sous-traitance sur sites industriels : évaluation des risques

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sous-traitance sur sites industriels : évaluation des risques
APRIT / ARESI-BTP
Sous-traitance sur sites industriels
APRIT
ARESI-BTP
Association pour la Promotion des
Recherches Interdisciplinaires
sur le Travail
Association pour la Recherche
et les Études Scientifiques
dans l’Industrie du BTP
15, rue d’Entrecasteaux
13009 Marseille
23, Bd Charles Nédelec
13003 Marseille
Tél. et fax : 04 91 40 01 49
SOUS-TRAITANCE SUR SITES INDUSTRIELS :
ÉVALUATION DES RISQUES PROFESSIONNELS
Pereira Vitor
Secrétaire CHSCT Shell-Chimie
Remoiville Alain
Analyste du travail
Trinquet Pierre
Sociologue à APST-Recherche
Avril 1999
RAPPORT REALISÉ A LA DEMANDE DE LA DRTEFP – PACA
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Sous-traitance sur sites industriels
Nous tenons à remercier chaleureusement tous les
acteurs qui ont bien voulu, à la suite de notre rapport intermédiaire, nous communiquer leurs remarques. Comme convenu, elles nous ont permis
d’enrichir, notablement, notre rapport final.
Merci, également, pour tous les encouragements
que vous nous avez prodigués.
Les auteurs
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Sous-traitance sur sites industriels
SOMMAIRE
1 - INTRODUCTION ___________________________________________________________ 3
I - Développement de la sous-traitance _______________________________________________ 3
II - Sous-traitance et risques du travail. ______________________________________________ 4
III - Les risques liés à l’organisation générale de l’activité de sous-traitance sur sites industriels.5
IV - Nature des travaux sous-traités. ________________________________________________ 5
2 - RISQUES ORGANISATIONNELS ET STRUCTURELS COMMUNS. ________________ 7
I - les contraintes des contrats commerciaux. _________________________________________ 7
A/ les types de contrats. __________________________________________________________________7
B/ Les conditions de négociation des contrats. ________________________________________________8
II - L’extériorité de l’entreprise sous-traitante et de ses salariés. ________________________ 11
A/ Identification des risques. _____________________________________________________________11
B/- Maîtrise des risques dus à l’extériorité au site. ____________________________________________13
III - Le poids des contraintes temporelles. ___________________________________________ 16
A/ Les différentes origines de ces contraintes temporelles. ______________________________________16
B/ Les incidences de ces contraintes temporelles. _____________________________________________18
IV - Le « nomadisme » ___________________________________________________________ 20
A/ La fatigue. _________________________________________________________________________20
B/ La difficulté de construction de collectif de travailleurs sous-traitants. __________________________22
C/ La fragilisation psychologique. _________________________________________________________22
3 - ENTRETIEN COURANT ET DÉPANNAGE. ____________________________________ 24
I - Les différents types d’entretien _________________________________________________ 24
II - La Maintenance : une activité de plus en plus complexe ____________________________ 24
III - Les effets négatifs de la sous-traitance de la Maintenance __________________________ 25
IV - Les conséquences sur le plan de la sécurité du travail. _____________________________ 26
4 - TRAVAUX D’ENTRETIEN LORS DES GRANDS ARRETS. _______________________ 27
I - L’intense coactivité génératrice de risques.________________________________________ 27
II - La surpopulation génératrice de tension._________________________________________ 28
III - Les conditions de réalisations des marchés conclus. _______________________________ 28
IV - Le démarrage de l’exploitation.________________________________________________ 29
V - Propositions. ________________________________________________________________ 29
5 - LES TRAVAUX DE CONSTRUCTION NEUVE. _________________________________ 31
I - La contractualisation des marchés. ______________________________________________ 31
II - Les conditions de travail. ______________________________________________________ 31
III - L’espace de travail __________________________________________________________ 32
6 - CONCLUSIONS. ___________________________________________________________ 34
7 - BIBLIOGRAPHIE. _________________________________________________________ 36
I - Ouvrages ____________________________________________________________________ 36
II - Revues ; articles ; documents __________________________________________________ 37
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Sous-traitance sur sites industriels
1 - INTRODUCTION
I - Développement de la sous-traitance
Globalement, le recours à la sous-traitance s’est accru depuis le milieu des années
soixante-dix, parallèlement à l’introduction de nouvelles formes d’organisation du travail
(flux tendus, assurance qualité, introduction de nouvelles technologies,...). Elle a connu un
développement soutenu dans la seconde moitié des années quatre-vingts. Le montant des travaux sous-traités annuellement pour la seule maintenance sur site industriel — qui nous intéresse ici —, s’élevait, en France ces dernières années, autour de 35 milliards de francs par an,
dont 9 milliards pour le nucléaire. Sur cet ensemble des sites nucléaires français, interviennent 190 entreprises différentes, regroupant plus de 40.000 salariés — dont plus de la moitié
sont des précaires (CDD, intérimaires, indépendants voire saisonniers).
Les entreprises en général et les industries « à risque » en particulier, sous-traitent, dans
le cadre des modalités de la loi de 1975 et de ses textes d’application, de plus en plus, une
partie importante des travaux non directement liés à leur propre activité. C’est le cas, en particulier, pour le nucléaire, la chimie et la pétrochimie. Les entreprises de ces secteurs assuraient
souvent en « interne » la réalisation de travaux qu’elles sous-traitent aujourd’hui pour des
raisons économiques. Le GMIF (Regroupement Maritime et Industriel de Fos et de sa région),
qui regroupe l’ensemble des industriels de la région (donneurs d’ordres et sous-traitants), estime qu’environ 40 % des emplois, liés aux industries chimiques et pétrochimiques, sont
constitués par du personnel d’entreprises extérieures. C’est ainsi, que des entreprises du BTP
notamment, qui assuraient traditionnellement les travaux de construction, réalisent à présent,
des travaux d’entretien et de démantèlement. Cette tendance est aujourd’hui générale et semble devoir s’amplifier. D’où l’intérêt croissant, par le biais de leurs filiales spécialisées, des
grands groupes du BTP.
Les services entretien et travaux neufs, des entreprises utilisatrices, se sont ainsi transformés en donneurs d’ordres assurant, tout au long de ces chantiers, des fonctions de contrôle
et de réception. Leur domaine d’action s’est profondément transformé. Cette évolution supprime la synergie, certes plus ou moins bonne, qui existait entre des activités de nature très
différentes, au sein de la même entreprise. « L’interface entre des métiers présents au sein de
l’entreprise s’est déplacée vers une interface entre entreprises. » 1
La généralisation de ce recours à la sous-traitance modifie, négativement, les rapports
sociaux. Selon A. Thébaud-Mony, sociologue, directrice de recherches à l’INSERM : « en
dépit du discours managérial qui présente la sous-traitance comme un « partenariat »
d’entreprises, celle-ci ne se réduit pas à une simple passation de marché. Elle constitue un
système de pouvoir établissant un lien de subordination entre ces deux entreprises et entre
leurs salariés, et s’appuie sur des stratégies de flexibilisation de la main-d'œuvre, de soustraitance en cascade et de recours à toutes les formes d’emplois précaires : contrats à durée
déterminée, intérim, location ou prêt de main-d'œuvre, travail indépendant (vrai ou faux !…),
travail au noir. »2
1
Bernard Pèlegrin et al. : « Interventions d’entreprises de BTP sur sites industriels « à risques » : la prévention en question » ;
Plan Construction Architecture ; marché n°90-61-373 ; déc. 1992.
2 Annie Thébaud-Mony : « Sous-traitance, rapports sociaux, citoyenneté, santé. » Travail n°28 ; p 66.
N. B. : Nous tenons à exprimer toute notre dette, envers ces auteurs, ainsi qu’à A. Fernandez et R. Jean, dont les travaux
nous ont beaucoup inspirés, pour notre propre recherche.
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Sous-traitance sur sites industriels
II - Sous-traitance et risques du travail.
Il n’existe, à notre connaissance, aucune statistique officielle nationale sur
l’accidentabilité ni sur les atteintes à la santé des salariés des entreprises sous-traitantes, œuvrant sur sites industriels. Les statistiques de ces entreprises sous-traitantes regroupent
l’ensemble de leurs AT, quel que soit le type de chantier sur lesquels ils se sont produits. Cela
est fort regrettable. En effet, il serait très instructif de pouvoir repérer clairement l’effet, sur
les statistiques d’AT, des systèmes de sous-traitance ainsi, d’ailleurs, que celui de l’intérim.
C’est également, très préjudiciable. D’abord à une meilleure connaissance de l’ensemble des
risques encourus, dans le cadre de cette activité industrielle. Mais surtout, à une meilleure
prévention et maîtrise de ces risques ainsi identifiés. Nous pouvons, toutefois, nous en faire
une idée à partir d’analyses statistiques réalisées sur des sites précis ou des secteurs d’activité
limités (nucléaire, chimie,…). Il apparaît que l’accidentabilité des salariés « extérieurs » est
nettement plus élevée, sur site, que celle des salariés des entreprises donneuses d’ordres. Par
exemple, dans une raffinerie de Lavéra, A. Fernandez et R. Jean constatent que « le taux de
fréquence des accidents avec arrêt, c’est-à-dire les accidents que l’on peut considérer comme
graves, est 7,2 fois plus important parmi le personnel des entreprises intervenantes que parmi
le personnel interne. Cet écart tient, sans aucun doute, pour une part importante à la nature
des travaux effectués. Il n’en indique pas moins un ordre de priorité, très clair, en ce qui
concerne la politique de prévention et de sécurité de l’entreprise. »3
On constate, à la CRAM-Sud Est, que les ristournes AT bénéficient surtout aux grandes
entreprises régionales. On est en droit de se demander si la baisse des AT constatée dans ces
entreprises résulte bien d’une meilleure maîtrise des risques, sur leurs sites. Ne serait-ce pas
plutôt leur externalisation sur leurs entreprises sous-traitantes ? D’autant que l’accroissement
des travaux sous-traités coïncide assez bien avec la diminution de leur taux de fréquence et de
gravité. Par ailleurs, l’enquête STED de février 1995 (sous-traitance EDFDART/conséquences pour la santé des salariés à statut précaire) montre, assez clairement, que
la sous-traitance est un moyen commode de gestion des risques.
Marcel Fabre dans son rapport au Conseil économique et social, en février 1994, notait
également : « Les motifs du recours à la sous-traitance sont eux-mêmes souvent des facteurs
d’aggravation du risque professionnel. La sous-traitance peut être un moyen d’externaliser
les activités à plus faible valeur ajoutée (nettoyage, manutention, emballage par exemple).
Dans un contexte fortement concurrentiel, les sous-traitants contraints de comprimer les
coûts de leurs interventions, sont conduits à négliger les obligations qui leur incombent notamment en matière de sécurité au travail.
(...) Le donneur d’ordres est aussi parfois tenté de transférer les risques professionnels
les plus importants sur les entreprises extérieures, en se déchargeant de la pression d’un personnel affecté à des tâches particulièrement pénibles et dangereuses. Les rythmes imposés
aux salariés de ces entreprises sont aussi souvent supérieurs et les délais de réalisation plus
courts que ceux pratiqués dans l’entreprise utilisatrice. Dans l’industrie, l’introduction de
méthodes de production dites à ‘flux tendus’ accroît encore la dépendance des sous-traitants
et exige de leur part une organisation du travail plus flexible. Le travail posté, le travail de
nuit et le recours aux équipes de fin de semaine sont ainsi devenus plus fréquents dans ce type
d’entreprises.
La précarité de l’emploi qui affecte particulièrement les salariés qui travaillent dans le
cadre de la sous-traitance, se double souvent d’une dégradation des conditions d’exercice de
leurs droits collectifs. Ce qui n’est pas sans avoir des conséquences négatives en terme de
prévention des risques professionnels et de conditions de travail.
3
A. Fernandez et R. Jean : « L’amélioration de la sécurité dans les grands arrêts d’entretien. » Cidécos conseil ; mai 95.
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(...) Dans ces conditions, on ne saurait s’étonner que la sous-traitance apparaisse
comme une zone obscure du monde du travail où les entorses à la législation et à la réglementation sont nombreuses et particulièrement graves. Elle est couramment associée au développement de formes d’emplois illicites.
(...) Ces pratiques illicites se traduisent par une précarisation accrue des salariés qui
subissent les inconvénients du travail temporaires sans bénéficier des compensations attachées à ce statut (égalité des rémunérations, indemnités de précarité, droits aux congés formations à la sécurité ». (Direction des Journaux Officiels, p. 101 et 102).
Pour lever, quelque peu, le voile sur cette « zone obscure du monde du travail », nous
avons voulu réaliser une identification des dangers existants et une évaluation des risques
professionnels et environnementaux encourus, sur site industriel de la région PACA, lors des
interventions d’entreprises sous-traitantes. Et ceci, en vue d’aider les préventeurs,
d’entreprises et institutionnels, à déterminer les mesures qui s’imposent pour protéger la santé
et assurer la sécurité de ces salariés.
III - Les risques liés à l’organisation générale
de l’activité de sous-traitance sur sites industriels.
