societes civiles - Editions Francis Lefebvre

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societes civiles - Editions Francis Lefebvre
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SOCIETES CIVILES
2009
Constitution de la société civile
Apport d’un immeuble à une société en formation
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L’apport à une société en formation d’un bien ou d’un
droit soumis à publicité pour son opposabilité aux tiers
peut être publié avant l’immatriculation de la société,
sous la condition que celle-ci intervienne ; une fois la
société immatriculée, les effets de la publicité rétroagissent à la date de son accomplissement (C. civ.
art. 1843-1).
Il en résulte qu’en cas d’apport d’un immeuble publié
avant qu’un créancier de l’apporteur n’inscrive une
hypothèque sur cet immeuble, l’immatriculation de la
société fait « rétroagir l’apport » à la date de sa publicité, ce qui rend l’inscription… inefficace !
CA Agen 20 février 2008 no 07-1130.
REMARQUE Cette décision constitue l’une des rares
applications de l’article 1843-1 du Code civil, qui pose le
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principe de la rétroactivité des effets de la publicité du bien
apporté, c’est-à-dire de la rétroactivité de l’opposabilité aux
tiers du transfert de propriété de ce bien (ce que la cour
d’appel traduit maladroitement par la « rétroactivité de
l’apport »). Il importe peu que l’immatriculation soit postérieure à l’inscription d’hypothèque ; pour que l’apport soit
opposable au créancier, il suffit qu’il ait été publié avant
l’inscription prise par celui-ci et que la société ait été immatriculée (Cass. 2e civ. 18-1-2001 no 43 : Dr. sociétés 2001 comm.
no 77 note Th. Bonneau). Seule la fraude aux droits des tiers
peut faire échec à cette règle, par exemple lorsque l’apport
d’un immeuble a été publié pour faire échec aux droits d’un
acquéreur antérieur qui n’a pas publié son acquisition (Cass.
3e civ. 5-2-1970 : Bull. civ. III n° 93).
Fonctionnement de la société civile
Rémunération du gérant
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Les statuts d’une société, dont le gérant associé détenait 50 % des parts, comme son unique coassocié, soumettaient la détermination de la rémunération du
gérant à une décision collective des associés. L’assemblée des associés avait été sollicitée à trois reprises
pour se prononcer sur l’augmentation de la rémunération du gérant mais le coassocié non-gérant avait rejeté
à chaque fois cette proposition, empêchant qu’une
majorité puisse être dégagée lors du vote. Le gérant
avait alors sollicité l’intervention du juge pour qu’il
fixe sa rémunération.
Après avoir précisé que la décision de l’assemblée
relative à la rémunération du gérant ne peut être contestée que s’il est établi qu’elle est irrégulière ou abusive, la cour d’appel de Rennes fait droit à la demande
du gérant. Elle considère que le refus réitéré du coassocié, opposé sans intérêt légitime, uniquement dans
le dessein de nuire et sans aucune considération de
l’intérêt social, qui implique une juste rémunération
du gérant en fonction de ses talents et résultats,
constituait un abus d’égalité compte tenu des éléments
suivants :
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- alors que la société s’était trouvée dans une situation
financière délicate au moment où les deux associés
exerçaient ensemble la gérance, elle s’était depuis
redressée, notamment grâce à la gestion rigoureuse de
l’associé demeuré seul gérant ;
- le gérant avait dû assumer les attributions de son
coassocié après la démission de ce dernier ;
- lorsqu’il avait quitté ses fonctions, le coassocié avait
perçu une indemnité alors que la situation financière
de la société était difficile et que, dans le même temps,
le gérant avait perçu une rémunération moindre que
les années précédentes.
CA Rennes 2e ch. com. 4 décembre 2007 no 06-5351 : RJDA
1/09 no 41.
REMARQUE Solution rendue pour une SARL mais
transposable à une société civile. Cette décision, qui fait
l’objet d’un pourvoi en cassation, met en lumière les écueils
de la constitution d’une société entre deux associés
« égalitaires ».
Impôts dus par la société civile
Imputation des déficits agricoles sur le revenu global
des associés : revenus non agricoles à prendre en compte
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Le déficit constaté par une société civile non soumise
à l’impôt sur les sociétés qui exerce une activité agricole pour laquelle elle relève du régime réel d’imposition est imputable sur le revenu global de chaque
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associé, à raison de la quote-part qu’il détient dans la
société, à condition que les revenus nets non agricoles
dont cet associé dispose par ailleurs n’excèdent pas
une certaine limite dont le montant est révisé chaque
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SOCIETES CIVILES
année (sur la limite applicable en 2009, voir inf. 1
no 105).
La cour administrative d’appel de Lyon juge que pour
l’appréciation de la limite des revenus non agricoles à
ne pas dépasser, il convient de retenir les plus-values
de cession de valeurs mobilières imposables au taux
forfaitaire.
