1951 GRAND COLLÈGE DES RITES Suprême Conseil pour la
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1951 GRAND COLLÈGE DES RITES Suprême Conseil pour la
1951 GRAND COLLÈGE DES RITES Suprême Conseil pour la France et l'Union Française Bulletin des Ateliers Supérieurs MAI 1951 N° 35 (N°12 de la Reprise) NOTICE DOCUMENTAIRE DE G.-H. LUQUET ATHIRSATA Plusieurs Ateliers ayant demandé au Grand Collège des Rites des informations sur le qualificatif Athirsata, voici ce que j'ai pu rassembler. Le mot Athirsata (ou Athersata) se trouve dans la Bible, au premier livre d'Esdras, et dans Néhémie (appelé aussi deuxième livre d'Esdras). Dans deux de ces textes, c'est un qualificatif appliqué à Néhémie : Nehemias (ipse est Athirsata) Néhémie (qui est Athirsata) (Nehem., VIII,9) Signatores autem fuerunt Nehemias Athersata, filuis Achelaï, Sedecias (Les signataires - d'une alliance avec Dieu - furent Néhémie, fils d'Achelaï, - appelé aussi Helchias – Sedecias)- suit une longue énumération (Nehem., X, 1). Dans les autres textes le personnage auquel est donné ce titre n'est pas indiqué. Et dixit Athersatha eis ut non comederent de sancto sanctorum donec surgeret sacerdos doctus elque perfectus (L'Athersata leur dit <il s'agit de personnes qui après le retour de captivité de Babylone, ne pouvaient pas produire de documents établissant leur descendance sacerdotale> qu'ils ne mangeraient pas des viandes sacrées <c'est-à-dire ne seraient pas admis comme prêtres> jusqu'à ce que vint un prêtre savant et parfait) (Esdr., II, 63) — Ce texte est repris presque textuellement dans Nehemie (VII, 68) : Dixit Athersata eis ut non comederent de sanctis sanctorum donec staret sacerdos doctus et eruditus (Et l'Athersata leur dit qu'ils ne mangeraient pas de viandes sacrées jusqu'à ce qu'il y eut un prêtre savant et instruit – capable d'établir leur descendance sacerdotale). Nonnuli autem de principibus familiarum dederunt in opus. Athersata dedit in thesaurum auri drachmas mille, philias quinquaginta, lunicas sacerdotales quingentas triginta. (Plusieurs des chefs de familles donnèrent une contribution. L'Athersata donna au Trésor 1.000 drachmes d'or, 50 vases, 530 tuniques sacerdotales), (Nehem., VII.70). D'après certains commentateurs, le qualificatif Athirsata s'appliquerait non à Néhémie, mais à Zorobabel. Cette interprétation est arbitraire : nulle part le nom de Zorobabel n'est accompagné du qualificatif Athirsata, tandis que celui-ci est expressément appliqué à Néhémie dans les textes cités plus haut. Il est parfaitement possible que dans les passages où Néhémie emploie le terme Athirsata, il parle de lui-même à la troisième personne, comme il le fait en employant son propre nom Néhémie dans Nehem., VII, 7 : Qui verum cum Zorobabel Josue, Nehemias ... (Ceux qui reviennent – à Jérusalem de la captivité de Babylone – avec Zorobabel - étaient - Josué, Néhémie - ...etc.), longue énumération. En résumé, Athirsata est le nom d'une dignité ou fonction de Néhémie. Sur la nature exacte de cet office, les commentateurs restent quelque peu dans le vague. Ils semblent toutefois d'accord pour penser qu'Athirsata n'est pas un mot hébreu, et par suite il est difficile d'en trouver l'étymologie hébraïque. Selon la Sainte Bible en latin et en français (Paris, 1715, t. III, p.377), il peut vouloir dire « qui renverse le fondement » du mot schatoth, fondement, et du mot thor ou thur, qui renverse, qui regarde. Il veut dire aussi tourterelle. En syriaque, il signifie : Qui regarde le temps ou l'année. — C'est un mot persan qui signifie Gouverneur (ibid., t.1, p. 725). En général, il signifie "Préfet et Gouverneur". Ce mot semble être l'équivalent du mot latin dux (qui ducit, conducteur au propre et au figuré, directeur) appliqué à Néhémie dans Nehem., XII, 26 (ibid., I, 749)1. Selon le