La réglementation de la sécurité du travail et, par contre coup, la prévention en entreprises se sont longtemps polarisées sur les exigences d’équipements et d’aménagements d’ordre
matériel. C’est qu’en effet, les problèmes à ces niveaux sont préoccupants. Cependant, de
façon plus récente, est apparue la nécessité de prendre en compte la prévention aussi par la
dimension « organisation ». C’est ainsi que la spécificité des risques résultants des phénomènes économiques et structurels de sous-traitance a justifié des exigences réglementaires en
termes d’analyses préalables et concertées de coordination préventive. D’autant qu’il nous
semble, en première analyse, que c’est dans ces aspects organisationnel et structurel que réside une part importante de l’accidentabilité de ce secteur industriel. C’est qu’en effet, comme
l’écrit Annie Thébaud-Mony : « Les phénomènes économiques de sous-traitance, depuis vingt
ans, ont des répercussions négatives, observables en termes de restructuration/déstructuration des rapports sociaux. C’est le cas, en particulier, de processus aggravés
d’atteintes majeures de la santé au travail, où il apparaît que la flexibilité des emplois, mobilité géographique et, finalement, individualisation dans la gestion des risques concourent à
une dégradation considérable, par la neutralisation des règles et mécanismes normaux de
prévention et d’alerte. » (Ibid. p. 65). Cet auteur pointe trois conséquences majeures, pour les
sociétés industrielles, de ce développement de la sous-traitance :
1/ l’émergence d’un nouveau rapport social qui fracture le salariat à partir des liens de subordination et qui dérive vers des pratiques sociales concrètes particulièrement problématiques ;
2/ la perte de citoyenneté des salariés des entreprises sous-traitantes ;
3/ l’individualisation des processus de construction/déconstruction de la santé au travail.
IV - Nature des travaux sous-traités.
Les travaux réalisés sur sites industriels par des entreprises du BTP peuvent être de nature très variable :
¾ Travaux de construction neuve (création d’une nouvelle unité ou d’un nouveau bâtiment
dans l’enceinte de l’entreprise utilisatrice) ;
¾ Maintenance, réparation et dépannage ;
¾ Transformation et modification ;
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¾ Contrôle et entretien.
Les travaux neufs se différencient des autres par le fait que l’intervention se situe, ou
non, sur l’installation existante. Les autres types de travaux font référence à des délais
d’intervention plus ou moins rapides. Le dépannage étant le plus soumis au facteur temps. Ils
se différencient, aussi, par le fait que l’on intervient à la suite d’un dysfonctionnement ou
d’une usure ou à cause de la vétusté de l’installation.
Il nous est vite apparu opportun, pour bien différencier les risques en fonction de la nature des travaux exécutés, de créer trois grandes catégories d’interventions. Nous rapprochant,
ainsi, des recherches déjà réalisées sur ce sujet de préoccupation.
¾ Travaux d’entretien courant et de dépannage.
¾ Travaux d’entretien lors des grands arrêts.
¾ Travaux de construction neuve, hors installation en fonctionnement.
Cependant, des situations ou des conditions de travail à risque apparaissent communes à
ces trois cas de figure. Nous commencerons donc par évoquer celles-ci, afin de ne pas nous
répéter lourdement, lors de l’évocation particulière à chaque cas.
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2 - RISQUES ORGANISATIONNELS ET STRUCTURELS COMMUNS.
L’intervention des entreprises sous-traitantes, sur un site industriel, présente des caractéristiques organisationnelles et structurelles spécifiques, génératrices de risques, que l’on
peut classer en quatre catégories :
1 – Les contraintes des contrats commerciaux.
2 – L’extériorité de l’entreprise sous-traitante et de ses salariés.
3 – Le poids des contraintes temporelles.
4 – le nomadisme.
I - les contraintes des contrats commerciaux.
A/ les types de contrats.
On rencontre plusieurs types de contrats commerciaux qui lient l’entreprise soustraitante à l’entreprise utilisatrice. La nature de ces contrats conditionne la force des liens de
subordination entre les deux entreprises. L’entreprise sous-traitante étant, suivant le type de
contrat signé, plus ou moins soumise aux exigences de l’entreprise utilisatrice. Ce qui limite
ses marges de manœuvre notamment pour organiser, au mieux, son intervention.
Les « dépenses contrôlées ».
Ces contrats interviennent lorsqu’il n’est pas possible de définir a priori le contenu du
travail à réaliser, en conséquence, le temps nécessaire. L’entreprise sous-traitante facture donc
le temps passé à l’exécution du travail (travail en régie). L’entreprise utilisatrice surveille les
travaux et contrôle la facturation. Dans ces cas-là, le contrat de sous-traitance est très proche
de celui de location de main d'œuvre, avec des dépassements d’horaire légaux fréquents.
Le forfait.
Il est utilisé dans les cas où les travaux envisagés ne sont pas habituels ou jamais encore
effectués. Ce sont souvent des travaux importants ou un ensemble de travaux multiples lors
des arrêts programmés de l’installation productrice. Ils font toujours l’objet d’une consultation, à partir d’un cahier des charges élaboré par l’entreprise utilisatrice. Il y a donc une mise
en concurrence. C’est souvent l’entreprise la moins-disante qui est retenue.
Le bordereau.
Ce type de contrat concerne les opérations habituelles. Le temps d’exécution est « théoriquement » bien connu à l’avance. L’opération est payée par rapport au temps communément
admis pour l’effectuer. Les aléas et autres impondérables sont gérés et, dans la plupart des
cas, à la charge du sous-traitant.
Les contrats annuels ou pluriannuels.
L’entreprise utilisatrice confie, à une entreprise extérieure, la gestion et l’exécution des
travaux d’entretien et de maintenance d’une installation. Il s’agit, dans ce cas de figure, d’une
demande de travail permanente. En fonction des travaux effectués, l’entreprise extérieure à
souvent des marges de négociation, avec l’entreprise utilisatrice, pour d’éventuels réajustements. Il existe, dans ce type de relation, entre les deux entreprises, une sorte de contrat moral. L’une s’engage à fournir des travaux en permanence ; l’autre s’engage à répondre aux
besoins de l’installation (priorité de travaux, travail ponctuel à réaliser rapidement, acceptation de contraintes particulières au bon fonctionnement de l’installation,…).
Cependant, pour maintenir la pression sur les coûts et les délais d’intervention,
l’entreprise utilisatrice impose, dans ses contrats, des clauses de gain de productivité de
l’ordre de 1 % l’an, et parfois plus. Elle entretient, également, des relations avec plusieurs
entreprises pouvant faire le même type de travail. Ce qui contraint l’entreprise sous-traitante
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retenue, à des efforts constants pour rester à un niveau de performance élevée, face à la
concurrence. Par ces biais, l’entreprise donneuse d’ordres, récupère, à son profit, l’essentiel
des gains de productivité de ses sous-traitants. Ce qui n’est pas, on en conviendra aisément,
des plus motivants pour les entreprises extérieures. Voire quelque peu exaspérant.
Adjudication sur appel d’offre.
Lorsque les travaux à réaliser sont de taille importante — ce qui est souvent le cas pour
des chantiers de construction de nouveaux bâtiments ou d’unité de fabrication — l’entreprise
utilisatrice met en concurrence les entreprises intéressées. L’entreprise adjudicataire (souvent
la moins-disante plutôt que la mieux-disante), n’a pas forcement l’habitude de travailler sur ce
type de site industriel. Sur ces chantiers, nous retrouvons les risques du travail habituels des
chantiers du BTP, aggravés par l’enserrement dans le site industriel en activité, et par
l’extériorité des salariés que nous allons développer ci-après.
Dans tous ces cas, c’est l’entreprises la moins-disante qui est pratiquement toujours retenue. Pour se maintenir dans ce système concurrentiel, des efforts constants doivent être
consentis par les sous-traitants. Efforts qui se déclinent parfois en terme de techniques et de
technologies, mais aussi trop souvent, en terme de pression sur les salariés (rémunérations et
conditions de travail dégradées). Leurs répercussions sur les conditions de sécurité sont bien
connues.
B/ Les conditions de négociation des contrats.
La récession actuelle du marché rend extrêmement agressives les politiques commerciales des entreprises sous-traitantes. Ce qui génère une politique de prix des prestations « très
tirés ». La sous-traitance en cascade (jusqu’au quatrième niveau) et un recours massif aux
emplois précaires (CDD, intérimaires, travailleurs à la tâche ou au forfait,…) se développent
pour faire face à cette surenchère. De plus en plus, des irrégularités en matière de droit du
travail sont constatées. De leur coté, les donneurs d’ordres se plaignent, dans ces conditions,
de ne pas toujours trouver, chez les entreprises extérieures, le professionnalisme et la rigueur
nécessaires à l’atteinte des objectifs visés. Cette situation est perceptible au niveau même de
l’établissement des contrats dont les marges de négociation se resserrent. Celles-ci dépendent
de divers facteurs :
¾ les plus ou moins bonnes relations établies, antérieurement, entre les deux entreprises ;
¾ la nature de travaux et la qualification de l’entreprise sous-traitante ;
¾ le montant global des travaux.
L’entreprise extérieure a de plus en plus de difficulté à répondre, au mieux, aux exigences, souvent excessives, des entreprises donneuses d’ordres. Qui portent sur :
1/ Les conditions d’intervention.
Il faut accepter de travailler dans les créneaux horaires imposés ; répondre aux priorités
de travaux définis ; accepter les différentes configurations de travail rencontrées ; etc. Comme
le révèle ce témoignage :
« Toute la semaine nous avons travaillé dans une entreprise chimique, en raison de 10
h/jour. Et puis, le vendredi on nous apprend qu’il faut aller réparer d’urgence le tapis d’une
cimenterie, à quelques kilomètres de là. Il faut que la production de cette cimenterie redémarre, à tout prix, le lundi. On a donc travaillé, sans arrêt, du samedi 6h au dimanche 8h.
Une autre équipe assurant la relève. Et le lundi matin, nous sommes revenus sur cette entreprise chimique, comme si rien ne s’était passé pendant le week-end. Nous avons continué le
travail engagé la semaine précédente. »
2/ La nature des travaux exigés.
Il faut répondre, au fur et à mesure, aux consultations et aux travaux qui sont demandés.
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Pour s’adapter aux situations souvent nouvelles pour eux, les sous-traitants se doivent de renforcer leurs compétences spécifiques au site, ou mettre en œuvre toute la technicité et le savoir-faire de leur personnel. Ce qui demande une grande adaptabilité, tant en ce qui concerne
le matériel que le personnel. Ce qui devient difficile lorsque les délais d’intervention sont très
contraignants.
3/ Les délais de réalisation imposés.
Selon nos interlocuteurs, ceux-ci sont souvent « démentiels ». Ils sont déterminés par
des exigences technico-économiques de l’entreprise donneuses d’ordres et ne tiennent que
peu compte de la réalité du travail à exécuter.
4/ Les exigences de sécurité et de qualité réclamées.
Les entreprises utilisatrices font pression en réclamant :
¾ d’abord des garanties de qualification, d’expérience et de résultats en terme de prévention
(voir les recommandations du guide UIC et le passeport pour les risques chimiques) ;
¾ puis des clauses d’améliorations de ces performances.
Ce qui, à terme et pour des raisons de coût de formation et d’habilitation, incite les entreprises sous-traitantes à employer des équipes stabilisées et ayant acquis une expérience sur
les sites concernés. D’ailleurs, ce sont parfois d’anciens ouvriers des services de maintenance
de l’entreprise utilisatrice qui sont embauchés, par l’entreprise sous-traitante, pour faire ces
travaux. Les entreprises intervenantes ont un intérêt économique certain à composer leurs
équipes d’opérateurs en tenant compte de leur ancienneté et de leur expérience du travail à
réaliser. Ce qui garantit la connaissance de certaines « ficelles du métier » et aussi de certaines caractéristiques de l’environnement humain et technique du site.
Cependant, il nous a été souvent signalé, que pour la réalisation de travaux qui requièrent un nombre important d’opérateurs ou bien en cas de retard dans les délais, il était fait
appel, souvent dans l’urgence, à un type de personnel nettement moins qualifié et expérimenté. Ce qui crée des risques du travail supplémentaires, à ceux inhérents à l’importance inhabituelle de l’effectif employé et des conditions accélérées de réalisation du travail.
Pour remédier à cet état de fait dommageable, il conviendrait d’assurer, aux entreprises
sous-traitantes, une marge financière suffisante :
¾ pour tenir leurs engagements en matière de sécurité et de qualité des travaux ;
¾ pour employer, rémunérer, former et conserver du personnel compétent ;
¾ pour maintenir correctement leur outillage et leurs équipements.
Plus globalement, la responsabilité des donneurs d’ordres doit être posée sur les conditions d’intervention des sous-traitants découlant des contraintes commerciales fixées dans le
contrat. Fréquemment au cours de nos entretiens, il nous était précisé qu’il est facile pour
l’entreprise utilisatrice de rajouter des contraintes de qualité et de sécurité. Le coût de la prestation n’étant pas évalué en fonction de ce que pourraient être les conditions réelles
d’exécution du travail demandé, dans le respect des règles de sécurité et de préservation de la
santé des personnels intervenant. Aussi devrait être mis en œuvre une politique de passation
de marché qui abandonne la logique pénalisante du moins-disant, au profit d’une prise en
compte équilibré de critères socio-économiques définissant le mieux-disant. Il conviendrait,
également, de reconsidérer dans ce sens le système de pénalités en vigueur.
Des aménagements législatifs et réglementaires devraient être mis en débat, portant sur :
¾ les pénalités pour non respect du droit du travail. Ce qui supposerait notamment un accroissement des moyens mis à la disposition des inspecteurs du travail ;
¾ l’introduction obligatoire dans les contrats commerciaux de clauses contractuelles liant
donneur d’ordres et sous-traitants, sur le temps de travail, les conditions de travail mais
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aussi de déplacements et d’hébergement,… ;
¾ la représentation des salariés de la sous-traitance et les moyens d’exercice de l’activité de
représentation (temps de délégation, remboursement de frais de déplacement…). Il
s’agirait d’introduire une véritable « discrimination positive » donnant aux délégués soustraitants des moyens supplémentaires, compte tenu des difficultés d’exercice de leurs missions.
C/ Les dérives constatées
Jusqu’à présent nous avons pointé les risques du travail découlant des contraintes d’une
pratique, certes, parfois limite mais toujours légale de la sous-traitance. De nombreux interlocuteurs nous ont signalés que des risques du travail, bien plus considérables, sont inhérents à
des dérives de cette pratique légale. Nous ne pouvons pas passer sous silence, dans le cadre de
cette recherche, les causes et conséquences des risques ainsi générés.
