Denis Colin - Le Trident - Scène nationale de Cherbourg

Transcription

Denis Colin - Le Trident - Scène nationale de Cherbourg
© Fabien Monsinjon
Denis Colin
ET LA SOCIETE DES ARPENTEURS
Subject to change
Théâtre de la Butte
Mardi 8 février I 20h45 I Jazz
Ouverture de billetterie 20 novembre
Tarif B I Passeport jeune
Saison 2010.2011
© Xavier Prevost
Denis Colin
ET LA SOCIETE DES ARPENTEURS
Subject to change
Compositions & clarinette basse Denis Colin.
Avec Jacques Schwarz-Bart sax, Benjamin Moussay Fender rhodes, Julien Omé guitare, Antoine
Berjeaut trompette & bugle, Stéphane Kerecki contrebasse, Eric Echampard batterie. Son Etienne
Bultingaire. Management Boris Jourdain.
Denis Colin et la Société des Arpenteurs www.deniscolin.com
Durée 1h30
1 Trident
Denis Colin & La Société des Arpenteurs
Subject To Change
Comme le disait dernièrement le jeune programmateur d’un grand festival : ‘’il est aujourd’hui très
facile de percevoir l’univers d’un artiste en quelques clics’’.
Hum… les myspaces, facebooks, et autres inventions indispensables, ont-ils prise sur toutes les
musiques ?
À quoi joue Denis Colin ? Vingt années ou presque passées en trio et le voilà qui décide de monter
sa Société des Arpenteurs. Lubie passagère ? Crise de la cinquantaine ? Soif de pouvoir ? Ce serait
mal connaître celui qui a fait de la clarinette basse, instrument rare à la palette expressive large,
sa clé d’entrée dans la musique.
Subject to change. Le titre de ce nouvel acte de naissance ne saurait être plus clair : Denis Colin
est sujet au changement. On avait senti le vent tourner ces dernières années avec deux recueils de
reprises où les voix faisaient entrer la Great black music dans un univers jusqu’alors étiqueté jazz
instrumental ‘’à la française’’.
Coup dur pour les amateurs de petites cases ! Le maître arpenteur voit les choses en grand et
bouscule les idées arrêtées dans les confiseries. De quel droit se demande-t-on, ce grand échalas,
longtemps sur le sillon de la musique ouverte, pour ne pas dire free, peut-il oser en guise de mise
en bouche trois minutes trente d’un deep funk au groove rigoriste ?
Sans doute le clarinettiste n’avait-il pas osé assumer de manière si franche sa relation aux
musiques. Les musiques. Toutes celles qui ont un sens, et sont jouées avec sincérité quelque part.
Toutes celles qui ont traversé son existence en tout cas.
Avec cet album, Denis Colin voit les choses en plus large. Sans malice. Par le format soit - jusqu’à
dix musiciens embrigadés, mais éventuellement ce n’est pas une première pour celui qui débuta
au sein du Celestrial Communication Orchestra ; plus certainement par la manière de nourrir son
inspiration en puisant dans les régions les plus reculées de sa mémoire. Et à 50 ans révolus, il
faut croire que c’est plus simple de se faire confiance.
Subject to change : un disque de jazz !? Plutôt un écho à notre époque que certains affirment
creuse. Un album sans œillères qui résonne de toutes les largesses de cette époque furieuse. On
croyait pouvoir se reposer sur nos bons vieux repères, mais tout se trouve chamboulé. On y devine
entre les mélodies des souvenirs d’Afrique, d’Amérique, de contrées plus lointaines. Le grand Orient
peut-être ?
On capte ici des réminiscences du Miles période électrique, on entr’aperçoit plus loin le fantôme
d’Albert Ayler. Ses saillies incandescentes. Là, les secousses souterraines du Continent noir se
cramponnent et ne lâchent pas les riffs de Led Zeppelin. On entend des voix. Qui n’y sont pas,
mais on jurerait qu’il les a entendues au moment de poser les notes sur le papier. Il s’agit d’un
hymne. Une prise de position générationnelle. Un appel du pied pour une lecture à plusieurs voix
de l’histoire musicale de nos contemporains.
