement de solde de compte bancaire a pour objet le solde, provisoire ou définitif, sous réserve des opérations en cours, au jour de la réalisation de la sûreté ou, dans l'hypothèse d'une procédure collective, au jour du jugement. Il gagne ainsi en souplesse en cas d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire. En effet, en cas d’ouverture d’une procédure collective, l’article 2360 énonce que les droits du créancier nanti portent sur le solde du compte à la date du jugement 58 Cass com. 3 juin 1997 40 d’ouverture. Le nantissement est constitué par la signature par le constituant d'une déclaration de gage59. Toutefois, des doutes subsistent sur la date de la constitution du gage à retenir : est-ce celle mentionnée sur la déclaration de gage ou celle de la réception de la déclaration par le teneur de compte? La réforme entérine le doute en matière de solde de compte bancaire bloqué et estime que le nantissement de compte bloqué s'analyse comme un nantissement de créances 60. Les formalités prévues à l'article 2075 du code civil s'appliquent. Contrairement au gageespèces, le créancier gagiste doit attendre la fin de la période d'observation avant de réaliser son gage. Le créancier titulaire d’un gage espèces est en effet mieux loti : le banquier devient propriétaire des sommes déposées en vertu de la cession fiduciaire61. La réalisation du « gage» s'effectue par compensation entre la créance du banquier sur le constituant au titre de l'obligation garantie et celle en restitution du constituant du gage à l'encontre de la banque au titre du gage-espèces62. Cette compensation est valable, même en cas d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire. Le créancier «gagiste» n'est donc pas soumis à la règle de la suspension des poursuites. Section 2. Les sûretés immobilières : des innovations majeures. Si les sûretés traditionnelles ont été assouplies de manière considérable, soit en consacrant des usages issus de la pratique notariale ou bancaire, soit en rénovant leurs régimes respectifs (§1), de nouvelles sûretés réelles immobilières ont été introduites dans le droit des sûretés françaises, dont le succès escompté doit faire ses preuves du côté des praticiens comme des consommateurs (§2) 59 La forme de la déclaration est établie par le décret n" 97-509 du 21 mai 1997 V. Lamy Droit des sûretés, préc., n' 269-57. Une partie de la doctrine moderne assimile la monnaie scripturale à un bien corporel. Pour Simler et Delebecque, op. cit., n° 635, le banquier teneur de compte bloqué est propriétaire des sommes inscrites au compte et peut donc réaliser le gage par voie de compensation 61 V Cass. com. 3 juin 1997, Bull. civ. IV, n° 165; D. 1998, Jur. p. 61, note J.. François, et Somm. p. 104; obs. S. Piedelièvre; JCP 1997, 11,_ 22891, rapport J: R. Rémery; V. aussi Lamy, Droit des Sûretés, «Gage sur sommes d'argent», n° 269-29 62 V. Cass. com. 3 juin 1997, préc 60 41 §1. De la consécration des pratiques notariales en matière d’hypothèque conventionnelle aux innovations majeures de l’antichrèse : un droit épousseté. A. L’hypothèque conventionnelle : le recul du principe de spécialité pour une sûreté souple et moins coûteuse. La réforme des sûretés s’est donnée pour défi de faire de l’hypothèque une sûreté plus souple et favoriser sa constitution et sa réalisation, mais tout en conservant la protection du constituant contre un engagement irréfléchi ou indéfini. Par conséquent, deux assouplissements ont été apportés au principe de spécialité de l’hypothèque quant à la créance garantie. (l’hypothèque sur créances futures et l’hypothèque rechargeable) Le groupe de travail dirigé par le professeur Grimaldi a souhaité avant tout moderniser la pratique notariale en matière d’hypothèque, tout en rendant cette sûreté souple et efficace. Il a souhaité «développer le crédit hypothécaire (...) en simplifiant la mainlevée de l'inscription hypothécaire et en diminuant son coût, et en veillant à protéger les intérêts des personnes qui en bénéficient»63. Ainsi le législateur fait reculer le principe de spécialité de l’hypothèque afin de la doter d’une efficacité et d’une souplesse bienvenues, (1) tout en protégeant le constituant de la garantie.(2) 1. Le recul du principe de spécialité de l’hypothèque pour une sûreté souple et efficace. Le projet Grimaldi s’est fixé un objectif ambitieux : rendre l’hypothèque plus souple, tout en autorisant, dans les limites fixées par la loi, qu’elle soit constituée sur des biens immobiliers présents comme futurs et en autorisant le pacte commissoire. Ces mesures ont été accueillies favorablement par la pratique notariale, mais également bancaire, qui privilégie souvent cette forme de sûreté pour sa solidité juridique. Les propositions du rapport Grimaldi en matière de privilèges ont été cependant, pour la plupart écartées. Bien qu’il ne sera pas traité dans cet ouvrage des règles sur les privilèges mises en place par l’ordonnance, en ce qu’elles ne sont que très peu modifiées, les 63 Art. 24, loi n° 2005-842 du 26 juill. 2005 42 propositions les plus entreprenantes en matière de privilèges ont été rejetées par le gouvernement. Ainsi, la proposition de remplacer les privilèges immobiliers spéciaux par des hypothèques légales spéciales a été censurée par le Conseil d’Etat. Le groupe de travail avait en effet proposé de réformer le droit des privilèges immobiliers spéciaux en requalifiant les principaux d’entre eux, qui sont le privilège du vendeur d’immeuble et le privilège du prêteur de deniers, en hypothèques légales spéciales, tout en préservant l’efficacité des privilèges à l’identique. Pour l’instant, la qualification de ces privilèges se justifie par une rétroactivité des effets de leur inscription, qui leur permet dans certaines hypothèses de primer certaines sûretés antérieurement inscrites. Ainsi, le privilège du vendeur inscrit dans les deux mois de la vente d’immeuble prend rang à la date de la vente et prime ainsi l’hypothèque qui aurait été inscrite dans l’intervalle du chef de l’acquéreur. Cette règle de l’antériorité peut être supprimée au profit d’un mécanisme plus simple proposé par le groupe de travail. En premier lieu, tout en conservant la règle de l’effet relatif de la publicité foncière, suivant laquelle un créancier hypothécaire ne peut prendre inscription si le constituant n’a point publié son droit. Le créancier hypothécaire de l’acheteur ne peut publier son hypothèque tant que la vente n’a pas été publiée. En deuxième lieu, la règle de l’antériorité du rang du titulaire d’une hypothèque légale qui aurait publié son droit le même jour que le titulaire d’une hypothèque judiciaire ou conventionnelle relativement à un même immeuble. Ainsi, si le vendeur et le créancier hypothécaire accomplissent le même jour les formalités de publicité, le vendeur titulaire d’une hypothèque légale l’emportera. En dernier lieu, en cas de refus de dépôt du bordereau, la formalité est rejetée. La rétroactivité, à la date du dépôt, de la régularisation du bordereau ne peut jamais attribuer un rang à une date antérieure à celle de la publication du titre de propriété du débiteur. (Code civil, Article 2434). Le créancier hypothécaire de l’acheteur qui dépose le bordereau avant la publication de la vente bénéficie par régulation rétroactive d’un rang préférable à celui de l’hypothèque légale du vendeur. ) Il est regrettable que le projet ait été censuré par le Conseil d’Etat à la lecture du projet de loi. La mesure proposée permettait d'unifier le droit hypothécaire en faisant de l'hypothèque une sûreté spéciale unique qui ne prend rang que du jour de son inscription, ce qui aurait notamment pour effet de favoriser les crédits transfrontaliers : un créancier ayant prêté sous l'empire d'une loi étrangère n'est en effet pas éligible au bénéfice du 43 privilège de prêteur de deniers sur un immeuble sis en France de sorte qu'il doit acquitter la taxe de publicité foncière afférente à toute publication d'hypothèque conventionnelle64. Mis à part ce refus, les propositions du rapport Grimaldi ont été accueillies et s’inscrivent dans un régime souple et cohérent de l’hypothèque organisée dans un Chapitre III à VII du Code civil (Articles 2393 à 2488) organisés en sept sections : - Section préliminaire contenant les principes généraux - Section 1 : Hypothèques légales : hypothèques générales (hypothèque légale des époux et hypothèque légale des mineurs ou des majeurs sous tutelle, hypothèque légale attachée aux jugements de condamnation) et Hypothèques spéciales (Privilèges généraux immobiliers) - Section 2 : Hypothèques judiciaires - Section 3 : Hypothèques conventionnelles - Section 4 : Classement des Hypothèques - Section 5 : Inscription des Hypothèques - Section 6 : Effet des Hypothèques (Droit de préférence et Droit de suite ; La Purge) - Section 7 : Transmission et Extinction des Hypothèques. La définition de l'hypothèque a été elle-même modifiée : c’est «un droit réel sur les immeubles affectés à l'acquittement d'une obligation» en vertu de l'article 239365. L’hypothèque gagne de son efficacité grâce à la réforme. Ses règles ont été assouplies, même si un acte notarié est toujours nécessaire. Néanmoins le recours à deux notaires ou à un notaire et deux témoins est supprimé. Cependant il faut rappeler que ce n’est là qu’une consécration de la pratique notariale déjà établie. L’hypothèque ne peut être consentie que sur des immeubles présents, cependant l’article 2420 énumère 3 exceptions des anciens articles 2130, alinéa 2, 2131 et 2133, alinéa 2. Ainsi, - l’absence ou l’insuffisance de biens présents et libres (article 2420, 1°) ; - la perte ou la dégradation de l’immeuble assujetti à l’hypothèque de manière à ne pas satisfaire la créance dans sa totalité; 64 M. Revillard, obs. sous Cass. 1 re civ. 19 janv. 1999, Defrénois 1999, art. 36976, p. 523 s. 65 La définition de l'art. 2398 de l'avant-projet comme a l'affectation d'un immeuble à l'acquittement en garantie d'une obligation, sans dépossession de celui qui la constitue » était plus précise 44 - les constructions commencées ou projetées sur le bien d’autrui. L’hypothèque peut être consentie également pour sûreté d’une ou plusieurs créances futures pourvu qu’elles soient déterminables (Article 2421), voire pour une durée indéterminée, résiliable à tout moment par le constituant sauf à respecter un préavis de trois mois (Article 2423). Une fois résiliée, l’hypothèque ne demeurera que pour la garantie des créances nées antérieurement (article 2423, alinéa 3). La solution était dégagée par la jurisprudence de longue date.66 Cette option nouvelle concerne les relations prolongées entre des agents économiques liés par une relation durable tels la banque et son client. La cause de la créance garantie est indiquée au stade de l'acte constitutif lui-même67 et non seulement à l'inscription (art. 2421). Toute hypothèque conventionnelle68 doit être consentie, à peine de nullité de l’acte notarié qui la constate, pour le capital, à hauteur d'une somme déterminée (art. 2423, al. 1er). Enfin l'hypothèque s'étend de plein droit aux intérêts et aux autres accessoires69... L’hypothèque, légale, judiciaire ou conventionnelle ne prend rang qu’à la date de son inscription. Il y a en outre un allongement de la durée minimale d’inscription : elle passe de trente cinq à cinquante ans. Les innovations majeures concernent entre autres l’admission du pacte commissoire en matière d’hypothèque, soumis à certaines conditions. Mais l'innovation la plus emblématique de cette réforme du droit hypothécaire procède de l'idée que l'immeuble devient, à certains égards, un actif patrimonial comme les autres ne justifiant plus un traitement «de faveur» : c'est pourquoi la faculté d'attribution judiciaire, jadis unanimement refusée hors de la matière mobilière, est aujourd'hui octroyée au créancier hypothécaire par l'article 2458. Aussi, les parties pourront même convenir, dans l'acte constitutif ou postérieurement, d'une attribution conventionnelle sans besoin d'autorisation du juge, en concluant un pacte commissoire : il semblerait que la 66 Cass. civ. 21 nov. 1849, D. 1849, 1, p. 275; S. 1850, 1, p. 91; Cass. req. 13 août 1855, OP 1855, 1, p. 341; 5. 1855, 1, p. 214. 67 V. déjà Cass. civ. 6 févr. 1939, DP 1939, 1, p. 53, note J. Plassard; S. 1941, 1, p. 145, note R. Rodière 68 Rechargeable ou non, consentie en garantie de créances futures ou même présentes 69 Art. 2423, al. 2, c. civ.; comp larègle connue en matière de cautionnement (art. 2293 c. civ.). 45 consécration du pacte commissoire en matière hypothécaire ait été déjà entamée grâce à une évolution jurisprudentielle récente. 70 Ainsi, la réalisation de l’hypothèque est simplifiée, l’attribution judiciaire ou conventionnelle (pacte commissoire) étant possibles dès lors que l’immeuble ne constitue pas la résidence principale du débiteur (Article 2458 et 2459) et sous réserve d’une expertise (Article 2460). Ainsi, l’attribution judiciaire de l’immeuble hypothéqué (Art. 2458) évite au créancier hypothécaire inscrit de recourir à la saisie et à la vente forcée de l’immeuble, en lui permettant de se faire attribuer judiciairement le bien en cas de défaillance du débiteur. Lorsque la valeur du bien excède le montant de la dette garantie, la différence sera versée au débiteur ou sera consignée en cas de présence d’autres créanciers inscrits. Comme pour le pacte commissoire, l’attribution judiciaire du bien sera subordonnée à son estimation préalable par un expert. Elle est exclue lorsque l’immeuble hypothéqué constitue la résidence principale du débiteur, mais également le pacte commissoire ne peut être conclu ou réalisé pendant les phases de sauvegarde et de redressement du constituant (art. L 622-7 et 631-14 c. com.). La faculté ainsi offerte au créancier de se faire attribuer judiciairement le bien immeuble est une nouveauté majeure de la réforme. De plus, outre l’attribution judiciaire, une attribution conventionnelle est autorisée entre les parties, sans autorisation du juge, par pacte commissoire. Un des garde fous retenus pour ces modes de réalisation efficaces mais expéditifs : le créancier hypothécaire de verser une soulte au débiteur représentant l'excédent de la valeur de l'immeuble attribué sur celle de la créance garantie, soulte qui devrait être consignée par le créancier attributaire en présence d'autres inscriptions (art. 2460 in fine). Aussi, la réalisation de la sûreté ne peut porter sur l'immeuble qui constitue la résidence principale du débiteur : celui-ci ne peut être que vendu sur saisie et non attribué, même judiciairement, en propriété. La mainlevée de l’inscription d’hypothèque conventionnelle a été également simplifiée : désormais la pratique quotidienne notariale est consacrée à l'article 2441, 70 Cass. civ. 1er juill. 1844, S. 1845, 1, p. 17; 26 févr. 1856, S. 1856, 1, p. 667; D. 1856, 1, p. 116; 13 juill. 1891, S. 1892, 1, p. 570; Cass. 1ere civ. 25 mars 1957, Bull. civ. I, n° 149; 5 févr. 1958, Bull. civ. I, n° 78; 26 déc. 1961, Bull. civ. I, n° 622; D. 1962, Jur. p. 381, note P. Voirin. 46 alinéa 3 nouveau. Il s’agit de ne pas faire apparaître les parties à l’acte notarié qui constate la mainlevée. La mainlevée est constatée par dépôt, au bureau du conservateur, d’une copie du certificat attestant de l’acceptation par le créancier de la radiation de l’hypothèque demandée par le débiteur. Le contrôle du conservateur se limite à la régularité formelle de l’acte, à l’exclusion de sa validité au fond. Par parallélisme des formes et procédures, il est probable que l'usage de ce nouveau certificat de mainlevée ne sera pas réservé aux seules inscriptions d'hypothèques conventionnelles71. Enfin la purge amiable hypothécaire, pratiquée depuis un certain nombre d’années par les notaires a été consacrée par le texte de l’article 2475 du Code civil. Ce texte permet au débiteur de convenir, avec l’accord de ses créanciers, d’affecter le prix de revente de l’immeuble au désintéressement exclusif de ces derniers. Il s’agit en d’autres termes de paralyser le jeu du droit de suite du créancier hypothécaire contre l'acquéreur et d’éviter les lourdeurs d’une procédure de purge judiciaire en cas d’échec de l’accord. Ce paiement a pour effet de purger l’immeuble du droit de suite. A défaut des créanciers, c’est le tiers acquéreur qui a la possibilité de purger, en notifiant aux créanciers inscrits une offre de paiement à concurrence du prix, ou, en cas d’acquisition par donation, de la valeur de l’immeuble. Sauf surenchère du dixième, l’immeuble est alors libéré par paiement de la somme offerte. Dans l’hypothèse inverse, l’immeuble est vendu aux enchères à la requête du créancier. L'article 2424 prévoit deux modes de transmission à titre principal de l'hypothèque. En premier lieu, la subrogation à l'hypothèque, par laquelle le créancier cède son hypothèque mais conserve sa créance. La convention porte sur le bénéfice même de la sûreté, droit de préférence et de suite. En second lieu, la cession d'antériorité, par laquelle il cède son rang d'inscription à un créancier de rang postérieur, dont il prend la place. Enfin, il est important de noter qu’un projet de loi Sénat n° 415, 2005-2006 prévoit de simplifier d’avantage encore le régime de l’hypothèque et d’étendre, à toutes les 71 Comp. art. 2448 de l'avant-projet qui ne distinguait nullement suivant la source des hypothèques 47 hypothèques et non plus seulement aux seules hypothèques conventionnelles ainsi qu’aux privilèges les dispositions relatives à la simplification de la mainlevée, à la purge amiable et à l’attribution judiciaire. Enfin, les privilèges de prêteurs de deniers, qui garantissent près de 60 % des crédits immobiliers, pourront être transformés en hypothèques conventionnelles rechargeables, et ce, pendant un délai de deux ans à compter de la promulgation de la loi de ratification. Cette option de substitution, réservée au prêteur ayant déjà publié son privilège avant l’entrée en vigueur de la réforme, devra recueillir l’accord du débiteur et être réalisée par acte authentique, sans coût supplémentaire à la charge du premier. Davantage d’emprunteurs seront ainsi susceptibles de bénéficier des dispositions récentes sur l’hypothèque rechargeable. 