Marie-Laure Morin, chercheur au Laboratoire interdisciplinaire de recherches sur les
ressources humaines et l’emploi (Lirrhe) à Toulouse, note dans une étude réalisée pour la Dares : « De plus en plus, les entreprises cherchent à échapper à leurs obligations d’employeurs
en matière de droit du travail et du droit de la Sécurité sociale, en faisant réaliser une partie
de leurs activités par des sociétés sous-traitantes ou des travailleurs indépendants. Elles font
assumer, par la même occasion, les risques économiques, financiers et sociaux qu’elles ne
veulent plus prendre en charge. »4 Mais, la frontière est mince entre vraie et fausse soustraitance, car la loi ne dessine pas avec netteté les limites entre la sous-traitance et le prêt de
main-d'œuvre. Il n’est pas rare que sous la casquette d’indépendant se cache un vrai salarié.
Hervé Guichaoua, chargé de mission à la Délégation interministérielle à la lutte contre le travail illégal, (voir doc. cité) note de son coté que : « ces pratiques visent à faire de la concurrence déloyale vis-à-vis des entreprises qui respectent les règles du jeu, en recherchant une
plus grande souplesse de gestion de la main-d'œuvre ainsi qu’un moindre coût du travail. »
Et cet auteur de souligner que par ce biais, les entreprises cherchent à s’exonérer des normes
d’hygiène et de sécurité, « en faisant supporter les risques par d’autres, car elles-mêmes ne
peuvent pas se permettre de faire n’importe quoi avec leurs propres salariés. (…) Dans des
secteurs comme celui du BTP, s’affranchir des règles de sécurité est un gain de temps et
d’argent. »
Ces pratiques délictueuses ont pris une telle ampleur et pas seulement dans le cadre de
la sous-traitance, qu’elles ont motivé l’adoption d’un nouvel arsenal répressif. La loi n°97210 du 11/03/97 et ses divers décrets d’application devrait permettre de renforcer la lutte
contre le travail illégal.
La notion de travail illégal recouvre des infractions très diverses : le travail dissimulé ;
le marchandage (fourniture de main-d'œuvre à but lucratif, en dehors du travail temporaire,
qui a pour effet de porter un préjudice au salarié) ; le prêt illicite de main-d'œuvre (toute opération à but lucratif ayant pour objet exclusif le prêt de main-d'œuvre) ; l’emploi, direct ou
indirect, d’un étranger dépourvu de titre de travail ; le détournement des règles organisant le
travail temporaire ; l’emploi non déclaré d’un salarié ; le cumul d’emplois ; la fraude aux Assedic.
Cette nouvelle loi renforce sensiblement les attributions des agents de contrôle. Ils ont
désormais, et entre autres choses, compétence non seulement pour constater cette infraction,
mais aussi pour la rechercher. Ils sont, également, habilités à entendre, en quelque lieu que ce
soit, avec son consentement, un salarié « dissimulé », afin de connaître la nature de ses activi4
Ces employeurs qui détestent le contrat de travail ; Liaisons sociales Magazine du 02/99.
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tés, ses conditions d’emploi et le montant de sa rémunération.
Ces nouvelles compétences des agents de contrôle, et bien d’autres qu’il serait trop long
de citer ici, s’accompagnent d’une série de sanctions — la plupart financières — pour tenter
de décourager ce travail illégal.
Ce nouvel arsenal répressif est essentiellement justifié, aux yeux du législateur, par les
dommages que cause, le travail non déclaré, au fisc et aux régimes de protection sociale : 156
milliards de F de manque à gagner, par an, selon le rapport Courson sur les fraudes et abus.
Également par la concurrence déloyale dont pâtissent les entreprises soucieuses de respecter
la législation. À ces arguments, non négligeables il est vrai, nous y ajouterons la santé et la
sécurité au travail de nombreux salariés, contraints, pour gagner leur vie, de travailler dans
des conditions que l’on espérerait volontiers révolues à notre époque, dans notre pays.
II - L’extériorité de l’entreprise sous-traitante et de ses salariés.
« Travailler sur site, c’est d’abord travailler chez les autres » (B. Pèlegrin ; Op. cit.).
Cette extériorité au site constitue un des principaux facteurs de risques engendrés par
l’intervention du personnel des entreprises sous-traitantes.
A – Identification des risques.
Chaque site industriel comporte, en premier lieu, un certain nombre de risques spécifiques à sa propre activité (nucléaire, chimique, électrique…). Ces risques sont inhabituels au
personnel intervenant et mal maîtrisés par sa propre « culture de métier» qui est celle de chantiers du BTP et non de l’industrie où il intervient.
Ensuite, le site sur lequel le salarié sous-traitant intervient est un système organisé.
1/ Du point de vue de l’espace et de son utilisation :
Un site industriel, c’est une configuration spatiale déterminée avec, généralement, un
système de repérage des lieux et des installations qu’il faut connaître. Pour diverses raisons, il
n’est pas possible de se déplacer, en toute liberté, sur un site industriel. La circulation du personnel intervenant y est souvent réglementée.
2/ Du point de vue de son fonctionnement :
L’entreprise donneuse d’ordres met en place une série de dispositions qui encadrent
l’intervention des entreprises extérieures (bons de travaux, contrôle des accès,…).
L’entreprise d’accueil possède un système de prévention établi à partir des risques propres à
son activité et de son approche de la prévention (règles de sécurité, procédures, permis
d’intervention,…).
Cette extériorité se traduit, pour le personnel sous-traitant, par une perception, une représentation et une gestion spécifiques des risques existants. Celles-ci étant moins collectives,
moins élaborées et adaptées que celles du personnel organique. « Quand tu arrives, t’es pommé. On est vite réparti entre les différents chefs d’équipe. Ensuite, tu te rends directement sur
ton poste de travail. Pas d’information sur l’entreprise, ses risques. Ne serait-ce qu’où sont
les toilettes, l’infirmerie…Pas de reconnaissance des lieux, pas d’information sur la nature
des travaux. C’est le bouche à oreille qui te permet de te situer. »
Dans le cas d’une main d’œuvre sous-traitante « fidélisée » sur un site industriel,
l’extériorité est moindre et l’identification et l’évaluation des risques tendent à se rapprocher
de celle des organiques.
Les impératifs, définis par l’entreprise utilisatrice, échappent parfois au personnel de
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Sous-traitance sur sites industriels
l’entreprise extérieure. Ce qui ne les incitent pas à les respecter scrupuleusement. Ces obligations, parfaitement légitimes, connaissent parfois des effets pervers. B. Pèlegrin a pu constater
des décalages entre ces règles de sécurité et les besoins inhérents au travail des sous-traitants
(op. cit.) :
« Si l’on prend l’exemple de la règle d’EDF sur la limitation de l’effectif lorsque le réacteur est en essai. Il est bien question de décalage entre cette règle et un principe du BTP
qui est d’augmenter l’effectif si l’on diminue le délai d’exécution. Les conséquences de cette
confrontation est bien une surcharge de travail pour le personnel employé. (…)
Ces contradictions se retrouvent dans la nécessité d’utiliser des surbottes en tissus,
quand on travaille en zone contrôlée et les risques de glissade qu’elles engendrent, puisque
l’activité chantier nécessite de nombreux déplacements dans des circonstances pas toujours
faciles (ex : utiliser une échelle).
Lorsque l’on regarde, de plus près, la nature de certains travaux qu’effectuent le personnel intervenant, il apparaît, aussi parfois, des contradictions entre la nature de ceux-ci et
le risque présent. Le fait de souder, par exemple, est une activité en décalage avec les risques
d’explosion. L’activité de démolition, en centrale nucléaire, est en contradiction avec le principe de confinement des poussières. »
3/ Du point des rapports sociaux entre salariés des deux entreprises.
Le travail des salariés de l’entreprise utilisatrice se réduit, de plus en plus, à des tâches
de surveillance et de contrôle du travail effectué par les travailleurs de l’entreprise soustraitante. De ce fait, un nouveau rapport social se construit. Selon A. Thébaud-Mony : « il
tend à opposer travailleurs permanents (soumis directement à la tension extrême qui caractérise le système productif) et les travailleurs extérieurs (qui vivent en permanence la double
injonction : respecter les prescriptions du donneur d’ordres mais tenir les délais sur lesquels
leur entreprise s’est engagée, dans le cadre d’un marché toujours passé au plus juste pour
l’entreprise sous-traitante). Rapport social à l’œuvre dans le quotidien du travail, mais aussi
dans les structures syndicales elles-mêmes.
Par rapport aux syndicats des salariés permanents, le salarié d’entreprise soustraitante est non seulement un travailleur « extérieur » au site, mais il est étranger. C’est-àdire qu’il n’a pas la même appartenance institutionnelle et culturelle et qu’il ne peut
s’identifier à la culture syndicale dominante. Les conflits sociaux des uns ne sont pas ceux
des autres ou même traduisent des antagonismes. » (Op. cit. ; p. 70)
Il nous a été signalé quelques exemples qui illustrent cette cassure :
« Pour savoir ce que tu risques, tu pourrais te renseigner auprès des gars du site. Mais
c’est difficile…Tu sais, on n’est pas aimé par les gars de l’usine. Si tu vas par-là, on leur pique leur boulot. Tu vas te renseigner auprès d’un gars, c’est tout juste s’il ne va pas
t’envoyer chier. »
Un délégué syndical d’une entreprise utilisatrice s’est fait rappeler à l’ordre par les salariés de son entreprise (ses mandants). Le motif : il s’occupait trop (selon eux) des salariés de
l’entreprise sous-traitante. Ce qui ne pouvait être qu’au détriment du temps qu’il se devait à
leur consacrer à eux-mêmes.
« Perd pas ton temps avec eux. Occupe-toi plutôt de nous. »
Cette cassure tend à se réduire (sans toutefois disparaître) dans les entreprises contractant des contrats pluriannuels avec les entreprises sous-traitantes. La présence quotidienne
d’un noyau composé des mêmes intervenants, pendants plusieurs années, atténue la profondeur du fossé ainsi crée. C’est souvent dans de telles entreprises qu’ont été initiées les premiè-
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Sous-traitance sur sites industriels
res tentatives de reconstitution d’un lien social entre personnel organique et personnel intervenant, à travers la prise en charge de la question « sous-traitance » par le syndicat de
l’entreprise utilisatrice.
À ce propos, il convient de rappeler que les répercussions négatives de la sous-traitance
se font également sentir sur le personnel « organique » des entreprises donneuses d’ordres. Le
cas de la centrale nucléaire de Chinon exposé par M. Lallier5, en est significatif.
« En 1990, alertés par la médecine du travail qui fait le constat de nombreux signes de
souffrance psychique, des élus du CHSCT du site nucléaire de Chinon décident de faire réaliser une enquête de psychopathologie du travail. À cette époque, la direction de l’entreprise
avait décidé de transformer l’organisation de la maintenance, en confiant, massivement, ses
travaux d’exécution au secteur privé. Établissant, par-là même, un rapport de subordination
entre agents de l’EDF et salariés sous-traitants.
Passage d’une logique du « faire » à une autre du « faire faire » que les mécaniciens,
chaudronniers, électriciens d’EDF — dépossédés de leur métier et donc de ce qui constituait
leur identité de travailleur du nucléaire — vécurent très mal. (…) Les situations de détresse
morale, décrites par la médecine du travail, montraient les risques d’une individualisation et
mettaient les syndicalistes au défi d’être en capacité d’entendre cette souffrance. »
À l’évidence, de tels rapports ne facilitent ni le travail en commun ni la transmission des
informations ni les relations de coopération qui demandent un climat de confiance et de solidarité pour être effectives. Autant d’éléments qui pèsent, négativement, sur une bonne maîtrise des risques du travail, déjà difficile dans les situations de coactivité conviviale.
Cet aspect du problème, est, cependant, bien perçu par des syndicalistes d’entreprises
donneuses d’ordres. Certains témoignages nous indiquent quelques pistes intéressantes.
« Il y a quelque temps, devant la montée de la sous-traitance, nous avons dû mener une
bagarre et obtenu la présence de salariés de chez nous affectés uniquement à l’inspection (du
point de vue de la sécurité) des travaux de maintenance dans nos ateliers. Ces salariés jouant
le rôle de « préventeurs ».
La concurrence entre salariés « organiques » et « extérieurs » peut-être effectivement
un danger. Les directions ne manquent pas de jouer dessus. Une façon de lever cet écueil est
peut-être d’incorporer, syndicalement, dans le fonctionnement du syndicat « père » les salariés de ces entreprises. Cela consiste à syndiquer ces salariés. C’est ce que nous tentons de
faire sur notre site industriel. Cela pose, bien entendu, beaucoup de questions, du point de
vue des branches, des métiers qui ne sont pas encore résolues.
De son coté, notre direction propose, aujourd’hui, aux salariés, une prime dans laquelle une des clauses minorantes serait la prise en compte, non seulement, des AT survenus
à des salariés de notre entreprise, mais aussi aux salariés des entreprises extérieures qui se
seront blessés dans l’enceinte de l’atelier. »
B - Maîtrise des risques dus à l’extériorité au site.
Ces risques liés à l’extériorité au site ne sont pas, pour autant, irrémédiables. Ils peuvent
être réduits par un certain nombre de mesures envisageables :
1/ La formation à la sécurité des intervenants.