Au cœur de ce syncrétisme musical subsiste une direction, une vraie cohérence.
Foin de passage en force, il y a une marque de naturel et d’élégance dans la gestuelle du
compositeur. On aurait envie d’écrire qu’il y a derrière tout ça un long travail dans l’ombre des
précurseurs, des inventeurs du genre. On pense à Georges Russel. À Gil Evans. Pourquoi ne pas les
citer puisque la nuit c’est eux qu’il décortique et retranscrit.
Il est question de formule humaine derrière le rideau de la musique. On dépasse le cadre attendu
de la musique improvisée jouée en groupe. La dynamique de jeu de l’orchestre repose sur le fort
contraste engendré par une succession de phases purement instinctives et de délicats
arrangements en superposition. Cette matière orchestrale puissante nous plonge dans des
méandres d’introspection auxquels succèdent bientôt de nouveaux horizons chargés d’une énergie
surnaturelle.
Subject to change réconcilie nos âmes de consommateurs schizophréniques. A un moment on
dirait bien que le jazz n’existe plus ; reste son véhicule. Denis Colin roule à l’essence ordinaire,
celle d’un observateur de 54 ans solidement ancré dans son époque, qui vient de traverser la
seconde moitié d’un XXe siècle qui n’en finit plus de finir.
L’univers de certains artistes ne se dévoile totalement que dans la chaleur et l’instant du concert.
Là, maintenant.
Erzulie
2 Trident
Avec Denis Colin
Entretien avec Sébastien Gazeau, le 26 avril 2010 à Fontenay-sous-Bois
Comparés à vos précédents albums, notamment aux premiers parus en trio, Trois ou Fluide,
Subject to change semble plus brut, peut-être plus facile d’accès aussi…
Le problème que j’ai rencontré - et qui explique d’ailleurs l’enregistrement de mon premier album
en solo (Seul, 1990), et que je rencontre encore, c’est de trouver l’accord entre les instruments et
la musique. Avec le trio, je crois que nous y sommes parvenus. Il faut comprendre que la clarinette
basse, dans l’histoire du jazz, reste perçue comme un instrument importé. Et cette réalité est
encore plus évidente lorsqu’on joue en trio dont l’archétype reste contrebasse-batterie-saxophone
ou trompette. Il me fallait donc inventer une rythmique propre à la clarinette basse qui joue moins
fort que le sax ou à la trompette. Le trio violoncelle-zarb-clarinette basse me semblait génial mais
il fallait ensuite trouver un son propre à cette configuration.
Ce que nous avons fait avec Trois en 1992 puis Fluide sorti en 1998. Toute cette phase a duré 10
ans jusqu’à ce que le producteur Jean Rochard me fasse remarquer que nous avions effectivement
un son inédit et des morceaux inédits, mais que cela faisait finalement trop d’inconnu ! Il a donc
suggéré que nous fassions entrer un élément plus commun dans notre musique. Changer notre
manière de jouer était inenvisageable (nous étions encore en pleine progression) alors j’ai dû aller
rechercher cette ouverture dans mon background musical. Contrairement à ce que certains ont pu
croire, Trois ou Fluide n’étaient pas une critique des autres musiques mais une manière de nous
accorder avec nos instruments. Comme je continuais à écouter Led Zep, Coltrane ou Hendrix, je
n’imaginais pas que ça ne s’entende pas.
J’étais naïf !… Toujours est-il que nous avons choisi de nous tourner vers la musique noire
américaine, ce qui a donné Something in common en 2002. Puis il y a eu Songs for swans en
2006 qui poursuivait dans cette direction, cette fois avec une seule chanteuse, Gwen Matthews.
Vu sous cet angle, Subject to change marque un tournant au moins aussi important que ne l’était
l’ouverture à la Great black music ?
