L`enfant avec une petite taille constitutionnelle
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L`enfant avec une petite taille constitutionnelle
Dossier L’enfant avec une petite taille constitutionnelle : diagnostic et traitement Anne Lienhardt-Roussie Département de pédiatrie médicale, CHU Dupuytren, 87042 Limoges Cedex <[email protected]> Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 78.47.27.170 le 08/02/2017. Résumé L’enfant présentant une petite taille constitutionnelle est un enfant dont la taille est inférieure à celle de ses pairs du même âge sans qu’aucune étiologie n’ait pu être mise en évidence au terme d’un bilan clinique et paraclinique soigneux. Cette petite taille perdure le plus souvent à l’âge adulte et il devient un adulte de petite taille. Peu à peu, des hypothèses physiopathologiques expliquant la petite taille se font jour avec notamment la mise en évidence d’altérations de la sensibilité à l’hormone de croissance qui est par ailleurs sécrétée en quantité normale. De nombreux essais thérapeutiques ont montré une réelle efficacité du traitement par hormone de croissance pour améliorer la taille adulte de ces enfants. Ces petites tailles constitutionnelles ne sont donc plus à considérer comme une variante de la normale mais plus volontiers comme une pathologie de la croissance staturale. Mots clés : croissance staturale, hormone de croissance, petite taille constitutionnelle L mtp Tirés à part : A. Lienhardt-Roussie a petite taille est un motif fréquent de consultation pédiatrique. Les pathologies conduisant à un retard de croissance statural sont nombreuses, endocriniennes ou non. Les termes « petite taille constitutionnelle » ou « petite taille idiopathique » (Idiopathic Short Stature – ISS des AngloSaxons) sont communément utilisés pour décrire des enfants présentant une petite taille en comparaison avec leurs pairs du même âge alors qu’aucune étiologie n’a pu être mise en évidence au terme d’un examen clinique et paraclinique approfondi et rigoureux. Nous utiliserons le terme anglo-saxon ISS pour la suite de l’exposé. Depuis 50 ans, techniques de dosages hormonaux, connaissances de la physiologie de la croissance anté- et mt pédiatrie, vol. 9, n° 4, juillet-août 2006 post-natale et de l’axe somatotrope ont progressé. Ainsi, pour de nombreux patients, la petite taille a une étiologie (l’exemple le plus frappant en est les enfants de petite taille nés avec un retard de croissance intrautérin, petite taille considérée, il y a 50 ans, comme idiopathique). La population pédiatrique présentant une ISS est peu à peu mieux cernée. Définition Bien que la définition exacte d’ISS reste controversée [1-3], il est actuellement admis qu’un enfant doit répondre aux critères suivants pour que son retard de croissance soit rattaché à une ISS : – Taille inférieure à – 2 DS. 259 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 78.47.27.170 le 08/02/2017. L’enfant avec une petite taille constitutionnelle : diagnostic et traitement – Vitesse de croissance annuelle normale ou à la limite inférieure de la normale. – Maturation osseuse compatible avec l’âge statural. – Absence de retard de croissance intra-utérin. – Absence de pathologies chroniques (au sens large) entraînant une mauvaise croissance staturale. – Absence de maladie osseuse constitutionnelle. – Pas de dysmorphie ni d’anomalies chomosomiques connues pour être responsables de petites tailles. – Pas de troubles du comportement alimentaire avec en corrolaire prise alimentaire satisfaisante en qualité et quantité et absorption intestinale normale. – Pas de pathologie psychiatrique. – Réponse normale de la sécrétion en hormone de croissance au décours des tests de stimulation pharmacologique de l’axe somatotrope. Une courbe de croissance caractéristique d’un enfant ayant une ISS est représentée à la figure 1. Cette approche clinique et biologique reste encore assez large puisqu’elle permet de regrouper sous ce terme un groupe en fait très hétérogène de patients : peuvent s’y rattacher les enfants ayant une petite taille familiale, un retard idiopathique de croissance ou une insensibilité à l’hormone de croissance quelle qu’en soit la cause. Certains auteurs essaient de différencier au sein de ce groupe les enfants présentant en réalité une petite taille familiale sur les arguments cliniques suivants : au moins l’un des deux parents a une taille inférieure à – 2 DS, petites tailles avérées parmi les ascendants, enfant présentant généralement un ralentissement de la vitesse de croissance vers l’âge de 4 ans qui peut en imposer pour une véritable cassure alors qu’il se met dans son couloir génétique de croissance, le suivi au long cours ultérieur (vitesse de croissance régulière) et la négativité d’un bilan paraclinique simple permettra d’orienter vers une petite taille familiale. Ranke [4] a essayé de clarifier cette difficulté. Il différencie