La rapidité avec laquelle le salarié intervenant s’appropriera les connaissances dont il a
5
M. Lallier ; « Reconstituer les collectifs éclatés dans le nucléaire. » ; Santé et Travail n°19 ; avril 1997.
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Sous-traitance sur sites industriels
besoin pour travailler, en sécurité, sur le site concerné, va conditionner sa capacité à se constituer des modes opératoires de prudence, adaptés à la nouvelle situation. Pour ce faire, un certain nombre de connaissances sur l’entreprise se doit d’être présenté au salarié, lors de son
accueil, au cours d’une formation spécifique : les risques principaux, les couloirs de circulation, l’emplacement de la pharmacie, etc. Cet accueil, obligatoire pour se voir délivrer le
badge d’accès, est imposé par la législation, mais pas toujours réalisé avec le sérieux qui
s’impose. Le choix des informations pertinentes diffusées devraient être déterminé, conjointement, par l’entreprise donneuse d’ordres et par l’entreprise sous-traitante. Ces informations
gagnent en pertinence et en efficacité, lorsqu’elles sont élaborées en concertation avec les
représentants des CHSCT des entreprises extérieures et des entreprises utilisatrices. En tout
état de cause, les connaissances dispensées doivent être mises en relation avec le travail réel à
exécuter.
« Les exigences à la formation (N1, N2, MASE, accueil sécurité) ne sont pas complètement négatives. Mais, à l’usage, elles sont pour l’essentiel un paravent juridique, en cas
d’accident. Ce ne sont pas les quelques heures de formation qui remplaceront les emplois
stables, organiques qui seuls peuvent assurer une formation conséquente. »
2/ La mise en place de relations de partenariat.
De fait, les entreprises sous-traitantes, à force d’intervenir sur le même site ou des sites
semblables, finissent par acquérir une certaine connaissance des installations et de leurs évolutions. Il est donc judicieux que leurs connaissances et leur point de vue soient pris en
compte. Le décret de février 92 fixe le cadre juridique de cette coopération. Bien sûr, lors de
la préparation de l’intervention, pour établir les modes opératoires en commun et le plan de
prévention des risques. Mais aussi, au cours de l’exécution des travaux, pour faire face aux
aléas. L’existence de telles possibilités d’échanges appropriés est donc nécessaire pour réduire cette extériorité des intervenants par rapport au site d’accueil :
¾ réunions de préparation des interventions, d’élaboration des bilans de travaux ;
¾ inspections préalables, devant associer l’ensemble des intéressés, afin d’identifier les dangers prévisibles et mettre en place un plan de prévention des risques. Ces relations de partenariat devraient aussi s’étendre aux institutions représentatives du personnel, notamment
les CHSCT.
Malheureusement nous avons pu constater au cours de nos entretiens que ces possibilités sont peu ou mal utilisées. Les inspections préalables à l’ouverture des chantiers sont souvent formelles. Elles ne permettent pas une identification et une analyse partagées des risques
sur le terrain, à partir de la confrontation des points de vue, des expériences, de l’entreprise
utilisatrice et de l’entreprise intervenante.
« Sur les gros sites où l’on intervient, les plans de prévention sont conclus à l’année.
Lors de l’ouverture d’un chantier, on se contente de signer l’autorisation de travail présentée
par le chef de quart. »
« Souvent le responsable sécurité arrive avec une liste de risques qu’il a identifiés, avec
les mesures de prévention à côté. On en prend connaissance et on signe. On n’a pas de vraie
visite de sécurité sur le terrain. »
Ces inspections préalables associent rarement les représentants du personnel, notamment ceux des entreprises extérieures quand il en existe.
« Je suis membre du CHSCT d’une entreprise sous-traitante, depuis 6 ans. Je suis rarement invité à participer à ces inspections. Quand je suis affecté sur un chantier, c’est là que
je découvre qu’un plan de prévention a été fait, sans même nous avoir envoyé une invitation
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Sous-traitance sur sites industriels
pour y participer.»
« La liste des membres du CHSCT, des entreprises intervenantes, n’est jamais affichée
sur les chantiers. En tant que membres du CHSCT de l’entreprise utilisatrice, nous ne savons
même pas comment contacter le CHSCT de ces entreprises. S’il y en a un ! Si on demande à
notre Direction, elle nous répond qu’elle n’a pas à jouer les détectives et les rechercher. Elle
se contente de transmettre les invitations à participer au plan de prévention à leurs responsables. »
3/ La fidélisation des entreprises intervenantes.
À l’expérience, la conclusion de contrats pluriannuels, entre donneurs d’ordres et soustraitants, favorise l’intégration des salariés sur le site d’intervention et la reconstitution de
collectifs de travail « mixtes » (organiques et sous-traitants). Il faut toutefois nuancer cette
opinion. L’établissement de liens permanents, entre l’entreprise utilisatrice et les entreprises
extérieures, n’entraîne pas pour autant la présence systématique du même personnel, de
l’entreprise sous-traitante, sur un site donné.
4/ L’existence des institutions représentatives du personnel des entreprises soustraitantes, leur association à l’élaboration d’une politique de prévention.
Les syndicalistes rencontrés nous ont fait part des difficultés de construction, de fonctionnement et de durée des institutions représentatives du personnel, dans ce type
d’entreprise.
« L’existence des IRP dans la sous-traitance est très faible si l’on écarte les représentants du personnel désignés pour mettre un nom sur les plans de prévention. Il faut être clair
sur ce point. »
Ces difficultés proviennent tant de directions d’entreprises extérieures que d'entreprises
utilisatrices.
¾ Difficultés, pour les délégués extérieurs, d’accès aux chantiers. Ceux-ci étant sur un domaine privé, celui du client.
« Pour être sûr pénétrer sur un site où travaillent mes collègues de travail, je suis obligé de contacter avant le délégué syndical du site ou le secrétaire du CHSCT. Avec ce type de
« protection », j’ai quelque chance de pouvoir les rencontrer ».
« Il y a des entreprises qui acceptent de me laisser rentrer quand je leur dis que je suis
délégué du personnel ou du CHSCT et que veux rencontrer mes camarades de travail. Mais
elles sont rares ! La plupart du temps, je suis juste autorisé à me rendre aux vestiaires. Impossible pour moi d’accéder au chantier, lui-même, et de vérifier dans quelles conditions ils
travaillent. »
¾ Éclatement du personnel en de multiples chantiers, souvent éloignés ; pas ou peu de
moyens pour financer les frais de déplacements engagés, par les délégués, pour se rendre
sur les chantiers. L'éloignement de ceux-ci entre eux, mais aussi par rapport au siège social de l’entreprise, rend donc les visites de ces délégués très problématiques.
« Notre direction refuse de débloquer le moindre sou pour que nous nous rendions sur
les chantiers. L a loi est bafouée puisque nous ne pouvons pas faire notre boulot de délégués.
Pour qu’au moins nos collègues soient informés de ce qui se dit en réunion, nous avons décidé, au CE, d’envoyer, chaque mois et à tous les salariés, un bulletin résumant la réunion du
Comité. Il faut voir quelle bataille permanente notre patron mène pour que ce bulletin ne
sorte pas. »
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Sous-traitance sur sites industriels
La jurisprudence récente renforce ces difficultés de fonctionnement. À la suite d’un recours formé par l’Union des Industries Chimiques et la Fédération des Industries Mécaniques,
le Conseil d’État a annulé, le 12 juin 1995, plusieurs dispositions de deux circulaires ministérielles. Ces dispositions avaient trait aux pouvoirs et aux moyens de fonctionnement des
CHSCT, notamment de ceux des entreprises extérieures sur le site des entreprises utilisatrices.
¾
La première disposition annulée reconnaissait aux CHSCT des entreprises extérieures
compétence générale pour les salariés de leur entreprise présents sur le site de l’entreprise
utilisatrice. Le Conseil d’État a jugé que le texte invoqué par l‘administration, pour justifier cette compétence générale6, ne visait pas le CHSCT des entreprises extérieures. Il
concerne le CHSCT de l’établissement, donc celui de l’entreprise utilisatrice.
¾
La seconde disposition annulée reconnaissait aux CHSCT des entreprises extérieures la
possibilité d’effectuer, de façon générale, des enquêtes en cas de risques ou d’accident
survenu à tout salarié de leur entreprise, dans l’enceinte de l’entreprise utilisatrice et d’y
avoir, pour ce faire, libre accès. Cette disposition a été jugée contraire au décret du
20/02/92. Celui-ci n’envisage l’intervention des CHSCT des entreprises extérieures dans
l’entreprise utilisatrice que dans le cadre des réunions et inspections qu’il prévoit expressément et qui subordonne, par ailleurs, l’accès à celle-ci à l’accord du chef d’entreprise.
Sauf dans les cas qu’il prévoit également expressément.
Le Conseil d’État a également annulé la disposition de cette circulaire énonçant que le
temps de transport devait être regardé comme moyen nécessaire aux déplacements et prise en
charge comme tel. Ceci au motif qu’elle a édicté là une règle non prévue par le législateur.
III - Le poids des contraintes temporelles.
Ces contraintes constituent également un facteur de risques organisationnels, communs
aux trois catégories d’intervention.
A - Les différentes origines de ces contraintes temporelles.
1/ Les contraintes imposées par le donneur d’ordres.
¾ les délais de réalisation de l’opération, fixés dans le contrat, souvent trop courts ;
¾ le caractère urgent, ou non, des travaux à réaliser (entretien courant planifié ou panne) ;
¾ les créneaux horaires d’intervention imposés par l’entreprise ;
¾ le nombre de procédures et leur durée (permis de travail…).
2/ Les contraintes temporelles relevant de l’entreprise sous-traitante elle-même.
Le donneur d’ordres fixe le délai des opérations sous-traitées. L’entreprise intervenante
doit donc concevoir et organiser son intervention en fonction du délai imparti, sous peine de
pénalités. Mais, l’entreprise sous-traitante peut, elle-même, agir, positivement ou négativement, sur le poids de ces contraintes. Selon l’évaluation de la charge de travail qui a été faite
et l’organisation mise en place pour réaliser les travaux, des contretemps peuvent apparaître.
Contretemps qu’il s’agira de « compenser », souvent dans la précipitation, pour respecter les
délais. Ces contretemps dépendent de plusieurs facteurs. Nous en évoquons, ci-dessous, quelques uns.
- La qualité de l’appréciation de la charge de travail.
Une mauvaise appréciation de la charge de travail, et sa traduction en terme de temps
6
Il s’agit de l’article L.236-2, alinéa 1er : « le CHSCT a pour mission de contribuer à la protection de la santé et de la sécurité
des salariés de l’établissement et de ceux mis à sa disposition. »
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Sous-traitance sur sites industriels
alloué et de personnel (nombre et qualification) affecté, peut accroître les contraintes temporelles. Ces difficultés d’appréciation du chantier varient avec la taille de celui-ci. Plus il est
important et plus l’évaluation est difficile. Elles varient aussi avec le type de travaux : en travaux neufs, le chiffrage du nombre d’heures nécessaires est plus facile à déterminer. Mais
quand il s’agit de travaux de dépannage, comme le montre le témoignage ci-dessous, on a
parfois des surprises, en cours de réalisation, qu’il faut assumer. « Au départ, tu as fait ton
devis pour la réparation d’un réducteur sur un tapis, par exemple. Tu as fait une estimation,
car même si tu ne l’as pas démonté avant de faire ton devis, à force de bourlinguer à droite et
à gauche, tu finis par avoir une idée rien qu’en allant voir, sur l’unité de fabrication. Tu te
rends compte, par exemple, qu’il y a un problème au niveau du roulement. Tu fais ton devis.
Le contrat est signé. Tu envoies tes gars le démonter. Et là, tu découvres que le pallier est HS.
Faut le démonter et le remplacer. Si peu que ça coince quelque part au démontage ou qu’il
survienne d’autres problèmes et tu « bouffes » ton devis. Si deux gars avaient été prévus sur
deux jours, il fallait, finalement, deux sur quatre jours. Alors, faut mettre les bouchées doubles pour rattraper le temps perdu et réparer le réducteur pour que l’unité de fabrication
redémarre, à la date fixée par l’entreprise utilisatrice. »
D’où l’importance de la mise en place de systèmes d’aide à la décision qui permettent,
aux « négociateurs » de l’entreprise intervenante, de signer le contrat avec la marge d’erreur
la plus faible possible.
- Le volume, la compétence et le statut du personnel affecté.
Les conditions du marché devraient permettre à l’entreprise intervenante de dégager les
moyens humains nécessaires pour répondre, en temps voulu et avec un minimum de risques,
aux besoins du client. Le nombre d’opérateurs, les compétences mises à la disposition du chef
de chantier, le statut du personnel affecté (intérimaires, CDD, CDI) auront des incidences sur
le poids de ces contraintes temporelles. Des intervenants ont évoqué l’exemple suivant : « Sur
l’entreprise X, on savait que le chantier était bouffé dès le départ. Mais tant pis, il fallait
prendre le marché car c’était un gros client. Alors, pour perdre le moins possible d’argent,
on se rattrape sur tout : minimum de gars, maximum d’heures. On ne paie pas les heures supplémentaires. Il y a tous les arrangements possibles pour éviter de les payer. C’est dans ces
cas-là qu’il y a le plus de risques d’accident car on tire sur tout : matériel, hommes, etc.
- L’importance et la fiabilité des moyens matériels mis à la disposition.
La quantité et la qualité de l’outillage mis à la disposition du personnel intervenant, par
l’entreprise sous-traitante, réduisent ou augmentent le temps nécessaire pour réaliser les opérations demandées. Un matériel en bon état, conforme aux normes de sécurité (donc suivi,
vérifié régulièrement, remplacé si nécessaire) favorise la prévention des accidents. Il limite
aussi les contretemps.
