Insuffisance rénale chronique
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Insuffisance rénale chronique
Close window to return to IVIS Encyclopédie de la Nutrition Clinique Canine Pascale Pibot Vincent Biourge Responsable des Responsable des Éditions Scientifiques, Programmes de Recherche Communication, en Nutrition, Centre de Groupe Royal Canin Recherche Royal Canin Denise Elliott Directrice de Communication Scientifique, Royal Canin USA Ce livre est reproduit sur le site d'IVIS avec l'autorisation de Royal Canin. IVIS remercie Royal Canin pour son soutien. Denise ELLIOTT BVSc (Hons), PhD, Dipl ACVIM, Dipl ACVN Hervé LEFEBVRE Reins DVM, PhD, Dipl ECVPT Insuffisance rénale chronique : importance de la nutrition 1 2 3 4 5 6 7 8 - Classification et étiologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . - Physiopathologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . - Conséquences cliniques de l’urémie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . - Tableau clinique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . - Évaluation diagnostique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . - Traitement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . - Prise en charge nutritionnelle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . - Stratégie nutritionnelle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 269 270 271 275 275 276 282 288 Questions fréquemment posées à propos de l’insuffisance rénale chronique chez le chien . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 291 Références . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 292 Exemples de rations ménagères adaptées au traitement diététique de l’insuffisance rénale chronique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 294 Informations nutritionnelles Royal Canin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 296 267 Insuffisance rénale chronique : importance de la nutrition Denise ELLIOTT BVSc (Hons) PhD Dip ACVIM Dip ACVN Denise Elliott obtient son doctorat de Médecine Vétérinaire avec mention à la faculté de Médecine Vétérinaire de l’Université de Melbourne en 1991. Après un internat en Médecine et Chirurgie des petits animaux à l’Université de Pennsylvanie, Denise effectue un résidanat de Médecine Interne des petits animaux et de Nutrition clinique à l’Université de Davis (Californie). Elle bénéficie d’une bourse universitaire en Médecine rénale et en hémodialyse. Denise devient membre du Collège Américain de Médecine Interne Vétérinaire en 1996, et du Collège Américain de Nutrition Vétérinaire en 2001. Elle obtient son PhD de Nutrition à l’Université de Davis en 2001, pour ses travaux sur l’analyse de l’impédance bioélectrique à multifréquence chez les chats et les chiens en bonne santé. Denise occupe actuellement la fonction de Directrice de la Communication scientifique de la filiale Royal Canin aux USA. Hervé LEFEBVRE DMV, PhD, Dip ECVPT Reins Hervé Lefebvre est diplômé depuis 1988 de l’École Nationale Vétérinaire de Toulouse. Après avoir terminé sa Thèse d’université en 1994, il devient en 2000 Diplomate du Collège Européen de Pharmacologie et Toxicologie vétérinaires. Il est actuellement professeur de Physiologie et responsable de l’équipe cytotoxicité de l’unité de Physiopathologie et Toxicologie Expérimentales à l’École nationale vétérinaire de Toulouse. Depuis 1994, son principal sujet de recherche concerne la pharmacocinétique des médicaments chez le chien insuffisant rénal, ainsi que l’exploration de la fonction rénale. Il a travaillé également sur la pharmacocinétique et la pharmacodynamie des inhibiteurs de l’enzyme de conversion chez le chien insuffisant rénal. Depuis 2000, il étudie la biologie de la créatinine chez le chien, ainsi que la signification clinique de sa concentration plasmatique pour le diagnostic précoce de l’insuffisance rénale chronique par des approches populationnelles chez le chien de race. Il est l’auteur de plus de 60 articles et chapitres de livres. L ’insuffisance rénale chronique (IRC) résulte de la perte irréversible des capacités métaboliques, endocriniennes et excrétrices du rein. Elle est fréquente et survient chez 2 à 5 % des chiens (Bronson, 1982; Lund & coll, 1999). L’insuffisance rénale chronique est considérée comme une cause majeure de décès chez les animaux âgés (Figure 1). L’étude sur la santé animale faite par la Morris Animal Foundation en 1997 chez plus de 2000 propriétaires d’animaux domestiques a permis d’établir que l’IRC est la troisième cause de décès chez les chiens. Les chiens ont en moyenne 6,5 ans lors du diagnostic, et dans 45 % des cas, ils ont plus de 10 ans (Polzin, 1989; Polzin & coll, 2000). Les premiers signes d’IRC sont insidieux, la fonction rénale déclinant en général sur une période de plusieurs mois à plusieurs années. Les signes cliniques apparaissent lorsque la masse fonctionnelle rénale est réduite à 25 % de la masse initiale ; les mécanismes compensatoires n’arrivent alors plus à assurer les fonctions métaboliques et excrétoires pour assurer l’homéostasie de l’organisme. 252 1 - Classification et étiologie FIGURE 1 - PRÉVALENCE DE L’IRC CHEZ LE CHIEN EN FONCTION DE L’ÂGE (Adams, 1995) 9 6 © C. Renner % population affectée par l’IRC 12 3 a 0 <1 1à2 2à4 4à7 7 à 10 10 à 15 > 15 ans Bien qu’elle soit couramment considérée comme une maladie du chien âgé, l’insuffisance rénale chronique peut survenir à tout âge. b TABLEAU 1 - CAUSES POTENTIELLES D’INSUFFISANCE RÉNALE CHRONIQUE Troubles immunologiques Lupus érythémateux disséminé Glomérulonéphrite Vascularite Troubles néoplasiques - Primaires - Métastatiques Amyloïdose Toxines Ischémie rénale Troubles inflammatoires Troubles infectieux Leptospirose Pyélonéphrite Calculs rénaux Obstructions urinaires Maladie héréditaire/congénitale Maladie polykystique Idiopathique Héréditaire - Lhassa Apso - Shih Tzu - Elkhound norvégien - Sharpei - Dobermann - Samoyède - Wheaten Terrier - Cocker Spaniel - Beagle - Keeshond - Bedlington Terrier - Cairn Terrier - Basenji Figure 2 - Images histopathologiques de parenchyme rénal chez une femelle Cocker Spaniel souffrant de néphropathie familiale (a : grossissement x 100) (b ; grossissement x 400) ; coloration HE. Les espaces de Bowman sont dilatés et vides ; certains contiennent des composants vasculaires glomérulaires et des dépôts protéiques, quelques tubules épars contiennent aussi du matériel protéique. On observe une calcification multifocale des capsules de Bowman, de la membrane basale des tubules et des glomérules. Des causes congénitales et héréditaires d’insuffisance rénale chronique peuvent être envisagées en se basant sur la race, les antécédents familiaux et la date du début de la maladie rénale. 253 Reins Sur un plan lésionnel, l’insuffisance rénale chronique est causée par le remplacement des néphrons fonctionnels par du tissu cicatriciel et des infiltrats inflammatoires. L’étiologie précise est en revanche multifactorielle: elle peut être congénitale ou héréditaire, ou une conséquence de maladies qui endommagent les glomérules, les tubules, le tissu interstitiel ou les vaisseaux rénaux (Tableau 1). Les lésions des glomérules, des tubules, du tissu interstitiel ou des vaisseaux aboutissent de toute façon à la destruction des néphrons qui sont remplacés par du tissu cicatriciel fibreux (Figure 2). © A. German 1 - Classification et étiologie 2- Physiopathologie 2 - Physiopathologie La plupart des néphrons d’un rein malade entrent dans l’une des deux catégories suivantes: soit ce sont des néphrons non fonctionnels à la suite de la dégénérescence partielle ou totale de leur structure, soit ce sont des néphrons non encore lésés et fonctionnels. La fonction rénale résulte du nombre de néphrons fonctionnels qui subsistent. À mesure que leur nombre diminue, des adaptations se produisent. Lorsque des néphrons sont endommagés et deviennent non fonctionnels, les néphrons sains restants augmentent de taille et accroissent leur charge de travail pour compenser les pertes; ce phénomène est connu sous le nom de la théorie de l’hyperfiltration (Figure 3). L’hypertrophie et l’hyperfiltration des néphrons constituent un mécanisme adaptatif visant à compenser la réduction du nombre de néphrons. Néanmoins, l’augmentation chronique de la pression capillaire glomérulaire et du débit plasmatique glomérulaire endommage l’endothélium, le mésangium et l’épithélium. Les lésions du glomérule sont favorisées par la production de matrice mésangiale, le dépôt glomérulaire de lipides circulants et la thrombose capillaire. Elles s’aggravent avec les lésions tubulo-interstitielles, l’ammoniogénèse tubulaire accrue et la minéralisation des tissus mous qui conduisent finalement à la sclérose. À chaque fois que de nouveaux néphrons sont détruits, un mécanisme de compensation se met en place, à l’origine d’un cercle vicieux d’adaptation et de lésions qui s’auto-entretient (Figure 4). Reins Quatre stades d’IRC sont décrits: ces stades ne sont pas nettement délimités mais sont plutôt les phases d’un processus dégénératif continu qui accompagne la perte d’un nombre de plus en plus important de néphrons fonctionnels (Tableau 2). FIGURE 3 - RÔLE CENTRAL DE L’HYPERTENSION GLOMÉRULAIRE DANS L’INITIATION ET LA PROGRESSION DE LA LÉSION DES NÉPHRONS Réduction chronique de la masse rénale fonctionnelle FIGURE 4 - ILLUSTRATION DE LA RELATION ENTRE LÉSION RÉNALE, PERTE DE NÉPHRONS, ADAPTATIONS RÉNALES COMPENSATOIRES ET PROGRESSION TERMINALE DE L’INSUFFISANCE RÉNALE Vasoconstriction de l’artériole efférente Réduction du nombre de néphrons Pression et débit glomérulaires accrus Lésions Lésions épithéliales Hyperfiltration Modifications de la perméabilité sélective Lésions endothéliales Lésions mésangiales Libération de facteurs vasoactifs Dépôt de lipides vasculaires Prolifération cellulaire Syndrome urémique Signes cliniques (ex : PU/PD) Production matricielle accrue Débit protéique accru Glomérulosclérose Mort Perte de capacité de compensation fonctionnelle Réduction progressive du débit de filtration glomérulaire Lésions glomérulaires et tubulointerstitielles Hypertrophie et hyperfiltration des néphrons survivants Protéinurie L’augmentation du débit de filtration dans le néphron est surtout due à l’action vasoconstrictrice de l’angiotensine II sur l’artériole efférente, qui a pour conséquence d’augmenter la pression de filtration. Il en résulte une augmentation du débit sanguin dans les capillaires glomérulaires et de la pression hydrostatique capillaire : davantage de plasma est ainsi filtré par chaque néphron survivant. 254 Les modifications compensatoires limitent l’évolution clinique de la maladie jusqu’à ce que les lésions structurelles et fonctionnelles dépassent un seuil au-delà duquel apparaissent les signes cliniques. Il faut dépasser ce seuil critique pour voir la maladie rénale chronique évoluer vers l’insuffisance rénale terminale. Stades I II III IV < 125 < 1,4 125 à 180 1,4 à 2,0 181 à 440 2,1 à 5,0 > 440 > 5,0 Créatinine Plasmatique µmol/L mg/dL Grâce à l’importante capacité de réserve du rein, au moins 60 à 70 % de la fonction rénale normale doivent être perdus avant que des anomalies biologiques ne soient détectables, même s’il peut y avoir une certaine hypertrophie des néphrons pendant la première phase de diminution de la réserve rénale. À ce stade, le chien ne présente aucun signe clinique, sauf éventuellement une diminution de la capacité de concentration de l’urine. L’isosthénurie semble apparaître plus précocement que l’azotémie. Lors d’insuffisance rénale, jusqu’à 75 % des néphrons peuvent être perdus. L’azotémie est légère, il y a perte de la capacité de concentration de l’urine, et le chien devient plus sensible à des modifications importantes de la consommation d’eau, de protéines et d’électrolytes. En l’absence de stress métabolique, le chien peut rester asymptomatique. Les quatre phases de la maladie rénale sont : (1) la diminution de la réserve rénale (2) l’insuffisance rénale (3) la déficience rénale (ou “renal failure” dans les pays anglo-saxons) (4) le syndrome urémique. 