Chapitre 4 Courbe de Phillips et Loi d`Okun

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Chapitre 4 Courbe de Phillips et Loi d`Okun
13/11/2012
Chapitre 4 Courbe de Phillips et Loi d’Okun,
approfondissements du modèle offre globale/demande globale
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La courbe de Phillips
• Dans le modèle AS‐AD étudié, l’inflation est nulle à l’équilibre de moyen terme, or l’inflation de moyen terme apparaît positive. Comment comprendre une inflation permanente (à moyen terme)? • Il faut qu’il existe une hausse continue de la demande globale
• On observe une hausse continue de la masse monétaire, ce qui est la source à moyen terme d’un taux d’inflation positif.
• Le passage permanent à un taux de croissance plus fort de la masse monétaire peut augmenter l’inflation à MT
• Le passage permanent à un taux de croissance plus faible de la masse monétaire peut diminuer l’inflation à MT = désinflation
 1. Analyse de la courbe de Phillips qui décrit la relation entre le taux d’inflation et le taux de chômage.
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La loi d’Okun
• Comment comprendre que le taux de chômage puisse augmenter alors que la production augmente? C’est la situation à laquelle nous avons assisté récemment. • Il nous faut approfondir la relation entre production, emploi et chômage en prenant en compte la productivité du travail et les phénomènes de thésaurisation de main d’œuvre (gestion dans le temps dans un cadre incertain de l’emploi).
 II. Analyse de la loi d’Okun qui montre comment la croissance de la production influe sur le chômage.
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1. La courbe de Phillips
 En 1958, Phillips a présenté une relation empirique décroissante entre taux
d’inflation et taux de chômage entre 1861 et 1957 sur données anglaises.
 Solow et Samuelson ont fait le même travail sur données américaines
entre 1900 et 1960. Si l’on met de côté les années de la grande dépression
(les triangles), ils retrouvent cette relation plutôt négative et la baptisent
« courbe de Phillips »
EU 1900‐1960
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France 1900‐1960
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Implications de la courbe de Phillips
 La courbe de Phillips est au cœur des politiques économiques de
gestion de la demande de l’après guerre ;
 Cette relation semblait suggérer qu’il était possible de choisir le
couple taux de chômage et inflation en fixant de manière appropriée
le niveau de la demande.
t
Demande
*
ut
u*
Courbe de Phillips
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Mais disparition de la courbe de Phillips depuis les années 70 EU 1970‐2005
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France 1970‐2005
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Disparition de la courbe de Phillips
plus d’inflation ne se traduit pas forcément par
moins de chômage, du moins à moyen terme et en
moyenne,
moins d’inflation ne se paye pas nécessairement
non plus à moyen terme par plus de chômage.
Réorientation des politiques économiques vers des
politiques de désinflation à partir des années 80 et
question centrale de la crédibilité et de
l’indépendance des Banques Centrales.
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Comment comprendre la courbe de Phillips et
son évolution dans le temps ?
1.1. Retour sur la courbe d’offre globale
La courbe d’offre globale à court terme est une relation
décroissante entre prix et taux de chômage à anticipations
de prix données.
(WS) : W  P e  (u, z )
e
  (AS) : P  (1   ) P  (u , z )
(PS) : P  (1   )W 
On peut en déduire une relation décroissante entre taux
d’inflation et de taux chômage à taux d’inflation anticipé
donné, i.e. une courbe de Phillips.
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P  (1   ) P e 1  u  z 
Pt  (1   ) Pt e 1  ut  z 
ut
Pt e
Pt
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Divisons les deux membres de l’équation par , on obtient :
Pt 1
Pt
Pe
 (1   ) t 1  ut  z 
Pt 1
Pt 1
Pt  Pt 1  Pt 1
P e  Pt 1  Pt 1
1  ut  z 
 (1   ) t
Pt 1
Pt 1

