discussion paper - World Health Organization

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discussion paper - World Health Organization
HSS/HSF/DP.F.07.1
VADE-MECUM
DE LA CONTRACTUALISATION
DANS LE SECTEUR DE LA SANTE
DISCUSSION PAPER
NUMERO 1 - 2007
Département "Financement des Systèmes de Santé" (HSF)
Groupe "Systèmes et services de santé" (HSS)
Organisation mondiale de la Santé (OMS), 2007 ©
Ce document n'est pas une publication officielle de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) et
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des fins commerciales.
Les opinions exprimées dans ce document n'engagent que leurs auteurs.
VADE-MECUM
DE LA CONTRACTUALISATION
DANS LE SECTEUR DE LA SANTE
Jean Perrot
GENEVE
2007
SOMMAIRE
INTRODUCTION
1.
Pourquoi recourt-on à la contractualisation?
2.
Définitions
3.
La théorie des contrats : qu'est-ce qui est contrat?
4.
L'externalisation et la sous-traitance
5.
Les contrats d'achat de services de santé
6.
La gestion déléguée
7.
L'association à la mission de service public
8.
Le Partenariat Public - Privé (PPP)
9.
Les contrats de partenariat
10.
La franchise
11.
Les réseaux
12.
La fonction publique
13.
La contractualisation interne
14.
Les contrats de performance
15.
Les conventions-cadre
16.
Pourquoi et comment réguler les pratiques contractuelles ?
1
POURQUOI RECOURT-ON A LA CONTRACTUALISATION?
Au cours des dernières années, l'organisation des systèmes de santé a considérablement évolué.
L'atténuation des rivalités entre le secteur public et le secteur privé dans tous les domaines de la vie
économique, sociale et politique a incontestablement contribué à ces changements. Afin de tenter de
mieux répondre à l'insuffisante performance de leur système de santé, la plupart des pays ont mis en
place des réformes. Plusieurs options s'offrent au décideur politique: la déconcentration permet de
donner davantage de responsabilités aux responsables locaux du Ministère de la Santé; la
décentralisation administrative permet de transférer à une collectivité territoriale des responsabilités en
matière de santé; l'autonomie de prestataires publics vise à donner, au sein du secteur public, à des
formations sanitaires une autonomie basée sur un statut juridique; la séparation entre les instances de
financement et de prestations de services permet d'instaurer une compétition entre les prestataires de
santé, qu'ils relèvent du secteur public ou du secteur privé; l'élargissement des options de financement
de la santé, au travers des systèmes de partage des risques, permet l'émergence d'un acteur chargé par
ses membres de négocier l'accès aux soins; la privatisation, au moins selon son acception classique,
entraîne un transfert de propriété du public vers le privé.
Ces recompositions institutionnelles ont eu pour incidences une diversification et une
multiplication des acteurs impliqués dans le champ de la santé ainsi qu'une plus grande spécialisation
dans les fonctions occupées par chacun. L'isolement qui caractérisait souvent les acteurs traditionnels
de la santé devient plus difficile. Ces acteurs ne peuvent pas vivre dans des mondes étanches; ils
doivent nécessairement établir entre eux des relations. Il en va de l'intérêt de tous; mais plus
particulièrement, c'est l'intérêt du Ministère de la Santé de s'assurer que tous les acteurs apportent la
meilleure contribution possible au système de santé:
- ces relations sont de moins en moins basées sur le commandement hiérarchique. Par exemple, le
directeur au niveau central donne ses directives au responsable régional, qui les transmet au
responsable du district, lequel supervise les formations sanitaires de sa zone. Ces schémas
traditionnels, au fur et à mesure que les différents acteurs gagnent en indépendance ou en
autonomie, ne peuvent plus fonctionner. Les relations doivent alors emprunter d'autres modes;
- ces relations peuvent reposer sur la concertation; les acteurs procèdent à des échanges
d'information et de points de vue tant sur les valeurs fondamentales que sur la conduite de leurs
activités. Cet échange peut rester très informel (réunions de concertation) ou déboucher sur
l'élaboration de principes communs d'intervention (déclaration commune, entente, charte,…). Il y
a bien un engagement moral, mais ces relations ne créent pas d'obligations au sens juridique du
terme et, par là-même, en constitue une limite.
Aussi, de plus en plus fréquemment, ces relations reposent sur des arrangements contractuels qui
formalisent les ententes entre des acteurs qui s'obligent mutuellement. Dans la plupart des pays, ces
arrangements contractuels existent depuis longtemps; mais on assiste au cours des toutes dernières
années à un recours beaucoup plus massif à cet outil tant dans les pays développés que dans les pays
en développement. Ainsi, la contractualisation ne doit pas être vue comme un outil nouveau, inventé
par quelques technocrates en mal de reconnaissance. Elle est plutôt un outil qui s'impose naturellement
pour répondre aux caractéristiques d'un nouvel environnement des acteurs de la santé.
La contractualisation est donc un outil auquel on recourt pour répondre à certaines préoccupations.
Pour autant, il ne s'agit pas d'un outil miracle. Aussi doit-on toujours se poser plusieurs questions:
2
- la contractualisation est-elle le meilleur outil face à la situation spécifique?
- dispose-t-on des capacités techniques suffisantes pour participer à un processus contractuel?
- l'environnement permet-il un recours efficace à la contractualisation? Par exemples: les textes
juridiques dans le pays permettent-ils la contractualisation que l'on envisage de mettre en place?
Les acteurs avec lesquels on veut entrer en relation contractuelle disposent-ils des capacités
juridiques et techniques suffisantes?
La contractualisation, un des outils pour la réforme des systèmes de santé. Elle doit par conséquent
être considérée parmi la panoplie d'outils dont disposent les décideurs pour réformer le système de
santé de leur pays. Pour prendre les bonnes décisions, les décideurs doivent être pleinement informés
des outils qui sont à leur disposition. Ce vade-mecum est donc conçu pour compléter l'information des
décideurs et pour leur faciliter la tâche. Ce n'est en aucun cas un document théorique (il ne comporte
aucune référence bibliographique); il essaie de donner, dans un langage simple, mais non trivial, les
informations nécessaires à une bonne compréhension de la contractualisation, de ses opportunités mais
également des risques notamment suite à une mauvaise utilisation de cet outil.
3
DEFINITIONS
1- LE CONTRAT OU ARRANGEMENT CONTRACTUEL
Les définitions d'un arrangement contractuel sont très nombreuses. On proposera la suivante: un
arrangement contractuel est une alliance volontaire de partenaires indépendants ou autonomes qui
s'engagent avec des devoirs et des obligations réciproques et qui attendent chacun des bénéfices de
leur relation. Cette définition comporte trois éléments importants:
- La notion d'alliance volontaire entre des partenaires indépendants ou autonomes signifie
qu'il n'est pas possible de contraindre un acteur à entrer en relation mais que, dans le même
temps, un acteur doit être en mesure de le faire, au sens juridique du terme, c'est-à-dire
disposer d'un statut juridique lui conférant une personnalité juridique. Cette indépendance des
contractants leur confère une égalité de droit; mais la réalité révèle souvent une asymétrie des
pouvoirs entre les acteurs d'une relation contractuelle1;
- L'engagement à des devoirs et des obligations réciproques: ce point constitue le cœur même
d'une relation contractuelle; cependant, le degré d'engagement peut varier. Certes, un contrat
est toujours un engagement contraignant au sens où il doit être respecté. Mais la manière dont
le contrat sera respecté variera selon qu'il s'agit d'un contrat classique ou d'un contrat
"relationnel".
Dans les contrats classiques, cette opposabilité est entière; le contrat contiendra d'ailleurs en
son sein les sanctions en cas de non respect des clauses; les garants de leur application sont
des tiers extérieurs au contrat, à savoir les instances juridiques (tribunaux). Dans les contrats
relationnels, l'opposabilité est absente. Par exemple, lorsqu'une coopération bilatérale signe
une convention avec un Ministère de la Santé d'un pays ami pour la construction d'un hôpital,
il y a bien engagement de part et d'autre; cependant, il est clair qu'il sera difficile au pays
récipiendaire d'obliger cette coopération bilatérale à respecter ses engagements. Ainsi en est-il
également des partenariats au niveau mondial. Le respect des engagements repose alors sur
d'autres mécanismes que la sanction: la crédibilité des acteurs, la notoriété ou la réputation, la
confiance, la bonne foi. Ces contrats sont "self-enforcing": chaque partie a intérêt à respecter
le contrat s'il veut garder sa réputation et sa crédibilité2.
- Les bénéfices de la relation: les acteurs sont des organisations qui ne sont pas altruistes. Elles
ne s'engageront dans une relation contractuelle que dans la mesure où elles en attendent des
bénéfices pour elles-mêmes. Il convient de rappeler qu'un bénéfice ne s'apprécie pas
nécessairement en termes directement financiers. Par exemple, une reconnaissance
humanitaire pour une firme pharmaceutique peut constituer un bénéfice appréciable. Par
ailleurs, il convient de souligner avec force qu'il s'agit du bénéfice net; en effet, toute relation
1
Ce déséquilibre des pouvoirs s'observe dans les contrats tels que le contrat de franchise dans lesquels le
franchiseur dispose de réels pouvoirs sur les franchisés, mais aussi il en est de même dans le contrat de travail où
le pouvoir de l'employeur l'emporte sur celui de l'employé ainsi que dans certains contrats d'approvisionnements
où une entreprise est en situation de monopole par rapport à ses fournisseurs qui dépendent entièrement de ses
commandes.
2
Du fait de cette non-opposabilité auprès d'instances juridiques, les contrats relationnels ne sont pas reconnus
comme des contrats par certains juristes.
4
contractuelle entraîne un coût qui peut parfois l'emporter sur les bénéfices obtenus de la
relation contractuelles;
2- LA CONTRACTUALISATION
Là aussi les définitions sont nombreuses. Par exemples: "action de contractualiser quelque chose ou
quelqu'un", ou "par contractualisation, on entend l'établissement de relations contractuelles entre
plusieurs entités".
On retiendra plutôt que la contractualisation est "un processus d'entente, sur un objet donné, entre
différents acteurs et basée sur un contrat". Il n'y a donc pas de contractualisation sans contrat3; mais le
contrat n'est que l'élément central d'un processus.
La contractualisation est un long processus qui conduit ses promoteurs des premières discussions au
renouvellement éventuel du contrat qu'ils ont signé. Ainsi, un processus de contractualisation se
présente comme une suite séquentielle d'étapes distinctes qu'il convient de mener à bien si l'on veut
que la relation contractuelle porte ses fruits. Ces étapes peuvent être présentées de diverses manières ;
ainsi, certaines distinguent la phase pré-contractuelle et la phase de mise en œuvre du contrat, ces deux
phases étant séparées par la signature du contrat qui est stricto sensu un acte quasi instantané.
Il est ici retenu de présenter le processus contractuel en quatre phases successives:
1. La préparation à la contractualisation
2. La formalisation de la relation contractuelle
3. La mise en œuvre du contrat
4. La fin du contrat
LES 4 PHASES DANS LE PROCESSUS DE CONTRACTUALISATION
PREPARATION
FORMALISATION
A LA
CONTRACTUALISATION
DE LA
RELATION CONTRACTUELLE
MISE
EN ŒUVRE
DU CONTRAT
FIN
DU
CONTRAT
Renouvellement
Arrêt
Évaluation
Renégociation
Arrêt
Arrêt
Rupture ou
Avenant
Un processus de contractualisation qui chemine entièrement suivra les étapes ou phases définies dans
le schéma. Ces phases prendront cependant une dimension différente selon les modalités
d'établissement de la relation contractuelle: ainsi, par souci de simplification, on différenciera d'une
part les "contrats basés sur une compétition ouverte" et d'autre part les "contrats sur une identification
3
Dans quelques cas assez rares, on peut parler de contractualisation sans qu'il y ait un contrat.
5
préalable des acteurs". Plusieurs éléments distinguent les deux catégories; cependant, l'élément
fondamental est que, au départ, pour les contrats à compétition ouverte, plusieurs acteurs peuvent
prétendre obtenir le contrat alors que dans les contrats basés sur une identification préalable des
acteurs, les acteurs sont prédéfinis et connus dès le début du processus. A l'intérieur de ces deux
catégories, on pourra néanmoins faire des distinctions: ainsi, par exemple, dans la première catégorie,
la compétition peut être plus ou moins ouverte. De même, on peut changer de catégorie en cours de
processus: par exemple, on peut avoir un processus d'appel d'offre largement ouvert pour choisir un
interlocuteur et ensuite, une fois celui-ci choisi, le processus est semblable à celui d'une négociation de
gré à gré.
- Phase I: La préparation à la contractualisation: cette phase commence lorsque des acteurs
du secteur de la santé envisagent de recourir à la contractualisation jusqu'au moment où ils vont
effectivement procéder à la formalisation de leur relation contractuelle;
- Phase II: La formalisation de la relation contractuelle: cette phase commence au moment où
les partenaires ont reconnu leur intérêt à établir une relation contractuelle et se terminera juste à
l'issue de la signature du contrat;
- Phase III: La mise en œuvre du contrat: le contrat étant signé, les parties prenantes doivent
l'exécuter selon les termes définis dans le contrat;
- Phase IV: La fin du contrat: selon les termes du contrat, tout contrat a une fin programmée. A
la fin du contrat, parfois quelques moments avant, il sera procédé à une évaluation (cf. ci-dessous)
afin de faire le bilan et tirer les leçons de cette relation contractuelle.
3. L'OBJET DU CONTRAT
Pour qu'un contrat soit reconnu valable, il faut qu'il remplisse quatre conditions:
- un consentement libre et éclairé des parties. Les parties au contrat doivent être libres de
signer ou non;
- la capacité juridique des parties signifies que ces parties doivent disposer d'une personnalité
juridique spécifique (physique ou morale);
- une cause licite; c'est la raison qui a conduit à l'établissement du contrat. Elle doit être licite:
elle ne peut pas aller contre l'ordre public ou être en contradiction avec la loi. Par exemple, on
ne peut pas établir un contrat pour faire tuer son voisin;
- un objet certain et déterminé. L'objet: c'est donc ce sur quoi porte le contrat, ce sur quoi les
parties s'engagent, qu'est-ce- que l'on se propose de faire (ou de ne pas faire). L'objet du
contrat crée des obligations ou des engagements réciproques. Par exemple, si l'objet d'un
contrat est la fourniture d'un service, l'obligation du prestataire sera de fournir le service aux
conditions définies et celle du commanditaire sera de payer le prestataire au prix et aux
conditions définies.
Il n'est pas toujours aussi simple qu'il n'y paraît de définir l'objet d'un contrat. L'expérience montre que
bien souvent la formulation n'est pas adéquate et cela révèle que les acteurs n'ont pas su clairement
définir ce qu'ils cherchaient au travers de leur relation contractuelle. Il faut donc attaché une grande
attention à la formulation du contrat dans lequel on souhaite s'engager.
Par ailleurs, il ne faut pas confondre l'objet et l'objectif ou les objectifs d'un contrat. Les objectifs
concernent les cibles que l'on veut atteindre: par exemple, augmenter le taux de vaccination de 20%
d'ici 5 ans.
Cette confusion, assez fréquente, tient à deux raisons:
6
- la première tient sans doute à la proximité de sonorité entre les deux mots "objet" et
"objectif";
- mais la raison principale vient sans doute du fait qu'en santé publique, on est beaucoup plus
familier avec le concept d'objectif qu'avec celui d'objet qui est un concept venant du champ
juridique qui est souvent peu considéré par les professionnels de santé publique. Aussi est-il
fréquent de constater que l'objet du contrat est formulé en termes d'objectifs, ce qui, bien
évidemment, est une erreur.
Un contrat doit par conséquent comporter un "objet" et des "objectifs", mais chacun à leur place au
sein du contrat.
4. QUELQUES AUTRES TERMES
- "Agrément":
. en droit administratif français, l'agrément est un acte unilatéral et correspond à deux cas de figure.
Soit il s'agit d'une autorisation donnée par les pouvoirs publics pour exister ou pour exercer. Par
exemple, pour ouvrir une pharmacie privée, il faut un agrément. Soit il s'agit d'une reconnaissance
par les pouvoirs publics de quelque chose qui existe déjà mais qui, par l'agrément, jouira d'une
reconnaissance spéciale. Par exemple, un Centre de santé agréé est un centre de santé privé que les
pouvoirs publics reconnaissent comme valable.
. en droit privé: il s'agira, par exemple, d'un fabricant qui reconnaît un distributeur de ses produits.
Le distributeur agréé par le fabricant a reçu la possibilité de distribuer ses produits.
- "Accord": selon l'Encyclopédie Bordas, "terme générique désignant la rencontre de deux volontés.
L'accord permet d'atteindre un arrangement, de conclure une convention, un traité ou tout autre
contrat et, plus généralement, de nouer une relation juridique nouvelle à deux ou plusieurs
partenaires". En anglais, ce terme correspond à "agreement"
- "Protocole d'accord": selon le Grand dictionnaire encyclopédique Larousse, un protocole d'accord
est "un procès-verbal relatant les résolutions d'une assemblée, d'un conférence, etc., et faisant état du
consentement des parties contractantes" cela peut être aussi "ces résolutions elles-mêmes". Ainsi, la
terminologie "Protocole d'accord" ne semble pas des plus appropriées pour les situations qui sont
décrites ici.
- "Convention": selon les dictionnaires, la convention se définit comme un "Accord de volontés entre
deux ou plusieurs personnes" ou encore "ce qui est admis d'un commun accord" ou encore "règle de
conduite adoptée entre des acteurs". Prenons un exemple: une micro-assurance santé s'entend avec un
hôpital de district sur les tarifs qui seront pratiqués pour les adhérents de la micro-assurance santé ou
sur les modalités d'accueil des adhérents. Il s'agit d'un accord de volontés en ce sens que ce qui est
convenu ne s'appliquera que si l'événement se produit, c'est-à-dire si l'adhérent se présente à l'hôpital
de district. Si l'adhérent ne se présente pas, ce qui a été convenu est sans effet. Au contraire, dans un
contrat classique -par exemple, une ONG qui passe un contrat de services pour la réalisation d'une
activité- l'action doit se réaliser et si elle ne se réalise pas, il y aura sanction.
Ainsi, une micro-assurance santé recourt souvent aux "conventions" avec les prestataires de services
de santé.
- "Accord-cadre": Selon le Grand dictionnaire encyclopédique Larousse, "accord dont les termes
sont assez généraux pour servir de cadre ou de modèle à des accords ultérieurs plus détaillés.
- "Charte (ou chartre): Selon le Grand dictionnaire encyclopédique Larousse, "écrit solennel, destiné
à consigner des droits ou à régler des intérêts.
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- "Traité": accord officiel entre des États.
Le terme "contrat" peut être considéré comme un terme générique formalisant l'accord entre
les parties prenantes.
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LA THEORIE DES CONTRATS: QU'EST-CE-QUI EST CONTRAT?
Observons les situations suivantes:
- Situation 1: une centrale d'achat de médicaments passe un contrat avec un fournisseur: ce
contrat prévoit, le type de médicaments à fournir, le prix de ces médicaments, la date de
livraison, les conditions de paiement. Par ailleurs, le contrat prévoit que les différends seront
réglés par les tribunaux compétents. Le contrat qui a été signé fait suite à un appel d'offre
international. Il est complet et détaillé;
- Situation 2: le Ministère de la Santé signe un contrat avec une ONG qui s'engage à faire
fonctionner un Centre de santé public donné. Cette ONG utilise l'infrastructure du centre de
santé telle qu'elle est et s'engage à respecter le Paquet Minimum d'Activités défini dans la
politique nationale de santé;
- Situation 3: l'hôpital d'un pays du sud signe un contrat de jumelage avec un hôpital du nord
portant sur l'échange de personnels médicaux, à savoir deux par an dans chaque sens;
- Situation 4: l'administration centrale du Ministère de la Santé signe un contrat avec
l'administration sanitaire régionale pour la mise en œuvre de la planification stratégique à
moyen terme.
Deux éléments essentiels permettent de distinguer ces situations:
- Le premier élément a trait au degré de précision et de prévision concernant l'entente
contractuelle. Dans la situation 1 mais aussi la situation 3, le contrat est précis: on dira que le
contrat est "complet" en ce sens que toutes les situations pouvant advenir ont été prévues dans
les termes du contrat. Au contraire, dans la situation 2 et la situation 4, le contrat reste
imprécis: il est dit "incomplet" au sens où toutes les situations pouvant advenir n'ont pas été
prévues. Le contrat décrit l'esprit de la relation contractuelle mais les acteurs peuvent adapter
leurs comportements en fonction de nombreux critères sans qu'il soit possible de dire si ces
comportements sont opportunistes ou sont la meilleure réponse face à la spécificité de la
situation.
Attardons nous un instant sur le cas du livreur de pizza, qui se consacre à une opération économique
que l'on peut qualifier de simple. Lors de la commande téléphonique, les différentes éventualités sont
envisageables, mais ni le livreur, désireux de rentabiliser son affaire, ni le gourmand, affamé, ne
songeraient un instant à les passer en revue et à envisager la solution aux difficultés possibles. Ils se
contentent de s'accorder sur la chose et le prix ; le contrat est alors parfait. Mais alors survient
l'événement inattendu (imprévu mais bien prévisible lors de la formation du contrat) : le livreur glisse
sur une flaque d'eau et la pizza se renverse dans son cartonnage. Quelle attitude adopteront alors les
parties? A défaut d'accord sur cette éventualité, non expressément envisagée dans le contrat succinct,
seule la bonne foi est à même de dicter aux contractants la marche à suivre. Ici, l'opération économique,
fort simple, ne semblait pas laisser de place à l'aléa, qui pourtant a mis en exergue l'insuffisante
précision du contrat. Aussi la bonne foi, qui ne semblait devoir jouer un rôle quelconque, a permis aux
contractants de faire fi des circonstances imprévues (ce qui, encore une fois ne signifie pas
imprévisible), afin d'exécuter leur convention.