3- Conséquences cliniques de l’urémie TABLEAU 2 - CLASSIFICATION DE L’INTERNATIONAL RENAL INTEREST SOCIETY (IRIS) DES STADES DE LA MALADIE RÉNALE ET DE L’INSUFFISANCE RÉNALE CHRONIQUE CHEZ LE CHIEN La pathogénie du syndrome urémique est complexe et non entièrement élucidée. De nombreuses toxines sont impliquées et aucune substance prise isolément n’est susceptible d’expliquer la diversité des symptômes urémiques. Les déchets azotés provenant de la digestion et du catabolisme des protéines (par exemple, l’urée, la créatinine, l’ammoniaque, la guanidine et ses dérivés) s’accumulent lorsque la fonction rénale est réduite, et certains d’entre eux contribuent aux conséquences cliniques de l’intoxication urémique associée à l’IRC (Tableau 3). Reins Lors d’IRC de stade III, jusqu’à 90 % des néphrons peuvent être perdus. L’azotémie est alors modérée à sévère, les autres signes cliniques sont: une anémie, une diminution de la capacité de concentration de l’urine et une altération de la capacité à maintenir l’équilibre hydro-électrolytique et acido-basique. TABLEAU 3 - EXEMPLES DE TOXINES IMPLIQUÉES DANS LE SYNDROME URÉMIQUE Acide oxalique Hormone parathyroïdienne β-2 microglobulin Méthylguanidine Acide guanidinosuccinique Diméthyl arginine Amines Phénols Indoles Pseudo-uridine 3 - Conséquences cliniques de l’urémie Conséquences gastro-intestinales Les signes gastro-intestinaux les plus fréquents et les plus caractéristiques de l’urémie sont nombreux et variés: anorexie, nausées, vomissements, halitose, stomatite, ulcérations buccales (Figure 5), nécrose de l’extrémité de la langue, gastrite, ulcères gastro-intestinaux, hématémèse, entérocolite, diarrhée, invagination et iléus intestinaux… Ces atteintes lésionnelles et fonctionnelles gastro-intestinales sont induites par un certain nombre de mécanismes pathologiques agissant séparément ou ensemble. L’excès d’urée sécrété dans les sucs salivaire et gastrique est transformé par des bactéries productrices d’uréase en ammoniaque qui endommage directement la muqueuse. Les toxines urémiques attaquent également le mucus gastrique, la muqueuse, la sous-muqueuse ou les vaisseaux gastriques, réduisant ainsi la protection assurée par la barrière muqueuse de l’estomac. La clairance rénale réduite de la gastrine entraîne une hypergastrinémie et la stimulation de la production d’acide gastrique. Figure 5 - Lésions gingivales dans la stomatite/gingivite urémique. © DJ Chew Outre le fait qu’elle entretient les lésions gastriques induites par les toxines urémiques, la sécrétion accrue d’acide gastrique favorise les lésions inflammatoires, ulcératives et hémorragiques. Les vomissements résultent des effets conjugués de la gastrite et des toxines urémiques sur la zone chémoréceptrice sensible du centre du vomissement. 255 Les deux principales complications neurologiques de l’urémie sont l’encéphalopathie et la neuropathie urémiques. Le terme “encéphalopathie urémique” est un terme qui reflète des altérations diffuses et non spécifiques du cortex cérébral. La sévérité et la progression des signes neurologiques sont généralement corrélées avec l’importance et la progression de l’azotémie. Les signes classiques comportent le déclin progressif de la vigilance et de la conscience, la léthargie, des troubles du comportement, de la stupeur, des tremblements, une ataxie, des crampes et une faiblesse musculaires, des crises convulsives et un coma. Ces signes neurologiques peuvent être causés par des toxines urémiques, l’hyperparathyroïdie, l’hypocalcémie, l’hypokaliémie et l’hypertension. © J-C Meauxsoone 3 - Conséquences cliniques de l'urémie Reins Conséquences neuromusculaires Les techniques Doppler et d’oscillométrie sont très utiles pour détecter l’hypertension. Le Doppler est la technique recommandée pour les chats. Les mesures oscillométriques peuvent ne pas être fiables, chez le chien en raison de différences de conformation, de l’obésité ou d’un pelage épais (Stepien, 2001). L’adaptation de l’animal à l’environnement est un point critique pour l’interprétation des mesures de pression artérielle car le stress peut induire de faux résultats. Il est conseillé d’effectuer 6 à 10 mesures. Conséquences cardiopulmonaires Différentes complications cardiopulmonaires sont observées : hypertension, cardiomyopathie urémique, péricardite urémique, œdème pulmonaire et pneumopathie urémique. Des anomalies hydroélectrolytiques et acido-basiques peuvent altérer la contractilité et l’excitabilité cardiaques. Une azotémie et une hyperhydratation jouent un rôle en cas de péricardite, de cardiomyopathie urémique et d’œdème pulmonaire. L’hypertension se développe secondairement à l’association de plusieurs facteurs: activation du système rénine-angiotensine-aldostérone, rétention sodée, expansion du volume plasmatique, activation du système nerveux sympathique, diminution de l’activité des substances vasodilatatrices, augmentation du débit cardiaque, augmentation de la résistance vasculaire périphérique totale et hyperparathyroïdie secondaire. L’hypertension systémique affecte principalement les reins (glomérulosclérose), le cœur (hypertrophie ventriculaire gauche, ischémie myocardique), les yeux (décollement de la rétine, hyphéma, hémorragie rétinienne), et le cerveau (encéphalopathie hypertensive, démence, hémorragie cérébrale). Le terme “pneumopathie urémique” désigne la formation d’un œdème pulmonaire riche en protéines, qui résulte probablement de lésions des alvéoles et de l’augmentation de la perméabilité capillaire induites par les toxines urémiques. Conséquences oculaires Parmi les manifestations fréquentes de l’urémie à un stade avancé figurent une sclérotique et une conjonctive injectées et une pathologie oculaire secondaire à l’hypertension systémique. L’examen ophtalmoscopique peut révéler une réduction des réflexes pupillaires à la lumière, un œdème papillaire, des artères rétiniennes sinueuses, une hémorragie rétinienne, un décollement de la rétine, un hyphéma, une uvéite antérieure et un glaucome. L’ischémie et la dégénérescence rétiniennes résultent d’une vasoconstriction artériolaire rétinienne qui constitue une tentative d’autorégulation du débit sanguin local face à une hypertension chronique. Conséquences métaboliques et endocriniennes Le rein est responsable de la dégradation de nombreuses hormones peptidiques, et la perte de cette fonction catabolique peut entraîner des perturbations métaboliques. La perturbation du métabolisme de l’insuline peut favoriser une hyperlipidémie. D’autres altérations hormonales sont possibles: augmentation des concentrations de gastrine, de glucagon, d’hormone de croissance, de prolactine et d’hormone lutéinisante. Les concentrations sériques de T4 sont faibles et la transformation de T4 en T3 est perturbée (syndrome euthyroïdien). Conséquences sur l’équilibre hydro-électrolytique et acido-basique Une acidose métabolique est fréquente en cas de maladie rénale et résulte principalement de l’incapacité du rein à excréter les ions hydronium et à régénérer du bicarbonate. L’acidose chronique induit une déminéralisation osseuse progressive, une perte urinaire de calcium, une hypokaliémie ; elle augmente aussi le catabolisme protéique du muscle squelettique, ce qui exacerbe l’azotémie. L’hyperphosphatémie est l’un des troubles les plus fréquemment observés lors d’IRC. Elle résulte de la réduction de la filtration glomérulaire du phosphore. L’hyperphosphatémie contribue à l’hyperpara256 3 - Conséquences cliniques de l’urémie thyroïdie secondaire d’origine rénale (voir ci-dessous), à la réduction des concentrations plasmatiques de calcitriol, à la calcification des tissus mous, à l’ostéodystrophie rénale et à l’hypocalcémie. Une minéralisation des tissus mous se développe lorsque le produit (calcium x phosphate) (les concentrations étant exprimées en mg/dl) dépasse 60. Les organes le plus souvent touchés sont la muqueuse gastrique, les parois bronchiques, le myocarde, l’endocarde, l’interstitium rénal, les glomérules, les poumons et les muscles intercostaux. La minéralisation rénale est à l’origine de l’inflammation interstitielle, de la fibrose et de la progression de l’insuffisance rénale. L’hypokaliémie est une anomalie fréquente. Son mécanisme n’est pas entièrement élucidé: il est entretenu par une perte urinaire excessive de potassium, une consommation alimentaire inadéquate de potassium et un régime acidifiant. L’hypokaliémie provoque une faiblesse musculaire généralisée qui peut se traduire par une flexion ventrale cervicale et une démarche raide. L’hypokaliémie altère la synthèse des protéines, elle favorise la perte de poids, la dégradation de l’état du pelage et elle contribue à la polyurie en diminuant la sensibilité rénale à l’ADH. Un déficit chronique en potassium peut réellement altérer la fonction rénale en induisant un déclin fonctionnel réversible du débit de filtration glomérulaire (DFG) et en favorisant l’ammoniogenèse à l’origine de lésions rénales. Hyperparathyroïdie secondaire d’origine rénale L’hyperparathyroïdie secondaire d’origine rénale est un syndrome clinique caractérisé par une sécrétion accrue d’hormone parathyroïdienne (PTH). La sécrétion de PTH est stimulée par l’hypocalcémie et la diminution de la concentration plasmatique de calcitriol. Comme le rapport phospho-calcique doit rester constant, l’hypocalcémie résulte d’une rétention rénale de phosphates. Reins La production de calcitriol est régulée dans le rein par l’enzyme α-1-hydroxylase. L’excès de phosphate et la perte de masse fonctionnelle rénale entraînent une diminution de l’activité de l’α-1-hydroxylase et réduisent la conversion de la 25-hydroxy-cholécalciférol en 1-25-dihydroxy-cholécalciférol (calcitriol ou forme active de la vitamine D3). La carence en calcitriol réduit l’absorption intestinale du calcium, la libération de calcium et de phosphate à partir de l’os, la réabsorption rénale du calcium et de phosphate, et augmente la synthèse et la libération de PTH (Figures 6A et 6B). FIGURE 6A - INFLUENCE DE LA PTH SUR LE MÉTABOLISME DU CALCIUM ET DU PHOSPHORE Reins Parathyroïde Libération de calcium et de phosphore Réabsorption de calcium Réabsorption du phosphore Sécrétion de PTH Absorption de calcium et de phosphore activation Calcitriol Inhibition Intestin grêle Ce diagramme souligne le rôle d’un déficit en calcitriol (principalement dû à une inhibition par le phosphore de la synthèse du calcitriol et à la perte de masse fonctionnelle rénale) en ce qui concerne l’initiation et la perpétuation de la sécrétion excessive d’hormone parathyroïdienne (PTH). 