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de cours d’appel commentés par D COMITÉ D’ENTREPRISE 333-334-14 Expertise : contestation des honoraires CA Paris, pôle 1, 2e ch., 19 sept. 2012, n° 11/22043 D ans le cadre de l’examen annuel des comptes, un comité d’entreprise (CE) a procédé à la désignation d’un expertcomptable en vue de l’assister dans cette mission. L’expert a fixé ses honoraires à un montant de 42 000 euros sur la base d’un tarif journalier de 1 680 euros et présenté un note complémentaire de 800 euros pour une réunion extraordinaire du CE ayant pour objet d’entendre les commissaires aux comptes. La société a contesté le montant total de ce budget et s’est limitée à régler 20 000 euros. Après avoir été débouté de ses demandes de paiement de ses honoraires en première instance, l’expertcomptable les verra en partie satisfaites devant la cour d’appel qui rappelle que dans les litiges portant sur la rémunération de l’expert, le juge a pour mission d’apprécier « la juste rémunération du travail accompli par l’expert-comptable, compte tenu des missions qui lui ont été confiées ». La cour rejette les arguments de l’employeur qui consistait à remettre en cause la qualité du rapport et l’étendue de la mission de l’expert mais procède néanmoins à une réduction des honoraires, considérant comme excessif le taux journalier facturé par l’expert. Pour l’appréciation de ce taux, la cour se réfère dans sa décision à la publication d’un article de l’Ordre des experts comptables indiquant que « les tarifs des experts du CE tournent souvent autour de 900 euros à 1 200 euros la journée ». Constatant que le taux journalier facturé par l’expert dépassait notablement ces montants et ce, sans aucune justification, la cour procède donc à la réduction de la note totale à 30 000 euros. La cour choisit donc de se référer à un taux moyen constaté et publié par les experts-comptables pour apprécier la juste rémunération de l’expert-comptable, méthode simple et transparente, dans un domaine où les pratiques sont extrêmement variées, voire opaques. L’expert-comptable est par ailleurs débouté de sa demande de règlement d’honoraires complémentaires correspondant à une réunion extraordinaire pour l’audition des commissaires aux comptes. Le CE avait en effet convoqué les commissaires aux comptes, en application de l’article L. 2323-8 du Code du travail, pour recevoir leurs explications sur les documents comptables et sur la situation financière de l’entreprise. La cour estime que la possibilité de convoquer à une réunion extraordinaire afin d’entendre les commissaires aux comptes ne s’accompagne pas de la faculté pour le CE de désigner un expert-comptable pour participer à cette réunion. La cour limite donc aux réunions de préparation et de présentation de son rapport, le type de réunions pour lesquelles l’expert peut assister le comité dans le cadre de sa mission d’assistance pour l’examen annuel des comptes. 9 Aymeric d’Alançon, avocat, Fromont Briens jurisprudence générale arrêts D SALARIÉS PROTÉGÉS 333-334-15 Contestation de la rupture conventionnelle devant le juge judiciaire CA Toulouse, 4e ch., sect. 1, 13 sept. 2012, n° 10/05691 M onsieur Y, salarié protégé, conclut une rupture conventionnelle autorisée et homologuée par l’inspecteur du travail, le 22 septembre 2008. Par courrier recommandé expédié le 23 septembre 2009, le salarié saisit le conseil de prud’hommes en contestation de la rupture, et obtient la nullité de la rupture. Saisie par la société, la Cour d’appel de Toulouse confirme le jugement entrepris en ce qu’il a écarté l’exception d’incompétence soulevée par elle, mais infirme le jugement concernant l’annulation de la rupture conventionnelle et déclare le salarié irrecevable en sa demande de nullité de rupture conventionnelle compte tenu de l’expiration du délai de douze mois de contestation. Pour aboutir à la compétence prud’homale, la cour va se livrer à une analyse combinée des dispositions de l’article L. 1237-14 du Code du travail attribuant compétence