Le contrat de joint venture
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Le contrat de joint venture
Le contrat de joint venture 1 Le contrat de joint venture Thomas Probst Professeur à l'Université de Fribourg Table des matières I. INTRODUCTION .......................................................................................3 II. FONDEMENTS ET QUALIFICATION JURIDIQUE DU CONTRAT DE JOINT VENTURE ............................................................4 A. NOTION ET ÉLÉMENTS CARACTÉRISTIQUES D'UNE JOINT VENTURE .................................................................................................4 1. Généralités ......................................................................................4 2. Notion de joint venture ....................................................................4 3. Eléments caractéristiques d'une joint venture .................................5 B. MOYEN DE COOPÉRATION NATIONALE ET INTERNATIONALE ..............7 C. DIFFÉRENTS TYPES DE JOINT VENTURES ...............................................7 1. L'Equity Joint Venture .....................................................................7 2. Contractual Joint Venture ...............................................................9 D. QUALIFICATION JURIDIQUE DU CONTRAT DE JOINT VENTURE (ACCORD DE BASE) ...............................................................................10 III. QUELQUES ASPECTS SPECIFIQUES DU CONTRAT D'EQUITY JOINT VENTURE ..................................................................13 A. L'EQUITY JOINT VENTURE À LA CROISÉE DU DROIT DES CONTRATS ET DU DROIT DES SOCIÉTÉS ...............................................13 1. L'accord de base, la société commune et les contrats d'exécution.....................................................................................13 2. Le rapport entre l'accord de base et les contrats d'exécution .......15 2 Le contrat de joint venture 3. La direction et la gestion de la société commune ..........................19 B. LA DURÉE ET LA FIN D'UNE EQUITY JOINT VENTURE..........................19 1. La fin de l'accord de base..............................................................20 a. Contrat de durée déterminée ou indéterminée?..........................67 b. Terminaison ordinaire et extraordinaire de l'accord de base…..69 2. Les conséquences de la fin de l'accord de base pour la société commune et les contrats d'exécution .............................................24 C. LE DROIT APPLICABLE À UN CONTRAT DE JOINT VENTURE INTERNATIONAL...................................................................................25 IV. CONCLUSIONS.........................................................................................26 V. BIBLIOGRAPHIE .......................................................................................28 Thomas Probst Le contrat de joint venture I. 3 Introduction Bien que le contrat de joint venture ("contrat d'entreprise commune", "contrat d'entreprise conjointe"; "Gemeinschaftsunternehmensvertrag")1 revête une importance pratique considérable2, il est peu traité dans la jurisprudence du Tribunal fédéral3 et occupe une place plutôt discrète dans la littérature juridique suisse4. Entre autres, ce constat s'explique par le fait que la notion générale de joint venture englobe des coopérations assez diverses dont les contours juridiques ne sont pas faciles à déterminer. Dans le cadre de ce symposium en droit des contrats, la présente contribution a pour objectif d'examiner le contrat de joint venture en tant que base d'une joint venture. Aussi, parlerons-nous d’abord des fondements et de la qualification juridique du contrat de joint venture (accord de base) en général (ci-après, II.), pour ensuite nous pencher sur quelques aspects spécifiques du contrat d'Equity Joint Venture et des contrats d'exécution (accords "satellites" 5) qui l'entourent (ci-après, III.). Nous terminerons par de brèves conclusions (ci-après, IV.). 