Peut-être même plus important encore ! Après dix-sept années en trio, je me suis tourné vers des
instruments plus communs --- la basse, la batterie, la guitare, le clavier, la trompette, le sax, la
flûte --- tout en revenant à ma propre musique [Something in common et Songs for Swans étaient
essentiellement composés de reprises, ndlr].
C’est en fait le processus inverse de ce qui s’est passé au début des années 2000, sauf que cette
fois, ma signature est suffisamment affirmée pour que je choisisse un instrumentarium plus
classique. Ceci dit, ça me pose encore problème parce que je manque de pratique avec ce type de
rythmique. Mais cette phase d’adaptation reste passionnante.
Le titre quant à lui s’apparente à une profession de foi. Faut-il y entendre une préoccupation
personnelle ou un message ?
Là où cet enregistrement est personnel, c’est dans le témoignage de ma propre expérience mais
mon propos concerne n’importe qui puisque nous sommes tous « sujets au changement ». Nos
existences ne ressemblent pas franchement à un chêne magnifique mais bien plutôt à cet arbre
distordu qui a poussé sur la tête du personnage représenté sur la pochette de l’album. Nos vies
s’adaptent à toutes sortes de contraintes sans prendre la forme parfaite qu’on aurait imaginée ou
voulue. Ce que je crois, c’est que la sève continue malgré tout de circuler et qu’il faut reconnaître
ce mouvement. C’est une question de perception et de disponibilité à ce qui se passe. Tant qu’on
est vivant, on est le réservoir de nouveautés. Et on change parce qu’on est apte à accueillir ou
susciter ces nouveautés. C’est en ce sens que cet album est un manifeste.
Un manifeste qui implique de l’exigence…
De l’exigence et du travail ! À quoi est-ce qu’on se rend disponible ? Il faut s’efforcer de prendre
de la distance avec certaines de nos obsessions. Pour moi ça a pu être à l’égard de l’illusion qu’on
« joue pour toujours », autrement dit de croire que les choses, une fois jouées, étaient définitives.
Je cherche au contraire à m’inscrire dans un courant porteur de vie, sans préjuger de ce qui va
advenir.
C’est précisément ce que vous avez fait en créant la Société des arpenteurs dont Subject to
change est le premier enregistrement…
Le trio que nous formions avec Pablo Cueco et Didier Petit s’était déjà ouvert à d’autres, au
moment du quintette puis de l’ensemble « Dans les cordes », ensuite avec le nonet etc. Mais il
3 Trident
constituait à chaque fois la structure pivot. Dans la Société des Arpenteurs, j’invite désormais des
musiciens à jouer ma musique. Et j’entretiens le flou. C’est une société ouverte : on ne sait pas très
bien où ça commence, où ça s’arrête, si on en fait partie ou pas ! L’organisation interne est un peu
mystérieuse, mais l’ensemble est clairement tourné vers l’extérieur…
Du coup votre place aussi a changé. Vous êtes devenu une sorte de grand ordonnateur, d’ailleurs
peut-être plus en retrait que sur les précédents albums ?
J’aime bien faire une musique qui raconte. Alors quitte à réunir onze personnes sur un album,
autant en profiter et mettre en valeur la personnalité de chacun et ce que le groupe peut raconter.
Ceci dit, je ne me sens pas en retrait puisque je signe toutes les pièces de Subject to change mais
mon approche de l’écriture a effectivement évolué. Quel mode de jeu je propose ? voilà le plus
important pour moi. Dans le jazz qui est la musique que j’ai le plus écoutée, je me suis aperçu que
j’aimais par-dessus tout les musiciens qui avaient une incidence sur le son d’ensemble. Coltrane
par exemple. À partir du moment où il arrive à mettre en place sa signature, ce ne sont pas ses
chorus qui font la nouveauté de sa musique mais le son du quartet. Même chose avec Miles. Cette
idée du son m’a toujours guidé.