au conseil de prud’hommes pour tout litige concernant la convention de rupture et de l’article L. 1237-15 du Code du travail qui précise que la rupture conventionnelle peut s’appliquer aux salariés protégés sous réserve de l’autorisation de l’inspecteur du travail, laquelle vaut homologation de la rupture. Le recours contre cette autorisation est quant à lui formé devant le ministre du travail ou devant le tribunal administratif. Partant de ces éléments, la cour va se livrer à une lecture de la décision de l’inspecteur du travail relevant l’ensemble des points visés, notamment celui afférent au consentement libre de Monsieur Y, et va considérer que la demande de nullité de la convention de rupture repose sur des « motifs étrangers » à la décision de l’inspecteur, sans préciser lesquels. Or, le salarié avait fondé sa demande sur la fraude commise, selon lui, par l’omission d’une information sur la fermeture à venir de l’entreprise entraînant la mise en place d’un plan de sauvegarde de l’emploi. Après avoir rejeté l’exception d’incompétence, la cour déclare irrecevable l’action engagée par le salarié dont le recours devait être formé avant l’expiration d’un délai de 12 mois à compter de la date d’homologation de la convention. On relèvera à cet égard que la cour fait débuter le premier jour du délai de 12 mois au jour de la notification par lettre recommandée de l’autorisation et non au jour de la rupture du contrat de travail qui ne peut intervenir que le lendemain du jour de l’autorisation. La cour constate que le délai d’un an pour saisir la juridiction prud’homale expirait le 22 septembre 2009. Le recommandé saisissant le conseil ayant été expédié le 23 septembre 2009, le recours du salarié était donc irrecevable. Cette décision peut être rapprochée de celle rendue le 13 septembre 2011 par la Cour d’appel de Riom (n° 10/00964). Dans ces deux décisions, les demandeurs n’avaient pas contesté la décision administrative. 9 Béatrice Mounier-Bertail, avocat associé, Fromont Briens 3 Jurisprudence Sociale Lamy - 20 décembre 2012 - n° 333-334 35 Arrêts de cours d’appel commentés par le cabinet Fromont Briens D PLAN DE SAUVEGARDE DE L’EMPLOI 333-334-16 Indemnisation complémentaire et signature d’une transaction CA Paris, 7e ch., 13 sept. 2012, S 10/09088 U n salarié est licencié pour motif économique suite à la mise en œuvre d’un plan de sauvegarde de l’emploi. Après avoir adhéré au congé de reclassement et sollicité le bénéfice des garanties prévues au plan de sauvegarde de l’emploi, ce salarié régularise, quelques mois plus tard, une transaction avec son ancien employeur lui permettant de bénéficier de « l’indemnité de préjudice » envisagée par ledit plan. Arguant de ce que cette indemnité est subordonnée à la signature d’une transaction, le salarié saisit le conseil de prud’hommes afin de solliciter la nullité de cette dernière. Au soutien de son argumentation, le salarié affirme, d’une part, que « la mise en œuvre d’un accord collectif dont les salariés tiennent leurs droits ne peut être subordonnée à la conclusion de contrats individuels de transaction » et, d’autre part, que son consentement n’a pas été donné de façon éclairée, affirmant en outre que la validité de la transaction était subordonnée au versement du solde de tout compte. Le premier argument reprenait directement un attendu de la Chambre sociale (Cass. soc., 5 avr. 2005, n° 04-44.626), position confirmée s’agissant de mesures prévues, non par accord collectif, mais dans le cadre d’un plan de sauvegarde de l’emploi (Cass. soc., 20 nov. 2007, n° 06-41.410), lequel « ne peut prévoir la substitution des mesures qu’il comporte destinées à favoriser le reclassement, par une indemnisation subordonnée à la conclusion d’une transaction emportant renonciation à toute contestation ultérieure de ces mesures ». Le conseil de prud’hommes et la cour d’appel ont rejeté la demande du salarié. La Cour d’appel de Paris relève en premier lieu que la transaction n’avait aucun caractère obligatoire pour percevoir les éléments