1 2 3 4 5 Tant le terme français de "contrat d'entreprise commune/conjointe" que le terme allemand de "Gemeinschaftsunternehmensvertrag" n'ont pas réussi à s'imposer dans la littérature juridique contre la notion anglaise de "joint venture". Aussi parle-t-on la plupart du temps du "contrat de joint venture". ─ Voir également, DJALALI, 10; RUCHIN, 4 ss. Cf. REYMOND, Réflexions, 482; TSCHÄNI, Gemeinschaftsunternehmen, 88. On trouve certes des arrêts du Tribunal fédéral qui font mention d'une joint venture (voir p. ex. les arrêts 4C.22/2006 du 5 mai 2006; 4P.32/2007 du 11 avril 2007; 7B.217/2006 du 12 avril 2007; 4P.282/2001 du 3 avril 2002) mais il est rare que le litige porte principalement sur le contrat de joint venture et ses liens avec la société commune et les contrats d'exécution. Ce constat est dû au fait que des litiges portant sur des contrats de joint venture sont souvent soumis à l'arbitrage, notamment lorsqu'il s'agit d'affaires internationales. Cf. REYMOND, Réflexions, 491; IDEM, Joint Venture, 385 s.; HUBER, Joint-Venture, 38; SCHNYDER, 82. En comparaison des contrats plus traditionnels et connus, le contrat de joint venture est présenté assez sommairement dans les traités classiques du droit des contrats. Voir p. ex. TERCIER/FAVRE, N 7509 ss; ENGEL, 703 ss. ─ Par contre, en droit anglo-américain, le contrat de joint venture a été beaucoup plus étudié. Bien que le terme de "contrat satellite" ait un certain charme et soit fréquemment employé, il n'est pas vraiment parlant car il n'indique pas que ces contrats représentent l'exécution des engagements pris par les promoteurs dans leur accord de base (contrat de joint venture). A notre sens, le terme de "contrat d'exécution" est préférable puisqu'il souligne ce lien caractéristique avec l'accord de base. ─ Cf. également HUBER, JointVenture, 4; IDEM, Vertragsgestaltung, 15 s. et AMSTUTZ/SCHLUEP, Introduction à l'art. 184 N 429 qui parlent de "Durchführungsverträgen" (le premier dans un sens toutefois plus large), respectivement PIRONON, 114 qui parle de "contrat d'application". 4 Le contrat de joint venture II. Fondements et qualification juridique du contrat de joint venture A. Notion et éléments caractéristiques d'une joint venture 1. Généralités Conformément à son appellation anglaise, une joint venture désigne avant tout une affaire industrielle ou commerciale6, plus ou moins complexe, qui comporte un certain risque économique, technique ou autre pour les partenaires. D’où le nom de "venture"7. Ce risque peut résider non seulement dans la nature ou l'envergure du projet envisagé en tant que tel mais également dans la coopération délicate entre les promoteurs qui, surtout en cas de joint ventures internationales, présentent des différences de mentalités et de cultures importantes. En même temps, l'engagement commun de plusieurs partenaires constitue un moyen qui permet de répartir le risque lié à un projet entre les partenaires impliqués. Ce partage du risque explique, en bonne partie, l'attractivité de la joint venture. Le fait que le risque lié à une joint venture mérite l'attention des promoteurs peut être illustré par l'anecdote suivante: Une poule et un cochon conviennent d’une joint venture, forme moderne de coopération. Leur plan d'affaires consiste à produire et vendre des sandwichs "ham & eggs" en grand nombre. Après la signature du contrat de joint venture, la poule est fort contente de cette affaire prometteuse alors que le cochon réalise tout à coup que la mise en œuvre de ce projet commun lui coûtera la vie. 2. Notion de joint venture Le concept de joint venture ne relève pas en premier lieu du droit mais de l’économie industrielle et se réfère au fait que deux (ou plusieurs) entreprises entendent coopérer pour réaliser un projet commun qui dépasse leurs propres capacités et moyens8. Une telle coopération peut viser une durée indéterminée 6 7 8 En pratique, un contexte industriel ou commercial sera la règle, mais une joint venture à des fins culturelles ou artistiques est également possible. Dans le même sens, ENGEL, 704. Au sujet de l'origine américaine de la joint venture, voir p. ex. BAPTISTA/DURANDBARTHEZ, 7 ss. Cf. WÄCHTERSHÄUSER, 45. Thomas Probst Le contrat de joint venture 5 ou se limiter à l'avance à une durée déterminée (p. ex. limitée à trois ans qui sont nécessaires à la réalisation d'une construction telle qu'une centrale nucléaire ou hydroélectrique)9. Elle peut se réaliser sans ou avec une capitalisation commune et s'effectuer sur le plan national ou international. Il s'ensuit que la notion de joint venture appréhende des situations de faits très diverses10 sans avoir acquis, jusqu'alors, une acception juridique précise et généralement reconnue11. Néanmoins, il est possible d’identifier des éléments caractéristiques d’une joint venture, respectivement du contrat de joint venture qui en forme la base contractuelle. 