2. Les mesures de protection du constituant d’une hypothèque conventionnelle. Outre l’encadrement des conditions du pacte commissoire tel qu’énoncé ci-dessus, lequel reste prohibé pour l’immeuble à usage d’habitation du constituant, la réforme entame une série de mesures aux fins de protection du constituant. Ainsi, en premier lieu, elle prohibe la clause de voie parée en matière d’hypothèque. Le créancier qui poursuit la réalisation du bien hypothéqué devra se conformer aux règles de la saisie immobilière, notamment dans le respect de l'ordonnance n° 2006-461 du 21 avril 2006. La prohibition de la clause de voie parée72 est prévue par l'article 2458 : la convention d'hypothèque ne peut en effet déroger aux modalités de vente du bien hypothéqué prévues par les lois sur les procédures civiles d'exécution. Néanmoins l’on peut penser que les parties restent libres de stipuler ultérieurement une clause de voie parée, ou d’y renoncer. Elle diminue le coût de l’hypothèque : le Conseil Supérieur du Notariat s’est en effet engagé à diminuer le prix de certains émoluments prévus pour le tarif des notaires. Ces émoluments seront revus à la baisse. L’on peut espérer une baisse totale du coût des hypothèques de 500 millions d’euros aujourd’hui à 260 millions. Enfin, elle précise, pour plus de sécurité le régime de l’hypothèque d’un bien indivis. Le régime complexe de l'hypothèque de l'immeuble indivis est précisé par les alinéas 2 et 3 de 72 Clause qui prétendrait autoriser le créancier à vendre le bien à l'amiable, avec le risque que celui-ci se contente d'un prix juste suffisant pour le désintéresser 48 l'article 2414: l'hypothèque échappe à l'aléa du partage lorsqu'elle est consentie par tous les indivisaires. L’article distingue en outre l'hypothèque de la seule quote-part indivise, d'une part, et celle, conditionnelle, de l'immeuble tout entier, d'autre part. Dans les deux cas, le sort de l'hypothèque restera certes tributaire de l'effet déclaratif du partage ; toutefois, l'hypothèque d'une quote-part indivise conservera son effet dans toute la mesure de l'allotissement du constituant, sans plus être limitée à sa seule quote-part. B. L’antichrèse et l’antichrèse-bail : des innovations en demi-ton. 1. L’antichrèse. L’antichrèse présente le double avantage de permettre au créancier d’appréhender les fruits de l’immeuble (loyers) tout en lui conférant un droit de rétention. Mais la réforme consacre ici la jurisprudence qui a admis l’efficacité de l’antichrèse-bail pour permettre au constituant de conserver la détention de l’immeuble. (Article 2390) L’antichrèse est définie comme l’affectation d’un immeuble à la garantie d’une obligation avec dépossession du constituant. L’antichrèse offre au créancier le double avantage de lui permettre d’appréhender les fruits de l’immeuble, en particulier les loyers, et de lui conférer un droit de rétention. Son régime n’est que peu modifié, surtout en ce qui concerne la rédaction des articles, qui ne font que reprendre des solutions jurisprudentielles bien établies. Ainsi des droits et obligations prévues à l’article 2389 qui incombent aux parties : en vertu de ce texte Le créancier perçoit les fruits de l’immeuble affecté en garantie à charge de les imputer sur les intérêts, s’il en est dû, et subsidiairement sur le capital de la dette. Il est tenu, à peine de déchéance, de pourvoir à la conservation et à l’entretien de l’immeuble et peut y employer les fruits perçus avant de les imputer sur la dette. Il peut à tout moment se soustraire à cette obligation en restituant le bien à son propriétaire. En outre le créancier peut, sans en perdre la possession, donner l’immeuble à bail, soit à un tiers, soit au débiteur lui-même.(Art 2390) Il ne peut en revanche réclamer la restitution de l’immeuble avant l’entier acquittement de sa dette.(Art 2391) L’antichrèse est régie par les articles 2387 à 2392 du Code civil, une partie de son régime juridique étant 49 commun aux dispositions de l’hypothèque conventionnelle des articles 2397 in fine, mais aussi des articles 2413, 2414, 2416, 2417 et 2421. 2. La consécration de l’antichrèse bail. Un des apports du projet Grimaldi est de consacrer dans le droit interne l’antichrèse-bail, qui permet au constituant de conserver la détention de l’immeuble : le créancier pourra, sans en perdre la possession, donner l’immeuble à bail, soit à un tiers, soit au débiteur luimême (Code civil, Article 2395). Est ainsi consacrée la notion de dépossession juridique. §2. L’hypothèque rechargeable et le prêt viager hypothécaire : des institutions nouvelles en matière de sûretés immobilières : un succès escompté dans la pratique du droit des sûretés. L’instauration en France de l’hypothèque rechargeable vise à assouplir les règles en matière de constitution de cette sûreté solide et efficace, en permettant à un constituant d’affecter un même bien immobilier à la garantie de plusieurs créances consécutives (A) ; le prêt viager hypothécaire vise une clientèle de la banque plus âgée, afin que celle-ci puisse affecter en remboursement de son prêt bancaire son bien immobilier à usage d’habitation et d’en conserver l’usage jusqu’à son décès, en cas d’impayé le remboursement s’effectuant par exemple par ses héritiers. (B) A. L’hypothèque rechargeable 1. La souplesse de l’hypothèque rechargeable, nouvelle sûreté consacrée par l’ordonnance du 23 mars 2006. 50 L’ordonnance du 23 mars 2006 consacre dans un nouvel article 2422 73 l’hypothèque rechargeable, parmi ses innovations les plus importantes. L'hypothèque rechargeable a été instaurée dans le droit interne dans un objectif de favoriser le développement du crédit hypothécaire en en diminuant considérablement le coût. Le mécanisme nouveau permet d’affecter une seule hypothèque en garantie de plusieurs créances successives autres que celles visées dans l’acte. En outre, la recharge de l’hypothèque peut bénéficier au prêteur initial ou à un autre créancier. L’hypothèque originelle prend la forme d’un acte authentique. La convention de renouvellement de l’affectation hypothécaire prend également la forme d’un acte notarié, cependant l’acte est publié à la publicité foncière en marge de l’hypothèque initiale, à peine d’inopposabilité aux tiers. La recharge de l’hypothèque peut bénéficier au prêteur initial ou à un autre créancier. L’article 2422 du Code civil prévoit enfin que l’ensemble de ce régime est d’ordre public, les clauses contraires étant réputées non écrites. La faculté de « rechargement » consiste en une possibilité offerte dans une hypothèque conventionnelle de substituer ou d’adjoindre une créance garantie par l’hypothèque et cela au cours de la vie de l’hypothèque, lorsque le débiteur peut garantir d’autres créances au moyen de cette hypothèque. Le rechargement doit être prévu dans l’acte constitutif et résulter d’un accord conclu en la forme authentique entre le créancier et le débiteur. En outre, le constituant n’est pas retenu à l’exclusivité de son créancier. La convention de recharge peut être passée avec un créancier différent du créancier originaire (art. 2422, al. 2). 73 Article 2422 nouveau : « L’hypothèque peut être ultérieurement affectée à la garantie de créances autres que celles mentionnées par l’acte constitutif pourvu que celui-ci le prévoie expressément. Le constituant peut alors l’offrir en garantie, dans la limite de la somme prévue dans l’acte constitutif et mentionnée à l’article 2423, non seulement au créancier originaire, mais aussi à un nouveau créancier encore que le premier n’ait pas été payé. La convention de rechargement qu’il passe, soit avec le créancier originaire, soit avec le nouveau créancier, revêt la forme notariée. Elle est publiée, sous la forme prévue à l’article 2430, à peine d’inopposabilité aux tiers. Sa publication détermine, entre eux, le rang des créanciers inscrits sur l’hypothèque rechargeable. Les dispositions du présent article sont d’ordre public et toute clause contraire à celles-ci est réputée non écrite. ( art. 59 ORD : L’article 2422 peut s’appliquer à la dernière hypothèque inscrite avant publication de l’ordonnance, dès lors qu’un avenant prévoit que l’hypothèque peut être affectée à la garantie d’autres créances dans les conditions dudit article 2422 et publié dans les formes prévues à l’article 2428. L’avenant est toutefois inopposable aux créanciers qui ont inscrit une hypothèque avant publication de l’ordonnance et à ceux qui ont procédé à une inscription entre cette date et celle de l’inscription de l’avenant.) » 51 La définition de l’article 2422 permet ainsi expressément de distinguer l’hypothèque rechargeable de l’hypothèque ordinaire et de l’hypothèque consentie pour sûreté de créances futures, prévue par le nouvel article 2427 du Code civil. En premier lieu, les deux hypothèques se distinguent quant à l’objet de la dette garantie. En effet, les créances futures visées par l’article 2427 sont les créances qui ne sont pas nées, mais sont appréhendées dans leur cause, leur source, dans l'acte constitutif de l'hypothèque. Il s’agit des créances qui sont au moins déterminables. Au contraire, l'hypothèque rechargeable garantit des créances qui ne sont ni nées, ni même déterminables dans l’acte constitutif d’hypothèque. L’hypothèque rechargeable appréhende aussi bien les créances présentes que les créances futures : tant que la garantie ne sera pas éteinte, elle pourra être affectée à la garantie d'une créance, qui était déjà née lors de sa constitution ou qui ne sera née qu'après. Ainsi, l’hypothèque, consentie pour garantir l'emprunt contracté pour acquérir un immeuble pourra être ensuite affectée à la garantie ab initio d'un emprunt à la consommation postérieurement souscrit. Le constituant dispose de l’affectation de l’hypothèque selon son gré. En second lieu, la distinction se reflète dans les intérêts recherchés dans l’une et l’autre garantie. L’hypothèque consentie pour sûreté de créances futures privilégie le créancier, qui en tire la garantie de créances à venir (précisées dans l'acte), l’hypothèque rechargeable, elle, est de l'intérêt du constituant, qui y gagne la liberté de réutiliser la garantie. Pour les hypothèques conclues avant l’entrée en vigueur de la réforme, il est possible de faire signer la convention de rechargement dans un avenant à l’hypothèque originelle, en marge de l’acte constitutif. Cependant il faut respecter la forme authentique et les conditions de la publication des actes authentiques. L’hypothèque rechargeable possède un domaine large : elle peut être souscrite par toute personne morale ou physique, y compris le consommateur pour ses besoins personnels. Néanmoins, l’hypothèque rechargeable est strictement encadrée par un formalisme informatif pénalement sanctionné (art. L. 313-14-1 et L. 313-14-2 c. consom.) lorsqu'elle garantit un crédit relevant du code de la consommation (crédit à la consommation ou crédit immobilier), et elle est purement et simplement exclue en matière de crédit revolving régi par l’article L. 313-14 du Code de la consommation. 52 Le domaine de l’hypothèque rechargeable est cependant fortement limité dans son utilisation pratique : de nature exclusivement conventionnelle, l’hypothèque rechargeable n’a pas été prévue par la loi dans le cas d'une hypothèque légale ou d'un privilège spécial immobilier. Cette exclusion est de nature à sérieusement diminuer la portée de la réforme, car les crédits consentis pour l'acquisition d'un immeuble sont le plus souvent garantis, non par une hypothèque conventionnelle, mais par le privilège du vendeur ou le privilège du prêteur de deniers. Il faudra attendre la pratique notariale et celle des emprunteurs, des banquiers, pour mesurer le succès de l’hypothèque rechargeable conventionnelle au profit des privilèges généraux. Par conséquent, l'hypothèque rechargeable est soumise aux conditions requises pour la validité de toute hypothèque conventionnelle. Parmi ces conditions, l’une a été rajoutée par la réforme, il s’agit de l'exigence, formulée par l'article 2423, que l'hypothèque soit « toujours consentie, pour le capital, à hauteur d'une somme déterminée, que l'acte mentionne à peine de nullité». La convention d'hypothèque prend pour condition de validité une condition qui jusqu’à présent n’était qu'une condition de l'inscription du droit d'hypothèque. Cette question de la limitation du montant de l’hypothèque rechargeable à la hauteur de la créance garantie afin de pouvoir servir, avant même tout remboursement de la première créance, à l’affectation à la sûreté d'une seconde créance pose des difficultés pratiques. En théorie, dès lors que le droit d'hypothèque est détachable de la créance garantie, leurs montants devraient pouvoir être différents à condition d’être mentionnés à l’acte. Néanmoins, le texte même de l’article semble se référer à une « somme déterminée», ce qui suppose que le montant de la créance soit connu à l’avance, les parties pouvant réévaluer les accessoires qui s’y attachent.74 Cependant, lorsque l’on étudie les dispositions du Code de la consommation en matière d’hypothèque rechargeable dans le crédit mobilier ou immobilier, les documents qui doivent être présentés en annexe de l’offre de crédit doivent comporter une «situation hypothécaire » avec « le montant maximal garanti prévu par la convention constitutive d'hypothèque», «le montant de l'emprunt initial souscrit» et, «le cas échéant, le montant du 74 Art 2423 du Code civil : « Le cas échéant, les parties évaluent, à cette fin, les rentes, prestations et droit indéterminés, éventuels ou conditionnels» 53 ou des emprunts ultérieurement souscrits» (art. L. 313-14-t, c. consom.). Ainsi, l’on en déduit que le montant de la garantie peut être différent de celui de la créance initiale. De même, l'article 2428, al. 3(3°), qui exige la «mention expresse» sur le bordereau «de la clause de rechargement prévue à l'article 2422», pourrait signifier que cette mention expresse doit préciser l'indication du montant maximal garanti. Enfin et surtout, une convention de recharge peut être passée alors même que la première créance n’a pas été payée. L’article 2423 énonce que «Le constituant peut [...] l'offrir en garantie, dans la limite de la somme prévue dans l'acte constitutif et mentionnée à l'article 2423, non seulement au créancier originaire, mais aussi à un nouveau créancier encore que le premier n'ait pas été payé» (2422, al. 2). Simplement, le nouveau créancier se trouvera, par rapport au premier, dans la situation d'un créancier de second rang. Une autre conséquence de l’assimilation des règles de l’hypothèque rechargeable à celles requises pour la validité d’une l'hypothèque rechargeable concerne les règles de publication de l’hypothèque rechargeable. En effet il a toujours été dans l'intention législative de ne point modifier les solutions antérieurement acquises, notamment quant à la publication de l’hypothèque dont découlent les règles relatives au classement des créanciers inscrits. Ainsi, l’article 2422, al. 3 et 4 du code civil prévoit que la convention doit être notariée et publiée, mais sous la forme d'une mention en marge (art. 2422, al. 4, et 2430, al. 3), donc à un moindre coût et ce à peine d’inopposabilité aux tiers. (art. 2422, al. 4). Le coût réel de l’hypothèque s’en trouvera diminué, en conformité avec les promesses du Conseil des Notaires.75 En effet, la publication de la convention originaire d’hypothèque détermine le rang des créanciers. L’hypothèque rechargeable est publiée avant l’acte de recharge passé pour garantie une autre créance ultérieure, le cas échéant souscrite au profit d’un autre créancier. 75 à ce propos voir les développements en matière d’hypothèque simple ci-dessus. 54 L’hypothèque rechargeable permet d’attribuer aux créanciers un rang égal avec les créanciers titulaires d'une autre hypothèque, tandis que la convention de rechargement est attributive de rang dans les relations réciproques des parties. Le créancier hypothécaire qui a publié une convention de recharge est dépassé par celui qui a publié une hypothèque rechargeable à une date antérieure. Le créancier qui a publié une convention de recharge prime les créanciers ayant antérieurement publié une hypothèque ordinaire. Le créancier auquel est offert en garantie un immeuble déjà grevé d'une hypothèque rechargeable doit préférer une convention de recharge à une hypothèque de second rang. Ainsi, pour autant, l'hypothèque rechargeable ne permet nullement de mettre la valeur de l'immeuble à l’abri de ses créanciers chirographaires, lesquels peuvent faire vendre l’immeuble et de se payer sur le prix au cas où il n'existe plus de créance garantie par l'hypothèque. Une exception doit être soulignée. Le créancier qui inscrit une hypothèque conservatoire sur un immeuble déjà grevé d'une hypothèque rechargeable prime les créanciers qui publieraient ultérieurement une convention de recharge : au regard d'une hypothèque conservatoire, une convention de recharge prend donc rang à la date de sa publication (art. 2425, al. 5). On ne saurait nier néanmoins que l'affectation hypothécaire d'un immeuble à la garantie de crédits successifs tempère sérieusement des principes aussi traditionnels que la spécialité de la sûreté - appliquée, non point à l'immeuble grevé, mais à la créance garantie ainsi que son accessoriété. Étant observé que ces principes gouvernent les sûretés réelles conventionnelles (mobilières et immobilières), et non point l'hypothèque en général (nombre d'hypothèques légales y échappant largement). Comment s’opère l’extinction de l’hypothèque rechargeable ? La convention de rechargement peut être signée alors même que la première créance n’a pas été éteinte. Par conséquent, selon la volonté du législateur, l’hypothèque rechargeable ne s'éteint pas par l'extinction de la première créance (art. 2488, 1° in fine) : elle survit à celle-ci et reste disponible entre les mains du constituant qui peut l'offrir en garantie à de nouveaux créanciers. En revanche une hypothèque rechargeable est sujette à renonciation de la part du constituant, sans porter préjudice aux créanciers inscrits. Dès lors, on applique les règles de 55 l'hypothèque consentie en garantie de créances futures (art. 2423, al. 3) : l'hypothèque cesse d'être rechargeable, et continue de garantir des créances antérieures. Les règles propres à l’hypothèque rechargeable tombent : point n’est nécessaire que l'hypothèque soit à durée indéterminée, ni un délai de préavis n’est requis. La renonciation s’opère soit par une mention en marge, soit par une radiation pure et simple. 