Revue des livres Jean-Robert Raviot, Démocratie à la
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Revue d’études comparatives Est-Ouest http://www.necplus.eu/REC Additional services for Revue d’études comparatives Est- Ouest: Email alerts: Click here Subscriptions: Click here Commercial reprints: Click here Terms of use : Click here Revue des livres Jean-Robert Raviot, Démocratie à la russe. Pouvoir et contre-pouvoir en Russie, Ellipses, Paris, 2008, 157 p. Françoise Daucé Revue d’études comparatives Est-Ouest / Volume 40 / Issue 02 / June 2009, pp 191 - 193 DOI: 10.4074/S033805990907209X, Published online: 12 June 2009 Link to this article: http://www.necplus.eu/abstract_S033805990907209X How to cite this article: Françoise Daucé (2009). Revue d’études comparatives Est-Ouest, 40, pp 191-193 doi:10.4074/ S033805990907209X Request Permissions : Click here Downloaded from http://www.necplus.eu/REC, IP address: 78.47.27.170 on 30 Sep 2016 Revue des livres […] la Roumanie est aujourd’hui membre de l’OTAN et de l’Union européenne […] ». Depuis le 1er janvier 2007, la Roumanie est entrée comme membre à part entière dans l’Union européenne. Si l’on mesure le chemin parcouru, on comprend d’autant mieux à travers la lecture de ce livre la pertinence de certaines critiques que la Commission adresse régulièrement à ce pays par l’intermédiaire de ses rapports d’évaluation. En clôturant la lecture de l’ouvrage, une dernière réflexion vient à l’esprit : en qualifiant longtemps la Roumanie de « mal connue », l’Occident a peut-être voulu dissimuler par cet euphémisme l’impression de malaise qu’il a ressenti face à une « révolution » qui ne s’est pas faite au nom de ses valeurs. François Frison-Roche Chargé de recherche (CNRS) au CERSA, Université Panthéon-Assas Paris II, Chargé de cours à l’INALCO Jean-Robert Raviot. Démocratie à la russe. Pouvoir et contre-pouvoir en Russie, Ellipses, Paris, 2008, 157 p. Dans la littérature classique consacrée à la Russie post-soviétique, l’interrogation porte généralement sur les effets de la transition démocratique sur le système politique russe. Si Jean-Robert Raviot reprend cette question à son compte, il ne s’y arrête pas et renverse le propos en scrutant les transformations que le passage par la Russie fait subir à la notion même de démocratie. Selon lui, la « singularité russe ne doit pas faire oublier que la démocratie post-soviétique n’en ressemble pas moins, à bien des égards, à nos vieilles démocraties d’Occident ». Depuis la chute de l’URSS, en effet, la question démocratique est un enjeu majeur des rapports de force internationaux et, par son expansion planétaire, la démocratie libérale a engendré une multitude de « démocraties illibérales ». Citant Marcel Gauchet, J.-R. Raviot souligne que la démocratie libérale semble se retourner contre elle-même. Ce propos, empreint d’un profond pessimisme quant à l’évolution des constructions politiques occidentales, se nourrit de considérations empruntées à l’exemple russe. « Au-delà des divergences idéologiques et du mépris réciproque que la « démocratie des autres » semble aujourd’hui inspirer de part et d’autre, les « modèles » russe et européen ont de nombreux points de convergence » affirme-t-il. Dans la première partie de son ouvrage, « La démocratie plébiscitaire, d’Eltsine à Poutine », J.-R. Raviot relève ainsi plusieurs similitudes entre les régimes occidentaux et la construction socio-politique russe. Dans les 191 192 Revue des livres deux cas, il remarque l’importance « Des politiques du charisme, de plus en plus sophistiquées, [qui] transforment la vie politique en un feuilleton télévisé à épisodes » (p. 11) et estime qu’« En Russie, comme dans tous les pays du monde, la vie politique et les campagnes électorales se déroulent principalement à la télévision » (p. 28). J-R. Raviot présente les scrutins qui ont marqué l’histoire post-soviétique et rappelle leur caractère plébiscitaire, le discrédit pesant sur la notion de « parti » et l’absence de pluralisme partisan articulé autour de familles politiques structurées. Afin d’appuyer son propos, l’auteur se réfère aux modèles théoriques, politiques et philosophiques du « pluralisme limité » pour tenter d’expliquer la trajectoire russe post-soviétique. Il cite de nombreux auteurs occidentaux (de Max Weber à Hannah Arendt en passant par Marcel Gauchet et Raymond Boudon), leurs apports théoriques lui permettant de relativiser la spécificité du post-soviétisme. Il mobilise également des auteurs russes, notamment Andrei Amalrik, dont il considère que « l’argumentation est non seulement pertinente pour la période qu’il analyse (les années 19601970) mais qu’elle le demeure aujourd’hui » (p. 80). Jean-Robert Raviot, enseignant en civilisation russe à l’Université Paris X-Nanterre, connaît bien l’histoire et le système politique russes. Dans