Qu’est-ce qui définit ce mode de jeu ? Est-ce que vous en avez parlé aux musiciens ?
C’est une chose très délicate, difficile à exprimer avec des mots. Diriger un groupe comme celui-ci
demeure pour moi un perpétuel chantier de réflexion et je ne sais pas jusqu’où les choses doivent
être dites. Tout est tellement sujet à interprétation, à distorsion… Je préfère m’en tenir à la manière
dont j’écris la musique et dont je l’interprète pour diriger l’ensemble. Sur ce point aussi je
maintiens un certain flou, en modulant le nombre de personnes selon les concerts et donc en
changeant les arrangements, l’ordre des morceaux, la place des solistes. Le but étant de rester
alerte, de ne pas réciter sa leçon.
Vous dites rechercher une musique qui raconte, mais est-ce que vous diriez pour autant que votre
musique, et particulièrement celle qu’on entend sur ce dernier album, est visuelle, qu’elle joue
avec toute une palette de couleurs ?
Je n’associe pas ma musique à des couleurs. En revanche, si je propose un moment d’improvisation
à Sylvaine Hélary à la flûte, ça ne donnera pas la même chose que si je le propose à Antoine
Berjeaut à la trompette. Parce qu’ils n’ont pas la même signature. Ils n’ont pas les mêmes
références musicales. C’est de ça dont je dispose pour agencer l’ensemble. Je souhaiterais
maintenant mettre de plus en plus en valeur ce que chacun peut apporter. Mais ça demande du
temps, et de savoir se laisser surprendre. Même si en réalité je préférerais que ce soit moi qui les
surprenne !
Envisagez-vous d’élargir votre société jusqu’à former un grand ensemble ?
Bien sûr, mais ça dépend des moyens qui me seront donnés. Si un organisateur veut nous
entendre à 15 ou 20, je le ferais avec plaisir…
Cet enregistrement possède les caractéristiques d’une musique orchestrale. On a l’impression d’un
seul long morceau composé de plusieurs mouvements, ce qui d’ailleurs pose question sur les
raisons de défaire cette cohérence sur scène en bouleversant le répertoire, la forme…
Pour moi, il y a effectivement quatre ambiances sur cet enregistrement, comme quatre
mouvements. Mais il essentiel à mon sens de reconnaître que la musique ne subit pas les mêmes
contraintes selon qu’on est en studio ou devant un public sur scène. J’ai pris conscience de ça à
l’écoute des albums de Miles Davis dont les albums studio n’ont rien à voir avec ceux enregistrés
en public. Lui va même particulièrement loin dans cette distinction et c’est certainement sa plus
grande contribution à la musique moderne, cette intelligence qui l’amenait à développer ses
morceaux en public avec une liberté phénoménale. Je ne suis pas un spécialiste dans ce domaine,
mais je ne crois pas que les compositeurs de musique « classique » fassent cette distinction,
qu’ils proposent des interprétations différentes selon les situations. Je trouve ça dommage.
C’est peut-être là une spécificité du jazz ?
Les conditions d’écoute n’ont tout de même rien à voir ! Dans un concert, il y a quelque chose de
l’ordre de la cérémonie. Les gens quittent leur maison, se fendent d’un billet, parfois ils paient une
baby-sitter… Ils sortent ! Et tout ça pour écouter ensemble des gens qui font le truc, pour voir le
corps des musiciens dont l’attitude sera évidemment différente de celle qu’ils ont lorsqu’ils jouent
en studio ou bien chez eux. Le musicien a besoin de ça et pour le mélomane, c’est un moment
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d’écoute tout à fait à part. Il y a une certaine débauche d’énergie sur scène qui, gravée sur disque,
peut paraître parfois obscène dans la mesure où, si on n’a pas la lecture du corps du musicien, on
peut ne pas comprendre ce qui se passe. C’est vrai aussi pour un concert de musique
symphonique. Quand on est dans la salle, ça explose, c’est beau, c’est tellement beau ! Alors
quand on met ça sur la chaîne, ça fait trop. Ça fait presque mal…
Subject to change est sorti en octobre 2009. Vous l’avez depuis beaucoup joué sur scène dans des
configurations très différentes. Avec le recul, quelle écoute en avez-vous aujourd’hui ?