3. Eléments caractéristiques d'une joint venture Toute joint venture repose sur un accord de base entre les partenaires intéressés, à savoir sur le contrat de joint venture (au sens propre)12. Typiquement, ce contrat comprend au moins les éléments suivants: 13 - l'accord de fonder , d'organiser et d'exploiter une société commune (souvent une société anonyme) qui sert à réaliser l’objectif commun, soit la joint venture (p. ex. le développement d'un nouveau vaccin contre une maladie contagieuse); - l'adoption de règles gestionnaires notamment sur l’exercice des droits de vote au sein de la société commune (souvent par une convention 14 d'actionnaires) , sur la composition du conseil d'administration (p. ex. 9 ZIHLMANN, 317, semble limiter la notion de joint venture à une coopération de longue durée ("…auf Dauer angelegte[s] Konsortium"). Voir également, TERCIER/FAVRE, N 7512. Voir également, FELLMANN/MÜLLER, art. 530 N 254. Dans un sens large, le "contrat de joint venture" peut se référer à l'ensemble des contrats (accord de base, contrats satellites) qui forment la charpente juridique nécessaire à la constitution et à l'opération d'une joint venture. Voir également, REYMOND, Joint Venture, 383 s. ─ Sauf indication contraire, le présent article utilise le terme de "contrat de joint venture" pour désigner l'accord de base, soit au sens étroit. Dans la plupart des cas, il s'agira de fonder une nouvelle société mais il est également possible qu'une société déjà existante et appartenant à l'un des promoteurs constitue la base de la joint venture. Dans ce cas, l'autre promoteur acquerra une partie du capitalactions de cette société (p. ex. dans le cadre d'une augmentation du capital-actions). Cf. TSCHÄNI, Joint Ventures, 63. ─ Voir également l'Ordonnance sur le contrôle des concentrations d’entreprises du 17 juin 1996 (RS 251.4) dont l'art. 2 fait également cette distinction. Cf. RUCHIN, 8; SUTER DEPLAZES, 19 s. Typiquement les promoteurs de la joint venture s'engagent à exercer leur droit de vote à l'assemblée générale de la joint venture en vue de mettre en œuvre les engagements pris 10 11 12 13 14 6 Le contrat de joint venture chaque partenaire y aura deux représentants) et sur l'aliénation des actions (p. ex. droit de préemption de chaque partenaire sur les actions 15 des autres partenaires) ; - 16 l'obligation de conclure, avec la société commune , les contrats d’exécution nécessaires au bon fonctionnement de celle-ci (p. ex. contrat de 17 licence , contrat d'approvisionnement, contrat de prêt, contrat d'assi18 stance technique et commerciale) . A la lumière de ces éléments caractéristiques, le contrat de joint venture (accord de base), qui constitue la base contractuelle d’une joint venture, peut être définie comme un accord entre deux ou plusieurs personnes (régulièrement des entreprises) qui conviennent, tout en poursuivant leur propre activité traditionnelle, d'une coopération commune comprenant notamment la fondation, l'organisation et l'exploitation d'une société commune (le plus souvent une société anonyme), l'adoption de règles gestionnaires (p. ex. concernant l'exercice du droit de vote, la représentation au conseil d'administration, le droit de préemption sur les actions) ainsi que l'obligation de conclure avec la société commune les contrats d'exécution nécessaires à son bon fonctionnement (contrats satellites)19. Dans son arrêt 4C.22/2006 du 5 mai 2006, le Tribunal fédéral s'est inspiré d'une définition doctrinale qui va dans le même sens20. 