Le contrat de joint venture

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Le contrat de joint venture
Le contrat de joint venture
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Le contrat de joint venture
Thomas Probst
Professeur à l'Université de Fribourg
Table des matières
I.
INTRODUCTION .......................................................................................3
II. FONDEMENTS ET QUALIFICATION JURIDIQUE DU
CONTRAT DE JOINT VENTURE ............................................................4
A. NOTION ET ÉLÉMENTS CARACTÉRISTIQUES D'UNE JOINT
VENTURE .................................................................................................4
1. Généralités ......................................................................................4
2. Notion de joint venture ....................................................................4
3. Eléments caractéristiques d'une joint venture .................................5
B. MOYEN DE COOPÉRATION NATIONALE ET INTERNATIONALE ..............7
C. DIFFÉRENTS TYPES DE JOINT VENTURES ...............................................7
1. L'Equity Joint Venture .....................................................................7
2. Contractual Joint Venture ...............................................................9
D. QUALIFICATION JURIDIQUE DU CONTRAT DE JOINT VENTURE
(ACCORD DE BASE) ...............................................................................10
III. QUELQUES ASPECTS SPECIFIQUES DU CONTRAT
D'EQUITY JOINT VENTURE ..................................................................13
A. L'EQUITY JOINT VENTURE À LA CROISÉE DU DROIT DES
CONTRATS ET DU DROIT DES SOCIÉTÉS ...............................................13
1. L'accord de base, la société commune et les contrats
d'exécution.....................................................................................13
2. Le rapport entre l'accord de base et les contrats d'exécution .......15
2
Le contrat de joint venture
3.
La direction et la gestion de la société commune ..........................19
B. LA DURÉE ET LA FIN D'UNE EQUITY JOINT VENTURE..........................19
1. La fin de l'accord de base..............................................................20
a. Contrat
de
durée
déterminée
ou
indéterminée?..........................67
b. Terminaison ordinaire et extraordinaire de l'accord de
base…..69
2. Les conséquences de la fin de l'accord de base pour la société
commune et les contrats d'exécution .............................................24
C. LE DROIT APPLICABLE À UN CONTRAT DE JOINT VENTURE
INTERNATIONAL...................................................................................25
IV. CONCLUSIONS.........................................................................................26
V. BIBLIOGRAPHIE .......................................................................................28
Thomas Probst
Le contrat de joint venture
I.
3
Introduction
Bien que le contrat de joint venture ("contrat d'entreprise commune", "contrat
d'entreprise conjointe"; "Gemeinschaftsunternehmensvertrag")1 revête une importance pratique considérable2, il est peu traité dans la jurisprudence du
Tribunal fédéral3 et occupe une place plutôt discrète dans la littérature juridique
suisse4. Entre autres, ce constat s'explique par le fait que la notion générale de
joint venture englobe des coopérations assez diverses dont les contours juridiques ne sont pas faciles à déterminer.
Dans le cadre de ce symposium en droit des contrats, la présente contribution a
pour objectif d'examiner le contrat de joint venture en tant que base d'une joint
venture. Aussi, parlerons-nous d’abord des fondements et de la qualification
juridique du contrat de joint venture (accord de base) en général (ci-après, II.),
pour ensuite nous pencher sur quelques aspects spécifiques du contrat d'Equity
Joint Venture et des contrats d'exécution (accords "satellites" 5) qui l'entourent
(ci-après, III.). Nous terminerons par de brèves conclusions (ci-après, IV.).
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2
3
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5
Tant le terme français de "contrat d'entreprise commune/conjointe" que le terme allemand
de "Gemeinschaftsunternehmensvertrag" n'ont pas réussi à s'imposer dans la littérature
juridique contre la notion anglaise de "joint venture". Aussi parle-t-on la plupart du temps
du "contrat de joint venture". ─ Voir également, DJALALI, 10; RUCHIN, 4 ss.
Cf. REYMOND, Réflexions, 482; TSCHÄNI, Gemeinschaftsunternehmen, 88.
On trouve certes des arrêts du Tribunal fédéral qui font mention d'une joint venture (voir
p. ex. les arrêts 4C.22/2006 du 5 mai 2006; 4P.32/2007 du 11 avril 2007; 7B.217/2006 du
12 avril 2007; 4P.282/2001 du 3 avril 2002) mais il est rare que le litige porte
principalement sur le contrat de joint venture et ses liens avec la société commune et les
contrats d'exécution. Ce constat est dû au fait que des litiges portant sur des contrats de
joint venture sont souvent soumis à l'arbitrage, notamment lorsqu'il s'agit d'affaires
internationales. Cf. REYMOND, Réflexions, 491; IDEM, Joint Venture, 385 s.; HUBER,
Joint-Venture, 38; SCHNYDER, 82.
En comparaison des contrats plus traditionnels et connus, le contrat de joint venture est
présenté assez sommairement dans les traités classiques du droit des contrats. Voir p. ex.
TERCIER/FAVRE, N 7509 ss; ENGEL, 703 ss. ─ Par contre, en droit anglo-américain, le
contrat de joint venture a été beaucoup plus étudié.
Bien que le terme de "contrat satellite" ait un certain charme et soit fréquemment
employé, il n'est pas vraiment parlant car il n'indique pas que ces contrats représentent
l'exécution des engagements pris par les promoteurs dans leur accord de base (contrat de
joint venture). A notre sens, le terme de "contrat d'exécution" est préférable puisqu'il
souligne ce lien caractéristique avec l'accord de base. ─ Cf. également HUBER, JointVenture, 4; IDEM, Vertragsgestaltung, 15 s. et AMSTUTZ/SCHLUEP, Introduction à l'art.
184 N 429 qui parlent de "Durchführungsverträgen" (le premier dans un sens toutefois
plus large), respectivement PIRONON, 114 qui parle de "contrat d'application".
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Le contrat de joint venture
II.
Fondements et qualification juridique du contrat de
joint venture
A.
Notion et éléments caractéristiques d'une joint venture
1.
Généralités
Conformément à son appellation anglaise, une joint venture désigne avant tout
une affaire industrielle ou commerciale6, plus ou moins complexe, qui comporte un certain risque économique, technique ou autre pour les partenaires.
D’où le nom de "venture"7. Ce risque peut résider non seulement dans la nature
ou l'envergure du projet envisagé en tant que tel mais également dans la
coopération délicate entre les promoteurs qui, surtout en cas de joint ventures
internationales, présentent des différences de mentalités et de cultures
importantes. En même temps, l'engagement commun de plusieurs partenaires
constitue un moyen qui permet de répartir le risque lié à un projet entre les
partenaires impliqués. Ce partage du risque explique, en bonne partie,
l'attractivité de la joint venture.
Le fait que le risque lié à une joint venture mérite l'attention des promoteurs
peut être illustré par l'anecdote suivante:
Une poule et un cochon conviennent d’une joint venture, forme moderne
de coopération. Leur plan d'affaires consiste à produire et vendre des
sandwichs "ham & eggs" en grand nombre. Après la signature du
contrat de joint venture, la poule est fort contente de cette affaire
prometteuse alors que le cochon réalise tout à coup que la mise en œuvre
de ce projet commun lui coûtera la vie.
2.
Notion de joint venture
Le concept de joint venture ne relève pas en premier lieu du droit mais de
l’économie industrielle et se réfère au fait que deux (ou plusieurs) entreprises
entendent coopérer pour réaliser un projet commun qui dépasse leurs propres
capacités et moyens8. Une telle coopération peut viser une durée indéterminée
6
7
8
En pratique, un contexte industriel ou commercial sera la règle, mais une joint venture à
des fins culturelles ou artistiques est également possible. Dans le même sens, ENGEL, 704.
Au sujet de l'origine américaine de la joint venture, voir p. ex. BAPTISTA/DURANDBARTHEZ, 7 ss.
Cf. WÄCHTERSHÄUSER, 45.
Thomas Probst
Le contrat de joint venture
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ou se limiter à l'avance à une durée déterminée (p. ex. limitée à trois ans qui
sont nécessaires à la réalisation d'une construction telle qu'une centrale
nucléaire ou hydroélectrique)9. Elle peut se réaliser sans ou avec une capitalisation commune et s'effectuer sur le plan national ou international.
Il s'ensuit que la notion de joint venture appréhende des situations de faits très
diverses10 sans avoir acquis, jusqu'alors, une acception juridique précise et
généralement reconnue11. Néanmoins, il est possible d’identifier des éléments
caractéristiques d’une joint venture, respectivement du contrat de joint venture
qui en forme la base contractuelle.
3.
Eléments caractéristiques d'une joint venture
Toute joint venture repose sur un accord de base entre les partenaires
intéressés, à savoir sur le contrat de joint venture (au sens propre)12.
