Radiothérapie des cancers du sein : évolution des concepts et
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Radiothérapie des cancers du sein : évolution des concepts et
DOSSIER THÉMATIQUE Radiothérapie Radiothérapie des cancers du sein : évolution des concepts et nouvelles techniques New technologies and concepts in breast radiotherapy M.A. Bollet*, N. Fournier-Bidoz*, F. Campana*, Y.M. Kirova*, R. Dendale*, V. Marchand*, A. Fourquet* L’ * Département radiothérapie, Institut Curie, Paris. évolution des concepts en matière de radiothérapie des cancers du sein soulève deux grandes réflexions. La première est d’ordre quantitatif : le cancer du sein est le cancer le plus fréquent en France et représente le premier poste d’activité d’un département de radiothérapie (1) ; toute modification dans sa prise en charge aurait donc des répercussions importantes sur la quantité ou les habitudes de travail. La seconde est d’ordre qualitatif : la radiothérapie telle qu’elle est administrée depuis les années 1990 donne généralement des résultats satisfaisants. Dans la majorité des cas, son efficacité est bonne (sa contribution à l’augmentation de la survie globale des patientes a été démontrée par la méta-analyse d’Oxford publiée en 2005) [2] et, grâce aux techniques modernes, sa tolérance, notamment cardiaque et pulmonaire, est également correcte (3). Ces deux considérations modèrent, à juste titre, les ardeurs novatrices de la communauté des radiothérapeutes. Le premier message sera donc que, dans plusieurs situations, le statu quo est pertinent. Nous proposerons ici des améliorations techniques faciles à mettre en place (ou à “implémenter”, comme on dit maintenant en bon français !) afin d’optimiser le ratio thérapeutique. Cependant, dans d’autres situations, le contrôle locorégional des cancers du sein demeure insuffisant. C’est le cas des traitements conservateurs des femmes jeunes ou celui des cancers du sein inflammatoire. Il existe aussi des situations où la radiothérapie se révèle morbide, comme pour les patientes insuffisantes respiratoires ou avec morpho- 524 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XVIII - n° 10 - décembre 2009 logie à risque. Nous développerons les avancées technologiques qui peuvent être mises au profit des patientes. Enfin, une certaine désescalade thérapeutique peut être envisagée dans certains cas. Il s’agit ici de patientes à faible risque de récidive locorégionale pour lesquelles une radiothérapie selon un mode simplifié apporterait des résultats comparables à ceux d’un traitement standard. L’ordinaire amélioré Cette première partie est consacrée aux améliorations pouvant être mises en place de façon simple et pragmatique dans les départements de radiothérapie français. Ces améliorations se fondent sur les facilités offertes par les accélérateurs linéaires avec collimateur multilames. Nous aborderons ici les enjeux principaux de la radiothérapie des cancers du sein. Homogénéité de la répartition de dose L’étude boost de l’EORTC (4) a démontré que l’efficacité de la radiothérapie sur le contrôle local mais aussi sa toxicité tardive étaient très dose-dépendantes. L’incidence cumulée de fibrose modérée s’élevait, à 10 ans, à 28 % chez les patientes avec boost contre 13 % chez les patientes sans boost. L’homogénéité de la répartition de dose est donc primordiale ! Résumé La radiothérapie du cancer du sein telle qu’elle est actuellement pratiquée donne, dans la majorité des cas, d’excellents résultats tant sur le plan de l’efficacité que sur celui de la tolérance. Les trois messages que nous proposons sont donc : – l’ordinaire amélioré, des suggestions simples pour optimiser les techniques sans augmenter leur complexité ; – la radiothérapie nouvelle, avec des concepts novateurs, parfois en cours de développement, techniques ou radiobiologiques ; – le régime allégé, où la désescalade thérapeutique pourrait être envisagée. Enfin, nous définirons les règles à suivre et envisagerons les perspectives d’avenir. ◆◆ Homogénéité de la