2. L’enjeu de l’efficacité de la sûreté et de la protection du constituant reste à mesurer dans la pratique bancaire. Comme il a été énoncé ci-dessus, le législateur a instauré des garde fous en matière de protection du constituant d’une hypothèque rechargeable afin de garantir, dans cette sûreté qui peut de par son assiette large et ses modalités d’affecter la sûreté à plusieurs créances successives, la solvabilité du débiteur ainsi que sa protection patrimoniale. Ainsi, la convention doit être notariée ce qui garantit au constituant le conseil légal de la part du notaire dont ce dernier est tenu vis-à-vis de son client. En outre, si l’hypothèque rechargeable peut être souscrite par toute personne morale ou physique, y compris le consommateur pour ses besoins personnels, elle est strictement encadrée par un formalisme informatif pénalement sanctionné (art. L. 313-14-1 et L. 313-14-2 c. consom.) lorsqu'elle garantit un crédit relevant du code de la consommation (crédit à la consommation ou crédit immobilier), et elle est exclue en matière de crédit revolving régi par l’article L. 313-14 du Code de la consommation. Aussi, la loi prévoit une limitation du montant de l’hypothèque rechargeable à la hauteur de la créance garantie afin de pouvoir servir, avant même tout remboursement de la première créance, à l’affectation à la sûreté d'une seconde créance. Cette limitation dans le montant constitue une sûreté supplémentaire pour le constituant. Néanmoins il faut attendre la pratique notariale et bancaire en la matière pour mesurer les chances de l’hypothèque rechargeable d’être utilisée largement et répondre à son objectif premier, celui du développement du crédit. Enfin, afin de garantir la sécurité juridique du constituant, mais également des autres signataires à l’acte, les dispositions de l’article 2422 sont réputées d’ordre public. 56 En effet, l’alinéa in fine de l’article 2422 dispose que : «Les dispositions du présent article sont d'ordre public et toute clause contraire à celles-ci est réputée non écrite. » Il faut cependant nuancer la généralité de cet alinéa. L’alinéa précité renforce l’application de l’alinéa 2 du même article qui énonce que l'hypothèque rechargeable peut être offerte en garantie à un nouveau créancier. La présence de l’alinéa précité a été insérée afin de préserver la concurrence entre les établissements de crédit et de laisser ainsi au constituant la liberté de ne pas se voir imposer un seul créancier unique pendant toute la vie de l’hypothèque rechargeable mais de pouvoir, au contraire, affecter le même immeuble à la garantie d’autres créances auprès de créanciers différents. Une telle clause de renonciation à l’affectation de la garantie auprès de tiers prêteurs serait réputée non écrite. L’affirmation que les règles qui régissent l’hypothèque rechargeable sont d’ordre public doit être cependant atténuée quant à l'alinéa 5, qui classe les créanciers inscrits sur l'hypothèque rechargeable suivant la date de la publication des conventions de recharge. En effet, l’article 2424 les autorise expressément de signer une éventuelle cession d'antériorité. B. Le prêt viager hypothécaire (ou hypothèque inversée), nouvelle sûreté favorie du banquier ? Régi par les articles L.314-1à L.314-20 du Code de la consommation, le prêt viager hypothécaire est une hypothèque, qui affecte en garantie exclusivement l’immeuble à usage d’habitation de l’emprunteur - personne physique, et qui ne se dénoue qu’au jour du décès de celui-ci. L’objectif affiché du législateur a été de permettre aux personnes d’un certain âge de pouvoir se voir octroyer un crédit afin de pouvoir jouir de leur immeuble d’habitation tout en mobilisant ce dernier par le biais d’une hypothèque inversée pour pouvoir faire face à des engagements pris de leur vivant. Le remboursement par l’emprunteur incombera en réalité aux successeurs, mais la dette garantie ne pourra en aucun cas excéder la valeur de 57 l'immeuble à la date du décès de l’emprunteur le cas échéant. En outre, le créancier peut bénéficier d’une attribution judiciaire ou d’un pacte commissoire. L’introduction dans le Code de la consommation des dispositions concernant ce que l’on appelle également une « hypothèque inversée », est justifié par la nature même du prêt viager hypothécaire, qui emprunte aux techniques des crédits consentis aux particuliers et non aux sûretés. Le code civil ne vise le prêt viager hypothécaire que dans une disposition, pour aménager la durée pendant laquelle l'inscription de l'hypothèque conserve les intérêts de la créance garantie. Quant aux conditions de fond, le prêteur doit être un établissement de crédit ou un établissement financier, et l'emprunteur une personne physique (art. L. 314-1 0, consom.). Quant aux garanties, le prêt doit être conforté par une hypothèque consentie sur un immeuble appartenant à l'emprunteur et affecté à un usage exclusif d'habitation (ce qui n'exclut pas l'habitation par un tiers). Quant aux modalités du remboursement, d'une part, il doit s'agir d'un prêt in fine, le capital et les intérêts n'étant exigibles qu'à l'échéance du terme; d'autre part, le terme ne peut être que le décès de l'emprunteur ou, dès avant ce décès, soit l'aliénation de l'immeuble (à titre onéreux: vente, échange, apport en société; ou à titre gratuit: donation), soit le démembrement de sa propriété (qui équivaut à une aliénation partielle, pouvant s'épanouir en une aliénation complète: par exemple, donation avec réserve d'usufruit) (même texte). Quant à sa cause subjective, le prêt ne peut être destiné à financer une activité professionnelle, mais les besoins personnels du consommateur (art. L. 314-2 c. consom.). Les conditions de forme qui affectent ce prêt sont nombreuses au vu du caractère « consumériste » des dispositions du prêt viager hypothécaire. Le formalisme qui entoure la signature et l’exécution du prêt viager hypothécaire est particulièrement protecteur afin que le consommateur soit averti de manière solennelle et complète sur la portée de son engagement. En premier lieu l’offre de prêt doit contenir des informations obligatoires (art. L. 314-5): notamment, la valeur du bien à hypothéquer, estimée par un expert. L'offre est maintenue pendant un délai de trente jours (art. L. 314-6) et ne peut être acceptée qu'au terme d'un 58 délai de réflexion d'au moins dix jours à compter de sa réception (art. L. 314-7). Jusqu'à cette acceptation, tout versement de fonds, à quelque titre que ce soit, est exclu (art. L. 314-7). Le non-respect de ces règles relatives à l'offre expose le prêteur à des sanctions civiles et pénales : à la déchéance totale ou partielle du droit aux intérêts (art. L. 314-15) et à une amende de 3 750 euros (art. L. 314-16). Le contrat de prêt doit revêtir la forme notariée (art. L. 314-7). En outre, des dispositions spéciales régissent la pratique commerciale de publicité du prêt viager hypothécaire. L’article L.314-3 du Code de la consommation exige une publicité «loyale et informative» comportant certaines mentions obligatoires, le démarchage étant interdit (art. L. 314-4). Néanmoins, l’application de l’article L.314-3 du Code de la consommation risque de poser des difficultés d’interprétation de la qualification de la publicité «loyale et informative», caractères que la jurisprudence viendra confirmer. Tout au long de l’exécution du contrat de prêt, le prêteur doit remplir certaines obligations : remettre les fonds selon les modalités convenues, le capital pouvant être payable en une seule fois ou par versements périodiques (art. L. 314-I), de répondre à toute demande de suspension ou de rééchelonnement des versements périodiques par le constituant (art. L. 314-12). Avant l’échéance du terme, à savoir le décès de l’emprunteur ou la vente de l’immeuble, l'emprunteur est tenu d'entretenir l'immeuble en bon père de famille, de ne pas changer sa destination et de permettre au prêteur, pourvu d'un droit d'inspection, d'accéder à l'immeuble pour en vérifier l'état (art. L. 314-8). Le tout, sous peine de déchéance du terme (même texte). Le constituant doit rembourser le capital du prêt et les intérêts dus à échéance (ou sa succession), néanmoins ce montant total ne doit pas excéder la valeur de l'immeuble à l'échéance du terme (art. L. 314-9), sauf si la déchéance du terme résulte des prérogatives 59 de l’emprunteur de demander un un remboursement anticipé, total ou partiel76 , puisqu'il doit alors «la totalité des sommes versées en principal et intérêts» (art L. 314-10, al. 1er)77. L’expert doit procéder à une estimation de l'immeuble afin de déterminer la valeur de la créance selon les modalités de l’article L. 314-13. A l'échéance du terme, les héritiers ou l'emprunteur sont tenus de payer la dette. En cas de défaut de paiement ou paiement incomplet, le prêteur peut poursuivre la saisie de l'immeuble, en demander l'attribution judiciaire ou, le cas échéant, se prévaloir du pacte commissoire qui aurait été stipulé. Il se pourrait que le prêt viager hypothécaire devienne une sûreté privilégiée du banquier pour ses transactions avec le client, notamment celui d’u certain âge, qui recherche une sûreté sans dépossession de son bien immobilier, sans que celle-ci ne soit encadrée dans un formalisme pénalisant pour les deux parties. La présence du notaire rassure le constituant de la sûreté, et lui assure le conseil tout au long de l’exécution de la sûreté. TRANSITION : 76 Le remboursement partiel ne semble permis que dans le cas où le capital a été versé en une seule fois, et il peut être refusé en deçà d'un certain seuil (art. L. 314-10, al. 2). 77 L'exercice de ce droit peut donner lieu au paiement d'une indemnité (art. L. 314-10, al. 3). 60 La pratique bancaire se félicite de l’accueil en droit français de sûretés modernes et efficaces telles le gage de meubles corporels sans dépossession, qui devient à côté du traditionnel gage de meubles corporels avec dépossession un gage de droit commun ; mais également de l’assouplissement des règles en matière d’hypothèque. En revanche le banquier, qui requiert très souvent des privilèges immobilières tels le privilège du prêteur de deniers, regrette que la proposition du groupe de travail ait été retirée de remplacer tous les privilèges immobiliers spéciaux par des hypothèques légales spéciales, soumises à publicité et ne prenant rang qu’à la date de leur inscription au registre de la publicité foncière. En premier lieu en matière de gage le banquier se félicite de l’accueil du gage sans dépossession, qui viendra répondre aux problèmes rencontrés en pratique du fait de l’absence d’une telle sûreté en France. Le gage sans dépossession permet en effet aux constituants de disposer des biens donnés en gage et de consentir plus facilement ce type de garantie. Il en va ainsi d’un propriétaire de locomotives de trains, qui souhaite donner ces dernières en gage, sans en être dépossédé. L’ancien régime ne permettait pas de soumettre ces biens, ni au gage, ni aux régimes spéciaux de nantissement sans dépossession de matériel et d’outillage, les locomotives ne tombant pas dans cette catégorie. L’actuel gage de droit commun élargira considérablement le gage en matière de financements internationaux, d’autant plus que le gage sur biens futurs est désormais admis. L’hypothèque conventionnelle rencontrera de nouveau un vif succès tant auprès des consommateurs, qui voient son coût allégé, et des banquiers, qui se félicitent de pouvoir introduire dans les contrats de garantie par le biais de l’hypothèque du pacte commissoire, et malgré la persistance de l’interdiction de la clause de voie parée. L’instauration de l’hypothèque rechargeable constitue une des innovations importantes du texte. Elle permet à un emprunteur, personne physique ou morale, qui a déjà constitué une hypothèque conventionnelle sur un bien immobilier de recharger celle-ci, le cas échéant au profit d’une autre banque, afin de garantir un nouveau crédit. Ce dispositif souple, qui permet de constituer une hypothèque pour garantir des créances futures est 61 aussi protecteur du consommateur qui le souscrit. Un régime particulier dans le code de la consommation protège particuliers, mais aussi aux entrepreneurs individuels et professions libérales n’ayant pas constitué de société. Les dispositions qui permettent de souscrire une hypothèque rechargeable auprès du même créancier ou d’un créancier différent permet de favoriser le choix du consommateur de se diriger vers la banque de son choix et préserve totalement la libre concurrence entre les banques. Le prêt viager hypothécaire intéressera enfin le banquier, puisqu’il permet d’affecter en garantie d’un prêt un immeuble à usage d’habitation de son client, tout en se garantissant le paiement de celui-ci en cas de revente du bien ou du décès du constituant. Cependant la Fédération Bancaire Française s’interroge encore sur les règles à appliquer de manière transitoire en matière de ces sûretés immobilières. « Les banques saluent la création de l’hypothèque rechargeable et du prêt viager hypothécaire, tout en s’interrogeant sur leur impact concret et les limites de ces dispositifs. Par exemple, pour les hypothèques antérieures à la réforme, seules les hypothèques conventionnelles peuvent être transformées en hypothèques rechargeables et non les privilèges de prêteurs de deniers. Par ailleurs, le régime fiscal des privilèges de prêteurs de deniers reste à ce jour plus avantageux que celui des hypothèques. » (FBF Lettre aux adhérents, n° 35, Avril 2006 ) Des critiques sont en outre avancées, avant même l’application concrète du dispositif, notamment par la Banque de France, notamment en matière d’hypothèque rechargeable. En effet, celle-ci craint un usage répété de l’hypothèque rechargeable de nature à favoriser le surendettement des particuliers. Ainsi que l’a fait remarquer la Banque de France 78, le mécanisme de « recharge » présente un risque particulier de surendettement malgré la présence d’un montant plafond de garantie prévu à peine de nullité dans la convention. Le groupe de travail a proposé des mécanismes de protection de l’emprunteur, qui sont codifiés dans le Code de la consommation. Parmi ces mécanismes, il faut citer : - l’interdiction de recharger une hypothèque pour garantir un « crédit revolving » ; - l’obligation faite au créancier d’annexer à l’offre préalable de crédit un document intitulé « situation hypothécaire », qui devra notamment comporter l’identification du bien 78 J.C.P. 2006, n°8, act. 208 62 immobilier en cause et sa valeur estimée à la date de la convention constitutive d’une hypothèque ; - le montant de l’emprunt initial souscrit ; - le montant des emprunts ultérieurement souscrits. Aussi, les banques s’interrogent sur l’articulation de l’hypothèque rechargeable avec l’article L.650-1 du Code de commerce, nouveauté de la réforme des procédures collectives du 26 juillet 2005, dont l’application à l’hypothèque rechargeable entraînerait ipso facto la responsabilité du banquier pour prise de garanties disproportionnées par rapport au montant du crédit consenti.79 C’est justement l’interaction obligatoire avec le régime des procédures collectives qui est en effet contestée par la profession bancaire : le manque de coordination des deux réformes qui vont de pair, et la subordination de la place du créancier muni de sûretés face procédures collectives enlèvent à nos sûretés une partie de leur attractivité, pourtant un des enjeux majeurs affichés par le législateur. DEUXIEME PARTIE : 79 voir la 2nde partie du mémoire, développements consacrés à l’article L 650-1 du Code de commerce 63 L’attractivité du régime des sûretés en France à l’aune des nouveaux enjeux collectifs et internationaux. La fonction première d’une sûreté efficace est d’offrir à son bénéficiaire une garantie de paiement juridiquement efficace : à cet effet, aussi bien le garant qui se substitue au débiteur pour désintéresser le créancier en cas d’inexécution du débiteur à régler sa dette, que le « bien » donné en garantie pour payer le bénéficiaire sont l’essence même du fonctionnement d’une économie dans laquelle le crédit occupe une place privilégiée. C’est encore d’avantage le cas dans l’hypothèse où le débiteur est touché par une procédure collective que la garantie doit jouer son rôle de manière pleine, tout en préservant chacun des autres créanciers de la masse dans leurs droits vis-à-vis du débiteur.. Les rédacteurs du projet ont été cependant dans l’impossibilité, pendant les travaux de recherche sur les sûretés d’apporter des modifications à la réforme des procédures collectives opérée par la loi n°2005-845 du 26 juillet 2005. Le même jour le Parlement habilitait le Gouvernement à réformer le droit des sûretés par voie d'ordonnance. Les deux réformes majeures ont donc été opérées à un an d’intervalle sans qu’une interaction totale entre les deux matières ait été prévue. Les deux projets parallèles ne sont cependant par conséquent pas sans zones « manquées », des incohérences sont visibles dans la mise en jeu de la sûreté dans les procédures collectives nouvelles, les règles encadrant la faillite du débiteur empêchant parfois le créancier de mettre en jeu ses nouvelles prérogatives ! Une chance a été manquée de réfléchir globalement à préserver l’efficacité des sûretés dans les procédures collectives. C’est donc à l’efficacité des intérêts collectifs et donc dans l’utilisation pratique de nos sûretés en France que se mesure l’attractivité du système français des sûretés au regard des nouveaux enjeux internationaux. En effet, face au succès de la floating charge britannique, qui offre une souplesse d’adaptation dans les contrats internationaux, le gage sans dépossession français arrivera-til à séduire la pratique transfrontière en matière de sûretés mobilières ? 64 Cautionnement, sûretés mobilières prévues par des textes spéciaux tels le nantissement de fond de commerce ou de matériel et d’outillage, le gage sur stocks… certains point de la réforme laissent subsister un régime archaïque, qui risque fort de ne point résister aux nouveaux enjeux internationaux et européens qui prévoient, entre autres, de réformer le système des procédures d’insolvabilité (directive européenne en date du 29 mai 2000). Le régime des sûretés a trouvé un nouveau défi, celui de prouver son attractivité face aux nouveaux enjeux collectifs (TITRE 1) et internationaux. (TITRE 2) TITRE 1 : L’efficacité des sûretés à l’épreuve des procédures collectives. 