Typiquement, ce contrat comprend au moins les éléments suivants:
13
-
l'accord de fonder , d'organiser et d'exploiter une société commune
(souvent une société anonyme) qui sert à réaliser l’objectif commun, soit
la joint venture (p. ex. le développement d'un nouveau vaccin contre
une maladie contagieuse);
-
l'adoption de règles gestionnaires notamment sur l’exercice des droits
de vote au sein de la société commune (souvent par une convention
14
d'actionnaires) , sur la composition du conseil d'administration (p. ex.
9
ZIHLMANN, 317, semble limiter la notion de joint venture à une coopération de longue
durée ("…auf Dauer angelegte[s] Konsortium").
Voir également, TERCIER/FAVRE, N 7512.
Voir également, FELLMANN/MÜLLER, art. 530 N 254.
Dans un sens large, le "contrat de joint venture" peut se référer à l'ensemble des contrats
(accord de base, contrats satellites) qui forment la charpente juridique nécessaire à la
constitution et à l'opération d'une joint venture. Voir également, REYMOND, Joint Venture,
383 s. ─ Sauf indication contraire, le présent article utilise le terme de "contrat de joint
venture" pour désigner l'accord de base, soit au sens étroit.
Dans la plupart des cas, il s'agira de fonder une nouvelle société mais il est également
possible qu'une société déjà existante et appartenant à l'un des promoteurs constitue la
base de la joint venture. Dans ce cas, l'autre promoteur acquerra une partie du capitalactions de cette société (p. ex. dans le cadre d'une augmentation du capital-actions). Cf.
TSCHÄNI, Joint Ventures, 63. ─ Voir également l'Ordonnance sur le contrôle des
concentrations d’entreprises du 17 juin 1996 (RS 251.4) dont l'art. 2 fait également cette
distinction. Cf. RUCHIN, 8; SUTER DEPLAZES, 19 s.
Typiquement les promoteurs de la joint venture s'engagent à exercer leur droit de vote à
l'assemblée générale de la joint venture en vue de mettre en œuvre les engagements pris
10
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13
14
6
Le contrat de joint venture
chaque partenaire y aura deux représentants) et sur l'aliénation des
actions (p. ex. droit de préemption de chaque partenaire sur les actions
15
des autres partenaires) ;
-
16
l'obligation de conclure, avec la société commune , les contrats d’exécution nécessaires au bon fonctionnement de celle-ci (p. ex. contrat de
17
licence , contrat d'approvisionnement, contrat de prêt, contrat d'assi18
stance technique et commerciale) .
A la lumière de ces éléments caractéristiques, le contrat de joint venture
(accord de base), qui constitue la base contractuelle d’une joint venture, peut
être définie comme un accord entre deux ou plusieurs personnes (régulièrement
des entreprises) qui conviennent, tout en poursuivant leur propre activité
traditionnelle, d'une coopération commune comprenant notamment la
fondation, l'organisation et l'exploitation d'une société commune (le plus
souvent une société anonyme), l'adoption de règles gestionnaires (p. ex.
concernant l'exercice du droit de vote, la représentation au conseil
d'administration, le droit de préemption sur les actions) ainsi que l'obligation
de conclure avec la société commune les contrats d'exécution nécessaires à son
bon fonctionnement (contrats satellites)19.
Dans son arrêt 4C.22/2006 du 5 mai 2006, le Tribunal fédéral s'est inspiré
d'une définition doctrinale qui va dans le même sens20.
15
16
17
18
19
20
dans l'accord de base. Voir également TSCHÄNI, Joint Ventures, 64. Cf. également
FORSTMOSER, 359 ss.
Voir p. ex. REYMOND, Réflexions, 482; ZIHLMANN, 319.
Parfois, les contrats que la société commune conclut avec des tiers sont également
considérés comme des contrats d’exécution. Cela ne paraît pas opportun parce qu’ils ne
présentent régulièrement pas de lien spécifique avec l’accord de base.
A noter que les droits de propriété intellectuelle peuvent intervenir à deux niveaux dans
une joint venture: d'une part, ils constituent régulièrement une contribution au bon
fonctionnement de la société commune de la part des promoteurs ; d'autre part, ils peuvent
être le résultat opérationnel de la société commune (p. ex. un brevet d'invention). Cf.
également, DESSEMONTET, 569.
Voir également REYMOND, Joint Venture, 383, 385.
Black's Law Dictionary propose la définition suivante: "A legal entity in the nature of a
partnership engaged in the joint prosecution of a particular transaction for mutual benefit"
(542 S.W.2d 934, 936). ─ Voir également la définition donnée par HAY, 231: "A joint
venture is an agreement between two or more persons to come together for the pursuit of a
specific project.".
Arrêt du 5 mai 2006 (4C.22/2006), cons. 5 ("L'expression 'joint venture', qui revêt
diverses significations, est utilisée, notamment, pour désigner l'accord du même nom par
lequel deux ou plusieurs partenaires conviennent, tout en poursuivant leur propre activité,
Thomas Probst
Le contrat de joint venture
B.
7
Moyen de coopération nationale et internationale
Le contrat de joint venture, en tant qu'élément central d'une joint venture, est
en premier lieu un moyen de coopération, tant sur le plan international21 que
national22. Il permet aux partenaires intéressés de réaliser ensemble des projets
d’une envergure et d'une complexité qui dépassent leurs propres capacités et
moyens individuels. Grâce à la joint venture, chaque partenaire peut étendre
son champ d'activité économique tout en partageant le risque avec les autres
partenaires.
Une joint venture peut évidemment avoir des fonctions supplémentaires. Ainsi,
il arrive qu'elle serve de moyen de financement. Par exemple, si un pays en
voie de développement est intéressé à construire une centrale hydroélectrique,
un contrat de joint venture avec une entreprise étrangère peut lui permettre
d’acquérir une usine opérationnelle préfinancée par la joint venture selon le
modèle BOT ("build – operate – transfer")23. De manière semblable, une joint
venture peut servir à opérer un transfert technologique d’un pays industrialisé à
un pays en voie de développement24.
C.
Différents types de joint ventures
Etant donné que le champ d’application de la joint venture est vaste, il convient
d'en distinguer deux types, à savoir l’Equity (ou Corporate) Joint Venture et la
Contractual Joint Venture.
1.
L'Equity Joint Venture
Dans le cas d’une Equity Joint Venture, les parties à l'accord de base (contrat
de joint venture) conviennent de mettre sur pied une société commune qui,
normalement mais pas forcément25, possède la personnalité juridique (souvent
21
22
23
24
25
de créer une entreprise commune pour une activité déterminée, durable ou passagère, et de
faire bénéficier cette société de l'appui technique, financier et commercial de leur propre
entreprise"). Cf. REYMOND, Réflexions, 481 s.
Cf. DESSEMONTET, 567 s.; DJALALI, 5 ss; BAPTISTA/DURAND-BARTHEZ, 18 ss; WÄCHTERSHÄUSER, 35 ss.
Voir également AMSTUTZ/SCHLUEP, Introduction à l'art. 184 N 430.
Voir également BAPTISTA/DURAND-BARTHEZ, 27.
Cf. EBENROTH, 265; HUBER, Vertragsgestaltung, 12; FUNKE, passim.
Théoriquement, on peut imaginer que la société commune soit constituée en une société
en nom collectif. Celle-ci n'est pas une personne morale mais jouit tout de même d'une
certaine autonomie dans les rapports externes. Cf. l'art. 562 CO.
8
Le contrat de joint venture
une société anonyme)26 dont elles partagent le capital en tant que sociétaires
(actionnaires) tout en poursuivant leurs propres activités. Aussi, les sociétésmères ne deviennent-elles pas des simples sociétés holding27.
Chaque partie au contrat de joint venture contribue non seulement aux fonds
propres de la société commune ─ d’où le nom "equity"28 ─ mais participe
également à sa direction et à sa gestion. La participation financière29 est
souvent paritaire, afin d'éviter que l’une ou l'autre des deux parties puisse
instrumentaliser la société commune à ses propres fins.
La mise en œuvre de l’accord de base prévoit régulièrement l'obligation des
parties contractantes de conclure des contrats d'exécution avec la société
commune qui, elle, n’est pas partie au contrat de base. Cette obligation
contractuelle, qui dépasse les obligations des sociétaires, surtout lorsque la
société commune est une société anonyme 30, est caractéristique d'une Equity
Joint Venture31. Il en résulte un réseau de contrats liés ou interdépendants
(accord de base, convention d’actionnaires, contrats d'exécution) dont la
qualification juridique n'est pas évidente.
26
27
28
29
30
31
REYMOND, Joint Venture, 389; TSCHÄNI, Gemeinschaftsunternehmen, 90; HUBER, JointVenture, 1; IDEM, Vertragsgestaltung, 11; OERTLE, 50. ─ Aussi parle-t-on également de
Corporate Joint Venture; voir p. ex. VOGT/WATTER, 15 ss; DJALALI, 31; TSCHÄNI, Joint
Ventures, 52, 59 s. ; RUCHIN, 35; BAPTISTA/DURAND-BARTHEZ, 21. ─ Parfois, le terme
guère parlant de "joint ventures intégrées" ("integrierte joint ventures") est utilisé (ainsi
RAUBER, 170 s.).