257 3 - Conséquences cliniques de l'urémie FIGURE 6B - MÉCANISME DU DÉVELOPPEMENT DE L’HYPERPARATHYROÏDISME SECONDAIRE À L’IRC Insuffisance rénale chronique Rétention du phosphore Diminution de la production de calcitriol Hyperphosphatémie Hyperparathyroïdisme rénal secondaire La PTH élevée peut restaurer les concentrations circulantes de calcitriol et de calcium dans les stades débutants de l’insuffisance rénale lorsqu’il reste assez de cellules tubulaires proximales pour synthétiser le calcitriol. Nombre de cellules tubulaires Hypocalcémie de la sécrétion de PTH Reins Initialement, la concentration accrue de PTH active l’α-1-hydroxylase, avec une augmentation compensatoire des concentrations de calcitriol. Cependant, avec la progression de la maladie, la stimulation de l’α-1-hydroxylase devient inefficace et les concentrations plasmatiques de calcitriol restent faibles. L’hyperparathyroïdie secondaire d’origine rénale peut être à l’origine d’une ostéodystrophie, d’une calcification des tissus mous, d’une décalcification du squelette, de lésions osseuses kystiques, de douleurs osseuses et d’un retard de croissance. L’ostéodystrophie se produit fréquemment chez les jeunes chiens et se caractérise par une déminéralisation osseuse. Les dents deviennent mobiles et la mandibule peut être pliée ou tordue sans se fracturer (mâchoire en caoutchouc). Une déformation faciale peut se produire secondairement à la prolifération de tissu conjonctif. La PTH a également été citée comme toxine urémique et peut contribuer à la progression de l’insuffisance rénale. Conséquences hématologiques © J-C Meauxsoone Une anémie normochrome normocytaire non régénérative est l’anomalie hématologique la plus fréquemment observée lors de syndrome urémique. Elle peut être causée par: une production inadéquate d’érythropoïétine par les reins malades, une réduction de la durée de vie des globules rouges, des carences nutritionnelles, une inhibition de l’érythropoïèse induite par les toxines urémiques et une perte de sang entraînant une carence en fer. L’anémie aggrave la léthargie et la dysorexie. La fonction des neutrophiles et l’immunité à médiation cellulaire sont altérées en cas d’urémie, prédisposant le chien urémique aux infections. Les causes spécifiques de l’immunodéficience associée à l’insuffisance rénale ne sont pas totalement élucidées, mais sont sans doute à relier à la malnutrition, aux toxines urémiques, aux concentrations plasmatiques de PTH et de vitamine D. L’état d’hydratation est évalué par l’examen clinique, la mesure de l’hématocrite et des protéines plasmatiques totales. 258 Conséquences hémostatiques L’urémie peut entraîner des anomalies de l’hémostase qui se manifestent sous la forme de pétéchies, d’ecchymoses, de saignements au bord des gencives ou dans les sites de ponction veineuse, d’épistaxis et de saignements gastro-intestinaux. La perturbation de l’hémostase s’explique principalement par une fonction plaquettaire altérée, responsable d’un allongement du temps de saignement (qui permet indirectement l’évaluation de la contractilité vasculaire, du nombre de plaquettes, de la fonction plaquettaire et de celle du facteur VIII de coagulation). 4 - Tableau clinique 4 - Tableau clinique L’apparition et l’évolution des signes cliniques et biologiques chez un chien atteint d’IRC varient en fonction de la nature, de la sévérité, de la durée et de la vitesse de progression de la maladie rénale, en plus du rôle éventuel de maladies concomitantes. La recherche des commémoratifs doit prendre en compte les éléments suivants: anorexie, dépression, léthargie, perte de poids, halitose, nausées, vomissements, diarrhée, méléna, polyurie et polydipsie. À l’examen physique, on peut remarquer une pâleur des muqueuses, une déshydratation, une hyperthermie, une stomatite, des érosions ou des ulcérations buccales, un poil sec et terne ainsi qu’un score corporel médiocre. La palpation de l’abdomen peut révéler des reins petits et irréguliers. Des causes congénitales et héréditaires de l’IRC peuvent être envisagées en se basant sur la race, les antécédents familiaux et la date du début de la maladie rénale (Tableau 1). Certains chiens sont initialement présentés pour un syndrome polydipsie/polyurie, alors que d’autres cas pourront être détectés grâce à une isosthénurie identifiée lors d’un bilan gériatrique ou pré-anesthésique de routine. TABLEAU 4 - RÉSULTATS DE LABORATOIRE LORS D’IRC 5 - Évaluation diagnostique Afin d’adopter les meilleures mesures conservatrices, il convient de disposer d’abord d’un profil biochimique plasmatique, d’une analyse d’urine, d’un hémogramme et de la mesure de la pression artérielle. Des radiographies et/ou un examen échographique de l’abdomen peuvent venir compléter ces données biologiques de base. • Azotémie • Densité urinaire anormale • Hyperphosphatémie • Anémie non-régénérative (normochrome, normocytaire) • Hypokaliémie • Hypocalcémie (parfois hypercalcémie) • Hyperamylasémie • Hyperlipasémie 100% Azotémie Une azotémie peut avoir plusieurs origines : azotémie prérénale primaire ou secondaire à une IRC, azotémie rénale due à une IRC, insuffisance rénale aiguë compliquée ou non d’IRC, azotémie postrénale primaire ou secondaire à une IRC en phase terminale. Ces états azotémiques disparates peuvent sembler cliniquement assez semblables, mais un diagnostic différentiel est nécessaire pour pouvoir élaborer un plan thérapeutique et orienter le pronostic (Figure 7). Reins Les résultats de laboratoire confirment l’insuffisance rénale lorsqu’on observe une azotémie (augmentation de la créatininémie et/ou de l’urémie), une hyperphosphatémie, une acidose métabolique légère à sévère, une hypo- ou une hyperkaliémie, une hypo- ou une hypercalcémie, une anémie, une hyperlipidémie, des tendances aux saignements, une isosthénurie persistante, une protéinurie et FIGURE 7 - CONSÉQUENCES DE LA MALADIE RÉNALE ET ÉVOLUTION VERS LE SYNDROME URÉMIQUE de l’hypertension (Tableau 4). Ces signes (Grauer & Allen, 1981) biologiques ne sont pas nécessairement % perte de fonction rénale tous présents chez le même chien. Stade terminal 75% Déficience rénale précoce 67% Insuffisance rénale ? Fonction rénale maintenue Capacité rénale d’excrétion Capacité rénale et concentration urinaire normale normale Stade I réduite mais développement sans azotémie d’une azotémie urémie ne peut plus défaut concentrer permanent de correcte- concentration ment l’urine urinaire Stade II Stade III Stade IV Stades de l’IRC Le diagnostic d’IRC est relativement simple. Il est en revanche plus difficile de détecter une maladie rénale débutante avant que ne se développent les signes cliniques ou les anomalies biologiques. 259 5 - Évaluation diagnostique Protéinurie Les chiens atteints d’IRC peuvent ou non présenter une protéinurie. Les bandelettes utilisées pour rechercher la protéinurie détectent principalement l’albumine (limite inférieure de détection ~50 mg/L) et non pas les globulines. Des résultats positifs erronés peuvent survenir si les échantillons sont très alcalins ou contaminés par des composés à base d’ammonium quaternaire. © J-C Meauxsoone Une protéinurie ‘2+’ représente une perte plus substantielle de protéines si l’urine est diluée (DU: 1,010) que si elle est 4 fois plus concentrée (DU: 1,040) (Figure 8). Le même principe s’applique à l’utilisation du rapport protéine/créatinine urinaire (RPCU) pour évaluer la sévérité de la protéinurie. Les résultats semi-quantitatifs des bandelettes devront toujours être appréciés par rapport à la concentration urinaire. FIGURE Une protéinurie soutenue et sévère (3 ou 4+) suggère fortement des lésions glomérulaires, mais uniquement si l’hématurie et l’inflammation urogénitale sont exclues par l’absence d’érythrocytes et de leucocytes dans le sédiment urinaire. Si la perte de protéines glomérulaires est suspectée, la protéinurie doit être confirmée en utilisant des tests semi-quantitatifs à l’acide nitrique (technique de Heller) ou à l’acide sulfosalicylique. Ces tests sont suffisamment simples pour être pratiqués dans le laboratoire de la clinique, ou la protéinurie devra être quantifiée par une méthode plus précise dans un laboratoire d’analyse. Toutes les protéinuries ne sont pas pathologiques, et les protéinuries pathologiques peuvent provenir de 8 - INTERPRÉTATION DE LA PROTÉINURIE lésions extra-rénales; la prudence est donc recommandée avant d’atSELON LA DENSITÉ URINAIRE tribuer la protéinurie à l’atteinte rénale. Reins Microalbuminurie 2 © J-C Meauxsoone 1 La microalbuminurie (c’est-à-dire une concentration urinaire d’albumine < 10 mg/dl) a été présentée comme un indicateur précoce de maladie rénale. Cependant, des études montrent que 56 % des chiens microalbuminuriques souffrent de maladie inflammatoire, infectieuse ou néoplasique systémique. La présence d’une microalbuminurie n’est donc pas spécifique à une maladie rénale débutante. Débit de filtration glomérulaire Échantillon 1 2 Densité urinaire 1,040 1,010 Protéinurie ++ ++ Conclusion incertaine significative Plus la densité urinaire est faible, plus la protéinurie est significative. Le meilleur indicateur de la fonction rénale reste le débit de filtration glomérulaire (DFG). Le DFG s’évalue en calculant la clairance d’un soluté par le rein. La clairance de l’inuline est considérée comme la méthode de référence pour mesurer le DFG. Malheureusement, cette technique de clairance est difficile à mettre en œuvre et s’utilise surtout dans un contexte de recherche. Le test de la clairance plasmatique de la créatinine exogène (TCPCE) comporte une injection unique de créatinine et des prélèvements plasmatiques à des moments précis pour évaluer la clairance plasmatique de la créatinine (Figure 9). Ce test a été validé chez le chien, et constitue un outil cliniquement utile pour évaluer la fonction rénale (Watson & coll, 2002). 6 - Traitement Un traitement médical de soutien individualisé constitue depuis des dizaines d’années le pilier de la prise en charge de l’IRC. Les objectifs de la prise en charge médicale sont les suivants: (1) réduire la charge de travail des reins (2) atténuer les signes cliniques et les conséquences biologiques des intoxications urémiques (3) réduire au minimum les troubles de l’équilibre hydro-électrolytique, vitaminique, minéral et acidobasique (4) ralentir la progression de la maladie. 260 Bien que la relation entre la concentration sérique de créatinine et la clairance de la créatinine ne soit pas linéaire, l’évolution de la clairance de la créatinine peut être estimée en se basant sur les modifications de la concentration sérique de créatinine mesurée, dans des conditions bien standardisées pour les stades II et III de l’IRC. Plasma P P = concentration plasmique La clairance plasmatique (Cl) est égale au rapport de la quantité de substance (X) éliminée par unité de temps (t) divisée par la concentration plasmatique (P) Cl = dX/dt P La clairance plasmatique est déterminée par : Cl = Dose Aire sous la courbe Aire sous la courbe Reins Temps © Lenfant De nombreux chiens insuffisants rénaux sont extrêmement sensibles aux effets secondaires gastro-intestinaux des médicaments. Le vétérinaire doit donc prendre en compte les effets potentiels des interactions médicamenteuses. De plus, de nombreux médicaments sont excrétés par voie rénale, et leur posologie doit être modifiée pour tenir compte d’une demi-vie plus longue du médicament à cause d’une élimination retardée. Idéalement, la posologie devrait être adaptée aux modifications de la clairance des médicaments, que l’on peut estimer en mesurant la clairance de la créatinine. La dose de médicament est ensuite calculée en fonction du pourcentage de réduction de la clairance de la créatinine (c’est-à-dire le rapport entre la clairance de la créatinine du chien et la clairance de la créatinine normale). Par exemple, si la posologie normale d’un médicament est de 10 mg/kg toutes les 8 heures et que la clairance de la créatinine représente 25 % de la clairance normale, la dose doit être ramenée à 2,5 mg/kg toutes les 8 heures ou 10 mg/kg toutes les 32 heures. Pour faciliter l’observance de la part du propriétaire, la stratégie de diminuer la dose est généralement préférée à celle consistant à allonger l’intervalle d’administration (parfois nécessaires pour certains médicaments, ex: antibiotique concentration-dépendant). La posologie doit être adaptée pour les médicaments qui sont éliminés à plus de 80 % par voie rénale, et pour ceux qui ne sont pas totalement excrétés par le rein mais qui ont un index thérapeutique faible; exemples: - Gentamicine: élimination rénale et faible index thérapeutique; prescription déconseillée mais parfois nécessaire lors d’infections multirésistantes, - Carboplatine: anticancéreux à très faible index thérapeutique et élimination rénale. FIGURE 9 - PRINCIPE DE LA CLAIRANCE PLASMATIQUE Concentration plasmique L’IRC est une maladie progressive et dynamique; par conséquent, des examens cliniques et biologiques répétés sont essentiels pour l’efficacité du traitement. Celui-ci doit être modifié selon l’évolution de l’état du chien. Une liste de médicaments utilisés dans la prise en charge de l’IRC figure dans le Tableau 5. 