Idiopathic Short Stature et Familial Short Stature en calculant la taille parentale moyenne exprimée en SDS [taille parentale moyenne = (taille mère + taille père)/ 1,61]. Cette valeur permet de définir une sorte de taille limite de l’enfant en fonction des tailles parentales : si la taille de l’enfant exprimée en DS est très en deçà de cette valeur calculée, l’enfant présente vraisemblablement une ISS. Pour lui, la maturation osseuse ne semble pas un outil diagnostique satisfaisant. Par ailleurs, le manque de sensibilité, de sensitivité et de reproductibilité des stimulations pharmacologiques de l’axe somatotrope fait que certains enfants déficitaires en GH (Growth Hormone pour hormone de croissance) mais mauvais répondeurs lors du traitement par hormone de croissance ont peut-être une ISS. Un certain chevauchement existe entre population déficitaire en GH et population ayant une ISS lors des explorations biologiques. 260 Toutes ces difficultés font que cette population est très hétérogène, rendant l’interprétation de certaines études délicate. Ébauche physiopathologique La physiologie de l’axe somatotrope, de la synthèse de la GH à son action sur l’os via le relai du système des IGF est de mieux en mieux connue et est schématisée sur la figure 2 [5]. Le taux sérique d’IgF1 permet de classer certains troubles de la croissance, notamment ceux secondaires à une insensibilité à la GH. Si diverses étiologies de déficits congénitaux en GH et autres hormones hypophysaires sont désormais élucidées, notre connaissance des facteurs conduisant à une petite taille en l’absence de déficit endocrinien prouvé reste encore limitée. Diverses publications indiquent qu’environ 25 % des patients explorés pour ISS auraient une anomalie du système de la transmission du signal GH comme en témoignent des taux d’IGF1 effondrés malgré une sécrétion de GH normale et une réponse insuffisante en IGF1 lors des tests de génération d’IGF1 [6, 7] : ces résultats sont en faveur d’une certaine insensibilité à la GH pour ces patients. Depuis ces dernières années, l’étude d’un certain nombre de gènes candidats sur cet axe a mis en évidence quelques rares anomalies géniques responsables de petite taille : mutations des gènes du récepteur GH conduisant au classique syndrome de Laron (mutation homozygote) [8], du système de transmission du signal Janus Kinase 2 (JAK2) et de l’activateur de transcription STAT 5b [9], puis de IGF1 [10] puis de la transmission du signal IGF1 avec mutations du gène de la sous-unité ALS [11]. Les gènes de la GH et de son récepteur ont été étudiés plus précisément. Une mutation du gène de GH produit une GH « variante » qui est secrétée en quantité normale, se lie normalement à son récepteur mais module la réponse intracellulaire en diminuant l’activation du système ERK [12]. L’analyse fine du gène du récepteur GH a mis en évidence un polymorphisme dans l’exon 3 qui en modifie la longueur ; selon celle-ci, la réponse au traitement par GH est différente chez les enfants déficitaires en GH mais également pour des populations non déficitaires (syndrome de Turner et enfants nés avec un retard de croissance intra-utérin) [13, 14]. Par ailleurs, des mutations hétérozygotes du gène de ce récepteur ont été également décrites pour des enfants ne présentant pas les signes cliniques caractéristiques du syndrome de Laron mais une « simple » ISS. Il semblerait qu’environ 5 % de la population ISS ait une telle anomalie moléculaire [15, 16]. Toutes ces études laissent à penser que des perturbations même minimes de la transmission du signal GH pourraient être responsables de ISS et que prochainement de nouveaux mécanismes moléculaires, donc de nouvel- mt pédiatrie, vol. 9, n° 4, juillet-août 2006 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 cm 190 Itinéraires staturo-pondéraux des filles de la naissance à 22 ans 185 180 Père: 182 cm Mère: 164 cm NOM 175 170 Prénom Naissance TAILLE M J 165 A Taille cible du père : de la mère : M POIDS du père : de la mère : 160 155 150 cm 145 145 140 140 135 135 130 130 125 125 cm 120 115 kg 85 110 80 105 75 70 100 kg 65 95 90 60 85 55 45 75 55 26 % 50 10 % 45 40 40 35 35 65 30 60 POIDS en centiles 25 55 25 15 15 Terme: 39 SA PN: 3370 g TN: 50 cm 40 35 cm 1 12 30 20 20 50 0 60 3% 70 45 65 90 % 76 % 50 % 50 80 97 % 2 24 3 36 4 48 5 60 6 72 7 84 8 96 10 5 Courbes pondérales lisées d'après les donèes du Dr M. Sempé (étude séquentielle 1953 - 1975). Courbes staturales modélisées par J.P.P.S CS d'après les données du Dr M. Sempé (étude séquentielle 1953 - 1975). Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 78.47.27.170 le 08/02/2017. 