TSCHÄNI, Joint Ventures, 52.
Contrairement à ce qui est parfois dit, le terme de "equity" n'a rien à voir avec "equity
law" mais provient de "equity capital" et veut dire que les promoteurs de la joint venture
deviennent des sociétaires et fournissent les fonds propres à la société commune.
Dans la règle, la participation financière (soit les actions lorsque la société commune mise
sur pied est une société anonyme) ne devient pas propriété commune des partenaires mais
demeure la propriété individuelle de chacun d'eux. Voir également, FELLMANN/MÜLLER,
art. 530 N 258; MESSERLI, 17 ss.
Voir l'art. 680 al. 1 CO.
L'obligation contractuelle ─ qui incombe aux parties en vertu de l'accord de base ─ de
donner leur appui à la société commune distingue l'Equity Joint Venture de la simple
fondation commune d'une société. A ce sujet, il sied de noter que dans le cas fréquent où
la société commune est une société anonyme, la seule obligation sociétaire des
actionnaires consiste dans la libération des actions souscrites (art. 680 al. 1 CO). Par
conséquent, toute obligation supplémentaire doit être stipulée par un contrat en dehors du
cadre légal du droit de la société anonyme. ─ Voir également, REYMOND, Réflexions,
482; IDEM, Joint Venture, 390.
Thomas Probst
Le contrat de joint venture
9
Les rapports contractuels au sein d'une Equity Joint Venture se présentent
typiquement comme indiqués dans le schéma suivant qui, pour la suite de nos
réflexions, nous servira de référence:
2.
Contractual Joint Venture
Dans un sens moins spécifique, on peut également parler de joint venture
lorsque les parties contractantes ne fondent pas d'entité propre (personne
morale constituant la société commune) en tant que cheville ouvrière du projet
commun, mais se limitent à un régime contractuel sans base institutionnelle
particulière (Contractual Joint Venture)32. Dans ce cas, on est en présence d'un
simple accord de collaboration entre les parties intéressées que l’on trouve
souvent sur le plan national pour des projets industriels ou commerciaux d’une
certaine envergure. Des exemples classiques sont les consortiums de
construction ("ARGE")33. Un tel contrat de collaboration est normalement
qualifié de société simple puisque deux ou plusieurs entreprises réunissent leurs
32
33
Voir également, DJALALI, 30; WOLF, 3 s.; WÄCHTERSHÄUSER, 52.
Art. 530 CO; l'arrêt du Tribunal fédéral du 5 mai 2006 (4C.22/2006), cons. 5. – Cf.
également l'état de faits de l'arrêt du Tribunal fédéral du 12 juin 2008 (4A_16/2008).
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Le contrat de joint venture
efforts et ressources pour réaliser un but commun34. Lorsque des contrats
collatéraux, directement ou indirectement liés au contrat de collaboration
principal, viennent s'y ajouter, il en résultera un réseau de contrats 35.
S'il est intelligible, sous l'angle de l'économie industrielle, d'appeler ce genre
de collaboration (Contractual) Joint Venture, cette notion est moins pertinente
du point de vue juridique. En effet, sans mise sur pied d'une société commune
en tant qu'entité porteuse de la joint venture, la combinaison caractéristique
d'éléments sociétaires (typiquement une société anonyme)36 avec un régime de
contrats liés (accord de base, convention d'actionnaires, contrats d'exécution),
qui rend la qualification juridique d'une joint venture délicate, fait défaut. Par
conséquent, l'intérêt juridique relatif à la joint venture porte essentiellement sur
l'Equity Joint Venture37.
Le Tribunal fédéral semble partager cette manière de voir, car il entend limiter
la notion de contrat de joint venture au Corporate Joint Venture38.
D.
Qualification juridique du contrat de joint venture
(accord de base)
Alors qu'il est généralement admis que l'accord portant sur une Contractual
Joint Venture tombe sous le coup des règles de la société simple39, la
qualification du contrat d'Equity (ou de Corporate) Joint Venture est moins
évidente. Essentiellement, on peut distinguer deux approches40:
34
35
36
37
38
39
40
Voir l'arrêt du 5 mai 2006 (4C.22/2006), cons. 5; FELLMANN/MÜLLER, art. 530 N 255;
TERCIER/FAVRE, N 7512; REYMOND, Joint Venture, 385; VOGT/WATTER, 7; HUBER,
Joint-Venture, 2; DJALALI, 30; AMSTUTZ/SCHLUEP, Introduction à l'art. 184 N 431.
Cf également, REYMOND, Réflexions, 485.
Cet élément corporatif donne à une Equity Joint Venture un renforcement institutionnel
qui fait défaut dans le cas d’une Contractual Joint Venture. Cf. également ZIHLMANN,
318.
Dans le même sens, WOLF, 4.
Voir l'arrêt du Tribunal fédéral du 5 mai 2006 (4C.22/2006), cons. 5 ("Ainsi défini, le
contrat de joint venture ne se limite pas à un pur accord de collaboration (Contractual
Joint Venture), qui est naturellement soumis aux règles de la société simple, tels les
contrats de consortium pour l'exécution de grands travaux, car il suppose, en plus, la
création d'une société commune (la joint venture) ─ généralement une société anonyme ─
dont les partenaires détiendront toutes les actions (Corporate Joint Venture…").
Voir les références à la note 34.
Théoriquement, on pourrait voir dans l'accord de base tendant à la mise sur pied d'une
Equity Joint Venture un précontrat au sens de l'art. 22 CO. Toutefois, puisque cette
disposition légale exige que le précontrat revête la même forme que celle prévue pour le
Thomas Probst
Le contrat de joint venture
11
-
Une première approche consiste à dire qu'il s'agit également d'une société
simple puisque tant l’accord de fonder une société (anonyme) commune41
que la convention d’actionnaires42 entre les promoteurs de la joint venture
constituent régulièrement des sociétés simples. Il paraît donc judicieux
d'admettre que l'accord de base dans son entier (y compris l'obligation de
conclure des contrats d'exécution) soit également soumis aux règles de la
société simple. L'obligation des sociétés-mères de passer des contrats
d'exécution (accords "satellites") avec la société commune s'interprétera
alors comme un apport des sociétaires (au sens de l'art. 531 CO) à la
société simple43. Cette manière de voir semble correspondre à l’avis
majoritaire en droit suisse44.
-
Selon une approche alternative, les éléments sociétaires ne sont pas
vraiment concluants puisque le contrat de joint venture (accord de base)
41
42
43
44
contrat principal, l'accord de fonder une société anonyme commune devrait respecter la
forme authentique (art. 629 CO) afin d'être valable, ce qui ne sera guère le cas en pratique.
De plus, et contrairement à un précontrat, le contrat de joint venture (accord de base) n'est
pas consommé lorsque la société commune est fondée mais régit également la direction et
la gestion de cette dernière ainsi que la collaboration entre les partenaires.
Voir ATF 95 I 276 cons. 1 b ("Nach Lehre und Rechtsprechung bilden die Gründer einer
Aktiengesellschaft bis zu deren Eintragung eine einfache Gesellschaft (BGE 85 I 131
Erw. 1; Siegwart, Art. 645 OR N. 14)…"). Cf. également, l'art. 62 CC; MEIERHAYOZ/FORSTMOSER, § 12 N 33; § 16 N 426; ZIHLMANN, 319; TERCIER/FAVRE, N 7517.
Cf. MEIER-HAYOZ/FORSTMOSER, § 12 N 105; TERCIER/FAVRE, N 7518; OERTLE, 103.
Voir OERTLE, 107, 109; FELLMANN/MÜLLER, art. 531 N 22 ss. ─ DJALALI, 76 s.
reconnaît que les contrats d'exécution ont un caractère synallagmatique (non seulement
quant au rapport entre l'un [ou l'autre] des promoteurs et la société commune mais
également) en ce qui concerne le rapport entre les promoteurs eux-mêmes en leur qualité
de parties au contrat de base. Néanmoins, ce rapport d'échange ne toucherait pas l'affectio
societatis étant donné que les sociétaires seraient libres de compléter leur engagement
sociétaire par des engagements obligationnels réciproques. ─ A notre sens, cette manière
de voir ne saurait emporter la conviction parce que les contrats d'exécution sont
régulièrement décisifs pour le fonctionnement de la société commune, raison pour laquelle
ils sont traités dans l'accord de base. Or, si un point économiquement essentiel de l'accord
de base revêt une nature synallagmatique, ce fait devrait avoir une influence sur la
qualification juridique de l'accord de base. Voir également OERTLE, 108 ("Denn aufgrund
der Satellitenverträge wird das GU [sc. Gemeinschaftsunternehmen] wirtschaftlich ja
überhaupt erst lebensfähig") ce qui n'empêche toutefois pas cet auteur de dire en même
temps que cet élément obligationnel serait trop faible pour mettre en cause le fait que le
contrat de joint venture est une société simple (OERTLE, ibidem). – Voir également
AMSTUTZ/SCHLUEP, Introduction à l'art. 184 N 444 s.
