Conférence du 27 mars 2013 « Microfinance en Europe : réalités et

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Conférence du 27 mars 2013 « Microfinance en Europe : réalités et
Soutenu par :
Conférence du 27 mars 2013
« Microfinance en Europe : réalités et enjeux face à
la crise »
Présentation
Longtemps
restée
méconnue,
la
microfinance en Europe s’est développée
ces dernières années dans la plupart des
pays européens comme une des réponses
possibles face à la crise économique. Si les
premières expériences de microfinance
européennes remontent à la fin des années
1980, notamment en France, le secteur
s’est progressivement développé avec
l’apparition de nombreux acteurs et un
appui et intérêt accru renouvelé par certains
Etats membres et par l’Union européenne.
La microfinance européenne apparait
de plus en plus comme un instrument
possible des politiques actives du marché
du travail et comme un outil d’innovation
sociale pour lutter contre l’exclusion
sociale et financière. Face à la montée du
chômage qui touche plus de 26 millions de
personnes en Europe, l’augmentation de la
pauvreté qui toucherait plus de 16% de la
population européenne (plus de 80 millions
de personnes), est-ce que la microfinance
peut effectivement être une des réponses
possibles face à la crise ?
Le débat essaiera de répondre à cette
question en s’appuyant notamment sur
la dernière étude publiée par le Réseau
Européen de la Microfinance sur la réalité
de la microfinance européenne avec les
données collectées sur 2010 et 2011 auprès
de 154 institutions de microfinance dans 32
pays européens. Les résultats de cette étude
permettront de montrer les principales
caractéristiques du secteur, ces enjeux et
les perspectives de développement. L’appui
indispensable de l’Union européenne sera
aussi présenté et analysé. Le cas spécifique
de la France sera abordé, car cela reste un
des pays les plus actifs dans ce secteur en
Europe.
Compte rendu
Intervenants
Cyril Gouiffès, Manager, Social Impact Investing, Fonds européen d’investissement (FEI)
Avant de rejoindre le FEI, Cyril a acquis une expérience de terrain en travaillant pour
le compte d’institutions de microfinance au Maghreb et au Proche-Orient. Cyril est
diplômé de l’Institut d’études politiques de Toulouse où il a suivi une spécialisation en
relations internationales et économie du développement, et a parachevé son cursus
universitaire par un Master II d’économie du développement local avec une spécialisation
en microfinance. Au sein du FEI, sa carrière s’est concentrée sur le financement des
activités à impact social, d’abord en tant que responsable du projet JASMINE (assistance
technique aux institutions de microfinance européennes), et également en lançant un
programme du Parlement européen de prise de participation dans des institutions
de microfinance non bancaires afin de développer la capacité institutionnelle de ces
intermédiaires financiers. Depuis l’été 2012, Cyril a intégré l’équipe d’investissement du
premier fonds de fonds paneuropéen de soutien financier à l’entreprise sociale ESIEF
(European Social Impact and Entrepreneurship Fund).
Francesco Grieco, Chargé des programmes, Réseau Européen de la Microfinance (REM)
Francesco Grieco a rejoint le REM en tant que Chargé des programmes en juin 2012. De
2005 à 2011, il a travaillé au Maroc pour le Bureau de Coopération au Développement
de l’Ambassade d’Italie à Rabat, en tant que Chargé d’un programme visant à renforcer
les capacités techniques et financières d’IMF marocaines opérant en zones rurales.
Auparavant, il était chargé du suivi de différents projets de développement économique
à travers l’appui aux TPE / PME locales. Francesco est titulaire d’un Master en Relations
internationales de l’Université de Bologne et en 2008 il a participé au programme de
microfinance de Boulder de l’ITCILO. Parallèlement à son travail au REM, il achève
actuellement un Master Européen de la Microfinance à la Solvay Business School de
Bruxelles. En plus de l’italien, sa langue maternelle, Francesco parle couramment français
et anglais.
Sébastien Poidatz, Expert microcrédit personnel, Caisse des Dépôts
Sébastien Poidatz est expert en microcrédit personnel à la Caisse des Dépôts. Il est en
charge du développement et du suivi des partenariats avec les établissements bancaires et
financiers qui participent au dispositif et bénéficient de la garantie du Fonds de cohésion
sociale (fonds de garantie institué par l’Etat, géré par la Caisse des Dépôts) et apporte
un appui aux directions régionales de la Caisse des Dépôts qui déploient et animent le
dispositif sur leur territoire. Il est titulaire d’une maîtrise en sciences de gestion et d’un
master I en théologie dogmatique et fondamentale.