15 16 17 18 19 20 dans l'accord de base. Voir également TSCHÄNI, Joint Ventures, 64. Cf. également FORSTMOSER, 359 ss. Voir p. ex. REYMOND, Réflexions, 482; ZIHLMANN, 319. Parfois, les contrats que la société commune conclut avec des tiers sont également considérés comme des contrats d’exécution. Cela ne paraît pas opportun parce qu’ils ne présentent régulièrement pas de lien spécifique avec l’accord de base. A noter que les droits de propriété intellectuelle peuvent intervenir à deux niveaux dans une joint venture: d'une part, ils constituent régulièrement une contribution au bon fonctionnement de la société commune de la part des promoteurs ; d'autre part, ils peuvent être le résultat opérationnel de la société commune (p. ex. un brevet d'invention). Cf. également, DESSEMONTET, 569. Voir également REYMOND, Joint Venture, 383, 385. Black's Law Dictionary propose la définition suivante: "A legal entity in the nature of a partnership engaged in the joint prosecution of a particular transaction for mutual benefit" (542 S.W.2d 934, 936). ─ Voir également la définition donnée par HAY, 231: "A joint venture is an agreement between two or more persons to come together for the pursuit of a specific project.". Arrêt du 5 mai 2006 (4C.22/2006), cons. 5 ("L'expression 'joint venture', qui revêt diverses significations, est utilisée, notamment, pour désigner l'accord du même nom par lequel deux ou plusieurs partenaires conviennent, tout en poursuivant leur propre activité, Thomas Probst Le contrat de joint venture B. 7 Moyen de coopération nationale et internationale Le contrat de joint venture, en tant qu'élément central d'une joint venture, est en premier lieu un moyen de coopération, tant sur le plan international21 que national22. Il permet aux partenaires intéressés de réaliser ensemble des projets d’une envergure et d'une complexité qui dépassent leurs propres capacités et moyens individuels. Grâce à la joint venture, chaque partenaire peut étendre son champ d'activité économique tout en partageant le risque avec les autres partenaires. Une joint venture peut évidemment avoir des fonctions supplémentaires. Ainsi, il arrive qu'elle serve de moyen de financement. Par exemple, si un pays en voie de développement est intéressé à construire une centrale hydroélectrique, un contrat de joint venture avec une entreprise étrangère peut lui permettre d’acquérir une usine opérationnelle préfinancée par la joint venture selon le modèle BOT ("build – operate – transfer")23. De manière semblable, une joint venture peut servir à opérer un transfert technologique d’un pays industrialisé à un pays en voie de développement24. C. Différents types de joint ventures Etant donné que le champ d’application de la joint venture est vaste, il convient d'en distinguer deux types, à savoir l’Equity (ou Corporate) Joint Venture et la Contractual Joint Venture. 1. L'Equity Joint Venture Dans le cas d’une Equity Joint Venture, les parties à l'accord de base (contrat de joint venture) conviennent de mettre sur pied une société commune qui, normalement mais pas forcément25, possède la personnalité juridique (souvent 21 22 23 24 25 de créer une entreprise commune pour une activité déterminée, durable ou passagère, et de faire bénéficier cette société de l'appui technique, financier et commercial de leur propre entreprise"). Cf. REYMOND, Réflexions, 481 s. Cf. DESSEMONTET, 567 s.; DJALALI, 5 ss; BAPTISTA/DURAND-BARTHEZ, 18 ss; WÄCHTERSHÄUSER, 35 ss. Voir également AMSTUTZ/SCHLUEP, Introduction à l'art. 184 N 430. Voir également BAPTISTA/DURAND-BARTHEZ, 27. Cf. EBENROTH, 265; HUBER, Vertragsgestaltung, 12; FUNKE, passim. Théoriquement, on peut imaginer que la société commune soit constituée en une société en nom collectif. Celle-ci n'est pas une personne morale mais jouit tout de même d'une certaine autonomie dans les rapports externes. Cf. l'art. 562 CO. 8 Le contrat de joint venture une société anonyme)26 dont elles partagent le capital en tant que sociétaires (actionnaires) tout en poursuivant leurs propres activités. Aussi, les sociétésmères ne deviennent-elles pas des simples sociétés holding27. Chaque partie au contrat de joint venture contribue non seulement aux fonds propres de la société commune ─ d’où le nom "equity"28 ─ mais participe également à sa direction et à sa gestion. La participation financière29 est souvent paritaire, afin d'éviter que l’une ou l'autre des deux parties puisse instrumentaliser la société commune à ses propres fins. La mise en œuvre de l’accord de base prévoit régulièrement l'obligation des parties contractantes de conclure des contrats d'exécution avec la société commune qui, elle, n’est pas partie au contrat de base. Cette obligation contractuelle, qui dépasse les obligations des sociétaires, surtout lorsque la société commune est une société anonyme 30, est caractéristique d'une Equity Joint Venture31. Il en résulte un réseau de contrats liés ou interdépendants (accord de base, convention d’actionnaires, contrats d'exécution) dont la qualification juridique n'est pas évidente. 