ENGEL, 705; TERCIER/FAVRE, N 7521; FELLMANN/MÜLLER, art. 530 N 256; TSCHÄNI,
Joint Ventures, 55; REYMOND, Réflexions, 486 s.; FREY, 6; voir également l'arrêt du
Tribunal fédéral du 5 mai 2006 (4C.22/2006), cons. 5; DJALALI, 78. ─ Pour le droit
allemand, voir p. ex. EBENROTH, 266; FUNKE, 33.
12
Le contrat de joint venture
inclut des éléments synallagmatiques, notamment les obligations réciproques de conclure des contrats d'exécution avec la société commune 45.
De telles obligations sortent du cadre classique d'une société simple 46 et
distinguent l'Equity Joint Venture d'un simple accord entre deux parties de
fonder une société comme filiale commune 47. De ce point de vue, le
contrat d'Equity Joint Venture apparaît plutôt comme un contrat
innommé48. Nos considérations confirmeront cette approche.
Toutefois, d’un point de vue pratique, la différence entre ces deux approches a
une portée plus limitée que ce que l'on pourrait penser. En effet, dans la
plupart des cas litigieux, la qualification du contrat de joint venture comme
société simple ou comme contrat innommé ne dispensera pas le juge de se
baser, en premier lieu, sur la volonté commune des parties49, respectivement de
recourir aux moyens classiques de l’interprétation du contrat et, le cas échéant,
à la volonté hypothétique des parties pour trouver une réponse à la question
litigieuse. Par conséquent, l'applicabilité des règles sur la société simple sera
souvent d'une utilité limitée pour résoudre un cas concret. Il n'est dès lors pas
étonnant que le Tribunal fédéral favorise une approche plutôt pragmatique et
casuistique que dogmatique50.
45
46
47
48
49
50
Cf. REYMOND, Joint Venture, 388; HUBER, Vertragsgestaltung, 56.
Cf. HUBER, Vertragsgestaltung, 56. ─ Sur la question de savoir quand des contrats
conclus avec des "tiers" constituent des apports au sens de l'art. 531 CO, voir
FELLMANN/MÜLLER, art. 531 N 22 ss ainsi que la précision sur la notion de "tiers" à la
note 61, ci-après.
REYMOND, Joint Venture, 383 s., 390.
Voir REYMOND, Réflexions, 482 s.; IDEM, Joint Venture, 386; AMSTUTZ/SCHLUEP,
Introduction à l'art. 184 N 432; cf. également, HUBER, Joint-Venture, 12; IDEM,
Vertragsgestaltung, 55. – Cette manière de voir est plus convaincante. Voir également, ciaprès, chapitre III.A.2, in fine, p. 72. – A noter que RAUBER, 195, semble préconiser
l'existence d'un contrat innommé même pour les Contractual Joint Ventures.
Cf. art. 18 al. 1 CO. Voir également TERCIER/FAVRE, N 7521.
Cf. l'arrêt du Tribunal fédéral du 5 mai 2006 (4C.22/2006), cons. 5 ("Cependant, …il est
exclu de proposer une analyse rigoureuse de constructions dont les contours dépendent de
chaque cas concret. De fait, le contrat de joint venture, qui est issu de la pratique, relève
de l'autonomie de la volonté. Pour l'interpréter ou pour résoudre les difficultés pouvant
surgir à l'occasion de son exécution, il convient donc d'appliquer les principes gouvernant
l'interprétation des contrats, tels qu'ils ont été posés par la jurisprudence relative à l'art. 18
CO (Engel, op. cit., p. 704, ch. 2; pour l'exposé de ces principes, cf. ATF 131 III 606
consid. 4.1 et 4.2). De même, étant donné le caractère dispositif des règles régissant la
liquidation de la société simple (art. 548 à 550 CO; Daniel Staehelin, Commentaire bâlois,
2e éd., n. 2 ad art. 548/549 CO), c'est la volonté des parties qu'il faudra tenter de dégager
au premier chef pour déterminer les conséquences de l'extinction de l'accord de base en
tant qu'élément constitutif du contrat de joint venture (sur ces conséquences, cf. Oertle,
op. cit., p. 192 ss).").
Thomas Probst
Le contrat de joint venture
13
III. Quelques aspects spécifiques du contrat d'Equity
Joint Venture
En complément aux considérations sur les fondements de la joint venture et de
la qualification juridique du contrat de joint venture, il convient de soulever
brièvement trois aspects spécifiques, à savoir le rapport plutôt complexe entre
les éléments du droit des sociétés et du droit des contrats (ci-après, A.), la
durée, respectivement la fin du contrat de joint venture (ci-après, B.) et le droit
applicable à une joint venture internationale (ci-après, C.)
A.
L'Equity Joint Venture à la croisée du droit des contrats
et du droit des sociétés
La particularité d'une Equity Joint Venture réside essentiellement dans la
combinaison innovatrice d'éléments du droit des sociétés et du droit des
contrats. Ces deux racines juridiques se reflètent dans la nature hybride de
l'Equity Joint Venture et rendent non seulement sa qualification juridique
difficile mais entraînent également des difficultés particulières dont trois seront
brièvement soulevées ici.
1.
L'accord de base, la société commune et les contrats d'exécution
L'accord de base (contrat de joint venture) prévoit régulièrement l'obligation
des parties contractantes de conclure des contrats d’exécution avec la société
commune. Typiquement, il s'agira de contrats classiques (nommés ou
innommés) tels que le contrat de prêt, le contrat de licence, le contrat de
distribution exclusive, dont la société commune aura besoin afin d'être
opérationnelle et pour pouvoir remplir sa fonction. Ces contrats forment un
réseau de contrats juridiquement séparés mais économiquement liés et
interdépendants.
Etant donné que la société commune, en tant qu'entité juridique distincte
(normalement sous la forme d'une société anonyme), n'est pas partie à l'accord
de base (contrat de joint venture), elle n'est pas liée par les engagements
mutuels pris par les promoteurs de la joint venture. Ainsi, si la société A51 s'est
engagée envers la société B à accorder une licence de propriété intellectuelle
51
Voir le schéma graphique, ci-dessus, p. 63 qui nous sert de référence pour expliquer
certains aspects.
14
Le contrat de joint venture
(p. ex. de brevet d'invention ou de marque) à la société commune AB de joint
venture, celle-ci demeure entièrement libre de conclure ou non un tel contrat
avec la société A. Avant de négocier un contrat, le conseil d'administration
(ou, le cas échéant, voire l'assemblée générale)52 de la société commune AB
devra prendre une décision interne d'entrer (ou non) en négociation avec la
société A. Or, cette décision dépendra (directement ou indirectement) des
sociétaires de la société commune AB et ainsi ─ en tout cas en partie ─
également de la volonté de la société A elle-même. En d'autres termes, la
société A, qui est à la fois partie contractante (société A) et actionnaire de
l'autre partie contractante (société commune AB), sera formellement
impliquée, de part et d'autre, dans le processus de négociation et de conclusion
du contrat. Cette constellation particulière peut lui procurer la possibilité de
contrecarrer son propre engagement envers la société B si, pour une raison
quelconque, elle n'est plus intéressée à accorder une licence à la société
commune AB. Dans cette hypothèse, elle essayera de s'opposer (en sa qualité
d'actionnaire ou par le biais de ses représentants au conseil d'administration de
la société AB) à ce que la société AB entre en négociation avec la société A
pour conclure un contrat de licence53.
Bien qu'un tel comportement viole sans doute l'accord de base, un éventuel
refus de la société AB de négocier un contrat de licence avec la société A serait
valable du point de vue du droit des sociétés54. Certes, la société B pourrait
alors envisager une demande en dommages-intérêts contre la société A (pour
violation du contrat de base) mais une telle démarche lui serait d'une utilité
limitée parce que, sans le contrat de licence, la joint venture risquerait d'être
vouée à l'échec. Aussi la société B aurait-elle besoin d'un moyen juridique
efficace qui lui permette d'obtenir la conclusion du contrat d'exécution promis
par la société A. Or, il est peu probable qu'un tel moyen existe. A la demande
de la société B (demanderesse), un juge ne pourra pas condamner la société
AB, en qualité de société tierce, à conclure un contrat avec la société A
(défenderesse) car, d'une part, la liberté contractuelle lui interdit de contraindre
la société tierce AB à conclure un contrat avec la société A et, d'autre part, le
juge ne pourra pas déterminer le contenu du contrat de licence en lieu et place
des parties. Il s'ensuit que l'exécution des obligations contractuelles découlant
52
Cf. les art. 716 ss CO.