65 Lorsque s’ouvre une procédure collective à l’encontre du débiteur, le créancier muni de sûretés espère pouvoir mettre en action sa garantie aux fins de son désintéressement. Les sûretés, telles que modifiées par l’ordonnance du 23 mars 2006 doivent pouvoir démontrer désormais leur efficacité dans les procédures collectives affectant le débiteur. Néanmoins, en premier lieu, l’admission en droit français de sûretés nouvelles consacrées par le Code civil au Livre IV, telles la réserve de propriété et le droit de rétention laisse place le créancier muni de ces sûretés face à des enjeux nouveaux. (Section 1) En outre, la lecture combinée avec les textes réformant les procédures d’insolvabilité laisse apparaître quelques incohérences flagrantes, l’ouverture d’une procédure collective empêchant dans certaines circonstances de mettre en jeu ses prérogatives nouvelles. (Section 2) Section 1. L’admission de nouvelles sûretés en procédure collective : réserve de propriété et droit de rétention. La réserve de propriété érigée au rang de sûreté est dotée d’un régime de droit commun complété par un régime nouveau en cas de procédure collective (§1) ; tandis que l’élévation du droit de rétention au rang de sûreté se ferait au détriment de son efficacité dans les procédures collectives. (§2) §1. La réserve de propriété dotée d’un régime de droit commun complété par un régime nouveau en cas de procédure collective. La réserve de propriété, de par son introduction dans le Livre IV du Code civil, est hissée au rang de sûreté. Elle est définie par l’article 2367 comme : « la propriété d’un bien peut être retenue en garantie par l’effet d’une clause de réserve de propriété qui suspend l’effet translatif d’un contrat jusqu’au complet paiement de l’obligation qui en constitue la contrepartie. La propriété ainsi réservée est l’accessoire de la créance dont elle garantit le paiement. « En effet, la réserve de propriété s’entend comme une convention, nécessairement écrite 80 par laquelle les parties suspendent l'effet translatif d'un contrat au complet paiement de 80 Article 2368 nouveau : « La réserve de propriété est convenue par écrit. « 66 l'obligation qui en constitue la contrepartie. La propriété ainsi réservée est l'accessoire de la créance dont elle garantit le paiement. Ainsi, la clause de réserve de propriété est d’application générale pour les biens meubles et s’étend à tous types de contrats, notamment de prestations de services. Les mandataires de justice, administrateurs judiciaires ou mandataires judiciaires devront vérifier que la clause de réserve a bien été publiée au-delà d'une somme qui serait fixée par décret. En l'absence de publication les ayants cause à titre particulier du débiteur et donc le groupement des créanciers ou l'administration judiciaire pourrait se prévaloir de l'article 2279 du Code civil. Aussi, une extension de l’assiette de la clause de réserve quant est insérée à l’article 2385 du Code civil aux biens fongibles, même mélangés avec d'autres biens de même espèce et de même qualité. Est ainsi consacrée la réserve de propriété prolongée, ou trust, puisque le produit du mélange est commun aux deux créanciers à raison de la quantité qui revient à chacun d'eux, ces biens se trouvant collectés à l'ensemble du patrimoine du ou des créanciers ayant financé l'opération. La réserve de propriété peut porter sur des biens incorporés à d’autres biens sous certaines conditions, déjà reconnues en jurisprudence.81 Il faut attendre les applications concrètes de ces dispositions en cas d’ouverture d’une procédure collective du débiteur. L’article 2371 nouveau énonce en effet que « A défaut de complet paiement à l’échéance, le créancier peut demander la restitution du bien afin de recouvrer le droit d’en disposer. La valeur du bien repris est imputée, à titre de paiement, sur le solde de la créance garantie. Lorsque la valeur du bien repris excède le montant de la dette garantie encore exigible, le créancier doit au débiteur une somme égale à la différence. » Les dispositions de cet article ne doivent cependant pas faire obstacle à l’application des dispositions régies par les règles du Livre 6 du Code de commerce, en cas d’ouverture d’une procédure collective du débiteur. §2. L’élévation du droit de rétention au rang de sûreté se ferait au détriment de son efficacité dans les procédures collectives. 81 Article 2370 nouveau : « L’incorporation d’un meuble faisant l’objet d’une réserve de propriété à un autre bien ne fait pas obstacle aux droits du créancier lorsque ces biens peuvent être séparés sans subir de dommage. » 67 Le droit de rétention se définissait sous l’ancien régime comme étant un « droit réel, opposable à tous, y compris aux tiers non tenus à la dette et peut être exercé pour toute créance qui a pris naissance à l’occasion de la chose retenue. »82 L’arrêt du 3 mai 2006 mettait en cause un garagiste, qui en vertu de son droit de rétention a retenu la voiture au garage tant que le client veuille régler la facture. Ce dernier agit en restitution. La cour d’appel condamne le propriétaire au paiement des prestations du garagiste, en refusant toutefois de le rendre débiteur des frais de gardiennage demandés par lui par voie reconventionnelle. La Cour de cassation retient que la créance était opposable au prêteur et en profite pour définir le droit de rétention : « le droit de rétention est un droit réel, opposable à tous, y compris aux tiers non tenus à la dette et peut être exercé pour toute créance qui a pris naissance à l’occasion de la chose retenue ». En conséquence, « la créance de frais de gardiennage du véhicule (ayant) pris naissance à l’occasion de la détention du véhicule par (le garage) (...), il (en) résulte que cette dernière était en droit, en exerçant son droit de rétention, d?en exiger le paiement à la société (de location) ». Ainsi, la nature de droit réel du droit de rétention consacrée, ceci explique le succès de cette garantie qui ne trouvait pas sa place dans le Code civil, la Cour de cassation lui ayant refusé expressément la qualification de sûreté83. En outre, le droit s’exerce sur toute créance née à l’occasion de la rétention de la chose, car le bien doit répondre des dettes qu’elle engendre. À charge pour le rétenteur de prouver l’existence d’une connexité, matérielle ou juridique, entre la créance et la rétention.84 Le succès du droit de rétention en procédures collectives a été total : le détenteur matériel de la chose pouvait en disposer et refuser de le restituer jusqu’au complet paiement du prix issu du contrat principal. Le droit de rétention ne faiblissait pas devant l’ouverture d’une procédure collective du débiteur. 82 Cass. com., 3 mai 2006, n° 04-15.262, Cass. com., 20 mai 1997, n° 95-11.915, Bull. civ. IV, n° 141, D. 1998, jur., p. 439, note Heinderian F., D. 1998, somm., p. 102, obs. Piedelièvre S., D. 1998, jur., p. 115, note Libchaber R., RTD civ. 1997, p. 707, obs. Crocq P. ; qui énonce dans son attendu de principe que « le droit de rétention n’est pas une sûreté et n’est pas assimilable au gage » 84 Cass. 1re civ., 22 mai 1962, n° 58-12.486, Bull. civ. I, n° 258, D. 1965, jur., p. 58, note Rodière R. ; disposant que « le droit de rétention peut être exercé dans tous les cas où, la créance ayant pris naissance à l?occasion de la chose retenue, il existe entre cette créance et cette chose un lien de connexité matérielle » 83 68 Désormais, le projet consacre le droit de rétention dans le nouvel article 2286 du Code civil85 en en énumérant les bénéficiaires et en précisant que le seul mode de dessaisissement de ce droit est la dépossession volontaire. Au contraire, lorsque le créancier se dépossède de son droit de manière involontaire, par vol ou perte, le droit de rétention lui est toujours rattaché. Ce sont les dispositions générales en revanche qui précisent les caractères généraux de ce droit, à savoir la connexité volontaire, ou juridique, ou matérielle, mais également le relatif effacement de la dépossession matérielle. C’est surtout, en tant que sûreté de par sa place dans le Livre IV du Code civil que le droit de rétention, autrefois prérogative rudimentaire sous forme d’un droit réel du créancier, érigé désormais au rang de sûreté, vis-à-vis de l'article 2286 du code civil perd de son efficacité. Ceci constituerait une limite remarquable aux prérogatives du créancier titulaire du droit de rétention, autrefois infaillible, désormais en concurrence avec les autres créanciers munis de sûretés. Section 2. Une harmonisation manquée de la réforme des sûretés en cas d’ouverture d’une procédure collective. Le droit des sûretés et le droit des procédures collectives sont liés, puisque c'est au moment où le débiteur fait l'objet d'une procédure collective que les sûretés sont censées offrir toute leur efficacité pour le créancier. D’une part donc, l’harmonisation avec les procédures collectives n’a cependant pas été complète et des incohérences subsistent dans le nouveau régime dans la mise en œuvre des sûretés en procédures collectives. D’autre part, la réforme en date du 26 juillet 2005 instituant le nouveau régime des procédures collectives a instauré une irresponsabilité de principe du banquier dispensateur de crédit, principe grevé d’exceptions, notamment la prise de garanties excessives. Au vu 85 Article 2286 : « Peut se prévaloir d’un droit de rétention sur la chose : 1° Celui à qui la chose a été remise jusqu’au paiement de sa créance ; 2° Celui dont la créance impayée résulte du contrat qui l’oblige à la livrer ; 3° Celui dont la créance impayée est née à l’occasion de la détention de la chose. Le droit de rétention se perd par le dessaisissement volontaire » 69 de la souplesse apportée à la constitution et l’extension possible du montant de certaines garanties dans le nouveau régime des sûretés, la mesure de l’article L.650-1 du Code de commerce risque de prendre toute son ampleur et mettre la jurisprudence à l’épreuve, nouvelle, de la définition nouvelle du « soutien abusif du banquier au crédit consenti ». D’une part la mise en œuvre des sûretés, traditionnelles ou celles érigées au rang de sûreté apparaît souvent paralysée par le jeu des règles sur les procédures collectives, (§1) d’autre part, c’est le banquier dispensateur de crédit qui souffre de l’imprécision des textes quant à sa responsabilité éventuelle pour prise de garanties disproportionnées. (§2) §1. L’action du créancier muni de sûretés à l’épreuve de l’incohérence des textes nouveaux en cas d’ouverture d’une procédure collective. L’harmonisation manquée du nouveau régime des sûretés avec le droit des procédures collectives prive le créancier de certaines de ses prérogatives nouvellement acquises au moment où il en a le plus besoin. En premier lieu, le principe énoncé par l’article 2287 du Code civil86 semble énoncer, de par sa place dans le Code, (Livre IV énonçant des dispositions générales) une règle de principe qui vient s’appliquer à toutes les sûretés sans exception. De par la rédaction de l’article 2287, certaines garanties se trouvent privées d’efficacité en cas d’ouverture d’une procédure collective du débiteur. L’introduction de l’article 2287 a pour effet de donner au Code civil une place dérogatoire par rapport au code de commerce. Néanmoins c’est surtout dans les effets de la combinaison de certains articles que les incohérences sont visibles, rendant certaines sûretés traditionnellement efficaces inefficaces au profit d’autres sûretés. a. Le droit de rétention consacré au rang de sûreté…perd d’autant plus de son efficacité en cas d’ouverture d’une procédure d’insolvabilité du débiteur. 86 Article 2287 : « Les dispositions du présent livre ne font pas obstacle à l’application des règles prévues encas d’ouverture d’une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire ou encore en cas d’ouverture d’une procédure de traitement des situations de surendettement des particuliers. » 70 C’est surtout en matière de droit de rétention que cet article pourrait remettre totalement en cause l'efficacité de la sûreté si la jurisprudence acceptait de le combiner avec l'article 2286 du code civil. En effet, l’article 2286 introduit pour la première fois dans un texte légal la prérogative reconnue du droit de rétention. Sans la définir totalement, cet article énonce les principales hypothèses dans lesquelles un créancier peut être titulaire de cette prérogative. Il énonce que « Peut se prévaloir d’un droit de rétention sur la chose : 1° Celui à qui la chose a été remise jusqu’au paiement de sa créance ; 2° Celui dont la créance impayée résulte du contrat qui l’oblige à la livrer ; 3° Celui dont la créance impayée est née à l’occasion de la détention de la chose. Le droit de rétention se perd par le dessaisissement volontaire ». De par sa place dans le Livre IV consacré aux sûretés, c’est au rang de sûreté véritable que se hisse désormais cette prérogative rudimentaire accordée au créancier qui est en possession de la chose de refuser de la restituer au débiteur tant que celui-ci n’a pas exécuté l’obligation. Outre l’obligation désormais reconnue de déclarer la sûreté à la procédure collective du débiteur, le droit de rétention une prérogative privilégiée pour son efficacité totale en cas d’ouverture d’une procédure collective du débiteur. Néanmoins depuis la réforme des sûretés, le droit de rétention est consacré dans le nouvel article 2286 du Code civil qui en énumère les bénéficiaires et précise que le seul mode de dessaisissement de ce droit est la dépossession volontaire. Au contraire, lorsque le créancier se dépossède de son droit de manière involontaire, par vol ou perte, le droit de rétention lui est toujours rattaché. Ce sont les dispositions générales en revanche qui précisent les caractères généraux de ce droit, à savoir la connexité volontaire, ou juridique, ou matérielle, mais également le relatif effacement de la dépossession matérielle. C’est en effet la confrontation directe des articles 2287 et 2286, qui a pour conséquence de priver le droit de rétention de toute efficacité ! L’article 2286 énumère les cas où il est possible pour un créancier de se prévaloir d'un droit de rétention, et, les deux articles étant réunis en tête du livre IV du code civil, la confrontation avec l'article 2287 fait perdre au 71 droit de rétention son intérêt premier, celui d’être une prérogative opposable à la procédure collective en dehors des cas où cette opposabilité a été expressément admise par un article du livre VI du code de commerce, remettant ainsi en cause la jurisprudence antérieure qui avait généralisé cette opposabilité ! En effet, un arrêt en date du 20 mai 1997, de la chambre commerciale de la Cour de cassation avait énoncé la portée absolue dans la procédure collective du débiteur et a assimilé ce droit à un droit réel.87 Désormais, le droit de rétention est hissé au rang de sûreté, néanmoins sa portée est amoindrie. Il ne s’entend plus que comme le droit de ne pas délivrer la chose en cas d’impayé. Désormais il faut attendre de nouvelles décisions qui viendront consacrer la nature de cette sûreté et surtout, de sa portée en cas de procédure collective du débiteur. b) Le conflit entre créancier gagiste et un titulaire d’une clause de réserve de propriété. Il faut souligner que le nouveau droit du gage a été vivement acclamé par la pratique : assiette élargie, consécration du gage sans dépossession, mise en œuvre facilitée et consécration du pacte commissoire entre signataires de la sûreté. Néanmoins, c’est dans la lecture combinée des textes relatifs au gage et ceux relatifs aux procédures collectives que l’on retrouve les plus fortes disparités, notamment compte tenu du conflit entre titulaire d’une clause de réserve de propriété et un créancier gagiste. En premier lieu, il faut remarquer que le pacte commissoire, rendu possible dans certaines sûretés, dont le gage, est rendu totalement inefficace en cas d'ouverture d'une procédure collective puisque le nouvel article L. 622-7 du code de commerce88 fait obstacle à sa réalisation. La modification de l’article apparaît comme étant une entrave majeure du créancier à l’utiliser au moment où il en a besoin le plus, à savoir lors de 87 Cass.com. 20 mai 1997 ; Bulletin 1997 IV N° 141 p. 126 Petites Affiches, 1998-06-01, n° 65, p. 8, note P. RemyCorlay. Dalloz, 1998-10-01, n° 34, p. 479, note F. Kenderian. Droit et patrimoine, 2000-04, n° 81, p. 42, note S. Piedelièvre. 