26 27 28 29 30 31 REYMOND, Joint Venture, 389; TSCHÄNI, Gemeinschaftsunternehmen, 90; HUBER, JointVenture, 1; IDEM, Vertragsgestaltung, 11; OERTLE, 50. ─ Aussi parle-t-on également de Corporate Joint Venture; voir p. ex. VOGT/WATTER, 15 ss; DJALALI, 31; TSCHÄNI, Joint Ventures, 52, 59 s. ; RUCHIN, 35; BAPTISTA/DURAND-BARTHEZ, 21. ─ Parfois, le terme guère parlant de "joint ventures intégrées" ("integrierte joint ventures") est utilisé (ainsi RAUBER, 170 s.). TSCHÄNI, Joint Ventures, 52. Contrairement à ce qui est parfois dit, le terme de "equity" n'a rien à voir avec "equity law" mais provient de "equity capital" et veut dire que les promoteurs de la joint venture deviennent des sociétaires et fournissent les fonds propres à la société commune. Dans la règle, la participation financière (soit les actions lorsque la société commune mise sur pied est une société anonyme) ne devient pas propriété commune des partenaires mais demeure la propriété individuelle de chacun d'eux. Voir également, FELLMANN/MÜLLER, art. 530 N 258; MESSERLI, 17 ss. Voir l'art. 680 al. 1 CO. L'obligation contractuelle ─ qui incombe aux parties en vertu de l'accord de base ─ de donner leur appui à la société commune distingue l'Equity Joint Venture de la simple fondation commune d'une société. A ce sujet, il sied de noter que dans le cas fréquent où la société commune est une société anonyme, la seule obligation sociétaire des actionnaires consiste dans la libération des actions souscrites (art. 680 al. 1 CO). Par conséquent, toute obligation supplémentaire doit être stipulée par un contrat en dehors du cadre légal du droit de la société anonyme. ─ Voir également, REYMOND, Réflexions, 482; IDEM, Joint Venture, 390. Thomas Probst Le contrat de joint venture 9 Les rapports contractuels au sein d'une Equity Joint Venture se présentent typiquement comme indiqués dans le schéma suivant qui, pour la suite de nos réflexions, nous servira de référence: 2. Contractual Joint Venture Dans un sens moins spécifique, on peut également parler de joint venture lorsque les parties contractantes ne fondent pas d'entité propre (personne morale constituant la société commune) en tant que cheville ouvrière du projet commun, mais se limitent à un régime contractuel sans base institutionnelle particulière (Contractual Joint Venture)32. Dans ce cas, on est en présence d'un simple accord de collaboration entre les parties intéressées que l’on trouve souvent sur le plan national pour des projets industriels ou commerciaux d’une certaine envergure. Des exemples classiques sont les consortiums de construction ("ARGE")33. Un tel contrat de collaboration est normalement qualifié de société simple puisque deux ou plusieurs entreprises réunissent leurs 32 33 Voir également, DJALALI, 30; WOLF, 3 s.; WÄCHTERSHÄUSER, 52. Art. 530 CO; l'arrêt du Tribunal fédéral du 5 mai 2006 (4C.22/2006), cons. 5. – Cf. également l'état de faits de l'arrêt du Tribunal fédéral du 12 juin 2008 (4A_16/2008). 10 Le contrat de joint venture efforts et ressources pour réaliser un but commun34. Lorsque des contrats collatéraux, directement ou indirectement liés au contrat de collaboration principal, viennent s'y ajouter, il en résultera un réseau de contrats 35. S'il est intelligible, sous l'angle de l'économie industrielle, d'appeler ce genre de collaboration (Contractual) Joint Venture, cette notion est moins pertinente du point de vue juridique. En effet, sans mise sur pied d'une société commune en tant qu'entité porteuse de la joint venture, la combinaison caractéristique d'éléments sociétaires (typiquement une société anonyme)36 avec un régime de contrats liés (accord de base, convention d'actionnaires, contrats d'exécution), qui rend la qualification juridique d'une joint venture délicate, fait défaut. Par conséquent, l'intérêt juridique relatif à la joint venture porte essentiellement sur l'Equity Joint Venture37. Le Tribunal fédéral semble partager cette manière de voir, car