« À la dernière réunion du CHSCT, je faisais remarquer que sur un chantier, j’avais vu
deux gars souder, à l’intérieur d’une gaine, avec un chalumeau sans anti-retour. En cas de
feu, c’est la mort assurée. Et que sur un autre, j’avais vu deux gars qui changeaient une
tuyauterie. Les cosses du poste à souder étaient défectueuses. Le chalumeau était, lui aussi,
sans anti-retour. Le médecin du travail était étonné de ce type de situation car le service sécurité du site d’accueil doit exercer, en permanence, sa vigilance. Mais tu vois, le client, dans
la mesure où il a confié un certain nombre de travaux à des entreprises intervenantes, se
considère, en fait, comme « débarrassé » des risques induits. Alors que cela concerne son
propre site et ceux qui y travaillent. Cette « frontière » se retrouve même au niveau des relations entre les CHSCT des entreprises intervenantes et utilisatrices. On a toujours beaucoup
de mal à sensibiliser le CHST du client à s’intéresser aux problèmes de sécurité posés par la
présence d’entreprises intervenantes. Le désintérêt du client et de son CHSCT sur ce que font
les sous-traitants, combiné à la collusion de notre direction et de celle du client, pour nous
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Sous-traitance sur sites industriels
empêcher d’accéder aux salariés sur le chantier, limitent, dans les faits, nos possibilités
d’intervention, en tant que délégués du CHSCT. Il est évident que les possibilités de prévention des AT en sont affaiblies considérablement. »
- La qualité de la préparation du chantier.
La qualité de la préparation du chantier a des incidences évidentes sur le temps de réalisation des travaux. Un chantier mal préparé (outillage en nombre insuffisant, matériel non
adapté à la tâche, matériel hors d’usage, effectif insuffisant et des compétences inappropriées,...) sont autant de facteurs générateurs de contretemps, voire de malfaçons.
- La maîtrise des imprévus
Pour faire face à toutes les éventualités, les chefs d’agence d’entreprises sous-traitantes
sont quelques fois amenés à se constituer une réserve d’heures d’intervention, en fixant
comme objectifs aux chefs de chantier, un nombre d’heures d’intervention inférieur à celui
qui a été négocié dans le contrat passé avec le client. Cette forme de gestion des heures
d’intervention accroît d’autant la contrainte temporelle sur les opérateurs. « Marcel, un chef
d’équipe, me racontait que son chef d’agence vient le voir un jour et lui dit : ‘ pour ce chantier, tu as 5.000h pour le réaliser.’ Comme il s’était déjà rendu sur le chantier, pour voir le
matériel qui lui serait nécessaire, ce nombre d’heures lui a paru bizarre. Comme il connaît
bien le contremaître de cette cimenterie, ils en ont discuté au téléphone. L’autre lui a appris
que sur le contrat c’était prévu 5 300h. Marcel va trouver son chef d’agence. Celui-ci lui répond qu’il estimait qu’il pouvait le faire pour moins de temps que prévu dans le contrat. La
pression a commencé à monter. Ils se sont engueulés et finalement le chef d’agence lui a lâché qu’il fallait bien se constituer une marge pour les chantiers qui étaient ‘bouffés’. Mais
moi, je pense qu’il n’y a pas que ça. Ça sert aussi à mettre la pression sur les gars, dès le
départ. »
- Le rythme de travail adopté.
Il est susceptible d’avoir des incidences sur le temps passé à effectuer les travaux. Par
exemple, la nuit l’efficacité n’est pas la même que pendant la journée. L’isolement du personnel exécutant créant des risques supplémentaires. De plus, l’efficacité de nuit n’est pas la
même parce que physiologiquement l’organisme humain est fait pour dormir la nuit.
L’opérateur doit donc faire, aussi, un travail sur lui-même. Cela affecte, évidemment, la vigilance qui peut diminuer dangereusement. D’autant plus dangereusement que la période de
travail aura été intense et ininterrompue, laissant peu de possibilité de récupération pour les
opérateurs. À l’inverse des cartes de pointage — qu’on peut toujours trafiquer —,
l’organisme, lui, garde les traces de ce travail réel total. Sur ce sujet, on peut se reporter à
l’enquête ESTEV à propos des atteintes physiologiques des salariés de 40 à 50 ans qui « font
plus vieux que leur âge…comme si leur vie sur chantiers les avait usés ». (Cf. : Usure dans le
bâtiment ; enquête de Jean-Yves Dubré, médecin conseil régional de l’OPPBTP d’Anjou ;
Santé et Travail n°12 : « Du vieillissement à l’usure professionnelle. ». Dossier 1 ère partie,
pp. 78-89, juillet 1995.)
B/ Les incidences de ces contraintes temporelles.
1 – Sur l’organisation du temps de travail.
Ces fortes contraintes temporelles se traduisent, immanquablement, par une intensification du travail, un allongement de la durée journalière du travail, des horaires atypiques et le
développement de la flexibilité et mobilité des salariés, souvent appelés en renfort momentanément et dans l’urgence. Des paramètres permettent de mesurer, directement ou indirectement, leur ampleur :
¾ les pénalités infligées par le donneur d’ordres, en cas de retard ;
¾ L’examen des feuilles de pointage et des bulletins de salaire permet d’appréhender
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Sous-traitance sur sites industriels
l’ampleur du recours aux heures supplémentaires et par-là de mesurer les durées du travail
excessives et les horaires atypiques.
Cependant, selon des témoignages recueillis, l’examen de ces documents risque, toutefois, de ne pas refléter la réalité des heures supplémentaires faites. Les salariés et les représentants du personnel rencontrés ont fait état de pratiques visant à masquer les durées de travail
réellement accomplies :
¾ Des pointages sont modifiés : le nombre d’heures effectuées peut être « lissé », par les
chefs d’équipe ou de chantiers, sur plusieurs semaines, afin d’éviter de faire apparaître des
dépassements des seuils légaux, en matière de durée maximale de travail.
¾ Des récupérations peuvent être imposées par anticipation.
¾ Des primes exceptionnelles sont attribuées à la place de la rémunération des heures supplémentaires effectuées. Ainsi que le décrivent ces témoignages :
« De toute façon, quand on fait 20 h d’affilées, le pointage envoyé par l’agence au siège
n’est pas le pointage que fait le chef d’équipe sur le chantier. Ils étalent les heures sur la semaine pour que ça ne se voit pas. Ou bien, si ce n’est pas possible, ils les reportent sur la
semaine suivante. De toute façon, les consignes viennent d’en haut. »
« Quelques fois, quand tu as fait trop d’heures, tu découvres, en fin de mois, une prime
exceptionnelle à la place d’une partie de tes heures supplémentaires. Soit tu rouspètes et
alors on menace de te muter à l’autre bout de la France ; soit tu t’écrases et alors il te reste
plus qu’à te rappeler les heures que tu as fait, pour ne pas te faire rouler dans le décompte. »
Aussi est-il préférable, pour mieux mesurer le phénomène, de compléter la lecture de
ces documents par d’autres :
¾ les demandes de dérogation pour dépassement des différents seuils légaux de la durée du
travail ;
¾ le registre des observations faites par les services de l’inspection du travail, la CRAM et
les PV dressés par les inspecteurs du travail ;
¾ les PV des réunions de CE, CHSCT, DP ;
¾ le Bilan social ;
¾ l’évolution du taux de prise de congés au cours de l’année ;
¾ l’examen de la politique de rémunération (poids des bas salaires) ;
¾ l’examen des minutes des jugements de prud’hommes rendus à l’encontre de la société
sous-traitante.
Les difficultés de l’administration à exercer des contrôles efficaces et la faiblesse des
IRP, dans ce type d’entreprise, laisse toute latitude aux employeurs pour pratiquer des durées
de travail largement supérieures aux bornes fixées par la loi.
2/ Sur la politique d’achat, de vérification et d’entretien du matériel.
Les délais d’exécution des travaux fixés par le donneur d’ordres exerce une pression
permanente sur l’entreprise sous-traitante. Combinée à la pression sur les coûts (passage des
marchés au moins disant), la tentation est grande de limiter le matériel mis à la disposition des
salariés ou de « rogner » sur les vérifications du matériel.
« Souvent on n’a pas assez de postes de soudure pour travailler dans le temps qui nous
est imposé. Alors on est obligé d’attendre que l’autre ait fini. On prend du retard. On finit par
s’énerver ! quand enfin on peut avoir l’appareil, on essaie de rattraper le temps perdu. C’est
là qu’on peut faire des conneries. Mal faire son travail et prendre le risque de rater sa soudure et même ne pas respecter les règles de sécurité ! »
L’examen d’un certain nombre de documents permet de mesurer, directement ou indi-
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Sous-traitance sur sites industriels
rectement, l’ampleur d’un tel phénomène :
¾ l’évolution des budgets d’achat du petit outillage (documents comptables, PV CE, rapport
d’expertise demandé par le CE). Le niveau de responsabilité dans la gestion de ce budget
(le siège, l’agence ou les chantiers ?) ;
¾ l’existence, ou pas, d’une personne chargée de la vérification du matériel ;
¾ la lecture des rapports des organismes de contrôle, des carnets d’entretien ou de vérification des machines dangereuses.
3/ Sur le volume du personnel affecté et son statut salarial.
Les contraintes temporelles imposent à l’entreprise sous-traitante d’adapter en permanence le volume de ses effectifs à l’évolution de la charge de travail. Ces adaptations permanentes se traduisent par des mutations fréquentes du personnel (voir chapitre suivant).
Mais elles peuvent aussi se traduire par une variation des effectifs de personnel au fur et
à mesure de l’avancement du chantier. De tels mouvements de personnel ne favorisent pas les
possibilités de stabilisation temporaire d’un collectif de travail sous-traitant. D’autant plus
que ces adaptations ne concernent pas seulement les volumes d’effectifs. Le recours aux CDD
et aux intérimaires est largement pratiqué dans ce type d’entreprise. Il n’est pas rare de voir le
pourcentage de ces contrats précaires atteindre les 45% dans les périodes habituelles de haute
activité (été et hiver).
L’examen d’un certain nombre de documents permet de mesurer, directement ou indirectement, l’ampleur d’un tel phénomène :
¾ les effectifs et leur relation avec le nombre d’heures effectuées sur le chantier ;
¾ l’évolution de cet effectif en fonction du déroulement du chantier ;
¾ le présence d’intérimaires, de CDD, leur nombre, leur formation à la sécurité.
Le rapport au temps de travail est donc central dans la question des atteintes à la santé
liées au travail. La sous-traitance affranchissant, de fait, le donneur d’ordres de toute négociation, sur le temps de travail, pour les tâches sous-traitées. Il devient impératif de réintroduire
cette question, tant sur le plan de la négociation contractuelle entre donneur d’ordres et soustraitants que sur le plan de la négociation collective entre partenaires sociaux.
IV - Le « nomadisme »
Le « nomadisme » (c’est-à-dire la fréquence des déplacements auxquels sont soumis les
travailleurs sous-traitants et l’éloignement familial) constitue autre facteur de risques. Il génère plusieurs phénomènes (pouvant se combiner entre eux) qui ne sont pas sans incidence
sur la capacité du salarié sous-traitant à se protéger contre les dangers liés à l’intervention :
a/ la fatigue ;
b/ la difficulté de construction de collectif de travailleurs ;
c/ la fragilisation psychologique des travailleurs sous-traitants.
A/ La fatigue.
La fréquence des déplacements, les longues distances parcourues, le temps de transport,
sont autant de facteurs générateurs de fatigue. Outre l’allongement de la durée et
l’intensification du travail évoqués précédemment, d’autres phénomènes peuvent aggraver la
fatigue de ces salariés :
1/ Les restrictions apportées au retour au domicile.
Deux cas de figure se présentent selon que des délais de route sont accordés sur le
temps de travail, ou pas, pour regagner le domicile, en fin de semaine.
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Sous-traitance sur sites industriels
Cas n°1 : le salarié regagne son domicile à ses frais.
Les difficultés à vivre l’éloignement familial incitent le salarié sous-traitant à rentrer
chez lui plus fréquemment que la fréquence des « détentes » officiellement accordées. Or, le
fait de se trouver dans ce cas de figure impose au salarié de partir dans des conditions plutôt
risquées. Par exemple, il devra partir le vendredi, en fin d’après-midi, après le travail, et être
de retour le lundi matin pour l’embauche. Plus la distance chantier/domicile sera longue, plus
la fatigue sera importante. C’est d’autant plus dommageable, pour la santé du travailleur, que
cette fatigue ne pourra pas être récupérée correctement. Le repos nécessaire étant fortement
amputé de tout le temps consacré au transport et qui, au contraire, ajoute de la fatigue.
« T’es tellement privé de ta famille que tu fais tout pour aller la voir. Comme les détentes prévues par la C.C. sont trop espacées, tu rentres quand même chez toi, à tes propres frais
et après le travail. Et le lundi matin, faut que tu sois à l’embauche, comme si t’étais resté sur
place. »
Les salariés rencontrés nous ont fait part d’arrangements possibles, passés avec la maîtrise, pour éviter l’amputation des week-ends : c’est le recours aux heures supplémentaires
non comptabilisées comme telles. L’équipe accepte de travailler 10h à 11h par jour, en semaine, pour pouvoir regagner le domicile, le jeudi soir ou le vendredi midi. Ce système permet, certes, un temps de présence plus important dans la famille, mais il génère surtout une
sur-fatigue qui se cumule avec celle due au déplacement, pour regagner le domicile.
Cas n°2 : le salarié préfère encaisser les délais de route, mais rentre, tout de même, chez lui.
C’est le cas où le salarié bénéficie d’une détente pour regagner son domicile. La périodicité de ces détentes varie, généralement, avec la distance domicile/chantier. Dès qu’il a droit
à une détente, le temps de transport est pris sur le temps de travail et rémunéré par
l’entreprise. Mais, la faiblesse des rémunérations peut pousser le salarié sous-traitant à travailler pendant les délais de route, plutôt qu’à les prendre pour regagner son domicile. Et l’on se
retrouve alors dans la situation précédente. La hiérarchie, elle-même, s’oppose, dans certaines
circonstances, à l’utilisation des délais de route. Notamment en cas de retard dans le déroulement des travaux.