6 - Traitement Le traitement n’est pas supposé faire régresser ou disparaître les lésions rénales responsables de l’IRC qui sont généralement irréversibles. Cependant, lorsque l’IRC progresse à cause d’une maladie évolutive (pyélonéphrite, obstruction urinaire chronique, lithiase rénale, lymphome rénal et certaines maladies à médiation immunitaire), le diagnostic et un traitement approprié de ces troubles peuvent permettre d’arrêter ou de ralentir la progression de la maladie rénale. Les recommandations concernant le traitement diététique et médical doivent être adaptées à chaque cas particulier, sur la base des observations cliniques et biologiques. Anémie Le traitement de l’anémie prévoit l’administration d’androgènes, des transfusions sanguines ou un traitement de substitution de l’érythropoïétine par administration d’érythropoïétine recombinante humaine. En outre, il faut s’efforcer de minimiser les pertes de sang par ponction veineuse, ou par les ulcérations gastro-intestinales, les parasites gastro-intestinaux et l’hémorragie urémique. L’androgénothérapie n’est pas particulièrement efficace pour augmenter l’hématocrite, même si une amélioration de la masse maigre et du comportement a été rapportée (Cowan & coll, 1997). Les transfusions de sang corrigent temporairement l’anémie et sont utiles lorsqu’une intervention rapide est nécessaire avant une anesthésie ou une opération chirurgicale. Des transfusions répétées pour lutter contre l’anémie lors d’IRC ont été pratiquées, mais elles ne sont cependant pas recommandées en raison du risque accru de réactions transfusionnelles. 261 6 - Traitement TABLEAU 5 - AGENTS THÉRAPEUTIQUES UTILISÉS DANS LE TRAITEMENT DE L’INSUFFISANCE RÉNALE CHRONIQUE* Complication urémique Posologie usuelle Chlorhexidine (solution 0,1-0,2 %) Cimétidine† Ranitidine† Famotidine† Oméprazole Sucralfate† Misoprostol Métoclopramide† Chlorpromazine Acépromazine Cisapride Rinçage de la cavité orale toutes les 6-8 h 5-10 mg/kg PO, IM, IV toutes les 6-8 h 0,5-2,0 mg/kg PO, IV toutes les 8-12 h 0,5-1,0 mg/kg PO, IM, IV toutes les 12-24 h 0,5-1,0 mg/kg PO toutes les 24 h 0,5-1 g PO toutes les 6-8 h 1-5 mg/kg PO toutes les 6-12 h 0,1-0,5 mg/kg PO, IM, SC toutes les 6-8 h 0,2-0,5 mg/kg PO, IM, SC toutes les 6-8 h 0,01-0,05 mg/kg PO IM, SC toutes les 8-12 h 0,1-0,5 mg/kg PO toutes les 8-12 h Erythropoïétine Sulfate ferreux Stanozolol 100 U/kg SC 1-3 fois par semaine 100-300 mg/jour PO 1-4 mg PO toutes les 24 h Acidose métabolique Bicarbonate de sodium Citrate de potassium 8-12 mg/kg PO toutes les 8-12 h 40-60 mg/kg PO toutes les 8-12 h Hypokaliémie Gluconate de potassium Citrate de potassium 0,5 mEq/kg PO toutes les 12-24 h 40-60 mg/kg PO toutes les 8-12 h Hydroxyde/carbonate/oxyde d’aluminium Acétate de calcium Carbonate de calcium 30-90 mg/kg PO toutes les 12-24 h 60-90 mg/kg PO toutes les 12-24 h 90-150 mg/kg PO toutes les 12-24 h Ostéodystrophie rénale Calcitriol 1,5-6,0 ng/kg PO toutes les 24 h Hypertension Amlodipine Benazépril Enalapril Imidapril Ramipril Propranolol 0,05-0,3 mg/kg PO toutes les 12-24 h 0,25-0,50 mg/kg PO toutes les 24 h 0,5 mg/kg PO toutes les 12-24 h 0,25 mg/kg PO toutes les 24 h 0,125-0,250 mg/kg PO toutes les 24 h 0,1-1 mg/kg PO toutes les 8-12 h Gastro-intestinale Reins Anémie Hyperphosphatémie Pour les agents hypotenseurs, il est recommandé de commencer le traitement avec la dose la plus faible et de l’augmenter progressivement. Protéinurie Inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine (benazépril, enalapril, imidapril et ramirapril) Posologie : voir Hypertension * La plupart de ces médicaments n’ont pas d’autorisation de mise sur le marché pour l’espèce canine. † La molécule est excrétée par voie rénale et la posologie doit être adaptée en conséquence pour prévenir une toxicité potentielle. 262 6 - Traitement Une érythropoïèse efficace peut être obtenue grâce à l’administration d’érythropoïétine recombinante humaine (Cowgill & coll, 1995; 1998). Une réponse dose-dépendante de l’hématocrite s’observe au cours de la première semaine de traitement. Le traitement par l’érythropoïétine est instauré à raison de 100 U/kg par voie sous-cutanée trois fois par semaine, avec un contrôle hebdomadaire de l’hématocrite. Dès que l’hématocrite atteint 35 à 40 %, la fréquence de l’administration est ramenée à deux fois par semaine. Seul le contrôle régulier de l’hématocrite permet ensuite de déterminer la dose et la fréquence minimum pour maintenir l’hématocrite dans les limites normales. Les effets secondaires du traitement par l’érythropoïétine comportent une polycythémie, des vomissements, des convulsions, une douleur au site d’injection, de la fièvre et de l’hypertension. Certains chiens développent des anticorps qui neutralisent l’érythropoïétine endogène et exogène. Cette réaction est mise en évidence lorsqu’un chien présente une anémie réfractaire ou développe une anémie plusieurs semaines voire plusieurs mois après l’instauration du traitement. Une évaluation du rapport bénéfice sur risque est nécessaire avant d’instaurer un traitement par l’érythropoïétine recombinante humaine. Chez le chien, il est généralement recommandé lorsque l’hématocrite est inférieur à 25 %. À ce stade, les bénéfices liés à l’amélioration de l’état clinique, l’augmentation de l’appétit, du poids et du comportement général, l’emportent sur le risque lié à la formation d’anticorps. En général, l’IRC est accompagnée d’une carence en fer due à la perte de sang par voie gastrointestinale. Le statut en fer de l’animal est évalué en se basant sur les concentrations sériques de fer, de transferrine, de ferritine, ou sur la capacité totale de liaison du fer. Des suppléments oraux de sulfate de fer (100 à 300 mg/jour) sont recommandés, en particulier pour les chiens traités à l’érythropoïétine. Le fer dextran peut être injecté par voie intramusculaire, mais le risque de surcharge en fer est augmenté. L’administration de fer peut provoquer des troubles gastro-intestinaux secondaires (diarrhée). Acidose Reins Le diagnostic est fait après élimination des autres causes d’anémie et une évaluation des rapports entre cellules myéloïdes et érythroïdes dans la moelle osseuse (rapport M: E > 10). Le traitement implique l’arrêt de l’érythropoïétine recombinante. Les titres d’anticorps diminuent alors et on observe un retour aux valeurs initiales d’hématocrite et d’érythropoïétine endogène. Des transfusions sanguines peuvent s’avérer nécessaires jusqu’à ce que l’hématocrite se stabilise. La disponibilité future d’érythropoïétine canine recombinante éliminera ce risque de réactions immunitaires (Randolph & coll, 2004). Il faut généralement 2 à 8 semaines pour normaliser l’hématocrite lors d’administration d’érythropoïétine recombinante humaine. Des médicaments alcalinisants (citrate de potassium, bicarbonate de sodium, carbonate de calcium) sont utiles lorsque la concentration en dioxyde de carbone total ou en bicarbonate est inférieure à 18 mmol/L. Le traitement alcalinisant améliore les signes cliniques que sont l’anorexie, la léthargie, les nausées, les vomissements, la faiblesse musculaire et la perte de poids, et il prévient aussi les effets cataboliques de l’acidose métabolique sur le métabolisme des protéines. Le bicarbonate de sodium est l’agent alcalinisant le plus couramment utilisé, mais il contribue à la charge sodée du patient et doit parfois être évité chez les chiens souffrant d’hypertension ou d’insuffisance cardiaque. Le carbonate de calcium doit être utilisé avec prudence chez les chiens hyperphosphatémiques, parce qu’un apport excessif de calcium peut provoquer une minéralisation des tissus mous. Le citrate de potassium présente l’avantage de fournir du potassium: il peut constituer une solution intéressante pour les chiens qui présentent à la fois une hypokaliémie et une acidose métabolique. La posologie doit être adaptée à chaque cas et nécessite un contrôle régulier du bilan acido-basique. Bilan hydrique La polydipsie compensatoire équilibre la perte excessive de liquide associée à la polyurie, mais certains chiens ne consomment pas suffisamment d’eau pour empêcher une déplétion volumique. Dans ces cas, des suppléments liquidiens sont administrés avec prudence afin de prévenir la déshydratation et la déplétion vasculaire qui en résulte. Les solutés de réhydratation peuvent être utilisés par voie souscutanée. L’administration chronique de solutions de lactate de Ringer ou de chlorure de sodium peut induire une hypernatrémie par insuffisance d’apport en eau libre. Inversement, un soluté de glucose à 5 % est hypotonique et ne devrait pas être administré par voie sous-cutanée. 263 6 - Traitement Hypokaliémie Des suppléments de potassium sont indiqués lorsque la concentration sérique de potassium est inférieure à 4 mmol/L; ils peuvent s’administrer sous forme de suppléments oraux de gluconate de potassium ou de citrate de potassium. La faiblesse musculaire disparaît classiquement dans les cinq jours qui suivent l’instauration du traitement. Les effets secondaires sont notamment une irritation gastrointestinale, une ulcération, des nausées et des vomissements. La dose de potassium doit être adaptée en contrôlant la concentration sérique de potassium au cours du traitement. Hypertension Un traitement hypotenseur est indiqué lorsqu’une hypertension systémique est confirmée. Le diagnostic clinique d’hypertension ne doit jamais être posé sur la base d’une seule mesure de la pression artérielle. L’IRIS (http://www.iris-kidney.com/) considère qu’un animal atteint d’IRC est hypertendu lorsque sa pression artérielle systolique est supérieure à 180 mm Hg. Pour une valeur comprise entre 150 et 179 mm Hg, le chien est également considéré comme hypertendu s’il existe une preuve extra-rénale d’hypertension (ex: rétinopathie, hypertrophie du ventricule gauche). Sinon, ce cas est limite et il est recommandé de réévaluer la pression artérielle dans les 2 mois. Reins L’objectif du traitement hypotenseur est de ramener la pression artérielle dans l’intervalle des valeurs usuelles. Le choix initial du médicament antihypertenseur est guidé par la présence ou l’absence de signes cliniques d’hypertension; un décollement de rétine ou une hémorragie rétinienne imposent une approche thérapeutique énergique pour réduire la pression artérielle systémique et tenter de restaurer la vision rapidement. Des mesures répétées de la pression artérielle sont nécessaires pour modifier et orienter la thérapie médicamenteuse, en association à une restriction du sodium alimentaire. Les médicaments hypotenseurs sont les inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine (IECA), les inhibiteurs calciques (amlodipine et les vasodilatateurs, les antagonistes adrénergiques (propranolol) et les diurétiques). Le choix du médicament adéquat est fait en fonction de l’évolution de l’hypertension, du coût du traitement et des effets secondaires potentiels. Le traitement actuellement le plus recommandé repose sur une association IECA - amlodipine. Les IECA seuls permettent de diminuer la pression artérielle d’environ 30 mm Hg. FIGURE 10 - ÉVOLUTION DU RAPPORT PROTÉINE/CRÉATININE URINAIRE APRÈS 6 MOIS DE TRAITEMENT AVEC L’ENALAPRIL (Grauer & coll, 2000) 40 % Rapport protéine/créatinine dans l’urine 9 avant le début du traitement 8 après 6 mois de traitement 7 6 5 57 % 4 3 2 1 0 Placebo Enalapril La protéinurie augmente chez les chiens recevant le placebo, alors qu’elle diminue chez les chiens recevant l’énalapril. 