l`ours polaire

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l`ours polaire
Sentience
animale
FICHE ONE VOICE
NOVEMBRE 2016
www.one-voice.fr
L’OURS POLAIRE
Attaché aux zones arctiques du
globe, l’ours blanc (Ursus maritimus),
ou ours polaire, est le plus grand des
mammifères carnivores avec son cousin
l’ours kodiak de l’Alaska. Ses aptitudes
lui permettent de survivre en son milieu
naturel, mais pas à la captivité…
SURVIVRE ET VAINCRE EN MILIEU HOSTILE
Considéré par de nombreux biologistes comme l’un des animaux terrestres les plus intelligents d’Amérique
du Nord, l’ours possède le cerveau le plus grand par rapport à sa taille et le plus compliqué que n’importe
quel mammifère terrestre. Dans le règne animal, son intelligence peut se comparer à celle des grands
primates.
Loin d’être solitaires, les ours polaires sont des animaux sociaux hautement évolués. Ils forment des
hiérarchies et entretiennent des relations structurées les uns avec les autres, n’hésitant pas à partager parfois
leurs ressources. En réalité, l’ours polaire vit dans une communauté diffuse dispersée sur de vastes distances
mais où chacun garde la trace des autres. Le seul fait d’être le prédateur apex d’un environnement aussi
hostile que l’Arctique est en soi un signe de grande intelligence.
La ruse de l’ours est légendaire quand il s’agit de se protéger des chasseurs et des braconniers. La capacité
de cet animal à échapper aux prédateurs humains pendant la saison de chasse est étonnante. Comme tous
les êtres sentients, les ours possèdent une conscience de soi. Ils cachent leur piste ou se dissimulent des
chasseurs avec des branches ou des rochers. 1
UNE MÉMOIRE D’OURS BLANC
Les ours sont omnivores. Un tel régime varié implique qu’ils se souviennent d’un grand nombre
d’informations sur la nature et l’origine de leur nourriture, et à quel moment elle leur est disponible. La
mémoire d’un grizzly – étroitement apparenté à l’ours polaire – est si puissante qu’il peut se rappeler
l’endroit où il a trouvé de quoi manger dix ans auparavant ou même davantage. Les ours se souviennent
également des autres ours qui leur sont familiers pendant des années. Ils peuvent les reconnaître et identifier
leur statut social à une distance de plus de 600 mètres.
Les ours se concentrent sur les détails. Ils dressent un inventaire constant de ce qui les environne, de sorte
qu’ils possèdent une carte mentale précise de leur territoire, ainsi que sur son évolution probable au cours
des saisons. L’ours polaire vit dans un monde sans repères précis qui ne cesse de se modifier. La chasse sous
l’eau et hors de l’eau dans un monde de glaces en mouvement exige une mémoire particulièrement vive. 1
L’ÉCOLE DES GLACES
Pour apprendre les techniques de survie de leur mère, les petits passent plusieurs années en sa compagnie.
Au moment où le juvénile la quitte – en général vers trois ans – il sait quels végétaux sont disponibles à chaque
saison et en quel endroit, il connaît le cycle de reproduction des phoques, où ils se reposent et comment ils
creusent leurs trous d’air. Surtout, il maîtrise tous les codes sociaux pour s’imposer parmi les ours.