Je ne réécoute pas souvent mes propres enregistrements, et jamais dans leur totalité. Mais ça
m’arrive effectivement pour tenter de comprendre ce que j’ai voulu faire ! Sans vouloir le
commenter, je trouve que j’ai réussi à conserver ce que je voulais avant d’entrer en studio, le côté
un peu chiffon et très dynamique. Je voulais qu’on sente l’ébullition à l’œuvre. C’est facile de
truquer la musique en studio mais pour le mélomane, ça donne des morceaux lisses, souvent
ennuyeux. Sur ce point, je trouve que l’objectif a été atteint : on sent dans cet enregistrement une
forme de vie qui nous échappe.
On vous sent également plus libre musicalement. Le groove de certaines rythmiques, l’énergie
quasi rock de certains morceaux, et puis tout au long de l’album un évident plaisir de jouer... Là où
les deux précédents albums s’apparentaient à une sorte de reconnaissance de dette musicale (à
la Great black music, à Hendrix etc.), on dirait que vous assumez désormais pleinement toutes ces
influences ?
Il y a effectivement des influences très multiples sur cet album. C’est une chose propre au 20e
siècle et encore plus à notre époque qui fait qu’on peut se sentir profondément touché par une
musique lointaine sans bouger de chez soi. Reste qu’il faut du temps pour intégrer ces influences.
Quant au fait de les assumer… C’est vrai que ça bruite un peu dans le milieu, on se demande ce
que je fais, si je ne suis pas tombé dans une certaine facilité. Ces questions ne me préoccupent
pas vraiment sauf si les personnes qui me le reprochent en profitent pour m’évincer de certains
circuits. C’est le versant moins glorieux de notre métier, mais il n’en reste pas moins que je signe
cet album avec les deux mains, et même les deux pieds !
De quelle facilité s’agirait-il ?
Cette critique s’appuie sur l’idée qu’il existerait des degrés dans le jeu et dans l’écoute. C’est une
vision à laquelle je suis profondément opposé. Je crois en revanche qu’il existe différents niveaux
de perception. Des mélomanes totalement ignorants des règles musicales peuvent écouter Subject
to change et l’apprécier.
D’autres peuvent avoir de sérieuses connaissances en la matière et y trouver aussi leur compte. Il
n’y a pas de hiérarchie à établir entre eux, c’est simplement une question de point de vue. Là où
on écoute, on est toujours au premier degré ! Un « connaisseur » ne peut pas se référer à l’écoute
d’un « ignorant » parce qu’il a oublié comment ce dernier écoute… Ce qui est important pour moi,
c’est que ma musique soit perceptible par tous les mélomanes, qu’ils aient ou non des
connaissances musicales.
Une constante entre tous vos albums, c’est le souci que vous semblez accorder aux mots,
notamment à travers les titres.
Je trouve important que les titres soient évocateurs, qu’ils renvoient à une certaine intériorité. Ce ne
sont pas pour moi des boutades comme c’est souvent le cas dans le jazz français, peut-être en
référence à une tradition qu’on trouve dans le blues.
Les mots, c’est aussi le chant…
Le rapport que j’ai avec la clarinette basse touche au chant. J’avais cette idée en tête en
choisissant de m’en tenir à un seul instrument, pour l’utiliser à la manière dont on travaille sa
propre voix. En jouant de plusieurs instruments à anche, j’aurais risqué de jouer sur les couleurs et
je ne voulais pas de ça. Bien sûr tout ceci est fantasmatique : la clarinette basse reste la
clarinette basse, mais dans mon jeu comme dans mon écriture, je suis à la recherche d’une
certaine voix. Chicago blues for Malachi par exemple s’apparente à un lied, à un chant qui se
développe sans refrain, sans retour sur lui-même, avec seulement une entrée et une sortie. Par
cheminement se termine par une sorte de scansion. C’est très important pour moi que l’écriture
mélodique s’inspire du chant. Mais pour le moment, je n’ai pas encore associé ma musique à des
mots, sauf en reprenant ce poème de Rimbaud, « Veillées ».