Elle estime par ailleurs que les revenus nets non agricoles ne peuvent pas être diminués de la quote-part
déductible de la contribution sociale généralisée supportée sur les revenus du patrimoine dès lors que cette
quote-part ne peut pas être imputée sur ces revenus
mais seulement sur le revenu global.
CAA Lyon 31 juillet 2008 no 05-865 : RJF 1/09 no 4.
REMARQUES 1. Le contribuable défendait l’analyse
selon laquelle l’interdiction légale d’imputer des déficits
catégoriels sur des plus-values imposées à un taux forfaitaire justifiait que ces plus-values soient exclues des revenus non agricoles dont le montant conditionne le régime
d’imputation des déficits.
On ne peut que regretter la position ainsi retenue par les
juges, d’autant que l’administration admet que les
plus-values sur immeubles et biens meubles imposables
selon le régime prévu aux articles 150 U et suivants du CGI
ne soient pas retenues pour l’appréciation du franchissement de la limite (Inst. 5 E-2-05).
2. Selon la cour, la notion de revenus nets non agricoles
s’entend des autres revenus catégoriels du contribuable. La
solution retenue est toutefois rigoureuse sur un plan économique dans la mesure où les revenus patrimoniaux perçus
par le contribuable ont été amputés de la CSG.
Associés de la société civile
Dol d’un acquéreur de parts sociales
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Un associé minoritaire notifie à la société son projet de
céder la totalité de ses titres moyennant un certain
prix. Exerçant le droit de préemption prévu par les
statuts, un autre associé minoritaire acquiert les titres
à ce prix, puis les revend un mois plus tard pour un
prix 21 fois plus élevé à un tiers avec qui le dirigeant
de la société négociait le rachat de sa participation.
L’associé cédant demande alors l’annulation de la cession et des dommages-intérêts pour dol en reprochant
à l’acquéreur et au dirigeant de ne pas l’avoir informé
des négociations en cours avec le tiers au jour de la
cession.
Ces demandes ont été rejetées pour les raisons suivantes :
- l’acquéreur n’était tenu d’aucune obligation d’information car, en sa seule qualité d’associé, il ne disposait pas de plus d’informations que le cédant sur les
négociations, peu important qu’il se soit agi de la
concubine du dirigeant ;
- dans le cadre du droit de préemption, l’associé
acquéreur s’était uniquement substitué à l’acquéreur
pressenti par le cédant et n’avait pas pris une part
active à la négociation initiale entre eux, de sorte qu’il
ne lui appartenait pas de remettre en cause les conditions de la cession librement négociées entre le cédant
et l’acquéreur pressenti ;
- le dirigeant, associé majoritaire, ne se trouvait débiteur d’aucune obligation d’information dès lors qu’il
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était totalement étranger à la cession à laquelle il
n’était pas partie et dont il n’avait pas pris l’initiative,
qu’il n’était pas intervenu afin d’inciter le cédant à
vendre ses titres et n’avait pas manœuvré pour l’évincer du bénéfice retiré de la revente.
CA Paris 3e ch. B 29 mai 2008 no 06-19015 : RJDA 1/09
no 31.
REMARQUE Solution rendue pour une cession
d’actions mais transposable à une cession de parts de
société civile. L’acquéreur de parts n’est tenu d’informer le
cédant ni des négociations tendant à l’acquisition par un
tiers d’autres titres de la même société, ni de celles qu’il
conduit lui-même avec ce tiers en vue de la revente des titres
cédés (Cass. com. 12-5-2004 no 772 : RJDA 8-9/04 no 989). En
revanche, en application du devoir de loyauté qui s’impose
au dirigeant à l’égard de tout associé, cette obligation
d’information existe à la charge du dirigeant qui se porte
acquéreur de parts (Cass. com. 22-2-2005 no 268 : RJDA 6/05
no 713), qui intervient comme intermédiaire pour le reclassement de la participation du cédant (Cass. com. 27-2-1996
no 439 : RJDA 6/96 no 794) ou qui a simplement été à l’initiative de la cession (Cass. com. 12-5-2004 no 772 précité), circonstance expressément écartée en l’espèce par la cour
d’appel. On peut néanmoins se demander si la cour d’appel
a vraiment tiré les conséquences légales de ses propres
constatations en écartant toute violation du devoir de
loyauté du dirigeant alors qu’elle avait relevé que l’acquéreur était sa concubine…
Sociétés civiles en difficulté
Poursuites contre le gérant d’une société
en liquidation judiciaire
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Commet une faute de gestion d’une gravité certaine,
dans son intérêt personnel et celui de son épouse, le
dirigeant d’une société commerciale en liquidation
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judiciaire (mais la solution est transposable au gérant
d’une société civile) qui a fait prendre en crédit-bail
par la société deux véhicules neufs de luxe (une
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Francis Lefebvre