Dans certains contrats, des éléments faisant partie de l'objet du contrat ne sont pas réellement
vérifiables: par exemple, un contrat prévoyant que le prestataire doit mettre en œuvre tous les
moyens pour faire face à un problème de santé. En cas de dispute, comment le juge pourra-t-il
apprécier que le chirurgien a tout mis en œuvre pour sauver son patient (où s'arrête le
raisonnable et où commence l'acharnement?). Face à de telles situations, le juge déclarera que
le contrat ne permet pas la vérification et aura tendance à déclaré nul ce contrat;
9
- le deuxième élément prend en compte le degré d'opposabilité, c'est-à-dire que le non-respect
des clauses du contrat par l'une des parties peut entraîner le recours au système judiciaire pour
faire valoir ces engagements ou définir la sanction. En son sein, le contrat prévoira les
sanctions et les modalités de leur application. Dans la situation 1, cette opposabilité est entière;
le non-respect du contrat entraînera immédiatement le recours au système judiciaire qui
définira la sanction. A l'extrême, dans la situation 4, il n'y a pas d'opposabilité de jure puisqu'il
n'y a qu'une seule personnalité juridique. Dans la situation 2 et la situation 3, il y a possibilité
d'une opposabilité; mais elle sera très difficile à mettre en œuvre: dans la situation 2, on voit
mal le ministre de la santé intenter une action judiciaire face à une ONG bien implantée dans
le pays: cette action est juridiquement possible mais politiquement délicate. Dans la situation 3,
on voit également mal un hôpital recourir à un système judiciaire (lequel d'ailleurs); la
sanction sera tout simplement la dénonciation (c'est-à-dire l'arrêt) de la relation contractuelle.
Dans ces deux dernières situations, on peut parler d'une opposabilité de facto impossible;
Lorsque l'on prend simultanément en compte ces deux éléments, on obtient le tableau ci-après:
Opposabilité
Non opposabilité
Complétude
Situation 1
Situation 3
Incomplétude
Situation 2
Situation 4
On voit ainsi à l'évidence que ces contrats ne se ressemblent pas. Comment peut-on alors les qualifier?
La situation 1 correspond à ce qui est généralement appelé dans la littérature le "contrat classique".
Cette forme de contrat est celle qui est reconnue dans les droits civils de tous les pays du monde. La
situation 4 correspond à ce qui est de plus en plus fréquemment dénommé comme un "contrat
relationnel"; certains juristes sont réticents à qualifier ces relations de contractuelles. Les situations
intermédiaires font davantage débat. Les juristes théoriciens de l'imprévision auront tendance à
considérer le contrat de la situation 2 comme un contrat relationnel et donc comme n'étant pas un
véritable contrat; au contraire, ils considèreront la situation 3 comme un réel contrat malgré son
opposabilité difficile à mettre en œuvre. On peut synthétiser les contrats de la manière suivante:
Situation 1
Situation 2
Situation 3
Contrat classique
Situation 4
Contrat relationnel
Complétude
Opposabilité
Incomplétude
Non-Opposabilité
A partir de ce qui précède, il faut bien reconnaître, notamment dans le secteur de la santé, que bien peu
de contrats seraient reconnus comme tels par les juristes classiques. Dans beaucoup de situations, les
conditions strictes ne sont pas remplies. Et pourtant, on voit bien que ces situations profitent
réellement du recours à la contractualisation.
Il ne faut par conséquent pas renoncer à recourir à la contractualisation. D'une part, il faut considérer
que le monde juridique est lui-même en évolution: la notion de contrat relationnel est de plus en plus
reconnue. D'autre part, les acteurs qui s'engagent dans des relations contractuelles qui présentent des
degrés d'imprévision ou de non opposabilité doivent être conscients des limites de leurs contrats et en
tirer toutes les conséquences.
10
Comme le montre le schéma ci-dessus, la réalité se situe fréquemment entre les deux extrêmes du
"contrat classique" d'une part et du "contrat relationnel" d'autre part. Ce continuum doit être apprécié
et le tableau suivant indique les éléments que l'on retrouve plutôt d'un côté ou plutôt de l'autre.
Contrat classique
•
•
•
Transaction instantanée ou à court terme
Complétude des termes du contrat: pas
d'imprévision
Activité simple - mandat clair
Séparation des acteurs: pas de contacts
entre eux
Suspicion: comportement opportuniste
Respect du contrat par tribunal: sanction
"Faire faire"
•
•
Théorie de l'agence
Marché - Appel d'offre
•
•
•
•
Contrat relationnel
•
•
•
Par sa nature, il est incomplet
S'inscrit dans la durée
Activités complexes – mandat large
Coopération – interdépendance
Confiance
De jure ou de facto, on ne peut pas recourir
au tribunal pour son respect: self enforcing
Pas de sanction possible
Arrêt ou non renouvellement
"Faire ensemble" - coopération
•
•
Partenariat
Négociation
•
•
•
•
•
•
Le contrat classique se définit donc à partir des caractéristiques suivantes: l'objet du contrat est clair, le
contrat est de durée limitée, les parties savent exactement, dès le moment de la formation du contrat, à
quoi elles s'attendent, l'avenir est prévisible et peut être décrit dans le contrat (complétude des clauses
contractuelles).
Mais la réalité sanitaire est différente; dans de nombreux cas, l'avenir ne peut pas être connu avec
certitude, des aléas peuvent survenir (une épidémie par exemple): ces hypothèses résultent de ce que
les économistes appellent l'hypothèse de rationalité limitée, qui postule que les agents sont incapables
d'appréhender correctement toutes les alternatives qui s'offrent à eux ni toutes les conséquences de
leurs choix. Il n'est pas possible de déterminer à l'avance toutes les actions qui devront être mises en
place; il devient impossible et/ou trop coûteux de prévoir tous les cas de figure qui peuvent survenir
(ce que l'on appelle l'incomplétude des contrats). Il en est notamment ainsi dans les relations
complexes. La volonté d'entrer en relation contractuelle n'en est pas moins réelle: on parlera alors de
contrat relationnel. Le contrat relationnel est basé sur la confiance que se font des acteurs pour agir
dans l'intérêt commun. De ce fait, il n'est pas nécessaire que le contrat soit complet et détaillé; il
suffira de s'entendre sur les grands objectifs de la relation, sur les méthodes de travail et sur les
moyens que l'on mobilisera pour réaliser les actions. La flexibilité et la coopération qui caractérisent
ce type de contrat se veulent garantes non seulement de la pérennité mais également de l'efficacité et
de la paix contractuelles.
Le contrat relationnel est donc un accord négocié entre des acteurs, généralement appartenant au
secteur public, qui permet de clarifier le rôle de chacun dans une entreprise ou action commune. La
force de ces accords n'est pas liée à l'imposition éventuelle de sanctions par un tribunal mais plutôt au
fait que les parties doivent travailler ensemble. Les contrats relationnels font une place importante à la
relation entre les parties contractantes, renonçant ainsi à un certain degré de précision pour miser
davantage sur l'esprit de l'accord conclu, ce qui laisse une certaine latitude en cas d'imprévu (on
parlera de l'"incomplétude" du contrat). Les contrats relationnels font donc principalement appel à la
confiance, à la souplesse et à l'emploi de formules générales pour parer aux incertitudes de
l'environnement (politique et financier) ainsi qu'à la difficulté de fixer des objectifs précis et de
mesurer des résultats. Si l'engagement des acteurs ne peut être juridiquement contraint, il n'en est pas
moins réel. Simplement, il prend d'autres voies et repose sur d'autres mécanismes: valeur accordée à la
11
parole donnée, crédibilité et réputation de l'acteur reposant sur le respect de ses engagements, mais
également contrôle social. Pour qu'un contrat relationnel donne les résultats escomptés, il doit
s'inscrire dans le cadre d'un régime de gestion continue des relations, de dialogue et de négociation. Ce
sont ces éléments qui poussent les acteurs à respecter leurs engagements, à poursuivre leur coopération
et à éviter les comportements opportunistes: la théorie des "signaux relationnels" est basée sur cette
logique que les cocontractants doivent s'adresser en permanence des signaux mutuels, dans lesquels
chacun cherche à assurer l'autre de ses intentions coopératives. Dans certains cas, un contrat trop
détaillé et dans lequel sont évoqués avec force détails les modalités de résolution des litiges peut être
un signe que les contractants ne se font pas confiance.
Le contrat relationnel fait apparaître un certain degré de coopération entre les acteurs. Pour aborder
cette dimension, il est utile de faire appel à la notion de partenariat. Lorsque l’on parle de partenariat,
on a en général à l’esprit l’idée de la collaboration, de la coopération. Un partenaire est alors celui qui
est à côté de vous, avec qui on va "faire ensemble". La notion de partenariat désigne une entreprise
commune engageant de multiples partenaires. On facilite la résolution de problèmes, on partage les
efforts, le travail et l'information et on s'épaule dans l'atteinte de résultats acceptables pour tous. Le
partenariat induit un certain nombre d'éléments communs: les intervenants dépendent les uns des
autres, les solutions émergent des différentes critiques constructives de chacun, les responsabilités sont
partagées et les décisions entérinées par tous. Tous ces aspects constituent ce que l'on définit en
général par le terme de partenariat. Or, dans la réalité, il y a très peu de ce type de partenariat. Celui-ci
se traduit davantage par le fait d’être l’un en face de l’autre. Le partenaire est plutôt celui qui est en
face de vous même si on ne le considère pas comme un ennemi. Prenons un exemple: souvent on parle
du partenariat du Ministère de la Santé avec les ONG. Or il est très rare les cas où la relation
contractuelle est basée sur le « faire ensemble »; il s’agit beaucoup plus fréquemment du « faire
faire ». Le Ministère de la Santé passe des contrats de services avec des ONG pour la réalisation de
certaines activités ou il passe un contrat de gestion déléguée pour ses formations sanitaires publiques.
Le partenaire pour le Ministère de la Santé est ici l'agent qui va réaliser des activités en son nom.
Certes, le contrat n'aura pas été nécessairement établi selon le mode de la compétition; ainsi le
Ministère de la Santé pourra avoir identifié les ONG avec lesquelles il va développer des relations
contractuelles. Néanmoins, l'objet de la relation contractuelle sera basé sur le "faire faire". On parlera
néanmoins de partenariat en ce sens que la négociation avec ce partenaire ne fera pas selon le mode de
la compétition mais davantage selon le mode de la négociation et sur la base d’une certaine confiance.
Qu'est-ce qui pousse les acteurs à respecter le contrat qu'ils ont signé?
Dans le contrat classique, la réponse est simple: l'acteur qui ne respecte pas le contrat sait que le
tribunal le condamnera. La sanction est forte, car non seulement il devra s'exécuter mais il devra en
outre supporter des pénalités. Par ailleurs, l'acteur ne peut pas se soustraire à la décision de la justice.
Dans le contrat relationnel, il n'est pas possible (de jure ou de facto) de recourir à la justice pour faire
respecter le contrat. On peut alors penser que les acteurs vont chercher à ne pas remplir les obligations
qu'ils ont signées. La réalité est différente: en effet, si un acteur veut se soustraire à ses obligations, il
le peut mais il doit alors savoir que son interlocuteur mettra fin au contrat et/ou ne renouvellera pas
l'engagement. Or, si l'on considère qu'un acteur signe un contrat à partir du moment où il en escompte
des bénéfices nets sur une longue période, il n'est pas dans son intérêt de ne pas respecter le contrat. Il
est au contraire de l'intérêt de cet acteur de montrer à tout moment qu'il respecte ses engagements, de
montrer qu'il est un partenaire digne de confiance et sur qui on peut compter.
12
L'EXTERNALISATION ET LA SOUS-TRAITANCE
"Externalisation" et "sous-traitance" sont des mots qui sont fréquemment utilisés comme des
synonymes. Dans la réalité, les différences sont parfois minces; mais il est utile de rappeler la
différence:
- La sous-traitance est un contrat de service de courte durée par lequel le donneur d'ordre
confie à un contracteur certaines tâches. L'implication du sous-traitant dans l'activité du
donneur d'ordre est très faible: le sous-traitant a pour tâche de livrer le produit ou le service
qu'on lui demande;
- L'externalisation est un transfert stable et durable, décidé dans un cadre stratégique, de
processus internes à un prestataire externe. Contrairement à la sous-traitance, elle se donne,
des obligations de résultats, recherche la responsabilisation du contracteur et le partage de la
valeur. Elle concerne des activités qui contribuent substantiellement à la création d'une partie
de la valeur ajoutée par l'organisation. Cependant, elles ne doivent pas tout à fait appartenir au
cœur du métier de l'organisation. On peut distinguer deux catégories d'activités externalisées: i)
l'externalisation de sous-ensembles du produit final, et, ii)l'externalisation de services
généraux.
Ci-après, les deux termes seront utilisés comme des synonymes.
1. Pourquoi externaliser? Il y a plusieurs raisons pour externaliser:
-
-
Avoir recours à un spécialiste, car on ne peut pas avoir cette spécialité en interne;
Transférer les risques sur les sous-traitants, c'est une plus grande flexibilité pour
s'adapter au contexte sans subir les rigidités d'une administration: néanmoins tous les
risques ne sont pas transférables. Par exemple, pour la restauration, s'il y a une
intoxication alimentaire, l'hôpital se tournera certes vers le sous-traitant, mais
néanmoins l'hôpital reste le responsable aux yeux des patients;
Permet de se concentrer sur son cœur de métier
2. Quels sont les domaines externalisables? On pense bien sûr d'abord aux "fonctions de support":
gardiennage, jardinage, restauration, buanderie, nettoyage, maintenance. Puis on peut penser à
d'autres fonctions de support: comptabilité, facturation, etc., mais aussi à des choses comme
les "déchets d'activités de soins et à risques infectieux". Puis aux actes paramédicaux:
examens de laboratoire, radiologie. Puis à des actes médicaux: envoie des patients dans un
autre établissement pour un acte particulier, venue à l'hôpital d'une équipe spécialisée, etc.
On voit qu'il n'y a pas de limites techniques à l'externalisation. Les choix sont politiques et
datés, c'est-à-dire que ces choix peuvent évoluer dans le temps;
3. Confidentialité: la sous-traitance pose le problème de la confidentialité au sujet des patients.
Les personnels du sous-traitant auront accès à des informations qui sont confidentielles selon
le code de déontologie. Or, ces personnels ne sont pas liés par un tel code. Ils peuvent révéler
ces informations aux proches ou la diffuser largement. C'est surtout vrai pour des domaines
tels que le cancer ou le SIDA. Une solution pourrait consister à établir une charte de la
confidentialité établie avec les prestataires (ou une chambre des petites entreprises) que tout
sous-traitant s'engage à respecter lorsqu'il signe un contrat avec un hôpital;
4. Relations entre les personnels de l'hôpital et ceux du sous-traitant. Ces derniers ne font pas
partie de l'hôpital; il n'y a donc plus les liens habituels hiérarchiques. Comment un infirmier
13
peut-il dire quelque chose à un balayeur sous-traité? Il faut que cela ait été clairement explicité
dans le contrat et que les personnels du sous-traitant, comme de l'hôpital, aient été formés en
conséquence;
5. Les syndicats: ils sont souvent des opposants farouches à l'externalisation. En effet, lorsque
l'on externalise un service existant de l'hôpital, cela veut dire que les postes vont être
supprimés ou que ceux qui les occupent seront redéployés…vers des postes souvent moins
qualifiés, qui ne correspondent pas à la qualification première ou qu'ils seront redéployés
géographiquement (vers un autre hôpital). Par ailleurs, les syndicats considèrent que
l'externalisation aura pour conséquence de faire appel à une main d'œuvre moins qualifiée,
plus docile et moins syndicalisée. Perte de leur pouvoir au sein de l'hôpital;
6. Dans l'externalisation, le cahier des charges (cahier de prescription spéciale) prend tout son
sens. Il définit toute la relation contractuelle dans le détail;
7. Lorsque l'on a externalisé, est-ce que l'on peut revenir en arrière: principe de "réversibilité".
Théoriquement, oui; mais dans la réalité, cela se révèle souvent difficile; car il faut recréer de
toute pièce un service que l'on a supprimé auparavant. Entre temps, les compétences qui
existaient au sein de l'institution ont disparu et il sera coûteux de les recréer;
8. La compétition: si on veut externaliser, il faut être en mesure de faire jouer la concurrence
entre les prestataires potentiels. Or, très souvent cette concurrence n'est pas possible car il
n'existe, sur la place considérée, au mieux qu'un seul prestataire possible. L'hôpital sera ainsi
otage de ce prestataire;
9. La qualification des prestataires potentiels: dans les pays en développement, très souvent il n'y
a pas de prestataires sérieux, réellement capable de faire le travail. Même pour des activités
simples telles que la restauration, il n'est pas certain qu'il existe des entreprises capables de
fournir une restauration pour un hôpital;
10. Notion de mieux disant: il est évident que la technique classique du moins disant est néfaste
car elle ne permet pas d'identifier celui qui produira le service le plus approprié. Il faut
également que la procédure de sélection permette la possibilité de négocier avec le ou les
prestataires éventuels. Par conséquent, il faut que les règlements du pays le permettent.
11. Marché cadre ou marché pluri-annuels. Souvent, pour des raisons de principe d'annualité
budgétaire, les contrats ne sont que de un an; or, pour une entreprise, il est important de savoir
qu'elle s'engage sur une plus longue durée, sous réserve qu'elle fasse correctement son travail.
Elle s'investira plus si elle sait qu'elle a le marché pour plusieurs années. Là encore, il faut que
le code des marchés publics le permette;
12. On voit l'intérêt qu'il y a à développer une politique en matière d'externalisation, elle-même
pièce de la politique nationale de contractualisation. Il faut ainsi définir quel type
d'externalisation on veut, quelles sont les règles du jeu, comment établir et conduire la relation
contractuelle, etc.
13. Souvent, l'externalisation est utilisée lorsque l'on a un problème et que l'on ne trouve pas de
solutions en interne. Dans ce cas, fréquemment l'externalisation ne résout pas le problème à la
base. L'externalisation agit comme un remède qui ne soigne pas le mal. Et elle ne marche pas.
Aussi, avant de se poser la question de l'opportunité de l'externalisation, il faut chercher si l'on
ne peut pas améliorer en interne. Parfois, la seule menace d'externaliser peut être le
déclencheur d'une amélioration en interne! On peut ainsi arriver à la notion de
contractualisation (externalisation) en interne, à savoir que la direction de l'hôpital passe un
contrat interne avec le service de restauration (ou autre);
14
14. Le désengagement de l'hôpital: si celui-ci, au moyen de l'externalisation, cherche à se
désengager, cela ne marche pas. L'externalisation demande de la part de l'hôpital un suivi
permanent du contrat. Ce n'est pas que des rapports financiers ou administratifs. Il faut
regarder si les résultats sont atteints, si la qualité est au rendez-vous et si les patients sont
satisfaits;
15. Doit-on définir le contrat par la définition des moyens qui sont engagés ou par les résultats
attendus? Par exemple, pour le nettoyage, va-t-on définir le nombre de passages de l'agent
d'entretien, les heures de passages, etc. Ou va-t-on dire qu'il faut que le local soit en
permanence propre (libre au sous-traitant de s'organiser comme il veut pour atteindre ce
résultat). Une des retombées de l'externalisation peut être qu'elle a forcé l'hôpital à mieux
définir ce qu'il voulait; cette meilleure définition des choses n'aurait pas nécessairement eu
lieu s'il n'y avait pas eu externalisation ;
16. Pour comparer les avantages de l'externalisation par rapport à la production en interne, il faut
être capable de comparer les deux situations. Or, ce n'est jamais facile. Tout d'abord, dans un
hôpital, il n'y a pas de comparaison en simultané, puisque les deux situations ne peuvent pas
cohabiter (il n'y a pas un service de restauration de l'hôpital et un service de restauration soustraitée). Donc, soit la comparaison se fait dans le temps (situation antérieure et postérieure)
soit entre établissements hospitaliers (qui ne sont jamais parfaitement comparables). Par
ailleurs, il faut être en mesure de prendre en compte tous les coûts (notamment les coûts
salariaux pour la production en interne) et les coûts sociaux induits par l'externalisation. Du
côté des bénéfices, il faut aussi ne pas considérer que les aspects purement financiers mais
regarder aussi les aspects de qualité et de satisfaction, notamment de la part des patients;
17. Il est plus facile d'externaliser des activités non permanentes que des activités permanentes,
notamment si quelqu'un réalise déjà dans l'institution ces activités.
15
LES CONTRATS D'ACHAT DE SERVICES DE SANTE
1- A QUOI CORRESPOND CE TYPE DE CONTRACTUALISATION?
Il s'agit ici d'un type de contrat qui renvoie à des situations très différentes.
Par contrats d'achats de service de santé, il faut entendre les contrats portant sur des produits finis
c'est-à-dire les services produits par les prestataires et non pas l'achat d'inputs qui, dans certains cas,
sont des services intermédiaires. Pour comprendre la distinction, on utilisera le graphique suivant:
Marché du
travail
achat
Input - main d'œuvre
achat
achat
Prestataires
de services
de santé
Détenteur
de fonds
Fournisseurs
Input - biens
Output - services
de santé
achat
Input Services
intermédiaires
Prestataires
de services
intermédiaires
On parle ici de la relation entre celui-ci qui détient des fonds et qui veut les utiliser pour acquérir des
services de santé auprès d'un prestataire de services de santé.
On doit alors poser la question suivante: "qui achète quoi et à qui?"