De telles connaissances sont essentielles dans un monde où l’abondance de nourriture peut varier
drastiquement selon les années en fonction du climat et où les rencontres intraspécifiques réclament une
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étiquette stricte au risque d’être dangereuses. Elles lui servent aussi lorsqu’il se
déplacera vers d’autres territoires de chasse sur de très longues distances et qu’il
devra découvrir lui-même comment se nourrir dans ce nouvel environnement. 1
L’OURS POLAIRE EN BONNE COMPAGNIE
Les mâles adultes, les mâles subadultes et les femelles subadultes forment
des groupes séparés et ce phénomène dépend de la densité. Plus la densité
est élevée, plus il y a de ségrégation. Les mâles adultes semblent avoir les liens
les plus forts. C’est avec des membres de son propre groupe d’âge et de son
propre sexe qu’un individu a le plus d’interactions sociales. Dans une situation
non compétitive, les ours polaires aiment à se rassembler et sont plus sociaux
qu’au cours de leurs chasses solitaires sur la glace, ce qui démontre l’extrême flexibilité des systèmes sociaux
chez les carnivores, non seulement d’une population à l’autre, mais aussi au sein d’une même population. 2
Le scientifique russe Nikita Ovsyanikov a pu observer une centaine d’ours polaires autour d’une carcasse de
baleine grise. Il a également vu quatorze ours polaires manger épaule contre épaule une seule carcasse de
morse. Il n’est pas rare de voir régulièrement des groupes de trois ou quatre ours polaires mâles partageant
le corps d’un phoque sur les rives de la baie d’Hudson pendant l’automne. Si un ours découvre une carcasse
de baleine, il la partagera volontiers, du moment que ses invités le lui demandent correctement. La
sollicitation implique une approche soumise, le corps frottant d’abord le sol, geste suivi d’un mouvement
lent et circulaire autour de la carcasse, puis d’un contact nez à nez avec le premier découvreur. 3
SCIENCE DE LA CHASSE EN MILIEU GLACIAL
La proie principale de l’ours polaire est le phoque annelé. Il le chasse généralement à l’affût, en attendant
patiemment que le pinnipède vienne respirer par des fissures dans la glace ou par les trous d’air qu’il creuse
avec ses nageoires armées de griffes. En automne, un phoque ouvre en moyenne dix à quinze trous d’air,
appelés « aglus » par les Inuits canadiens. Il parvient à maintenir ces trous ouverts pendant tout l’hiver, même
quand la glace devient épaisse de deux mètres. Le phoque vient respirer dans l’un des orifices toutes les
cinq à quinze minutes, mais il peut utiliser aussi les poches d’air coincées sous la glace, lorsqu’il y en a. L’ours
blanc, quant à lui, localise les « aglus » de très loin grâce à son odorat surpuissant. Ensuite, il lui faut choisir
l’un d’eux et attendre patiemment, des jours durant parfois, que le phoque pointe le bout de son museau.
L’ours peut aussi attaquer par surprise un phoque au repos sur la banquise. Il rampe lentement vers sa
proie mais se fige chaque fois qu’elle bouge la tête. À quelques mètres du pinnipède, l’ours bondit à une
vitesse prodigieuse et se saisit de lui avant qu’il ne replonge dans la mer, où il est presque impossible de le
rattraper.
Bien que les ours polaires soient devenus des prédateurs hautement spécialisés dans la chasse aux
pinnipèdes des glaces, ils sont toujours à l’affût d’autres sources de nourriture - y compris la végétation,
les oiseaux, les œufs d’oiseaux et même les petits mammifères occasionnels. Ils mangent aussi à l’occasion
d’autres mammifères marins. Les bélugas ou les narvals piégés dans un « savsatt » – une sorte d’étang ouvert
au milieu de l’immensité des glaces – sont alors des proies faciles et sans défense pour les ours. Plusieurs
ours peuvent se rassembler pour massacrer un à un les cétacés – parfois 40 d’un coup – contraints de venir
respirer à la surface en se bousculant dans un espace minuscule.
Les carcasses de baleines sur le rivage ou celles congelées dans la glace de mer constituent une merveilleuse
surprise pour les ours mais aussi une occasion pour eux de socialiser. Bien sûr, ils ne peuvent compter sur ce
type de nourriture fournie par un heureux hasard pour remplacer leur diète régulière en phoques.
Les ours polaires s’adaptent cependant très vite et changent de régime quand cela s’avère nécessaire. Avec
la fonte des glaces, ils sont devenus par exemple des mangeurs de caribous. 4
QUAND L’OURS POLAIRE DESCEND EN VILLE
Avec l’avancée inexorable des humains sur leurs territoires et malgré le danger que cela représente pour
eux, les ours tentent désormais de profiter de la nourriture que nous pourrions leur laisser. Ils élaborent sans
cesse de nouvelles façons de vider les poubelles, de dévaliser les distributeurs de graines pour oiseaux,
de dévorer les fruits des vergers, de renverser les ruches et même d’ouvrir des voitures pour s’emparer des
denrées que leur odorat a localisées dans le coffre.