répartition de dose ◆ dans le sein Pour de nombreuses patientes, les tangentiels opposés (ou presque) avec filtre mécanique ou dynamique représentent la technique la mieux adaptée. Compte tenu de la différence de l’épaisseur traversée dans l’axe cranio-caudal, ils sont cependant responsables de zones de surdosage plus ou moins significatives au niveau des racines supérieures et inférieures du sein. Une façon efficace et facile de les supprimer consiste à réaliser une version simplifiée de modulation d’intensité avec des “champs dans le champ” (forward planning with field-in-field technique). En un mot, il s’agit de calculer la répartition de dose, sans filtre, et de réaliser des champs modifiés dont le multilame cache les zones de surdosage pour une fraction de dose à chaque séance (5). Deux études randomisées ont apporté la preuve que cette amélioration technique, très facile à mettre en place et rapide, apporte un bénéfice clinique (6, 7). titut Curie. Elle tire profit de la possibilité de délivrer des champs asymétriques grâce aux accélérateurs linéaires, et reste compatible avec la technique de “champ dans le champ”. ◆◆ Homogénéité de la répartition de dose ◆ dans la paroi L’irradiation de paroi à l’aide d’un faisceau direct d’électrons avec bolus est le plus souvent la technique la mieux adaptée et la plus facile à mettre en place. Les irrégularités de la surface pariétale sont cependant génératrices d’hétérogénéité dans la répartition de dose. Une technique qui consiste à adapter l’épaisseur de bolus traversée a été développée au MD Anderson Cancer Center de Houston (8). À l’Institut Curie, une technique simplifiée utilisant des épaisseurs de bolus différentes sur la zone à irradier est appliquée à toutes les irradiations de paroi (9). Éviter les erreurs géographiques ◆◆ Homogénéité de la répartition de dose ◆ à la jonction entre champs mammaires ◆ et ganglionnaires Une autre cause fréquente de sur- ou de sous-dosage est la jonction des champs dans la technique avec isocentres multiples. Une solution élégante consiste à la remplacer par une technique mono-isocentrique. Initialement conçue à Montréal par E.B. Podgorsak et al. (10), cette technique a traversé l’Atlantique et a été redéveloppée à l’Institut Sainte-Catherine d’Avignon, puis dans d’autres centres, ainsi qu’à l’Ins- ◆◆ Homogénéité de la répartition de dose à la jonction entre champ électron pariétal et irradiation de la chaîne mammaire interne La jonction entre deux champs est toujours problématique, surtout si un, et a fortiori deux des champs concernés sont des électrons avec effet “patte d’éléphant” des faibles isodoses. Une technique simple et facile à appliquer consiste à inclure dans le champ pariétal électron le volume de la chaîne mammaire interne. La dose ainsi délivrée à ces ganglions est satisfaisante, sous réserve de ne pas recouvrir la peau en regard de ce volume par un bolus, ni d’ajouter une faible contribution de dose par un champ direct photon (9). L’étude boost de l’EORTC (4) a également mis en évidence la relation entre dose et contrôle locorégional dans le cancer du sein. Il semble donc essentiel de vérifier que les volumes cibles reçoivent bien la dose thérapeutique. Ainsi, le complément de dose doit être délivré là où la tumeur était située initialement. Il faut pour cela une coordination optimale avec les autres acteurs du traitement, qui doivent avoir laissé des indications claires et précises sur l’emplacement de la tumeur avant tout traitement (schéma détaillé, photo, description précise de la tumeur à l’imagerie). Surtout, il convient de mettre en place des repères radio-opaques après tout acte diagnostique ou thérapeutique : clips, coils en cas de chimiothérapie première, ou agrafes chirurgicales. La réalisation d’un scanner préopératoire en position de traitement fait également l’objet d’une évaluation prospective (11). Les études anatomiques qui ont été réalisées sur reconstruction volumétrique révèlent également un risque lié au défaut d’appréciation de la profondeur des