1. Qui achète? Il y a trois catégories d'acheteurs:
- l'individu: avec ses revenus, l'individu peut lui-même acheter des services de santé. Le
malade se rend chez le médecin praticien libéral. Le paiement qu'il donne à ce praticien est un
contrat, certes non écrit, mais le paiement marque l'entente entre les deux parties;
- l'assureur: celui-ci détient un mandat de l'assuré pour se substituer à lui et acheter auprès d'un
prestataire les services de santé dont il a besoin. L'assureur est donc le mandataire des assurés
et agit en leur nom;
- l'État (ou une collectivité locale): celui-ci, a reçu mandat de la population, au travers du
système fiscal, de mettre en place des services de santé ou de les acheter auprès de prestataires
autonomes ou indépendants. Le Ministère de la Santé peut agir directement ou passer par une
agence à laquelle il a confié cette tâche.
2. Achète quoi? Les acheteurs achètent:
16
- des services de santé (ce que l'on appelle en général les activités sanitaires): une consultation
chez le médecin ou un centre de santé et les traitements afférant, une hospitalisation, etc.
- ou des services ayant un lien manifeste avec la santé: par exemple, une moustiquaire
imprégnée n'est pas une activité sanitaire mais elle contribue manifestement à la santé.
3. Achète à qui? L'acheteur s'adresse alors à:
- un prestataire public: il s'agira ici d'une formation sanitaire publique: hôpital ou centre de
santé;
- un prestataire privé à but lucratif: on trouvera ici aussi bien le médecin praticien libéral que
l'hôpital privé ou la clinique privée;
- une institution à but non lucratif: cette institution - une ONG/association en général- mène
ses activités soit au travers d'une formation sanitaire (hôpital, centre de santé) soit en dehors
d'une formation sanitaire
Prestataire
Acheteur
ONG/Association
Formation
Hors formation
sanitaire
sanitaire
Formation
sanitaire
publique
Prestataires
privés à but
lucratif
Individu
Assureur
Ministère de la Santé :
directement
Ministère de la Santé :
agence
Les contrats d'achats de services de santé peuvent donc se décliner sous différentes formes:
- lorsque l'acheteur est l'individu, il s'agit très généralement d'un contrat implicite, c'est-à-dire
que l'individu s'adresse à un prestataire et paie le service obtenu. Ce paiement vaut contrat;
- lorsque l'acheteur est un assureur, celui-ci reçoit mandat de ses adhérents pour passer des
contrats avec les prestataires de services de santé. A priori, l'assureur peut passer des contrats
avec tous les types de prestataires de services de santé. Ces contrats peuvent être rangés dans
deux grandes catégories: 1) les contrats qui sont déclenchés par la fréquentation d'un
prestataire par un adhérent de l'assureur: le contrat porte sur les modalités de remboursement
des frais et sur les conditions d'accueil lorsque l'adhérent fait appel au prestataire, et, 2) les
contrats par capitation: le financement par capitation est une manière de payer les soins de
santé d’un groupe de personnes. Suivant ce mode de financement, un prestataire reçoit un
montant forfaitaire par personne de la part de l'assureur. Le prestataire utilise les fonds reçus
pour fournir des services répondant aux besoins de santé de toutes les personnes inscrites chez
lui ou faisant partie de sa région géographique;
- lorsque l'acheteur est le Ministère de la Santé (directement ou au travers d'une agence), il faut
distinguer selon qu'il s'agit de services de santé fournis par des formations sanitaires ou en
dehors des formations sanitaires:
. Dans le premier cas, le contrat est entre le Ministère de la Santé en tant qu'acheteur et
la formation sanitaire en tant que prestataire, celle-ci étant représentée par son
propriétaire qui peut être une entité publique autonome, une ONG/Association ou une
société voire un propriétaire personne physique.
17
. Dans le second cas, le contrat est entre le Ministère de la Santé en tant qu'acheteur et
une ONG/Association directement prestataire d'activités ayant un lien avec la santé.
Toutefois, tous ces contrats d'achat de services ont un point commun, à savoir qu'il y a un
acheteur qui, en contrepartie de l'argent qu'il met sur la table, veut obtenir des services de
santé de la part de prestataires qui acceptent de les fournir dans les conditions déterminées
dans le contrat.
2- QUELS EN SONT LES AVANTAGES?
Pour l'acheteur:
- il peut faire appel à une entité qui dispose de meilleurs compétences que lui;
- il peut réaliser des économies, notamment en faisant jouer la concurrence;
- il se trouve déchargé de l'organisation de la prestation et peut se consacrer à ses missions
premières qui sont de s'assurer qu'il obtient les meilleures services pour la population
Pour le prestataire:
- il obtient ainsi des financements pour réaliser les activités pour lesquelles il a des
compétences;
- il peut développer ses services grâce à ces financements
3- A QUOI FAUT-IL FAIRE ATTENTION DANS LE RECOURS A CE TYPE DE CONTRACTUALISATION?
L'acheteur doit avoir les capacités requises à chacune des étapes du processus contractuel:
- savoir initier une relation contractuelle, notamment en déterminant s'il recourra à la
technique de l'appel d'offre ou à la négociation;
- élaborer les termes du contrat
- suivre le contrat dans toute sa mise en œuvre
- être capable d'analyser les résultats du contrat et évaluer l'intérêt de poursuivre la relation
contractuelle.
L'acheteur doit être en mesure d'analyser l'intérêt de recourir à ce type de contractualisation plutôt que
d'assurer lui-même les services de santé. S'il s'agit du Ministère de la Santé, ce dernier sera souvent
critiqué pour avoir privatisé la prestation de services de santé.
Le prestataire doit mesurer les inconvénients de dépendre, sur le long terme, des financements de
l'acheteur.
18
LA GESTION DELEGUEE
1- A QUOI CORRESPOND CE TYPE DE CONTRACTUALISATION?
La gestion déléguée concerne une institution publique. A priori, toute institution publique peut être
l'objet d'une gestion déléguée; toutefois, dans le secteur de la santé, la gestion déléguée concerne
principalement les hôpitaux publics et, dans une moindre mesure, les centres de santé.
Une instance publique (Ministère de la Santé ou collectivité locale)4, qui est propriétaire d'un hôpital
(ou d'un centre de santé), a quatre solutions qui s'offrent à elle:
- La gestion directe: cela signifie que cet hôpital sera géré directement par le Ministère de la
Santé. Bien sûr, rien n'empêche, au niveau central du Ministère de la Santé, d'accorder une
certaine autonomie de gestion à cet hôpital. Mais celui-ci ne sera doté d'aucune personnalité
juridique et par conséquent le responsable final demeure le Ministère de la Santé. Il s'agit donc
d'un service déconcentré;
- La privatisation: dans ce cas, le Ministère de la Santé, pour des raisons qui lui appartiennent,
décide de ne plus être impliqué dans la prestation de services de santé hospitaliers. Il vend
alors son hôpital public à une entité privée à but lucratif ou non. Le nouveau propriétaire gère
alors cet hôpital comme il le souhaite, sous réserve évidemment de respecter les lois et
règlements en vigueur dans le pays. Par exemple, un texte peut l'obliger à ce que le directeur
de l'hôpital ait un type donné de qualification. Le Ministère de la Santé aura pour tâches: 1) le
contrôle du respect des textes, et 2)une certaine supervision de cet hôpital;
- L'autonomie, au sens juridique: le Ministère de la Santé souhaite conserver la propriété de
son hôpital mais il souhaite responsabiliser les gestionnaires de cet hôpital. Il va alors doter cet
hôpital d'un statut juridique spécifique: souvent celui d'établissement public. La gestion de
l'hôpital devient la responsabilité du Conseil d'administration de cet Etablissement public. La
notion de tutelle est ici importante et sera variable selon les pays;
- la gestion déléguée: la logique est différente: le Ministère de la Santé souhaite rester
propriétaire mais il ne veut plus assurer la gestion de cet hôpital, ni directement (gestion
directe) ni indirectement (établissement autonome). Le Ministère de la Santé va chercher une
entité qui va gérer cet hôpital à sa place et en son nom:
. à sa place: cela veut dire que le Ministère de la Santé n'assure plus les responsabilités
au quotidien; par exemple, s'il n'y a plus d'argent pour acheter les médicaments de
l'hôpital, ce n'est plus l'affaire du Ministère de la Santé mais du gérant;
. en son nom: cela veut dire que le Ministère de la Santé reste concerné. La
responsabilité finale reste celle du Ministère de la Santé: par exemple, si l'hôpital ne
marche pas bien, le Ministère de la Santé doit faire quelque chose: il peut reprendre
par exemple la gestion.
NB: on l'aura compris, lorsque l'on parle de gestion déléguée, on s'intéresse à l'instance qui fera
fonctionner, au nom du Ministère de la Santé, l'hôpital et non de la gestion au sens de "faire la
comptabilité" de l'hôpital.
4
Par commodité ici, on parlera du Ministère de la Santé sachant que le raisonnement peut être aussi appliqué
pour les collectivités locales.
19
Les formes de gestion déléguée : la gestion déléguée entraîne donc l'élaboration d'un contrat
dans lequel le Ministère de la Santé et le délégataire s'entendent sur les modalités de gestion de
l'hôpital. Elle peut prendre des formes diverses qui elles-mêmes renvoient aux contextes et aux
droits nationaux. On distinguera deux cas en particulier selon le degré d'implication de l'entité
privée (le délégataire) dans les infrastructures et les équipements:
. L'entité privée reçoit du Ministère de la Santé les moyens existants - les bâtiments et les
équipements- dans l'état où ils se trouvent pour exécuter la mission de service public. En
général, les travaux d'entretien, de maintenance et de renouvellement sont partagés entre le
déléguant et le délégataire selon des modalités qui seront prévues au contrat. En termes
techniques, et dans les droits d'obédience française, on parlera d'affermage; dans les droits
d'obédience anglophone, on parlera de lease contract. Ces moyens restent propriété de
l'État;
. L'entité privée prend en charge la construction des bâtiments et acquière les équipements.
Ceux-ci reviendront à l'État à l'issue de la convention (laquelle est en générale de longue
durée). Dans les droits d'obédience française, on parlera de concession; dans les droits
d'obédience anglophone, on parlera de Build, Operate, Transfer (B.O.T.) (Construire,
exploiter, transférer)
Dans tous les cas, le contrat sera soit limité dans le temps soit les modalités pour mettre fin au
contrat auront été définies. Ainsi, le Ministère de la Santé a la possibilité d'exercer sa
responsabilité finale. Si le contrat se déroule mal, il peut reprendre la gestion de l'hôpital pour
l'exploiter lui-même ou pour la donner à un autre exploitant qui aura été sélectionné. Par
ailleurs, le contrat ayant une fin, l'exploitant sait que ce contrat ne sera pas automatiquement
renouveler et que la décision dépendra sans doute de l'évaluation qui sera conduite et par
conséquent des résultats qu'il aura atteints.
2- QUELS EN SONT LES AVANTAGES?
Les avantages du recours à la gestion déléguée sont à rechercher pour les deux parties en présence:
A- Pour le Ministère de la Santé :
- Pour un Ministère de la Santé, si l'alternative est entre le recours à l'autonomie et la gestion
déléguée, l'avantage pour la gestion déléguée est qu'il est fait appel à un partenaire extérieur au
Ministère de la Santé qui pourra apporter sa technicité et, parfois, certains moyens propres;
- Sans pour autant se désengager de sa responsabilité, le Ministère de la Santé n'a plus à se
préoccuper de la gestion au quotidien de cette structure;
- Vis-à-vis des autres acteurs tels que les populations ou les pouvoirs locaux, il met une
interface qui assumera les problèmes. Il transfert les risques au délégataire;
B- Pour le délégataire:
- Très généralement, le délégataire aurait préféré constituer sa propre formation sanitaire pour
développer ses activités comme il le souhaite. Mais, soit il n'y a pas été autorisé soit, ce qui est
le cas le plus fréquent, il ne dispose pas des moyens pour le faire. La gestion déléguée d'une
formation sanitaire est alors un moyen de réaliser les activités sans avoir à investir;
- Le délégataire bénéficie immédiatement de la zone géographique définie dans la carte
sanitaire. Il sait qu'il n'aura pas de concurrence publique sur cette zone;
- Le délégataire jouit immédiatement de certains avantages qui lui sont donnés par le Ministère
de la Santé. En général, le contrat de gestion déléguée contiendra des avantages tels que: accès
20
à des formations pour les personnels, avantages fiscaux, accès à des circuits
d'approvisionnement, voire même l'affectation de personnels publics payés par l'État, etc.
3- A QUOI FAUT-IL FAIRE ATTENTION DANS LE RECOURS A CE TYPE DE CONTRACTUALISATION?
Si la gestion déléguée présente des avantages, elle présente aussi des risques.
A. Pour le Ministère de la Santé:
1. Le Ministère de la Santé devra choisir son délégataire. Il peut le faire en recourant à l'une ou
l'autre des deux grandes modalités que sont l'appel d'offre ou le gré à gré:
- l'appel d'offre: par cette technique, le Ministère de la Santé fait confiance à la
concurrence pour voir émerger la meilleure proposition. Il pense ainsi qu'il y a
plusieurs candidats potentiels qui vont concourir, déposer une offre et il pourra choisir
le meilleur (selon des critères qu'il aura préalablement définis);
- le gré à gré: le Ministère de la Santé pense qu'il connaît les institutions capables
d'assurer cette gestion déléguée et que par conséquent il est plus efficace de rentrer
directement en discussion avec ce ou ces instances pré-identifiées.
Le choix de l'une ou de l'autre technique dépend donc assez largement du contexte et par
conséquent des institutions capables d'assurer cette fonction.
Il peut être important que ces modalités de choix aient été définies au niveau de la politique
nationale de santé ou, et c'est encore mieux, au niveau d'une Politique nationale de
contractualisation. Dans ce cas, les règles sont définies et le Ministère de la Santé n'a plus qu'à
s'y tenir. S'il n'y a pas de règles préétablies, le Ministère de la Santé doit à chaque fois
redéfinir les modalités de ses choix, avec les inconvénients que l'on imagine aisément.
Notamment, il est important de définir si n'importe qui peut se porter candidat ou si on ne
retiendra que certains types de candidats. Par exemple, on pourra stipuler que seules les
institutions sans but lucratif peuvent être candidates. Si ce n'est pas stipuler, cela signifie que
les institutions à but lucratif peuvent concourir: or, il pourra s'avérer difficile de les écarter car
elles sont capables, au moins sur le papier, de présenter de bons dossiers.
2. L'hôpital public géré par le Ministère de la Santé a une mission de service public.
Normalement, le Ministère de la Santé devrait souhaiter que cette mission de service public
soit prolongée au travers de la gestion déléguée. Là encore, il est important qu'au niveau de
règles établies, le respect de cette mission soit clairement affirmé. Si cela est le cas, les
négociations avec les délégataires en seront considérablement facilitées puisqu'il n'y aura plus
de discussions sur ce point. Par ailleurs, dans le cas où la relation contractuelle pose problème
dans sa mise en œuvre, il sera facile au Ministère de la Santé d'invoquer le non respect de cette
clause de respect de la mission de service public
On voit ainsi que les deux éléments - modalités de choix du délégataire et respect de la
mission de service public- permettront d'éviter au Ministère de la Santé de se trouver dans des
situations délicates à justifier auprès de l'opinion publique ou des partenaires sociaux
(syndicats, partis politiques). Sa tâche de sélection du délégataire en sera grandement facilitée
si les textes qui posent ce garde-fou sont clairs.
3. La gestion déléguée est souvent perçue par certains acteurs (syndicats, partis politiques)
comme une forme de privatisation et de désengagement de l'État:
- il est clair qu'elle n'est pas une forme de privatisation au sens propre du terme
puisqu'il n'y a pas de transfert de droits de propriété. Par contre, il est clair que les
21
modalités de gestion emprunteront davantage au monde du privé: en général, les
employés ne seront plus des fonctionnaires, la comptabilité ne sera plus la
comptabilité publique, le délégataire n'est pas soumis au code des marchés publics, il
est libre de s'approvisionner où il le souhaite et selon des procédures qui lui
conviennent, etc.;
- désengagement de l'État. Dans de nombreux cas, il faut bien reconnaître que la
décision de gestion déléguée a été prise par le Ministère de la Santé pour se
désengager de charges qu'il ne voulait ou pouvait plus assumer; dans ce cas, on peut
effectivement parler de désengagement. Par contre, si la décision a été prise après un
examen objectif des forces et des faiblesses du public par rapport au privé, on ne peut
pas réellement parler de désengagement. Par ailleurs, et surtout, il n'y aura pas
désengagement si le Ministère de la Santé joue pleinement son rôle d'encadrement et
de surveillance auprès du délégataire. Là encore, il faut bien reconnaître que, dans de
nombreux cas, ces rôles ne sont pas réellement assurés par le Ministère de la Santé qui
laisse aller des situations sans intervenir et qui s'aperçoit, souvent trop tard, que le
délégataire a failli à ses devoirs et obligations. A la décharge de ces derniers, il faut
aussi reconnaître que l'État a souvent tendance à ne pas respecter ses engagements
dans cette gestion déléguée: souvent, l'Eta ne verse pas les aides ou subventions qu'il
s'est engagé à fournir au délégataire.
B. Pour le délégataire:
Pour obtenir la gestion déléguée de la formation sanitaire, le délégataire a du accepter bon nombre de
conditions définies par le Ministère de la Santé. Bien sûr, la réalité dépendra des pouvoirs de chacun
au moment de la négociation; mais il est clair que le délégataire est sous liberté surveillée.
En résumé, le succès ou l'échec d'une gestion déléguée ne tiennent généralement pas à l'élaboration
du contrat mais plutôt de son suivi. Ainsi, on observe fréquemment que:
- le Ministère de la Santé considère qu'il s'est désengagé de ses responsabilités;
- le délégataire a tendance à agir comme s'il était devenu le nouveau propriétaire de la
formation sanitaire.
Lorsqu'il en est ainsi, il y a de fortes chances que la gestion déléguée se passe mal. Par contre, lorsque
les deux acteurs jouent pleinement leurs rôles - rôle d'accompagnement pour le Ministère de la Santé
et respect de la mission de service public pour le délégataire- on peut alors observer une réelle
complémentarité des deux parties prenantes au bénéfice des populations.
4. LA CONCESSION
La concession est une forme de gestion déléguée. Toutefois, ci-dessus, on a plutôt présenté le cas où le
Ministère de la Santé disposait d'une formation sanitaire dont il ne voulait plus assurer la gestion. Dans
la concession, il n'existe pas de formation sanitaire: ce sera au délégataire de la construire et elle sera
sa propriété pendant un certain nombre d'années avant de la remettre plus tard au Ministère de la Santé.
Par exemple, le Ministère de la Santé a un district sanitaire dans lequel il n'existe pas d'hôpital: plutôt
que de construire lui-même cet hôpital, il trouve un concessionnaire qui construit l'hôpital, le fait
fonctionner pendant une durée assez longue (plusieurs dizaines d'années) et en est propriétaire pendant
cette durée.
Pour le Ministère de la Santé, l'avantage est qu'il n'a pas besoin de construire cette formation sanitaire
et donc de disposer des crédits nécessaires. Le concessionnaire, quant à lui, est plus libre que dans le
cas précédent car il est propriétaire de l'infrastructure dans laquelle il travaille.
22
Le cas de concession pour des formations sanitaires de rang hospitalier est en réalité assez rare car
l'investissement est important et le rendement financier sera faible. Le concessionnaire préfèrera plutôt
obtenir un agrément du Ministère de la Santé pour créer sa propre structure.
Par contre, la concession s'est développée dans les cas où l'investissement est faible: par exemple,
l'installation de jeunes médecins dans des zones rurales.
Il est rare de rencontrer des concessions, dans le secteur de la santé, dans lesquelles le Ministère de la
Santé n'apporte rien d'autre que l'espace géographique.
Enfin, on peut avoir des formes mixtes de situations ci-dessus. Par exemple, le Ministère de la Santé
concède l'exploitation de tout un district sanitaire dans lequel il existe déjà certaines formations
sanitaires mais dans lequel le concessionnaire accepte de compléter l'offre existante par certaines
constructions ou réhabilitations importantes.
5. EXEMPLES DE GESTION DELEGUEE
- Le centre de santé de Ménontin au Bénin
Le centre de santé de Ménontin est en réalité un hôpital de district. Il y a quelques années, cet hôpital a
été réhabilité avec des fonds provenant de la Banque mondiale. Le Ministère de la Santé, plutôt que
d'exploiter lui-même cet hôpital, a décidé d'en donner la gestion à une ONG. Un contrat de gestion
déléguée a donc été signé et cet hôpital fonctionne depuis lors dans ce cadre.
- installation de jeunes médecins au Mali et à Madagascar
C'est dans cette logique que s'inscrivent également certaines actions visant à faciliter l'installation de
jeunes médecins dans des zones rurales non dotées de structures sanitaires. Par exemple, au Mali ou à
Madagascar, le Ministère de la Santé a facilité l'installation de ces jeunes médecins en signant avec
eux un contrat stipulant qu'ils sont les seuls personnels de santé installés sur une zone géographique
bien délimitée mais qu'en contrepartie ils doivent assurer les soins de santé primaires tels que définis
dans la politique nationale de santé5. Les analyses de ces expériences montrent que cette insertion
d'une médecine libérale conventionnée, même si elle rencontre des difficultés au départ, est néanmoins
possible, y compris dans les zones rurales défavorisées et permet d'apporter une solution là où
l'approche classique par des structures sanitaires n'était pas possible en raison des contraintes
financières.