53
Un tel comportement emporte toutefois le risque de ne pas agir dans l’intérêt de la société
commune et ainsi d’engager sa responsabilité. Cf. art. 717 CO.
Cf. également, REYMOND, Joint Venture, 387.
54
Thomas Probst
Le contrat de joint venture
15
de l'accord de base55 risque de se heurter aux limites du droit des sociétés56 et
de la liberté contractuelle et que des prétentions en dommages-intérêts ne
présentent guère un moyen approprié pour la joint venture.
On peut en tirer deux conclusions: Premièrement, les fondateurs d'une joint
venture auront tout intérêt à régler dans l'accord de base (contrat de joint
venture) tous les points essentiels des contrats d'exécution57 que l'une ou l'autre
partie promet de conclure avec la société commune 58. Dans la mesure du
possible, les contrats d'exécution, indispensables au bon fonctionnement de la
société commune, devraient être conclus en même temps que l'accord de base
ou, du moins, des démarches et opérations irréversibles ne devraient être
entreprises en vertu du contrat de base avant que les contrats d'exécution
indispensables à l'exploitation de la joint venture soient conclus.
Deuxièmement, les parties à la joint venture seront bien inspirées de prévoir
dans le contrat de base une procédure à suivre si, pour une raison ou une autre,
un contrat d'exécution essentiel pour la joint venture ne devrait pas être conclu.
2.
Le rapport entre l'accord de base et les contrats d'exécution
Une autre question qui mérite une brève réflexion est celle de savoir dans quel
rapport se trouvent l'accord de base et les contrats d'exécution dont la
conclusion est stipulée dans l'accord de base. Régulièrement, les promoteurs
55
56
57
58
On peut se demander si l'engagement de la société A (dans le contrat de base) envers la
société B de conclure un contrat de licence avec la société commune AB constitue une
stipulation pour autrui parfaite au sens de l'art. 112 al. 2 CO. En principe, il est tout à
fait possible que l'intention des promoteurs de la joint venture soit de conférer à la
société AB le droit à l'exécution de l'engagement pris par la société A envers la société
B. Cependant, puisque l'engagement ne consiste régulièrement pas à fournir
unilatéralement une prestation mais à conclure un contrat bilatéral impliquant une
contre-prestation de la société AB, la détermination de cette contre-prestation dépendra
de la volonté commune des sociétés A et AB. En d'autres termes, même si on voit dans
l'accord de base une stipulation pour autrui parfaite en faveur de la société AB, cette
stipulation signifiera seulement que la société A aura à négocier de bonne foi avec la
société AB. Par conséquent, si les parties ne devaient pas tomber d'accord sur la contreprestation de la société commune AB, il n'y aura pas de contrat de licence (contrat
d'exécution) et la joint venture en pâtira.
Cf. également ZIHLMANN 319; REYMOND, Joint Venture, 391.
Une spécification suffisante du contenu des contrats d'exécution peut s'avérer difficile en
raison de l'insécurité qui est inhérente à une joint venture. Tout de même, il serait
opportun que les parties précisent le contenu des contrats d’exécution autant que possible
afin d'améliorer la prévisibilité du projet et d'augmenter ainsi les chances de succès.
Dans ce contexte, la question classique sera de savoir si un tel accord aura valeur de
précontrat au sens de l'art. 22 CO ou constituera déjà le contrat d'exécution lui-même.
16
Le contrat de joint venture
d'une joint venture promettent de conclure des contrats d'exécution avec la
société commune afin que celle-ci soit opérationnelle et puisse remplir sa
fonction. Par exemple, la société A s'engage à accorder une licence à la société
commune AB tandis que la société B promet de lui donner un crédit
d'exploitation. Dans cette hypothèse, s'agit-il de prestations réciproques, dans
le cadre d'un rapport synallagmatique, autorisant la société A à invoquer
l'exception de l'art. 82 CO si la société B lui demande d'octroyer la licence à
la société commune AB alors que le crédit promis n'a pas encore été accordé
par la société B à la société commune AB? La réponse dépend largement de la
qualification juridique du rapport entre les contrats d'exécution, respectivement
les promesses faites de les conclure contenues dans l’accord de base.
Si l'on considère que la conclusion d'un contrat d'exécution, ayant été stipulée
dans l'accord de base, constitue un apport à la société simple, l'exception
d'inaccomplissement de la prestation selon l'art. 82 CO sera en principe
exclue. En effet, les apports des sociétaires ne se trouvent pas dans un rapport
d'échange mais visent à promouvoir le but commun et ainsi s'opposent à
l'exception tirée de la disposition précitée59. Aussi un sociétaire peut-il intenter,
sans avoir accompli son propre apport60, l'actio pro socio contre un autre
sociétaire tendant à ce que celui-ci effectue son apport à la société simple 61.
Par contre, cette appréciation juridique change si l'on considère que la
conclusion d'un contrat d'exécution entre un sociétaire (de la société simple) et
la société commune AB en tant que tiers (en vue de l'accomplissement d'une
prestation à ce tiers) ne peut pas être qualifiée d'apport à la société simple (au
sens de l'art. 531 CO62).
-
59
60
61
62
Tout d'abord, par souci de clarté, il sied de noter que, pour la société
commune AB (typiquement une société anonyme), la conclusion d'un
contrat d'exécution avec l'un ou l'autre des promoteurs de la joint venture
(société A ou B) constitue généralement un contrat synallagmatique par
lequel elle obtient une prestation (p. ex. le droit de commercialiser une
licence ou un crédit d'exploitation) contre l'accomplissement d'une contre-
ATF 116 III 70 cons. 3b; WEBER, BK, art. 82 N 75; MEIER-HAYOZ/FORSTMOSER, § 12 N
39; FELLMANN/MÜLLER, art. 530 N 428.
Un éventuel comportement abusif reste évidemment réservé (art. 2 CC).
MEIER-HAYOZ/FORSTMOSER, § 12 N 39. Voir également OERTLE, 110.
A noter que FELLMANN/MÜLLER, art. 531 N 22 ss, (en reprenant la terminologie utilisée
en Allemagne, voir ULMER/SCHÄFER, § 706 N 5) parlent de "Drittgeschäfte" lorsqu'un
sociétaire conclut un contrat avec la société simple. Les considérations y afférentes ne
concernent donc pas la situation qui nous occupe où le contrat d'exécution est conclu entre
un sociétaire et un tiers (la société commune).
Thomas Probst
Le contrat de joint venture
17
prestation (p. ex. le paiement de redevances ou d'intérêts). Une telle
transaction ne lui procure pas de fonds propres63 mais constitue un simple
échange de valeurs économiques64. C’est essentiellement dans l’hypothèse où la transaction s'effectue à titre gratuit (soit sans contre-prestation
de la société commune) que l'on peut effectivement parler d'un apport,
mais alors d'un apport à la société commune. Or, dans la situation qui
nous occupe, la question de savoir s'il y a apport (ou pas) ne se pose pas
pour la société commune mais bien pour la société simple découlant de
l’accord de base.
-
Quant à cette société simple, elle ne reçoit aucune prestation par la
conclusion d'un contrat d'exécution auquel elle n'est pas partie. En vertu
de l'accord de base, elle acquiert tout au plus le droit d'exiger du sociétaire
promettant qu'il conclue, avec la société commune en tant que personne
tierce, le contrat d'exécution promis. Dès lors, aucun droit ou valeur
économique (pré)existant n'est procuré à la société simple car seule une
promesse est faite de conclure un contrat avec un tiers (société commune)
tendant à fournir une prestation à ce tiers. En plus, la réalisation de cette
promesse, à savoir la conclusion du contrat, dépendra de la volonté de la
société commune en tant que tiers. Il est donc douteux qu'une telle
promesse en faveur d'un tiers puisse être qualifiée d'apport (au sens de
l'art. 531 CO) à la société simple (accord de base) 65.
Les réflexions qui précèdent amènent à la conclusion que la question de savoir
dans quel rapport se trouvent les promesses mutuelles (de conclure des contrats
d'exécution avec la société commune), faites par les promoteurs dans l'accord
de base d'une joint venture, reste largement ouverte. Aussi la réponse
dépendra-t-elle principalement des stipulations spécifiques dans l'accord de
base et des circonstances concrètes. Si, par exemple, l'accord de base
intervient entre deux promoteurs66 dont chacun s'engage à conclure un contrat
d'exécution avec la société commune, il peut être tout à fait adéquat d'admettre
un rapport synallagmatique entre les obligations mutuelles de conclure des
63
64
65
66
Au sujet des apports en nature à une joint venture, voir WATTER, 61 ss.
Evidemment, il est possible que l'apport d'un actionnaire à la société anonyme (en
libération des actions qu'il a souscrites) consiste dans l'octroi d'une licence d'un droit
immatériel (cf. DESSEMONTET, 579), mais ce n'est pas l'hypothèse qui nous intéresse en
l'espèce.