72 l’ouverture d’une procédure collective, à ce que les réformateurs du Code ont voulu comme une prérogative révolutionnaire et généralisée.. En outre, l’enjeu nouveau du créancier gagiste est précisément de défendre ses droits face au titulaire d’une clause de réserve de propriété, garantie rudimentaire érigée au rang de sûreté au sein du Code civil. Il s’agit d’éclairer brièvement le régime de la clause de réserve de propriété, qui n’est que peu modifié, mais qui est désormais définie dans le Code civil au sein d’un article 2367 ainsi rédigé : « La propriété d’un bien peut être retenue en garantie par l’effet d’une clause de réserve de propriété qui suspend l’effet translatif d’un contrat jusqu’au complet paiement de l’obligation qui en constitue la contrepartie. La propriété ainsi réservée est l’accessoire de la créance dont elle garantit le paiement. » Jusqu'à présent, la clause de réserve de propriété, très utilisée en pratique, n’était régie que par quelques articles éparses traitant de ses effets dans des cas particuliers (par exemple en cas d'ouverture d'un procédure collective à l'encontre de l'acheteur ; C. com. art. L 621-22). Désormais définie aux articles 2367 à 2372 nouveaux, son régime n’est point modifié. Traditionnellement reconnue dans tous types de contrats par la jurisprudence 89, à savoir translatifs ou non translatifs de propriété sa définition nouvelle large au sein de l’article 2367 n’en restreint nullement la portée. Consignée dans un écrit, (art. 2368 nouveau), la publicité n’est toujours pas obligatoire mais confère l’avantage au titulaire de la clause d’être averti de déclarer sa créance en cas d’ouverture d’une procédure collective à l’encontre du débiteur dans un délai qui court à compter de l'avertissement et non, comme pour les autres créanciers, à compter de l'ouverture de la procédure (C. com. art. L 622-24). En outre, par ailleurs, le créancier peut agir en restitution du bien (art. 2371), sans être tenu de respecter la procédure de revendication beaucoup plus contraignante. Enfin, l'article 2372 nouveau précise que le droit de propriété se reporte sur la créance du débiteur à l'égard du sous-acquéreur ou sur 88 Article L 622-7 – modifié - : » Le jugement ouvrant la procédure emporte, de plein droit, interdiction de payer toute créance née antérieurement au jugement d'ouverture, à l'exception du paiement par compensation de créances connexes. Il emporte également, de plein droit, interdiction de payer toute créance née après le jugement d'ouverture, non mentionnée au I de l'article L. 622-17, à l'exception des créances liées aux besoins de la vie courante du débiteur personne physique et des créances alimentaires. Il fait enfin obstacle à la conclusion et à la réalisation d'un pacte commissoire … 89 Cass. com. 19-11-2003 n° 1580 : RIDA 4/04 n° 449 rendu à propos d'un contrat d'entreprise 73 l'indemnité d'assurance subrogée au bien. Le créancier peut en cas de revente du bien réclamer le prix au sous-acquéreur qui n'a pas encore réglé le débiteur ou, en cas de destruction du bien et, comme l'avait déjà admis la jurisprudence90. En cas d’ouverture d’une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judicaire à l’encontre du débiteur, en revanche, les articles L 624-16 à L 624-18 du Code de commerce ont été modifiés en supprimant les mentions suivantes : « ... qui subordonne le transfert de propriété au paiement intégral du prix » et « nonobstant toute clause contraire, la clause de réserve de propriété est opposable à l'acheteur et aux autres créanciers, à moins que les parties n'aient convenu par écrit de l'écarter ou de la modifier ». Ainsi, la clause doit être convenue par les parties dans un écrit au plus tard au moment de livraison ou dans un écrit régissant un ensemble d'opérations commerciales convenues entre les parties. Il s’agissait pour le législateur d’harmoniser les textes, vis-à-vis de l’article 2368 du Code civil qui exige que la clause de réserve de propriété soit « convenue ».91 Cependant, lors de l’ouverture d’une procédure collective affectant l’acheteur, voire dans une procédure de conciliation, telles que modifiées par la loi dite « Breton » sur la sauvegarde des entreprises en date du 26 Juillet 2005, le vendeur avec clause de réserve de propriété peut se trouver en conflit avec un créancier gagiste. Il doit alors prendre certaines mesures afin de préserver ses droits sur le bien lui-même ou sa valeur. Cependant, une importante distinction doit être opérée. Lorsque les biens ne sont pas en possession du vendeur avec clause de réserve de propriété, c’est le créancier gagiste (dans l’hypothèse d’un gage avec dépossession), voire tout tiers muni d’un droit de rétention,92 qui a la disposition effective des biens gagés, peut en vertu de l’article 2279 se prévaloir de son droit de rétention sous réserve de sa bonne foi et prime donc, sur le vendeur avec réserve de propriété.93 90 Cass. com. 6-7-1993 n° 1288: RJDA 10/93 n° 840 Pour l’état antérieur de la jurisprudence en la matière, voir Cass. com. (12-7-1994 n° 1695: RJDA 2/95 n° 211 ; Cass. com. 11-7-1995 n° 1543, 1545, 1554: RIDA 3/96 n° 425, trois arrêts ; cf. B. Soinne, Rev. proc. coll. 1997/2 p. 199 n° 9) , qui a décidé « qu'en cas de contradiction sur la date du transfert de propriété entre les conditions générales de vente et les conditions générales d'achat, il convenait d'en revenir au droit commun du transfert immédiat et inconditionnel de la propriété. 91 92 un garagiste qui retient la voiture en attendant règlement du prix de la réparation prime sur le vendeur avec clause de réserve de propriété (CA Paris 4 février 2000) 93 Cass com : 28 novembre 1989, CA Angers 26 mars 1985. 74 Lorsque en revanche les biens sont en possession du vendeur avec clause de réserve de propriété, l’article 2279 protège ce dernier.94 Néanmoins, au regard du moindre sort réservé aux titulaires d’un droit de rétention à la lecture combinée des articles 2287 et ceux relatifs au droit de rétention, il est permis de se poser la question sur les prérogatives réelles d’un créancier gagiste face au vendeur avec réserve de propriété.95 Enfin, à la lecture de l’article 2335 qui énonce que « Le gage de la chose d’autrui est nul », le conflit avec un créancier gagiste prend une toute autre ampleur. Ainsi, si un bien vendu au constituant avec clause de réserve de propriété, le vendeur avec clause de réserve de propriété prime-t-il le créancier gagiste ? Le vendeur avec clause de réserve de propriété pourrait, au regard de cette disposition se prévaloir de ses droits en invoquant la nullité du gage. Il faut attendre les solutions jurisprudentielles pour appréhender les solutions envisageables par la réforme… c. L’inefficacité du droit d’attribution judiciaire des immeubles hypothéqués ou objet d’une antichrèse. Il est saisissant de prime abord de voir dans quelle mesure la lecture combinée du texte de l’article 2287 du Code civil, dont il s’agit de rappeler les termes96 avec les dispositions concernant la faculté d'attribution judiciaire de l’immeuble objet d’une l'hypothèque et d’une antichrèse rendue possible depuis la réforme, à l’exception de l’immeuble d’habitation du débiteur. En effet, la lecture de l’article 242797 du code civil affirmant 94 95 Cass com 5 avril 1994 Voir infra (c) 96 Article 2287 : « Les dispositions du présent livre ne font pas obstacle à l’application des règles prévues encas d’ouverture d’une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire ou encore en cas d’ouverture d’une procédure de traitement des situations de surendettement des particuliers. » 97 Article 2427 modifié : « Les créanciers privilégiés ou hypothécaires ne peuvent prendre utilement inscription sur le précédent propriétaire, à partir de la publication de la mutation opérée au profit d'un tiers. Nonobstant cette publication, le vendeur, le prêteur de deniers pour l'acquisition et le copartageant peuvent utilement inscrire, dans les délais prévus aux articles 2108 et 2109, les privilèges qui leur sont conférés par l'article 2103. L'inscription ne produit aucun effet entre les créanciers d'une succession si elle n'a été faite par l'un d'eux que depuis le décès, dans le cas où la succession n'est acceptée que sous bénéfice d'inventaire ou est déclarée vacante. Toutefois, les privilèges reconnus au vendeur, au prêteur de deniers pour l'acquisition, au copartageant, ainsi qu'aux créanciers et légataires du défunt, peuvent être inscrits dans les délais prévus aux articles 2108, 2109 et 2111, nonobstant l'acceptation bénéficiaire ou la vacance de la succession. 75 qu'en cas d'ouverture d'une procédure collective l'inscription des hypothèques produit les effets réglés par les titres II, III et IV du livre VI du code de commerce, titres qui ne rendent pas possible une attribution judiciaire semblent paralyser l’action du créancier (l'art. L. 642-25, al. 3, C.com. ne prévoyant l'attribution judiciaire en cas de liquidation judiciaire que dans le cas du créancier gagiste). La même paralysie semble toucher le créancier muni d’une hypothèque, dont l’action est entravée par l’article 2287 du Code civil. d) Les autres dispositions faisant obstacle à une pleine efficacité des sûretés dans les enjeux collectifs. En premier lieu, la généralisation de l’interdiction des paiements et l’obstacle à la conclusion et la réalisation du pacte commissoire (Art. L 622-7 du C.com) dans les procédures collectives nuit, comme il a été spécifié ci-dessus, à la pleine efficacité des sûretés dont l’admission du pacte commissoire a été une opportunité privilégiée (en particulier l’hypothèque). En deuxième lieu, l’article L 622-13 du Code de commerce prévoit une absence de déchéance du terme et le pouvoir de l’administrateur d’exiger la poursuite des contrats en cours (Art L 622-13 du C.com). Ainsi, la mise en œuvre des sûretés peut être freinée par le pouvoir de l’administrateur de continuer les contrats en cours. Selon l’optique de la réforme des procédures collectives, les créanciers, y compris ceux minis de sûretés, devront se plier à la poursuite des contrats, l’objectif du législateur étant de privilégier avant tout le redressement du débiteur et la viabilité de l’entreprise dans la mesure du possible. Ensuite, les nullités de la période suspecte affectent enfin les actes, paiements, saisies, et surtout les sûretés (Art L 632-1 et L 632-2 du C.com). En cas de saisie immobilière ou de procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire ou encore en cas de procédure de traitement des situations de surendettement des particuliers, l’inscription des privilèges et hypothèques produit les effets réglés par les dispositions du code de procédure civile et par celles des titres II, III ou IV du livre sixième du code de commerce. Dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, en cas d’exécution forcée immobilière, l’inscription des privilèges et hypothèques produit les effets réglés par les dispositions de la loi du 1er juin 1924. » 76 Enfin, le nouveau privilège attaché aux créances nées après l'ouverture de la procédure collective redistribue les rôles des créanciers de la masse. En effet, sous l'empire du droit des procédures collectives antérieur à la récente réforme, le droit de préférence accordé aux créanciers dont la créance était née régulièrement après l'ouverture de la procédure collective n'était pas un véritable privilège, ainsi que l'avait affirmé la Chambre commerciale dans un arrêt rendu le 5 février 2002 (Bull. civ. N, n° 27; D. 2002, AJ p. 805, obs. A. Lienhard)98, estimant que ce droit n'était pas lié à une qualité intrinsèque de la créance mais procédait seulement de la date de celle-ci. Une même créance pouvait, ainsi, bénéficier ou non de cette priorité de paiement selon qu'elle était née après ou avant le jugement d'ouverture, ce qui avait entraîné à la fois le développement d'un contentieux important relatif à la détermination de la date de naissance des créances. Aujourd’hui le droit de préférence attaché aux créances nées après l'ouverture de la procédure est appréhendé par deux textes distincts, l'article L. 622-17 du code de commerce, qui est relatif à la procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire, et l'article L. 641-13 du code de commerce, qui concerne la liquidation judiciaire. Or, ces deux textes délimitent le domaine d'application du droit de préférence non seulement en fonction de la date de naissance de la créance, mais aussi en fonction de son utilité pour l'entreprise ou pour le déroulement de la procédure et, donc, par référence à une qualité intrinsèque de la créance. Ainsi le droit de préférence devient un véritable privilège, qui aura plein effet à condition de déclarer la créance au plus tard dans un délai d'un an à compter de la fin de la période d'observation, en cas de sauvegarde ou de redressement judiciaire, et, en cas de liquidation judiciaire, soit dans un délai de six mois à compter du jugement d'ouverture de la procédure, soit, s'il y a cession de l'entreprise, dans un délai d'un an à compter du jugement arrêtant le plan de cession. L’harmonisation des sûretés avec les procédures collectives est donc encore perfectible, néanmoins il faut prendre en compte les finalités même des procédures d’insolvabilité. Celle de la réforme en date du 26 juillet 2005 est marquée certainement par un souci de préserver la viabilité de l’entreprise du débiteur autant que possible. Le pr. Grimaldi a fait lui-même remarquer que « légiférer sur les sûretés n’est pas légiférer sur les procédures 98 Bull. civ. N, n° 27; D. 2002, AJ p. 805, obs. A. Lienhard 77 d’insolvabilité. Quant à savoir si légiférer sur les procédures d’insolvabilité c’est légiférer sur les sûretés, tout dépend de la finalité de la procédure collective. Si celle-ci n’est qu’une procédure collective d’exécution, ce qu’elle a longtemps été, elle n’atteint point les sûretés ; mais si elle est une procédure collective de concours au redressement ou au sauvetage de l’entreprise, ce qu’elle est devenue (…), les sûretés tombent naturellement peu ou prou sous son emprise (…). »99. Néanmoins, curieusement, le législateur a fait le choix de ne pas laisser le groupe de travail légiférer en la matière, tout en reportant la problématique de sauvetage de l’entreprise sur un autre terrain, celui de la responsabilité du banquier pour octroi abusif de crédit à un débiteur en difficulté. Afin de sauver les entreprises, le législateur a fait le choix de déclarer, pour la première fois, à l’article L.650-1 du Code de commerce, l’irresponsabilité de principe du banquier dans ce cas précis, à quelques exceptions près. Néanmoins, là aussi, au vu de l’imprécision du texte, l’harmonisation de la disposition avec la réforme des sûretés n’est pas évidente. L’article L.650-1 du Code de commerce a été l’une des innovations les plus remarquées de la réforme des procédures collectives en date du 26 Juillet 2005. L’article a instauré une irresponsabilité de principe du banquier dispensateur de crédit, tout en prévoyant un certain nombre d’exceptions au principe, dont la prise de garanties excessives. Des dispositions de l’article L.650-1 du Code de commerce dépend donc la responsabilité du banquier dispensateur de crédit pour « soutien abusif ». Face à la réforme des sûretés, qui rend les sûretés plus souples et plus importantes encore quant à leur assiette ou à leur montant, le banquier titulaire de garanties se heurte à une responsabilité mal définie par le législateur, aux contours flous et incertains. L’article L.650-1 du Code de commerce risque de mettre la jurisprudence face à une épreuve nouvelle, celle de la redéfinition des contours de la responsabilité du créancier dans la prise de garanties excessives, en particulier dans l’hypothèse d’une procédure collective de l’emprunteur. §2. L’article L.650-1 du Code de commerce ou la limitation de principe de la responsabilité du banquier dispensateur de crédit au débiteur en difficulté. 99 RJC 2005 p. 467 « Vers une réforme des sûretés » par Michel Grimaldi. 78 L’article L.650-1 du Code de commerce issu de sa rédaction de la Loi n° 2005-845 en date du 26 Juillet 2005, portant sauvegarde des entreprises100 a été inséré dans un chapitre 5 du Livre 6 du Code de commerce, intitulé « Des responsabilités et sanctions ». L’article L.650-1 du Code de commerce énonce (art. 126 de la loi du 26 Juillet 2005) : « les créanciers ne peuvent être tenus pour responsables des préjudices subis du fait des concours consentis, sauf les cas de fraude, d’immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou si les garanties prises en contrepartie de ces concours sont disproportionnées à ceux-ci. Pour les cas où la responsabilité d’un créancier est reconnue, les garanties prises en contrepartie de ses concours sont nulles ». Cet article s’inscrit dans l’objectif premier du législateur dans le cadre de la réforme des procédures collectives, celui de soutenir l’activité économique et de permettre au débiteur de redresser sa situation financière dans les meilleures conditions, et surtout à inciter, à cette fin, les établissements de crédit à prêter aux débiteurs en difficulté. En effet, la tendance est désormais annoncée à limiter la jurisprudence antérieure qui visait les banques et les fournisseurs pour soutien abusif de crédit aux entreprises en difficulté. Désormais la loi accorde aux créanciers des rangs privilégiés de paiement en cas de défaut du débiteur et leur octroie, en son article 126, une irresponsabilité de principe pour les « concours » consentis au débiteur en difficulté. La constitutionnalité de la disposition a été contestée, mais le Conseil Constitutionnel a reconnu la validité de la disposition car la responsabilité civile délictuelle du créancier pour soutien abusif continue à être retenue, par exception, dans trois hypothèses: la fraude, l’immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur et la disproportion des garanties prises en contrepartie des concours. Pourtant, la doctrine majoritaire relève les difficultés d’interprétation du texte, en particulier le caractère disproportionné des garanties par rapport aux concours consentis, notion dont la jurisprudence devra une fois de plus préciser les contours. En outre, lorsque le créancier exige des garanties « disproportionnées », la responsabilité du créancier s’accompagne d’une nullité automatique des garanties prises en sa faveur. 100 J.O. n° 173 du 27 juillet 2005 page 12187, entrée en vigueur le 1er janvier 2006 sous réserve de l’article 109 79 Certains auteurs déplorent ainsi la situation dans laquelle le texte, par ses dispositions « lacunaires », ne servira ni le vœu du législateur, ni la confiance des banques à accorder des crédits. Les établissements de crédit pourraient devenir encore plus « frileux » qu’auparavant. La présente étude vise à comprendre, en partant de la genèse du texte (1), quels contours la jurisprudence pourrait donner à la disposition commentée en matière de domaine, de régime, de sanctions prévues et surtout de définition des termes employés (2). La définition de la disproportion sera particulièrement étudiée. En outre, un rappel de la jurisprudence antérieure en matière de soutien abusif sera nécessaire pour appréhender l’évolution possible de cette notion au vu des dispositions actuelles de l’article L.650-1 du Code de commerce. 