- les CSCOM avec les ASACO au Mali
En 1990, le MSP, conscient des limites d'un système de santé centralisé, basé sur l'hôpital et une offre
de soins gratuite, adopte une nouvelle politique sectorielle dont l’axe majeur repose sur une
responsabilisation accrue des populations qui auront en charge désormais la gestion des Centres de
Santé COMmunautaires (CSCOM) par l'intermédiaire d’une ASACO. Les ASACO sont gestionnaires
des CSCOM; les deux entités se créent d’ailleurs simultanément dans un processus de treize étapes
codifié par le Ministère de la santé dont l’aboutissement est une convention d’assistance mutuelle,
signée entre l’ASACO et l’État. Cette approche se fonde sur un partage des responsabilités et des
engagements financiers entre population et l’État, formalisé dans la convention d’assistance mutuelle
dont la structure type prévoit: une définition des missions de santé et de gestion du CSCOM, le
5
ONG "Santé sud" avec l'appui de la Coopération française et de l'Union européenne. L’aide à l’installation
prévoit un équipement médical de base. Le candidat peut aussi solliciter un prêt pour l’achat d’une moto et une
avance de trésorerie. Le médecin de campagne s’engage sur un « cahier de charges » à répondre aux problèmes
de santé de sa zone de référence (soins et prévention). Il doit effectuer des consultations itinérantes à jours fixes
dans les principaux villages et visites à domicile.
23
financement de 75% de l’infrastructure et de l’équipement dont le stock initial de médicament,
l’ASACO finançant la différence, le fonctionnement du CSCOM avec le fruit de la tarification. Enfin,
la convention fixe les modalités par lesquelles le ministère de la santé va exercer son contrôle de
tutelle, par l’intermédiaire de l’équipe-cadre de cercle (district), et des dispositions en cas de nonrespect des engagements ou de dénonciation de la convention. Un partenariat basé sur la
contractualisation a donc été érigé comme principe de la politique nationale de santé et est applicable
à l’ensemble du système malien de soins de santé primaires, ce qui implique une révision en
profondeur des rôles de l’État et des populations, l’État quittant son rôle de prestataire direct des
services de santé de base. De nombreux problèmes se posent néanmoins: i)celui des zones non ou peu
viables, les ASACO s'étant surtout développées dans les zones financièrement favorisées, ii)le
problème de la convention d’assistance mutuelle qui s’avère à l’usage devenir un contrat type limitant
les négociations au minimum et laisse trop de zones d’ombres (comme des modalités d’évaluation et
de contrôle très peu définies ou aucune précision sur les qualifications requises du personnel engagé).
Pour perdurer, ce modèle doit évoluer, notamment en intégrant le nouveau partenaire apparu avec la
décentralisation administrative: les collectivités locales.
On notera une expérience similaire en Côte d'Ivoire avec les Formations sanitaires à base
communautaire (FSU-Com) où l'association gestionnaire signe une convention de "concession de
service public" avec le Ministère de la Santé Publique.
- La concession de l'ensemble d'un district sanitaire à une ONG au Cambodge
A partir de 1999, avec l'appui d'un prêt de la Banque asiatique de Développement, le Ministère de la
Santé du Cambodge établit des contrats de quatre ans avec des ONG pour la prestation des services de
santé de l'ensemble d'un district sanitaire. Le contrat inclut les salaires des personnels de santé, les
coûts récurrents, les médicaments et consommables médicaux. En termes d'activités, le contrat prévoit
que les services de santé doivent assurer le paquet minimum d'activités pour les centres de santé et le
paquet complémentaire d'activités pour les hôpitaux de district.
L'administration locale dépendant du Ministère de la Santé conserve les tâches de supervision des
formations sanitaires sous contrat ainsi que la collecte de l'information. Elle doit faire rapport
également sur la mise en œuvre du contrat et son bon fonctionnement.
Les premières analyses révèlent que les changements dans les habitudes de fonctionnement sont si
profonds que les ONG ayant obtenu le contrat avec le Ministère de la Santé éprouvent des difficultés à
prendre la pleine mesure de leurs nouveaux rôles. Les analyses montrent aussi qu'en retenant cette
approche géographique le Ministère de la Santé donne au concessionnaire la possibilité d'adopter une
approche systémique sur le district dont il a la charge et ainsi lui donne davantage les moyens
d'organiser le système local de santé.
24
L'ASSOCIATION A LA MISSION DE SERVICE PUBLIC
1- A QUOI CORRESPOND CE TYPE DE CONTRACTUALISATION?
Pour le Ministère de la Santé, la situation est ici l'inverse de celle de la gestion déléguée. En effet, on a
une institution privée qui est propriétaire et gestionnaire d'un hôpital installé dans une zone
géographique du pays. Jusque là cet hôpital, qui bien sûr a reçu une autorisation de fonctionner (acte
unilatéral de l'administration), fonctionne en isolement, à savoir qu'il développe ses activités comme il
l'entend. Toutefois:
- cet hôpital privé, sans doute sans but lucratif (mais ceci n'est pas une condition sine qua
none), tient à ce que ses activités s'inscrivent dans la politique nationale de santé: par exemple,
cet hôpital respecte le Paquet Complémentaire d'activités, respecte les tarifs en vigueur définis
par le Ministère de la Santé, a de bons contacts avec l'administration sanitaire de la zone, etc.;
- le Ministère de la Santé a examiné la situation et a observé ce comportement de l'hôpital
privé et juge que ce comportement n'est pas sensiblement différent de celui d'un de ses
hôpitaux qu'il gère directement. Par ailleurs, le Ministère de la Santé constate que dans cette
zone géographique, il n'y a pas d'hôpital public, que par ailleurs il n'a pas les moyens d'en
construire un et que, même s'il en avait les moyens, ce serait sans doute un gaspillage d'avoir
deux hôpitaux pour couvrir cette zone.
Fort de ces constats, ces deux institutions peuvent se rapprocher afin de voir comment elles pourraient
mieux définir leurs intérêts communs. Plutôt que de laisser la situation comme elle est (laquelle peut
ne pas être mauvaise), elles jugent qu'il serait préférable de formaliser une entente qui définirait leurs
positions.
Bien évidemment, le point de départ est la notion de "mission de service public". Le Ministère de la
Santé souhaite ainsi que l'hôpital privé remplisse -continue à remplir ou remplisse mieux- la mission
de service public sur la zone géographique telle qu'elle serait remplie s'il y avait un hôpital public. Sur
cette base, le Ministère de la Santé et l'hôpital privé vont chercher à élaborer une entente dont la
finalité est l'"association de l'hôpital privé à la mission de service public". "Associer" signifie que
l'hôpital privé ne sera pas un hôpital public: il conservera ses modalités spécifiques de fonctionnement.
Mais, dans le même temps, "associer" signifie que le Ministère de la Santé le reconnaît comme
remplissant les fonctions de mission de service public comme si c'était un hôpital public. On pourrait
dire que cette organisation privée, propriétaire de ses structures et disposant de moyens propres,
devient ainsi concessionnaire de service public.
2- QUELS EN SONT LES AVANTAGES?
L'association marque donc des engagements de part et d'autre:
- le Ministère de la Santé, par cette reconnaissance, s'engage à ne pas installer un hôpital
public dans la même zone au cours des prochaines années. Mais, plus, il va s'engager à aider
cet hôpital à assurer cette mission de service public. En effet, si cet hôpital privé n'avait pas
existé, il aurait du faire quelque chose pour les populations de cette zone. Cette aide peut
prendre des formes très diverses: affectation de personnels d'État, subventions pour certaines
activités, dotation en équipement, aide à l'amélioration des bâtiments, achat et/ou dotation en
médicaments, accès aux formations dans le pays ou à l'étranger, etc.. Bien sûr, en contrepartie,
le Ministère de la Santé devra accepter que cet hôpital soit géré selon des modalités privées; il
devra accepter que certaines activités ne soient pas réalisées exactement comme il le
souhaiterait;
25
- pour l'institution privée, il y a de nombreux avantages à cette association avec l'État. Outre
les bénéfices ci-dessus, l'institution privée se voit ainsi confortée dans son rôle. Elle peut
continuer sa mission sans risquer de se voir contestée par le Ministère de la Santé, voire
remise en cause. Elle n'a plus à craindre une éventuelle concurrence dans sa zone. Par contre,
en contrepartie, elle doit accepter de fonctionner comme le souhaite le Ministère de la Santé,
elle doit accepter certaines formes d'ingérence, en ce sens que le Ministère de la Santé aura ses
exigences qui ne lui conviennent pas nécessairement parfaitement;
- le contrat d'association au service public de formations sanitaires privées rend plus facile la
tâche de l'administration sanitaire déconcentrée. En effet, cet hôpital a accepté d'entrer en
partenariat et à réaliser les activités selon le souhait du secteur public. Toutefois, là encore, ce
type de supervision demande des aménagements. En effet, il s'agit de superviser un partenaire
et non un privé traditionnel.
L'association est donc un contrat qui ne peut pas s'apprécier à partir d'éléments financiers uniquement.
Elle est aussi une forme de partenariat, dans le sens de collaboration. Elle nécessite d'avoir des visions
communes sur les activités et la manière de les mener. Il faut partager l'évolution sur le futur; en ce
sens, elle n'est pas un contrat sur le présent.
3- A QUOI FAUT-IL FAIRE ATTENTION DANS LE RECOURS A CE TYPE DE CONTRACTUALISATION?
Si l'association à la mission de service public présente des avantages, elle présente aussi des risques.
A. Pour le Ministère de la Santé:
- Les partisans de la prestation publique prétendront souvent que l'agrément de l'hôpital privé
est suffisant et qu'il n'y a pas de raison de signer un accord qui aura pour but d'apporter des
moyens au secteur privé; les financements publics doivent être réservés au secteur public et ne
pas aller au soutien du secteur privé;
- Le Ministère de la Santé, dans la négociation avec la formation sanitaire privée, ne doit pas
accepter de trop s'écarter de la mission de service public et accepter des éléments trop
spécifiques au secteur privé.
B. Pour le secteur privé:
- En passant un contrat d'association avec le Ministère de la Santé, l'organisation privée perd
de son autonomie: parce qu'elle reçoit des aides publiques, il lui faudra rendre des comptes,
accepter d'être supervisée. Elle dépendra de la bonne volonté du Ministère de la Santé pour le
renouvellement de ses soutiens;
- En passant un contrat d'association avec le Ministère de la Santé, l'organisation privée devra
accepter de réaliser les activités comme le souhaite le Ministère de la Santé. Par exemple, la
formation sanitaire religieuse devra accepter de pratiquer le planning familial.
4. LE RECOURS AUX CONVENTIONS-CADRE
Les institutions privées peuvent se regrouper dans une sorte d'union. Cette union regroupe plusieurs
institutions qui peuvent posséder chacune une ou plusieurs formations sanitaires, y compris des
hôpitaux. Il peut être avantageux pour cette union, mais aussi pour le Ministère de la Santé, de ne pas
signer des contrats d'association spécifiques pour chacun de ces établissements, mais de signer une
convention-cadre d'association à la mission de service public. Cette convention-cadre peut remplacer
entièrement les contrats spécifiques ou simplement servir de cadre aux contrats spécifiques
d'association qui seront signés dans le cadre de cette convention-cadre. Cette convention-cadre définit
alors les grandes modalités de l'association à la mission de service public.
26
Pour les institutions privées comme pour le Ministère de la Santé, il y a des économies d'échelle à
procéder ainsi. En effet, il n'est plus nécessaire de réinventer la roue pour chaque hôpital; de nombreux
points ne seront ainsi négociés qu'une seule fois et s'appliqueront alors à plusieurs hôpitaux.
Enfin, il convient de noter que ces institutions privées, propriétaires et gestionnaires de structures de
santé, peuvent ne pas remplir de mission de service public. Cela n'empêche pas pour autant le
Ministère de la Santé, outre la reconnaissance de leur activité au travers d'un système d'accréditation,
de développer des arrangements contractuels avec elles afin de définir les collaborations ou soutiens à
leur apporter en contrepartie des activités qu'elles réalisent.
5. EXEMPLES D'ASSOCIATION A LA MISSION DE SERVICE PUBLIC
Par exemple, les hôpitaux des églises en Tanzanie et au Ghana sont par contrat les seules structures de
référence d'une zone géographique donnée. En Zambie, le Memorandum of Understanding signé en
1996 entre le Ministère de la Santé et la Church Medical Association of Zambia établit que les
conseils d'administration des hôpitaux appartenant aux églises ont les mêmes pouvoirs que ceux
relevant du secteur public. Dans de nombreux pays, il s'agit en fait de contrats implicites. Ainsi, au
Tchad, la carte sanitaire du pays s'articule autour des formations sanitaires existantes que celles-ci
soient publiques ou privées; par la carte sanitaire, une formation sanitaire privée se voit donc confiée
la responsabilité de la santé des populations de la zone mais cette responsabilité reste implicite. Afin
d'éviter de nombreux problèmes, il serait cependant souvent utile de formaliser cette reconnaissance
dans des arrangements contractuels.
27
LE PARTENARIAT PUBLIC - PRIVE
1- A QUOI CORRESPOND CE TYPE DE CONTRACTUALISATION?
Depuis le début des années 1990, s'est développée dans certains pays de l'OCDE la notion de
"Partenariat public - privé" (PPP). Par rapport aux formes contractuelles développées ci-dessus, le PPP
se distingue notamment par le fait que l'opérateur privé ne tire pas sa rémunération des usagers ou du
public mais de la personne publique qui a opéré le contrat. Prenons l'exemple d'un Ministère de la
Santé ou d'un établissement public de santé qui veut construire une nouvelle infrastructure.
Traditionnellement, ils devront tout d'abord chercher les financements nécessaires, puis, en tant que
maîtres d'ouvrage, s'adresser à des concepteurs pour élaborer le projet, puis à une entreprise maître
d'œuvre pour encadrer la construction, et, celle-ci enfin réalisée, ils devront éventuellement trouver
une entreprise qui assurera la maintenance de cette infrastructure (dans ses multiples aspects:
maintenance des bâtiments et des équipements mais aussi restauration, gardiennage, buanderie, etc.).
Ce schéma présente plusieurs inconvénients. La recherche de financement n'est pas un des moindres,
les institutions publiques n'ayant pas nécessairement facilement accès au marché des capitaux. Ensuite,
la fonction de maître d'ouvrage n'est pas à la portée des petits hôpitaux qui doivent ainsi recourir à la
maîtrise d'ouvrage déléguée. Cet hôpital se trouve ainsi face à un nombre élevé de contrats séparés. La
notion de PPP permet de simplifier cette approche. L'acteur public s'adresse à un partenaire privé (ou à
un groupement (consortium) d'acteurs privés) et ce dernier prendra à sa charge la totalité des fonctions
ci-dessus séparées6. Il financera, concevra, construira et maintiendra l'infrastructure; pour utiliser cette
infrastructure, l'acteur public paiera une redevance à l'acteur privé. L'hôpital se trouve ainsi débarrassé
de toutes les questions d'"intendance" et peut se consacrer pleinement à sa fonction principale que sont
les soins. Les caractéristiques de ce PPP sont les suivantes:
. L'acteur public reste l'exploitant de l'activité réalisée dans cette infrastructure;
. La propriété de l'infrastructure, au moins pendant la durée du contrat, est celle de l'acteur privé;
. Le financement de l'opération est de la responsabilité de l'acteur privé;
. L'acteur privé est en général un acteur du privé à but lucratif;
. Le PPP n'est pas réservé au secteur de la santé: on le retrouve dans des secteurs aussi divers
que l'éducation, les routes, les transports, l'eau ou les prisons.
Définition
Un contrat de partenariat public - privé est un contrat à long terme par lequel un organisme
public associe une entreprise du secteur privé au financement, à la conception, à la réalisation
et à l'exploitation d'un ouvrage public.
NB: face à cette appellation "partenariat public - privé", il faut être vigilent sur deux points:
- le mot "partenariat" est ambigu: il peut désigner aussi bien celui qui est à vos côtés que celui
qui est en face de vous mais avec qui vous entrez en relation. Dans le premier cas, on est dans
la logique du "faire ensemble": deux acteurs s'entendent pour conjuguer leurs efforts face à un
6
En général, on crée généralement une nouvelle société pour chaque PPP: un SPV, pour special purpose vehicle.
Il est constitué d’un constructeur, d’un exploitant (souvent une filiale du constructeur) et d’un ou plusieurs
financiers (généralement des banques). Les opérations comptent deux volets: l’un de construction, l’autre
d’exploitation.
28
objectif commun: il y a un aspect de complémentarité. Dans le deuxième cas, il n'y a pas de
volonté d'agir ensemble: les acteurs sont partenaires simplement parce qu'ils sont en relation;
la relation définit les rôles et les responsabilités de chacun des acteurs;
- le partenariat public - privé dans le secteur de la santé, et notamment au niveau des pays en
développement, a surtout été utilisé pour définir les relations entre le Ministère de la Santé et
les acteurs privés, et plus particulièrement les ONG. Il s'agit alors de voir comment le
Ministère de la Santé et les ONG peuvent entrer en relation pour la réalisation d'activités de
santé. On dira ainsi que le Ministère de la Santé est partenaire de telle ONG parce qu'il lui a
accordé une subvention pour mener une campagne de sensibilisation à la vaccination des
enfants.
2- QUELS EN SONT LES AVANTAGES?
Cette technique présente des avantages. Ainsi, les finances publiques et donc la dette publique se
trouvent allégées. L'État n'a pas besoin de trouver les moyens financiers pour réaliser des
investissements. Dans le même temps, l'État évite deux écueils idéologiques: il peut ainsi réduire
l'influence de l'État tout en évitant la privatisation.
Les partisans du Partenariat Public - Privé avancent fréquemment comme avantage la concurrence
parmi les acteurs privés. Ainsi, le secteur public aurait la possibilité de faire jouer la concurrence et
d'obtenir la meilleure prestation au moindre prix.
Pour le décideur politique, le Partenariat Public - Privé est avantageux en ce sens qu'il permet la
réalisation d'investissement à court terme sans qu'il ait eu besoin d'engager des fonds publics. Il s'agit
évidemment d'un avantage à court terme; mais lorsque viendront les inconvénients (il faut rembourser!)
ce décideur politique ne sera plus en poste.
Les partisans du Partenariat Public - Privé soulignent que cette technique permet de transférer les
risques du Ministère de la Santé au partenaire privé; en effet, le Ministère de la Santé n'a plus à se
soucier de rien ni à se préoccuper des éventuels imprévus lors du processus: c'est le partenaire privé
qui les assumera.
Le Ministère de la Santé a ainsi la possibilité de faire appel aux acteurs privés les plus compétents,
ceux-ci étant sans doute plus compétents que lui car pour eux il s'agit de leur savoir-faire alors que le
Ministère de la Santé doit d'abord s'intéresser aux questions de santé qui sont son cœur de métier.
3- A QUOI FAUT-IL FAIRE ATTENTION DANS LE RECOURS A CE TYPE DE CONTRACTUALISATION?
Perte du savoir-faire par le Ministère de la Santé; celui-ci devient ainsi dépendant des acteurs privés
qui, à terme, peuvent profiter de cette situation.
Coûts de surveillance: ils ne sont que très rarement inclus dans les analyses comparatives de coûtsbénéfices entre le secteur public et le secteur privé. La difficulté réside dans le caractère imprévisible
de ces coûts. De plus, les coûts de rédaction de contrats et d’ententes entre les partenaires public et
privé sont aussi bien souvent exclus du modèle de coûts-bénéfices. Même lorsque cette variable est
prise en compte, elle est le fruit d’hypothèses incertaines. Qui plus est, les entreprises, souvent
multinationales, ayant la capacité de participer aux projets d’infrastructure d’envergure, possèdent des
ressources financières, humaines et juridiques supérieures aux agences et aux ministères
gouvernementaux chargés de négocier les ententes de partenariats public-privé. S’ajoute à cela
l’expertise d’ententes précédentes qui favorisent ces entreprises privées au détriment du partenaire
public. Le tout résulte dans des ententes mal ficelées, contraignantes, qui ne procurent pas de réelles
économies, en plus d’instaurer une relation de dépendance entre le secteur public et le partenaire privé
sélectionné. On comprendra que cette dépendance servira l’entreprise privée lors d’une renégociation
ultérieure. Ainsi, les diverses expériences permettent de conclure que les réelles conséquences à long
29
terme de partenariats public-privé ne sont jamais prises en compte lors de la conclusion de telles
ententes, ce qui affecte positivement l’efficience appréhendée de ces partenariats.
Les bénéfices de court terme peuvent s'avérer largement compensés par les coûts sur le long terme. Il
faut donc être vigilent et avoir une vision de long terme pour apprécier un Partenariat Public - Privé.
4. EXEMPLES ILLUSTRATIFS
•
La Grande-Bretagne, avec la Private Finance Initiative (PFI), depuis 1992, est sous doute
la pionnière en la matière. Ainsi, au 1er juillet 2002, on comptait 105 contrats PFI dans le
secteur de la santé.
Le Barnett Hospital à Londres et West Middlesex Hospital à Isleworth ont fait l'objet
d'un contrat PFI avec le Groupe Bouyges Construction et sa filiale anglaise Ecovert.
Pour le second cas, le budget s'élève à 110 millions d'euros pour la partie "conceptionconstruction" et 100 millions d'euros pour la partie "facilities management". L'hôpital
paiera pendant 35 ans un loyer annuel d'environ 15 millions d'euros (indexé sur le coût
de la vie). Les employés d’entretien, de la cafétéria, les gardiens de sécurité, etc.,
changent de patron, mais pas le personnel médical. À la fin du contrat, l’hôpital
reprendra ses droits sur le terrain et le bâtiment.
Les PFI ont le gros avantage de permettre au gouvernement de transférer au secteur
privé les risques liés aux dépassements de coûts et aux retards. Selon le Trésor
britannique, un PFI sur cinq dépasse son budget, contre sept sur dix lorsque l’État est le
seul financier. Et près de neuf PFI sur dix sont “livrés” à temps, contre trois modèles
traditionnels sur dix. “On a obtenu exactement ce qu’on avait demandé, dans les délais
prévus et sans dépassement des budgets", confirme Steve Turner, du West Middlesex
University Hospital.
Il est vrai que le secteur privé a intérêt à remplir ses engagements. Le consortium ne
reçoit ses premières redevances qu’au moment où les travaux sont achevés. Et c’est lui
qui supporte les dépassements de coûts. De plus, pendant les 25 ou 30 ans du contrat, les
redevances peuvent être réduites si les services sont insatisfaisants. Une simple ampoule
non remplacée dans le délai prescrit permet à l’organisme public de réduire son
paiement mensuel.