du solde de tout compte et qu’en outre, le salarié avait été réglé de la totalité de ses indemnités légales et conventionnelles, la transaction ne portant que sur une indemnité de licenciement pour cause réelle et sérieuse dépendant de l’éventuel succès d’une procédure judiciaire. La cour retient en second lieu que l’indemnité complémentaire n’était qu’une simple offre de l’employeur sur un point sur lequel les parties peuvent transiger et relève que, dans la lettre de dénonciation de son solde de tout compte, le salarié ne mentionnait aucunement une quelconque irrégularité de la transaction signée. Cet arrêt ne paraît pas aller à l’encontre de la position de la Chambre sociale puisqu’en réalité, dans cette espèce, le versement de l’indemnité de préjudice ne venait pas se substituer aux autres mesures prévues par le plan de sauvegarde de l’emploi, notamment celles destinées à permettre le reclassement du salarié. 9 Géraldine Bœuf, avocat, Fromont Briens D DURÉE DU TRAVAIL 333-334-17 Temps de pause : interventions exceptionnelles en cas de nécessité CA Lyon, ch. soc. sect. B, 13 sept. 2012, n° 11/03914 A ucun temps de travail quotidien ne peut atteindre 6 heures sans que le salarié bénéficie d’un temps de pause d’une durée minimale de 20 minutes (C. trav., art. L. 3122-33). Mais peut-on encore parler de temps de pause lorsque le salarié peut être amené à intervenir durant cette période, demeurant donc au moins partiellement à la disposition de l’employeur ? Selon la jurisprudence, la période de pause consiste en un arrêt de travail de courte durée sur le lieu de travail ou à proximité. Elle n’est pas incompatible avec des interventions éventuelles et exceptionnelles demandées durant cette période au salarié en cas de nécessité, notamment, pour des motifs de sécurité. Dans cette hypothèse, le salarié est donc considéré comme ayant bénéficié de sa pause, mais la Cour de cassation exige que ce temps de pause soit alors rémunéré et décompté comme temps de travail effectif (notamment Cass. soc., 12 oct. 2004, n° 03-44.084). 36 En l’espèce, la demande de la salariée portait sur la condamnation de la société (une maison de retraite) à lui verser une indemnité au titre du repos compensateur et des congés payés afférents, arguant de l’absence d’effectivité de sa pause. Au vu des demandes, l’on comprend donc que le temps de pause était certes rémunéré mais non décompté comme temps de travail effectif. La salariée plaidant ne pouvoir sortir de l’enceinte de l’entreprise et devoir régulièrement seconder sa collègue durant ses temps de pause a convaincu le conseil de prud’hommes. Mais la cour d’appel la déboute de l’intégralité de ses demandes. Après avoir rappelé les textes et la jurisprudence applicables relatifs à la distinction entre le temps de pause et le temps de travail effectif, la cour raisonne en deux temps : elle constate tout d’abord que la salariée bénéficiait, au sein de l’entreprise d’une pièce se trouvant à l’écart des chambres des résidants et « aménagée pour la distraction, n° 333-334 - 20 décembre 2012 - Jurisprudence Sociale Lamy la restauration et le repos ». Elle pouvait donc vaquer librement à ses occupations durant son temps de pause. La cour précise ensuite qu’il « ne ressortait pas des pièces versées aux débats qu’elle avait été dans l’impossibilité de bénéficier de son temps de pause, les interventions ayant été rares ». Au-delà de la nuance ténue entre interventions « rares » ou « exceptionnelles », la cour considère que seule une appréciation in concreto permet de reconnaître que des interventions peuvent être demandées au salarié durant le temps de pause. En l’espèce, nonobstant les rares interventions durant cette période, la salariée avait pu effectivement bénéficier de son temps de pause ce qui rendait impossible toute assimilation à du temps de travail effectif. Cette distinction claire entre temps de pause effectif (qui peut être rémunéré) et temps de travail effectif ne peut qu’être approuvée. 9 Jane-Laure Nowaczyk, avocat, Fromont Briens