264 La pression artérielle doit être mesurée à nouveau dans les deux semaines qui suivent l’instauration du traitement. S’il n’y a pas de réponse, il faut envisager: (1) d’augmenter la dose du médicament actuel (2) de passer à un autre type de médicament (3) d’ajouter un médicament supplémentaire au schéma thérapeutique. Le contrôle de la pression artérielle s’effectue sur le long terme, des adaptations fréquentes de la posologie peuvent s’avérer nécessaires et comme certains chiens deviennent réfractaires au traitement initial, un changement de traitement est donc parfois à envisager. Les IECA sont en outre utilisés chez des chiens normotendus avec une IRC et protéinurie. L’énalapril réduit ainsi de manière significative la protéinurie, et améliore l’état clinique chez des chiens atteints de glomérulonéphrite spontanée (Figure 10) (Grauer & coll, 2000). La protéinurie n’est pas uniquement un signe biologique de lésion rénale, mais aussi un facteur d’aggravation de l’IRC. Diminuer la protéinurie constitue donc un objectif thérapeutique. Seuls les IECA ont un effet anti-protéinuriant démontré chez le chien. Les IECA pourraient également ralentir la progression de l’IRC (Lefebvre & Toutain, 2004). 6 - Traitement Hyperphosphatémie Réduire au minimum l’hyperphosphatémie limite le risque de développement de l’hyperparathyroïdie secondaire d’origine rénale, d’ostéodystrophie rénale, de calcification des tissus mous et la progression de l’insuffisance rénale. La restriction du phosphore ingéré et l’administration orale de chélateurs intestinaux des phosphates (Tableau 6) permettent de normaliser les concentrations sériques de phosphates. Les chélateurs des phosphates se combinent aux phosphates de l’aliment et des sécrétions digestives pour former des complexes insolubles qui sont excrétés dans les fèces. Ils doivent être mélangés aux aliments avant le repas afin d’assurer une chélation maximale. TABLEAU 6 - CLASSEMENT SOMMAIRE DES CHÉLATEURS DES PHOSPHATES Produits contenant de l’aluminium : - hydroxyde d’aluminium - carbonate d’aluminium - oxyde d’aluminium Sévélamer Les produits à base de calcium peuvent favoriser une hypercalcémie et sont contre-indiqués chez les chiens dont les concentrations sériques de phosphates sont supérieures aux limites de référence Polymère utilisé chez l’être humain comme chélateur intestinal de phosphates. Il n’est pas absorbé par voie systémique et ne favorise pas l’hypercalcémie. Néanmoins, il n’y a pas encore de données disponibles concernant son utilisation chez le chien. Reins Produits à base de calcium - acétate - carbonate - citrate* L’utilisation prolongée de produits contenant de l’aluminium peut prédisposer à une toxicité de l’aluminium (bien que cela n’ait pas été rapporté chez le chien), * Le citrate de calcium augmente l’absorption intestinale de l’aluminium et ne devrait pas être utilisé en même temps que des chélateurs des phosphates contenant de l’aluminium. Traitement substitutif par le calcitriol Un traitement substitutif par le calcitriol peut limiter l’hyperparathyroïdie secondaire d’origine rénale, mais il s’agit d’un traitement à vie (Nagode & coll, 1996) qui exige des mesures répétées des concentrations sériques de calcium et de phosphore pour éviter l’hypercalcémie et la minéralisation des tissus mous. Le risque d’hypercalcémie est d’autant plus grand s’il y a administration simultanée de chélateurs des phosphates à base de calcium. Le calcitriol ne doit pas être administré avec les repas parce qu’il augmente l’absorption intestinale du calcium et des phosphates. La concentration sérique de phosphore doit figurer dans les limites normales avant d’instaurer le traitement, afin de minimiser le risque de calcification des tissus mous. La concentration sérique de PTH se normalise ou revient à des valeurs pratiquement normales dans les 1 à 2 semaines qui suivent l’instauration du traitement. Cependant, une étude chez le chien (Gerber & coll, 2003) indique que la concentration sérique de calcitriol dans la plupart des cas d’insuffisance rénale reste identique à celle observée dans les conditions physiologiques. Le traitement substitutif ne serait donc pas justifié chez le chien. Atteintes gastro-intestinales Les antiémétiques tels que le métoclopramide ou les dérivés de la phénothiazine inhibent les centres du vomissement. Les antagonistes des récepteurs à l’histamine (cimétidine, ranitidine, famotidine) ou les inhibiteurs de la pompe à protons (oméprazole), combinés à des pansements gastro-intestinaux tels que le sucralfate ou le misoprostol, peuvent être utilisés pour prévenir ou traiter les ulcérations gastrointestinales. 265 7 - Prise en charge nutritionnelle 7 - Prise en charge nutritionnelle Le traitement diététique est resté pendant des dizaines d’années la pierre angulaire de la prise en charge de l’IRC. La modification du régime alimentaire a pour objectif (1) de répondre aux besoins du chien en nutriments indispensables et en énergie, (2) d’atténuer les signes cliniques et les conséquences de l’intoxication urémique, (3) de réduire au minimum les troubles du bilan hydrique, électrolytique, vitaminique, minéral et acido-basique, et (4) de ralentir la progression de la maladie (Figure 11). FIGURE 11 - TRAITEMENT DIÉTÉTIQUE DE L’IRC : 4 OBJECTIFS PRINCIPAUX 2. Maintenir un débit de filtration glomérulaire suffisant 1. Prévenir l’anorexie et la perte de poids Traitement diététique de l’IRC Reins 3. Prévenir le développement de l’hyperparathyroïdie secondaire 4. Limiter la production des toxines urémiques Énergie Suffisamment d’énergie doit être fournie pour empêcher un catabolisme des protéines endogènes responsable de malnutrition et d’une exacerbation de l’azotémie. Bien qu’on ne connaisse pas les besoins énergétiques des chiens souffrant d’IRC, on présume qu’ils sont similaires à ceux des chiens en bonne santé soit: 132 kcal x poids corporel (kg)0,75 par jour avec une variabilité individuelle de plus ou moins 25 %. Par conséquent, l’ingéré énergétique doit être adapté aux besoins du chien, en fonction de l’évolution de son poids et de son score corporel. Les glucides et les lipides sont des sources d’énergie non azotées. Les régimes conçus pour le traitement de l’IRC sont typiquement formulés avec une forte teneur en lipides parce qu’ils apportent à peu près deux fois plus d’énergie par gramme que les glucides. Dès lors, les lipides augmentent la densité énergétique du régime, ce qui permet au chien de couvrir ses besoins énergétiques avec un volume alimentaire réduit. Une ration réduite en volume minimise la distension gastrique, ce qui réduit le risque de nausées et de vomissements. Protéines L’état azotémique est dû à l’accumulation de sous-produits du catabolisme protéique dérivés d’un ingéré protéique excessif et de la dégradation des protéines endogènes. Une consommation trop élevée de protéines augmente le risque d’azotémie et l’apparition de signes cliniques liés à l’IRC (Polzin & coll, 1983), mais une malnutrition protéique est également étroitement corrélée avec la morbidité et la mortalité. La préconisation de régimes contenant une quantité réduite de protéines de haute qualité est basée sur l’hypothèse suivante: une limitation de l’apport en acides aminés non indispensables entraîne une diminution de la production de déchets azotés, d’où la réduction ou l’élimination des signes cliniques liés à l’azotémie, même si la fonction rénale reste fondamentalement inchangée. Des études ont en effet montré que le fait de modifier l’ingéré protéique peut réduire l’urémie et améliorer le tableau clinique chez des chiens atteints d’IRC (Polzin & coll, 1983; Finco & coll, 1985; Polzin & Osborne, 1988; Polzin & coll, 1988; Leibetseder & Neufeld, 1991; Jacob & coll, 2002). Des régimes restreints en protéines modèrent également l’ampleur de la polyurie et de la polydipsie parce que moins de sousproduits du catabolisme azoté sont filtrés par les reins. Ce type de régime peut aussi limiter le risque 266 7 - Prise en charge nutritionnelle d’anémie car les produits du catabolisme azoté sont impliqués dans l’hémolyse, le raccourcissement du temps de survie des globules rouges et les hémorragies dues aux ulcérations gastro-intestinales et à l’altération de la fonction plaquettaire. Une restriction des protéines alimentaires ralentit la vitesse de progression de la maladie rénale chez le rat et chez l’homme. Il n’est pas démontré qu’elle influence l’évolution de la maladie rénale chez le chien (Finco & coll, 1985, 1992a, 1992b, 1994, 1999; Robertson & coll, 1986; Polzin & coll, 1988). La plupart des études ont été réalisées à partir d’un modèle de néphrectomie partielle, ne reflétant pas nécessairement la maladie rénale naturelle. En outre, certaines études ont fait varier la consommation d’énergie et/ou de phosphates en plus de restreindre l’apport protéique. Une restriction protéique n’atténue pas l’hypertension glomérulaire, l’hypertrophie, l’hyperfiltration ou la progression de la maladie chez le chien à insuffisance rénale induite (Brown & coll, 1990; 1991a). Si une limitation de l’apport protéique améliore clairement l’état clinique chez un chien urémique, l’effet de cette restriction protéique sur la progression de la maladie rénale n’a jamais été montré. L’objectif d’une restriction protéique alimentaire est de réduire le plus possible l’azotémie tout en évitant la malnutrition protéique. Bien que l’urée ne soit pas une toxine urémique majeure, elle est considérée comme un marqueur du catabolisme azoté; dès lors, un traitement visant à réduire l’urémie est censé faire diminuer la concentration des autres toxines urémiques et améliorer l’état clinique (Leibetseder & Neufeld, 1991; Hansen & coll, 1992; Jacob & coll, 2002). L’urémie est influencée par la consommation alimentaire de protéines, l’état d’hydratation, le catabolisme, les hémorragies gastrointestinales, les infections et l’administration de certains médicaments (glucocorticoïdes, tétracyclines). Les signes cliniques sont parfois minimes alors que l’urémie atteint des valeurs élevées (28 mmol/L ou 1,7 g/L; BUN: 80 mg/dl) (Tableau 7). BUN* (mg/dL) 10 20 30 40 50 60 80 100 120 140 Urémie (mmol/L) 3,6 7,1 10,7 14,2 17,8 21,4 28,5 35,6 42,7 65,1 Urémie (g/L) 0,2 0,4 0,6 0,8 1,0 1,2 1,7 2,1 2,5 3,9 Reins TABLEAU 7 - TABLEAU DE CONVERSION DES UNITÉS UTILISÉES POUR QUANTIFIER L’URÉE PLASMATIQUE *BUN (Blood Urea Nitrogen) est largement utilisé aux États-Unis. BUN x 0,356 = urémie (mmol/L) et 1 mmol d’urée correspond à 60 mg. Le besoin protéique minimum d’un chien souffrant d’IRC n’est pas connu, il est évalué sur la base du besoin protéique minimum du chien sain, soit 1,33 g/kg/jour (2,62 g/kg de poids corporel 0,75 ou 20 g/1000 kcal d’EM selon le NRC 2006, sous presse). Ce niveau de restriction impose l’utilisation de protéines de valeur biologique maximum. Cependant, ce degré de restriction ne s’impose que chez un chien présentant une déficience rénale sévère, et un apport protéique plus conséquent peut être envisagé chez un animal dont les reins fonctionnent mieux. Un régime réduit en protéines ne s’impose que chez un chien atteint d’IRC clinique. La majorité des aliments à visée rénale contiennent 12 à 18 % de protéines soit 30 à 45 g/1000 kcal. Le niveau de restriction protéique résulte d’un compromis à faire entre la nécessité de minimiser l’azotémie tout en limitant le risque de carence protéique. S’il apparaît des signes de malnutrition protéique (hypoalbuminémie, anémie, perte de poids ou perte de masse maigre), le niveau protéique de l’aliment doit être progressivement augmenté jusqu’à ce que ces anomalies soient corrigées. La qualité des protéines utilisées doit compenser la restriction quantitative afin de minimiser les risques de déficit en acides aminés indispensables. L’observance du régime par le propriétaire peut être contrôlée en calculant le rapport urée/créatinine (en mg/dl) dans le sang. Avec un régime normal, ce rapport est d’environ 25, tandis qu’avec un régime limité en protéines, il est autour de 10. Un rapport urée/ créatinine supérieur à 30 est habituellement associé à des saignements gastro-intestinaux, une déshydratation ou une infection. 