P P
Pt 1
t 1
t  t
or = taux d’inflation en t
Pe  P
t 1
 te  t
et = taux d’inflation anticipé en (t‐1) pour la période t
P
t 1
On obtient alors la relation suivante, entre inflation, inflation anticipée et taux de chômage :
 t  1  (1   )  te  11   u t  z 
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 t  1  (1   )  te  11   u t  z 


log( t  1)  log(1   )  log  te  1  log1  ut  z 
log(1  x )  x
 t     te  ut  z
 t     te  ut  z
 Si l’inflation anticipée augmente, i.e. l’anticipation des prix augmente
à prix donné, alors le salaire augmente et en conséquence le prix
augmente. A prix donné, le taux de croissance des prix augmente, i.e.
le taux d’inflation augmente.
Inflation
t
d te  0
Taux de
chômage
ut
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1.2. Formation des anticipations et dynamique de l’inflation et du chômage Supposons que les agents forment leurs anticipations d’inflation pour demain
sur la base de l’inflation qu’ils observent aujourd’hui :  te   t 1 (anticipations
extrapolatives ou myopes).
La relation d’offre globale s’écrit alors :
 t     te  ut  z
  t     t 1  ut  z

e
 avec  t   t 1
  t   t   t 1    z  ut
Le taux de chômage en t influence, non pas le taux d’inflation en t, mais la
variation de l’inflation entre t -1 et t.
La baisse du taux de chômage nécessite une accélération de l’inflation
Contrairement à l’interprétation originelle de la courbe de Phillips (pure
empirie) , la relation n’est pas entre le niveau du chômage et le niveau de
l’inflation, mais entre le niveau de chômage et la variation de l’inflation.
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D’ailleurs la relation négative entre inflation et chômage a disparu depuis le
début des annés 70, du fait de la réaction des anticipations et des chocs
d’offre (pétroliers entre autres).
La disparition de la courbe de Phillips dans les années 70
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Rien de surprenant si l’on a bien compris la fixation des salaires (WS)
 La courbe de Phillips n’avait pas de fondements théoriques: simple
relation empirique, propre à une période, qui ne dérive pas d’une approche
structurelle (avec des fondements théoriques solides). Limites d’une
approche purement statistique = « critique » de R. Lucas (1976) 
attention à l’empirie sans théorie!
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 La « vraie » relation structurelle déduite de la théorie
est entre la variation de l’inflation et le taux de chômage.
 Est-ce vérifié?
La courbe de Phillips à l’épreuve des faits.
Estimation de la relation entre la variation de l’inflation et
le taux de chômage pour la période 1970-2008 aux EU :
 t   t 1  2,7%  0,45ut
On obtient une relation proche pour l’Europe.
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1.3. Retour sur le chômage naturel
Taux de chômage naturel, structurel ou NAIRU
Conception selon laquelle le taux de chômage revient toujours vers son
niveau naturel, déterminé par les imperfections du marché du travail et des
biens, indépendamment du taux d’inflation.
Chômage structurel un = taux de chômage pour lequel le niveau réalisé des
prix est égal au niveau anticipé des prix. Or si les prix anticipé sont égaux
aux prix effectifs alors l’inflation anticipée est égale à l’inflation effective,
donc :
  t     te  ut  z
z
 0    z  ut  un 

e
e

avec Pt  Pt   t   t
C’est le taux de chômage naturel ou d’équilibre analysé dans le chapitre
précédent : logique puisque la courbe de Phillips est la courbe d’offre
globale.
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Lorsque le chômage est plus faible que son niveau naturel, cela
implique que l’inflation est sous-estimée donc l’inflation est croissante
(salaire réel sur-estimé).
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• Les estimations de la courbe de Phillips augmentée indique que le taux de chômage naturel (NAIRU) serait de 2,7%/0,45=6% aux EU.
• En France, l’estimation est plus élevée, et l’explication retenue tient à la fois à un taux de marge plus élevé, des opportunités extérieures plus élevées et un degré de rigidité réelle plus élevé sur le marché du travail.
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• Le taux de chômage est égal à son niveau naturel lorsque les anticipations d’inflation sont validées.
• Le taux de chômage est indépendant du taux d’inflation: ce dernier peut être très élevé sans que le taux de chômage en soit diminué.
• La courbe de Phillips est verticale à moyen terme … comme la courbe d’offre globale.
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L’économie est initialement en E : chômage naturel et inflation nulle. Le chômage
peut être inférieur à son niveau naturel lorsque l’inflation anticipée sous-estime
l’inflation, ce qui implique une inflation croissante. En A, l’inflation est plus élevée
que l’inflation anticipée qui est nulle, d’où hausse de l’inflation anticipée :
t
AS [ te   t ]
AS [   ' ]
e
t
AD’
'
E’
AD
2
B
1
A
 déplacement vers le haut de la
courbe de Phillips) : baisse de la
demande globale, hausse de u et
hausse de l’inflation.
 Finalement, l’économie se
retrouve en E’. A moyen terme, le
taux de chômage n’a pas varié,
seule l’inflation a augmenté :
déplacement le long de la courbe
de Phillips de moyen terme qui est
verticale.
AS [ te   2 ]
E
0
u1
un
ut
AS [ te   1  0]
AS [ te  0]
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Courbe de Phillips à court et moyen termes
t
AS [ te   t ]