Modérateur
Philippe Guichandut, Directeur du développement et de l’assistance technique,
Fondation Grameen Crédit Agricole
De 1986 à 2004, Philippe Guichandut a travaillé 17 ans, dont 6 ans sur le terrain au
Rwanda, en Inde et aux Philippines pour diverses ONG de développement françaises
(France Volontaires, Inter-Aide, Enfants et Développement - Save the Children France,
CCFD-Terre solidaire). Il a été chargé de la mise en place et du suivi de projets de
développement et de microfinance. Il est devenu le premier Directeur exécutif du
Réseau Européen de la Microfinance, dès sa création en 2004. Il enseigne la gestion
de projets de développement et la microfinance depuis plus de 10 ans en France et en
Europe. En novembre 2010, il est nommé Directeur du développement et de l’assistance
technique pour la Fondation Grameen Crédit Agricole. Philippe Guichandut est titulaire
d’un master de Développement social urbain de l’Université d’Evry et d’un MBA de
l’Université européenne de San Francisco.
2
Synthèse
présentation de l’évolution des chiffres clés
de la microfinance en Europe.
Intervention de Francesco
Grieco
Créé en 2003 en France, le Réseau
Européen de Microfinance (REM)
regroupe aujourd’hui 94 membres
provenant de 17 pays européens. Sa mission
est de promouvoir la microfinance en tant
qu’instrument de lutte contre l’exclusion
sociale. Les principales actions du REM
sont axées sur des activités de renforcement
des capacités, de recherche et échange de
bonnes pratiques, et de plaidoyer vis-à-vis
des institutions européennes.
Le Réseau Européen de Microfinance
(REM) compte parmi ses activités la
L’enquête menée par le bureau d’étude
allemand Evers & Jung a porté sur les
activités des institutions (IMF) qui
octroient du microcrédit en Europe. En
considérant le nombre total des IMF
en Europe (entre 500 et 700 entités),
l’échantillon représente 25% des institutions
existantes, et permet de donner une idée
importante de l’évolution de la distribution
de microcrédits en Europe.
La dernière enquête du REM a porté
sur 32 pays (Etats membre de l’UE, pays
candidats et pays entrants) ; sur les 376
IMF interrogées, 154 ont participé à
l’enquête. De plus, l’étude se concentre sur
les IMF les plus actives et visibles – en 2011,
la plupart des institutions participantes
Nombre d’IMF par
commune
3
(54%) ont accordé plus de 100 crédits ; les IMF de «down-scaling» de la part de La Caixa, qui
interrogées sont, outre les membres du REM, cherche à attirer de nouveaux clients à travers
des institutions ayant bénéficié des principales son réseau d’agences assez étendu.
initiatives de soutien à la microfinance de l’UE
(telles que JASMINE ou EPMF, par exemple). La diversification institutionnelle est un autre
résultat mis en avant par l’enquête. Les acteurs
En Europe, le microcrédit se définit comme de la microfinance en Europe sont plutôt des
un crédit inférieur à 25 000 euros destiné au ONG (notamment l’ADIE en France), des
développement de l’auto-entrepreneuriat et des fondations, et des institutions non bancaires.
micro-entreprises. La définition européenne Cette diversité est le fruit de différentes
ne prend pas encore en compte le microcrédit législations et cadres nationaux.
personnel.
S’agissant des produits et services offerts, 50%
En 2011, 204 000 microcrédits ont été des institutions n’offrent qu’un microcrédit
déboursés par les participants à l’enquête – à générique (professionnel), qui constitue
titre de comparaison, l’IMF marocaine Al donc le produit standard. Néanmoins, en
Amana Maroc a déboursé le même volume de 2011, 34% des institutions offrent également
prêts en 2011. Le volume moyen des prêts se des microcrédits personnels. Même si les
situe en 2011 à près de 5100 euros en prenant microcrédits personnels et professionnels
en compte les pays d’Europe de l’est, contre ne sont pas encore différenciés en Europe,
7100 euros pour les seuls pays membres de des avancées ont lieu. Le cas de l’Espagne
l’UE. La microfinance en Europe est un secteur est intéressant, dans la mesure où un intérêt
encore jeune et hétérogène. La France reste croissant est porté vers ce type de produit.