2/ L’hébergement.
Les conditions d’hébergement peuvent avoir, dans certaines situations, des répercussions sur la fatigue de ces salariés.
a/ Lorsque l’employeur ne prend pas en charge la question de l’hébergement du salarié
mais se contente de l’indemniser, celui-ci doit rechercher lui-même son lieu d’hébergement7.
Cette préoccupation s’ajoute à la fatigue du voyage (et éventuellement aux difficultés de toute
« immersion » sur un site nouveau). « Dans ce cas, le gars il arrive, il gare sa voiture, il va
au boulot. Souvent, il a même pas le temps de se chercher un camping ou une pension. Il faut
qu’il le fasse à la débauche. Et pendant le travail, ça te trotte dans la tête. En plus de la fatigue du voyage, tu es préoccupé. Si le chef est sympa, il peut t’autoriser à aller d’abord chercher de quoi te loger avant de prendre ton travail. »
b/ D’autres paramètres cumulatifs peuvent accroître fortement la fatigue subie par le
salarié sous-traitant : la faiblesse des rémunérations et des indemnisations des frais de déplacements et d’hébergement incite les salariés à se « rattraper » comme ils peuvent. Cette stratégie se traduit souvent par la recherche d’hébergements « bas de gammes », peu confortables
et ne permettant pas une récupération optimale de la fatigue accumulée.
7
A moins que le responsable du chantier ou de l’entreprise utilisatrice tienne à la disposition des salariés une liste de campings
ou d’hôtels proches du lieu de travail
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Sous-traitance sur sites industriels
B/ La difficulté de construction de collectif de travailleurs sous-traitants.
La stabilisation du collectif de travailleurs sous-traitants, pendant la durée du chantier,
acquiert une grande importance. D’autant plus grande — pour la constitution de savoir-faire
de prudence adaptés aux risques générés par l’intervention — que ces travailleurs sont étrangers au site où ils doivent intervenir. Des mutations fréquentes ne favorisent pas la stabilisation de tels collectifs. Elles ne permettent pas la constitution de liens solides. Les salariés rencontrés et soumis à ce type de vie nous ont fait part d’un sentiment croissant de solitude. Ce
qui ne facilite pas les contacts avec les autres collègues.
« Du fait qu’on est baladé de chantiers en chantiers, on est souvent seul. Notre réflexion, on se la fait avec nous-mêmes. On se fait notre ligne de conduite tout seul car on ne
voit jamais les mêmes gars. On peut pas se découvrir des affinités. Les limites pour accepter,
ou pas, ce qu’on te demande de faire (heures sup., sécurité,…) c’est toi qui te les fixes tout
seul. (…) Si le chantier est de courte durée, t’as pas le temps d’avoir des relations un peu
approfondies. Comme tu sais que tu vas pas rester longtemps, t’es pas porté vers l’autre. En
plus, t’as ta journée de boulot qui te pèse sur les épaules. Quand il y a quelques relations, par
exemple, quand on est dans une pension de famille, ce sont plutôt des relations superficielles.
C’est des rapports de bistros, des rapports de jeux. Ça va pas très loin. »
Les collectifs de travail stables sont les creusets où peuvent s’ancrer une véritable prévention collective, à partir de savoir-faire de prudence mis en commun, échangés au sein du
groupe. La constitution de ces collectifs de travail suppose l’existence d’un cadre stabilisé où
s’échangent des expériences individuelles, des savoir-faire. Elle suppose, surtout, du temps
pour que se constitue une véritable mémoire sociale. La force de tout collectif de travail repose, aussi, sur la possibilité d’obtenir la reconnaissance de leurs pairs, pour le travail accompli. Christophe Dejours écrivait, en 1993, dans la revue Éducation Permanente, n° 116 : « En
échange de leur souffrance, de leurs efforts, de leur ingéniosité, de leur engagement dans le
travail collectif, les ouvriers attendent une reconnaissance de la réalité de ce qu’ils font et de
la gratitude. » Il précisait que cette reconnaissance passait par deux types de jugements : le
jugement d’utilité émis par la hiérarchie et celui de beauté émis par ses pairs. Les courtes durées de chantiers, les fréquentes mutations ne favorisent pas une telle dynamique de reconnaissance. Au contraire.
Une réduction de la fréquence des mutations va dans le sens de la création de tels collectifs et leur stabilisation. La mise en place d’un accueil, par l’entreprise sous-traitante, favorise l’insertion du salarié dans l’équipe.
C/ La fragilisation psychologique.
Un éloignement familial prolongé, des déplacements fréquents fragilisent ces travailleurs et les rendent, paradoxalement, très dépendants de leurs liens familiaux. Revoir sa famille devient l’objectif, presque obsessionnel, qui permet de supporter tout le reste. Un but
pour lequel le salarié est prêt à prendre des risques, comme on l’a vu précédemment. La séparation due à l’éloignement combinée au caractère de solitaire, forgé par la situation de travailleur nomade/sous-traitant, crée inévitablement des incompréhensions, des tensions, des susceptibilités exacerbées, etc.. Dans une telle situation de dépendance, le moindre problème a
donc des conséquences démultipliées. Cette dépendance se renforce avec l’âge, si l’on en
croit les salariés rencontrés. Cette fragilisation de l’équilibre psychologique se cumule avec
les phénomènes décrits dans les pages qui précèdent, contribuant ainsi à la dégradation de la
santé du personnel soumis à de telles contraintes. Les troubles du sommeil, l’état plus ou
moins dépressif, la fatigue, en sont les signes les plus perceptibles.
Extériorité à l’entreprise, contraintes temporelles fortes, nomadisme,… autant de fac-
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Sous-traitance sur sites industriels
teurs qui font de la sous-traitance un mode d’organisation à haut risques pour les intervenants.
Mais au-delà des risques immédiats d’accidents pour le personnel, se profilent des risques de
dégradation forte de leur santé. Or, la relation de sous-traitance rend « invisible » cette dégradation. Et l’organisation du travail en sous-traitance rend inapplicable la législation de prévention (et de réparation) pour les maladies professionnelles graves à effets différés (cancers,
fibroses,...).
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Sous-traitance sur sites industriels
3 - ENTRETIEN COURANT ET DÉPANNAGE.
Cette fonction de maintenance des sites industriels, en bon état de fonctionnement, se
décline en trois types d’activité : le dépannage, la réparation et l’entretien régulier de
l’installation industrielle.
I - Les différents types d’entretien
A/ Le dépannage.
A. Fernandez et R. Poncet donne du dépannage la définition suivante : « C’est une opération de maintenance corrective mais limitée à une action sur un bien en panne, en vue de le
remettre, provisoirement, en état de fonctionnement avant réparation ».8
Son objectif premier est de remettre l’installation, le plus rapidement possible, en état
de refonctionner correctement. Les contraintes économiques de la production de l’unité arrêtée sont impératives. Elles relèguent, au second plan, toutes les autres considérations, y compris, parfois, les mesures élémentaires de sécurité. Par exemple, on s’efforcera de mettre en
arrêt, le moins possible d’éléments du système productif. Le dépannage de l’élément, ou partie du système, défaillant sera réalisé dans un environnement immédiat toujours en activité.
Dans ces conditions, la réalisation du travail en sécurité ne pourra pas être totalement garantie
du fait :
¾ de la coactivité des diverses équipes intervenantes sur le même lieu. Certaines se préoccupant de la production, d’autres de la réparation.
¾ des risques d’accidents électriques et/ou matériels (explosions, incendies, fuites de
gaz,…) toujours possibles lorsqu’on intervient sur une installation en activité.
Des accidents graves s’étant produits dans de telles conditions, il est difficile d’admettre
que toutes les précautions sont systématiquement prises.
B/ La réparation.
C’est : « une intervention définitive et limitée de maintenance corrective, après une
panne ou défaillance. » (Ibid.)
C/ L’entretien régulier.
Son objectif est : « la maintenance des installations productives et non productives, dès
le stade de la conception jusqu’à leur disparition, avec un coût minimal d’entretien pour une
qualité de service, un volume et une qualité de production donnés. » (Ibid.)
II - La Maintenance : une activité de plus en plus complexe
L’évolution et la complexification des systèmes de production militent vers un rapprochement, en interne, des fonctions de fabrication avec celles de la maintenance. La maintenance n’est plus seulement un service auquel on fait appel en cas de problème. C’est une
fonction de plus en plus imbriquée techniquement dans le processus de fabrication, une dimension permanente de l’activité productive dans laquelle le préventif, l’anticipé doit prendre, de plus en plus, le pas sur le curatif. On est passé de l’ère de l’électromécanique à celle
de l’informatique. Dans ces industries, toute panne affectant un secteur propage ses conséquences en cascades. La production en est désorganisée. Elle devient, elle-même, imprévisible. Ce qui ne peut être compatible avec un contexte économique où il est décisif de produire
de façon continue pour assurer un retour rapide des investissements lourds. Ce qui donne une
8
A. Fernandez et R. Poncet ; « La maintenance assistée par ordinateur : conditions d’efficacité de l’automation intégrée de production, enjeux
sur le savoir-faire » ; CIDECOS FORMATION, 1987.
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Sous-traitance sur sites industriels
importance accrue à l’entretien préventif. Son automatisation repose, de plus en plus, sur un
professionnalisme qui dépasse sa seule capacité à réparer. Certains de nos interlocuteurs nous
ont signalé que, dans des entreprises, les opérations de prévention étaient de nouveau confiées
à du personnel interne. Seul, le curatif restait sous-traité.
De fait, ce sont toutes les activités de fabrication, de logistique, d’entretien, de contrôle
de qualité qui s’interpénètrent de plus en plus. Une activité de fabrication bien comprise comporte, obligatoirement, une part croissante de maintenance :
¾ détection le plus précoce possible des pannes et des dysfonctionnements ;
¾ élaboration des diagnostics ;
¾ mise en œuvre des systèmes de permis de travail ;
¾ éventuellement, opérations de maintenance de premier niveau, etc.
Un responsable de maintenance doit, pour planifier l’ordonnancement des travaux,
connaître l’état de l’unité de production et des contraintes qui s’exercent sur elles, à un moment donné. Cette interpénétration des activités de fabrication et de maintenance amène certaines entreprises productives à développer des formes de polyvalence et de compétences
transversales, dans toutes les fonctions. Il est de plus en plus difficile de dissocier, d’isoler les
unes des autres, les fonctions qui concourent à la mise en œuvre du système productif d’une
entreprise.
III - Les effets négatifs de la sous-traitance de la Maintenance
Les entreprises de production externalisent, de plus en plus, leur service de maintenance. Et ce, au motif (souvent contesté) que celui-ci demande des compétences de plus en
plus sophistiquées et étrangères à leur propre vocation industrielle. Les directions
d’entreprises s’efforcent d’établir, au sein de la fonction de maintenance, une distinction entre
les fonctions de réalisation — qui seraient externalisables au motif de leur faible impact sur le
savoir-faire de l’entreprise — et celles qu’il conviendrait de mieux maîtriser en interne pour
conserver, voire pour acquérir, les savoir-faire technologiques, méthodologiques et pratiques,
considérés comme essentiels. Cette dualité de la maintenance pose problème pour de nombreux observateurs.
1 – Il y a, pour une partie de ces tâches, un très large recoupement entre l’activité de
la maintenance organique et celle de la sous-traitance. Recoupement objectivement favorisé par une politique qui ne cesse d’élargir le champ des obligations contractuelles des soustraitants. Aujourd’hui, elles vont de la préparation de l’exécution des tâches jusqu’à la correction des plans, en passant par la planification, la coordination, l’exécution, le contrôle des
travaux et la rédaction des comptes-rendus d’intervention. On leur demande, également, de
contribuer à l’amélioration des méthodes de maintenance.
2 – D’autre part, l’éloignement des agents de maintenance organique de l’activité
dite d’exécution — c’est-à-dire de la pratique technicienne — et le transfert quasi total de
cette activité vers la sous-traitance, entraîne et nourrit une perte de maîtrise technique. La
maîtrise de toute technique suppose, en effet, une relation effective entre théorie et pratique,
entre connaissance et expérience. Cela est vrai, à l’échelle individuelle comme à celle collective d’une unité, d’un service, d’une usine même. Le développement des savoirs et des méthodes ne peut se concevoir en dehors d’une relation organisée avec leur mise en œuvre pratique. Couper les savoir et les méthodes de cette mise en œuvre pratique, c’est les couper de la
base sur lesquels ils se construisent.
Les agents « organiques » de maintenance ressentent très intimement les implications de
cette coupure. C’est pourquoi ils s’interrogent sur leurs capacités à maintenir leurs compéten-
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Sous-traitance sur sites industriels
ces techniques, dès lors qu’ils n’assurent plus, eux-mêmes, la réalisation des interventions.
Pour les anciens, leur savoir-faire s’enracine dans leurs acquis de leurs anciennes fonctions
d’exécution. Comment ces acquis pourront-ils se maintenir et évoluer avec l’outil de production, dès lors que l’exécution est entièrement sous-traitée ? Et qu’en est-il pour les nouveaux
et les futurs opérateurs ?
3 - Il est aussi difficile de cantonner les entreprises sous-traitantes à des tâches de stricte
exécution que de développer, en interne, des savoir-faire, technologiques et méthodologiques,
sans réalisations pratiques. Les entreprises sous-traitantes ne peuvent donc devenir performantes sans développer leurs stocks de connaissances techniques et de méthodes. De même,
la maintenance organique ne peut gérer (définir, contrôler, historiser) efficacement les opérations d’entretien externalisées, sans se confronter aux conditions pratiques de leur réalisation.