AS [ te   ]
un
ut
• A court terme, i.e. pour des anticipations d’inflation données et constantes, la courbe de Phillips est décroissante  arbitrage inflation/chômage.
• A moyen terme, i.e. quand les anticipations d’inflation ont convergé vers l’inflation réalisée, la courbe de Phillips est verticale au niveau du taux de chômage naturel  l’arbitrage inflation/chômage disparaît.
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Résumé et mises en garde
• Le processus d’inflation et la courbe de Phillips
La relation entre inflation et chômage est susceptible de changer avec le processus d’inflation : elle n’est pas stable dans le temps.
• Des taux de chômage structurels différents entre les pays
Le taux de chômage structurel dépend de tous les facteurs  ,  , z.
affectant la détermination des salaires : Dans la mesure où ces facteurs diffèrent selon les pays, il n’y a aucune raison de supposer que les pays ont le même taux de chômage structurel. Il est plus faible au Japon (2%), qu’aux EU(6,1%) et qu’en Europe (9%).
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• Variations de taux de chômage structurel au cours du temps
 et z
 Dans l’estimation de la courbe de Phillips, sont supposés constants, or il n’y a aucune raison de les traiter comme constants au cours du temps. La composition de la population active, la structure de la négociation salariale, le système d’allocation chômage, etc. sont susceptibles d’être modifiés au cours du temps, d’où une variation du taux de chômage structurel.
 Aux EU il semble que le NAIRU ait augmenté de 1 à 2% entre les années 1960 et 1980, puis baissé au cours des années 1990. En Europe, le taux de chômage structurel a fortement augmenté depuis les années 1960.
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• Les limites de l’analyse  La théorie du taux de chômage structurel donne aux macroéconomistes des pistes pour comprendre les différences et les variations du taux de chômage structurel au cours du temps mais en vérité on a du mal à savoir exactement quels facteurs déterminent le taux de chômage structurel.  En particulier, beaucoup d’incertitude sur la liste des variables comprises dans z et sur les effets dynamiques de chaque variable sur le taux de chômage structurel.  Notre compréhension est particulièrement limitée en ce qui concerne l’Europe aujourd’hui. Le taux de chômage européen qui avait été beaucoup plus bas que le taux de chômage américain jusqu’au début des années 70, a constamment augmenté depuis lors
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1.4. La désinflation et ses coûts
• On a assisté dans les années 80 à une désinflation après l’inflation « à 2 chiffres » des années 60 et 70.
• Quel est le coût en termes de chômage à court terme?  Le ratio de sacrifice
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1.4.1. Le ratio de sacrifice
• Ratio de sacrifice = nombre de points de chômage supplémentaires pour une baisse de 1% du taux d’inflation? • Calculons le pour une baisse en un an (calcul direct):
1
 t   t 1   ut  un   1  ut  un 

• Le ratio de sacrifice est donc égal à 1/
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• Calculons le pour une baisse en 2 ans : ( t   t 1 )   ut  u n   1 / 2
( t 1   t )   ut 1  un   1 / 2
 1  1
 (ut 1  un )  (ut  u n )  2  