l’un des pays phares du secteur européen mais
la Pologne et l’Allemagne sont également des Le taux d’intérêt moyen est de 11%, et
pays en plein essor, où l’on trouve un fort appui l’échéance moyenne de 35 mois. Le taux
des pouvoirs publics pour le développement de d’intérêt varie énormément selon les pays,
la microfinance. En Espagne, Microbank a été allant de 4% (France, Belgique) à 30% (Balkans,
créée en tant que banque sociale par la caisse notamment en Roumanie). Dans certains pays,
d’épargne catalane La Caixa, afin de canaliser comme la Grande-Bretagne, les taux d’intérêts
l’ensemble des activités de microfinance qu’elle ne sont pas plafonnés. En revanche, dans les
avait développées. Il s’agit donc d’une stratégie pays où c’est le cas (par exemple en France), la
4
question de la pérennité est un thème majeur,
parce que la marge de rentabilité est plutôt
limitée du fait des taux d’intérêt relativement
bas.
L’inclusion sociale et financière, voire la
lutte contre la pauvreté, restent des objectifs
importants pour la microfinance européenne.
S’agissant de «l’outreach», les IMF européennes
ciblent généralement des activités génératrices
de revenu et de promotion de l’entreprise,
plutôt que des groupes spécifiques de
population. Parmi les prêts octroyés, 33%
servent à financer des start-ups, tandis que
38% des clients sont des femmes, et seulement
12% sont des minorités ethniques ou des
immigrants.
Il existe deux types principaux de modèles
économiques pour ces institutions : le
«microentreprise lending», destiné à la partie
haute du marché, et le «social inclusion
lending», destiné aux groupes les plus
vulnérables. D’après les résultats de l’enquête, le
modèle le plus utilisé par les IMF européennes
est celui de l’inclusion sociale (62%).
Le choix du modèle influence fortement
la façon de conduire l’activité. Certaines
banques pratiquent le «down-scaling» (pays
de l’Est, Espagne), d’autres modèles sont
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fortement poussés grâce aux aides de l’Etat
(France, Allemagne), et certaines institutions
financières cherchent à trouver des niches de
marché malgré les plafonds existants (Italie).
La question du choix du modèle est centrale
au débat actuel, où les IMF font face à de
nombreuses demandes : aller vers les clients
les plus vulnérables, être durables, et offrir
des services non financiers, qui représentent
des coûts non négligeables pour l’institution.
Toutes n’y arrivent pas, ce qui explique le
besoin de subventions.
1. Microenterprise Lending
Nearly bankables
Microenterprises
Non bankables
2. Social inclusion Lending
Intervention de Cyril Gouiffès
L’appui financier à la microfinance en Europe
se concentre autour du groupe Banque
européenne d’investissement (BEI), composé
de la Banque européenne d’investissement et
du Fonds européen d’investissement (FEI).
Actuellement, la nature de l’appui financier au
secteur de la microfinance en Europe s’inscrit
dans la mise en œuvre du budget de l’Union
européenne 2014-2020.
A un niveau plus général, le Parlement
européen
fait
des
recommandations
aux parlements nationaux pour tenter
d’harmoniser les procédures. L’exemple de la
mise en place juridique de taux d’usure est
révélateur : un plafonnement à un niveau
trop bas pose le risque d’empêcher les IMF
d’être auto-suffisantes, prêter ayant un coût, et
pourtant de nombreux parlements nationaux
fixent des taux d’usure plafonds dans le cadre
de politiques de protection du consommateur.
Le Code de bonne conduite1 est un autre
exemple de l’harmonisation des procédures.
La Commission européenne possède un
pouvoir assez large en termes de traduction
stratégique et de décisions liées au budget. Les
décisions étant prises sur un horizon de 7 ans,
les conséquences sont importantes en aval.
Le Fonds social européen (FSE) est un outil
centralisé et géré au niveau supranational. Par
ailleurs, le Fonds européen de développement
régional (FEDER), ou « fonds structurel », est
une autre source de financement importante
du microcrédit en Europe.