La formule est populaire. Lorsqu’il est le maître d’ouvrage, l’État doit emprunter. Avec
un PFI, c’est le privé qui assume l’emprunt, l’État ne faisant que payer un “loyer". Le
gouvernement peut ainsi rajeunir ses infrastructures sans accroître la dette.
•
En Australie, le partenariat public - privé s'est beaucoup développé au cours des dernières
années selon une stratégie très proche de celle de la Grande-Bretagne: l'État de Victoria a
été le pionnier en élaborant en l'an 2000 une politique détaillée sur les PPP. On notera les
expériences du "Darent Valley Hospital" ou du "Berwick Community Hospital". Ainsi,
dans ce dernier cas, le contrat avec le consortium privé spécifiquement établi pour cette
opération porte sur le financement, la conception, la construction et la maintenance
(fourniture des services d'information, entretien des espaces, services de sécurité et de
parking). En contrepartie, cet hôpital public paiera un loyer pendant 25 ans avant que la
propriété de l'hôpital ne revienne à l'État.
30
•
Le Québec, en s'inspirant d'ailleurs très largement de l'expérience de la Grande-Bretagne,
développe actuellement la même approche et l'officialise au travers de la loi 61 adoptée fin
2004 qui créée l'Agence des partenariats public - privé du Québec. Cette Agence a pour
mission de contribuer, par ses conseils et son expertise, au renouvellement des
infrastructures publiques et à l'amélioration de la qualité des services aux citoyens dans le
cadre de la mise en œuvre de projets de partenariats publics - privés. Elle a pour fonction
de fournir aux organismes publics tout service d'expertise relatif à l'évaluation de la
faisabilité de projets en mode PPP et à la négociation, à la conclusion et à la gestion de tels
contrats. A ce jour toutefois, on ne compte aucun exemple de ce type de contrats dans le
secteur de la santé.
•
En France, l'ordonnance "Hôpitaux" du 4 septembre 2003 autorise le recours au "Bail
emphytéotique hospitalier" BEH, forme particulière des contrats de partenariat, et créée
la Mission nationale d'appui à l'investissement hospitalier (MAINH). Il s'agit là encore de
montages contractuels qui englobent le financement, la conception, la construction, la
maintenance et l'exploitation du bâtiment et éventuellement un ensemble de prestations de
services liées à ce bâtiment. Sont toutefois strictement exclues du BEH les missions de
soins qui restent strictement cantonnées au service public. L'établissement hospitalier
devient ainsi locataire sur une très longue durée (de 18 ans à 99 ans). Début 2005,
quatorze de ces projets sont en cours d'élaboration.
A l'exception de la Grande-Bretagne, le recul n'est pas suffisant pour évaluer cette
stratégie. Il faut toutefois souligner qu'elle entraîne de nombreuses discussions voire
hostilités. Sans entrer ici dans les détails, la principale critique concerne le degré de
privatisation du système de santé qui sera induit par le recours à ces techniques de PPP.
Les syndicats, mais aussi certains partis politiques, y voient une occasion pour le privé (à
but lucratif) de s'infiltrer dans les services publics. Certains vont même plus loin en
indiquant que cette stratégie permet d'éviter une privatisation directe qui est toujours
politique sensible mais conduit à terme au même résultat, à savoir une privatisation de
fait. La seconde critique concerne les coûts de ces opérations: plusieurs analyses montrent
que les économies attendues ne sont pas toujours au rendez-vous et que, tous comptes
faits, de telles opérations s'avèrent, sur le long terme, finalement coûteuses pour les
finances publiques.
31
LES CONTRATS DE PARTENARIATS
1- A QUOI CORRESPOND CE TYPE DE CONTRACTUALISATION?
Beaucoup de contrats, notamment les contrats classiques, s'inscrivent dans une logique de
"faire faire" et d'achat de services. Ici la logique est toute autre. Il s'agit de contrats dans lesquels la
stratégie de mise en œuvre s'appuie sur le "faire ensemble", c'est-à-dire sur la coopération et la
collaboration entre les acteurs, lesquels se considèrent comme des partenaires.
Ces partenaires, au travers du contrat, cherchent à voir comment ils peuvent s'entendre pour
contribuer chacun à la réalisation d'un objectif commun. A la base de cette coopération contractuelle,
se situe une volonté d'interpénétration organisationnelle. Celle-ci peut être appréhendée de différentes
manières. Tout d'abord, elle se caractérise généralement par des engagements durables de la part des
acteurs; les relations qui sont créées demandent du temps pour s'établir mais également pour se
développer et produire des effets. Les parties se rencontrent et échangent en prévoyant que leur
relation se poursuivra dans le futur. Ensuite, et peut-être surtout, le degré de coopération entre les
acteurs est variable. Ainsi, après avoir identifié leurs synergies, les acteurs, ensemble, vont contribuer
à la réalisation d'un objectif commun. Pourtant, dans certains cas, chacun, avec ses spécificités, sera
actif, mais autonome, dans la production de cet objectif, alors que dans d'autres cas, ces acteurs
exécuteront ensemble tout ou partie des tâches nécessaires à la réalisation de l'objectif. Enfin, cette
coopération contractuelle sous-entend qu'à chacun des moments de la relation contractuelle, les acteurs
participent pleinement aux décisions de mise en œuvre du contrat et aux ajustements rendus
nécessaires par les événements survenus lors du contrat; en effet, la complexité qui caractérise ces
contrats rend illusoire toute formalisation complète du contrat et exige flexibilité dans la mise en
œuvre du contrat, entraînant des prises de décision permanentes, voire des renégociations de certains
aspects.
Ainsi, la coopération contractuelle peut être définie comme "un accord établi dans une
perspective de long terme impliquant une interaction entre membres d'organisations indépendantes qui
combinent ou mettent en commun leurs moyens". Concrètement, cette coopération contractuelle peut
s'exprimer de diverses manières: on distinguera deux grandes catégories selon le degré
d'interpénétration organisationnelle.
Les accords à interpénétration organisationnelle faible
Ces accords correspondent au cas où des acteurs s'entendent sur un cadre de coopération
(objectifs, moyens); par contre, la mise en œuvre des activités laisse une large autonomie à chacun de
ces acteurs. Sans prétendre être exhaustif, on peut rentrer dans cette catégorie les accords suivants:
•
Le franchising: par rapport à une entente contractuelle classique entre deux partenaires, la
franchise se distingue par les éléments suivants: i)le franchiseur doit être en mesure d'apporter
quelque chose aux franchisés (apports financiers et matériels, apports de savoir-faire), ii) la notion
de réseau: à la base du système, il y a l'idée qu'une instance supérieure veut harmoniser un réseau
d'entités juridiques ayant un objectif commun. Le franchiseur est ainsi un animateur de réseau dont
il s'efforce de garder la cohérence.
•
La collaboration entre établissements de soins et associations de bénévoles: ainsi, depuis le 4
mars 2002, la loi française autorise les établissements hospitaliers publics ou privés à signer des
conventions avec des associations de bénévoles afin que celles-ci interviennent dans
l'établissement hospitalier: on notera par exemple l'intervention d'associations de bénévoles dans
32
le champ des soins palliatifs pour l'accompagnement des malades, ou d'associations se chargeant
de l'accompagnement périscolaire d'enfants hospitalisés.
•
L'approche en terme de réseaux: si, par le passé, la continuité des soins était presque
exclusivement assurée par le corps médical, actuellement, l’implication de plusieurs catégories de
professions sanitaires et sociales est sollicitée. La reconnaissance de la multiplicité des
déterminants de la santé invite à des approches multidisciplinaires. La prise en charge globale du
patient devient de plus en plus une nécessité; l'objectif qui est alors poursuivi consiste à mieux
coordonner la chaîne des soins délivrés aux patients par les acteurs de la santé conjointement ou
successivement. La réponse opérationnelle à cette logique prend de plus en plus la forme d'un
réseau de soins. La contractualisation qui en résulte a donc pour résultat de formaliser le rôle de
chacun des acteurs dans un dispositif cohérent d'approche globale du patient.
•
Les contrats de jumelage: ces contrats permettent la collaboration entre, par exemple, des
établissements hospitaliers de pays du sud et de pays du nord. Cette coopération peut également se
situer au niveau des collectivités territoriales: on parlera alors de coopération décentralisée.
Les accords à interpénétration organisationnelle forte
Ces accords correspondent aux cas où des acteurs s'entendent sur un cadre de coopération
(objectifs, moyens) et réalisent ensemble certaines activités, voire toutes les activités, permettant
d'atteindre les objectifs du contrat. Là encore, sans prétendre être exhaustif, on peut rentrer dans cette
catégorie les accords suivants:
•
La cogestion: la cogestion, vue comme un partage d'autorité et de responsabilité, peut être
appréhendée à un niveau macro: on parlera ainsi dans le cas français de la cogestion des
organismes de sécurité sociale par le patronat et les syndicats. Mais on peut le voir également
à un niveau micro: par exemple dans la gestion d'un établissement de soin. Ainsi en est-il
d'une certaine approche de la participation communautaire: cette vision s'inscrit dans les
formes nouvelles de l'Initiative de Bamako. Concrètement, on retrouve, au niveau de la
formation sanitaire, un comité de cogestion ou conseil d'administration de l'établissement qui
est composé à la fois de membres du personnel de santé (le chef de poste) et de représentants
des institutions représentant la communauté : municipalités, associations. Un équilibre doit
s'instaurer entre d'une part l'administration sanitaire qui doit garantir que les formations
sanitaires respectent leur mission de service public et la population d'autre part qui, dans la
mesure où elle participe de façon significative à leur financement doit pouvoir se prononcer
sur, et contrôler, l'utilisation faite de sa contribution financière. Cette cogestion s'exprime
cependant de diverses façons dans la réalité : (i) dans une gestion quotidienne (par exemple, la
gestion partagée des recettes du recouvrement des coûts entre les membres du comité de
gestion et le chef de poste du centre de santé) ou, (ii) concerner les grandes orientations de la
politique d'un établissement de soins (par exemple, la participation d'une association d'usagers
au conseil d'administration d'un établissement hospitalier). Ainsi, le contrat, au sens large du
terme, est constitué par les modalités de cogestion définies par les acteurs concernés.
•
Les alliances: on est ici au cœur de la notion de "faire ensemble". Les accords qui en
découlent mise sur une participation active des partenaires. Ils reposent sur une
complémentarité des ressources, des technologies et du savoir-faire. Ces alliances peuvent
prendre deux formes:
- La première réfère à ce que le monde industriel appelle les "alliances stratégiques":
il s'agit d'accords dans lesquels les partenaires définissent leurs modalités de
coopération, c'est-à-dire comment ils mettent en commun quotidiennement leurs
ressources pour atteindre l'objectif qu'ils se sont fixés. Cela peut prendre la forme de
contrats d'inter-établissements, par exemple, entre deux hôpitaux;
33
- La deuxième: deux entités décideront que, pour la réalisation d'une activité donnée,
elles vont créer une filiale commune. Cette coopération contractuelle ne se matérialise
pas dans un contrat mais dans le statut de leur filiale commune. Par exemple, i)deux
hôpitaux peuvent décider de mettre en commun certains de leurs services: examens
spécifiques de laboratoires, services spécifiques de comptabilité, etc., ii)des
prestataires de soins de santé décident de partager une structure d'approvisionnement
en médicament. Pour ce faire, leur alliance peut prendre la forme d'une filiale
commune, par exemple un Groupement d'Intérêt économique (GIE); dans certains
pays, les établissements publics ont la possibilité juridique de créer des services
communs jouissant eux-mêmes d'une certaine autonomie (direction et budget séparés).
L'esprit de la coopération contractuelle se manifeste dans le statut de filiale ou entité
commune dans lequel chacune des entités-mères définissent leurs engagements.
2- QUELS EN SONT LES AVANTAGES?
L'avantage de cette contractualisation est qu'elle formalise les ententes que des acteurs cherchent à
développer entre eux. On passe ainsi de l'entente informelle à une entente formelle qui définit les
engagements des uns et des autres.
La contractualisation force ainsi les parties prenantes au contrat:
- à mieux définir leur relation
- à marquer leur engagement au travers d'un contrat qui les lie.
3- A QUOI FAUT-IL FAIRE ATTENTION DANS LE RECOURS A CE TYPE DE CONTRACTUALISATION?
Ce type de relation contractuelle pose cependant un certain nombre de problèmes qui peuvent conduire
à une inefficacité.
- Opposabilité: les parties prenantes à ce type de contrat doivent avoir conscience qu'il s'agit
de contrats qui ne sont pas réellement opposables, c'est-à-dire que l'on ne pourra pas recourir à
la justice pour demander le respect du contrat. Cette non-opposabilité n'est pas de jure:
généralement, ces contrats sont passés entre des entités qui disposent d'une personnalité
morale. Mais cette non-opposabilité est plutôt de facto: il est très difficile dans la réalité à ces
acteurs qui se connaissent et qui travaillent ensemble de recourir à la justice. Il est difficile à
un ministre de la santé d'aller devant la justice avec une ONG qui a une bonne réputation dans
le pays.
En conséquence, le respect des engagements passe par d'autres voies. La première est bien sûr
la possibilité, pour un acteur, d'arrêter unilatéralement la collaboration s'il estime que les
choses ne marchent pas comme prévu ou de ne pas renouveler le contrat. La seconde voie peut
être de mettre en place des instances de concertation qui éviteront, en amont, l'apparition de
conflits. La troisième voie emprunte à la notion d'incitation: le contrat devra définir les
incitations qu'il y a à poursuivre la collaboration
- les ambigüités de la notion de partenariat: les contrats de partenariat, comme cela a été dit
plus haut, repose sur la notion de faire ensemble. Or, de nombres expériences montrent que la
réalité est souvent bien différente. Le contrat de collaboration se transforme en un contrat
d'achat de services. Par exemple, lorsqu'un Ministère de la Santé passe un contrat avec une
ONG, bien souvent ce contrat est dénommé contrat de partenariat, laissant entendre que les
deux acteurs vont collaborer. Or, dans la réalité, on observe que le Ministère de la Santé se
contente d'apporter une subvention à l'ONG; celle-ci utilise alors ces moyens pour mener les
activités prévues au contrat, mais en les menant seule, et à rendre compte à la fin du contrat au
Ministère de la Santé de la bonne utilisation des fonds.
34
- l'opportunisme des partenaires: le partenariat ne signifie pas l'altruisme des acteurs. Ce n'est
pas parce que deux acteurs souhaitent collaborer que, par définition, chacun va nécessairement
oublier ses intérêts. Le partenariat n'est donc pas la naïveté. Les partenaires restent
opportunistes. Le contrat doit donc veiller à ce que les acteurs n'aient pas intérêt à adopter des
comportements opportunistes.
- il s'agit souvent de contrats incomplets: pendant la période contractuelle, les acteurs vont
devoir agir en fonction de l'esprit du contrat davantage que dans le respect de la lettre. Les
acteurs seront d'autant plus enclin à respecter l'esprit du contrat qu'ils souhaitent que la relation
se poursuive, et ce parce qu'ils en attendent des bénéfices substantiels.
35
LA FRANCHISE
1- A QUOI CORRESPOND CE TYPE DE CONTRACTUALISATION?
La situation de départ peut généralement est décrite comme suit. On observe une diversité d'acteurs
(publics, mais généralement plutôt privés) qui mènent de manière indépendante des activités de santé
ou ayant un lien avec la santé. Un acteur donné (généralement le Ministère de la Santé, mais cela peut
être un autre acteur) considère qu'il serait utile que tous ces acteurs agissent dans le même sens et
collaborent à un même objectif.
Par exemple, le Ministère de la Santé constate que les médecins privés détectent mal la tuberculose,
proposent des traitements qui ne sont pas ceux préconisés dans les standards définis par le pays. Par
ailleurs, le Ministère de la Santé n'est pas capable d'apporter une réponse satisfaisante au travers de ces
formations sanitaires. Il va alors proposer de franchiser les médecins privés. Il leur apportera les
formations et informations sur les bonnes pratiques et il les paiera pour le suivi individuel des malades.
En contrepartie, les médecins privés acceptent de suivre ces pratiques.
Par rapport à une entente contractuelle classique entre deux partenaires, la franchise se distingue par
les éléments suivants: i)le franchiseur doit être en mesure d'apporter quelque chose aux franchisés
(apports financiers et matériels, apports de savoir-faire), ii) la notion de réseau: à la base du système, il
y a l'idée qu'une instance supérieure veut harmoniser un réseau d'entités juridiques ayant un objectif
commun. Le franchiseur est ainsi un animateur de réseau dont il s'efforce de garder la cohérence. Les
franchisés savent qu'ils appartiennent tous au même réseau: cette identification par rapport au réseau
est importante.
Selon le Code européen de déontologie, la franchise est définie comme "un système de
commercialisation de produits et/ou de services et/ou de technologies, basé sur une collaboration
étroite et continue entre des entreprises juridiquement et financièrement distinctes et indépendantes, le
franchiseur et ses franchisés dans lequel le franchiseur accorde à ses franchisés le droit et impose
l'obligation d'exploiter une entreprise en conformité avec le concept du franchiseur".
Dans le secteur de la santé, on distingue actuellement deux types de franchise. Cette distinction est
basée sur l'objet de la franchise:
- la franchise classique: à l'instar de la franchise commerciale, la franchise dans le secteur de la
santé peut être utilisée pour la réalisation d'un certain nombre d'activités ou de prestations pour
lesquelles les franchisés peuvent obtenir une rémunération de leurs patients. Le franchiseur
apporte alors sa contribution sous forme d'expertise ou achète les services aux prestataires
franchisés;
- la franchise sociale: elle suit les même règles que la franchise classique; simplement, elle
concerne un objet social, c'est-à-dire un objet qui ne donne pas lieu à un paiement de la part
des bénéficiaires. Par exemple, la distribution de produits et de services de santé familiale dans
les pays en développement. Ainsi, une ONG internationale, disposant de fonds en provenance
d'une coopération bi-latérale, finance des prestataires privés afin qu'ils offrent, à la population,
des produits et des services de santé de la reproduction et de planning familial qui soient de
qualité. Sans cet appui, ces services n'auraient jamais été offerts par ces prestataires ou
l'auraient été avec une mauvaise qualité.
36
2- QUELS EN SONT LES AVANTAGES?
A- Pour le franchiseur :
- par le contrat qu'il signe avec les franchisés, le franchiseur amène ceux-ci à agir dans le sens
qu'il souhaite et à respecter un certain nombre de standards qui auront été définis par lui ou en
commun accord avec les franchisés;
- le franchiseur peut ainsi accorder son label à un dispositif: la présence de ce label peut
donner confiance à la population;
- le franchiseur réalise une coordination de l'action de tous les franchisés. Les franchisés
abandonnent leurs mauvaises pratiques;
- en contrepartie de son apport, le franchiseur peut avoir des exigences pour ses franchisés;
c'est ce qui constitue son pouvoir;
- le franchiseur peut améliorer les capacités techniques des franchisés en leur apportant les
formations nécessaires.
B- Pour le franchisé :
- il obtient un soutien de la part du franchiseur qui lui permet de mener des activités dans de
bonnes conditions;
- dans un certain nombre de cas, le praticien avait de mauvaises méthodes non pas par
malveillance mais parce qu'il ne savait ou pouvait pas faire autrement. Par la franchise, ce
praticien obtient les moyens d'avoir de meilleures pratiques dont il est convaincu;
- le franchisé se sent serein et moins seul car il appartient à un groupe et à un réseau qui le
soutiennent. Le franchisé n'a pas que des liens avec le franchiseur: il en a aussi avec ses
collègues franchisés;
- le franchisé peut bénéficier des formations qui lui faisaient défaut dans sa pratique antérieure.
3- A QUOI FAUT-IL FAIRE ATTENTION DANS LE RECOURS A CE TYPE DE CONTRACTUALISATION?
La mise en œuvre d'une franchise demande de nombreuses capacités de la part du franchiseur:
- le franchiseur doit savoir comment créer cette franchise;
- il doit être capable de l'animer et la faire fonctionner. Les liens entre le franchiseur et les
franchisés sont tout à fait spécifiques: il y a à la fois une relation d'agence et une relation de
partenariat. Le franchiseur n'a pas autorité sur le franchisé; mais il dispose de son apport pour
faire prévaloir ses points de vue. Il ne s'agit pas non plus d'une relation de partenariat au sens
de faire ensemble : le franchisé dépend largement du franchiseur.
Le franchiseur doit être capable de s'engager sur le long terme. On n'arrête pas une franchise au bout
de quelques mois. Il faut donc disposer des moyens sur le long terme.
Une franchise demande du temps avant de produire ses effets, car elle entraîne toujours un
changement de comportement de la part des franchisés.
La franchise dans le secteur de la santé demande la création d'un état de confiance réciproque entre le
franchiseur et les franchisés. Cette situation demande souvent beaucoup de temps avant d'être
pleinement instaurée.