267 7 - Prise en charge nutritionnelle Minéraux, électrolytes et vitamines > Phosphore EN La rétention de phosphates et l’hyperphosphatémie débutent rapidement dans l’évolution de la maladie rénale et jouent un rôle important dans la genèse et la progression de l’hyperparathyroïdie secondaire d’origine rénale, de l’ostéodystrophie rénale, de la carence relative ou absolue en 1,25dihydroxyvitamine D et de la calcification des tissus mous. En prévenant l’hyperphosphatémie, le développement de l’hyperparathyroïdie secondaire et ses conséquences peuvent être prévenus. En outre, FIGURE 12 - INFLUENCE DE LA RESTRICTION ALIMENTAIRE une restriction alimentaire du phosphore ralentit PHOSPHORE SUR L’ESPÉRANCE DE VIE DES CHIENS ATTEINTS D’IRC la progression de l’insuffisance rénale chez le chien (Finco & coll, 1992a) (Brown & coll, 1991b). 100 Dans une étude portant sur des chiens partiellement néphrectomisés, les chiens recevant un régime pauvre en phosphore (0,44 % MS) ont survécu à 75 %, contre 33 % chez les chiens recevant un régime riche en phosphore (1,44 % MS) (Finco et coll, 1992a). La fonction rénale s’est également détériorée plus rapidement dans le groupe recevant le régime riche en phosphore (Figure 12). % de chiens survivants 80 60 40 Reins 20 0 T0 4 8 12 16 20 24 mois Le mécanisme par lequel la restriction du phosphore ralentit la progression de la maladie rénale n’est pas entièrement élucidé. Il pourrait être lié à une diminution de la rétention des phosphates, de la minéralisation des tissus ou à la prévention de l’hyperparathyroïdie secondaire. 0,4 % phosphore (n = 12) 1,4 % phosphore (n = 12) Après 2 ans, 75 % des chiens recevant le régime restreint en phosphore étaient toujours en vie, contre seulement 33 % des chiens du groupe recevant le régime riche en phosphore. L’objectif du traitement est de normaliser la concentration sérique de phosphates. Cela peut s’obtenir en limitant la consommation alimentaire de phosphore. Si une normophosphatémie n’est pas obtenue dans les 2 à 4 semaines suivant la restriction alimentaire en phosphore, des chélateurs intestinaux des phosphates doivent être prescrits et administrés avec le repas. > Calcium Le calcium alimentaire est moins important que le phosphore dans l’IRC, la calcémie peut être basse, élevée ou normale. Le produit calcium total x phosphore dans le sérum ne devrait pas dépasser 60 (calcium et phosphore étant exprimés en mg/dl), sinon cela peut favoriser une calcification des tissus mous et aggraver les lésions rénales. Par exemple, si la calcémie est de 12 mg/dl et la phosphatémie de 8 mg/dl, le produit calcium x phosphore = 96, ce qui excède 60. Dès lors, l’apport de calcium doit être adapté à chaque cas individuel en fonction de la calcémie mesurée. > Sodium L’hypertension est fréquente chez les chiens atteints d’IRC (Jacob & coll, 2003). Elle est impliquée en tant que facteur contribuant à la progression de l’insuffisance cardiaque. Des chiens atteints de maladie rénale chronique spontanée et présentant une pression systolique supérieure à 180 mm Hg sont plus susceptibles de développer une crise urémique mortelle que les chiens ayant une pression systolique normale (Jacob & coll, 2003). En outre, plus la pression systolique augmente, plus la probabilité de développer une crise urémique et le risque de mortalité sont élevés. 268 7 - Prise en charge nutritionnelle Une restriction sodée est classiquement recommandée pour atténuer le risque d’hypertension associé au fait que les reins excrètent moins bien le sodium. Néanmoins, le fait de Lorsqu’un IECA est prescrit chez un chien passer d’une consommation de sodium de 0,5 à 3,25 g de Na/1000 kcal n’a pas d’influence recevant un régime hyposodé, il est recommandé sur le développement de l’hypertension et n’affecte pas la filtration glomérulaire chez des de contrôler la pression artérielle et la fonction chiens dont la fonction rénale est chirurgicalement réduite (Greco & coll, 1994a; 1994b). rénale dans les premiers jours de traitement. Dès lors, la concentration alimentaire idéale en sodium pour les chiens atteints de maladie rénale chronique n’est pas clairement définie. On recommande actuellement des régimes à teneur en sodium normale ou légèrement diminuée. Lorsque l’insuffisance rénale progresse, la capacité d’adaptation rapide du rein à excréter le sodium en fonction de la consommation est sévèrement altérée. Si la consommation de sodium chute brutalement, elle peut entraîner une déshydratation et une hypovolémie néfastes au fonctionnement rénal. Lors du passage d’un régime riche à un régime pauvre en sodium, il est donc recommandé d’observer une transition progressive. > Potassium Une carence en potassium a été identifiée chez quelques chiens atteints d’IRC. Le contrôle du statut potassique permet d’ajuster la prise alimentaire en administrant du gluconate de potassium par voie orale. > Vitamines Reins Les vitamines hydrosolubles sont excrétées dans l’urine et la polyurie associée à l’IRC peut entraîner une carence. Ce déficit pourrait contribuer à l’anorexie et dès lors, une supplémentation s’avère être une mesure corrective ou préventive de l’anorexie. Les régimes pour chiens insuffisants rénaux disponibles contiennent des quantités importantes de vitamines hydrosolubles et il est inutile d’en ajouter, sauf en cas de régime ménager. L’excrétion rénale de la vitamine A est réduite chez les personnes atteintes d’IRC. Une étude a montré que les chiens atteints de maladie rénale spontanée présentent des concentrations plasmatiques de rétinol plus élevées que les chiens en bonne santé (Raila & coll, 2003). Dès lors, il semble prudent d’éviter des suppléments alimentaires contenant de la vitamine A. Bilan acido-basique Les reins ont un rôle majeur dans l’équilibre acido-basique. Lorsque la fonction rénale diminue, la capacité d’excréter les ions hydronium et de réabsorber les ions bicarbonate est réduite et il en résulte une acidose métabolique. L’acidose métabolique stimule l’ammoniogenèse rénale, ce qui induit une inflammation locale par activation du complément et contribue ainsi à la progression de l’insuffisance rénale. En outre, l’acidose métabolique augmente le catabolisme et la dégradation des protéines musculaires, perturbe le métabolisme intracellulaire, stimule la dissolution des minéraux osseux, ce qui exacerbe l’azotémie, la perte de masse maigre et l’ostéodystrophie rénale. Un régime à faible teneur en protéines a l’avantage de réduire la production de précurseurs acides issus du métabolisme azoté, mais l’utilisation d’agents alcalinisants tels que le bicarbonate de sodium, le carbonate de calcium ou le citrate de potassium peut quand même s’avérer nécessaire. Acides gras oméga-3 et 6 Les acides gras oméga-3 à longue chaîne (EPA-DHA) entrent en concurrence avec l’acide arachidonique et modifient la production d’eicosanoïdes, de thromboxanes et de leucotriènes (Bauer & coll, 1999). Des études faites chez des chiens néphrectomisés montrent qu’une supplémentation en acides gras oméga-3 (issus d’huile de poisson) réduit l’inflammation, abaisse la pression artérielle systémique, modifie les concentrations plasmatiques de lipides et préserve la fonction rénale (Figure 13) (Brown & coll, 1996; 1998a; 1998b; 2000). L’intérêt d’apporter des acides gras oméga 3 à courte chaîne, comme ceux présents dans l’huile de lin, n’a pas été démontré. 269 7 - Prise en charge nutritionnelle FIGURE 13 - INFLUENCE DE LA NATURE DES ACIDES GRAS DU RÉGIME SUR L’ÉVOLUTION DU DÉBIT DE FILTRATION GLOMÉRULAIRE (DFG) DANS 3 GROUPES DE CHIENS ATTEINTS D’INSUFFISANCE RÉNALE SUIVIS PENDANT 20 MOIS (Brown & coll, 1996) 1,6 DFG (ml/min/kg poids corporel) 1,4 1,2 1 0,8 0,6 0,4 0,2 0 huile de poisson (acides gras insaturés oméga-3) suif (acides gras insaturés) huile de carthame (acides gras insaturés oméga-6) Reins Par rapport à un régime apportant surtout des acides gras insaturés ou des acides gras insaturés oméga-6, un régime riche EPA et DHA améliore significativement le débit de filtration glomérulaire sur le long terme. Un apport important d’acides gras insaturés oméga-6 (présents dans l’huile de carthame) semble jouer un rôle préjudiciable chez les chiens atteints de maladie rénale spontanée, car ils stimulent excessivement la filtration glomérulaire (Bauer & coll, 1997). Un régime destiné à des chiens insuffisants rénaux doit présenter un rapport oméga-6/oméga-3 équilibré; cependant, se focaliser sur ce rapport n’est pas suffisant: il vaut mieux s’intéresser aux concentrations absolues en acides gras oméga-3, mais les données manquent encore pour établir des recommandations précises. Fibres L’intérêt des fibres fermentescibles a été pris en compte dans la prise en charge nutritionnelle de l’IRC. Les fibres fermentescibles sont en effet utilisées par la flore bactérienne intestinale qui utilise par ailleurs l’urée sanguine comme source d’azote pour sa croissance. L’augmentation de la biomasse bactérienne participerait donc à éliminer l’azote en excès par voie fécale, ce qui limiterait l’urémie et permettrait de ne pas avoir à trop diminuer l’ingéré protéique. Cependant, ce concept ne tient pas compte des autres toxines urémiques, de poids moléculaire trop important pour pouvoir traverser facilement la barrière membranaire et être utilisées comme source d’azote par les bactéries. La présence de ces toxines dans le sang ne semble donc pas être influencée par l’apport de fibres fermentescibles. Les études manquent pour argumenter en faveur de leur fonction de “piège à azote”. En revanche, l’IRC même modérée induit des troubles gastro-intestinaux: la motricité duodénojéjunale est altérée et le temps de transit dans le côlon diminue (Lefebvre & coll, 2001). Les fibres fermentescibles peuvent permettre d’aider à réguler ces perturbations. 