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Dans la ville de Manitoba, les ours blancs sont de plus en plus nombreux
à se nourrir dans les grands dépôts d’ordures. Les grizzlis et les ours
polaires sont devenus des visiteurs habituels de la décharge publique de
North Slope à Prudhoe Bay en Alaska. Chaque saison, il faut inventer de
nouvelles poubelles à l’épreuve des ours, car ils déjouent rapidement le
mécanisme qui leur en interdit l’accès.
À cette occasion, beaucoup d’ours sont inutilement capturés pour les
zoos ou abattus à cause de la peur et de l’inconséquence humaines. Les
ours « nuisibles » ne le sont que lorsque les humains ne prennent pas
de précautions pour les maintenir à distance. Comme les humains se
déplacent dans les territoires qui appartiennent traditionnellement aux ours, les rencontres entre les deux
espèces deviennent de plus en plus courantes. Aussi intelligents que soient les ours, les humains le sont plus
encore (nous parlons là bien sûr d’intelligence de type humain) et ce sont toujours eux qui gagnent. 1
Enfin, depuis quelques années, les ours polaires sont contraints de parcourir des distances de plus en plus
longues en nageant, du fait de la fonte des glaces. 3 Ce nouveau défi ne leur fait pas peur. En 2008, un ours
polaire a été capable de rallier l’Islande à la nage depuis le Groenland. Les chasseurs l’ont abattu au terme
de ce très long voyage. (5)(6)
PARLER OURS
Les ours polaires communiquent essentiellement par leur langage corporel, leurs vocalisations et leurs
marquages olfactifs, dont nous ne connaissons pas tous les codes.
Lorsque les ours polaires veulent jouer, ils balancent la tête de droite à gauche. Les ours adultes initient le
jeu – qui consiste en fait en combats ritualisés ou simulés, en se tenant debout sur leurs pattes arrière, le
menton abaissé sur la poitrine et les pattes avant pendant sur les côtés. 7
Les salutations se font par un contact nez à nez. C’est ainsi qu’un ours demande quelque chose à un autre
ours, comme de la nourriture.
Les mères émettent un halètement en réponse au stress, souvent entendu quand une ourse s’inquiète pour
la sécurité de ses petits. Elles les grondent avec un grognement bas ou un halètement doux. Quand un mâle
approche une femelle accompagnée de ses oursons, celle-ci se précipite sur lui tête baissée.
Le sifflement et le reniflement, associés à une tête baissée, indiquent une attaque imminente. Des
rugissements ou des grognements bruyants signifient la colère.
Les grondements profonds sont des avertissements, notamment pour défendre une source de nourriture.
Quand l’ours polaire attaque, il charge tête basse, les oreilles aplaties.
Les ours polaires de rang inférieur se déplacent toujours sous le vent en approchant des ours dominants.
Les oursons polaires produisent toute une variété de sons, depuis les ronflements, les gémissements
jusqu’aux cris lorsqu’ils communiquent avec leur mère.
Les ours polaires retrouvent leurs compagnons sur la glace de mer en suivant les sentiers parfumés laissés
par leurs traces.
CAPTIVITÉ DES OURS : INUTILE ET CRUELLE
La captivité des ours est inutile car, nous dit le chercheur russe et spécialiste des ours polaires Nikita
Ovsyanikov, leur capacité d’adaptation est tout à fait remarquable. Loin de disparaître à cause de la fonte
des glaces, comme le clament certaines associations environnementales et les zoos, les ours polaires sont
surtout victimes des chasseurs et de la pression anthropique. Cette espèce a déjà affronté avec succès
d’autres changements climatiques et son intelligence lui permet de modifier très vite ses habitudes. De plus
en plus d’ours blancs s’hybrident avec des grizzlis et s’adaptent à la toundra et à la vie marine.
La captivité des ours est cruelle car, nous l’avons vu, leurs capacités cognitives sont impressionnantes.