la deuxième partie de son ouvrage, intitulée « Pouvoir et société : la pyramide des allégeances », s’il met en lumière les rapprochements entre la construction politique russe actuelle et les dernières années du soviétisme, il n’hésite pas à remonter à la construction de la principauté de Moscou au XVe siècle (p. 70) pour montrer que, « aujourd’hui encore, le paradoxe d’un pouvoir fort dans un État faible caractérise la dynamique césariste post-soviétique qui, bien souvent, s’apparente à un autoritarisme en quête d’autorité ». L’auteur navigue à travers les siècles russes pour mettre en relief les continuités politiques dans l’histoire du pays. Bon connaisseur de la période soviétique, il insiste sur la persistance de pratiques de pouvoir héritées de cette période et revient à plusieurs reprises sur le rôle de la nomenklatura et de ses avatars recomposés (comme la Chambre sociale) dans les changements post-soviétiques. La perestroïka apparaît ainsi comme une courte parenthèse dans l’histoire longue de la Russie. J.-R. Raviot propose des pages intéressantes sur l’émergence du concept de « souveraineté » dans la lutte des républiques fédérées – et notamment de la RSFSR – pour leur indépendance à la fin de la perestroïka. Il écrit (p. 75) : « Le combat pour la souveraineté est devenu le paravent sémantique de la lutte pour le pouvoir ». Il ne tisse cependant pas le fil qui aurait pu relier les « déclarations de souveraineté » de la fin des années 1980 à la « démocratie souveraine » revendiquée en Russie dans les années 2000. Dans la « démocratie à la russe », les contre-pouvoirs sont singulièrement absents. Les partis politiques, les médias ou la société civile sont soumis aux exigences des « technologies politiques » et du « politiquement correct ». Là Volume 40, Juin 2009 Revue des livres encore, cette situation n’est peut-être pas spécifique à la Russie. L’auteur note des points de convergence entre la société civile en Russie et en Occident : « La politique de Poutine, au-delà d’une stratégie « néo-soviétique » qui chercherait à museler la société civile, témoigne de la volonté de favoriser l’émergence d’ONG puissantes professionnalisées, perçues comme des vecteurs d’influence et de puissance (soft power), l’objectif étant de rattraper, en cela comme en tout, les États occidentaux ». Analysant le retour du discours patriotique en tant qu’idéologie politique en Russie, il le considère comme une matrice du « politiquement correct » à la russe et estime que « l’invocation du patriotisme dans la Russie d’aujourd’hui résonne parfois comme un écho véritablement « néo-soviétique », c’est-à-dire comme un rappel à l’(ancien) ordre soviétique ». (p. 111) À l’issue de sa démonstration, l’auteur conclut, de façon provocatrice, que la Russie post-soviétique, loin d’accuser un quelconque retard, serait « au contraire en avance sur son temps ». Cette conclusion, originale, est aussi une critique directe des démocraties industrielles. Grâce à son détour par la Russie, J.-R. Raviot entend faire tomber « les faux-semblants politiques de l’Occident ». Il dénonce tour à tour le césarisme, le népotisme, le phénomène bureaucratique, le politiquement correct, les clientélismes de toute nature… qui minent les régimes politiques occidentaux. Désabusé par la démocratie libérale, il multiplie les références aux auteurs qui la critiquent (G. Hermet notamment) pour en faire une synthèse qui rappelle effectivement les discours sur le pouvoir russe. Cette conclusion, si elle souhaite légitimement tirer le lecteur de la torpeur « que procure la scansion des formules convenues du “démocratiquement correct” », pose cependant des problèmes épistémologiques. Une charge contre les « élites du pouvoir » en Occident et en Russie ne peut se concevoir sans un travail de terrain sur les pratiques quotidiennes des dirigeants, d’un côté, et des citoyens, de l’autre, qui permettrait de mesurer l’autonomie et les libertés réelles de ces derniers (au risque sinon de tomber dans une forme de populisme scientifique du « tous pourris »). Que l’on évoque les partis politiques, les médias ou la société civile, pour ne prendre que ces exemples, il conviendrait d’étudier de manière comparative les pratiques réelles en la matière dans les différents États évoqués pour déchirer les « paravents sémantiques » que dénonce l’auteur. Nul doute que les expériences du pouvoir en Russie et en Occident, pour ceux qui y participent, restent encore bien différentes et pourraient nourrir utilement un travail scientifique comparatif. Les pistes de recherche ouvertes par cet ouvrage très stimulant sont donc nombreuses et les débats scientifiques qu’il provoque en démontrent tout l’intérêt. Françoise Daucé Maître de conférences à l’Université Blaise-Pascal Clermont-Ferrand 193
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