37
4- EXEMPLES DE FRANCHISE
- La stratégie "Direct Observed Treatment Short-course, DOTS" (en français, traitement de
brève durée sous surveillance directe) est aujourd’hui considérée comme l’une des
méthodes les plus efficaces pour lutter contre la tuberculose au moindre coût. Il s'agit
d'assurer un bon dépistage de la tuberculose et de veiller à ce que les malades suivent
effectivement une antibiothérapie. Dans les pays en développement, on observe que les
Programmes Nationaux de lutte contre la Tuberculose ont beaucoup de mal à faire face à la
situation et que le secteur privé, lorsqu'il agit seul, est inefficace (mauvais diagnostic,
référence tardive ou inexistante, traitement inapproprié…). La collaboration s'avère donc
nécessaire. Plusieurs pays, tels que l'Inde, le Bangladesh, le Cambodge, la Chine, le Népal,
expérimentent des formes de franchising. Le Programme National de lutte contre la
Tuberculose (PNLT) du pays i)définit un protocole standardisé de traitement et, ii) passe
des contrats avec les praticiens privés qui vont suivre le traitement d'un certain nombre de
patients en suivant ce protocole de traitement. Le PNLT apporte par conséquent son savoirfaire et encadre le dispositif. Les franchisés constituent un réseau de personnels de santé
qui agissent contractuellement sous le label du PNLT;
- Expériences de l'USAID et de ses ONG satellites dans le domaine de la santé de la
reproduction et du planning familial: Mali, Haïti, Pakistan, etc.;
- Expériences dans le domaine du SIDA: Ghana et Kenya, franchise sociale avec des
centres de santé privés pour la distribution des ARV;
- Quelques pays ont expérimenté des réseaux de franchise au niveau de formations
sanitaires privées de premier niveau: par exemple, le réseau PROSALUD en Bolivie et le
réseau ZamHealth en Zambie.
38
LES RESEAUX
1- A QUOI CORRESPOND CE TYPE DE CONTRACTUALISATION?
Il est d’usage que le médecin praticien réfère son patient à un niveau plus spécialisé de compétence
lorsque la condition de son patient l’exige. Si, par le passé, la continuité des soins était presque
exclusivement assurée par le corps médical, actuellement, l’implication de plusieurs catégories de
professions sanitaires et sociales est sollicitée. La reconnaissance de la multiplicité des déterminants
de la santé invite à des approches multidisciplinaires.
La prise en charge globale du patient devient de plus en plus une nécessité; l'objectif qui est alors
poursuivi consiste à mieux coordonner la chaîne des soins délivrés aux patients par les acteurs de la
santé conjointement ou successivement.
La réponse opérationnelle à cette logique prend de plus en plus la forme d'un réseau de soins. Une
définition : "le réseau est une forme d'organisation au sein de laquelle des professionnels, issus de
disciplines et de structures différentes, après avoir défini en commun un certain nombre d'objectifs,
ont construit, par la négociation, des règles de pratiques et d'ajustements mutuels dont l'observance
leur paraît être la meilleure garantie - a priori- des résultats attendus de la prise en charge d'une
population sur un territoire donnée".
Cette approche en réseau permet aux praticiens libéraux de garder leur identité et de s'intégrer dans
une dynamique de soins orientés vers le bien-être global de l'individu. La contractualisation qui en
résulte a donc pour résultat de formaliser leur rôle dans un dispositif cohérent d'approche globale du
patient. Ce dernier, lorsqu'il s'adresse à un des professionnels de la santé, ne s'adresse pas à ce
professionnel mais au réseau, c'est-à-dire à un système cohérent. En principe, lorsque cette logique se
confirme, le patient peut attendre une prise en charge globale et continue quels que soient
l'intervention et le point de contact avec le système de santé (lieu de travail, centre de soins, centre
d'accueil social, etc.). Peu importe pour le client de connaître le statut du professionnel auquel il
s'adresse; entre son accident sur la voie publique et son insertion à son domicile et sur un lieu de
travail, peu importe à l'usager que l'hôpital soit public, le centre de rééducation privé lucratif, le
service de retour à domicile associatif religieux, le centre social de sa commune à tendance
communiste; l'usager attend que son passage de l'un à l'autre soit possible, simplifié et cohérent.
L'objectif du réseau est donc de coordonner les soins apportés par chacun des acteurs du réseau, de
mutualiser leurs connaissances et d'échanger leurs connaissances dans la perspective d'une meilleure
prise en charge du patient.
D'un point de vue opérationnel, cette coopération entre professionnels concernés par la santé d'un
patient est un montage souvent plus complexe qu'il n'y paraît: il comprend les éléments suivants:
- La constitution du réseau de soins: à l'initiative d'un acteur donné (cela peut être aussi bien
un professionnel indépendant de santé qu'une entité de financement), il est retenu d'aller vers
la création d'un réseau de soins comme stratégie pour une approche globale de la santé d'une
catégorie de patients. Le réseau doit alors s'ériger en structure juridique. Il choisira selon les
possibilités offertes par le droit du pays: un statut d'association convient parfaitement. Dans sa
définition, l'association s'est donnée un objet qui est la création et le fonctionnement d'un
réseau de soins afin de résoudre des problèmes spécifiques de santé en adoptant une démarche
globale;
39
- L'adhésion au réseau de soins: l'association, dans ses statuts, aura défini le type d'adhérents
qu'elle souhaite accueillir ainsi que les modalités d'adhésion. Ainsi, en ce qui concerne les
professionnels de santé et/ou sociaux, l'adhésion se fera généralement par un contrat
d'engagement, c'est-à-dire par un acte volontaire d'un professionnel qui s'engage à respecter la
raison d'être et les objectifs du réseau. Ce contrat d'engagement prévoira également la
contribution et les modalités de celle-ci au réseau, c'est-à-dire la place que doit occuper le
professionnel de santé dans la chaîne de soins. Ce contrat rappelle aussi les droits de l'adhérent,
notamment l'indépendance du professionnel selon le code déontologique dont il relève;
- Le patient: le patient doit avoir été informé sur le réseau et doit avoir accepté d'être pris en
charge par ce réseau; il est alors recommandé qu'un contrat de consentement soit établi et
signé entre le patient et l'association responsable du réseau de soins. Cette précaution met le
réseau à l'abri de recours juridiques possibles de la part du patient. Par exemple, un réseau
entraîne en général la mise en place d'un dossier médical partagé entre les professionnels du
réseau: le contrat de consentement indique l'accord sur ce point;
- Liens avec les financeurs et les autorités sanitaires. Le réseau de soins doit être reconnu par
les instances sanitaires: habilitation et/ou accréditation devront lui être accordées. Mais le
réseau de soins a généralement besoin de moyens financiers spécifiques pour mener à bien ses
activités. Il est alors nécessaire d'établir un contrat de partenariat ou de prestations entre le
réseau et l'entité qui accepte ces financements spécifiques. Ce contrat spécifiera généralement
les objectifs visés, les résultats quantitatifs et qualitatifs attendus, les moyens engagés, les
règles de suivi et d’appréciation des résultats.
Ce dispositif peut être schématisé comme suit:
Financeur /
Administration
sanitaire
Contrat de partenariat
Réseau
Contrat d'engagement
association
Acteurs
du
réseau
Contrat de consentement
Patients
2- QUELS EN SONT LES AVANTAGES?
- le réseau permet une approche holistique d'un problème de santé en permettant à des
prestataires socio-sanitaires d'associer leurs efforts et de rendre complémentaires leurs
spécificités;
40
- le réseau est vraiment tourné vers le client: c'est lui qui est au centre du dispositif…même s'il
n'est pas directement impliqué dans l'organisation et le fonctionnement du réseau;
- le réseau permet aux prestataires socio-sanitaires d'unir leurs efforts pour un objectif
commun. Leur action individuelle est ainsi valorisée au niveau du réseau.
3- A QUOI FAUT-IL FAIRE ATTENTION DANS LE RECOURS A CE TYPE DE CONTRACTUALISATION?
Un réseau ne marche pas tout seul. Il est important qu'il y ait un animateur du réseau. S'il n'y a pas cet
animateur, il est fort à parier que les mêmes meilleures volontés du monde vont s'étioler. Or ce rôle si
essentiel est extrêmement prenant. Si un membre du réseau veut jouer ce rôle, il devra y consacrer une
grande partie de son temps.
Ce rôle d'animation ne peut être que très extraordinairement bénévole. L'animateur de réseau doit être
un professionnel de ce rôle et doit être rémunéré pour cette fonction.
4. EXEMPLES ILLUSTRATIFS
Les réseaux de périnatalité tels que définis par l'Agence régionale hospitalière de la région
Rhône-Alpes (France)
Les réseaux en périnatalité sont l'ensemble de moyens humains et matériels organisés, dans une aire
géographique déterminée, dans le but de rechercher des objectifs communs et de coordonner le suivi
d'une population spécifique. Ils doivent permettre de tisser un maillage entre la ville (médecins
libéraux, PMI) les maternités, les services de néonatalogie et de réanimation néonatale, dans une
démarche de qualité au service de la parturiente.
C'est un système qui organise la mise en relation et les échanges entre les différents acteurs de santé,
une démarche collective d'acteurs du champ sanitaire et/ou social vers un objectif commun de
santé publique dont la parturiente est le centre d'intérêt.
Le réseau de soins périnatal a pour objectif l'amélioration de la prise en charge des grossesses les plus
à risques afin de les orienter vers la structure la plus adaptée mais aussi l'organisation de la prise en
charge de la grossesse normale en lien avec les autres partenaires ; la qualité du suivi de la grossesse,
de l'accouchement et de ses suites forment un tout qui ne peut être assuré que par un travail de
collaboration, de coopération, de complémentarité entre l'ensemble des intervenants. En effet, les
femmes enceintes sont prises en charge par les sages-femmes et gynécologues accoucheurs exerçant
dans des établissements de santé privés et publics mais aussi par des gynécologues-obstétriciens,
médecins généralistes et des sages-femmes travaillant en secteur libéral ou centre de santé.
Ces réseaux, non seulement, permettront une prise en charge globale (médicale, sociale et
psychologique) de la grossesse mais donneront aussi la possibilité de créer des liens entre les équipes
médicales qui y adhèrent. Chaque intervenant a des compétences propres et un rôle propre qui est à
connaître et à reconnaître par tous les acteurs du réseau (médecins, sages-femmes, puéricultrices,
aides-soignantes etc...). Les risques médicaux, sociaux et psychologiques seront pris en compte par un
ensemble de partenaires (gynécologues-obstétriciens, néonatologues, pédiatres, anesthésistesréanimateurs, médecins psychiatres, sages-femmes, aides-soignantes, puéricultrices etc...).
Les conditions de réussite d'un réseau sont :
. adhésion volontaire à des objectifs clairs, définis en commun tels que sécurité - proximité - accès au
soin - circuit médical - prise en charge des grossesses à domicile et du post-partum - prévention orientation etc...
. adhésion au consensus qui sera dégagé sur ce nouveau mode de fonctionnement
. implication de l'ensemble des structures et professionnels identifiés comme ayant un rôle dans la
prise en charge de la parturiente
41
. absence de hiérarchie entre les acteurs mais relations transversales, chacun ayant un rôle défini avec
le souci de soigner au mieux la patiente en fonction des missions que lui aura confié cette nouvelle
organisation
. valorisation des acteurs dans l'exécution de leur mission, chaque acteur étant un maillon d'une chaîne
. reconnaissance des droits et devoirs de chacun
. définition des moyens à mettre en œuvre
Le réseau devra être formalisé par :
. des conventions précisant les modalités de fonctionnement et d'organisation.
. des protocoles précis de soins médicaux et paramédicaux avec le rôle de chaque acteur du réseau en
fonction de l'état de gravité de la parturiente ( quand, où transférer, à partir de quel stade, modalités de
transfert, retour au pôle de proximité, selon quels critères...).
. la mise en place d'un système d'informations, élaboration d'un dossier médical commun (nécessité de
consensus sur le minimum d'informations à partager entre les différents acteurs), d'un carnet de
maternité. Ce dernier, lien indispensable entre les différents acteurs, devra être amélioré afin que les
risques de la grossesse soient parfaitement et clairement identifiés.
Ce carnet sera rempli par un professionnel averti et remis à la parturiente au cours de la
première consultation prénatale qui est la plus importante.
A l'issue de cette première consultation, l'obstétricien et la maternité où aura lieu
l'accouchement, devront être définis avec la parturiente afin qu'en cas de difficultés au cours
de la grossesse, celle-ci puisse être orientée sans délai.
. la formation des acteurs afin qu'ils puissent assurer au mieux leurs missions (connaissance partagée
des missions et des conditions de travail de chacun).
. des modalités d'articulation entre les différents champs médical, social, psychologique autour de la
naissance.
. des règles d'évaluation sur la pertinence de l'organisation et des moyens mis en œuvre.
L'organisation du réseau devra, en outre, prévoir :
- un comité de pilotage "réseau" comportant tous les correspondants du réseau et les représentants
institutionnels.
- un correspondant réseau pour chaque structure
- un annuaire de réseau comportant les coordonnées des différentes structures et professionnels mis en
réseau et leur responsable.
Enfin, le réseau devra être labellisé, chaque acteur pouvant faire état de sa participation à une
véritable démarche de qualité garantie par le bon fonctionnement du réseau.
42
LA FONCTION PUBLIQUE
Même si l'on observe des différences entre les pays, le statut de fonctionnaire suit des règles assez
voisines dans tous les pays. Formellement, le fonctionnaire n'est pas titulaire d'un contrat de travail. Le
fonctionnaire est dit dans une situation statutaire, c’est-à-dire que leurs conditions de recrutement, de
travail et de rémunération sont définies dans le cadre d’un "statut général". Dans ce cadre, sous ce
statut général qui détermine les principes communs du travail dans le service public, chaque
"métier" de la fonction publique fait l’objet d’un "statut particulier" qui détermine sa place
dans la hiérarchie, les fonctions auquel il correspond ainsi que les modalités de recrutement et
de carrière. Les agents soumis au même statut sont dits former un "corps" (ou, parfois, un
"cadre d’emploi"). Toutefois, en termes de concept, il n'est pas abusif d'assimiler la situation du
fonctionnaire à celle d'un individu qui passe un contrat à durée indéterminée avec l'administration
publique, sans que le responsable du service dans lequel cet individu exercera ses activités n'ait
participé à l'identification de la personne. La démarche est la suivante:
- ouverture d'un poste dans un lieu déterminé avec une description des tâches à réaliser;
- une fois le poste ouvert, une procédure de sélection (généralement un concours) est organisée;
- la personne sélectionnée doit prendre ses fonctions dans le poste déterminé et mener les
activités définies dans la description du poste.
Fort de la description du poste qui définit les activités à mener et en fonction des moyens qui lui sont
donnés par sa hiérarchie, le fonctionnaire agira en faisant de son mieux. Cette logique est importante;
elle a guidé et guide encore le comportement des fonctionnaires. Avec sa description de poste, le
fonctionnaire sait ce qu'il doit faire et s'il est amené à faire des choix, il les fera en son âme et
conscience, c'est-à-dire en faisant ce qu'il pense être le mieux par rapport à la situation. Le
fonctionnaire "doit se conformer aux instructions de son supérieur hiérarchique, sauf dans le
cas où l’ordre donné est manifestement illégal et de nature à compromettre gravement un
intérêt public". Le refus d’obéissance équivaut à une faute professionnelle.
La subordination hiérarchique impose également de se soumettre au contrôle hiérarchique de
l’autorité supérieure compétente et de faire preuve de loyauté dans l’exercice de ses fonctions.
Le devoir d’obéissance impose enfin au fonctionnaire de respecter les lois et règlements de
toute nature. Tout fonctionnaire, quel que soit son rang dans la hiérarchie, est responsable de
l’exécution des tâches qui lui sont confiées.
- s'il ne fait pas de son mieux, le fonctionnaire doit être sanctionné par sa hiérarchie. Il existe
toujours une graduation dans les sanctions possibles: avertissement, blâme, non attribution de
primes, non promotion, mutation et renvoi;
- s'il travaille bien, le fonctionnaire peut être récompensé: primes et promotions.
Il convient de noter que les appréciations de la hiérarchie reposent très généralement sur des
considérations qualitatives dans lesquelles les us et coutumes ont une grande part. Les systèmes de
notation sont souvent rigides et ne reflètent que modérément le réel effort du fonctionnaire.
Cette logique est celle qui prévaut encore très largement dans la fonction publique des pays. Elle
suppose que le fonctionnaire fait de son mieux et remplir correctement la mission qui lui est confiée.
43
Or, aujourd'hui, certains remettent en cause cette logique qui n'incite pas le fonctionnaire à faire son
maximum mais au contraire à faire tout juste ce qu'il faut pour se maintenir dans son poste. L'effort du
fonctionnaire n'est pas maximisé.
Sans changer le statut de fonctionnaire, certains proposent de compléter le dispositif en recourant au
contrat. Ce dernier a pour intérêt de:
- s'entendre sur des objectifs à atteindre par le fonctionnaire. Ceux-ci seront déterminés en
général par concertation entre les responsables et les représentants des fonctionnaires. Ces
objectifs seront clairement définis, observables et vérifiables au travers notamment d'un
certain nombre d'indicateurs préalablement définis. Ces objectifs sont relatifs à des échéances
temporelles;
- le contrat marque l'engagement du fonctionnaire à atteindre ces objectifs.
Toutefois, le recours au contrat n'est pas une garantie suffisante pour être certain du respect des
engagements. En effet, le contrat, tel que défini ici, n'augmente pas la possibilité de sanction par la
hiérarchie car le contrat n'est pas opposable soit de jure soit de facto. Le responsable hiérarchique
dispose des mêmes outils de sanction que ceux évoqués ci-dessus. Or, on a vu les limites du recours à
ces instruments.
Le recours au contrat apporte un engagement moral du fonctionnaire sur une base clairement définie et
vérifiable. En ce sens, le contrat vient préciser utilement la description de poste qui reste trop générale
et intemporelle. Le contrat permet une relation entre le fonctionnaire et sa hiérarchie plus transparente
et une discussion reposant sur des résultats observés. Mais, parce qu'il est protégé par son statut, le
fonctionnaire n'est pas réellement incité à faire l'effort maximal. La sanction est une arme qui ne lui
fait pas réellement peur dans la mesure où il peut justifier qu'il a fait ce qu'il pouvait et que d'autres
circonstances sont venues limiter son action: il invoquera notamment le fait que sa hiérarchie ne lui a
pas accordé tous les moyens qui lui auraient permis d'atteindre les résultats. Par ailleurs, même s'il le
peut, le fonctionnaire n'a aucun intérêt à dépasser les objectifs qui ont été retenus dans le contrat.
Pour ces raisons, la stratégie qui se développe de plus en plus consiste à ne plus fonder le respect des
engagements contractuels sur le recours à la sanction mais plutôt sur le recours aux incitations. La
stratégie est alors la suivante: en son sein, le contrat prévoit des incitations qui doivent amener le
fonctionnaire à prendre conscience de son intérêt à faire plus et/ou mieux. En définissant attentivement
ces incitations, le responsable hiérarchique amène le fonctionnaire à mesurer son intérêt de changer
ses comportements et ses pratiques et, par conséquent, à maximiser son effort dans le sens voulu par sa
hiérarchie.
Cette stratégie remet en cause les fondements de la planification classique. En effet, dans cette
dernière, on prévoit les objectifs à atteindre. Il y a satisfaction lorsque ces résultats sont atteints; mais
il n'y a aucun intérêt à les dépasser.
Opérationnellement, ces incitations peuvent être de plusieurs types:
- attribution de primes ou bonus qui seront modulées en fonction des résultats atteints par le
fonctionnaire. On notera ici que cette incitation ne peut être, dans la réalité, que positive. En
effet, on pourrait imaginer que si le fonctionnaire n'atteint pas un certain niveau de résultats, il
encourra une pénalité financière. Mais cette pratique est extrêmement difficile à mettre en
œuvre, voire en contradiction avec le code du travail des pays qui établissent en général que le
salaire est dû intégralement, à moins de faute de la part du fonctionnaire. Si cette logique est
retenue, cela signifie que le contrat doit prévoir explicitement les modalités de calcul de la
prime. En effet, le fonctionnaire doit connaître au moment où il s'engage contractuellement les
modalités de récompense de ses efforts afin de déterminer ses comportements;
44
- l'incitation peut être le maintien dans une fonction particulière. Par exemple, un ministère de
la santé peut décider que tous les postes de directeur régional de la santé seront attribués après
sélection parmi les fonctionnaires du département et qui auront fait candidature; puis un
contrat sera signé avec ces directeurs régionaux retenus. Ce contrat pour une durée déterminée
indiquera un certain nombre de résultats qui devront être atteints par le fonctionnaire. Si celuici atteint les résultats, son contrat sera renouvelé; s'il ne les atteint pas son contrat ne sera pas
renouvelé et le fonctionnaire sera affecté à d'autres tâches. L'incitation est ici le
renouvellement du contrat dans un poste souhaité par le fonctionnaire en raison des avantages
et intérêts qu'il présente (financiers ou autres). On notera toutefois qu'ici l'incitation est
dichotomique et non pas graduelle comme dans le cas précédent.
- se pose ensuite la question de savoir si l'incitation sera individuelle ou collective. Il est de
nombreux cas où il est difficile d'appréhender la part d'un individu spécifique dans un résultat.
C'est notamment le cas lorsqu'un résultat est le fruit de l'action conjuguée de plusieurs
personnes. L'incitation individuelle est alors difficile à mettre en œuvre. On recourra alors à
une incitation collective; par exemple, une incitation pour une équipe donnée.
- se pose enfin la question de l'utilisation de l'incitation. S'il s'agit d'une prime salariale
individuelle, le fonctionnaire pourra utiliser cette prime à des fins personnelles et selon ses
choix privés. Par contre, une prime collective entraîne une utilisation collective de l'incitation
qui sera placée dans le cadre de l'activité professionnelle. Par exemple, un service hospitalier
obtient une prime pour les bons résultats qu'il a obtenus: cette prime sera utilisée dans le cadre
du service. Ainsi, le service peut décider d'acheter une machine à café pour tous les personnels
du service.
45
LA CONTRACTUALISATION INTERNE
1- A QUOI CORRESPOND CE TYPE DE CONTRACTUALISATION?
Habituellement, un contrat se définit par l'entente entre deux (ou plus) entités disposant chacune d'une
personnalité juridique. C'est le fait de disposer d'une personnalité juridique (physique ou morale) qui
confère la possibilité de passer des contrats.