 2  
• Le ratio de sacrifice est le même, .
• Ce résultat est général : le coût en chômage est identique, quelle que soit la vitesse de la désinflation. 32
1.4.2 Gradualisme vs. Thérapie de choc
 t   t 1   (ut  un )
 t  0  ut  un  0  ut  un
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• On a vu que le coût en chômage était identique, quelle que soit la vitesse de la désinflation. • Mais attention il est clair qu’un chômage très élevé une année donnée comporte des risques sociaux et politiques qui peuvent être intenables la stratégie gradualiste peut être préférée.
• Le coût en chômage sera d’autant plus élevé que est faible.
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1.4.3 Anticipations et crédibilité
 e   t   (ut  un )
t
• Tant que les anticipations d’inflation surestiment le taux d’inflation effectif, le chômage est au‐dessus de son niveau naturel  le coût de la désinflation dépend donc de la vitesse de convergence des anticipations.
• Si la désinflation est annoncée de façon publique au moment des négociations salariales, alors cela devrait accélérer la convergence des anticipations.
• On peut même avoir un cas‐limite où la désinflation ne serait pas coûteuse en chômage, le cas où les anticipations convergeraient instantanément vers l’inflation effective: le taux de chômage resterait à son niveau naturel (idée défendues par les Nouveaux Classiques dans les années 80). 38
• Mais cette annonce de désinflation est‐elle crédible?  t   te   (un  ut )  ut  un si  t   te
Le gain en terme de chômage d’une politique inflationniste sera d’autant plus élevé que les agents anticipent une inflation faible.
Le gouvernement peut réduire le chômage en trompant les agents, il a d’autant plus intérêt à le faire que l’on est proche d’une élection. Pb de crédibilité.
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Crédibilité d’un politique de désinflation
• En fait les agents privés peuvent croire que la
Banque Centrale les manipule pour fixer leur
anticipation d’inflation à un niveau faible pour
diminuer fortement le taux de chômage.
• Craignant de se « faire avoir », les agents se
gardent d’anticiper la désinflation, ce qui s’avère
coûteux si la Banque Centrale s’engage
réellement dans cette politique puisque dans ce
cas le chômage fortement en raison d’inflation
anticipée élevée et d’inflation effective faible.
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• Rendre crédible une annonce de désinflation c’est convaincre les agents privés (ceux qui négocient les salaires) que le gouvernement n’en profitera pas pour relancer l’inflation afin de diminuer transitoirement le chômage.
• La rendre indépendante du gouvernement pour rendre crédible la désinflation.
• Important, car rien de pire en termes de chômage qu’une politique de désinflation effective qui n’est pas crédible, car l’inflation anticipée est alors très forte par rapport à sa valeur effective.
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 Relation décroissante
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 Pas de relation
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Laurence Ball dans un article de 1994 a estimé les ratios de sacrifice de 65 désinflations effectuées dans 19 pays de l’OCDE au cours des 30 dernières années. Voici ses 3 résultats principaux :
• En général, une désinflation entraîne une hausse temporaire du taux de chômage. Autrement dit, une baisse de la croissance de la masse monétaire n’est pas neutre à court terme. • Les désinflation rapides sont associées à des ratios de sacrifice plus faibles. Ce constat conforte les théories de Lucas et Sargent : des effets d’anticipations et de crédibilité semblent à l’œuvre.
• Les ratios de sacrifice sont plus faibles dans les pays qui ont des contrats salariaux plus courts. Cela conforte les théories de Fischer et Taylor : la structure de la détermination des salaires joue un rôle important.
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Source : J.H. Haslag, 1997
2. La loi d’Okun
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• Dans ce cas, la croissance de la production ne crée pas une baisse proportionnelle du chômage: pour baisser le chômage de 1% il faut que la production augmente de plus de 1%.
• De combien? La réponse est donnée par la loi d’Okun
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La loi d’Okun
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• Pour maintenir inchangé le taux de chômage, il faut que l’emploi augmente de 1,7% par an (pour compenser la croissance de L).
• Comme la productivité du travail croît en moyenne de 1,3% par an, la production doit au moins croître à ce rythme pour maintenir constant l’emploi.
• Au total, la production doit au moins croître à 3% pour laisser inchangé le taux de chômage. Ce taux de croissance de la production, nécessaire pour maintenir le taux de chômage constant, est appelé gy
taux de croissance potentielle. On le note . • Lorsque la croissance de la production est supérieure à ce taux , alors le chômage diminue.
ut  ut 1    ( g yt  g y )
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• Une croissance de la production supérieure à 3% ne diminue pas le chômage de façon proportionnelle : 1 point de croissance en plus réduit le chômage de 0,4 point.
• Les firmes peuvent en effet augmenter les heures individuelles, plutôt que les effectifs, augmenter l’intensité au travail (les cadences)
• Importance de l’incertitude sur les périodes d’expansion et de récession: les entreprises attendent avant d’embaucher ou de licencier de savoir si le changement de conjoncture va durer. • Il existe en effet des « coûts d’ajustement » de l’emploi (sociaux, formation, organisationnels, recherche des « bons » individus…)
• En outre, la croissance de la production attire dans la population active de nouveaux individus qui peuvent trouver un emploi (taux de flexion= élasticité de la population active par rapport à la conjoncture).
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