Le Groupe BEI est constitué de la Banque
européenne d’investissement (BEI) et du
Fonds européen d’investissement (FEI) : la BEI
agit en Europe (financement d’infrastructures
lourdes, projets stratégiques) et en dehors
(pays ACP) sur des problématiques de
développement, tandis que le FEI a pour
mission principale de soutenir les PME en
Europe exclusivement (segment de marché
et restriction géographique au sens large :
Union européenne, Islande, Suisse, Norvège,
Balkans, Turquie).
Le FEI offre 3 produits financiers principaux : le
capital-risque/capital-investissement (venture
capital, private equity), les garanties bancaires,
et les prêts. Des mandats spécifiques sont confiés
pour soutenir la microfinance en Europe.
Cette logique de mandats est importante : le
FEI n’investit pas ses fonds propres, mais au
nom de la Commission européenne, et traduit
les décisions stratégiques de la Commission
européenne.
Le soutien au microcrédit en Europe depuis
le début des années 2000 se divise en trois
périodes distinctes.
De 2000 à 2007, le premier programme de
microcrédit, Multi Annual Program (MAP),
a consisté à mettre en place des systèmes de
garanties pour encourager les banques à prêter
des fonds aux IMF non-bancaires, les banques
n’ayant pas d’incitation économique à faire du
microcrédit directement. La garantie permet
à des banques de prêter à des IMF avec la
garantie du FEI. Les pertes peuvent ainsi être
couvertes par le FEI. Il s’agit d’une incitation à
l’entrepreneuriat plus que de politiques de lutte
contre le chômage, l’exclusion et la pauvreté.
De 2007 à 2013, de nouveaux mandats sont
confiés au FEI, et intègrent une dimension
d’insertion sociale en parallèle à la dimension
de soutenabilité (et non pas profitabilité). Le
modèle économique doit ainsi être pérenne
pour ne pas être dépendant des sources de
financement public. Deux programmes ont
été mis en place au sein du FEI à cette période.
D’une part, le programme JASMINE (Joint
Action to Support Microfinance Institutions
in Europe) a consisté à apporter un soutien
non financier aux IMF (formation, audit
sur la qualité des opérations, sur les bonnes
pratiques, etc.). Il s’est agi de s’inspirer de ce qui
avait été fait dans les pays en développement,
et de transposer les modèles existants afin
de renforcer les capacités institutionnelles.
D’autre part, le programme Progress
Microfinance visait à pérenniser et stabiliser
les sources de financement disponibles
pour les IMF en Europe, bancaires ou nonbancaires, au travers de la création d’un fonds
d’investissement de 175 millions d’euros.
1. http://ec.europa.eu/regional_policy/thefunds/doc/code_bonne_conduite_fr.pdf
6
Sur la période 2014-2020, le FEI agira
stratégiquement sur le développement d’outils
de réponse à la crise dans toutes ses dimensions
(notamment chômage, pauvreté, et exclusion)
et de développement de l’entrepreneuriat.
Depuis 2007, le modèle de mise en œuvre
des fonds publics est le partenariat publicprivé (PPP). On est ainsi passé d’une logique
de subvention à une logique d’ingénierie
financière, permettant un recyclage des fonds
injectés. La Commission européenne a donc
confié au FEI le mandat de la création d’un fonds
d’investissement public-privé spécifiquement
dédié à la microfinance. Par effet de levier,
cet argent public permettra de mobiliser des
financements privés. L’idée sous-jacente est
donc que l’argent investi reviendra, sous la
forme de remboursement, ou de dividendes.
Cette intervention du service public est assez
novatrice et permettra d’attirer le secteur
privé pour combler les défaillances du marché
actuel. Le paradigme est aujourd’hui de tenter
d’optimiser et de mieux utiliser les ressources
publiques. Toutefois, des subventions seront
toujours versées pour servir des objectifs
spécifiques et nécessaires.