il entend limiter la notion de contrat de joint venture au Corporate Joint Venture38. D. Qualification juridique du contrat de joint venture (accord de base) Alors qu'il est généralement admis que l'accord portant sur une Contractual Joint Venture tombe sous le coup des règles de la société simple39, la qualification du contrat d'Equity (ou de Corporate) Joint Venture est moins évidente. Essentiellement, on peut distinguer deux approches40: 34 35 36 37 38 39 40 Voir l'arrêt du 5 mai 2006 (4C.22/2006), cons. 5; FELLMANN/MÜLLER, art. 530 N 255; TERCIER/FAVRE, N 7512; REYMOND, Joint Venture, 385; VOGT/WATTER, 7; HUBER, Joint-Venture, 2; DJALALI, 30; AMSTUTZ/SCHLUEP, Introduction à l'art. 184 N 431. Cf également, REYMOND, Réflexions, 485. Cet élément corporatif donne à une Equity Joint Venture un renforcement institutionnel qui fait défaut dans le cas d’une Contractual Joint Venture. Cf. également ZIHLMANN, 318. Dans le même sens, WOLF, 4. Voir l'arrêt du Tribunal fédéral du 5 mai 2006 (4C.22/2006), cons. 5 ("Ainsi défini, le contrat de joint venture ne se limite pas à un pur accord de collaboration (Contractual Joint Venture), qui est naturellement soumis aux règles de la société simple, tels les contrats de consortium pour l'exécution de grands travaux, car il suppose, en plus, la création d'une société commune (la joint venture) ─ généralement une société anonyme ─ dont les partenaires détiendront toutes les actions (Corporate Joint Venture…"). Voir les références à la note 34. Théoriquement, on pourrait voir dans l'accord de base tendant à la mise sur pied d'une Equity Joint Venture un précontrat au sens de l'art. 22 CO. Toutefois, puisque cette disposition légale exige que le précontrat revête la même forme que celle prévue pour le Thomas Probst Le contrat de joint venture 11 - Une première approche consiste à dire qu'il s'agit également d'une société simple puisque tant l’accord de fonder une société (anonyme) commune41 que la convention d’actionnaires42 entre les promoteurs de la joint venture constituent régulièrement des sociétés simples. Il paraît donc judicieux d'admettre que l'accord de base dans son entier (y compris l'obligation de conclure des contrats d'exécution) soit également soumis aux règles de la société simple. L'obligation des sociétés-mères de passer des contrats d'exécution (accords "satellites") avec la société commune s'interprétera alors comme un apport des sociétaires (au sens de l'art. 531 CO) à la société simple43. Cette manière de voir semble correspondre à l’avis majoritaire en droit suisse44. - Selon une approche alternative, les éléments sociétaires ne sont pas vraiment concluants puisque le contrat de joint venture (accord de base) 41 42 43 44 contrat principal, l'accord de fonder une société anonyme commune devrait respecter la forme authentique (art. 629 CO) afin d'être valable, ce qui ne sera guère le cas en pratique. De plus, et contrairement à un précontrat, le contrat de joint venture (accord de base) n'est pas consommé lorsque la société commune est fondée mais régit également la direction et la gestion de cette dernière ainsi que la collaboration entre les partenaires. Voir ATF 95 I 276 cons. 1 b ("Nach Lehre und Rechtsprechung bilden die Gründer einer Aktiengesellschaft bis zu deren Eintragung eine einfache Gesellschaft (BGE 85 I 131 Erw. 1; Siegwart, Art. 645 OR N. 14)…"). Cf. également, l'art. 62 CC; MEIERHAYOZ/FORSTMOSER, § 12 N 33; § 16 N 426; ZIHLMANN, 319; TERCIER/FAVRE, N 7517. Cf. MEIER-HAYOZ/FORSTMOSER, § 12 N 105; TERCIER/FAVRE, N 7518; OERTLE, 103. Voir OERTLE, 107, 109; FELLMANN/MÜLLER, art. 531 N 22 ss. ─ DJALALI, 76 s. reconnaît que les contrats d'exécution ont un caractère synallagmatique (non seulement quant au rapport entre l'un [ou l'autre] des promoteurs et la société commune mais également) en ce qui concerne le rapport entre les promoteurs eux-mêmes en leur qualité de parties au contrat de base. Néanmoins, ce rapport d'échange ne toucherait pas l'affectio societatis étant donné que les sociétaires seraient libres de compléter leur engagement sociétaire par des engagements obligationnels réciproques. ─ A notre sens, cette manière de voir ne saurait emporter la conviction parce que les contrats d'exécution sont régulièrement décisifs pour le