aires ganglionnaires. Cela vaut tant pour la chaîne mammaire interne (12) que pour l’aire sus- et sous-claviculaire (13). Il semble en revanche que le Mots-clés Cancer du sein Radiothérapie Nouveautés techniques et biologiques Highlights Standard techniques of radiotherapy for breast cancers achieve, in most cases, excellent results in terms of both efficacy and tolerance. Our message is therefore 3-folded: – optimised everyday care: how to improve our techniques with simple, pragmatic tools; – “nouvelle” radiotherapy: when new technical or radiobiological concepts, sometimes still in progress, will be called for; – light regimens: in some cases, a therapeutic de-escalation would be in order. To conclude, guidelines will be defined and a vision for the future will be presented. Keywords Breast cancer Radiotherapy New techniques Radiobiology La Lettre du Cancérologue • Vol. XVIII - n° 10 - décembre 2009 | 525 DOSSIER THÉMATIQUE Radiothérapie Références bibliographiques 1. Remontet L, Esteve J, Bouvier A et al. Cancer incidence and mortality in France over the period 1978-2000. Rev Epidemiol Sante Publique 2003;51(1Pt1): 3-30. 2. Clarke M, Collins R, Darby S et al. Effects of radiotherapy and of differences in the extent of surgery for early breast cancer on local recurrence and 15-year survival: an overview of the randomised trials. 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Radiothérapie des cancers du sein : évolution des concepts et nouvelles techniques contourage de l’aire sus-claviculaire permette, dans certains cas, de mieux préserver des tissus normaux et, peut-être, d’améliorer la tolérance tardive à la radiothérapie (13). Les travaux visant à homogénéiser les pratiques en termes de contourage doivent se poursuivre (14, 15). La radiothérapie nouvelle Techniques nouvelles Lorsque la couverture des volumes cibles par des techniques standard expose les tissus sains (en particulier les organes à risque nobles comme les poumons ou le cœur) à une dose importante, il est légitime de proposer des techniques alternatives. Là encore, l’importance du cancer du sein dans l’activité d’un département de radiothérapie ainsi que le souci de diminuer le risque d’erreur impose que l’on privilégie les solutions simples. En effet, le recours à des techniques trop sophistiquées, avec lesquelles on risquerait de ne pas maîtriser toutes les étapes de préparation, de réalisation, puis de vérification du traitement, expose à de potentielles conséquences dramatiques. Il faut par ailleurs veiller à résister aux sirènes du high-tech avec utilisation d’angulations des champs multiples, qui exposent à une irradiation intégrale dont on ignore l’impact en termes de cancers secondaires (16). Là encore, une technique simple est plus rapide et diminue les risques d’erreurs pour un même bénéfice clinique. Insistons ici sur l’importance de maîtriser toutes les techniques qui viennent enrichir le panel thérapeutique d’un département de radiothérapie : tous les acteurs de la radiothérapie doivent être familiarisés à la technique mise en place. ◆◆ Changements de position et la radiothérapie mammaire en décubitus latéral isocentrique Les patientes qui ont des seins plantureux ou un thorax en entonnoir posent le plus souvent des problèmes dosimétriques liés à la nécessité d’irradier un volume pulmonaire (et/ou cardiaque pour les seins gauches) importants si l’on veut couvrir l’ensemble du sein. Un changement de position (décubitus ventral ou décubitus latéral) permet de s’affranchir de cette difficulté, à condition que le sein “se détache” suffisamment de la paroi thoracique (17-19). La solution de l’irradiation mammaire en décubitus latéral isocentrique permet de réaliser une radiothérapie qui vérifie toutes les contraintes 526 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XVIII - n° 10 - décembre 2009 modernes de physique médicale (dosimétrie sur coupes scanographiques, vérification des images portales électroniques…), tout en épargnant le plus souvent complètement les organes