La période 2013-2020 sera caractérisée
par deux axes majeurs : (i) l’assistance
technique et le renforcement institutionnel,
(ii) la liquidité des IMF. Plusieurs évolutions
sont prévisibles: (1) le renforcement de la
protection des emprunteurs sous-jacents
(clients des IMF), par le biais de l’éducation
financière, l’aide à l’élaboration de business
plans, et un suivi clients gratuit ; en effet, la
logique de volume peut vite mettre en danger
la qualité et le suivi au sein des IMF, avec
par exemple une incitation à souscrire un
microcrédit, même si cela n’est pas dans l’intérêt
du client ; (2) le renforcement du soutien aux
fonds propres des IMF, pour qu’une base de
capital suffisamment solide permette aux IMF
d’être à l’abri de chocs éventuels ; (3) le downscaling, suivant le modèle de Microbank en
Espagne, par lequel une banque classique crée
une branche microcrédit spécialisée au sein
de son groupe. Il est également nécessaire
d’envisager, au niveau européen, un processus
de soutien préférentiel aux IMF intervenant
sur les segments plus risqués.
En conclusion, on assiste à un développement
généralisé de la microfinance comme
amortisseur de la crise, avec le passage d’une
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logique entrepreneuriale à une logique de lutte
contre la pauvreté et l’exclusion. Au niveau de
la Commission européenne, l’évolution est
symptomatique : tout est à présent concentré
au sein de la Direction générale de l’Emploi,
des affaires sociales et de l’inclusion, alors
que les DG Entreprises et Politique régionale
étaient jusqu’à présent meneurs sur ces sujets.
Dans un autre domaine, l’entrepreneuriat
social est aujourd’hui un sujet récurrent, mais
rencontre des difficultés à se financer malgré
sa mission sociale. De nombreux programmes
visent ainsi à favoriser son développement à
travers des systèmes et mécanismes de PPP
similaires à ceux de la microfinance. Le rôle de
l’UE est très fort, et des décisions stratégiques
et innovantes sont mises en place.
Intervention de Sébastien Poidatz
Il existe aujourd’hui un soutien
de l’Etat français à deux types
de microcrédit : le microcrédit
professionnel (avec l’ADIE
notamment), et le microcrédit
personnel, avec la création
du Fonds de cohésion sociale
(FCS) en 2005, un fonds de
garantie visant à lutter contre
l’exclusion financière, dont la
gestion a été confiée à la Caisse
des Dépôts.
La loi Lagarde de 2010,
portant réforme du crédit à
la consommation, a apporté
une première définition du
microcrédit personnel garanti
qui tourne autour de 4 piliers
principaux : (1) l’objet –
précédemment centré vers
l’employabilité, la loi l’élargit à
l’insertion sociale ; (2) la cible
– des personnes physiques
confrontées à des difficultés
de financement ; (3) l’analyse
budgétaire, qui est réalisée au cas
par cas par le partenaire social
qui travaille avec la banque ;
(4) l’accompagnement – il s’agit
donc d’un prêt accompagné.
Au total, environ 40 000 prêts
ont été garantis par le FCS. Ce
chiffre est relativement modeste,
bien que l’on ne connaisse
pas l’étendue des besoins qui
seraient à couvrir. De plus, le
développement relativement
lent s’explique par le fait que le
processus d’accompagnement
ne peut être industrialisé, et
qu’il coûte cher – les banques
ne courent donc pas après.
En France, on observe des
taux d’intérêt très modestes
(2-3%) en ce qui concerne le
microcrédit personnel.
S’agissant de la répartition
territoriale du microcrédit en
France, il apparaît que toutes
les régions sont couvertes (voir
le site www.france-microcredit.
org), même si l’Ouest de la
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France est très en avance, notamment du fait des impacts positifs dans au moins 4 des 8
que les collectivités territoriales y pilotent le domaines étudiés.
dispositif. Par ailleurs, le point d’entrée est
toujours l’association, et non la banque.
Quatre principaux défis sont à relever pour le
microcrédit personnel : (1) améliorer le conseil
La sinistralité des prêts, inférieure à 6%, budgétaire afin que les personnes soient en
semble maîtrisée, ce qui est un des effets mesure de rembourser les prêts ; (2) améliorer
de l’accompagnement : en effet, 83% des l’accompagnement, aussi bien en amont
emprunteurs estiment que la mensualité (diagnostique budgétaire) qu’en aval (à 3 ans)
calculée était adaptée à leur situation et résoudre la question de son financement ;
budgétaire. Le FCS prend en charge 50% du (3) investir le champ de l’habitat et la précarité
risque. Par ailleurs, 79% des bénéficiaires du énergétique, pour lequel les montants peuvent
microcrédit personnel vivent sous le seuil de être plus élevés ; (4) promouvoir le modèle
pauvreté, qui s’établit à 950 euros pour une français au niveau européen, par exemple par
personne seule.
le biais de colloques CAPIC avec le Secours
catholique et les Caisses d’épargne.