Par exemple, un district sanitaire (très généralement) ne dispose pas d'une personnalité juridique
spécifique lui permettant de signer, en son nom, un contrat. S'il est amené à signer un contrat, c'est
parce qu'il a reçu délégation de son autorité hiérarchique pour le faire et il signera au nom de cette
autorité hiérarchique qui, dans le cas de l'administration publique, se situe au niveau du ministre de la
santé voire même du gouvernement du pays.
La théorie juridique classique ne reconnaît donc comme contrats que ceux qui ont été signés par deux
entités disposant bien chacune d'une personnalité juridique spécifique.
Si maintenant on regarde les organisations, et plus particulièrement les grandes organisations, on
constate qu'elles se composent de différentes parties: ainsi un hôpital aura plusieurs services voire
plusieurs établissements, l'administration est composée de services centraux et de services
déconcentrés. Tous ces éléments, au sens juridique du terme, ne sont que des composantes d'une seule
et même entité juridique. Pourtant, dans la vie de tous les jours, ces différents services disposent d'une
certaine autonomie (le chef de service peut prendre des décisions dans le cadre de ses attributions)
mais doivent aussi entrer en relation avec d'autres services de la même organisation. Dans les pratiques
classiques, ces relations sont placées sous le principe du commandement hiérarchique: cela signifie
que si deux chefs de services doivent avoir des relations celles-ci seront placées sous l'arbitrage de la
hiérarchie.
Pourtant, les pratiques évoluent: de plus en plus, les organisations, dans les relations entre leurs
composantes, empruntent à la logique contractuelle à savoir que ces composantes vont définir leurs
relations à partir de contrats, c'est-à-dire d'accord signés entre ces différentes composantes.
D'un point de vue juridique strict, il ne peut y avoir contrat puisqu'il n'y a qu'une seule entité juridique.
Pourtant, d'un point de vue conceptuel, il y a bien relation contractuelle au sens où il y a un accord de
volonté entre les entités présentant une certaine autonomie de fonctionnement (et non autonomie au
sens juridique). La spécificité de ce type de relation contractuelle tient à son degré d'opposabilité.
Dans le contrat classique, il y a opposabilité c'est-à-dire que si l'un des signataires ne respecte pas ses
engagements, l'autre peut demander à une instance juridique (tribunal) de le contraindre au respect de
ses engagements. Dans le type de relation contractuelle défini ci-dessus, cette opposabilité n'existe pas
puisqu'il n'existe qu'une seule personnalité juridique: le respect des engagements repose donc
davantage sur la confiance mais également sur la coordination interne, à savoir que l'autorité suprême
de l'administration peut contraindre ses composantes à respecter les engagements qu'elles auraient pris
entre elles.
Ce type de relation contractuelle est donc celle que l'on nomme la "contractualisation interne": elle est
interne puisqu'elle se situe à l'intérieur d'une seule et même entité juridique.
D'un point de vue opérationnel, on distinguera cependant trois types de contractualisation interne:
46
- la contractualisation interne à un même ensemble: on pensera ici tout particulièrement à la
contractualisation interne au sein d'un hôpital entre les différents services de cet hôpital et
l'administration centrale de l'hôpital;
- la contractualisation interne entre deux services de l'administration sanitaire: on pensera ici
tout particulièrement à la contractualisation interne entre le niveau central du Ministère de la
Santé et un service déconcentré (région sanitaire, district sanitaire);
- la contractualisation interne entre un service administratif et un service prestataire au sein du
Ministère de la Santé: on pensera ici à la contractualisation interne entre une région sanitaire et
un centre de santé (public et non doté d'une personnalité juridique) de cette région sanitaire.
2- QUELS EN SONT LES AVANTAGES?
Les avantages de la contractualisation interne sont nombreux:
- elle conduit les différents services d'une même entité qui doivent nécessairement avoir des
relations à ne plus faire reposer celles-ci sur le commandement hiérarchique mais sur une
entente définie ensemble et librement acceptée;
- elle conduit les différentes composantes d'une même entité à dialoguer et à préciser les
modalités de leurs relations;
- elle responsabilise les différentes composantes qui ne peuvent plus s'abriter derrière une
décision hiérarchique unilatérale.
3- A QUOI FAUT-IL FAIRE ATTENTION DANS LE RECOURS A CE TYPE DE CONTRACTUALISATION?
Pour autant, le contrat entre ces composantes n'est pas une garantie suffisante pour le respect de
l'entente. Certes, il sera difficile à l'une des composantes de ne pas respecter ses engagements car il y
va de sa crédibilité pour le futur. On peut dire ainsi qu'il y aura une forme de sanction interne, à savoir
que celui qui n'aura pas respecté ses engagements perd de sa crédibilité et aura des difficultés pour
obtenir quelque chose dans le futur.
Mais dans le même temps, ce type de contrat ne peut pas faire appel à une sanction externe. Les
parties prenantes à ce type de contrat devront donc réfléchir aux modalités du respect des engagements
et ne pas penser a priori que, parce qu'elles font partie de la même entité, c'est une garantie suffisante.
Elles devront éviter toute naïveté et examiner avec attention le réalisme de leurs engagements.
Aussi est-il utile qu'elles réfléchissent à des formes d'incitation et de récompense qui seront peut-être
plus efficaces pour obtenir le respect de leurs engagements: cf. contrats de performance.
4. EXEMPLES DE CONTRACTUALISATION INTERNE
- la France a développé la contractualisation interne au sein des établissements publics à partir
de la réforme de 1996. Le contrat lie le Chef d'établissement et les responsables des services
médicaux et non médicaux. Par le contrat interne, les centres de responsabilité, que constituent
les services, bénéficient de délégations de gestion de la part du directeur de l'hôpital. Ce
contrat définit les objectifs, les moyens et les indicateurs de suivi des centres de responsabilité,
les modalités de leur intéressement aux résultats de leur gestion, ainsi que les conséquences en
cas d'inexécution du contrat.
- La nouvelle gestion budgétaire axée sur les résultats que le Ministère de la Santé tente de
mettre en place peut être définie comme un processus formalisé visant à délimiter chaque
année, mais dans le cadre d’un programme triennal glissant, avec une budgétisation annuelle,
47
les responsabilités respectives des directions de l’administration centrale et des services
déconcentrés du Ministère de la Santé coordonnés par les régions sanitaires bénéficiant d’une
délégation de pouvoir en vue de la réalisation d’objectifs fixés d'un commun accord. Le
processus concerne donc la relation entre le niveau central et les services déconcentrés que
sont les régions sanitaires. Afin de davantage responsabiliser chacun des acteurs, il est prévu
que cette relation soit formalisée dans un contrat entre ces deux niveaux de l'administration
sanitaire.
48
LES CONTRATS DE PERFORMANCE
1- A QUOI CORRESPOND CE TYPE DE CONTRACTUALISATION?
Attention tout d'abord à la tautologie: si on définit le terme "performance" comme le font les
dictionnaires par "résultat obtenu dans un domaine précis par quelqu'un", tout contrat sera un contrat
de performance puisque c'est précisément l'objet de tout contrat de définir ce qu'on attend de chacun
des acteurs engagés.
De plus en plus fréquemment, l'appellation "contrat de performance" est réservée aux contrats qui
visent à récompenser la performance. Autrement dit encore, ce que vous recevrez de votre
interlocuteur avec lequel vous êtes entré en relation contractuelle sera fonction de la performance que
vous aurez atteint et par conséquent est variable. Le résultat à atteindre n'est donc pas défini de la
même manière que dans un contrat classique. Par exemple:
- dans un contrat classique, le Ministère de la Santé paie 10.000 à une ONG pour qu'elle
vaccine 1.000 d'enfants
- dans un contrat de performance, le Ministère de la Santé indique qu'il versera 10.000 à une
ONG pour qu'elle vaccine 1.000 enfants. Pourtant, 9.000 seront versés au départ et les 1.000
restants ne seront versés que si les 1.000 enfants ont effectivement été vaccinés. En outre, dans
le contrat, le Ministère de la Santé peut indiquer qu'il versera 11 par enfants supplémentaires
vaccinés.
La récompense est donc une incitation à toujours faire mieux et/ou plus. La question que l'on doit se
poser est double:
- pourquoi a-t-on eu recours à la contractualisation?
- pourquoi ne s'est-on pas contenté d'un contrat classique?
La réponse à la première question est évidente lorsqu'il s'agit d'une relation entre un Ministère de la
Santé et une ONG par exemple; par contre, la contractualisation est de plus en plus utilisée entre
différentes parties, plus ou moins indépendantes ou autonomes, d'une même organisation: cas d'un
hôpital public ayant un statut autonome. Dans ce cas, le recours à la contractualisation trouve sa raison
d'être dans le fait que le commandement hiérarchique est insuffisant pour assurer l'atteinte des résultats.
Dans une administration, le niveau supérieur doit être capable d'imposer ses directives au niveau
inférieur. Mais, la réalité est de moins en moins celle là; aussi, le niveau supérieur recourt-il à la
contractualisation pour s'assurer de la responsabilité et de l'engagement du niveau inférieur.
La logique est donc la suivante: la sanction qui était la force opérationnelle du commandement
hiérarchique est maintenant assurée par le contrat.
Pourtant, la réalité montre que l'existence d'un contrat n'est pas toujours une condition suffisante pour
que les acteurs soient pleinement responsabilisés. Ainsi, dans de nombreux cas, le contrat n'est
opposable qu'en théorie. Prenons l'exemple, d'un hôpital public doté d'un statut d'établissement public
lui conférant la personnalité juridique et qui a un contrat avec l'administration sanitaire portant sur
l'allocation d'une subvention permettant le fonctionnement de l'hôpital. Juridiquement, ce contrat est
opposable: pourtant, il sera difficile à l'administration d'intenter un procès si l'hôpital n'a pas atteint les
résultats prévus. De même, politiquement, il sera difficile au ministre de la santé de soutenir une telle
opposabilité. Dans la réalité, les sanctions ne sont pas réellement applicables.
49
Ainsi, lorsqu'un contrat n'est pas opposable (en théorie ou dans la réalité), le recours à la sanction n'est
plus possible et son existence risque d'être insuffisante pour garantir l'implication des acteurs. Le
contrat classique n'est pas suffisant pour s'assurer que le prestataire fera son maximum: il fera juste ce
qui est nécessaire mais pas plus. On peut alors recourir à d'autres instruments:
- Le respect des engagements repose alors sur la crédibilité des acteurs, la notoriété ou la
réputation, la confiance, la bonne foi. Ces contrats sont "self-enforcing": chaque partie a
intérêt à respecter le contrat s'il veut garder sa réputation et sa crédibilité. Par exemple, si des
contrats similaires sont signés par tous les hôpitaux du pays, il est vraisemblable qu'une
certaine émulation se créera et qu'il sera mal venu pour l'un d'entre eux de ne pas respecter ses
engagements; de même du côté de l'administration sanitaire, il en va de sa crédibilité de ne pas
tenir ses engagements. Cette forme de contrat est particulièrement appréciable lorsque les
résultats du contrat ne sont que très difficilement vérifiables;
- une autre voie emprunte le recours aux incitations positives. Le contrat aura alors pour objet
d'inciter à la performance et non plus de permettre la sanction. Techniquement, il s'agit
d'accorder une prime, un bonus, une récompense, ou, en termes administratifs, une subvention
exceptionnelle ou un intéressement, en fonction des résultats qui auront été atteints. Dans la
réalité, il y a plusieurs façons de procéder: ce bonus peut être inclus dans un contrat initial ou
faire l'objet d'un contrat spécifique. En outre, notamment lorsque cette subvention vient du
budget de l'État, il est nécessaire de l'inscrire au budget de l'État avant de connaître l'enveloppe
financière qui sera nécessaire puisque les résultats ne seront connus qu'en fin d'exercice.
A ce jour, les contrats incitant à la performance reposent sur deux philosophies assez différentes:
- dans un premier cas, on veut agir sur la production de certains services de santé. Par exemple,
on prévoit qu'un centre de santé donné doit vacciner 1.000 enfants et que, pour cela, il recevra
2.000 dollars. 1.800 dollars seront versés au début du contrat afin de lui permettre de réaliser
les activités. Les 200 dollars restant ne lui seront versés que s'il a atteint le résultat prévu et
l'on peut aussi décider que 200 autres dollars lui seront attribués s'il a dépassé le résultat.
L'incitation à la performance est ainsi inscrite dans le contrat initial. L'objet du contrat porte
donc sur l'achat direct d'activités de santé;
- dans un deuxième cas, il ne s'agit pas d'agir directement sur la production des services de
santé ou sur les résultats, mais d'inciter les prestataires à changer leurs comportements. On agit
sur des facteurs contextuels dont on pense qu'ils auront une incidence sur les résultats. Ainsi
on pourra retenir comme indicateurs, le nombre de jours de rupture de stock en médicaments,
le taux de satisfaction des usagers, le taux de conformité de la gestion des déchets hospitaliers,
etc. On observera généralement d'un côté des mécanismes, y compris contractuels, pour
l'allocation des moyens de fonctionnement courant et de l'autre côté un contrat spécifique
portant sur les changements de comportement des prestataires que l'on pense être importants
pour améliorer la prestation des services fournis par la formation sanitaire.
2- QUELS EN SONT LES AVANTAGES?
Les avantages sont:
- la force du contrat ne repose plus sur la sanction, comme dans tous les contrats classiques,
mais sur les incitations à mieux faire. Il est toujours gratifiant de voir ses efforts récompensés.
De l'autre côté, le Ministère de la Santé sait qu'il n'obtiendra pas juste le résultat défini, mais le
meilleur résultat possible;
- ce type de contrat convient en outre particulièrement bien dans les cas où le résultat ne peut
pas être défini avec précision à la signature du contrat. Par exemple, on peut souhaiter que
80% des enfants de telle région soient vaccinés, mais, si grâce à des efforts particuliers, 90%
peut être atteint, c'est encore mieux.
50
3- A QUOI FAUT-IL FAIRE ATTENTION DANS LE RECOURS A CE TYPE DE CONTRACTUALISATION?
- Technique: il faut mesurer la performance pour comprendre l’écart qui existe entre le degré
réel de réussite et celui que l’on recherche et savoir quand des mesures correctives peuvent
être indiquées. On comparera généralement les résultats de la mesure de la performance aux
attentes exprimées par un objectif de performance (lequel pourrait être fondé sur une meilleure
pratique de référence, une norme technique ou quelque progrès énoncé à l’égard d’une valeur
de base). Les mesures de la performance devraient donc correspondre à des objectifs de
performance et indiquer dans quelle mesure l’organisation répond aux attentes concernant la
performance. La mesure de la performance prend toute son importance lorsqu'elle est utilisée.
L'élève sera attentif à ses notes car elles conditionnent son passage dans la classe supérieure, le
sportif cherchera les meilleurs résultats pour rester dans la compétition, l'entreprise cherchera
les meilleurs résultats pour obtenir des bénéfices supplémentaires. La recherche de
performance est motivée par les bénéfices que l'on peut en tirer et c'est ce qui motivera les
individus à faire des efforts pour atteindre la meilleure performance. S'il n'y a pas de bénéfices
à la performance, les individus se contenteront de l'effort minimal.
- Equité: il faut toujours considérer qu'en face du contrat, il y a une population qui n'a pas à
être pénalisée de la mauvaise performance du prestataire de services de santé auquel elle doit
s'adresser pour des raisons de proximité. On pourrait même dire que le contrat de performance
induit une double pénalisation puisqu'elle l'est une fois du fait de la mauvaise performance du
prestataire et une deuxième fois parce que celui-ci n'ayant pas été performant, il ne bénéficiera
pas d'avantages qui permettront une amélioration supplémentaire des services à la population.
- Les facteurs contextuels sont toujours difficiles à prendre en compte. Les contrats de
performance reposent sur le principe que si un prestataire n'a pas été performant c'est parce
qu'il n'a pas fait les efforts suffisants. Si cela correspond effectivement à la réalité dans de
nombreuses situations, il y a aussi des situations dans lesquelles les prestataires ont fait de leur
mieux, mais ils étaient handicapés: ils n'avaient pas les ressources humaines nécessaires, les
récoltes ont été mauvaises, les revenus de la population locale ont diminués pour des raisons
économiques ou climatiques, etc. Plutôt que de pénaliser ce prestataire pour non atteinte des
résultats, il faudrait plutôt chercher avec lui les moyens de corriger cette situation contextuelle.
- Il faut s'assurer que les financements peuvent être variables. Aussi, le financeur mettra-t-il
des garde-fous pour s'assurer qu'il sera en mesure de faire face aux incidences financières
d'une performance exceptionnelle. Par contre, dans le cas d'une performance insuffisante, le
financeur se retrouvera avec des capacités budgétaires inemployées, ce qui, dans certaines
administrations, peut poser problème.
51
LES CONVENTIONS-CADRE
1- A QUOI CORRESPOND CE TYPE DE CONTRACTUALISATION?
Les conventions-cadre (ou accord-cadre) sont des accords qui concernent plusieurs acteurs ou
entités partageant une problématique commune: association au service public, gestion déléguée,
prestations de services, coopération. Par certains aspects, les conventions-cadre ressemblent largement
aux politiques contractuelles. Deux éléments les en distinguent. Le premier tient au fait qu'une
convention-cadre s'adresse à un nombre limité d'acteurs alors qu'une politique contractuelle s'adresse à
tous les acteurs. Le second tient à ce qu'une convention-cadre est un document contractuel alors qu'une
politique contractuelle est un acte unilatéral posé par un Ministère de la Santé.
Dans la pratique, les conventions-cadre renvoient à des objectifs différents:
- Certaines conventions-cadre définissent des modalités contractuelles auxquelles les acteurs
ont le choix d'adhérer ou non. Ainsi en est-il en France de la convention entre les caisses
d'assurance maladie et les syndicats de médecins généralistes libéraux: par simple lettre, le
médecin généraliste indique qu'il adhère à la convention générale qui définit les relations entre
les caisses et les médecins généralistes; il n'y a donc pas de contrat spécifique liant un médecin
en particulier et une caisse d'assurance maladie.
- Certaines conventions-cadre sont davantage conçues comme des instruments fixant les
grandes orientations contractuelles et laissant le soin aux acteurs de définir, dans ce cadre,
leurs relations contractuelles spécifiques. Par exemple, les micro-assurances se rendent compte
que l'isolement dans lequel elles se situent n'est optimal ni pour l'efficacité de leurs actions, ni
pour le système de santé dans son ensemble. Afin de sortir de cet isolement, certaines de ces
organisations se sont engagées dans des arrangements contractuels avec les autorités sanitaires.
Mais là encore elles se rendent compte de la portée limitée de ces arrangements contractuels
ainsi que de leur fragilité institutionnelle. Pour ces raisons, elles souhaitent que ces
arrangements contractuels soient placés dans des conventions-cadre qui servent ensuite de
référence à la négociation de leurs arrangements contractuels spécifiques.
Là encore, ces documents s'imposent différemment aux acteurs concernés. Ainsi, même si le
médecin généraliste français est libre de ne pas adhérer à la convention, ce choix entraîne des
conséquences importantes dans sa pratique. Ces conventions-cadre prennent dans certains cas
la forme d'un Memorandum of Understanding (MOU): par exemple, dans le cadre de la mise
en œuvre de la stratégie DOTS pour le traitement de la tuberculose, le département Stop TB à
l'OMS recommande que le Ministère de la Santé signe un MOU avec les praticiens privés
fixant les modalités de collaboration entre le secteur public et le secteur privé. Libre ensuite
aux praticiens privés de signer ou non des arrangements contractuels pour la mise en œuvre de
la stratégie DOTS.
Une convention-cadre est donc un accord entre deux acteurs ou groupes d'acteurs :
- Par acteurs, on entendra tous les acteurs susceptibles d'intervenir dans le secteur de la santé
qui, selon leur statut juridique, peuvent être "privés" (micro-assurances santé, praticiens,
associations, etc.) ou "publics" (établissements publics, municipalités, Ministère de la Santé).
Toutefois, cette entité au sens juridique peut correspondre à des situations bien particulières.
Par exemple, il peut y avoir correspondance stricte entre une entité juridique et les services
proposés (une mutuelle de santé offrant de l’assurance maladie) ou cette entité juridique peut
être prestataires de plusieurs services (une coopérative qui fait de l’accès aux entrants, au
52
micro-crédit, à l’assurance décès et/ou maladie. La convention-cadre peut alors concerner un
seul acteur ou plusieurs acteurs indépendants.
- Par groupe d'acteurs, on entendra toute entité qui regroupe des acteurs lesquels conservent
bien sûr leur statut juridique. Cette entité sera elle-même dotée d'une personnalité juridique
distincte des acteurs la composant. Cette entité pourra prendre le nom de "fédération", "union",
"groupement", "communauté", "syndicat", etc. La question consiste à savoir si chacune de ces
micro-assurances santé, malgré ce regroupement, continue de développer ses propres relations
contractuelles avec le Ministère de la Santé ou si c'est le regroupement qui agira au nom des
membres du regroupement. Le choix stratégique d'une solution repose en réalité sur la notion
de subsidiarité : quels pouvoirs les micro-assurances santé veulent-elles transférer au niveau
d'une union ou d'une fédération? Souhaitent-elles conférer à cette dernière de larges pouvoirs
au risque de se dessaisir d'une large part de leurs prérogatives de négociation ou souhaitentelles simplement transférer un mandat de coordination, d'orientation, de conseil, d'échange
d'information, mais garder les prérogatives de négociation, et donc de contractualisation, à leur
niveau.
2- QUELS EN SONT LES AVANTAGES?
