L`enfant maladroit
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L`enfant maladroit
La maladresse L’enfant maladroit J.Mancini DIU neuropédiatrie mars 2007 Trouble spécifique • parfois maladresse purement isolée, gênant l'enfant dans diverses réalisations • On invoque alors, par analogie aux pathologies acquises de l'adulte, une dyspraxie • D'autres auteurs incriminent un trouble spécifique du développement moteur ou encore un trouble de l'acquisition de la coordination • multiples circonstances • qui varient selon l'intensité du trouble et sa spécificité. • pathologique quand elle retentit de manière négative sur l’autonomie de l’enfant et son fonctionnement social, en particulier scolaire. • De multiples causes peuvent rendre un enfant maladroit Trouble spécifique • Prévalence • 6% • concerne 2 à 4 fois plus souvent les garçons que les filles 1 DES DÉFINITIONS ET DES CONCEPTS • DES DÉFINITIONS ET DES CONCEPTS DES DÉFINITIONS ET DES CONCEPTS Dans le DSM IV • le trouble de l'acquisition de la coordination est défini selon des critères voisins: La réalisation des activités nécessitant une coordination motrice est significativement inférieure à ce que l'on pourrait attendre compte tenu de l'âge chronologique et des capacités intellectuelles : – retard dans les étapes du développement psychomoteur – maladresse avec les objets – mauvais résultats sportifs – mauvaise écriture Dans la CIM 10, • le trouble spécifique du développement moteur (F82) • altération sévère du développement de la coordination motrice, • non imputable exclusivement à un retard mental global ou à une affection neurologique spécifique, congénitale ou acquise. DES DÉFINITIONS ET DES CONCEPTS Dyspraxie, • Trouble de la planification, de la programmation de gestes complexes, intentionnels et finalisés 2 Les praxies Les praxies • la coordination volontaire de mouvements orientés vers un but • Le mouvement observé dans ce contexte est le fruit d'un apprentissage • L'intention qui le sous-tend est consciente et dirigée • La praxie se traduit ainsi par une activité motrice orientée qu'on appelle le geste. • Le geste intentionnel suppose l'élaboration d'un programme moteur visant l'obtention d'un but à atteindre Les praxies Les praxies • Au niveau interne le sujet va prendre en compte – les afférences kinesthésiques – proprioceptives – vestibulaires • Au niveau externe l'intégration concerne les informations sensorielles, qu'elles soient – visuelles – tactiles – auditives • Cette élaboration s'effectue à partir de rétroactions internes et externes • au niveau de l'aire prémotrice mise en place la séquence qui va permettre l'élaboration du geste complexe • Le nombre de gestes correctement exécutés croit de façon linéaire entre 6 et 11 ans • C'est vers 11 ans que les praxies sont matures dans l'ensemble des activités de la vie quotidienne et scolaire • Rôle crucial de l'intégration sensorielle des afférences visuelles et spatiales 3 Différentes hypothèses • Parmi les afférences sensorielles, AYRES insiste sur le rôle des afférences tactiles Différentes hypothèses CERMAK distingue deux grands groupes de dyspraxies • les troubles de planification motrice liés à un déficit d'anticipation. • Selon DEWEY, c'est dans sa représentation abstraite que le geste est perturbé Il n 'y a pas de difficultés motrices ou perceptivo-motrices mais des problèmes dans la conceptualisation symbolique du geste • Le deuxième grand groupe de cet auteur concernerait les troubles d'exécution, qui gênent la réalisation motrice: dyspraxies exécutives EXPRESSION CLINIQUE EXPRESSION CLINIQUE Les maladresses motrices de la vie quotidienne • chutes fréquentes, se cogne souvent, laisse tout échapper de ses mains. • La précision des gestes est pauvre – habillage qui va se révéler long et nécessiter des efforts très importants – boutonnage et confection des lacets de chaussures = épreuves quasi insurmontables. – trouble de conceptualisation: ce sont les dyspraxies de planification primaire, – en rapport avec des problèmes d'intégration sensorielle, ce sont les dyspraxies de