Cf. également WATTER, 67, selon lequel des contrats avec des tiers ne peuvent pas
constituer des apports en nature à une société anonyme exploitant une joint venture. Voir
de plus, HUBER, Joint-Venture, 13.
Il semble qu'en pratique la joint venture bilatérale constitue la règle. Cf. DESSEMONTET,
581 ("La 'joint venture' est le plus souvent bilatérale").
18
Le contrat de joint venture
contrats d'exécution avec la société commune et, par conséquent, d'admettre
l'exception d'inexécution de la prestation selon l'art. 82 CO67.
Par ailleurs, ces réflexions confirment 68 qu'il n'est pas convaincant de qualifier
le contrat de joint venture de société simple puisque le droit de la société simple
n'arrive pas à appréhender de manière satisfaisante le phénomène économique
complexe d'une joint venture. Aussi est-il plus approprié de concevoir le
contrat de joint venture (accord de base) comme un contrat innommé qui,
typiquement, donne lieu à un réseau de contrats interdépendants. Toutefois, il
sied également de noter que l'approche juridique classique qui analyse chaque
contrat à titre individuel et, par conséquent, séparément des autres contrats
économiquement liés ne parvient pas à saisir la joint venture de façon
adéquate69. L'interprétation de chaque contrat doit dès lors se faire à la lumière
de la fonction qu'il occupe dans la joint venture.
67
68
69
Dans le même sens, FELLMANN/MÜLLER, art. 530 N 428; AMSTUTZ/SCHLUEP, Introduction à l'art. 184 N 450; cf. également TSCHÄNI, Joint Ventures, 53, 55, 86; HUBER,
Vertragsgestaltung, 57. ─ A noter que les auteurs qui voient dans le contrat de joint
venture une société simple et, dès lors, rejettent l'applicabilité de l'art. 82 CO, se voient
tout de même contraints de construire un lien de dépendance entre les divers contrats
d'exécution et le contrat de base. A cet effet, ils postulent une condition suspensive tacite
que les parties conviendraient implicitement dans le contrat de base et qui ferait dépendre
la validité de chaque contrat d'exécution de la conclusion de tous les autres contrats d'exécution promis dans l'accord de base (dans ce sens, OERTLE, 149 ss). Cette construction
n'est pas convaincante (critiques à ce sujet également AMSTUTZ/ SCHLUEP, Introduction à
l'art. 184 N 440). Premièrement, si les parties n'ont pas stipulé de condition expresse dans
leur accord de base bien que l'interdépendance économique des contrats d'exécution soit
patente, il faudra des comportements concluants des parties pour pouvoir admettre un
accord implicite sur une condition suspensive. Deuxièmement, même si les parties au
contrat de base ont convenu (expressément ou par acte concluant) une condition
suspensive, celle-ci n'a pas d'effet envers la société commune en tant que personne tierce.
En effet, si la société commune AB a conclu un contrat de licence avec la société-mère A,
une éventuelle condition suspensive convenue entre les deux sociétés-mère A et B par
rapport à la validité des contrats d'exécution ne lie pas la société commune et ne peut pas
suspendre la validité de son contrat. De plus, l'intérêt sociétaire de la société commune
AB peut s'opposer à faire dépendre la validité et les effets d'un contrat d'exécution conclu
de la conclusion de tous les autres contrats d'exécution. Ainsi, il est possible que la société
commune AB ait un besoin immédiat d'obtenir un crédit de la société B alors que la
conclusion d'un contrat de maintenance avec la société A est moins pressant et important.
Voir ci-dessus, chapitre II./D. p. 64.
Voir également REYMOND, Joint Venture, 392; AMSTUTZ, 45 ss.
Thomas Probst
Le contrat de joint venture
3.
19
La direction et la gestion de la société commune
Un point important à régler dans l'accord de base d'une joint venture est la
direction et la gestion de la société commune. Le défi est de trouver une
formule qui donne à chaque promoteur les moyens nécessaires pour poursuivre
et défendre ses intérêts légitimes, sans toutefois risquer le blocage dans le
fonctionnement de la joint venture. De manière générale, deux approches sont
possibles: soit les parties s'accordent sur une participation disparitaire
(participation majoritaire/minoritaire) au capital de la société commune, tout en
prévoyant des mécanismes de protection en faveur de la partie minoritaire; soit
elles se mettent d'accord sur une participation paritaire (p. ex. 50% à 50%),
en aménageant des mécanismes permettant d'éviter des situations de blocage
(deadlock devices). Laquelle des deux approches sera retenue par les parties
dans un cas concret, dépendra largement de leurs intérêts individuels à une
coopération, de leur position de force ou de faiblesse dans les négociations
ainsi que du cadre légal70.
En cas de participation majoritaire/minoritaire71, les moyens de protection pour
la minorité seront typiquement des exigences de quorum et de majorité
qualifiée pour prendre des décisions au conseil d'administration ou à
l'assemblée générale, souvent complétés par une (re)distribution détaillée des
attributions de ces organes72.
Pour éviter une situation d'impasse ou de blocage au sein de la société
commune, les moyens envisageables sont le droit de vote prépondérant du
président de l'organe concerné, le recours à un tiers neutre (p. ex. un arbitre),
la possibilité de soumettre le dossier à un organe hiérarchiquement supérieur
ou, en dernier ressort, la vente des actions73.
B.
La durée et la fin d'une Equity Joint Venture
Un point essentiel d'une joint venture est la détermination de sa durée,
respectivement de sa fin. A ce sujet, notamment deux questions méritent une
70
71
72
73
Il se peut que la législation nationale ne permette pas de participation paritaire d'un
étranger mais exige une participation majoritaire de la partie locale. Cf. TERCIER/FAVRE,
N 7514; REYMOND, Joint Venture, 386.
Cf. également, LANGENFELD-WIRTH, 39; BAPTISTA/DURAND-BARTHEZ, 66 ss.
REYMOND, Joint Venture, 386.
Cf. FREY, 14; HUBER, Vertragsgestaltung, 30 ss; OERTLE, 76 ss; REYMOND, Joint
Venture, 387; TSCHÄNI, Gemeinschaftsunternehmen, 90; IDEM, Joint Ventures, 65 s.;
VOGT/WATTER, 26.
20
Le contrat de joint venture
brève réflexion. Premièrement, quand l'accord de base prend-il fin (ci-après,
1.) et, deuxièmement, quelles sont les conséquences de la fin de l'accord de
base pour la société commune et les contrats d'exécution? (ci-après, 2.)
1.
La fin de l'accord de base
a.
Contrat de durée déterminée ou indéterminée?
Indépendamment de sa qualification juridique comme société simple ou contrat
innommé, l'accord de base (contrat de joint venture) donne lieu à un rapport
juridique de durée entre les promoteurs de la joint venture74. La durée de cette
coopération75 peut être fixée à l'avance (durée déterminée de cinq ans, par
exemple) de sorte que la fin de l'accord de base interviendra par simple
écoulement de la période convenue76. En pratique, la fixation d'une durée
déterminée pour une joint venture sera toutefois rare puisque, au début de leur
engagement, les promoteurs n'auront guère de conception claire du moment de
la fin de leur coopération. La plupart du temps, l'accord de base sera donc
conclu pour une durée indéterminée77. Ceci d'autant plus que le but d'exploiter
une société commune qui, elle, n'est pas limitée à un temps prédéfini, implique
pratiquement un engagement indéterminé.
Dans ce contexte, il sied de se demander si la convention entre les parties
contractantes, selon laquelle l'accord de base prendra fin avec la mort de l'une
des parties, représente un accord de durée déterminée ou indéterminée.
Lorsque la durée de l'accord de base est liée à la vie d'une personne
contractante physique, dont la mort, de par la nature de l'être humain, est
certaine, et que seul le moment de son avènement est inconnu (dies certus an,
74
75
76
77
Voir AMSTUTZ/SCHLUEP, Introduction à l'art. 184 N 448, 454; HUBER, Joint-Venture, 17,
FUNKE, 107; OERTLE, 175; BAPTISTA/DURAND-BARTHEZ, 81.
A la différence d'un contrat de durée classique tel que le contrat de travail ou de bail à
loyer où des prestations relativement bien définies sont à accomplir à intervalle régulier,
la joint venture vise la réalisation d'un projet commun plus ou moins complexe qui
demande des prestations diverses suivant les circonstances et l'évolution du projet.
Cf. l'art. 266 al. 1 CO; art. 334 al. 1 CO.
Une durée "indéterminée" ne signifie pas une durée "illimitée" ─ ce qui équivaudrait à un
contrat "perpétuel" que le droit suisse n'admet pas au regard de l’art. 27 CC (ATF 113 II
209) ─ mais veut seulement dire que le moment de la fin n'est pas fixé à l'avance par les
parties contractantes. Il faudra une déclaration de volonté de l'une et/ou de l'autre partie
contractante pour mettre fin au rapport juridique existant entre elles.