C’est une voie que vous souhaitez arpenter ?
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Dans un proche avenir, je vais essayer d’intégrer les mots à ma musique. En français, parce que je
suis dans cette langue, même si je ne rechigne pas à le faire en anglais. Mais je ne me sens pas
suffisamment bon anglophone pour travailler la prosodie sans quoi il ne peut pas y avoir de
mélodie juste. C’est comme de parler une langue étrangère, il faut comprendre où tombent les
accents si on veut se faire entendre.
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La biographie Denis Colin
1956… Naissance à Vanves.
1975… Rencontre avec Alan Silva qui fonde l'IACP (76) dont Denis Colin assume la direction
pédagogique de 79 à 82. Premiers concerts avec le Celestrial Communication Orchestra en 77 puis
enregistrement en 79.
1984… Début d'une longue collaboration avec la compagnie de théâtre de rue Tuchenn, conception
de huit musiques de spectacle.
1988… François Tusques invite Denis Colin dans son trio. Série en cours.
1990… Enregistrement et publication de CLARINETTE BASSE, SEUL (In Situ).
1991... Fondation du Denis Colin Trio avec Didier Petit et Pablo Cueco qui tourne sans discontinuer
pendant 17 ans à travers le monde. Enregistrement de TROIS (In Situ) en 92, puis de IN SITU A
BANLIEUES BLEUES (Transes Européennes) en 94.
1995… Fondation du quintet Denis Colin & les Arpenteurs. Camel Zekri et Bruno Girard se joignent
au Trio.
1995… Première musique de film pour la réalisatrice Florence Miailhe qui sera suivi par de
nombreux autres. Les films d’animation de Florence Miailhe sont régulièrement primés dans les
festivals internationaux. Notamment César du meilleur court-métrage en 02, Mention Spéciale au
festival de Cannes en 06. Long métrage en préparation.
1997… Rencontre avec Jean Rochard lors du 3e album du Denis Colin trio ''FLUIDE'' (In Situ). Jean
Rochard réalisera et produira les disques suivants dont ETUDE DE TERRAIN (nato) en 99 avec le
quintet Les Arpenteurs.
1998… Commande de Radio France ''Dans les Cordes'' qui permet de fonder le Douze' tet du même
nom, qui deviendra ensuite un Nonet pendant une dizaine d’années.
2001… Rencontre avec des artistes de la scène de Minneapolis, qui se concrétisera par la sortie du
somptueux SOMETHING IN COMMON (Universal Jazz) en 02.
2003… Premier concert en guest du Archie Shepp Quartet. Série en cours.
2006… Gwen Matthews qui figure sur ‘Something in Common’ poursuit l’aventure avec le trio sur
SONGS FOR SWANS (nato). Tournée intensive avec ce groupe pendant plus de deux ans en Europe
et en Amérique du Nord.
2008… Année de transition consacrée notamment à la constitution d’une nouvelle équipe
musicale. La Société des Arpenteurs voit le jour après une longue série de concerts parisiens.
2009… Enregistrement et sortie de SUBJECT TO CHANGE (Chant du Monde).
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Les extraits de presse
So Jazz, novembre 2009, Arnaud Robert
Portrait. Denis Colin. Le miracle soufflé
La Société des Arpenteurs. Rien que le nom vous transporte. En 1975, Denis Colin, clarinette basse,
croise Alan Silva. Pendant quatre ans, il assure la direction de son Institut Art Culture Perception.