1. La genèse de l’article L.650-1 du Code de commerce. La disposition nouvelle a été introduite lors des débats parlementaires afin de « mettre fin aux querelles sur la notion de soutien abusif » en en précisant la portée et de rapprocher notre législation de celles des autres Etats européens, moins exigeantes en matière de responsabilité des créanciers. Appuyée par le Garde des Sceaux qui estime que « s’il y a bien un problème en France c’est bien celui du soutien abusif (…) il s’agit précisément d’éviter cette frilosité », les objectifs nouveaux du législateur sont clairement affichés. En effet, s’inscrivant dans l’objectif global de la réforme, l’article L.650-1 du Code de commerce vise à « éviter que les personnes susceptibles d’aider financièrement l’entreprise, mais soucieuses de prévenir toute action contentieuse, s’abstiennent de lui apporter un concours financier alors que sa situation financière pourrait malgré tout être redressée » et de limiter « le risque juridique encouru par les banques pour encourager la prise de risque économique qui consiste à apporter un soutien financier à une entreprise en difficulté »101 En outre, lors des débats parlementaires, l’opposition a souhaité voir l’article L.650-1 cantonné à la seule procédure de conciliation. Le texte définitif, qui insère cet article dans un chapitre V lui donne en revanche une portée générale. 60 députés et sénateurs, qui y voient une anéantissement du droit constitutionnel de l’action en responsabilité à l’encontre du dispensateur de crédit, saisissent le Conseil Constitutionnel afin d’annuler 101 Rapport Hyest du Sénat n° 335, page 137 80 cette disposition102 au regard des articles 4 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, au motif que la loi « annihile quasiment toute faculté d’engager la responsabilité délictuelle des créanciers » pour crédits octroyés ; et 16 de la DDHC de 1789 en ce que l’article 126 supprimerait tout droit au recours. Le Conseil Constitutionnel rejette néanmoins l’action et déclare l’article L.650-1 conforme à la Constitution. 2. Elements d’interprétation de l’article L.650-1 du Code de commerce. Selon une partie de la doctrine (D.Legeais), le texte n’offre pas la clarté annoncée par le législateur. Son domaine d’application très large risque certes d’en faire un texte phare en matière de sûretés, de crédit et de procédures collectives, mais les questions en suspens quant à son interprétation risquent d’en faire un « cadeau empoisonné ».(M. David Robine) a). Le domaine de l’article L.650-1 du Code de commerce. Le domaine d’application du texte n’a pas été défini par le législateur. Il s’agit donc d’y voir un texte de portée très large s’appliquant à toutes les sûretés consenties au banquier. D’un point de vue temporel, l’article s’applique à toutes les entreprises en difficulté103 au profit desquelles une des procédures d’insolvabilité décrites dans la loi du 26 juillet 2005 est ouverte après le 1er janvier 2006 et qui ont bénéficié de l’ouverture d’un crédit soit antérieurement soit postérieurement à cette date. Ce peut être une procédure de conciliation, de sauvegarde, de redressement ou liquidation, voire la nomination d’un administrateur ad hoc. En cela l’article offre l’avantage de s’appliquer aux concours pour lesquels la date de départ du crédit n’est pas certaine, telles les avances en compte, les découverts en compte courant. Du point de vue des acteurs et des crédits concernés, les dispensateurs de crédit sont à entendre au sens large: le crédit interentreprises, les crédits consentis par les fournisseurs à leurs clients sont concernés, les concédants, les crédits accordés au sein d’un même groupe (cass com 25 mars 2003) voire les crédits octroyés par l’Etat pour les entreprises en difficulté. Sur la notion de « créanciers », les « concours » visés englobent notamment les 102 103 Décision n° 2005-522 DC – du 22 Juillet 2005 Ainsi que les professions libérales en vertu des articles L 620-2, L 631-2 et L 640-2 du Code de commerce 81 prêts, escomptes, découverts, crédits, crédits garantis par une cession de créances professionnelles, voire probablement les délais de paiement. En revanche le texte ne s’applique pas aux concours consentis pour financer des créations ou acquisitions d’entreprises. L’article s’applique enfin à toutes les « garanties » : il englobe aussi bien les sûretés classiques (sûretés personnelles et réelles) que les autres garanties telle la Garantie à première demande, le crédit-bail, la délégation, la lettre d’intention…. Il englobe donc tous types de garants, sans distinction faite entre garant profane ou « averti ». Lorsque les conditions de l’article sont remplies, la responsabilité des fournisseurs de crédit est écartée à l’égard de l’entreprise, des créanciers ainsi que du débiteur et des cautions. Le régime de l’irresponsabilité du banquier appelle quelques précisions : sur la nature de la responsabilité encourue d’une part (i); et sur les conséquences de la prise de garanties excessives d’autre part (ii). b). Le régime de l’article L.650-1 du Code de commerce. i). La nature de la responsabilité encourue. L’article L.650-1 du Code de commerce vise à prévenir les actions en responsabilité délictuelle menées à l’encontre des banques pour soutien abusif d’une entreprise104 en difficulté. L’action fondée sur les articles 1382 et 1383 du Code civil peut émaner du liquidateur, des créanciers ou du garant. L’élément générateur du dommage est la faute du banquier. Celle-ci s’apprécie de manière objective, comme une simple appréciation par le juge d’une disproportion entre le montant des crédits lors de la mise en place des sûretés et le montant global de ces sûretés elles mêmes. 104 ou de surcroît, si l’on est dans le cadre d’une procédure de conciliation, des personnes physiques exerçant une profession indépendante règlementée, à l’exception des agriculteurs. 82 Le préjudice réside dans la privation abusive des actifs donnés en garantie voire dans l’aggravation du passif du débiteur. En revanche, le préjudice matériel doit résulter en une situation irrémédiablement compromise du débiteur, les exceptions étant d’interprétation stricte. Tous les préjudices (individuel, collectif souffert par la masse des créanciers), moral comme matériel sont réparables. Le lien de causalité entre le fait générateur du dommage et le dommage, est établi lorsque le débiteur se trouve dans l’impossibilité de lever d’autres fonds et doit solliciter l’ouverture d’une procédure préventive d’insolvabilité ou une procédure de redressement judiciaire. Il semblerait que le débiteur dispose en outre d’une action contractuelle à l’égard du dispensateur de crédit fondée sur l’absence de devoir de vigilance ou de loyauté lors de la conclusion du contrat résultant de la prise de garanties disproportionnées. Aussi, les recours fondés sur le manquement au devoir d’information du banquier peuvent aboutir lorsque le prêteur est un professionnel et que par suite de circonstances exceptionnelles, ce dernier avait des informations sur la situation de son partenaire que lui-même aurait ignorées.105 La caution pourrait elle aussi invoquer par voie d’exception la responsabilité du créancier sur le fondement des articles 1382 du Code civil et L.650-1 du Code de commerce pour les trois hypothèses envisagées mais seulement lorsqu’elle souffre d’un préjudice lié aux concours consentis au débiteur tel l’octroi de crédits ruineux ou inappropriés. En outre elle continue de pouvoir agir pour manquement au devoir d’information donné au débiteur qui a eu pour conséquence pour elle de « limiter l’obligation de règlement par une révocation, ou de prendre des mesures conservatoires ». En revanche l’article se référant à la disproportion entre le montant du concours et celui des garanties qui sont octroyées pour ces concours, et non celle entre le montant de la garantie et les biens et revenus de la caution, la jurisprudence traditionnelle et la Loi Dutreil du 1er août 2003 en matière de disproportion dans cette dernière hypothèse sont peu utiles. 105 Cass 1 12 juill 2005 note JCPE n° 1359 83 ii) Le régime de la responsabilité : le cas de la prise de garanties disproportionnées. En son alinéa 1er l’article commenté énonce : « les créanciers ne peuvent être tenus pour responsables des préjudices subis du fait des concours consentis, sauf les cas de fraude, d’immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou si les garanties prises en contrepartie de ces concours sont disproportionnées à ceux-ci. » Il s’agit d’apprécier ces éléments, qui sont a priori d’appréciation stricte par la jurisprudence en ce qu’ils constituent des exceptions au principe de non responsabilité ainsi posé. Si l’on s’attache uniquement à l’étude de la prise de garanties disproportionnées par rapport au montant du crédit, l’on constate qu’il s’agit de l’hypothèse qui soulève le plus de difficultés. La construction prétorienne sur le caractère disproportionné du cautionnement par rapport aux biens et revenus de la caution est de peu d’intérêt. Quant à la jurisprudence sur la disproportion entre précisément le montant des concours octroyés et les garanties données en faveur dudit concours est assez rare. Notamment, un arrêt en date du 10 mai 1994 de la chambre commerciale de la Cour de Cassation retient la responsabilité d’un « créancier qui se fait consentir abusivement des sûretés pour le préjudice financier résultant de l’indisponibilité, pour des montants excessifs, de la valeur des biens donnés en garantie. » En l’espèce, le bien assiette de la sûreté réelle concernée atteignait une valeur dépassant de 200% le crédit consenti. Le garde des sceaux et les commentateurs ont considéré que la disproportion recouvrira les concours excessifs par rapport à la pratique. Le principe de proportionnalité est pris en compte par les juges aussi bien dans l’octroi de crédits ruineux, qualifiés par la jurisprudence de « politique de crédits ruineux pour l’entreprise devant nécessairement provoquer une croissance continue et insurmontable de ses charges »106 et dans le soutien abusif d’une entreprise en difficulté, « soutien artificiel à une entreprise dont elle connaissait, ou aurait dû connaître si elle s’était informée, la situation irrémédiablement compromise ».107 Quant à la date à laquelle s’apprécie la disproportion, la doctrine énonce que c’est celle de la prise de garanties. Cependant, cette date est difficile à déterminer pour des garanties telles les ouvertures de lignes de crédit. 106 107 Cass com 22 mars 05 cass com 22 mars 2005, n° 03-12922 84 Les crédits « consentis » englobent-ils les crédits promis ou ceux effectivement encaissés et utilisés par l’entreprise ? Le choix de la seconde solution paraît plus justifié. Aussi, il semble que l’expression « prises en contrepartie de ces concours » subordonne les garanties à ces concours. Ainsi, les garanties conclues postérieurement au concours sont exclues du champ d’application du texte dès lors qu’elles ne procèdent pas d’une promesse liée à ces derniers. En revanche sur l’appréciation qualitative et chiffrée de la disproportion, pour l’instant la doctrine s’attache seulement à en soulever les difficultés qui se posent a priori : les crédits « consentis » englobent-ils les crédits promis ou ceux effectivement encaissés et utilisés par l’entreprise ? Le choix de la seconde solution paraît plus justifié. Néanmoins c’est avant tout l’évaluation du montant des garanties prises et jugées comme « excessives » qui est importante compte tenu de l’assiette élargie de certaines sûretés mais aussi de leur montant. L’évaluation du montant des garanties consenties pose moins de problème lorsqu’elles sont des cautions personnelles limitées dans leur montant ou des sûretés réelles car le bien peut être facilement évalué. (En revanche M. Dammann souligne la difficulté lorsque la valeur de l’assiette des garanties réelles évolue à la baisse. Ex : Les instruments financiers qui sont sur un compte nanti). Les sûretés personnelles illimitées dans leur montant poseront problème. Le montant des garanties peut être supérieur au montant des crédits consentis mais dans quelle proportion ? Le texte n’exige pas que la « disproportion » soit manifeste. Pour apprécier l’excès, il faut additionner les garanties, ce qui n’est pas aisé lorsqu’elles sont de natures différentes, ou lorsque plusieurs cautions s’engagement envers un même créancier. Dans cette dernière hypothèse également, en cas de cumul de cautionnements solidaires, la disproportion (qui n’a pas à être manifeste) est rapidement atteinte. En matière d’hypothèques, le principe est déjà inscrit dans la loi des sûretés réelles. Par exemple, les articles 2161 et 2162 du Code civil autorisent la réduction des hypothèques excessives. Mais ce cumul de garanties peut mener à des solutions étonnantes puisqu'il a pour conséquence qu'une hypothèque conventionnelle constituée sur des immeubles d'une 85 valeur supérieure au montant du concours consenti mais inférieure au double plus un tiers de ce montant pourrait, éventuellement, être annulée sur le fondement de l'article L. 650-1 du code de commerce alors qu'une hypothèque légale ou judiciaire sur les mêmes immeubles ne serait, dans un cas identique, même pas susceptible d'un simple cantonnement sur le fondement de l'article 2444 du code civil. La jurisprudence sur la disproportion entre précisément le montant des concours octroyés et les garanties données en faveur dudit concours est assez rare : notamment, un arrêt en date du 10 mai 1994 de la chambre commerciale de la Cour de Cassation qui retient la responsabilité d’un « créancier qui se fait consentir abusivement des sûretés pour le préjudice financier résultant de l’indisponibilité, pour des montants excessifs, de la valeur des biens donnés en garantie. » En l’espèce, le bien assiette de la sûreté réelle concernée atteignait une valeur dépassant de 200% le crédit consenti. Enfin, un auteur a proposé, pour apprécier la disproportion, de se référer au montant maximum autorisé dans la convention de crédit, majoré des intérêts stipulés et des frais, car cette somme correspond au risque réel du banquier. En outre il propose de se référer non à la valeur immédiate des sûretés mais plutôt à leur valeur future en cas d’ouverture d’une procédure collective. Le banquier fautif dispensateur de crédit est condamné à des dommages et intérêts pour tout type de préjudice soufferts par l’une des victimes. Seule la caution (ou tout autre garant) n’aura plus droit à agir, pour absence d’intérêt à agir dès lors que la caution (ou toute garantie) sera annulée par le juge. En outre une sanction pénale pour octroi de crédits ruineux est envisageable. En tout état de cause, la nullité sanctionne la prise de garanties disproportionnées et non « manifestement » disproportionnées. La sanction est sévère pour le créancier : la nullité est « constatée » par le juge de plein droit et le juge n’a pas de pouvoir d’appréciation. 86 Face aux enjeux collectifs, les réformateurs du Code ont été contraints de laisser passer une opportunité historique de réfléchir globalement à une refonte du droit du crédit en harmonisant les règles d’insolvabilité et celles régissant les sûretés. En conséquence des incohérences subsistent, qui rendent difficile voire inutile la mise en œuvre de certaines prérogatives nouvelles offertes au créancier muni de sûretés par la réforme du 23 mars 2006 ! Ainsi, l’article 2287 du Code civil, placé en tête du Livre 4 du Code civil, prévoit de manière généralisée que les dispositions dudit livre ne font pas obstacle à l’application des règles prévues encas d’ouverture d’une procédure de sauvegarde, de redressement 87 judiciaire ou de liquidation judiciaire ou encore en cas d’ouverture d’une procédure de traitement des situations de surendettement des particuliers. Le Code civil reçoit une place dérogatoire par rapport aux dispositions régissant les procédures d’insolvabilité se trouvant dans le Code de commerce. Par exemple, le pacte commissoire, rendu possible dans certaines sûretés, dont le gage ou encore l’hypothèque, est rendu totalement inefficace en cas d'ouverture d'une procédure collective puisque le nouvel article L. 622-7 du code de commerce fait obstacle à sa réalisation. Aussi, dans l’optique de la réforme des procédures collectives, l’Administrateur judiciaire peut ordonner la poursuite des contrats en cours afin de préserver dans la mesure du possible, la viabilité de l’entreprise du débiteur. Le banquier dispensateur de crédits ne peut dans cette hypothèse demander à mettre à exécution sa sûreté. Bien au contraire, c’est l’article L.650-1 du Code de commerce, issu de la réforme sur les procédures collectives en date du 26 juillet 2005 qui encadre désormais la responsabilité du banquier. Par ce texte, le législateur a limité la possibilité d'engager la responsabilité d'un créancier pour fourniture d'un crédit abusif à trois hypothèses particulièrement répréhensibles parmi lesquelles figure la prise de garanties disproportionnées, lesquelles sont alors annulées sur le fondement de l'alinéa 2 de ce texte. Le banquier n’est désormais plus responsable pour octroi de « soutien artificiel à une entreprise dont [il] connaissait, ou aurait dû connaître [s’il] s’était informée, la situation irrémédiablement compromise ». En revanche, le banquier s’expose au risque d’annulation des garanties excessives sollicitées, par rapport au montant du crédit. Malheureusement, le législateur n’a pas défini le caractère « disproportionné » des garanties sollicitées par le banquier dispensateur de crédit. Ainsi, la proportionnalité entre le montant des garanties prises et celui du crédit ne peut s’apprécier qu’en calculant le montant global cumulé des garanties. Ainsi, si pour un cautionnement limité dans son montant ou pour un gage portant sur un bien dont la valeur est estimée le calcul est aisément possible, comment apprécier en revanche la disproportion d’un cautionnement illimité et solidaire, ou encore d’un gage portant sur des biens futurs. Il faudra attendre les applications jurisprudentielles pour apprécier le caractère disproportionné des garanties prises. 