Thomas Probst
Le contrat de joint venture
21
incertus quando), on est face à une durée déterminée78 parce que l'accord
prendra fin par simple écoulement du temps sans aucune déclaration de volonté
(résiliation)79 des parties. Par contre, si un contrat est conclu pour la durée de
l'existence d'une personne contractante morale (ce qui sera la règle pour une
joint venture), la fin de cette entité juridique n'est pas inhérente à sa nature, et
partant incertaine (dies incertus an, incertus quando). Aussi s'agira-t-il d'un
contrat de durée indéterminée80.
Cette analyse, qui est conforme au droit des contrats, change quelque peu si
l'on se réfère au droit de la société simple. En effet, ici, le législateur a
assimilé une société simple, conclue pour la durée de la vie d'un associé
(personne physique), à un contrat de durée indéterminée ouvrant ainsi à chaque
associé la voie d'une dénonciation ordinaire (anticipée) moyennant un délai de
résiliation de six mois81. Cela s'explique par le fait qu'une telle durée
(formellement) déterminée peut se révéler très longue 82, et ainsi créer un besoin
de pouvoir mettre fin à l'accord de base avant la mort de l'un des promoteurs.
Il s'ensuit que si l'on qualifie le contrat de joint venture (accord de base) de
contrat innommé auquel les critères des contrats bilatéraux (p. ex. contrat de
78
79
80
81
82
Cf. l'art. 266 a1. CO ("Lorsque les parties sont convenues expressément ou tacitement
d'une durée déterminée, le bail prend fin sans congé à l'expiration de la durée convenue");
art. 334 al. 1 CO; également ATF 114 II 165, 166.
A noter que, suivant les circonstances, une clause contractuelle qui lie la fin d'un contrat
(multilatéral) à la vie de l'une ou l'autre des parties contractantes peut signifier trois
choses: Premièrement, il peut s'agir d'une durée minimale avec la conséquence que le
contrat ne peut pas être terminé par une résiliation ordinaire avant qu'une personne
contractante décède (une résiliation extraordinaire restant toutefois possible). Lorsque cet
événement intervient, le contrat se poursuit entre les autres parties jusqu'au moment où
l'une d'elle le résilie unilatéralement. Deuxièmement, il peut s'agir d'une durée fixe dans
ce sens que le contrat prend automatiquement fin lorsqu'une partie contractante décède et
que le contrat ne peut pas être résilié unilatéralement avant ce terme. Troisièmement, il
peut s'agir d'une durée maximale. Dans ce cas, le contrat prend automatiquement fin
lorsqu'une partie contractante décède, à condition que le contrat n'ait pas été terminé
auparavant par une résiliation unilatérale. Voir également ATF 106 II 226.
Apparemment d'un avis contraire, AMSTUTZ/SCHLUEP, Introduction à l'art. 184 N 454. ─
En principe, il est également possible de lier la durée d'un contrat à la durée d'une
personne morale tierce qui n'est pas partie contractante. P. ex. le contrat de joint venture
(accord de base) est conclu pour la durée indéterminée de l'existence de la société
commune. Cf. également REYMOND, Joint Venture, 491.
Art. 545 ch. 6 et 546 CO. Voir également l'art. 334 al. 3 CO qui, pour les contrats de
travail conclus pour une durée déterminée de plus de dix ans, prévoit le droit de résiliation
moyennant un délai de congé de six mois.
Si l'on prend l'exemple d'un associé de 20 ans, une durée (déterminée) de 60 à 70 ans est
tout à fait envisageable.
22
Le contrat de joint venture
bail, contrat de travail)83 s'appliquent par analogie, on est face à un rapport
juridique de durée déterminée; par contre, si le contrat de joint venture est
qualifié de société simple, la loi traite ce rapport juridique comme un rapport
de durée indéterminée84.
b.
Terminaison ordinaire et extraordinaire de l'accord de base
L'accord de base conclu pour une durée indéterminée peut prendre fin de
manière ordinaire ou extraordinaire. De manière ordinaire, les parties
terminent leur contrat de base notamment par un accord commun (contrat
résolutoire)85 ou par une déclaration unilatérale (résiliation) réservée dans
l'accord de base. Si le contrat de base ne prévoit pas de résiliation unilatérale,
et que les parties ne parviennent pas à se mettre d'accord sur la terminaison du
contrat de joint venture, la question est de savoir si le droit dispositif offre une
base pour une terminaison unilatérale.
-
La réponse est affirmative pour une terminaison extraordinaire. Tant pour
la société simple que pour les contrats innommés, il est généralement
reconnu qu'un rapport juridique de durée peut être terminé unilatéralement
par la partie invoquant légitimement un juste motif86. De manière
générale, un juste motif existe si l'on ne saurait raisonnablement imposer à
la personne qui l'invoque la poursuite du rapport juridique jusqu'à la fin de
sa durée déterminée (contrat de durée déterminée) ou jusqu'au plus
prochain terme de résiliation (contrat de durée indéterminée).
Plus délicate que le principe d'une terminaison extraordinaire pour juste
motif en soi est la question d'un éventuel délai à respecter. En effet, le
législateur prévoit parfois qu'un rapport de durée peut être résilié pour
83
84
85
86
Cf. les art. 266 al. 1 CO et 334 al. 1 CO.
Cf. les art. 545 ch. 6 et 546 CO.
De la même manière que les parties peuvent s'accorder sur la mise sur pied d'une société
commune, elles peuvent aussi se mettre d'accord sur sa fin. Voir notamment les art. 115
CO (remise conventionnelle) et 545 ch. 4 CO (dissolution de la société simple par accord
commun).
Si l'on considère que le contrat de joint venture (accord de base) est une société simple, la
résiliation extraordinaire pour juste motif résulte directement de l'art. 545 al. 1 ch. 7 CO.
Pour mettre en œuvre cette prérogative (qui, par ailleurs, relève du droit impératif), il faut
toutefois saisir le juge par une action formatrice tendant à la dissolution de la société
simple. Par contre, si le contrat de joint venture est qualifié de contrat innommé, la
doctrine accorde à la partie concernée le droit formateur de mettre fin au contrat. Cf.
AMSTUTZ/SCHLUEP, Introduction à l'art. 184 N 455; REYMOND, Joint Venture, 394;
HUBER, Vertragsgestaltung, 53 s.; OERTLE, 185 s.; ENGEL, 705. Voir également, ATF 135
III 1, 10; ATF 128 III 428, 429.
Thomas Probst
Le contrat de joint venture
23
justes motifs à la condition de respecter un délai légal87 ou, au contraire,
qu’un délai ne doive être respecté88. Quid alors du contrat de joint
venture? Si l'on considère, comme le fait l'avis majoritaire, que le
contrat de joint venture est une société simple, on arrive à la conclusion
que la dissolution pour juste motif intervient "sans avertissement
préalable"89, à savoir sans délai. Cette solution est inadéquate et montre
que le contrat de joint venture n'est pas vraiment une société simple mais
un contrat innommé qui demande un traitement différent et mieux adapté
aux besoins des promoteurs d'une joint venture90. Tant les règles sur la
dissolution (extraordinaire) pour justes motifs avec effet immédiat que
celles concernant la dissolution (ordinaire) 91 moyennant un délai de six
mois visent la société simple typique qui, de par la loi, peut poursuivre
un but économique mais ne doit pas exploiter une entreprise
commerciale92. Or, l'accord de base d'une joint venture vise la plupart
du temps l'exploitation d'une entreprise commerciale nécessitant une
organisation plus ou moins complexe que l'on ne peut dissoudre sans
délai. Il s'ensuit que la fin extraordinaire d'un contrat de joint venture
(accord de base) pour justes motifs devrait être sujette à un délai
d'avertissement. Ce délai pourrait être fixé, suivant les circonstances du
cas d'espèce, à une durée de l'ordre de six mois 93.
-
87
88
89
90
91
92
93
Reste la question de savoir si, en vertu du droit dispositif, le contrat de
joint venture (accord de base) est aussi sujet à une fin ordinaire lorsque le
contrat (de durée indéterminée) ne prévoit pas de résiliation et que les
parties ne parviennent pas à se mettre d'accord sur son extinction. Comme
on vient de voir, les règles de la société simple ne sont pas concluantes
dans la mesure où il est plus adéquat de concevoir le contrat de joint
Art. 266g al. 1 CO (congé extraordinaire du contrat de bail à loyer); art. 297 al. 1 CO
(congé extraordinaire du contrat de bail à ferme).
Art. 337 al. CO (résiliation immédiate du contrat de travail pour justes motifs); art. 346 al.
2 CO (résiliation immédiate du contrat d'apprentissage pour justes motifs); art. 418r CO
(résiliation immédiate du contrat d'agence pour justes motifs); art. 545 al. 2 CO
(dissolution de la société simple pour justes motifs).
Art. 545 al. 2 CO.
Il est révélateur que les auteurs qui préconisent que le contrat de joint venture est une
société simple écartent régulièrement l'application de l'art. 546 CO. Voir p. ex. DJALALI,
78; OERTLE, 181 s.