Une étude menée par la Caisse des Dépôts – à
paraître en septembre – a étudié 8 domaines
d’impact : les 5 premières catégories (cf. graphique
ci-dessous) concernent les impacts directement
recherchés par les emprunteurs ; les résultats sont
positifs. Les 3 dernières catégories concernent
les impacts indirects dans le sens où leur
amélioration n’est pas la finalité explicite du
projet financé ; les résultats sont globalement
positifs bien que des impacts négatifs aient
pu être enregistrés. Enfin, l’étude révèle que
les impacts peuvent se cumuler puisqu’un
quart des emprunteurs déclare avoir ressenti
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Questions et réactions du public
Sébastien Poidatz : En 2009, le Rapport
de l’Inspection générale des Finances sur le
microcrédit avait souligné que l’Adie pourrait
Le calcul du taux d’intérêt peut varier selon trouver un équilibre économique soit en
les règles. Assiste-t-on à une harmonisation appliquant un taux d’intérêt de plus de 30%
en Europe, comme en France avec le taux (difficilement praticable), soit en multipliant
par 3 la productivité.
actuariel ?
Francesco Grieco : L’APR, l’équivalent du Philippe Guichandut : Au Bengladesh, les
taux pratiqués sont beaucoup plus élevés –
TEG, est reconnu en Europe.
20% est considéré comme faible ; en Zambie,
les taux minimum sont de 60-70%. Cela
Cyril Gouiffès : Il peut cependant y avoir des peut compenser le manque de subventions.
cas où le taux d’intérêt annoncé ne correspond A l’opposé, les taux sont relativement faibles
pas au taux réel, entraînant donc des disparités en France. Il est nécessaire aujourd’hui de
entre les pays et entre institutions au sein d’un changer de paradigme en Europe et de voir ce
même pays.
qui coûte le plus cher, à long terme, entre des
minimas sociaux et des prêts. Il est nécessaire
Que se passe-t-il lorsqu’une institution n’a d’envisager la pérennité au niveau de la société
plus de financements disponibles mais des dans son ensemble : suivre un client coûte
environ 1700-1800 euros à l’Adie, alors qu’on
projets en pipeline ?
estime à 15 000 euros par an le coût d’un
chômeur.
Cyril Gouiffès : Certains programmes
publics tentent de répondre à ce problème
en offrant des liquidités suffisantes pour faire Le taux d’intérêt ne doit-il pas être adapté
face à ces demandes. Toutefois, il est arrivé par au taux de rentabilité ? En Angleterre par
le passé que des IMF ne puissent honorer les exemple, il existe une véritable plus value à
autoriser les institutions à prêter à des taux
demandes.
élevés (par exemple à 50%).
Francesco Grieco : En Espagne, le secteur
a été anéanti ces deux dernières années, Cyril Gouiffès : La question n’est pas tant
notamment à cause de l’absence de subventions. celle du niveau de rentabilité recherché, que
Il y a un besoin de nouveaux business models, celle de qui détient l’IMF et de ce qui est fait de
par exemple sous la forme de partenariats, la rentabilité obtenue, et donc de la véritable
notamment pour pouvoir offrir des services mission du microcrédit.
non financiers, dont les coûts sont énormes.
Francesco Grieco : Il existe toujours une
Philippe Guichandut : Une des principales possibilité de réinvestir les profits pour faire
difficultés du secteur est qu’il reste fortement baisser les taux. Les coopératives, par exemple,
subventionné, mais que les subventions sont à réinvestissent leurs gains. En Angleterre, une
court terme. La capacité à se projeter est donc institution peut demander facilement plus
faible, et les institutions perdent énormément de 60% (pour un crédit personnel), mais
de temps et d’énergie à trouver des subventions. il faut que cette institution réponde à un
Les outils développés par le FEI sont sur besoin : il y a donc, derrière la libéralisation
des montants plus importants (3-4 millions des taux d’intérêt, une logique bancaire de
d’euros) et sur une durée permettant aux rémunération du risque. Le problème, en
institutions de mieux se développer.
Europe, est que l’on n’est pas habitué à payer
l’argent ; un taux de 8% semble énorme, alors
que ce n’est pas le cas.