De nombreux ours polaires que nous voyons au zoo ont été capturés, mais même lorsqu’ils naissent en
captivité, leurs besoins intellectuels, sociaux et comportementaux ne peuvent être satisfaits. Une littérature
scientifique importante a été consacrée au problème des stéréotypies obsessionnelles développées par les
ours polaires prisonniers des zoos. Il n’en existe aucun, en effet, qui n’en soit pas frappé.
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Le cirque nous a montré que les ours pouvaient être contraints par la force à
rouler en vélo, monter sur des ballons, faire du patin à roulettes ou jouer d’un
instrument de musique. Les dresseurs savent que les ours sont plus intelligents
que les chiens (nous faisons là encore référence à une intelligence de type
humain, étant entendu que chaque animal a son propre type d’intelligence et
qu’aucun ne se peut dire plus ou moins intelligent qu’un autre).
Au zoo, l’appauvrissement environnemental est total et mène très vite à la
folie ces grands prédateurs surdoués taillés pour les grands espaces. La
question de leur enrichissement environnemental est donc essentielle. La
chercheuse Alison Ames, qui y a consacré sa vie, explique :
« Une étude menée dans quatorze zoos britanniques a prouvé que les ours polaires sont plus habiles dans
la manipulation d’objets que précédemment décrits ou attendus. En termes évolutifs, cette capacité est un
reflet de l’intelligence qui a permis à toutes les espèces d’ours de s’adapter à une grande variété d’habitats
dans la nature. Le potentiel de manipulation et l’activité liée à l’objet semblent être un indicateur des besoins
comportementaux et psychologiques en captivité (Jordan 1982, Law et al., 1986, Tripp 1985, Carlstead et
al., 1991, Pellis 1991). Ces exigences peuvent et doivent être satisfaites, ce qui n’est pas le cas actuellement.
Les routines d’élevage devraient être modifiées de telle manière que les ours aient un approvisionnement
régulier en objets mobiles. Cet approvisionnement devrait être renouvelé quotidiennement pour fournir aux
ours captifs des objets nouveaux. La plupart des manipulations des objets et des jeux sociaux observés chez
les ours polaires captifs se produisent dans l’eau, faute d’autres substrats mous dans lesquels jouer. Si des
aires naturelles importantes, faites de sable ou de litière d’écorce, étaient incluses dans les enclos, les ours
captifs seraient au moins en mesure de construire des tanières ou de fourrager à la recherche de nourriture
comme ils le feraient à l’état sauvage. »
Malheureusement, dans la plupart des zoos, le décor vise surtout à recréer les aspects superficiels de l’Arctique.
Cela vaut aux ours de vivre dans un enclos de béton peint, agrémenté dans le meilleur des cas d’une fosse
remplie d’eau, ce qui ne permet pas aux ours de déployer la totalité de leur répertoire comportemental. Et
même lorsqu’un effort est fait pour tenter d’enrichir leur environnement, les stéréotypies demeurent. À ce
niveau, les ours polaires sont comme les orques : absolument inadaptés à la vie en captivité. (8) (9)
RÉFÉRENCES (EN ANGLAIS ET FRANÇAIS) :
1. http://www.pbs.org/wnet/nature/arctic-bears-bear-intelligence/779/
2. http://www.nrcresearchpress.com/doi/pdf/10.1139/z81-242
3. http://www.bearsmart.com/docs/polar-bear-human-conflict-ovsyanikov.pdf
4. http://www.jstor.org/stable/40512452?seq=1#page_scan_tab_contents
5. http://www.nrcresearchpress.com/doi/full/10.1139/z2012-033#.WB82dI-cEhk
6. http://tempsreel.nouvelobs.com/planete/20080617.OBS8921/un-ours-polaire-derive-a-la-nage-jusqu-en-islande.html
7. http://www.nrcresearchpress.com/doi/abs/10.1139/z81-243#.WBo_To-cEhk
8. http://www.bearbiology.com/fileadmin/tpl/Downloads/URSUS/Vol_9/Ames_Vol_9.pdf
9. http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0168159113000129
CRÉDITS PHOTOS : remerciements auteurs Pixabay
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