planification secondaire. En motricité fine • gros retard dans les activités de coloriage, de dessin, de découpage • Dans l'alimentation – l'enfant est gêné pour la maîtrise des couverts, – pour verser un liquide sans un récipient.. • Dans les activités de loisirs – difficultés à apprendre et à faire de la bicyclette. – mauvais dans les jeux de balle • L'enfant manifeste peu d'intérêt pour les jeux de construction 4 EXPRESSION CLINIQUE Dans le domaine perceptif et spatial • L'enfant fait une mauvaise interprétation des objets dans l'espace • il perçoit mal la localisation, la trajectoire d'une balle. • beaucoup de difficultés avec les diagonales et les obliques. • la reconnaissance droite/gauche est difficile à intégrer. • Souvent les enfants ont des troubles d'orientation dans l'espace. • Plus rarement, déficits de perception tactile ou hypersensibilité au tact. EXPRESSION CLINIQUE Retentissement scolaire En écriture • mauvaise préhension du crayon • difficultés du geste • calligraphie difficile • Souvent la production est quasiment illisible. Les productions écrites sont mal organisées. EXPRESSION CLINIQUE • Dans le domaine temporel – très mauvais jugement sur le temps écoulé – Impossible d’évaluer le temps d'un trajet en voiture • Schéma corporel régulièrement pauvre et mal construit EXPRESSION CLINIQUE Retentissement scolaire En lecture • discrimination de lettres voisines p /q difficile • analyse d'un texte – qui nécessite un décodage de gauche à droite – puis de haut en bas • peut comporter des erreurs et des omissions 5 EXPRESSION CLINIQUE Retentissement scolaire En mathématiques • la lecture des nombres – À considérer de droite à gauche pour reconnaître la valeur de position (unités, dizaines, centaines) – mais à lire de gauche à droite pour en faire la lecture • L'apprentissage des algorithmes mathématiques – procédure qui s'effectue de droite à gauche pour les additions, les soustractions, les multiplications – dans l'autre sens pour les divisions. • en géométrie, difficultés liées à une mauvaise appréhension des relations spatiales EXPRESSION CLINIQUE Retentissement affectif • mauvaise estime de soi • conscient de son échec l’enfant dyspraxique dépense en vain de l’énergie dans différentes stratégies • ridiculisé par ses pairs, recherche la compagnie de plus jeunes enfants identité particulière • dépendance accrue vis à vis de l'adulte • Passivité excessive du fait de la surprotection des adultes DIAGNOSTIC D’UNE DYSPRAXIE 6 DIAGNOSTIC D’UNE DYSPRAXIE Anamnèse • antécédents familiaux et personnels en insistant – sur les circonstances de la naissance, – l’âge de la première inquiétude – celui des différentes étapes du développement de l’enfant • On s’assure que l'enfant a été normalement exposé à l'apprentissage de tel ou tel geste Diagnostic différentiel Troubles secondaires • à une IMC – Ainsi dans une hémiparésie congénitale discrète déficit moteur du membre supérieursous-utilisation et moindre efficacité – séquelles d’une naissance prématurée déficits variables mais bien souvent un tableau de dyspraxie visuo-spatiale propre à la prématurité • Une ataxie congénitale peut prendre le masque initial d’une maladresse DIAGNOSTIC D’UNE DYSPRAXIE examen clinique • L’examen vérifie l’absence de pathologie sensorielle, d’éventuelles dysmorphies • Un examen ophtalmologique et un bilan orthoptique sont à réaliser dès qu’on suspecte un trouble oculomoteur • L’examen neurologique doit être soigneux et complet – hypotonie globale chez le jeune enfant – anomalies discrètes à type de « soft signs » par exemple des mouvements choréiformes des membres, des syncinésies d'imitation, chez l’enfant plus grand Diagnostic différentiel Troubles secondaires à des mouvements anormaux • dystonies essentielles, chorées • Myoclonies : «syndrome du bol du petit déjeuner » rapporté dans le cadre de l’épilepsie myoclonique juvénile • Tics : maladresse paroxystique surtout dans le cadre d’un syndrome de Gilles de la Tourette 7 Diagnostic différentiel Troubles secondaires à des pathologies périphériques • plus rarement en cause • ne