L’Adie a des frais de fonctionnement assez
importants, et bénéficie de beaucoup de
plateformes
de
crowd-funding
subventions, tandis que la Grameen Bank Les
peuvent-elles
être
une
solution
en termes de
a un fonctionnement autonome. Quand la
microfinance pourra-t-elle fonctionner sans financement ?
subventions ?
Cyril Gouiffès : Tout à fait, la solution n’est des salariés précaires, 79% vivent sous le seuil
pas monolithique, et le crowd-funding permet de pauvreté, et les familles monoparentales
de traiter sans intermédiaire. Beaucoup sont fortement représentées.
d’initiatives innovantes ont un rôle à jouer
dans le secteur.
Qu’en est-il de l’assurance ?
En Europe, y a-t-il des règles sur le Sébastien Poidatz : L’assurance est facultative
fonctionnement des IMF ?
pour les prêts personnels. Le FCS avait aussi
été mis en place pour protéger l’emprunteur,
Francesco Grieco : Les règles reviennent avec de nouvelles méthodes de recouvrement.
aux règlementations nationales. Pour certains Les frais de dossier étant limités, c’est le taux
pays, il faut être une institution financière. Pour d’intérêt qui va jouer.
d’autres, une institution non bancaire peut
fournir des microcrédits. Le Code de bonne Comment les IMF communiquent-elles
conduite tente d’harmoniser les procédures.
envers les emprunteurs ?
Philippe Guichandut : La France et la
Roumanie ont une réglementation spécifique
sur la microfinance. Au Portugal et en Italie, un
travail est en cours. Dans certains cas, l’ONG
peut être un intermédiaire entre la banque
et les clients. En Allemagne par exemple,
une ONG ne peut faire de microcrédit, et le
modèle de l’Adie ne pourrait donc exister. Il
n’y a aujourd’hui pas de modèle européen.
Francesco Grieco : Il existe aujourd’hui
plusieurs tendances, dont l’une des plus
importantes est le ciblage via les associations
et services sociaux et le réseau déjà existant.
Toutefois, il faut faire attention à ne pas faire
trop de publicité, à cause du risque de générer
une masse de demandes ne pouvant être
traitées par les organismes existants. Les IMF
sont donc normalement discrètes.
Francesco Grieco : En Italie, tout passe par
les banques. Il existe une seule institution Représentant de l’Adie : En ce qui concerne
financière, et toutes les autres institutions sont l’Adie, la communication se fait surtout à
travers le bouche à oreille (25%), le travail avec
des intermédiaires.
des prescripteurs (Pôle Emploi, Chambres de
commerce et d’industrie, associations sociales)
Le Code de bonne conduite comprend-t-il et des actions ciblées de communication
des dispositions relatives au taux d’intérêt, (Semaine du microcrédit).
aux performances relatives, etc. ?
Philippe Guichandut : Il existe beaucoup de
Cyril Gouiffès : Il ne comprend pas de petites institutions en Europe, et elles ont peu
règles strictes et précises par rapport au taux de moyens. Globalement, la microfinance reste
d’intérêt. Le Code de bonne conduite est plutôt donc encore assez confidentielle en Europe, le
un ensemble de règles non contraignantes grand public ayant une assez faible perception
relatives à la protection des clients, l’audit de ce qui se fait. La France est un peu un cas
interne, la gestion. Il s’agit d’un premier pas vers à part.
l’harmonisation des législations nationales.
Le Code de bonne conduite est consultable Francesco Grieco : L’éducation des
gratuitement sur le site de la Commission Européens sur cette question est en effet une
européenne.
problématique importante.
Quelles sont les caractéristiques des ménages Quelles sont les procédures de contrôle des
en France qui ont recours au microcrédit ? IMF existantes pour éviter, par exemple, le
Quelles sont les tendances ?
blanchiment d’argent ?
Sébastien Poidatz : Les emprunteurs sont des Cyril Gouiffès : Il existe aujourd’hui des
femmes à plus de 50%, d’une moyenne d’âge de conditions à l’activité de microcrédit, et
40 ans, les 2/3 ont un niveau de qualification des procédures de contrôle. Toutefois, dans
équivalent ou inférieur au CAP/BEP, 50% sont certains cas, le contrôle peut être beaucoup
plus flou. En Bulgarie par exemple, il existe
beaucoup d’IMF mais celles-ci sont dans une
situation de vide juridique, avec une difficulté
de tracer la ressource dans les institutions de
crédit. Cela dépend donc des Etats.