Thuileur des trente-trois degrés de l'Ecossisme, anonyme, par De l'Aulnoye ou Delaunay – 1813 – réimprimé en 1821, p. 117, Athersata qu'il faut écrire Thirschata, signifie échanson, parce que Néhémie déclare avoir été échanson d'Artaxerxés (Factum est autem in mense Nisan, anno vicesimo Artaxerxes regis, et vinum erat ante eum ; levavi vinum et dedi regi — La vingtième année du règne d'Artaxerxés, au mois de Nisan, il y avait du vin devant le roi : je (Néhémie) le pris et le lui servis) (Nehem., II, 1). La qualification d'échanson pour le Président d'un Chapitre de Rose-Croix, ajoute le Thuileur (p.118),"se rapporte très bien à ces paroles sacramentelles de l'Agneau dans la Cène : Venez et buvez." La même déclaration est reprise dans le Thuileur portatif (...) (anonyme par Caillot,1ère édition 1819, p.63, nouvelles éditions 1826 et 1846, p. 75). Par contre, le Manuel maçonnique [...] par un Vétéran de la Maçonnerie [Vuillaume] (1820, 2e édition en 1830, p. 136, note) ne veut voir dans l'explication précédente qu'une « mauvaise plaisanterie ». Ragon (in Ordre Chapitral, Nouveau Grade de Rose-Croix, s. d. 1860, p. 35, note ; et Thuileur général ... Juillet 1861, p. 139, note) adopte à la fois les deux interprétations : échanson et contemplant le temps, sans chercher à les concilier. D'après un autre auteur, la seconde interprétation convient parfaitement au Président d'un Chapitre, qui doit établir l'ordre du jour des Tenues. Sans doute : mais en quoi plutôt d'un Chapitre que d'une Loge bleue ? Compte tenu de la diversité des interprétations du mot Athirsata, il me semble que la traduction la plus satisfaisante serait Chef, sans précision supplémentaire. Seconde question. Dans quels rites et par quels corps maçonniques le mot Athirsata est-il employé pour désigner le Président d'un Chapitre ? La plus ancienne mention que je connaisse du titre de Président d'un Chapitre de RoseCroix se trouve dans un Rituel de Rose-Croix du Grand Chapitre général de France. Ce Rituel daté du 14e jour du 6e mois 5788 (14 août 1788), est la copie collationnée d'un Rituel plus ancien. Dans ce Rituel, le Président du Chapitre est appelé Très Sage. Lorsque par un concordat du 17 février 1786, le Grand Chapitre général de France se fut uni au Grand Orient de France, qui lui conféra le titre de Chapitre métropolitain (Thory, Annales Originis Magni Galliarum O..., 1812, p. 7) le Grand Orient adopta purement et simplement le rituel du Grand Chapitre général pour le grade de Rose-Croix, dont il fit le 4e ordre ou 7e et dernier grade de son Rite dit français ou moderne par opposition au Rite anglais ou ancien, qui ne comprenait que les trois grades bleus, symboliques ou de Saint Jean. Les Rituels des quatre ordres supérieurs ont été imprimés sans date en 1805, sous le titre de Régulateur des Chevaliers Maçons, mais antérieurement le Grand Orient en adressait à ses Chapitres des copies manuscrites collationnées. Dans le Rituel de Rose-Croix du Régulateur, le Président d'un Chapitre est appelé Très Sage ou Très Sage et Parfait Maître, et jamais Athirsata. II en est de même dans tous les Rituels officiels du Grand Orient que j'ai pu consulter, savoir ceux de 1874, 1890, 1900, 1923, 1924, 1930. Le Président d'un Chapitre y est appelé Très Sage et non Athirsata, aussi bien lorsqu'il est question de lui que quand on s'adresse à lui. Dans le Rituel du Grand Collège des Rites de 1946, le Président est appelé tantôt Très 1 Notons que selon la Bible de Jérusalem Tirshata est un mot perse qui désigne le gouverneur par son titre honorifique, et dont le sens est « Sa Révérence » ou « Son Excellence » (Paris, éditions du Cerf, 1961, p.467, note d). Sage, tantôt Très Sage Athirsata ; mais Athirsata a été supprimé dans le Mémento publié en 1947. Je ne suis qu'imparfaitement documenté sur les