22 ans 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 ans 108 120 132 144 156 168 180 192 204 216 228 240 252 264 mois Figure 1. Courbe de croissance staturale d’une enfant présentant une petite taille constitutionnelle. mt pédiatrie, vol. 9, n° 4, juillet-août 2006 261 L’enfant avec une petite taille constitutionnelle : diagnostic et traitement GH GHR Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 78.47.27.170 le 08/02/2017. JAK2 ERK Transcription IGF1 IGF-R1 Croissance Figure 2. Schéma simplifié de l’axe somatotrope. les étiologies des ISS, seront peu à peu mis en évidence. Il est donc probablement inexact de les considérer comme des variantes de la normale. Aspects thérapeutiques Durant l’enfance, la taille spontanée de ces enfants est inférieure à la normale (entre – 2,1 et – 3,1 DS selon les cohortes) puis, à l’âge adulte, les tailles finales spontanées varient de – 0,7 à – 3,2 DS [1, 17] mais sont significativement différentes des tailles cibles que ces enfants auraient 262 dû atteindre. Aucune différence n’est retrouvée selon le sexe [2]. De nombreux essais thérapeutiques ont donc concerné cette population pour essayer d’en améliorer le pronostic de taille adulte. En période péripubertaire, petites doses de stéroïdes sexuels ou agonistes de la GnRH ont été utilisés isolément sans bénéfice franc [1]. La mise à disposition de l’hormone de croissance synthétique a permis l’élaboration de nombreux protocoles thérapeutiques l’utilisant. La population des enfants avec une ISS a naturellement fait l’objet d’un grand nombre d’essais thérapeutiques, comparant les effets doses, l’association avec des analogues de la GnRH et étudiant les retentissements potentiels sur l’évolution de la maturation osseuse et le tempo de l’évolution pubertaire. Même si l’interprétation de ces études est parfois rendue délicate par l’inhomogénéïté des populations et l’absence de groupes témoins, les tailles finales d’un certain nombre d’études sont désormais connues permettant quelques conclusions. La vitesse de croissance est améliorée et le gain de taille net varie de + 2,3 à + 8,7 cm selon les études [3]. Une influence de la dose est bien démontrée par l’étude récente de Wit et al. [17] qui a concerné 207 patients traités durant 6 ans en moyenne et dont 50 ont atteint leur taille adulte. La vitesse de croissance est meilleure lors d’utilisation de fortes doses (+ 0,9 cm/an sous 0,37 mg/jk/semaine versus 0,24 mg/jk/semaine), cette différence étant alors retrouvée pour les tailles définitives (– 1,12 ± 0,18 DS versus – 1,69 ± 0,17 DS) : globalement 94 % des patients ont une taille adulte dans la norme. Dans cette étude, les fortes doses utilisées de GH n’ont pas provoqué de maturation osseuse excessive ni de puberté rapidement évolutive [18]. La tolérance a été bonne, seuls trois effets secondaires sévères ayant été relatés (épiphysiolyse aiguë, intolérance glucidique et tumeur abdominale). Des résultats similaires sont décrits par le groupe de Lippe [19]. Le monitoring des taux d’IGF1 durant le traitement est indispensable pour les maintenir dans des valeurs normales (risques cardiovasculaires en cas de taux bas et risques carcinologiques en cas de taux trop élevés) [20]. L’association GH et analogue de la GnRH reste controversée. Certains auteurs [21] recommandent cette association, d’autres non [22]. De futurs essais thérapeutiques devront répondre à cette question. D’autres pistes thérapeutiques sont évoquées notamment le traitement par IGF1 motivé par l’existence d’une insensibilité à la GH [23] ou les inhibiteurs de l’aromatase pour retarder le début pubertaire [1]. Ainsi, l’utilisation de l’hormone de croissance pour ces patients ouvre une possibilité thérapeutique fiable tant en termes d’efficacité que de sécurité même si le gain statural constaté reste d’une signification clinique toute relative pour certains auteurs [22]. Les indications de ce traitement doivent être soigneusement posées et guidées par le status mt pédiatrie, vol. 9, n° 4, juillet-août 2006 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 78.47.27.170 le 08/02/2017. statural de l’enfant. Les modalités du traitement sur les plans de la durée et des doses utilisées restent à définir. 10. Woods KA, Camacho-Hübner C, Savage MO, Clark J. Intrauterine growth retardation and postnatal growth failure associated with deletion of the insulin-growth factor I gene. N Engl J Med 1996 ; 335 : 1363-7. Conclusion 11. Rosenfeld RG. Molecular mechanisms of IGF-I deficiency. Horm Res 2006 ; 65(suppl 1) : 15-20. Les enfants présentant une petite taille constitutionnelle deviendront pour beaucoup d’entre eux des adultes de petite taille avec toutes les difficultés d’ordre psychosocial que cela peut induire. Avoir une petite taille constitutionnelle ne doit plus être, à ce jour, considéré comme une variante de la normale mais plus volontiers comme une réelle pathologie de la croissance. Des possibilités thérapeutiques s’ouvrent à ces enfants même si elles soulèvent de nombreuses questions et doivent encore, en France, être mises en place. 12. Lewis MD, Horan M, Millar DS, et al. 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