L’expérience lui donne le goût des ensembles mouvants, des musiques ouvertes au goût ludique.
Lorsqu’il crée, en 1995, une formation nommée les Arpenteurs, il songe à cela et aux units divers
du jazz affranchi. Le mot même d’arpenteur renvoie à des émancipations douloureuses ; celle de
son père, déporté à Auschwitz, qui devait notamment sa survie à la maîtrise d’un instrument
topographique et donc à sa fonction d’arpenteur.
Denis Colin est l’un des événements les plus heureux qui soient arrivés au jazz français, aux
amoureux de Minneapolis dont il ne cesse de visiter le groove et au répertoire le plus vaste (il a
enregistré « Blasé » d’Archie Shepp et « Diallo » de Wyclef Jean sur son album Something In
Common). Son nouveau disque, Subject To Change, réunit une bande dégingandée, dont Tony
Malaby au ténor ou Tony Rabeson à la batterie. Mais aussi de jeunes prodiges qu’il a croisés en
des nocturnes parisiens. Cette Société des Arpenteurs renverse la rentrée musicale. Un jazz qui ne
cède rien des lézardes free, de l’exigence libératoire. Mais qui groove sec et profond. Il y a, au fil
des titres, un sens de la transe, des timbres friables, des sections de souffleurs chapardées à
l’afrobeat. Bref, un disque d’une modernité et d’une intelligence qui viennent de loin. Colin a la
discrétion chevillée aux anches. Fort à parier qu’elle soit bientôt contrariée.
A écouter Denis Colin & la Société des Arpenteurs, « Subject To Change » (Le Chant du Monde)
Vibrations, décembre 2009 – janvier 2010, Jacques Denis
Denis Colin & La Société des Arpenteurs – Subject To Change
Le clarinettiste charpente un son ardent et explore les moindres recoins d’un groove organique
C’est avec une nouvelle équipe que Denis Colin a choisi de conjuguer les deux sujets autour
desquels il tourne depuis des années : la Great Black Music --- du cri de colère aux jouissifs
égarements --- et la musique improvisée européenne --- des sonorités pointillistes à des
arrangements d’ensemble détonants. Une rythmique superlative (entre autres Eric Echampard et
Tony Rabeson aux baguettes) et des vents inspirés (le trompettiste Antoine Berjeaut, mais aussi le
saxophoniste Tony Malaby en invité), le clarinettiste charpente ainsi un son des plus ardents afin
de pouvoir arpenter les plis et replis des grooves organiques, de terribles à-pics et de formidables
montées qui forment une thématique aux contours incernables. Ça pulse, c’est une évidence, ça
improvise, et avec quelle aisance ! Mais ça bouge aussi les lignes et les rapports entre les
promeneurs au long cours du Third Stream et les baroudeurs du free funk jazz, quitte à inventer un
nouvel archipel où accostent ces flibustiers dignes héritiers des épiques seventies.
So Jazz, novembre 2009, Alexandre Caldara
Denis Colin & La Société des Arpenteurs – Subject To Change
Arrêtons-nous sur l’image en couverture de Subject To Change car ce paysage automnal où
Maggie Taylor montre un arbre qui s’échappe d’une tête dit bien la multiplicité de musiques que le
disque contient. En intégrant de jeunes musiciens, la Société des Arpenteurs semble rendre visite
au collectif jazz à la française. Une fausse évidence. Même si la qualité des arrangements et la
fluidité du propos font songer aux frères Belmondo, le timbre particulier de Denis Colin amène une
autre dimension : celle de cet amoureux du grain du sax ténor qui sait faire grouiller les
possibilités free et caverneuses de sa clarinette basse. Les solos ne sont jamais des morceaux de
bravoure mais plutôt des envolées masquées qui permettent à d’autres instruments de sonner
étrangement. Benjamin Moussay au Rhodes et Julien Omé à la guitare dissimulent des effets
étranges et offrent des écrins au sax baryton de Fabrice Theuillon ou au bugle d’Antoine Berjeaut.