nobles avoisinants (sein controlatéral, poumons, cœur). Elle peut désormais se réaliser sur une table habituelle avec un matériel de contention dédié1 qui ne génère pas d’artéfacts avec un scanner dosimétrique à large anneau. Au moins un tiers des patientes de notre département reçoit ainsi une radiothérapie du sein en décubitus latéral depuis le développement de cette technique en 1997. ◆◆ Boost intégré Malgré la réalisation d’un complément de dose de 16 Gy au niveau du lit de tumorectomie, les patientes jeunes sont exposées à un risque non négligeable de récidive locale du cancer du sein (4). L’étude M03RBC-young boost vise à évaluer le bénéfice d’une augmentation de dose au lit de tumorectomie à 26 Gy au lieu de 16 Gy. Cette augmentation de dose passe notamment par l’administration d’un complément de dose intégré (simultaneous integrated boost) afin de ne pas augmenter la durée totale de la radiothérapie. Là encore, la technique de “champ dans le champ” permet de réaliser ce boost de façon quasi transparente, tant pour la patiente que pour les techniciens au poste de traitement. ◆◆ Situations de cancer localement avancé non opérable d’emblée (dont T4D) Dans certaines situations de cancers très avancés localement, la radiothérapie doit être réalisée de façon préopératoire ou exclusive. Ici, les techniques innovantes – tomothérapie ou RapidArc® – ont certainement leur place pour apporter une dose tumoricide en épargnant autant que possible les organes à risque. Association radiothérapie et traitements systémiques L’association concomitante de la radiothérapie et de la chimiothérapie a fait l’objet de trois études randomisées, la comparant à une association séquentielle (20-22). Aucune n’a montré de bénéfice en termes de survie sans récidive (objectif principal). Attirons l’attention sur le fait que, dans les deux principales études, les bras avec chimiothérapie concomitante 1 Techset innovation, ZAC de l’Échangeur, 19 impasse Denis-Papin, 73100 Grésy-sur-Aix. DOSSIER THÉMATIQUE présentaient un contrôle locorégional supérieur en étude de sous-groupes (patientes traitées de façon conservatrice avec atteinte axillaire histologique à 5 ans de 97 % versus 91 %) [21, 22]. Le prix à payer pour cette amélioration du contrôle est une augmentation de la toxicité tardive et un retentissement esthétique (23, 24). La voie de l’association radiothérapie/traitements systémiques en préopératoire ou de façon exclusive doit également être envisagée pour augmenter les possibilités de traitements conservateurs (25, 26). Ils devraient également rendre opérables un certain nombre de cancers localement avancés. Les traitements ciblés ouvrent de larges perspectives d’associations concomitantes à la radiothérapie et nécessitent une nouvelle approche dans la construction d’études de phase I pour évaluer leur tolérance (27). Parfois, le développement de molécules est si rapide qu’elles sont évaluées en traitement adjuvant avant même qu’on ait pu vérifier l’innocuité de leur association avec la radiothérapie locorégionale du cancer du sein. C’est ce qui s’est passé avec le trastuzumab, délivré tôt en situation néo-adjuvante ou en situation adjuvante précoce, alors que les données concernant son administration en cours de radiothérapie sont pour le moins ténues. La situation semble se reproduire en ce moment avec de nouveaux traitements ciblés tels que le lapatinib ou le bévacizumab, nous engageant à participer largement aux observatoires tels que ToléRAB (Tolérance de la radiothérapie du cancer du sein associée ou non au bévacizumab). Un régime allégé Le diagnostic de très petites tumeurs, peu agressives, est fréquent depuis la généralisation des dépistages nationaux et individuels. Lorsqu’il est posé chez une patiente âgée, on s’interroge sur son retentissement, tant sur le plan de son pronostic vital que sur celui de la qualité de vie. Y a-t-il un risque au “surtraitement” ? La désescalade thérapeutique peut être abordée de deux façons, qui peuvent être combinées mais ne doivent pas être