pas pouvoir monter un escalier à 3 ans doit immédiatement faire évoquer une myopathie de Duchenne chez un garçon Diagnostic positif à l’issue de l’examen • maladresse isolée • on évoque le diagnostic de dyspraxie développementale • a fortiori si fluctuation des performances d’un essai à l’autre • on confirme le diagnostic par une approche psychométrique Félix (13;2) approche psychométrique Dissociation significative • au test d’intelligence de l’échelle de Wechsler (WPPSI ou WISC selon l'âge) • entre le QIV et le QIP • QIV supérieur de plus de 12 points au QIP Au WISC IV préservation de l’indice de compréhension verbale; atteinte plus marquée de l’indice concernant le raisonnement perceptif et celui de vitesse de traitement Motif de consultation trouble comportement à l'école (perturbe) travaille peu, n’est pas concentré 8 Précocité intellectuelle + difficultés associées et spécifiques concernant les fonctions hémisphériques droites - Dyspraxie visuo-constructive + difficultés concernant le raisonnement à partir d’un matériel visuel. - Difficultés d’organisation temporelle (temporalité abstraite) + dyschronie (anamnèse). -Limitations dans les capacités programmatoires et exécutives (copie de la figure de REY). - Impulsivité cognitive liée à la rapidité idéatoire mais minorant les performances aux épreuves et rendant compte en partie des difficultés observées sur le plan du raisonnement perceptif (prise d’indices pas toujours complète…). - Des limitations en MDT pouvant se répercuter sur les performances en mathématiques. - Capacités le contrôle cognitif (inhibition cognitive) tout à fait préservées et les capacités mnésiques sont d’excellent niveau (avec stockage parfait immédiat et robuste des informations et particulier concernant les informations verbales). - Comportement : Félix s’est montré très mature dans la relation, capable d’une compréhension très fine et tout à fait agréable/coopérant. Félix : copie figure de Rey approche psychométrique Chez le jeune enfant, autour de 4 ans • échelle de coordination motrice globale de CHARLOP-ATWELL ou « Mouvement ABC » • le test d’imitation de gestes de BERGES et LÉZINE • épreuves de tâches visuo-constructives extraites du test de BRUNET et LÉZINE ou du test de Mc CARTHY – pont de 5 cubes ou puzzle de 4 morceaux à 3 ans – une barrière ou un puzzle de 10 morceaux à 4 ans approche psychométrique Chez le jeune enfant, autour de 4 ans étude du graphisme • prise du crayon inadaptée • l’enfant dessine peu et mal • Il ne peut reproduire les formes géométriques simples, – trait vertical, horizontal et rond à 3 ans – rond, croix, carré à 4 ans 9 approche psychométrique Après 5-6 ans • test de perception visuelle de FROSTIG , • tests visuo-constructifs – figure de REY B – test de BENDER – cubes de KOHS • l’étude du graphisme – reproduction de formes pré scripturales – écriture de lettres, du prénom – dessin du bonhomme ( test de GOODENOUGH ou de MAC CARTHY ) Copie de figures géométriques 10 approche psychométrique Au delà de 7 ans • échelle de développement moteur de LINCOLN OZERETSKI (LOMSD) • figure de Rey A • test des bâtonnets de BUTTERS et BARTON • l’étude graphométrique – niveau graphique par rapport à l’âge et au niveau d’apprentissage – vitesse d’écriture Figure de Rey (copie) • évaluation des capacités d’analyse visuelle, de la programmation logique et ordonnée du modèle, de la structuration des relations des éléments les uns avec les autres. 11 Test des bâtonnets de Butters et Barton FORMES CLINIQUES FORMES CLINIQUES dyspraxie constructive • difficultés d’assemblage spatial de différentes unités en un ensemble (jeux, puzzles, graphisme…). • Les enfants porteurs d’un Syndrome de Williams présentent, au sein d’un profil neuropsychologique très particulier des troubles caractéristiques dans ce domaine 12 FORMES CLINIQUES dyspraxie visuo-spatiale observée chez les anciens prématurés • troubles neuro-visuels, et troubles de la structuration spatiale • +/- strabisme alternant précoce • troubles du regard • troubles oculo-moteurs – trouble de la poursuite oculaire – du