Art. 546 CO.
MEIER-HAYOZ/FORSTMOSER, § 12 N 3, 26.
Comme point de référence, on peut prendre le contrat de bail à ferme où une résiliation
pour justes motifs doit respecter le délai légal de six mois (art. 297 al. 1 CO, en liaison
avec l'art. 296 CO).
24
Le contrat de joint venture
venture comme un contrat innommé plutôt que comme une société
simple94. Toutefois, l'application analogique des règles d'un contrat
nommé au contrat de joint venture, conçu comme contrat innommé, paraît
également difficile car aucun contrat nommé ne s'impose comme base
pour une telle analogie. Or, si un contrat innommé est lacunaire et que le
droit dispositif ne fournit pas de réponse, il se justifie d'admettre la
terminaison ordinaire en se basant sur la volonté hypothétique des parties
et de fixer le délai d'avertissement au vu de toutes les circonstances
concrètes95. Par souci de cohérence avec la terminaison extraordinaire, ce
délai devrait normalement être de douze mois ou plus.
2.
Les conséquences de la fin de l'accord de base pour la société
commune et les contrats d'exécution
Vu les liens économiques étroits existant entre l'accord de base (contrat de joint
venture), la société commune et les contrats d'exécution, il incombe, en
premier lieu, aux partenaires de la joint venture de prévoir des clauses
contractuelles pour régler les conséquences de la fin de l'accord de base sur les
autres composantes de la joint venture96. A défaut de telles règles
contractuelles, il faudra recourir au droit dispositif dont on peut dégager les
éléments suivants:
Si l'accord de base prend fin suite à une résiliation ordinaire ou extraordinaire,
les parties contractantes (société A et B) seront libérées, avec effet ex nunc, de
leurs engagements mutuels futurs. Ainsi, les contrats d'exécution dont la
conclusion était prévue dans l'accord de base pour un terme ultérieur à
l’extinction de cet accord intervenue entre-temps, n'auront plus à être conclus.
Par contre, les contrats d'exécution déjà conclus avec la société commune AB
mais pas encore (totalement) exécutés par la société A, respectivement la
société B, resteront valables et devront encore être exécutés97. Eventuellement,
le fait que l'accord de base a été terminé par la société A pourrait être invoqué
94
95
96
97
Selon l'art. 546 CO, chaque associé peut dissoudre la société simple moyennant un délai
de six mois (le cas échéant, pour la fin d'un exercice annuel). Ce délai sera souvent trop
court pour que les autres associés puissent entreprendre les démarches nécessaires et se
préparer à la dissolution de la joint venture. Cf. également TSCHÄNI, Joint Ventures, 70.
Cf. également TSCHÄNI, Joint Ventures, 71 s.
Par exemple, la durée d'un contrat d'exécution peut être liée à la continuité de l'accord de
base. Cf. également, HUBER, Vertragsgestaltung, 16; OERTLE, 194 s.
A noter que, même si l'on qualifie l'accord de base de société simple, les contrats
d'exécution avec la société commune AB ne sont pas conclus par la société simple en tant
que communauté mais par les sociétés A et B à titre personnel en vue de
l'accomplissement des engagements pris dans l'accord de base.
Thomas Probst
Le contrat de joint venture
25
─ sous l'angle de la clausula rebus sic stantibus ─ par la société B (et vice
versa) envers la société AB pour demander une adaptation du contrat
d'exécution conclu.
En ce qui concerne la société commune AB (typiquement une société
anonyme), celle-ci n'est pas mise en cause par la simple extinction de l'accord
de base98. De même, les contrats d'exécution que la société commune AB a
conclus avec la société A, respectivement la société B, ainsi que les contrats
conclus avec des tiers continueront d'exister.
Quant aux promoteurs de la joint venture ─ en leur qualité de sociétaires
(actionnaires) de la société commune AB, ─ leur situation continuera d'être
régie par le droit des sociétés malgré l’extinction de l'accord de base. Selon le
droit des sociétés, il est possible que la société soit dissoute si les statuts le
prévoient ou si l'assemblée générale devait prendre une décision dans ce sens 99.
Il est également possible, et en pratique plus probable, que la société A vende
sa participation, qu'elle détient dans à la société AB, à la société B ou vice
versa, ou que les sociétés A et B vendent leur participation à un tiers qui est
intéressé à reprendre la joint venture.
C.
Le droit applicable à un contrat de joint venture international
Etant donnée que la qualification juridique du contrat de joint venture (accord
de base) est délicate, les promoteurs d'une joint venture internationale seront
régulièrement bien inspirés de procéder à une élection de droit100 et, le cas
échéant, de stipuler une clause d’arbitrage.
A défaut d'une élection de droit par les parties, le droit applicable au contrat de
joint venture se détermine selon l'art. 150 al. 2 LDIP. Dès lors, si le contrat de
joint venture s'est doté d'une organisation, à savoir d'une structure susceptible
d'entrer en contact avec des tiers et d'établir des rapports avec eux101, le droit
applicable est celui de l'Etat selon le droit duquel cette organisation a été mise
98
99
100
101
Cf. également, AMSTUTZ/SCHLUEP, Introduction à l'art. 184 N 456; FUNKE, 177, OERTLE,
192; TSCHÄNI, Joint Ventures, 72; DJALALI, 102 s.
Cf. pour la société anonyme, l'art. 736 ch. 1 et 2 CO.
Dans le même sens, p. ex. SCHNYDER, 90.
HUBER, Joint-Venture, 61, 151; VON PLANTA/EBERHARD, art. 150 N 7.
26
Le contrat de joint venture
en place102. Par contre, si une telle organisation fait défaut, le droit applicable
se détermine selon les règles applicables aux contrats internationaux. Dans cette
dernière hypothèse, le rattachement objectif selon le critère de la prestation
caractéristique103 est toutefois très difficile à appliquer104. On appliquerait alors
le droit où le centre d'activité est localisé 105.
IV. Conclusions
Les quelques réflexions qui précèdent ont montré que le contrat de (Equity)
Joint Venture est une figure juridique complexe, à géométrie variable, dont la
qualification n’est pas évidente. Tant des éléments contractuels que des
éléments de droit des sociétés se conjuguent pour former un ensemble
économique qui n’est pas facile à appréhender juridiquement. Aussi existe-t-il à
la fois des arguments valables pour dire qu’il s’agit d’une société simple et des
arguments ─ qui, à notre sens, sont plus pertinents ─ pour conclure que les
éléments synallagmatiques aboutissent à un contrat innommé.
Toutefois, face à la question controversée de savoir si le contrat de joint
venture est une société simple ou un contrat innommé, il ne faut pas perdre de
vue qu'en réalité, ni l'une ni l'autre des deux approches arrive, en tant que
telle, à résoudre des litiges concrets. En effet, si l'on favorise l'approche de la
société simple, on se voit contraint d'admettre que les règles dispositives de la
société simple sont parfois inadéquates et ne peuvent pas être appliquées telles
quelles sans mettre en cause la joint venture106. De même, le fait d'admettre
que la joint venture est un contrat innommé n'empêche pas que, le cas échéant,
il faut appliquer par analogie les règles légales sur les contrats nommés.
D’un point de vue pratique, le défi juridique se révèle donc double: Pour les
avocats, il consiste à rédiger un contrat de joint venture détaillé qui fournit aux
parties un cadre réfléchi et stable tout en laissant la flexibilité nécessaire pour
s'adapter à des situations inattendues. Pour les juges, le défi consiste à
interpréter le contrat de joint venture comme la base fondamentale d'un
102
103
104
105
106
Art. 154 al. 1 LDIP; voir également, VON PLANTA/EBERHARD, art. 154 N 10 s.;
KNOEPFLER/MERKT, 762; SCHNYDER, 87. ─ Pour le droit allemand, voir p. ex. EBENROTH, 266. Cf. également BAPTISTA/DURAND-BARTHEZ, 110 ss.
Art. 117 LDIP.
Voir p. ex. KNOEPFLER/MERKT, 764; SCHNYDER, 94.
HUBER, Joint-Venture, 152 ("Aktivitätszentrum der Basisgesellschaft"); AMSTUTZ/
SCHLUEP, Introduction à l'art. 184 N 457; AMSTUTZ/VOGT/WANG, art. 117 N 80;
SCHNYDER, 94 ("Zentrum der Aktivität des Joint Venture").
Par exemple, l'art. 546 CO.
Thomas Probst
Le contrat de joint venture
27
ensemble économique interdépendant. Cela peut inclure le comblement de
lacune du contrat selon la volonté hypothétique des parties lorsque le droit
dispositif (de la société simple ou d'un contrat nommé applicable par analogie)
se révèle inapproprié pour un réseau de contrats interdépendants qui forme un
ensemble économique. Les deux tâches ne sont pas faciles et demandent de la
circonspection.
28
V.
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