confondues : la diminution du volume irradié ou celle du nombre de séances de radiothérapie. Commençons par la seconde. Peut-on diminuer le nombre de séances de radiothérapie ? Quatre grandes études randomisées se sont intéressées au traitement hypofractionné sur l’ensemble du sein. Toutes concluent que celui-ci est possible avec une efficacité et une toxicité comparables à celles de la radiothérapie normo-fractionnée. Exprimons cependant quelques réserves : ➤➤ la dose équivalente de la modalité hypofractionnée est souvent inférieure à 50 Gy pour une tumeur dont l’α/β est élevée ; ➤➤ l’association à un boost a été peu évaluée ; ➤➤ l’irradiation des aires ganglionnaires selon un mode hypofractionné a été peu évaluée. Dans notre département, nous avons préféré les 41,6 Gy, en 13 séances de 3,2 Gy × 3/sem., du protocole START-A (28) et avons réservé ce fractionnement aux patientes de plus de 60 ans n’ayant ni indication à un boost (marges largement saines, facteurs histo-pronostiques peu agressifs), ni indication à une irradiation des aires ganglionnaires. L’expérience que nous avions eue d’une dose légèrement supérieure (42,9 Gy en séances de 3,3 Gy) [29] était qu’elle exposait les patientes à une toxicité cutanée subaiguë non négligeable, environ 2 semaines après la fin de la radiothérapie (30). La situation particulière des patientes âgées a déjà fait l’objet de plusieurs études qui démontrent l’applicabilité de radiothérapies très hypofractionnées (“en flash”, comme disent les Anglo-Saxons) avec une tolérance et une efficacité satisfaisantes (31-33). Cette radiothérapie peut même, dans certains cas, se substituer à la chirurgie (34). Peut-on diminuer le volume d’irradiation ? ◆◆ Aires ganglionnaires La question de la place de l’irradiation de la chaîne mammaire interne a fait l’objet d’une revue récente de la littérature (35). Elle sera tranchée par l’étude 22922/10925 de l’EORTC qui, avec 4 004 patientes, a un effectif suffisant pour évaluer un bénéfice en termes de survie globale avec un recul suffisant (4 % de bénéfice à 10 ans) [36]. L’étude française portant sur 1 281 patientes mastectomisées avec atteinte ganglionnaire histologique ou tumeur centrale ou interne devrait être publiée prochainement. D’ici là, les sociétés expertes font preuve de retenue dans leurs recommandations et ne se prononcent pas de façon dogmatique sur son usage. On doit en revanche insister sur l’importance, si on retient l’indication d’irradiation mammaire interne, de procéder en préservant le cœur et en évitant les zones d’hétérogénéité, comme on l’a vu plus haut. 11. Kirova YM, Fournier-Bidoz N, Servois V et al. How to boost the breast tumor bed? A multidisciplinary approach in eight steps. Int J Radiat Oncol Biol Phys 2008; 72(2):494-500. 12. Kirova YM, Servois V, Campana E et al. 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Radiothérapie des cancers du sein : évolution des concepts et nouvelles techniques La question se pose actuellement de l’abstention ou de la réduction du volume de radiothérapie lorsque la chirurgie permet une confirmation histologique de la bonne réponse tumorale à la chimiothérapie première. Le taux élevé de rechutes locorégionales après réponse complète (mammaire et ganglionnaire) à la chimiothérapie première chez les patientes traitées par mastectomie-curage axillaire sans radiothérapie, invite cependant à la prudence en termes de désescalade thérapeutique (37). Compte tenu de l’usage de plus en plus fréquent de la chimiothérapie première dans les situations de cancers peu évolués et considérant le recours possible à des techniques sensibles permettant l’appréciation du stade tumoral avant traitement néo-adjuvant (échographie axillaire, ganglion sentinelle, voire TEP), la place de la radiothérapie ganglionnaire doit être réévaluée pour les patientes sans signe d’extension ganglionnaire initiale (38). ◆◆ Irradiation partielle du sein La volonté princeps ici n’était pas de préserver une partie du sein indemne de toute atteinte macroscopique par le cancer