88 En tout état de cause, le législateur a souhaité voir la responsabilité du banquier limitée pour soutien abusif au débiteur en difficulté afin de rapprocher notre législation de celles des autres Etats européens, moins exigeantes en matière de responsabilité des créanciers. Cependant, l’attractivité des sûretés françaises est encore au stade « expérimental ». L’utilisation massive de la floating charge, sûreté britannique largement répandue et couronnée de succès de par sa souplesse d’utilisation, notamment en ce qu’il permet d’appréhender sans difficulté les garanties dans les grands projets de financement nécessitant la rédaction de plusieurs dizaines de contrats simultanés ou consécutifs, démontre les enjeux auxquels le gage français est confronté. En outre, les sûretés françaises s’avèreront-t-elles efficaces et aux nouveaux textes européens sur les procédures d’insolvabilité, tout comme aux projets internes à venir, telle la réforme de la fiducie ? De leur souplesse dépend l’attractivité future et le rayonnement à l’étranger des sûretés face aux nouveaux enjeux internationaux. TITRE 2 : L’attractivité du régime français des sûretés à l’aune des enjeux internationaux. L’attractivité des sûretés personnelles et réelles passe par leur simplicité d’utilisation et de réalisation, mais aussi à répondre à des besoins de projets complexes, s’inscrivant dans 89 un ensemble de contrats qui ont besoin de sûretés réduites à un nombre minimum tout en offrant une sécurité au créancier. Cependant, il demeure aujourd’hui dans le droit français certaines sûretés tout à fait archaïques, par choix des rédacteurs du projet, ou pour des raisons indépendantes de leur volonté.(Section 1) La souplesse d’une sûreté constitue l'atout pour son attractivité et son rayonnement à l’étranger. (Section 2) Section 1. Un régime des sûretés qui laisse subsister certains archaïsmes. Certaines garanties n’offrent pas la modernité requise pour constituer des sûretés efficaces. Certaines d’entre elles n’ont pu être incluses dans le projet afin d’être refondues et époussetées, d’autres, trop formalistes et contraignantes auront en pratique une faveur limitée. Il en va ainsi en particulier du gage sur stocks. (§1) Néanmoins, le nouveau gage sans dépossession offrira-t-il une alternative efficace face à la floating charge britannique ? (§2) §1. Une réforme incomplète laissant subsister certaines sûretés archaïques. 1). Le gage sur stocks : un régime formaliste, une lourdeur incommodante dans la pratique commerciale. L’ordonnance du 23 mars 2006 prévoit la constitution d’un gage sans dépossession qui peut porter notamment sur des biens corporels fongibles, lesquels peuvent en outre être futurs à condition d’être au moins déterminables.108 De là découle la possibilité de constituer un gage sur des stocks de marchandises, prévue expressément par un chapitre VII nouveau (art. L. 527-1 à L. 527-11 du Code de commerce). Il eût été possible de faire l'économie de ces textes, dans la mesure où le gage sans dépossession permet déjà de réaliser une telle sûreté sur des biens meubles corporels. Néanmoins le régime du gage de stocks doit être brièvement exposé : réservé aux établissements de crédit, le gage sur stocks peut être consenti par toute personne morale ou toute personne physique dans l'exercice de son activité professionnelle. Il doit être passé 108 L’entrée en vigueur des dispositions sur le gage des stocks entrent en vigueur dès la publication d’un décret d’application (Art. 527-11 nouveau du Code de commerce) 90 par écrit et doit contenir un certain nombre de mentions à peine de nullité. 109 Il doit être inscrit sur un registre public tenu au greffe du tribunal du ressort du débiteur. Il est renvoyé aux dispositions du Code civil pour les modes d'exécution : vente forcée ou attribution judiciaire. Mais, paradoxalement, le projet prohibe, pour le gage commercial sur stocks, le pacte commissoire, autorisé pour le gage civil de droit commun. Certaines critiques peuvent être apportées à l’introduction du dispositif nouveau relatif au gage sur stocks. Il eut été possible de faire l’économie de ces dispositions dans la mesure où le gage sans dépossession permet déjà, au vu de l’extension de l’assiette du gage, de constituer une telle sûreté sur un ensemble de biens fongibles. En outre, étant de nature commerciale, un régime dérogatoire du gage sur stocks plus formaliste encore que le gage ne se justifie guère. Il est peu probable que le gage sur stocks rencontre le succès escompté dans la pratique commerciale, notamment au vu des mentions obligatoires devant figurer dans l’acte constitutif du gage de stocks ou encore des délais brefs (15 jours à compter de l’acte) imposés pour l’inscription qui sont imposées à peine de nullité. De plus, sans justification aucune, le pacte commissoire n’est pas autorisé en la matière alors qu’il le devient dans le gage sans dépossession. Vu son caractère pénalisant, un établissement de crédit peut-il soumettre le gage des stocks au droit commun? La doctrine semble partagée. D’une part, certains soutiennent que le régime du gage sur stocks étant un régime spécial, la pratique sera contrainte de l’utiliser chaque fois que le gage portera sur un stock ou un élément du stock d’une entreprise. Dans 109 Art. L.527-1 : « Tout crédit consenti par un établissement de crédit à une personne morale de droit privé ou à une personne physique dans l’exercice de son activité professionnelle peut être garanti par un gage sans dépossession des stocks détenus par cette personne. Le gage des stocks est constitué par acte sous seing privé. A peine de nullité, l’acte constitutif du gage doit comporter les mentions suivantes : 1° La dénomination : “acte de gage des stocks ; 2° La désignation des parties ; 3° La mention que l’acte est soumis aux dispositions des articles L. 527-1 à L. 527-11 ; 4° Le nom de l’assureur qui garantit contre l’incendie et la destruction ; 5° La désignation de la créance garantie ; 6° Une description permettant d’identifier les biens présents ou futurs engagés, en nature, qualité, quantité et valeur ainsi que l’indication du lieu de leur conservation ; 7° La durée de l’engagement. Les dispositions de l’article 2335 du code civil sont applicables. Un gardien peut être désigné dans l’acte de gage. » 91 le cas contraire, il serait possible de contourner les dispositions protectrices édictées en faveur du constituant. En revanche, il semble qu’une thèse inverse doit être retenue, et que, dans la mesure où rien dans le Code civil n’oblige expressément à utiliser le gage sur stocks, les signataires doivent pouvoir choisir le régime qui leur convient, notamment le gage sans dépossession. Il semble que la réponse soit négative. En outre, si le gage de stocks est choisi, il n’empêche nullement l’application des dispositions du régime général compatibles, ce qui exclut notamment le pacte commissoire. 2). Le gage de véhicule automobile. Le gage de véhicule automobile est soumis à l’article 2351 nouveau du Code civil. Les dispositions relatives au gage automobile, sont intégrées au Code civil, l'opposabilité aux tiers restant subordonnée à une déclaration à la préfecture. Le régime du gage de véhicule automobile est corrélativement modifié, les voies d'exécution étant celles du Code civil cidessus esquissées, et non plus celles prévues au Code de commerce. Lorsqu’il porte sur un véhicule terrestre à moteur ou une remorque immatriculés, le gage est opposable aux tiers par la déclaration qui en est faite à l’autorité administrative dans les conditions fixées par décret en Conseil d’Etat. Ainsi, à la date du décret, sera abrogé le décret n° 53-968 du 30 septembre 1953 relatif à la vente à crédit des véhicules automobiles. 3). La subsistance de certaines garanties archaïques. Le nantissement de fond de commerce 110, le nantissement de nantissement et d’outillage…111, sont des sûretés anciennes, régies par des lois spéciales et pour lesquelles le législateur a estimé utile de prévoir un régime dérogatoire au droit commun. Il s’agit en 110 Loi du 17/03/1909 relative à la vente et au nantissement de fond de commerce, texte partiellement codifié par l’ordonnance 2000-912 du 18 septembre 2000 relative à la partie législative du code de commerce ; Journal officiel “Lois et Décrets” du 19/03/1909 page 2809 111 Décret n°51-194 du 17 février 1951 ; Publication au JORF du 22 février 1951 ; décret pris, en ce qui concerne les formalités d'inscription des privilèges, pour l'application de la loi du 18 janvier 1951 relative au nantissement de l'outillage et du matériel d'équipement 92 réalité la plaupart du temps de gages spéciaux avec dépossession réelle ou fictive, sans dépossession. Ces sûretés n’ont point été appréhendées par la réforme, puisqu’une telle modification impliquerait de modifier les lois existantes. Le groupe de travail n’a pas été en mesure de pouvoir les modifier. En tous les cas, les appellations mêmes de ces sûretés sont désuètes au regard de la nouvelle distinction opérée entre le gage, terme employé pour s’appliquer aux meubles corporels et nantissement, réservé aux meubles incorporels. Il est dommageable de constater que ces sûretés aient été préservées, alors qu’elles démontraient leurs limites à l’usage de la pratique commerciale. Il en va ainsi particulièrement du nantissement de matériel et d’outillage de par son formalisme gênant. §2. Le nouveau gage sans dépossession face aux sûretés issues de la Common law : une efficacité à démontrer. Force est de constater que, sous l’ancien régime, pour mener à bien un projet international avec la France, régi par le droit français des contrats, il était nécessaire de rédiger plusieurs contrats consacrés uniquement à la partie sûretés ! Les sûretés françaises obéissaient à des règles d’assiette précises, avaient toutes leurs contraintes, sans oublier leur dispersion dans divers codes français. Les rédacteurs de ces projets préféraient par conséquent, le plus souvent, faire obéir l’ensemble des contrats au régime de la Common Law, dont les garanties, notamment la floating charge, offre une souplesse incomparable. A titre d’exemple, un seul contrat suffit pour appréhender toutes les sûretés du projet quelque soit la diversité des biens donnés en garantie ! Le droit américain prévoit dans l' Uniform Commercial Code (UCC) toute une gamme de sûretés réelles sous l'appellation de security interest112. Celui-ci porte sur tout bien meuble corporel ou incorporel, un ensemble de biens, comme un stock de marchandises, ou de droits. Les conditions d’opposabilité sont limitées à un enregistrement sur un registre centralisé, valable cinq ans. De plus, pour certains biens, le créancier gagiste doit avoir la possession ou le contrôle du bien donné en garantie. En cas d'ouverture d'une procédure de réorganisation prévue par le chapter 11, il existe une suspension des poursuites, qui 112 V. UCC § 9 93 concerne l'ensemble des créanciers bénéficiant d'un security interest, y compris des gages portant sur des sommes d'argent, comme le gage-espèces (cash collatéral). La compensation n'est donc pas permise pour permettre à un créancier de réaliser sa sûreté. En cas de liquidation, le créancier gagiste a une priorité par rapport aux créanciers sur le produit de la vente du bien gagé, Néanmoins c’est surtout la floating charge britannique, qui permet une utilisation des plus souples, portant sur un ensemble d’actifs mobiliers, ou de créances. En matière de droit du gage, le droit anglais distingue entre le pledge qui implique une dépossession, mais qui est peu usité dans les transactions courantes et la charge113. Cette dernière est comparable au nouveau gage sans dépossession du droit français. En règle générale, la. charge fait l'objet d'une publicité dans un registre central appelé the Companies house114. II est possible que la charge porte sur toutes sortes de biens individualisés, corporels ou incorporels (fixed charge), ou encore sur un ensemble de biens, présents comme futurs, comme la fameuse floating charge. L’on dit qu’elle vole au dessus des actifs qu’elle appréhende de manière globale. L’intérêt de la distinction entre la fixed charge et la floating charge concerne surtout la priorité des créanciers en cas d’ouverture d’une procédure collective du débiteur. En effet, en droit anglais, l'ouverture d'une procédure d'insolvabilité sous la forme d'une «administration » (qui est comparable au redressement judiciaire de droit français) entraîne la suspension des poursuites. Elle concerne tous les créanciers, y compris ceux bénéficiant d'une charge. L'administrateur, qui est en pratique souvent choisi par le principal créancier, doit dans la mesure du possible poursuivre l'activité de l'entreprise et peut disposer des actifs compris dans une floating charge sans le consentement du créancier gagiste ou du juge. En revanche pour céder les actifs contenus dans une charge il doit être autorisé par le juge. Le succès du nouveau gage sans dépossession dépend donc d’une part de la possibilité de constituer plusieurs gages sur le même bien, le rang des créanciers étant réglé par l'ordre des inscriptions sur le registre spécial, et d’autre part de la place du créancier gagiste 113 Appropriation of an asset in discharge of a liability L'inscription n'est pas une condition de validité. Toutefois, une charge, qui n'a pas fait l'objet d'une publication dans un délai de vingt et un jours après la signature de l'acte, n'est pas opposable aux tiers et tout particulièrement à l'administrateur ou au liquidateur nommé dans le cadre d'une procédure d'insolvabilité. Une réforme est en cours. Selon le projet de loi en discussion, il est envisagé, à l'instar du droit américain, que l'inscription soit une condition de validité 114 94 devant une procédure d’insolvabilité. Néanmoins, comme il a été souligné ci-dessus, le pacte commissoire, gelé par l’ouverture d’une des procédures prévues au Livre 6 du Code de commerce, empêche manifestement le créancier d’obtenir la propriété du bien gagé au moment où il en a le plus besoin. Néanmoins, d’autres projets de réformes en cours, tant à l’échelon européen qu’interne viennent s’inscrire en défi pour le nouveau régime des sûretés. Le règlement européen CE n° 1346-2000 du 29 Mai 2000115sur les procédures d’insolvabilité ou encore l’instauration de la fiducie en France seront des indicateurs de la pérennité de nos sûretés et par voie de conséquence de leur attractivité au niveau international. Section 2. Les sûretés françaises en quête d’attractivité face aux nouveaux enjeux internationaux. La problématique nouvelle des sûretés françaises est d’offrir une souplesse et une facilité d’utilisation, afin de permettre au nouveau droit des garanties françaises de rayonner à l’étranger, aussi bien vis-à-vis des universitaires que des praticiens. C’est essentiellement face au nouvel enjeu issu du règlement européen sur les procédures d’insolvabilité que les sûretés françaises devront prouver leur efficacité. (§1) Néanmoins, l’instauration de la fiducie, à l’étude en France depuis quelques années permettra certainement de séduire des rédacteurs de projets internationaux et de répondre au besoin d’attractivité des sûretés françaises.(§2) §1. Le règlement communautaire sur les procédures d’insolvabilité, un enjeu nouveau, en particulier pour les banques. Les praticiens du droit et rédacteurs de projets internationaux ont une connaissance élargie des divers régimes des sûretés internationaux et n’hésitent pas à localiser leurs actifs et leurs activités en fonction de l'efficacité des règles matérielles nationales qui sont les mieux adaptées à leurs besoins116. Le constat est tout particulièrement vérifié en matière du droit des sûretés mobilières qui est dominé en droit international privé par la règle de rattachement de la lex rei sitae. Les biens meubles corporels, les créances et autres meubles 115 JOCE L 160, 30 juin 2000, p. 1; D. 2000, Lég. p. 374, mod. par le règlement (CE) n° 603/2005 du 12 avr. 2005, JOCE L 100, 20 avr. 2005, p. 1 116 V. R. Dammann, Mobilité des sociétés et localisation des actifs, Cah. dr. entr., mars-avr. 2006, p. 4 95 incorporels peuvent en effet faire l'objet d'une localisation volontaire dont dépendra la loi applicable au contrat en cours. C’est surtout dans les procédures collectives frappant le débiteur que les créanciers souhaitent voir les biens donnés en gage préservés et en sécurité. Les enjeux sont primordiaux en particulier pour les banques, en tant que bénéficiaires ou garantes, d’autant plus à l’aune de l’entrée en vigueur du nouveau ratio de solvabilité de Bâle II qui donne une prime aux sûretés particulièrement efficaces. Or, la rentabilité des établissements de crédits est fixée sur la base d'un pourcentage de retour sur fonds propres. Il est constaté dès lors que l'efficacité des sûretés pourrait avoir une incidence sur le comportement des banques et sur le choix de la localisation des financements internationaux et de la loi applicable aux sûretés. Le règlement européen en date du 29 mais 2000 sur les procédures d'insolvabilité facilite la constitution de sûretés en ce qu’il prévoit des règles de localisation et de reconnaissance automatique des sûretés constituées en Europe117. Pour la localisation de créances, l'article 2g) se réfère à l'État membre sur le territoire duquel se trouve le centre des intérêts principaux du tiers débiteur, tel qu'il est déterminé à l'article 3 (1). Très rapidement, des difficultés d'interprétation de cette notion sont apparues118. Il existe cependant une règle générale pour localiser les biens et les droits que le propriétaire ou le titulaire doit faire inscrire dans un registre public en faveur de l'État membre sous l'autorité duquel ce registre est tenu. Etant donné que, en règle générale, la loi applicable à la constitution et à la réalisation des sûretés est la loi de l'État de la situation du bien (lex rei sitae), les règles relatives à la localisation des biens déterminent la loi applicable. Par conséquent, les États membres qui organisent un registre centralisé pour publier l'ensemble des sûretés mobilières, comme c'est le cas en Angleterre, disposent d'un avantage concurrentiel important sur les autres États ayant un système plus rudimentaire. En cela le nouveau gage sans dépossession français, qui prévoit également la formation d’un registre centralisé pour la publicité des gages et leur opposabilité aux tiers par voie de décret, constitue enfin une avancée majeure de la réforme des sûretés. Néanmoins, face aux procédures collectives, le législateur a failli dans sa mission de rendre le droit de rétention 117 V. R. Dammann, Banque et Droit mai-juin 2005, p. 36. 118 V. CA Versailles, 13e ch., 15 déc. 2005, D. 2006, Jur. p. 379, note R. Dammann; T. com. Nanterre 15 févr. 2006, D. 2006, Jur. p. 793, note J.