Représentant de l’Adie : Cela dépend
également des bailleurs.
capacité minimum de développement est une
multiplication par 3 ou 4. Toutefois, passer
à plusieurs milliers de personnes à partir de
zéro est déjà une progression importante.
Quel est le taux de refus à l’Adie ?
Représentant de l’Adie : Le taux d’acceptation
se situe à 18-19%. Les raisons de refus les plus
La micro-assurance se développe-t-elle dans fréquentes sont une capacité de remboursement
ou une solidité du projet insuffisantes.
les pays développés ?
Francesco Grieco : Presque 50% des Quelles sont aujourd’hui les possibilités de
institutions interrogées dans l’enquête n’offrent crédit pour les personnes qui n’ont rien et sont
que des services financiers classiques, c’est- endettées ?
à-dire du microcrédit. La micro-assurance
n’existe quasiment pas comme service non
Cyril Gouiffès : Il est très rare que des prêts
financier offert par les institutions.
soient accordés sans aucune garantie, cela
nécessite l’intervention d’un tiers. Il n’existe
Cyril Gouiffès : On n’observe pas encore de que peu de modèles de prêts de groupe en
diversification des produits en Europe, mais Europe.
le volume et la diversification pourraient
être des voies de pérennisation. Toutefois, le
développement de la micro-assurance se heurte Philippe Guichandut : L’étude du REM
au grand nombre de produits d’assurance déjà montre qu’il y a 7% de prêts de groupe en
moyenne en Europe. L’Adie effectue de tels
existants sur le marché.
prêts. ACAF, en Espagne, en fait également,
surtout sur de petits montants.
Philippe Guichandut : Il existe quelques
initiatives en ce sens de la part de quelques
gros assureurs, mais elles demeurent très Francesco Grieco : Certaines institutions
ne demandent rien, et proposent même des
confidentielles.
crédits pour restructurer la dette.
A combien la taille du marché peut-elle être
Sébastien Poidatz : Enfin, en France, des
estimée ?
prêts sur gage sont effectués par le Crédit
municipal.
Cyril Gouiffès : Une communication de la
Commission européenne en 2006 a essayé
de mesurer le public cible dans l’UE, mais le
marché est par définition difficile à mesurer car,
comme c’est souvent le cas en microfinance, la
demande se développe avec l’offre (l’exemple
de l’Adie en France est intéressant à ce niveaulà).
Philippe Guichandut : Une étude de la
Commission européenne montre qu’il
existerait 700 000 à 800 000 clients potentiels
par an au niveau de l’UE, et 300 000 en
France. Par comparaison, le Microfinance
Centre (MFC), en Pologne, estime le marché
à 1 200 000 clients. Ces chiffres montrent
qu’il existe un marché, ou plutôt une niche,
et que l’offre actuelle est de toute façon
largement en-dessous du marché potentiel. La
Une initiative du Club Microfinance Paris
Le Club Microfinance Paris est un réseau indépendant de personnes ayant un intérêt pour la microfinance. Le Club
a pour vocation d’être un lieu d’échange et de rencontre entre acteurs des entreprises, agences gouvernementales,
associations et institutions non gouvernementales. Les activités du Club sont essentiellement des réunions et
conférences sur des sujets d’intérêt commun. Les membres du Club sont engagés exclusivement à titre privé.
www.clubmicrofinanceparis.org
En partenariat avec Convergences
Convergences est la première plateforme de réflexion en Europe destinée à établir de nouvelles convergences entre
acteurs privés, publics et solidaires pour promouvoir les Objectifs du Millénaire pour le développement et lutter
contre la pauvreté et la précarité dans les pays du Nord et du Sud. Véritable réseau fédérateur, elle rassemble plus de
200 professionnels de la coopération internationale, la microfinance, l’entrepreneuriat social, l’économie sociale et
solidaire, et le développement durable. Chaque année, la plateforme organise le Forum Mondial Convergences, un
forum international d’échanges et de discussions, et produit des publications phares, telles que le Baromètre de la
microfinance et le Baromètre de l’entrepreneuriat social.
www.convergences2015.org
Compte rendu réalisé par Convergences
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