La dissociation entre méthode/supervision et réalisation/exécution risque de conduire :
¾ soit à un important recouvrement des fonctions organiques et sous-traitantes,
¾ soit à une perte d’efficacité des deux cotés (procédures inadéquates, manque de coordination, retour d’expérience insuffisant, …).
IV - Les conséquences sur le plan de la sécurité du travail.
Alors que l’évolution des process de production réclame la réduction des interfaces entre fabrication et maintenance, la sous-traitance de cette dernière a pour effet de créer des interfaces supplémentaires. D’où des difficultés plus grandes de coordination des activités de
fabrication et de maintenance, des difficultés de communication entre ces deux fonctions qui
sont autant de facteurs de moindre efficacité et de qualité. Par conséquent, de moindre sécurité pour les hommes au travail mais aussi pour les équipements techniques. La sécurité ne pouvant se concevoir en dehors d’une totale maîtrise, par les collectifs de travail, des processus et
des opérations à mettre en œuvre, que ce soit dans les domaines de la production ou dans ceux
de la gestion des opérations d’entretien.
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Sous-traitance sur sites industriels
4 - TRAVAUX D’ENTRETIEN LORS DES GRANDS ARRETS.
Il s’agit d’arrêts programmés, de tout ou partie de la production d’un site, pour réaliser
de gros travaux d’entretien ou de modification de l’installation. Pour d’évidentes raisons économiques, l’installation concernée doit rester le moins longtemps possible hors fonctionnement. Ces travaux s’inscrivent, donc, dans des délais calculés au plus juste.
I - L’intense coactivité génératrice de risques.
Lors de ces grands travaux d’arrêt, qui durent entre 2 et 6 semaines, on assiste à une
augmentation brutale du personnel d’exécution, sur le site. De 200 à 1 000 opérateurs en plus,
qui œuvrent de concert, dans un espace limité et, parfois, régi par des règles de circulation et
d’interventions draconiennes. Ce qui demande une planification très serrée des travaux de
chaque entreprise spécialisée intervenante (environ une dizaine). La qualité de la préparation,
de l’organisation et des mises à disposition des installations concernées, influent sur la qualité
et la sécurité des opérations projetées.
« Sur les grands arrêts, dans le pétrole, les chiffres peuvent être plus importants. Jusqu’à 2.000 extérieurs en permanence et quelque 3.000 badges supplémentaires sont parfois
distribués, pendant la durée de l’arrêt ; on peut compter jusqu’à une cinquantaine
d’entreprises sous-traitantes officielles, sans compter les sous-traitants des sous-traitants non
déclarés. Avec cette surpopulation sur le site, la circulation des engins de chantier constitue
un des principaux risques d’accidents. »
La direction même de l’arrêt est, souvent, sous-traitée à une « entreprise générale
d’arrêt ». Celle-ci a, alors, en charge la préparation, l’accueil, la coordination des travaux et la
sécurité des intervenants. Chaque entreprise spécialisée intervenante garde la maîtrise de son
activité professionnelle propre. L’entreprise « donneuse d’ordres » supervise la gestion de
l’arrêt (matériel et installation mis à disposition, respect des délais impartis, coût des opérations supplémentaires, etc.). Elle est censée rester à l’écart des activités professionnelles
qu’elle a sous-traitées (risque de délit de marchandage).
La complexité de la coordination de toutes ces activités et des droits et devoirs de chaque entreprise engagée, se trouve aggravée :
¾ Par les délais d’exécution serrés et impératifs ;
¾ Par les prix d’intervention, calculés au plus juste pour faire face à la concurrence ;
¾ Par les travaux non prévus mais qui apparaissent pendant l’arrêt (corrosion, usure anormale, matériel défaillant, ‘découvertes imprévues’, etc.) et qu’il faut réaliser dans
l’urgence. Ce qui peut occasionner des changements de priorité qui peuvent avoir des
conséquences en cascade, sur les autres intervenants. Il faudra gérer « l’adaptation » sous
contrainte de temps et d’effectif. Ce qui ne peut créer que des tensions.
Chaque intervenant, a une culture professionnelle différente — des autres intervenants
et de l’entreprise du site —. Cela peut engendrer des comportements professionnels pas toujours en cohérence et compatibles avec une sécurité optimale. Dans le BTP, on ne raisonne
pas de la même manière. On n’a pas les mêmes méthodes d’organisation ni les mêmes références préventives que dans l’électronique, l’électricité, la mécanique, la chimie, la pétrochimie, le nucléaire, la soudure, etc.. Ce qui rend les interfaces de coordinations complexes et
génère des écarts d’appréciation, sur les conditions de travail en sécurité de l’ensemble composite des intervenants. Autrement dit, individuellement, les conditions de sécurité peuvent
être respectées, mais les répercussions de sa propre activité sur les autres équipes ne sont pas
toujours maîtrisées.
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Sous-traitance sur sites industriels
On retrouve ainsi tous les risques inhérents à la coactivité intense. Aggravés, ici, par la
fébrilité de tous les intervenants, qui doivent gérer les aléas, les dysfonctionnements, les
écarts aux prévisions (et il y en a beaucoup !), dans le respect, impératif, de la durée de l‘arrêt
général. Les accidents survenus ces dernières années, dans notre région et dont certains furent
mortels, montrent, hélas, que ces difficultés ne sont pas toujours surmontées.
II - La surpopulation génératrice de tension.
La forte concentration en hommes et en moyens, fait apparaître, sur le site industriel,
des problèmes plus difficiles à résoudre que lorsqu’il s’agit d’accueillir des petites équipes
d’entretien ou de réparation courants. Il convient de prévoir :
¾ l’accueil des intervenants ;
¾ la prise des repas, sur place, pour des centaines de personnes supplémentaires ;
¾ les stationnements nécessaires et souvent éloignés du lieu d’intervention ;
¾ leur déplacements au sein du site, par des balisages sur les parcours autorisés ;
¾ les baraquements sanitaires et d’entrepôt pour leur petit matériel ;
¾ des zones de stockage des matériaux et des engins de chantier ;
¾ des bureaux et des locaux pour réunions de travail et de coordination ; etc.
Certains sites industriels vont jusqu’à construire « un village d’arrêt » provisoire, pour
gérer cette surpopulation momentanée. Compte tenu de la fréquence et de la périodicité de ces
arrêts, certains syndicalistes d’entreprises donneuses d’ordres, nous ont fait part de leur demande, auprès de leur direction, d’une construction pérenne, de ce « village d’arrêt ». L’objet
de cette proposition étant d’humaniser, quelque peu, le nomadisme des salariés extérieurs.
Par-là même, de réduire les risques en découlant (voir ci-dessus, le chapitre sur le nomadisme). À notre connaissance, cette demande n’a abouti (pour le moment ?) sur aucun site
industriel régional. Les directions d’entreprise arguant du fait que c’est aux entreprises extérieures, sous contrat de sous-traitance, de s’organiser, dans les espaces mis à leur disposition.
L’accueil de cette surpopulation momentanée sur le site crée aussi des gênes et des perturbations aux salariés « organiques », sur les lieux de travail et dans l’environnement immédiat de l’entreprise : accès embouteillés, parcs surchargés, restaurants débordés, etc.. Nous
retrouvons là, une raison supplémentaire de tension, entre ces deux populations de salariés.
III - Les conditions de réalisation des marchés conclus.
Pour ce type d’activité, les clauses des contrats de sous-traitance sont assez générales.
Pour les travaux correspondant à des petites opérations spécialisées, viennent souvent se greffer des factures ponctuelles de type « bordereaux de prix » ou un système de type « dépenses
contrôlées ». Le choix entre ces deux modes de facturation se fait suivant le caractère ponctuel ou difficilement évaluable par avance du travail à exécuter. Soit parce qu’il est complexe
et/ou très spécialisé, soit que les caractéristiques du travail rencontré concrètement n’entrent
pas le cadre du bordereau initial. À la fin de la réalisation des travaux rendus nécessaires,
l’entreprise sous-traitante a des marges de négociation (pas toujours faciles, cependant) avec
l’entreprise utilisatrice. Il existe, dans ce type de relation, entre les deux entreprises concernées, un contrat moral que nous avons évoqué plus avant.
Pour les travaux plus importants de modification de l’installation ou de l’infrastructure,
l’entreprise utilisatrice procède à une adjudication, restreinte à un panel d’entreprises reconnues compétentes. Les pièces écrites et les plans fournis pour cette consultation sont, en général, réalisés par un maître d'œuvre en relation avec les services concernés de cette entreprise.
En général, les entreprises adjudicataires sont des entreprises locales ou de taille plus importante mais avec un fonctionnement local très décentralisé, se rapprochant ainsi de structures
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Sous-traitance sur sites industriels
plus petites. Les critères de « proximité » (expériences précédentes, nature des relations
nouées avec les responsables, confiance réciproque, habitude de travailler ensemble , …) interviennent fortement dans les choix, ainsi que les habilitations professionnelles requises de
qualité et de sécurité.
Le « noyau dur » du personnel et l’encadrement de ces entreprises est un salariat stable,
qualifié dans leur propre métier et fonction, avec une ancienneté souvent importante. C’est
qu’il doit posséder des qualités d’initiative, d’autonomie et de responsabilité car il est amené
à rencontrer des situations non prévues et qu’il doit résoudre rapidement. Du fait de la variabilité de la charge de travail et du moment d’intervention, ces opérateurs sont contraints à une
disponibilité et à une acceptation des contraintes d’intervention. Comme, par exemple, finir
un travail commencé indépendamment de toute considération d’horaire. Ce n’est pas ce personnel là qui pose le plus de problèmes de prévention. Quoique !
Par contre, pour absorber les surcharges de travail et respecter les délais imposés, il est
trop souvent fait appel à un personnel nettement moins qualifié, expérimenté et/ou préparé à
ce type d’intervention. Il s’agit soit d’un personnel de l’entreprise rapatrié « en catastrophe »
sur ce site, soit carrément d’intérimaires, de CDD, d’indépendants (vrais ou faux ? Voir notre
introduction). Quand il ne s’agit pas de salariés en situation précaire, recrutés localement, par
commodité mais aussi pour réduire les frais de déplacement. En plus de leur inexpérience,
l’état de précarité de ces salariés les incitent à accepter des conditions de travail dégradées. Et
là, les risques d’accidents sont nettement moins bien maîtrisés.
IV - Le démarrage de l’exploitation.
Les grands arrêts ont une date butoir de mise en exploitation impérative. Cependant, les
retards cumulés nécessitent souvent l’allongement des délais de réalisation, alors que la production a redémarré. Des accidents peuvent alors survenir du fait :
¾ Que les mesures préventives de ces reliquats de travaux n’ont pas été prévues, puisque les
travaux, eux-mêmes, n’étaient pas envisagés. Or, ils se réalisent dans des conditions particulièrement accidentogènes de coactivité fébrile. Premièrement parce que, pour eux, il
faut absorber le retard ; deuxièmement parce que la remise en fonctionnement d’une unité
de production est toujours un moment délicat et de tension nerveuse maximale. La présence d’équipes des entreprises de l’arrêt au moment de mise en exploitation (électriciens,
instrumentistes, inspection ) ne facilite pas les manœuvres.
¾ Que ces travaux nécessitent souvent des matériels et matériaux qui encombrent et gênent
et la mise en production : les calorifuges à reprendre, les échafaudages, échelles dans les
zones de circulation, etc.
V - Propositions.
Nos interlocuteurs, lors de nos entretiens, insistaient sur la nécessité, lors de ces grands
arrêts, de veiller au respect, par les entreprises intervenantes, de la législation sur le travail.
Spécialement dans le domaine de la durée du travail où l’on sait que les normes légales sont
trop souvent dépassées et de beaucoup. Compte tenu de l’expérience accumulée lors des
grands arrêts précédents, il semblait impossible, à nos interlocuteurs, que les ingénieurs et
autres responsables ne puissent pas mieux apprécier la réalité du travail à réaliser. Pourquoi
ne pas prendre des dispositions pour prévoir des délais pour les impondérables, à partir du
moment où l’on sait, pertinemment, qu’il y en aura. Au contraire, tous les temps
d’intervention impartis semblent difficiles à respecter, même sans imprévu. Ces dépassements, exagérés, de la durée légale de travail ne peuvent être que préjudiciables, bien évidemment, à la sécurité des salariés, mais aussi de la qualité d’exécution des travaux. La bana-
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lisation de ces dépassements donne l’impression qu’ils sont devenus inévitables voire nécessaires à ce type de travaux.
Cette question devrait être traitée dans les audits de chantier, être une condition
d’agrément des entreprises sous-traitantes et faire partie des critères retenus dans la politique
de dévolution des marchés des entreprises utilisatrices.
Toutefois, l’essentiel de la sécurité du travail repose sur une coopération étroite de
l’ensemble des intervenants (organiques et extérieurs) dans :
¾ l’analyse des risques potentiels, avant et pendant le déroulement du chantier ;
¾ l’élaboration et la mise en œuvre des mesures de prévention nécessaires.
Faire également le bilan en commun, de chaque opération, permet un retour
d’expérience profitable pour les travaux futurs.
Il ressortait également de ces entretiens, la nécessité de fixer des limites à l’emploi de
personnel des entreprises de travail temporaire et autres précaires. Le taux raisonnable à ne
pas dépasser tournerait autour de 20 %. Ce serait une garantie importante en matière de formation et de compétences du personnel intervenant.
Il conviendrait, aussi, de limiter impérativement la sous-traitance secondaire à un seul
niveau. La banalisation de la sous-traitance en cascade ne permet plus d’avoir la moindre garantie sur les conditions de réalisation effective du travail.
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5 - LES TRAVAUX DE CONSTRUCTION NEUVE.
Ces travaux concernent la construction d’unités neuves de production, sur un site industriel, hors de l’installation en fonctionnement. Ils émanent d’une décision de la direction du
site (maître d’ouvrage). Il s’agit de réaliser une opération de construction, avec un budget
défini et un cahier des charges de l’ouvrage. Ce sont, en général, de grosses opérations avec
une enveloppe financière importante.