-L. Vallens 96 opposable à la procédure collective du débiteur ou encore de donner les moyens efficaces pour le créancier de faire jouer certaines de ses prérogatives comme le pacte commissoire. Ainsi, les objectifs du groupe de travail présidé par le professeur Michel Grimaldi de rendre les nouvelles sûretés plus attractives et efficaces, ont été globalement une réussite. Cependant, faute d’une réflexion globale, d’une cohérence avec la réforme antérieure des procédures collectives et donc de l’efficacité des sûretés dans les procédures d’insolvabilité, la réforme apparaît comme incohérente et inapte à satisfaire les créanciers, notamment étrangers. §2. Le défi de l’harmonisation des sûretés réelles avec le projet d’instauration de la fiducie en France. La généralisation de la fiducie-sûreté en droit français est un vieux débat qui a pris la forme d’un avant-projet de texte présenté le 8 février 2005 en Conseil des ministres. L'Allemagne a adopté la fiducie de longue date en ce qu’elle s’inscrit dans son système juridique et se conforme à ses principes juridiques. De la même manière, le trust en droit anglo-saxon a déjà présenté ses avantages, tant il est largement utilisé, même en France, pour des contrats régis par le droit issu de la Common Law. Elle permet à une personne, le constituant (settlor), de transférer la propriété de droits lui appartenant à un « trustee », afin de les administrer, non dans l'intérêt propre de ce trustee mais pour réaliser un objet déterminé. Le droit français n’a jamais institué une sûreté équivalente au « trust » des pays de droit anglo-américain, tandis que le principe a déjà été consacré dans de nombreux pays, notamment en Amérique latine, en Chine ou au Luxembourg qui l’a adopté le 3 septembre 2003 ou le Québec, lors de la modification de son Code civil le 1er janvier 1994. Pourtant, les évolutions du droit français le permettraient.119 Selon M. Philippe Marini, « La France ne peut pas rester insensible à la globalisation de cet instrument juridique ».120 Instaurer une seule fiducie dont le régime serait clarifié entraînerait une sécurité juridique et moderniserait le droit des garanties en France, rendant 119 120 Toledo-Wolfsohn A.-M., Le trust et le droit civil français, RLDC 2004/8, n° 338 et RLDC 2004/9, n° 375 discours à la séance du 8 février 2005, assemblée nationale 97 notre droit plus attractif et concurrentiel vis-à-vis des pays étrangers. Dans le cadre d’une globalisation juridique, la fiducie apparaît comme un instrument dont la France devrait se doter, notamment dans la lancée des réformes engagées lors du bicentenaire du Code civil. La fiducie, ou le trust représente un avantage pour les banques, qui profitent ou qui prennent le rôle du garant dans l’exécution de la garantie. C’est en particulier le « trust volontaire » qui intéresse la titrisation et la syndication bancaire, dans lequel une personne, le constituant du trust (settlor ou grantor), crée un trust selon deux procédés : il peut se déclarer lui-même trustee de certains de ses biens dans l’intérêt d’une ou plusieurs personnes, appelées bénéficiaires (beneficiaries) ou opter pour le transfert de ses biens à une ou plusieurs personnes, appelées trustee(s) qui les détiennent en trust au profit des bénéficiaires. Le trustee bénéficie alors de la propriété des biens en trust, qu’il peut administrer et en disposer. L’equity lui ajoute des obligations : si le trust a aliéné à titre onéreux en violation de ses obligations (breach of trust) les biens constitués en trust, la contrepartie qu’il reçoit se substitue aux biens aliénés et le trustee sera désormais considéré trustee des sommes provenant de leur vente et des biens acquis en remploi. De son côté, le bénéficiaire du trust a un droit de propriété particulier , un droit de suite sur les biens se trouvant dans le patrimoine d’un tiers qui les a acquis à titre gratuit ou de mauvaise foi. Ainsi, la syndication bancaire constitue le meilleur exemple de l’utilisation du trust : Les banques, pour réaliser un grand projet de financement s’organisent en un pool bancaire, qui consiste en « la réunion de deux ou plusieurs banques, ayant pour objet la répartition de la charge d?un crédit octroyé à un emprunteur »121. Certaines des banques étant anglo saxonnes, et même en l’absence de ce paramètre, les contrats sont souvent rédigés en anglais et sont régis par le droit de la common law. Une banque peut être simple participant au financement en tant que prêteur, arrangeur ou agent. Seule, la qualité d’agent intéresse les sûretés puisque c’est lui qui met en place les sûretés. L’agent récolte les fonds auprès des différents prêteurs et les redistribue à l’emprunteur. En droit français la qualification qui correspondrait au trustee serait le mandataire. Néanmoins cette qualification présente des limites quant à son aspect gestion des sûretés. En effet, un trustee agit en son nom et engage sa propre responsabilité dans ses actes passés avec les tiers, contrairement à un mandataire qui agit dans les limites de ses fonctions. Aussi, le trustee a la propriété des biens donnés en trust. Enfin, un mandat peut 121 Zein Y., Les pools bancaires : aspects juridiques, préf. Larroumet Ch., Economica, 1998 98 être révoqué contrairement au trust, ce qui nuirait à la sécurité du syndicat. Néanmoins, la généralisation de la fiducie, dont le principe a été envisagé par le rapport Grimaldi, bouleverserait notre droit des procédures collectives122. Ce dernier pourrait néanmoins être adapté, comme en Allemagne: les actifs cédés en pleine propriété, dont le débiteur conserve l'usage, seraient réputés rester dans le patrimoine de ce dernier. En procédures collectives, à prévoir que les dispositions régissant la fiducie ne « font pas obstacle à l’application » des dispositions en cas d’ouverture d’une procédure collective du ou des débiteurs, ne réglerait pas toutes les questions de l’harmonisation de la fiducie dont les aspects avantageux sont évidents avec les autres sûretés et le classement du rang des créanciers, ceux du pool bancaire agissant « ensemble » par l’intermédiaire de leur trustee. Ainsi, l’harmonisation des sûretés françaises afin de les rendre attractives avec les autres législations n’est pas encore à proprement parler engagée. Le rayonnement du Code civil se trouve largement concurrencé par la Common Law, en matière de sûretés efficaces et largement utilisées, comme le Trust, mais également au regard de la responsabilité du banquier dispensateur de crédit en cas d’ouverture d’une procédure collective du débiteur. De la même manière, le manque d’harmonisation de nos propres législations internes, à savoir la réforme des procédures collectives et celle des sûretés, nuit d’avantage à l’attractivité de nos garanties. Les participations des banques françaises aux grands projets internaitonaux, voire internes, régis par des dispositions de droit issu de la common law ont encore de beaux jours devant elles. Ce n’est qu’en assouplissant encore d’avantage le droit des sûretés française et en introduisant des dispositions relatives à la fiducie que la loi française pourrait de nouveau gagner en influence. BIBLIOGRAPHIE COMPLETE: Ouvrages: - Dominique Legeais « Sûretés et garanties du crédit » Ed. L.G.D.J. 5eme édition Textes de lois, Chroniques et commentaires : 122 En ce sens R. Dammann, Lamy Droit des affaires, juin 2005. (58) Art. 2335 et s 99 - Projets et textes de lois : - « Rapport Grimaldi remis au Garde des Sceaux le 31 mars 2005 » www.justice.gouv.fr - Loi d’habilitation n°2005-842 du 25 juillet 2005, art. 24 ; JORF du 27 juillet 2005 - Loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises ; JORF du 27 juillet 2005 - Ordonnance n° 2006-346 du 23 mars 2006 portant réforme des sûretés; JORF 24 mars 2006 et voir pour la table de concordance Dernière actualité Dalloz 2006, n° 15 p. 1037 - Règlement (CE) n° 1346/2000 du Conseil, du 29 mai 2000, relatif aux procédures d'insolvabilité http://europa.eu/scadplus/leg/fr/lvb/l33110.htm - Avant projet de loi instituant la fiducie http://www.senat.fr/leg/ppl04-178.html - Commentaires et chroniques : - « Présentation de la réformedu droit des sûretés : une symphonie inachevée » D. Legeais Revue bimestrielle LexisNexis Jurisclasseur – Revue de droit bancaire et financier MaiJuin 2005 p. 67 - « Quel gâchis ! » D. Legeais Revue bimestrielle LexisNexis Jurisclasseur – Revue de droit bancaire et financier Mai-Juin 2005 p. 72 - « Droit des sûretés : les propositions du rapport Grimaldi » X. Bordenave- Labarbère Option finance n° 831, 25 avril 2005 , p. 33 - « Vers une réforme majeure du droit des sûretés ? » Répertoire de droit commercial mai 2005 - « Vers une réforme des sûretés » M. Grimaldi RJC 2005, p. 467 - « Pleins feux sur l’ordonnance sûretés : entretien avec Dimitri Houtcieff, professeur à la faculté de droit d’Evry-Val D’Essonne » Les Petites Affiches 28 avril 2006 n° 85, page 4 - « Présentation générale de la réforme » L..Aynès Dalloz 2006 n° 19 p. 1289 - « La réforme du régime hypothécaire » P.Dupichot Dalloz 2006 n° 19 p. 1291 - « L’hypothèque rechargeable et le prêt viager hypothécaire » M.Grimaldi Dalloz 2006 n° 19 p. 1291 - « La réforme des sûretés mobilières une occasion manquée » R.Damman Dalloz 2006 n° 19 p. 1298 - « La consécration légale des droits de rétention » A.Aynès Dalloz 2006 n° 19 p. 1301 100 - « Les dispositions relatives au droit des sûretés personnelles » N.Rontchevsky Dalloz 2006 n° 19 p. 1303 - « La réforme des procédures collectives et le droit des sûretés » P. Crocq Dalloz 2006 n° 19 p. 1306 - « La garantie de la dette d’autrui et le droit du régime matrimonial » J.Revel Dalloz 2006 n° 19 p. 1309 - « Le droit des sûretés français des sûretés réelles en quête d’un second souffle » M. Ancel Banque et droit n° 97, sept. – oct. 2004 p. 4 - « Vers une réforme du droit des sûretés, premières réactions de la chmabre de commerce et de l’industrie de Paris (CCIP) sur le rapport Grimaldi » JCPE n° 29, 21 juillet 2005, p. 1203 - « Droit des sûretés » panorama de jurisprudence P. Crocq Dalloz 2005, n° 30, p. 2078 - « Réflexions sur la réforme du droit des sûretés au regard du droit des procédures collectives : pour une attractivité retrouvée du gage » R. Dammann Dalloz 2005, n° 35, p. 2447 - « Sort du cautionnement en cas de fusion-absorption de la société créancière ou de la société débitrice » H. Lécuyer Revue bimensuelle LexisNexis JurisClasseur Droit des sociétés février 2006, p15 - « Le principe de proportionnalité en droit des garanties » N. Molfessis Banque et Droit n° 71, mai-juin 2000 - « Recodifier le droit du cautionnement » F. Buy Revue Lamy de droit civil juillet/août 2005 p. 27 - « Chronique de droit des sûretés » P. Simler et P. Delebecque ; JCPG n° 15 12 avril 2006 page 728 - « L’ordonnance réformant le droit des sûretés présentée en conseil des ministres » V. Toussaint JCPG n° 12, 24 mars 2006 page 575 - « La réforme du droit des sûretés : un nouveau livre 4 du Code civil » P. Simler JCPG n° 13, 29 mars 2006, p. 597 - « Actualité législative, réforme des sûretés : présentation de l’ordonnance du 23 mars 2006 » Dalloz 2006 n° 13 p. 908 - « La réforme du droit des sûretés, un livre IV nouveau du Code civil » P. Simler JCPG n° 13, 29 mars 2006, page 597 - « Brèves réflexions sur la réforme du droit des sûretés en France » B. Soinne Revue des procédures collectives n°1, mars 2006, page 9 101 - « Vers quelles nouvelles formes de sûretés réelles (propos sur la réforme du droit des sûretés réelles issues de la loi n° 2005-842 du 26 juillet 2005 )? » Lexbase n° N9698AIZ - « Le principe de proportionnalité en droit des procédures collectives » J-M. Calendini Les Petites Affiches 30 septembre 1998 n° 117, page 51 - Le projet de loi sur la sauvegarde des entreprise et le respect du droit des sûretés » P. Crocq Revue Droit et Patrimoine, n° 133, javier 5 p. 43 - « Le gage de stocks de biens ou marchandises » P. Bouteiller JCPE n° 18, 4 mai 2006, page 808 - « Actualité legislative : réforme des sûretés, présentation de l’ordonnance du 23 mars 2006 » Dalloz 2006, n° 13, p. 908 - « Le droit des sûretés mobilières après l’ordonnance du 23 mars 2006 » Les Petites Affiches 18 mai 2006 n° 99, page 4 - « L’hypothèque rechargeable » E. Frémeaux JCPN n° 19 , 12 mai 2006, page 953 - « Ordonnance « sûretés » : fiche de lecture du nouveau Livre IV du Code civil » D. Chemin Bomben ; Lamy droit des affaires, n° 5 mai 2006 page 29 - «Les principaux apports de la réforme des sûretés » A. Liard ; Option finance n° 880 du 24 avril 2006 - « Le point sur l’actualité législative en matière de sûretés personnelles » P. Crocq , Revue Lamy droit civil, supplément au n° 25, mars 2006,n° 1076 p.79 - « Le point sur l’actualité législative en matière de sûretés personnelles » L. Aynès Revue Lamy Droit civil, supplément au n° 25, mars 2006,n° 1077 p.82 - « Le point sur l’actualité législative en matière de sûretés réelles » P.Crocq, Revue Lamy Droit civil, supplément au n° 25, mars 2006,n° 1078 p.85 - « Le point sur l’actualité législative en matière de sûretés réelles » L. Aynès Revue Lamy Droit civil, supplément au n° 25, mars 2006,n° 1079 p.89 - « Le projet de réforme du droit des sûretés » L. Aynès et P.Crocq Revue Lamy Droit civil, supplément au n° 25, mars 2006,n° 1080 p.91 - « La future réforme du droit français des sûretés réelles » P.Crocq Revue Lamy Droit civil, octobre 2005,n° 20, n° 829 p.27 - « L’hypothèque, une sûreté classique toujours à la mode » G. Piette Revue Lamy Droit civil, juin 2004,n° 6 p.25 - « Le trust et le droit civil français » A. Toledo Wolfsohn Revue Lamy Droit civil, octobre 2004,n° 9 p. 24 102 - « Actualité du droit de rétention » G. Piette Revue Lamy Droit civil, n° 14, mars 2005,n° p.21 - « Cautionnement réel, un opportun retour à l’ordre » M. Mignot Revue Lamy Droit civil, février 2006,n° 24 p.23 - De quelques réflexions à propos des difficultés d’application de la clause de réserve de propriété dans les procédures collectives » Les Petites Affiches 18 juin 1999 n° 121, page 6 - « Vente avec réserve de propriété » E. Garaud Editions jurisclasseur 2001, n° 9, 2001, fasc. 291 - « Sûretés : une réforme plutôt réussie » L. Aynès Revue Droit et Patrimoine, n° 147, avril 2006, p. 10 - « 2005 : les sûretés entre droits positif et prospectif » L. Aynès et P. Dupichot Revue Droit et Patrimoine, n° 145, février 2006, p. 122 - « Orientations générales de la réforme » M. Grimaldi Revue Droit et Patrimoine, n° 140, septembre 2005, p. 50 - « Les sûretés personnelles » P. Simler Revue Droit et Patrimoine, n° 140, septembre 2005, p. 55 - « Le gage de meubles corporels » L. Aynès Revue Droit et Patrimoine, n° 140, septembre 2005, p. 61 - « Le nantissement de meubles incorporels » H. Synvet Revue Droit et Patrimoine, n° 140, septembre 2005, p. 64 - « L’hypothèque » M. Grimaldi Revue Droit et Patrimoine, n° 140 septembre 2005, p. 72 - « La réserve de propriété » P. Crocq Revue Droit et Patrimoine, n° 140, septembre 2005, p. 75 - « Le regard de l’avocat sur le projet de réforme des sûretés » A. Provansal Revue Droit et Patrimoine, n° 140, septembre 2005, p. 80 - « Le regard du notaire sur le projet de réforme des sûretés » E. Frémeaux Revue Droit et Patrimoine, n° 140 septembre 2005, p. 88 - « Le projet de réforme du droit des sûretés à l’épreuve d’une approche internationale » A. Gourio Revue Droit et Patrimoine, n° 140 septembre 2005, p. 95 - « La position de la fédération bancaire française sur le projet de réforme des sûretés » A. Bac Revue Droit et Patrimoine, n° 140 septembre 2005, p. 98 - « Les concours consentis à une entreprise en difficultés » D. Legeais JCPE n° 42, 20 octobre 2005, p. 1747 103 - « Redressement et liquidation judiciaires des entreprises » M. Cabrillac et P. Pétel JCPE, n° 36, 8 septembre 2005, p. 1421 - « De la sauvegarde des entreprises » P. Rey JCPE n° 42, 20 octobre 2005, p. 1770 - « Le nouveau droit des entreprises en difficulté » JCPE n° 42, 20 octobre 2005, p. 1730 - « Nouvelles variations sur la responsabilité du banquier dispensateur de crédit » S. Piedelièvre Lamy civil - « Obligations et responsabilités d’un établissement de crédit qui consent un crédit à un particulier » JCPE n° 38, 22 septembre 2005, p. 1521 - « De l’irresponsabilité du préteur dans le projet de loi de sauvegarde des entreprises » M. Routier Dalloz 2005 n° 22, p. 1478 - « Le cantonnement de la responsabilité pour soutien abusif » R. Routier GP 9-10 septembre 2005, p. 33 - « Premiers regards sur la loi de sauvegarde des entreprises » Dalloz droit des affaires supplément au n° 33/7218, 22 septembre 2005, p. 2298 - « L’asymétrie d’information, cause de responsabilité du banquier dispensateur de crédit « Dalloz 2005, n° 37 p. 2588 - « La situation des banques, titulaires de sûretés, après la loi de sauvegarde des entreprises » R. Dammann Banque et droit n° 103, sept-oct 2005 p. 16 - « La réforme des procédures collectives : commentaire de la loi de sauvegarde des entreprises » Lexbase n° N6990AIQ - « Le sort des créanciers après la loi de sauvegarde des entreprises : entre renforcement des droits et allègement des devoirs ? » LPA 17 février 2006, n° 35, p. 63 - C.F.P.N.P. Préparation à l’examen d’entrée par la voie professionnelle au C.F.P.N.P. CONTRATS SPÉCIAUX ET SÛRETÉS Conférence d’actualisation du 22 avril 2006 - « Le nouveau droit de l’Hypothèque » Dossier Les éditions du Cridon »7 Juin 2006 - Articles parus sur internet : - « France’s Half-finished Revolution » IFLR MAY 2006 ; www.ifrl.com - Bulletin d’informations de la Mission pour la Réforme des Systèmes et Moyens de Paiement novembre 2001 - FBF lettre aux adhérents n° 35, avril 2006 www.extranet.fbf.fr - AB Lettre de la profession bancaire n° 505, février 2006 FBF 104 REMERCIEMENTS : Je tiens à remercier Madame Sylvie de Coussergues et Monsieur Gautier Bourdeaux, directeurs du Master 2 professionnel « Banque et Finance » au cours de l’année universitaire 2005-2006 sans qui le mémoire n’aurait pas vu le jour. Je souhaite les remercier tout particulièrement pour leurs qualités pédagogiques et leur investissement personnel, gages de leur volonté d’assurer la réussite des étudiants du Master dans leurs carrières professionnelles. Je tiens aussi à remercier toute l’équipe de professeurs du Master et de professionnels de la banque et de la finance intervenants, pour leur enseignement exceptionnel et pour nous avoir fait partager leurs expériences et passion du métier de la banque et de la finance. 105