Le culte de Michel-Ange dans l`oeuvre de Gabriele D`Annunzio
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Le culte de Michel-Ange dans l`oeuvre de Gabriele D`Annunzio
Séminaire doctoral commun Paris 1 / Paris 4 DÉCRIRE, ANALYSER, COMPARER, INTERPRÉTER : LES PROCESSUS D’INVESTIGATION DE L’HISTORIEN DE L’ART EN QUESTION Séance 7 / La comparaison (II) Sara VITACCA, Le culte de Michel-Ange dans l’œuvre de Gabriele D'Annunzio : de l’évocation analogique à la filiation spirituelle. Dans le cadre de mes recherches portant sur la réception de Michel-Ange au XIXe siècle, la comparaison constitue un enjeux méthodologique déterminant. À travers une démarche diachronique et synchronique à la fois, qui exige une mise en tension de deux époques éloignées aussi bien qu’une confrontation directe des sources et des œuvres du XIXe siècle inspirées par Michel-Ange - la comparaison, l'assimilation analogique et le rapprochement d’éléments à l’apparence incomparables sont indispensables pour parvenir à une interprétation historique valable de la réception de l’artiste. Si d’une part il est question de comparaison en tant que méthode d’enquête générale, il faut également prendre en compte l’attitude comparative se manifestant chez ces artistes du XIX e siècle qui font de Michel-Ange un parangon de création artistique idéale et un miroir de leurs propres ambitions esthétiques. De véritables démarches analogiques et des correspondances délibérées émergent chez les poètes et les artistes qui souhaitent instaurer avec Michel-Ange des relations de parenté, d’assimilation et de filiation pour mieux affirmer leur propre statut de créateur de génie. Il s'agit moins d’une volonté de porter un jugement objectif sur l’œuvre du passé pour en écrire une histoire critique, que d’une appropriation active de l’art de MichelAnge, d’un itinéraire de rapprochement orienté et arbitraire. Gabriele D’Annunzio, poète, écrivain, dandy, esthète, et figure déterminante du panorama décadent de la fin du siècle italien et européen, fournit un cas intéressant de la tentative de construire autour de Michel-Ange un culte littéraire justifiant ses propres partis pris esthétiques, idéologiques et poétiques. A travers les très nombreuses références à MichelAnge disséminées dans ses œuvres, D’Annunzio élabore une fictio imaginative autour de l’artiste. Il crée un système d'évocations et d’assimilations analogiques - directes ou indirectesau maître et à son art, voué à l’affirmation d’une force créatrice commune, d’une expérience partagée de l’art comme lutte et souffrance, d’une même aspiration à une surhumanité titanique et héroïque. Faisant de Michel-Ange son « ancien parent » et de ses figures sculptées ou peintes des présences sans cesse convoquées, des « frères spirituels », des apparitions oniriques lui révélant les secrets de l'art, D’Annunzio élabore une tentative explicite de comparaison à Michel-Ange. Tout abord, à partir d’une réécriture fictive de la persona de l'artiste et puis par une réinterprétation idéologique de son œuvre, le poète trouve en Michel-Ange le génie tutélaire qui le conduit vers une prise de conscience de sa mission poétique. Il revendique ainsi l’actualité de la leçon esthétique de l'artiste, qui traverse les barrières temporelles et revit dans l’œuvre des esprits élus, accomplissant sa trajectoire de signifiance à l’époque contemporaine. De plus, la lecture des passages de D'Annunzio sur Michel-Ange engage aussi la comparaison directe à d’autres textes et œuvres de la même époque manifestant un même réinvestissement sémantique de l'art du maître; qu’il faut inscrire dans le cadre d’une revalorisation de la Renaissance en tant que moment parfait de l’art et manifestation du génie italien. Ainsi, à partir d’une étude de cas spécifique – l’itinéraire d’approche analogique de D’Annunzio à Michel-Ange - il sera également question de recadrer la relecture de l’artiste dans le contexte plus large du débat esthétique de l’époque; permettant de fait d’aborder les problèmes méthodologiques de la démarche comparative en tant qu’outil de la recherche de l’historien de l'art.