270 8 - Stratégie nutritionnelle Antioxydants Le stress oxydatif est responsable d’altérations des lipides, des protéines et de l’ADN cellulaires, ce qui participe à l’aggravation progressive de la maladie rénale chez l’homme (Locatelli & coll, 2003; Cochrane & coll, 2003). Des nutriments tels que les vitamines E et C, la taurine, les pigments caroténoïdes et les flavanols jouent un rôle antioxydant efficace en capturant les radicaux libres. Chez l’homme souffrant de maladie rénale chronique, les concentrations de vitamines E et C sont plus faibles et les marqueurs de la péroxydation lipidique sont en quantité augmentée (Jackson & coll, 1995), ce qui peut être corrélé à un état de stress oxydatif. Chez le rat, des suppléments de vitamine E limitent l’évolution des lésions tubulointerstitielles ainsi que la glomérulosclérose, suggérant donc que la vitamine E peut ralentir la progression de la maladie rénale (Hahn & coll, 1998; 1999). Une étude chez l’enfant souffrant de glomérulosclérose montre l’intérêt de la vitamine E pour limiter la protéinurie (Tahzib & coll, 1999). Les données manquent pour évaluer le stress oxydatif et le statut antioxydant des chiens atteints de maladie rénale. FIGURE 14 MOLÉCULE DE CATÉCHINE Reins Les flavanols représentent une catégorie particulière de substances flavonoïdes au sein de la famille des antioxydants polyphénoliques que l’on trouve dans de nombreux végétaux (Figure 14). L’épigallocatéchine gallate est réputé pour être l’un des flavanols les plus actifs pour protéger de l’oxydation (Figure 15). Dans la plante, les flavanols protègent l’intégrité des membranes cellulaires et du matériel génétique. Les flavanols ont aussi pour fonction de chélater des ions métalliques comme le fer et le cuivre, ce qui renforce leur activité antioxydante en empêchant ces éléments de catalyser des réactions d’oxydoréduction à l’origine de la formation de radicaux libres. Enfin, les flavanols semblent intervenir dans les systèmes enzymatiques antioxydants. La structure de base des flavanols est constituée de deux noyaux aromatiques reliés par trois atomes de carbone pour former une structure cyclique hexagonale. FIGURE 15 - FLAVANOLS DANS LA FAMILLE DES POLYPHÉNOLS Polyphénols Flavonoïdes Flavonols Flavanols Non-Flavonoïdes Flavanones Anthocyanes Monomères: catéchine, épicatéchine, épigallocatéchine galate Oligomères : procyanidines Polymères : tanins Parmi les plantes les plus riches en flavanols, se trouvent le cacao, le raisin et le thé vert. 271 8 - Stratégie nutritionnelle L’intérêt des flavanols a été noté lors de maladie rénale. Ils stimulent en effet la production d’oxyde nitrique qui induit une relaxation du système vasculaire. Une administration quotidienne de flavanols à des rats est associée à une baisse de la pression artérielle systolique et diastolique (Jouad & coll, 2001). Chez les rats atteints d’IRC, les flavanols semblent diminuer la pression capillaire glomérulaire: 1) en stimulant la production d’oxyde nitrique, 2) en induisant un effet relaxant sur les fibres musculaires lisses, 3) en inhibant l’enzyme de conversion de l’angiotensine. 8 - Stratégie nutritionnelle Un traitement diététique ne peut permettre de remédier aux signes cliniques liés à l’azotémie que s’il est administré de manière appropriée. Les chiens atteints d’IRC ont souvent un appétit réduit. Chez l’homme, la maladie s’accompagne d’une altération du goût et de l’odorat. Ces facteurs combinés contribuent à réduire la consommation calorique. Cet état peut encore être aggravé par le handicap de la restriction protéique qui peut occasionner une perte d’appétence du régime destiné à des chiens atteints d’IRC. Cependant, l’inappétence n’est le plus souvent pas due au régime lui-même, mais plutôt à l’effet négatif de l’état azotémique sur le goût et l’odorat qui conduit au développement d’une aversion alimentaire. De ce point de vue, il est déconseillé de modifier le régime alimentaire lorsque le chien est hospitalisé, car les conditions de l’hospitalisation peuvent suffire à favoriser une réaction d’aversion vis-à-vis de l’aliment distribué. Le régime visant à soutenir la fonction rénale devrait plutôt être mis en place à la maison, lorsque le chien est dans des conditions stables d’environnement. Reins Lorsque la consommation alimentaire est trop réduite, cela favorise le développement de carences alimentaires qui contribuent à aggraver les effets délétères de l’urémie: la fonction immunitaire est altérée, la cicatrisation retardée, le tonus diminué et la morbidité et la mortalité sont augmentées. Les déficits nutritionnels sont bien connus chez l’homme comme des facteurs aggravant l’évolution de l’insuffisance rénale. Dès lors, la prévention du risque de carences en veillant à une consommation alimentaire suffisante est cruciale dans la prise en charge de l’animal insuffisant rénal. L’alimentation par sonde devrait être instituée dès que l’on constate une perte de poids de 10 à 15 %, en conjonction avec une dégradation du score corporel et des commémoratifs de dysorexie. Ce type d’alimentation évite aussi d’avoir à administrer une réhydratation par voie parentérale, et facilite l’administration du traitement médicamenteux. (Pour plus de détails pratiques sur les conditions d’alimentation par sonde, voir chapitre 14: alimentation en phase critique) Études cliniques de l’effet du traitement diététique sur l’insuffisance rénale chronique naturelle L’intérêt d’un régime bas en phosphore et de teneur protéique restreinte a été étudié chez des chiens souffrant d’IRC légère à modérée (Leibetseder & Neufeld, 1991). Trente-deux chiens atteints d’IRC débutante ont reçu un aliment diététique du commerce pendant 28 semaines, et 28 chiens supplémentaires ont reçu un régime ménager formulé pour présenter la même analyse que l’aliment commercial. Quatorze chiens furent euthanasiés au cours de l’étude à cause de la progression de la maladie. Dans les 4 semaines suivant la mise en place de l’un ou l’autre régime, l’urémie et la phosphorémie revinrent globalement à la normale. Les deux régimes furent bien consommés, les poids corporels et l’albuminémie restèrent stables, et la condition physique des chiens fut jugée améliorée. Cette étude montre l’intérêt de la mise en place précoce d’un régime adéquat chez des chiens souffrant d’IRC légère à modérée. Une autre étude s’est intéressée à l’influence d’une restriction alimentaire en protéines et en phosphore chez des chiens atteints d’IRC spontanée (Jacob & coll, 2002). Par rapport au lot témoin recevant un aliment standard d’entretien, le risque de développer une crise urémique a été réduit de 70 % chez les 272 8 - Stratégie nutritionnelle chiens recevant le régime “rénal”, la période indemne de signe urémique a été allongée presque 2,5 fois, et le temps de survie (médian) a été trois fois plus long. La fonction rénale a aussi décliné plus lentement chez les chiens recevant le régime rénal. La première cause de décès chez les chiens recevant le régime d’entretien fut la maladie rénale. Suivi du traitement Un bilan complet comprend: le recueil des commémoratifs, un examen clinique approfondi, une pesée, l’appréciation du score corporel, la mesure de la pression artérielle ainsi que des tests de laboratoire comprenant un hémogramme, un bilan biochimique, une analyse chimique et bactériologique de l’urine. Cette dernière analyse devrait systématiquement faire partie du bilan car les chiens insuffisants rénaux chroniques sont prédisposés aux infections urinaires, qui évoluent souvent à bas bruit. Parmi les mesures visant à améliorer la consommation alimentaire, on peut retenir : l’utilisation d’aliments humides très appétents, le réchauffement des aliments avant de nourrir l’animal, et la stimulation de la prise alimentaire par un renforcement positif consistant à encourager et caresser l’animal. Quand il existe des ulcérations orales, l’application locale d’un gel de xylocaïne environ 10 mn avant le repas peut permettre de diminuer la douleur associée à la préhension de l’aliment. Reins Une évaluation régulière de la prise en charge nutritionnelle et médicale de l’animal est cruciale pour le bien-être et la réussite à long terme du traitement de l’IRC. L’observance du traitement par le propriétaire est également améliorée lorsque le chien est revu fréquemment. Les chiens doivent être réévalués dans les 2 semaines qui suivent le début du traitement, puis 3 à 4 fois par an. Un examen de contrôle doit toujours être réalisé 2 semaines après une modification du traitement médical ou diététique. Un traitement par l’érythropoïétine et un traitement antihypertenseur impliquent une évaluation hebdomadaire jusqu’à ce que la posologie d’entretien adéquate soit atteinte. Des médicaments orexigènes tels que les dérivés du benzodiazépam ou les antagonistes de la sérotonine peuvent être administrés; cependant, la mise en place d’une alimentation par sonde, par voie œsophagienne ou stomacale s’avère souvent plus efficace (Elliott & coll, 2000). D’autre part, il est important de dresser la liste des médicaments administrés au chien, afin de vérifier l’absence d’interaction possible avec le traitement de l’IRC. Un examen des prescriptions antérieures est indispensable pour vérifier qu’elles sont bien justifiées et que l’observance du traitement par le propriétaire est bonne. Enfin, il est important de connaître précisément le type d’aliment consommé par le chien (sec ou humide), les rations quotidiennes (la quantité consommée plutôt que la quantité proposée), le mode d’alimentation ainsi que tous les suppléments ou friandises distribuées. Ces informations sont très utiles pour bien interpréter la réponse au traitement diététique. Résultats attendus et pronostic L’IRC est une maladie évolutive qui conduit finalement à la mort du chien. L’objectif de la prise en charge médicale et nutritionnelle est d’assurer la meilleure qualité de vie possible au chien pendant la période la plus longue possible. Le succès du traitement dépend de l’acceptation et de l’observance par le propriétaire ainsi que d’une approche médicale coordonnée. Tous les efforts faits pour adapter le traitement à l’évolution de la maladie du chien n’empêcheront pas l’IRC d’évoluer vers un stade terminal. Le pronostic se base sur la sévérité des signes cliniques, les complications urémiques et la probabilité d’améliorer la fonction rénale en éliminant les 273 Conclusion facteurs aggravants prérénaux, en contrôlant l’infection, etc. La sévérité du dysfonctionnement rénal et le pronostic à long terme peuvent être largement affinés en étudiant la concentration sérique de créatinine. Pronostic et évolution seront fortement influencés par la réponse au traitement médical et par la rapidité de progression de l’insuffisance rénale. Le traitement diététique et médical classique devient en général inefficace au stade IV de l’IRC tel que défini par l’IRIS (lorsque la créatinine plasmatique dépasse 5 mg/dl ou 400 µmol/L). À ce stade, la qualité de vie du chien n’est généralement plus acceptable pour le propriétaire, et l’euthanasie représente souvent l’ultime solution. Les seules alternatives restent sinon la transplantation rénale ou l’hémodialyse intermittente chronique (2 ou 3 fois par semaine). Conclusion Reins L’IRC est un syndrome clinique résultant d’une perte irréversible des capacités métaboliques, endocriniennes et excrétrices du rein. L’IRC est la troisième cause de décès chez le chien. La nutrition a constitué pendant des dizaines d’années la pierre angulaire du traitement. Les objectifs diététiques sont de répondre aux besoins nutritionnels et énergétiques du chien, d’atténuer les signes cliniques et les conséquences de l’urémie, de minimiser les perturbations du bilan liquidien, électrolytique, vitaminique, minéral et acido-basique, et de ralentir la progression de l’insuffisance rénale. Un suivi régulier pour s’assurer que la prise en charge nutritionnelle et médicale correspond bien à l’état du chien est crucial pour le bien-être et la réussite à long terme du traitement de l’IRC. DÉFINITIONS Azotémie : concentrations accrues d’urée et/ou de créatinine et d’autres sous-produits azotés dans le sang. Azotémie rénale : désigne une azotémie induite par une lésion du parenchyme rénal. Déficience rénale : état de réduction de la fonction rénale causant des anomalies persistantes (azotémie, incapacité à concentrer l’urine). Insuffisance rénale : elle commence lorsque la réserve rénale est perdue. Les chiens semblent normaux mais présentent une capacité amoindrie de réaction face à une infection ou une déshydratation. Maladie rénale : implique que des lésions rénales soient présentes, sans que l’étiologie, la sévérité ou l’étendue des lésions soient caractérisées. Réserve rénale : pourcentage de néphrons non nécessaires pour assurer une fonction rénale normale. La réserve rénale est généralement supérieure à 50 %. Syndrome urémique : ensemble de signes cliniques, notamment anémie, gastro-entérite, acidose, qui se produisent au stade terminal de l’insuffisance rénale chronique. 