calibrage des saccades FORMES CLINIQUES dyspraxie visuo-spatiale observée chez les anciens prématurés • La non-acquisition de stratégies de regard valides et différenciées rend compte de l'inefficacité du canal visuel pour la plupart des acquisitions de base • Balayage des scènes visuelles perturbé • Exploration visuelle de l'environnement ou de dessins compromise 13 FORMES CLINIQUES dyspraxie visuo-spatiale observée chez les anciens prématurés • Cette forme est très pénalisante sur le plan scolaire • L’enfant est gêné pour construire l'espace à 2 dimensions: page, feuille, tableau, écran • espace où les mouvements oculomoteurs sont irremplaçables pour situer les éléments les uns par rapport aux autres (topologie) FORMES CLINIQUES dyspraxie visuo-spatiale observée chez les anciens prématurés Perturbation du calcul • implications dans les activités de dénombrement évidentes – certains éléments seront vus et comptés plusieurs fois – alors que d'autres seront oubliés FORMES CLINIQUES FORMES CLINIQUES dyspraxie visuo-spatiale observée chez les anciens prématurés dyspraxie visuo-spatiale observée chez les anciens prématurés Perturbation de la lecture Perturbation de l’écriture • Qui nécessite une stratégie de regard très élaborée • la prise d'information, est défaillante pour des raisons instrumentales • l’enfant se relit difficilement (dysgraphie) • énergie démesurée dans le geste graphique (au dépens de l'attention aux autres aspects, notamment orthographique, du mot écrit) • instauration progressive et inéluctable d'une dysorthographie 14 FORMES CLINIQUES Par analogie aux apraxies de l’adulte , on distingue : Dyspraxie idéomotrice • Elle est dominée par l’échec dans l’utilisation d’outils ou même dans leur mime d’utilisation : par exemple l’enfant est incapable de faire semblant de repasser Dyspraxie idéatoire • L’enfant se révèle incapable de réaliser des gestes symboliques (au revoir, chut…) Dyspraxie de l’habillage Pierre, 11 ans FORMES CLINIQUES Formes associées • A d’autres troubles du développement – hyperkinésie avec déficit attentionnel – Troubles spécifiques d’acquisition du langage… PRISE EN CHARGE • Dans le syndrome de Gerstman s’associent une indistinction D/G, une agnosie digitale, une dyscalculie 15 PRISE EN CHARGE La prise en charge s'adapte à chaque cas • en fonction de l'âge • de l'importance du trouble • de son étiologie • de son retentissement dans la vie quotidienne et scolaire PRISE EN CHARGE • Approche pluri-disciplinaire souvent nécessaire (psychomotricité, ergothérapie, orthopsie ) • Prise en charge des troubles associés PRISE EN CHARGE PRISE EN CHARGE La psychomotricité est à proposer tôt • elle permet un travail sur la conscience du corps • l' expérimentation personnelle • constitue le lieu où l' enfant peut trouver des stratégies de compensation La réadaptatation est indispensable: • faire comprendre les difficultés de l' enfant à son entourage et à ses enseignants • Dans la vie quotidienne • travail sur l' autonomie en donnant des aides – – – – aide par la verbalisation travail sur l'image mentale, raisonnement, rééducation graphique ... – utilisation de scratchs – matériel simplifié 16 PRISE EN CHARGE A l'école d'autres moyens peuvent être mis en place • • • • • • simplification et meilleure lisibilité du matériel aide verbale décomposition des tâches repérage spatial par des couleurs, surlignage" respect de la lenteur de réalisation Pour l' écriture,tendre vers une lisibilité et valoriser le travail surtout si le raisonnement est bon • parfois recours au clavier d’un ordinateur • Selon l'importance du trouble, une scolarisation sur deux niveaux, une intégration en CLISS peuvent être nécessaires CONCLUSION • La maladresse d’un enfant ne doit pas être banalisée • Les dyspraxies sont des troubles développementaux complexes dont les mécanismes ne sont pas encore clairement élucidés • Leur répercussion sur les apprentissages est importante et nécessite un diagnostic affiné pour proposer une prise en charge adaptée • La collaboration de la famille et des enseignants est indispensable 17