La réalisation de ce type d’ouvrage constitue une phase transitoire dans le fonctionnement normal du site. Elle se caractérise par un processus de modification de la configuration
spatiale du site : passer d’un état où il n’y a rien à un état où l’installation est construite. Entre
ces deux états, on retrouve l’ensemble du procès de construction, propre à l’industrie du BTP,
réalisé par des entreprises extérieures au site industriel.
I - La contractualisation des marchés.
Compte tenu de l’importance des travaux, le maître d’ouvrage procède à une adjudication sur appel d’offres. Cette consultation s’adresse non seulement aux entreprises en permanence sur le site (toutefois, les premières informées) mais aussi à des entreprises intéressées,
de taille régionale, nationale voire internationale. Le jeu de la concurrence est alors ouvert
avec des négociations très serrées. Une fois le marché acquis, le montant est forfaitisé. Tout
au long de la réalisation des travaux, le cadre contractuel, défini à l’origine, marque fortement
les relations entre les deux entreprises (extérieure et utilisatrice). Les marges de négociation
sont très faibles.
Les entreprises effectuant ces types de travaux, sont souvent des entreprises possédant
de gros moyens et une logistique importante. Elles ont, régionalement, une solide réputation
de compétence et de professionnalisme, dans leur domaine. Cependant, l’entreprise adjudicataire sous-traite, souvent, une partie de ces travaux spécialisés à des entreprises implantées
régionalement, mais de moindre importance. En cas de retard sur la planification projetée, le
renfort de sous-traitants de deuxième, troisième niveau voire plus, est souvent pratiqué. Ce
qui génère des difficultés de coordination et, par conséquent, de maîtrise des risques du travail.
II - Les conditions de travail.
Le délai d’exécution a une importance capitale dans les relations contractuelles. Toutefois, de nombreux aléas et des dysfonctionnements viennent hacher le travail et sont autant de
source de rupture de rythme. Comme, par exemple :
¾ Les insuffisances de coordination entre les entreprises intervenantes, les fournisseurs, les
bureaux d’études et de contrôle,… ;
¾ Les erreurs dans les études préalables, dans les plans d’exécution fournis, dans les sondages, auxquelles s’ajoutent les modifications de dernières minutes,… ;
¾ Les intempéries, les incidents et accidents du travail ;
¾ Les autorisations administratives ; Etc.
On assiste donc, fréquemment, pour respecter, malgré tout, la date de livraison (pénalités de retard), à une accélération du travail, en fin de chantier. Ainsi, la variation dans le
temps, de l’effectif du personnel employé se caractérise par un accroissement faible au début
des travaux, suivi d’une augmentation très rapide vers la fin du chantier.
B. Pèlegrin (op. cit.) constate qu’en fait, sur ces chantiers, l’on rencontre deux types de
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population active : l’une appartient à l’entreprise adjudicataire du marché, l’autre gravite autour de cette entreprise. La première population a une qualification importante dans son propre métier et sa fonction. Son ancienneté est en moyenne supérieure à 5 ans dans la profession. On retrouve là, les caractéristiques générales de la population du BTP, avec une forte
proportion de personnel âgé d’environ 40/45 ans et très peu de classes d’âge plus jeunes.
Cette population est mobile. Elle se déplace d’un site industriel à l’autre, pour réaliser les gros
travaux. Elle a donc une certaine expérience de ce type de travail et de ces conditions de réalisation.
Parallèlement à cette catégorie de personnel, les augmentations de charges de travail
sont en partie absorbées par une population faite de salariés d’entreprises de travail temporaire. Parmi ces intérimaires, certains ont une riche expérience et une bonne maîtrise de leur
métier. D’ailleurs, on constate que ceux-ci gravitent, en réalité, plus autour des sites industriels que des entreprises extérieures. Dans certains métiers, il existe aussi, des travailleurs
indépendants qui jouent un rôle important du fait de leurs compétences affirmées. Ils assurent
un potentiel de main- d'œuvre ainsi qu’une réserve de savoir-faire, pour ces entreprises. Cependant, un nombre non négligeable de ces intérimaires sont recrutés dans une population
jeune et de faible qualification. Ce sont, généralement, des régionaux dans des situations
d’emplois précaires. Dans ces cas-là, à la fébrilité due au retard sur l’avancement prévu des
travaux, vient s’ajouter :
¾ L’accroissement brusque du personnel employé dans un espace limité, qui n’a pas
l’habitude de travailler ensemble, donc pas de repères ni d’expériences communes.
¾ Une mixité de salariés au statut stable avec des précaires qui n’ont pas les mêmes exigences et priorités en matière de sécurité. Le primat, pour eux, (et c’est compréhensible) étant
de retrouver un emploi et des revenus stables.
¾ Une situation, souvent, marquée par une sous-traitance en cascade de petits travaux. Ce
qui diversifie, dangereusement, la diffusion des informations et des consignes de travaux.
On retrouve là, une conjonction de facteurs de risques préoccupante.
III - L’espace de travail
Le personnel des entreprises extérieures a un espace de travail constitué par le chantier
de construction. Il s’agit d’une zone bien délimitée, par rapport au site dans son entier. Par
contre, la nécessité d’avoir des relations avec les services du site (matériel, administration,
accès, utilités,…) demande une certaine connaissance de l’espace général du site et de ses
impératifs de sécurité. La configuration même de l’installation en construction a certaines
caractéristiques qui sont liées à sa fonction dans l’entreprise de production.
¾ Dans le nucléaire, l’installation est caractérisée par des principes de construction qui rendent l’espace architectural et technique très complexe : des barrières physiques, un circuit
de déplacement précis, une identification des lieux difficile.
¾ Dans la chimie, l’espace est modelé par des tuyauteries qui induisent une certaine culture
de déplacement. Cette conception de l’installation a des incidences sur l’activité du personnel extérieur. Bien sûr, en ce qui concerne la configuration du lieu de travail lui-même,
mais également au cours des déplacements nécessaires à la réalisation du travail : transport de matériels et matériaux, recherche d’informations, etc.
La sécurité et la sûreté des installations du site, demande donc, une bonne connaissance
et maîtrise de ces risques particuliers, par les intervenants extérieurs. Ce qui nécessite de bien
gérer les écarts entre, d’une part, les obligations de sécurité du site avec ses impératifs, et
d’autre part, les aléas, les habitudes professionnelles des intervenants extérieurs.
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Ce qui est beaucoup plus difficile lors des recours massifs à du personnel ponctuel, peu
expérimenté et informé des risques particuliers du site.
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6 - CONCLUSIONS.
Il est de coutume de classer les risques du travail, générés par la sous-traitance sur site
industriel, en trois catégories :
1/ Ceux qui se rapportent à l’activité même du site (nucléaire, chimique, électrique,…).
2/ Ceux qui ont leur origine dans la coactivité entre salariés « organiques » et les soustraitants.
3/ Ceux qui renvoient au métier même du sous-traitant (BTP, électricité, soudure,…).
Cette approche, qui domine chez les préventeurs, a, bien évidemment, des fondements
objectifs qu’il ne faut pas sous estimés. Cependant, elle nous paraît réductrice. Elle néglige
une série de contraintes et de facteurs qui contribuent, directement ou indirectement, à affaiblir la capacité d’élaboration ou de mise en œuvre des savoir-faire de prudence.
Elle ne prend pas en considération les liens forts de subordination entre le donneur
d’ordres et ses sous-traitants. Les contraintes de temps et de coût, acceptées du fait de la
concurrence exacerbée par la pratique des marchés accordés au moins-disant, entraînent une
flexibilité, souvent excessive, de la durée du travail. Mais aussi une précarisation des emplois
et une intensification du travail, qui sont autant de sources directes de fatigues et d'accidents.
Toutes ces dimensions agissent aussi, à un autre niveau : celui de la non-constitution de
collectifs de travail stables. C’est-à-dire des collectifs où peuvent s'échanger les expériences,
se construire, dans le temps, la mémoire collective des savoir-faire, des stratégies de sécurité.
« La stagnation des résultats sécurité enregistrée en France et ce malgré les efforts
communs des donneurs d’ordres et sous-traitants, le renforcement de la législation, etc., tient,
certainement, à d’autres raisons que celles classiquement invoquées depuis des années. Ainsi,
les notions de diminution des délais, sous-traitance systématiques au moins-disant, etc., apparaissent aujourd’hui comme génératrices d’accidents. Ainsi que des maladies professionnelles, sujet encore plus difficile à cerner que les accidents du travail.
Comment arrêter la course à la diminution des délais ? Comment maîtriser les imprévus ? Suggestions possibles :
¾ faire apparaître, de façon détaillée, les coûts liés à la prévention/sécurité dans les devis ;
¾ Inciter (voire aider) les sous-traitants à améliorer leur sécurité (formation, choix des matériels, etc.) et pas seulement en réalisant des audits ;
¾ Opérations de maintenance : analyser, précisément, les postes de travail et les nuisances ; Déterminer les mesures de prévention et leur coût ;
¾ Questionner les entreprises utilisatrices en cas de doute sur les risques présents (permis
de travail, plans de prévention). »
D’autre part, cette approche présente les risques indépendamment de l'histoire propre de
l'entreprise intervenante et/ou de celle de l'entreprise utilisatrice. Pourtant, la taille de l'entreprise, son climat social, le type de management, l'existence ou pas d'une culture sécurité, etc.,
ne sont pas sans conséquences sur la maîtrise des risques du travail.
Cette démarche ignore aussi les interactions entre les différents facteurs, directs ou indirects, et les conséquences de leur accumulation. Prenons le cas d’un travailleur sous-traitant,
dont le domicile est à Bordeaux et qui, travaille sur Poitiers. On lui annonce, brutalement,
qu'il est affecté, à partir du lendemain, sur un chantier dans le nord de la France. Ce chantier
ayant pris du retard, il y a urgence. Ce travailleur a plus de chances d'avoir un accident que
celui qui intervient, depuis des années, sur le même site, pas loin de chez lui, dans une entre-
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prise où il existe des procédures, bien rodées, d'informations sur les risques.
Ce point de vue dominant fait également l'économie des relations, des circulations existant entre le travail et l’après-travail. Notamment, les conséquences du nomadisme sur la fatigue, la santé mentale et la prise de risques. La fatigue, l'état psychologique dans lequel se
trouve le travailleur sous-traitant en déplacement, éloigné de sa famille, coupé de toute vie
sociale, n'est pas sans conséquences sur sa vigilance, face aux dangers.
« La réglementation régissant l’entreprise extérieure n’est vraiment abordée que via le
décret de février 1992. C’est-à-dire, via la loupe avantageuse de l’utilisateur. Ne conviendrait-il pas de faire des entreprises extérieures, une catégorie légalement reconnue ? On le
fait bien pour les VRP, les mannequins, les marins, les entreprises de travail temporaires,
etc.. Autrement dit, créer un livre spécial, dans le Code du travail, avec des règles spécifiques
sur : le contrat, l’éloignement domicile/travail, le transport maximal, la représentation du
personnel, l’hygiène et la sécurité, l’hébergement, etc.. En mettant au centre de la réflexion
ce type particulier de travail avec ce qu’il génère et que vous décrivez si bien de vos termes
de sociologues. Quand le législateur le décide, il sait fabriquer la loi ad hoc. Par exemple, on
a su traiter l’intérim par un ensemble de lois qui peuvent être qualifiées d’efficaces. »
Finalement, il convient de se demander s’il y a vraiment un avantage socio-économique,
pour les entreprises productrices, d’externaliser la maintenance de leur installation. Les études
auxquelles nous avons fait référence, semblent s’accorder sur le constat que cela n’est pas
évident. Les différences de coûts, officiels et « cachés », entre l'externalisation de la maintenance et son « internalisation » seraient minimes. Par contre, toutes admettent les répercussions négatives sur la main d'œuvre, tant « organique » qu’extérieure.
Globalement, ce point de vue critique au développement de l’externalisation des compétences de l’entreprise, est partagé par de nombreux observateurs. Le quotidien de l’économie :
« Les Échos », des 2 et 3 octobre 1998, consacrait un dossier sur ce sujet. Son titre : « Penser
clairement l’externalisation. » En résumé, les auteurs de ce dossier reconnaissaient que « De
plus en plus d’entreprises décident d’externaliser des activités. » Pourquoi ? « La priorité
donnée désormais à l’augmentation de la valeur pour les actionnaires et à la concentration
sur les métiers de base, pousse les entreprises à constamment évaluer les possibilités
d’externalisation. » Mais rares sont celles qui ont une méthode et une politique bien définies
pour prendre de telles mesures. « Dans toute organisation, la sélection des activités à externaliser est une question complexe. Or, on la traite souvent à coup d’arguments simplistes,
voire tautologiques : nous externalisons les activités non fondamentales et nous gardons nos
compétences fondamentales en interne. Mais qu’est-ce qu’une activité « fondamentale » ou
« non fondamentale » ? » Et ces auteurs de plaider pour une évaluation plus réaliste de la situation de l’entreprise. Pour eux aussi « L’externalisation automatique des activités jugées
non fondamentales peut avoir des conséquences négatives sur le long terme. »9
Mais, cela ne semble pas remettre en cause les politiques de développement de la soustraitance, des entreprises de sites industriels.
Pourtant, l’accidentabilité mais aussi les atteintes à la santé, particulièrement préoccupantes dans cette pratique professionnelle, sont surtout consécutives aux mauvaises conditions de travail et d’emploi qui y sont pratiquées.
9
Carlos Cordon, Thomas E. Vollmann, Jussi Heikkilä : « Penser clairement l’externalisation. » ; Les Échos ;2 &3 oct. 98.
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Sous-traitance sur sites industriels
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