274 R Peut-on ajouter du bouillon et des jus de viande pour augmenter la saveur des aliments ? Non, il est déconseillé d’ajouter des suppléments aux aliments. Les suppléments peuvent déséquilibrer les éléments clés qu’il faut contrôler par l’alimentation. Aliments secs ou en boîte ? Que faut-il préférer pour les animaux atteints de maladie rénale ? Pour la plupart des animaux atteints de maladies rénales, peu importe qu’il s’agisse d’aliments secs ou en boîte tant que leur formulation contribue à remédier au problème. Cependant, lorsque l’animal ne boit pas suffisamment, les aliments en boîte peuvent contribuer à une bonne hydratation. Quand faut-il commencer le régime alimentaire spécial pour les maladies rénales ? Les régimes alimentaires rénaux doivent être débutés dès que le diagnostic de maladie rénale est posé. Toutefois, ils ne doivent pas être administrés aux animaux hospitalisés et être réservés à l’alimentation à domicile, à cause du risque de néophobie face à un aliment nouveau distribué dans un environnement stressant. Même si le chien accepte de manger un nouvel aliment lors d’une hospitalisation, il se peut qu’il le refuse par la suite, une aversion s’étant installée à cette occasion. À quelle fréquence faut-il contrôler l’efficacité du régime ? La fréquence de contrôle de l’efficacité du régime alimentaire dépend du traitement administré à l’animal. Pour les animaux en stade précoce de la maladie, le contrôle doit avoir lieu tous les 3 ou 4 mois. En cas de traitement à base d’hypertenseurs ou d’érythropoïétine, il faudra éventuellement adapter le traitement toutes les deux semaines jusqu’à déterminer le dosage permettant de stabiliser l’animal. Que faire lorsque l’animal ne mange pas assez et maigrit ? Lorsque l’animal ne mange pas suffisamment pour conserver son poids corporel, il convient d’envisager une alimentation par sonde œsophagienne ou gastrique. Lorsque l’animal ne s’alimente pas correctement, des aliments réduits en bouillie peuvent lui être administrés par cette voie. 275 Reins Q Questions fréquemment posées Questions fréquemment posées à propos de l’insuffisance rénale chronique chez le chien Références Références Adams LG - Phosphorus, protein and kidney disease. 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ANALYSE RATIONNEMENT INDICATIF La ration ainsi préparée contient 30 % de matière sèche et 70 % d’eau Valeur énergétique (énergie métabolisable) 1550 kcal/1000 g de ration préparée (soit 5110 kcal/1000 g de matière sèche) Poids du chien (kg) Ration journalière* Poids du chien (kg) Ration journalière* 140 45 1460 4 240 50 1580 70 6 320 55 1690 8 10 470 60 1810 15 640 65 1920 20 790 70 2030 25 940 75 2140 30 1080 80 2240 35 1210 85 2350 40 1330 90 2450 % matière sèche g/1000 kcal Protéines 19 37 2 Matières grasses 34 66 Glucides assimilables 36 Fibres 4 Points clés - Niveau de phosphore réduit : pour pallier la moins bonne élimination du phosphore par le rein lors d’IRC, et prévenir le risque d’hyperparathyroïdisme qui aggrave l’insuffisance rénale. - Concentration énergétique élevée : pour permettre de limiter le volume des repas tout en couvrant les besoins énergétiques. L’objectif est de compenser la baisse d’appétit. - Niveau protéique modéré : pour compenser la baisse du débit de filtration glomérulaire *Le nombre de repas doit être adapté au protocole des injections d’insuline : idéalement, chaque repas doit être distribué de manière à ce que la période post-prandiale corresponde à la période d’activité maximale de l’insuline. 278 Rations ménagères ADAPTÉES AU TRAITEMENT RÉNALE CHRONIQUE Exemple 2 COMPOSITION (pour 1000 g de ration) Porc, épaule . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 125 g Œuf dur (entier) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 125 g Riz blanc cuit . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 730 g Huile de colza . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20 g RATIONNEMENT INDICATIF ANALYSE Valeur énergétique (énergie métabolisable) 1520 kcal/1000 g de ration préparée (soit 5050 kcal/1000 g de matière sèche) La ration ainsi préparée contient 30 % de matière sèche et 70 % d’eau Poids du chien (kg) Ration journalière* Poids du chien (kg) Ration journalière* % matière sèche g/1000 kcal 2 140 45 1490 Protéines 18 36 4 240 50 1610 Matières grasses 19 37 6 330 55 1730 Glucides assimilables 70 139 10 480 60 1840 Fibres 1 2 15 650 65 1960 20 810 70 2070 25 960 75 2180 30 1100 80 2290 35 1230 85 2390 40 1360 90 2500 Contre-indications d’un tel régime Gestation Lactation Croissance Exemples de rations ménagères proposées par le Pr Patrick Nguyen (Unité de Nutrition et d’Endocrinologie ; Département de Biologie et Pathologie, École nationale vétérinaire de Nantes) 279 Reins Ajouter un complément minéral et vitaminique pauvre en phosphore. Informations nutritionnelles Royal Canin © Lanceau Un régime adapté permet de multiplier par 3 la durée médiane de survie chez un chien insuffisant rénal chronique. Points clés à retenir à propos du : Reins Rôle de la nutrition dans le traitement et la prévention de l’insuffisance rénale chronique L’insuffisance rénale chronique chez le chien est très souvent associée à un appétit fortement perturbé : l’appétence de l’aliment est donc un critère primordial. Lorsque le rein perd sa capacité fonctionnelle, le phosphore n’est plus éliminé correctement et tend à s’accumuler, entraînant l’apparition d’un hyperparathyroïdisme qui aggrave l’IRC. Un des objectifs du traitement est de normaliser la phosphatémie. Il est démontré que la restriction alimentaire en phosphore permet de ralentir la progression de l’insuffisance rénale chez le chien. Une supplémentation en agents alcalinisants comme le bicarbonate de sodium, le carbonate de calcium ou le citrate de potassium peut s’avérer nécessaire pour lutter contre l’acidose métabolique. Contrairement à une idée répandue, le niveau protéique de l’alimentation n’influence pas directement la progression de la maladie rénale. Il est donc inutile de réduire systémati- 280 quement les protéines dans l’alimentation des chiens âgés. En revanche, chez les chiens souffrant d’IRC, la diminution du taux protéique vise à réduire l’urémie. Pour éviter une malnutrition protéique, mieux vaut se contenter d’une restriction modérée, de l’ordre de 35 à 40 g protéine/ 1000 kcal. Une réduction trop importante pourrait en effet avoir des effets négatifs en obligeant le chien à utiliser ses propres protéines pour couvrir ses besoins. L’apport énergétique doit être suffisant pour prévenir un catabolisme protéique endogène qui entraînerait une malnutrition et une aggravation de l’azotémie. Un apport élevé en acides gras oméga-3 (EPA et DHA) aide à limiter la chute du débit de filtration glomérulaire. L’hypokaliémie est une observation fréquente chez les chiens insuffisants rénaux sauf au stade terminal de la maladie, où une hyperkaliémie peutêtre observée. Rétablir une kaliémie normale est essentielle pour la qualité de vie du chien. Il a longtemps été recommandé de réduire le niveau de sodium dans les régimes des chiens souffrant d’IRC. Des travaux récents (voir chapitre précédent) semblent pourtant indiquer qu’un niveau de sodium trop réduit (0,4 à 0,5 mg/1000 kcal) pourrait avoir un effet délétère sur la fonction rénale: il favoriserait l’hypertension glomérulaire via l’augmentation de la sécrétion d’aldostérone et l’activation du système rénine-angiotensine. Ces résultats doivent être confirmés mais ils mettent en garde contre une restriction trop importante du sodium dans l’alimentation d’un chien insuffisant rénal. Un chien insuffisant rénal est en général un chien âgé : un enrichissement de l’alimentation en antioxydants est nécessaire pour l’aider à lutter contre la production de radicaux libres. Informations nutritionnelles Royal Canin Gros plan sur : LE PHOSPHORE Le mot phosphore signifie éthymologiquement “porteur de lumière”. Il fut découvert en 1669 par un alchimiste allemand, Hennig Brandt : en évaporant de l’urine et en calcinant le résidu dans une cornue, il obtint en effet un dégagement de phosphore sous forme d’une vapeur qui brillait dans le noir. P Sous forme de phosphates, le phosphore entre dans la composition des os: 86 % du phosphore de l’organisme est stocké dans le squelette où il participe à leur structure. Le phosphore est également intégré à des molécules majeures comme l’ADN, l’ARN, les phospholipides membranaires… Il constitue aussi la partie active de la molécule d’adénosine triphosphate (ATP), qui stocke l’énergie nécessaire au fonctionnement des organismes vivants. Les raisons pour lesquelles le phosphore entraîne une progression de l’IRC n’ont pas encore été établies avec certitude. À la suite de la réduction de la fonction rénale, le phosphore s’accumule dans le sang. L’organisme réagit en augmentant la secrétion de parathormone. Reins PRINCIPAUX RÔLES BIOLOGIQUES DU PHOSPHORE construction des membranes cellulaires ATP construction osseuse énergétique cellulaire Cette réponse permet initialement de conserver le phosphore dans les limites normales mais entraîne aussi une libération de phosphate et de calcium à partir des réserves osseuses. Avec le temps, même cette réponse compensatrice ne suffit plus à rétablir l’équilibre. Phosphore et calcium s’accumulent, entraînant une minéralisation des tissus mous. Dans le cas du rein, ce phénomène accélère la perte des néphrons fonctionnels. D’autre part, la PTH agirait comme une toxine urémique, aggravant aussi l’évolution de l’IRC. Dans le cas du chien insuffisant rénal, l’objectif est donc de limiter la teneur en phosphore des aliments à un niveau de 0,40 à 0,80 g/1000 kcal. Parallèlement, l’augmentation de la teneur en calcium dans l’aliment permet aussi de réduire l’absorption digestive du phosphore. Si un niveau aussi réduit ne permet pas de stabiliser la phosphatémie à un niveau normal, l’utilisation de chélateurs de phosphate (hydroxyde d’aluminium, carbonate de calcium) doit alors être envisagée. Lorsqu’il est impératif de restreindre le phosphore dans l’alimentation, la difficulté réside surtout dans la nécessité de trouver des matières premières qui soient pauvres en phosphore. Les sources de protéines animales classiquement utilisées dans les aliments chien sont en effet assez riches en phosphore : il y a par exemple de 1,6 à 2,5 % de phosphore sur matière sèche dans des protéines de volailles déshydratées, suivant la teneur globale en matières minérales subsistant après tamisage. Les sources de protéines végétales (gluten de blé ou de maïs, hydrolysat d’isolat de soja…) fournissent une alternative intéressante. 281 Informations nutritionnelles Royal Canin Quantité maximale de phosphore (g/100 g protéines) NIVEAU DE PHOSPHORE DE PLUSIEURS SOURCES DE PROTÉINES UTILISÉES EN ALIMENTATION CANINE 5 Protéines de volaille standard 4 Protéines de volaille “Low ash” 3 Poudre d’œuf 2 Hydrolysat de soja 1 Gluten de maïs Gluten de blé 0 Reins Le gluten de blé ou de maïs permettent d’apporter des protéines de bonne qualité en minorant l’ingéré de phosphore. 282
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