du sein mais de permettre, grâce à l’irradiation partielle du sein, de réaliser un hypofractionnement, qui n’aurait pas été possible avec une irradiation du sein dans son ensemble. Le principe d’irradiation partielle du sein est donc avant tout celui de l’hypofractionnement. Il a été développé dans des pays modestement équipés en radiothérapie, avec un risque de compromettre la généralisation des traitements conservateurs du sein avec radiothérapie adjuvante. Son argument principal : les récidives mammaires surviennent dans la majorité des cas à proximité du cas index. Les arguments de diminution de la toxicité ou de possibilité de deuxièmes traitements conservateurs en cas d’échec du premier ne reposent pas sur des données cliniques. La radiothérapie partielle du sein ne doit donc se pratiquer que dans le cadre d’études prospectives. Conclusion Les concepts clés qui doivent guider les choix d’un département de radiothérapie et ceux de chacun des oncologues radiothérapeutes en matière de cancer du sein sont donc : ➤➤ un panel de techniques, maîtrisées par tous les maillons de la chaîne thérapeutique ; ➤➤ un traitement adapté à chaque situation clinique visant à assurer le contrôle locorégional de la maladie, sans séquelles. L’innovation doit elle aussi être maîtrisée ; elle passera par le développement de nouvelles techniques fondées sur : ➤➤ une meilleure appréciation de l’extension tumorale présente et potentielle (ex. : lymphoscintigraphie) ; ➤➤ une possible association thérapeutique avec des traitements existants (chimiothérapie ou hormonothérapie) ou à venir. Enfin, nous devons nous attacher à rendre les traitements mieux adaptés aux patientes en fonction de l’appréciation juste de divers éléments : ➤➤ le pronostic de la maladie : la radiothérapie estelle nécessaire ? Il n’a pas été possible jusqu’à présent de définir une population de patientes chez qui on ne met pas en évidence de bénéfice à la radiothérapie après tumorectomie. Il faut néanmoins poursuivre cette recherche et, en attendant, proposer aux patientes âgées des solutions rapides et simples telles que l’hypofractionnement. La situation après traitement non conservateur est moins tranchée : les résultats des méta-analyses et de certaines études de cohortes suggèrent l’absence de bénéfice de la radiothérapie chez les patientes mastectomisées n’ayant pas d’envahissement ganglionnaire. L’indi cation doit donc être portée ici avec précaution ; ➤➤ la prédiction de la réponse tumorale à la radiothérapie : la radiothérapie sera-t-elle efficace ? Plusieurs études d’expression génique ont cherché un profil associé à un échec local du traitement conservateur avec radiothérapie. Les résultats ne sont pas assez probants et les efforts doivent se poursuivre ; ➤➤ la prédiction individuelle de la radiosensibilité : la radiothérapie sera-t-elle toxique ? On peut saluer ici les travaux en cours portant sur la recherche d’un lien entre l’apoptose lymphocytaire radio-induite et l’apparition de toxicités tardives. Un programme hospitalier de recherche clinique initié en 2005 par D. Azria est en cours, qui permettra de valider ou non cette méthode (39). Il existe par ailleurs des projets collaboratifs nationaux ou internationaux visant à rechercher l’existence de polymorphismes (variations normales de l’ADN) qui seraient associés à un risque majoré de développer une fibrose radioinduite (40). ■ Retrouvez l’intégralité des références bibliographiques sur notre site : www.edimark.fr 528 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XVIII - n° 10 - décembre 2009 dossier thématique Radiothérapie Radiothérapie des cancers du sein : évolution des concepts et nouvelles techniques Références bibliographiques (suite de la p. 528) 32. Ortholan C, Hannoun-Levi JM, Ferrero JM et al. Longterm results of adjuvant hypofractionated radiotherapy for breast cancer in elderly patients. Int J Radiat Oncol Biol Phys 2005;61(1):154-62. 33. Kirova YM, Campana F, Savignoni A et al. 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