Rituels de Rose-Croix du Suprême Conseil de France. Je ne connais que ceux d'environ 1865 (non daté), de 1903 et 1925. Dans le premier, il est appelé uniquement Très Sage, sauf une fois (p. 13), où il est appelé Très Sage ou Athirsata (et non Très Sage Athirsata). De même, dans le Rituel de 1903, le Président d'un Chapitre est constamment appelé Très Sage, sauf dans un unique passage (p., 24) : « Le Président se nomme Très Sage ou Athirsata ». Dans le Rituel de 1925, le Président est régulièrement, appelé Très Sage (sans Athirsata) quand on lui adresse la parole. Il en est de même presque constamment quand il est question de lui; je n'ai relevé que trois exceptions (p. 12, 27, 37), où il est appelé Très Sage Athirsata. En résumé, l'expression complexe Très Sage Athirsata n'est jamais employée dans les Rituels du Grand Orient de France et ne s'est introduite dans ceux du Suprême Conseil de France qu'assez récemment et graduellement. À mon avis (opinion personnelle, qui n'engage en aucune mesure le Grand Collège des Rites), ses Chapitres n'ont aucun intérêt à ajouter au litre traditionnel : Très Sage et Parfait Maître le qualificatif Athirsata, dont même les hébraïsants n'arrivent pas à donner une traduction précise. Entendu comme chef ou directeur, il s'en tient à la constatation du fait que celui auquel on l'applique est Président. Très Sage et Parfait Maître évoque les qualités intellectuelles et morales qui lui ont mérité le premier maillet. Comme l'appellation du Président d'un Chapitre, l'acclamation des Rose-Croix n'a pas toujours été la même. Dans le Rituel du Grand Chapitre général, c'était Oz... (Ozée). Dans le Régulateur des Chevaliers Maçons, Houzé. Ces mots ont une parenté manifeste avec l'anglais Huzza, variante de Hurrah et ave Huzza, prononcé Houzzai qui était encore en 1830, l'acclamation des grades bleus au Rite écossais (Vuillaume, op. cit., p. 45 et note 1). Ils sont ainsi l'équivalent de Vivat, qui, depuis le début de la Maçonnerie en France jusqu'à au moins 1861 (Ragon, Thuileur général, p. 28) était l'acclamation des grades bleus au Rite français. D'après le Thuileur de Delaunay (1813), p. 41, l'acclamation des Rose-Croix au Rite Ecossais est « Osée, qu'il faut écrire Hoscheah (Salvator) ». On voit par là comment et vers quelle date les mois Ozée ou Houzé ont reçu une signification qu'ils n'avaient pas auparavant, mais qui s'accordait avec le caractère chrétien du grade. Dans le Manuel maçonnique de Vuillaume (2e édition, 1830. p. 140), l'acclamation dans sa matérialité a été rendue conforme à sa signification nouvelle et est devenue Hoscheah ou Hoschée. Au Suprême Conseil de France, l'acclamation est Hoschée dans le Rituel d'environ 1865, Hoschai dans celui de 1903, Hochée dans celui de 1925. Les deux derniers spécifient que ce mot vient de l'hébreu Hoscheah (Salvator, Sauveur). Au Grand Orient, le Rituel de 1875 ne mentionne pas d'acclamation après la batterie. Dans ceux de 1890 et 1900, c'est : Liberté, Egalité, Fraternité. Les Rituels de 1923 et suivants et de même celui du Grand Collège des Rites de 1916 et le Mémento de 1917 ont adopté l'acclamation Hoschée. Puis-je faire observer, en terminant, que l'adjectif « rituélique » fréquemment employé, est un barbarisme ? En bon français, l'épithète signifiant : qui a rapport au rites est « rituel ». Ce mot est à la fois adjectif et substantif, et n'est devenu substantif que secondairement, par ellipse, de même qu'on dit un imprimé pour un ouvrage imprimé. En admettant que rituélique soit une transcription de l'adjectif anglais ritualist, il est encore incorrect, car il faudrait alors dire ritualistique et non rituélique. Par suite, à mon avis (une fois encore, opinion personnelle), on peut sans inconvénient se dispenser d'employer un mot qui ne trouve place dans aucune langue.