Les avantages d’un recours à ces conventions-cadre sont :
·
La politique contractuelle dans le secteur de la santé, en définissant les grandes
orientations de la contractualisation permet une certaine harmonisation des pratiques
contractuelles qui sont développées au niveau de chacun des arrangements
contractuels ; mais elle laisse aussi une latitude importante à chacun pour définir les
modalités de son arrangement contractuel. La convention-cadre permet d’aller plus
loin dans l’harmonisation des pratiques au sein d’un groupe d'acteurs œuvrant dans le
domaine de la santé et partageant les mêmes objectifs. Ainsi, la convention-cadre
permettra de définir, pour toutes les formations sanitaires qui y seront rattachées, des
modalités communes à chacun des arrangements contractuels spécifiques ;
·
La convention-cadre, en ayant négocié un certain nombre d’éléments à ce niveau,
facilite et simplifie les discussions au niveau de chaque arrangement contractuel. Il
n’est plus nécessaire de discuter ces éléments ; l’arrangement contractuel spécifique se
référera alors aux clauses inscrites dans la convention-cadre. Par exemple, au Ghana,
certaines ONG confessionnelles, impliquées dans le partenariat avec le Ministère de la
Santé, ne souhaitent pas que leurs hôpitaux pratiquent sur le terrain certaines activités
de santé reproductive pour des raisons de morale et d'éthique. Pour régler cette
question, le "Memorandum of Understanding" (entre le Ministère de la Santé et la
Christian Health Association) prévoit une option pour les ONG qui ne souhaitent pas
que leurs hôpitaux réalisent certaines activités de santé reproductive. Ainsi, au
moment de l'établissement de l'arrangement contractuel spécifique, l'ONG qui le
désire peut invoquer cette option et indiquer les activités qu'elle ne souhaite pas voir
effectuées par son hôpital ;
·
En plaçant la négociation à un niveau supérieur, la convention-cadre fait intervenir
des instances qui auront peut-être des capacités de négociation plus développées et
protégera ainsi les MAS lesquelles ne disposent pas toujours des capacités suffisantes
pour mener un processus contractuel complexe. Une convention-cadre rétablit
l'équilibre entre la puissance d'un Ministère de la Santé et une fédération de MAS
permettant, de par son poids, de faire prévaloir des arguments qu'une MAS isolée
aurait eu davantage de difficultés à faire prévaloir ;
·
La convention-cadre peut établir l’attitude que doit avoir chaque formation sanitaire
relevant de l’instance fédérative ayant signé la convention-cadre. Ainsi, la convention-
53
cadre peut inciter, voire contraindre, les formations sanitaires relevant de cette
instance fédérative à développer des arrangements contractuels au niveau de chaque
formation sanitaire ;
·
La convention-cadre définira le rôle que jouera l’instance fédérative tout au long du
processus contractuel, et notamment en matière de signature (signature de
responsabilité ou signature de visa) mais également en matière de suivi des
arrangements contractuels spécifiques ;
3- A QUOI FAUT-IL FAIRE ATTENTION DANS LE RECOURS A CE TYPE DE CONTRACTUALISATION?
Les conventions-cadre sont des outils importants pour la coordination des acteurs. Pourtant:
- elles sont souvent difficiles à élaborer car elles mettent en jeu plusieurs acteurs; il faut
souvent beaucoup de temps pour concilier les points de vue et intérêts de chacun;
- il y a un risque que la convention-cadre, étant le plus petit commun dénominateur entre les
acteurs, ne soit finalement qu'une seule d'entente ou de modus vivendi sans beaucoup
d'implications opérationnelles. Dans ces cas, la convention-cadre devient une sorte de
document de référence qui n'est évoquée qu'en cas de dernier recours.
54
POURQUOI ET COMMENT REGULER LES PRATIQUES CONTRACTUELLES ?
La contractualisation s'est beaucoup développée dans le secteur de la santé presque partout ces
dernières années. De nombreuses expériences souvent prometteuses mais aussi aux résultats parfois
limités, pas tellement en raison de l'outil lui-même mais de son utilisation mal maîtrisée ou
inopportune, ont été documentées.
La contractualisation apparaît souvent comme un outil auquel les différents acteurs de la santé
recourent de manière ad hoc pour résoudre des problèmes spécifiques, sans toujours se préoccuper de
la manière dont cet outil s'insère dans le fonctionnement du système de santé.
1. LE CONTEXTE DU DEVELOPPEMENT DE LA CONTRACTUALISATION
Le recours accru à la contractualisation s’inscrit dans l'évolution des systèmes de santé et des rapports
entre les acteurs qui y interviennent. La place et le rôle de ces derniers ont beaucoup évolué. Les
changements suivants peuvent être mis en évidence :
- La définition du rôle de l'État a été remise en question: les analyses qui concluaient que
le remède aux faiblesses de l’Etat à gérer était la privatisation font de plus en plus place à une
vision d’un État dont les fonctions se concentrent sur le pilotage de l'intérêt général plutôt que
de prestataire et de financier des services. L'État devrait se centrer sur la fonction
d'administration générale (stewardship) et, comme le suggère le Rapport sur la santé dans le
monde 2000, s'attacher davantage "à tenir la barre qu'à ramer". Cette réflexion actuelle sur ce
rôle d'administration générale de l'État, définie comme "une fonction d'un gouvernement
responsable du bien-être de sa population et soucieux du bien-fondé et de la légitimité de ses
activités aux yeux des citoyens", n'est pourtant pas nouvelle. Elle renvoie à une remise en
cause substantielle des pratiques et techniques de management public. Selon certains analystes
de l'histoire des activités gouvernementales, nous sommes aujourd'hui à la charnière entre
deux périodes, celle finissante du "gouvernement commandeur" et celle émergente du
"gouvernement partenarial". Le gouvernement commandeur constitué et agissant par la règle
de droit générale, impersonnelle et coercitive serait de moins en moins adapté au contexte des
sociétés modernes caractérisées par leur complexité. Le gouvernement partenarial renvoie à
un État ne commandant plus du haut vers le bas, mais négociant avec son environnement
sociétal. Le droit moderne devrait ainsi accorder une place de plus en plus importante au
"droit-régulation" ou "droit négocié" (flexible, réflexif, réactif), ne plus prétendre tout
réglementer et imposer mais seulement créer des cadres de négociation. Le nouveau style de
gouvernement est celui de la gouvernance par délégation et coordination de réseaux
enchevêtrés. L’administration moderne deviendrait ainsi une administration coopérative
généralisant le recours à la négociation comme modalité ordinaire d'action. Par ailleurs, la loi
fait de plus en plus appel au contrat pour son application et de moins en moins appel aux
décrets d'application qui imposent unilatéralement.
- Dans la plupart des systèmes de santé, le secteur privé se développe, se diversifie et joue
déjà ou veut jouer un rôle de plus en plus important. Au niveau de la prestation de services de
santé, les prestataires privés à but lucratif et non lucratif occupent une place parfois plus
importante que le service public. Ce secteur s'est diversifié: les prestataires privés sans but
lucratif, qui étaient principalement issus des congrégations religieuses, comprennent
maintenant des organisations laïques. Le secteur privé à but lucratif, qui était principalement
installé dans les villes et qui s'adressait essentiellement aux couches favorisées pour des
services curatifs, s'installe dans des zones géographiques plus diverses et couvre des couches
moins favorisées.
Le fonctionnement en isolement n'est plus souhaitable; progressivement, les acteurs prennent
conscience de la nécessité de construire des relations qu'ils souhaitent de plus en plus formelles. Mais
55
ces relations demeurent fréquemment ad hoc. A l'instar des pratiques commerciales, ces acteurs
considèrent la contractualisation comme un outil leur permettant de résoudre leurs problèmes, sans se
préoccuper de l'intérêt général. On assiste ainsi à la juxtaposition d'arrangements contractuels
spécifiques dont tout le monde s'accommode, y compris les autorités sanitaires et ce, d'autant plus que
le recours à la contractualisation reste limité et relativement méconnu. Mais cette juxtaposition
présente des inconvénients:
- Le recours à la contractualisation dans le secteur de la santé se développe au gré des
opportunités et non selon une stratégie clairement définie par le Ministère de la Santé. Au Bénin,
la décision de mettre en gestion déléguée le Centre de santé de Ménontin est un acte isolé;
- Le recours à la contractualisation entraîne parfois des dérives et des dérapages qui sont jugés
inacceptables. Par exemple au Maroc, il a pu être observé que dans certains hôpitaux ayant soustraité l'entretien des locaux, les entreprises sous-traitantes payaient leurs salariés en dessous du
salaire minimum. De même, on a observé ailleurs que la sous-traitance entraînait des
licenciements de fonctionnaires, soulevant ainsi l’opposition les syndicats;
- Le recours à la contractualisation se fait trop souvent sans professionnalisme; ainsi certains
acteurs, séduits par certaines expériences, se lancent sans précaution: cet amateurisme conduit
alors souvent à l'échec. Il est beaucoup moins facile qu'il y paraît de conduire efficacement un
processus contractuel et de rédiger un contrat qui spécifie pleinement, dans l'esprit et dans la
lettre, l'entente entre des acteurs.
Mal utilisée, la contractualisation peut s'avérer dangereuse. On lui reproche ainsi d'être un
véhicule pour la privatisation ou de marquer le désengagement de l'État avec, comme corolaire, la
perte de vue de l'intérêt général.
2. LES OUTILS DE LA REGULATION
Au cours des dernières années, de nombreux pays ont ressenti le besoin de mettre en place une
régulation des pratiques contractuelles. Ce besoin est exprimé par les Ministères de la santé mais
également par d'autres acteurs.
Il convient d'adopter une vision large de la régulation; celle-ci englobe aussi bien les textes et les
outils du contrôle et de la surveillance -la réglementation- que les incitations, les orientations, les
stratégies et les politiques. Il s'agit à la fois de dynamiser les initiatives de tous les acteurs,
d'encourager leur contribution à la santé des populations mais aussi d'encadrer le recours à la
contractualisation pour en éviter les effets potentiellement négatifs. La réglementation constitue donc
la première forme de régulation et certains s'en contentent: les lois et règlements sont suffisants pour
éviter les abus et les imperfections du marché. Mais de plus en plus, les pays adoptent d'autres formes
de régulation des pratiques contractuelles:
•
De nombreux pays procèdent à l'harmonisation des documents contractuels en élaborant des
contrats-type ou contrats standard. Ainsi, la technique des contrats-type, en proposant un
cadre formel aux relations contractuelles spécifiques, permet une harmonisation des
pratiques même si celle-ci reste ciblée sur des domaines bien délimités de relations
contractuelles;
•
Certains pays procèdent à partir de documents d'orientation sur des domaines spécifiques où
il est fait recours à la contractualisation. Par exemple, le Canada (Province du Québec), en
s'inspirant d'ailleurs de l'expérience de la Grande-Bretagne, développe, par la loi 61 de 2004,
les partenariats public - privé, pour le renouvellement des infrastructures publiques et
l'amélioration de la qualité des services aux citoyens. Ces documents officiels définissent
avec beaucoup de précision l'usage de ce type de contractualisation, mais là encore dans un
champ bien délimité;
Le recours aux conventions-cadre renvoie à des objectifs différents:
•
56
- Certaines conventions-cadre définissent des modalités contractuelles auxquelles les
acteurs ont le choix d'adhérer ou non. Ainsi en est-il en France de la convention entre
les caisses d'assurance maladie et les syndicats de médecins généralistes libéraux: par
simple lettre, le médecin généraliste indique qu'il adhère à la convention générale qui
définit les relations entre les caisses et les médecins généralistes; il n'y a donc pas de
contrat spécifique liant un médecin en particulier et une caisse d'assurance maladie.
- Certaines conventions-cadre sont davantage conçues comme des documents fixant
les grandes orientations contractuelles et laissant le soin aux acteurs de définir, dans
ce cadre, leurs relations contractuelles spécifiques. Ainsi, les grandes ONG nationales
et les instances confessionnelles qui sont propriétaires et gestionnaires de nombreuses
formations sanitaires dans les pays à faible revenu souhaitent que des conventionscadre soient élaborées pour servir ensuite de référence à la négociation de leurs
arrangements contractuels spécifiques. Par ailleurs, chaque arrangement contractuel
est considéré comme une situation d'exception puisque la stratégie contractuelle n'est
pas inscrite dans la politique nationale de santé. Afin de pallier ces inconvénients, ces
églises demandent l'instauration d'un cadre de référence pour leurs négociations qui
donnera force et crédibilité aux arrangements contractuels qu'ensuite elles élaboreront.
•
Si les pays souhaitent que le recours à la contractualisation par les différents acteurs de
santé se fasse avec tout le professionnalisme qui convient et qui assurera le succès de la
contractualisation, il est important que ces derniers disposent de tous les appuis qui les
aident à réaliser ces tâches. Bon nombre d'entre eux auront besoin d'une aide pour
conduire de la façon la plus appropriée possible une relation contractuelle. Cet appui
technique peut prendre des formes diverses: appui-conseil aux acteurs qui le souhaitent à
toutes les étapes d'un processus contractuel, avis préalables aux instances signataires d'un
contrat, élaboration de guides et de manuels sur le recours à la contractualisation,
formations à la contractualisation, évaluation des expériences, élaboration de textes
réglementaires, etc. Plusieurs pays ont établi des structures spécifiques en charge de ces
mandats. Ainsi, les structures ou cellules d'appui technique à la contractualisation
contribuent à harmoniser les pratiques contractuelles des acteurs de terrain.
Par rapport au laissez-faire, ces outils permettent un certain encadrement des pratiques
contractuelles. D'une manière pragmatique, des repères et des cadres sont placés sur certains types de
contractualisation pour lesquels on pense qu'il est utile d'expliciter les règles du jeu. Toutefois, la
contractualisation n'est pas pour autant placée dans une approche systémique, c'est-à-dire dans un
cadre où l'on envisage la contractualisation comme un des outils permettant d'améliorer la
performance du système de santé. Pour envisager la contractualisation dans le cadre élargi des
réformes du secteur de la santé, les pays ont avantage à l'intégrer dans leur politique de santé; deux
solutions s'offrent alors:
•
De nombreux pays élaborent des documents du type "politique nationale de santé",
lesquels envisagent l'évolution du secteur de la santé et les réformes qui seront nécessaires.
Les pays qui souhaitent recourir à la contractualisation peuvent définir les modalités et les
stratégies de sa mise en œuvre dans ce cadre de politique générale;
•
Dans la politique nationale de santé, la place qui peut être consacrée à ce seul outil qu'est
la contractualisation reste modeste et ne permet pas de définir avec précision son
utilisation. Pour pallier cette situation, il est possible d'élaborer un document spécifique de
"politique de contractualisation". Cette recommandation est d'ailleurs inscrite dans la
résolution de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) sur la contractualisation. Celle-ci
stipule: "The Fifty-sixth World Health Assembly… URGES Member States:…2)to frame
contractual policies that maximize impact on the performance of health systems and
harmonize the practices of all parties in a transparent way, to avoid adverse effects;". Une
politique de contractualisation aura alors pour but de définir les relations entre des acteurs;
57
elle définira la place du contrat dans les relations entre les acteurs œuvrant dans le
domaine, elle posera les principes et les objectifs des relations contractuelles, elle définira
les priorités et les actions contractualisables, elle pourra proposer des types de contrats
préférentiels, elle fixera un certain nombre de règles du jeu (par exemple, les modalités
d'enregistrement des contrats).
Ces deux stratégies ne sont bien évidemment pas mutuellement exclusives; elles sont idéalement
complémentaires. En fonction des moments d'élaboration de ces documents, le second viendra
compléter le premier ou le second sera repris dans le premier.
Parmi les outils présentés ici, les politiques de contractualisation sont sans doute le plus complet et le
plus novateur. Elles se placent à un niveau politique et non plus au niveau des instruments techniques.
En effet, elles permettent d'intégrer la contractualisation dans une approche systémique à l'instar des
politiques définies pour d'autres domaines: politiques pharmaceutiques, de ressources humaines, de
financement de la santé, etc. Parce qu'il s'agit d'un outil dont l'usage est souvent nouveau et peut faire
l'objet parfois de polémiques de la part de certains acteurs, le Ministère de la Santé a intérêt à définir
ses orientations et sa stratégie avec précaution.
Approche systémique de la contractualisation
Niveau opérationnel
Outils techniques
de régulation
Cadre politique
Politique nationale
de santé
Contractualisation
Politique nationale de
contractualisation
Structure
d'appui
technique
Textes
spécifiques
Arrangement
contractuel
Conventions
-cadre
Arrangement
contractuel
Arrangement
contractuel
Arrangement
contractuel
Arrangement
contractuel
58
Contrats
type
3. CONDITIONS DU SUCCES
Tous les outils de régulation présentés ci-dessus n'auront toutefois un réel impact que dans la mesure
où ils sont bien définis et mis en œuvre. Il n'y a pas, en la matière, de garantie absolue; toutefois, il est
possible de dégager certains éléments:
•
L'élaboration puis la mise en œuvre d'une politique nationale de contractualisation ne peut se
faire sans un engagement solide des instances politiques du Ministère de la Santé, voire même
du Gouvernement. La prise de conscience de la nécessité de poser un cadre aux pratiques
contractuelles peut être technique; toutefois, sans engagement politique, les arguments
techniques risquent d'être insuffisants. Par ailleurs, le respect d'une politique de
contractualisation par les différents acteurs sera d'autant plus fort que l'engagement des
responsables politiques sera réel. Cet engagement politique sera en outre facilité par le soutien
de partenaires du Ministère de la Santé. Dans le cadre défini par la résolution, l'OMS
accompagne les pays qui souhaitent développer une politique de contractualisation mais elle
vérifie toujours que la volonté politique est présente avant d'apporter son appui; de même, la
Banque Mondiale, au travers des opérations qu'elle finance dans les pays mais également au
travers des formations qu'elle propose, appuie les pays qui le souhaitent; enfin, certaines ONG
telles que Medicus Mundi International suggèrent aux pays de mettre en place des règles du
jeu à la contractualisation avant d'apporter son appui technique et financier;
•
Un outil de régulation, quel qu'il soit, n'a que peu de chance de donner de bons résultats s'il est
imposé par ceux qui l'ont élaboré, et ceci est particulièrement vrai pour la contractualisation;
en effet, la coercition s'accorde mal avec l'esprit de la contractualisation qui repose sur
l'entente réciproque entre des acteurs. La recherche de consensus dans l'élaboration des outils
de régulation s'avèrera souvent une condition à la mise en œuvre effective de cette régulation;
•
L'élaboration d'outils de régulation est un préalable qui prendra toute sa mesure si elle
s'accompagne de mécanismes de suivi, lesquels peuvent prendre des formes variées:
- Il convient tout d'abord de mettre en place une ou des instance(s) de suivi. Pour que des
textes réglementaires ou des documents de politiques soient mis en œuvre et respectés, il
est nécessaire que des instances du Ministère de la Santé aient reçu mandat de cette tâche.
Ce mandat peut être confié à des instances déjà existantes ou à une instance créée à cet
effet, et ce, avec les moyens nécessaires à l'accomplissement de ces tâches. Parce que ces
modalités opérationnelles sont souvent ignorées, il est fréquent de constater que de bonnes
mesures, stratégies ou politiques restent lettre morte. Une instance de suivi de la politique
nationale de contractualisation ne doit cependant pas être confondue avec une structure
d'appui technique à la contractualisation qui apporte une aide aux acteurs qui en éprouvent
le besoin;
- Pour que les politiques de contractualisation soient mises en œuvre, elles doivent
souvent être prolongées par des textes juridiques (lois et règlements). Ainsi, il n'est pas
rare de constater que des acteurs de la santé renoncent à établir des relations contractuelles
en raison des difficultés rencontrées auprès d'une administration tatillonne. Un cadre légal
définira "l'espace de décision" qui est accordé à chacun des acteurs. Les variations de ce
cadre seront sans doute importantes entre les pays, selon les réformes institutionnelles
qu'ils ont engagées. Par exemple, en Colombie la loi autorise les hôpitaux nouvellement
autonomes à contracter avec des systèmes privés d'assurance santé, alors qu'une loi
comparable ne le permet pas au Chili;
- Pour accompagner la mise en œuvre de ses textes et politiques, un Ministère de la Santé
peut recourir à des incitations. Ainsi, il peut agir sur la prise de décision des acteurs en les
amenant à reconsidérer leurs intérêts à entrer en relations contractuelles. Il peut par
exemple décider de lier l'attribution d'une prime, d'une subvention ou d'une exonération
fiscale, à la signature d'arrangements contractuels. Les incitations seront notamment
pertinentes dans toutes les politiques de contractualisation qui ont pour objectif d'amener
59
le secteur privé à travailler de concert avec le secteur public. Par ailleurs, les incitations
sont au cœur de tout le courant des "contrats de performance", c'est-à-dire des contrats où
l'affectation de moyens (humains ou financiers) par un acteur est liée à l'atteinte de
résultats définis dans le contrat par un acteur responsable de la mise en œuvre des services
de santé;
- Le recours à la contractualisation doit être évalué. Tous les acteurs peuvent contribuer à
cette évaluation. Il revient au Ministère de la Santé de mettre en place l'évaluation des
expériences qui font usage de la contractualisation afin d'en tirer les leçons: pertinence de
l'outil contractuel, effets produits par le recours à la contractualisation, déroulement du
processus contractuel. L'évaluation mettra ainsi en lumière les bonnes pratiques, lesquelles
pourront ensuite être utilisées pour améliorer les outils de régulation proposés.
CONCLUSION
Dans un système de santé, un recours substantiel à la contractualisation induit presque
nécessairement des formes de régulation. Le laisser-faire, qui peut être accepté tant que le recours à la
contractualisation est exceptionnel, ne peut plus être de mise lorsque la contractualisation est utilisée
par une multitude d'acteurs et dans des contextes variés. La nécessité de poser des cadres s'impose
d'elle-même et bien souvent les acteurs en ressentent et expriment eux-mêmes le besoin. Toutefois,
l'exercice peut s'avérer difficile car le cadre ne doit pas être trop contraignant au risque d’affaiblir le
dynamisme inhérent à la démarche contractuelle. L'élaboration de politiques nationales de
contractualisation permettra sans doute d'aborder la contractualisation dans toutes ses facettes et de
définir des orientations et des stratégies solides et qui s'imposeront aux acteurs de la santé.
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