Au final, une fresque captivante qui fait souffler un vent de révolte sur une tente groove plantée
dans le bourbier.
Figaroscope, le mercredi 7 octobre 2009
Né en 1956 à Vanves, Denis Colin a choisi la clarinette basse car sa passion pour les grands
saxophonistes de l’histoire, Sonny Rollings, John Coltrane, l’a convaincu d’opter pour un instrument
nettement moins marqué (à l’exception d’Eric Dolphy). Il a eu raison. Cette décision lui a permis de
lancer des projets originaux. En 1991, il a fondé le Denis Colin Trio en 1991, autour de
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l’improvisation et de l’atmosphère, puis les Arpenteurs quatre ans plus tard, se distingue bientôt
par un style libre. On l’a vu improviser sur les films des frères Lumière, en 1995, au Festival
Banlieues Bleues, lors de la célébration du centenaire du cinéma, il a traversé l’Atlantique,
voyageant jusqu’à Minneapolis (la ville de Prince) et rapportant en 2002 un disque étonnant
Something In Common, riche de reprises (Jungoso de Sonny Rollins) et If 6 Was 9 de Jimi
Hendrix). Il y a aussi rencontré la chanteuse de soul Gwenn Matthews et publié avec elle un
album de couleur soul (Songs For Swans, en 2005), obtenant un joli succès. Ce beau parcours
nous amène à son nouveau projet, le mélodieux Subject To Change, où Denis Colin se montre à
l’aise aussi bien sur des titres groove que sur des pièces plus graves, souvent envoûtantes proches
des transes africaines. […]
La Terrasse, octobre 2009, Mathieu Durand
Gros plan – Denis Colin
Nouvel album et projet musical ambitieux pour le clarinettiste francilien.
Maître de la clarinette basse, instrument grave et majestueux, Denis Colin aime varier les plaisirs :
leader d’un formidable trio avec le joueur de zarb Pablo Cueco et le violoncelliste Didier Petit,
compositeur pour le théâtre et le cinéma, explorateur de la scène de Minneapolis (« Something In
Common », 2002). Et cette règle ne connaît pas d’exception : trois ans après son excitant disque
de reprises diverses et mariées (de Nina Simone à Jimi Hendrix) avec la chanteuse Gwen
Matthews, le souffleur revient sur le devant de la scène avec un projet mûri depuis près de deux
années. Le groove y joue les premiers rôles tandis que le jazz y fricote avec le rock. Son nom ?
« Subject To Change ». Et changement, il y a ! Fini l’art du trio acoustique que chérit Denis Colin
depuis des années : retour aux formations plus conséquentes où l’électricité de Miles Davis rôde en
amie : neuf musiciens, plus un invité, gravitant dorénavant autour du clarinettiste. Cette
association de bienfaiteurs sonores à géométrie variable (du trio au nonnet), Denis Colin l’a
baptisée « Société des Arpenteurs » : « Par Société, j’évoque le nombre, un contour flou, indéfini ou
poreux. Les échanges ont lieu, on y entre, on en sort, on y revient, le mouvement est constant. Je
souhaite refléter avec cette « Société » la malléabilité et la perméabilité qui se développent dans
ma propre vie ! » Subtil alliage de valeurs sûres (le batteur Eric Echampard ou le contrebassiste
Stéphane Kerecki) et de jeunes pousses prêtes à éclore (le claviériste Benjamin Moussay ou le
trompettiste Antoine Berjeaut), ladite société n’a rien du club privé et le prouve en accueillant sur
disque la sensation du saxophone new-yorkais, Tony Malaby. En concert, le mariage de leurs
sonorités fait merveille tant Denis Colin, en maître de cérémonie respectueux, aime s’effacer pour
laisser ses camarades de jeu s’exprimer à l’envi. Mais quand le clarinettiste se lance dans ses
solos sensiblement fougueux, mêmes les mouches n’osent plus voler.
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10 Trident
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