fonctionnement de la société commune, raison pour laquelle ils sont traités dans l'accord de base. Or, si un point économiquement essentiel de l'accord de base revêt une nature synallagmatique, ce fait devrait avoir une influence sur la qualification juridique de l'accord de base. Voir également OERTLE, 108 ("Denn aufgrund der Satellitenverträge wird das GU [sc. Gemeinschaftsunternehmen] wirtschaftlich ja überhaupt erst lebensfähig") ce qui n'empêche toutefois pas cet auteur de dire en même temps que cet élément obligationnel serait trop faible pour mettre en cause le fait que le contrat de joint venture est une société simple (OERTLE, ibidem). – Voir également AMSTUTZ/SCHLUEP, Introduction à l'art. 184 N 444 s. ENGEL, 705; TERCIER/FAVRE, N 7521; FELLMANN/MÜLLER, art. 530 N 256; TSCHÄNI, Joint Ventures, 55; REYMOND, Réflexions, 486 s.; FREY, 6; voir également l'arrêt du Tribunal fédéral du 5 mai 2006 (4C.22/2006), cons. 5; DJALALI, 78. ─ Pour le droit allemand, voir p. ex. EBENROTH, 266; FUNKE, 33. 12 Le contrat de joint venture inclut des éléments synallagmatiques, notamment les obligations réciproques de conclure des contrats d'exécution avec la société commune 45. De telles obligations sortent du cadre classique d'une société simple 46 et distinguent l'Equity Joint Venture d'un simple accord entre deux parties de fonder une société comme filiale commune 47. De ce point de vue, le contrat d'Equity Joint Venture apparaît plutôt comme un contrat innommé48. Nos considérations confirmeront cette approche. Toutefois, d’un point de vue pratique, la différence entre ces deux approches a une portée plus limitée que ce que l'on pourrait penser. En effet, dans la plupart des cas litigieux, la qualification du contrat de joint venture comme société simple ou comme contrat innommé ne dispensera pas le juge de se baser, en premier lieu, sur la volonté commune des parties49, respectivement de recourir aux moyens classiques de l’interprétation du contrat et, le cas échéant, à la volonté hypothétique des parties pour trouver une réponse à la question litigieuse. Par conséquent, l'applicabilité des règles sur la société simple sera souvent d'une utilité limitée pour résoudre un cas concret. Il n'est dès lors pas étonnant que le Tribunal fédéral favorise une approche plutôt pragmatique et casuistique que dogmatique50. 45 46 47 48 49 50 Cf. REYMOND, Joint Venture, 388; HUBER, Vertragsgestaltung, 56. Cf. HUBER, Vertragsgestaltung, 56. ─ Sur la question de savoir quand des contrats conclus avec des "tiers" constituent des apports au sens de l'art. 531 CO, voir FELLMANN/MÜLLER, art. 531 N 22 ss ainsi que la précision sur la notion de "tiers" à la note 61, ci-après. REYMOND, Joint Venture, 383 s., 390. Voir REYMOND, Réflexions, 482 s.; IDEM, Joint Venture, 386; AMSTUTZ/SCHLUEP, Introduction à l'art. 184 N 432; cf. également, HUBER, Joint-Venture, 12; IDEM, Vertragsgestaltung, 55. – Cette manière de voir est plus convaincante. Voir également, ciaprès, chapitre III.A.2, in fine, p. 72. – A noter que RAUBER, 195, semble préconiser l'existence d'un contrat innommé même pour les Contractual Joint Ventures. Cf. art. 18 al. 1 CO. Voir également TERCIER/FAVRE, N 7521. Cf. l'arrêt du Tribunal fédéral du 5 mai 2006 (4C.22/2006), cons. 5 ("Cependant, …il est exclu de proposer une analyse rigoureuse de constructions dont les contours dépendent de chaque cas concret. De fait, le contrat de joint venture, qui est issu de la pratique, relève de l'autonomie de la volonté. Pour l'interpréter ou pour résoudre les difficultés pouvant surgir à l'occasion de son exécution, il convient donc d'appliquer les principes gouvernant l'interprétation des contrats, tels qu'ils ont été posés par la jurisprudence relative à l'art. 18 CO (Engel, op. cit., p. 704, ch. 2; pour l'exposé de ces principes, cf. ATF 131 III 606 consid. 4.1 et 4.2). De même, étant donné le caractère dispositif des règles régissant la liquidation de la société simple (art. 548 à 550 CO; Daniel Staehelin, Commentaire bâlois, 2e éd., n. 2 ad art. 548/549 CO), c'est la volonté des parties qu'il faudra tenter de dégager au premier chef pour déterminer les conséquences de l'extinction de l'accord de base en tant qu'élément constitutif du contrat de joint venture (sur ces conséquences, cf. Oertle, op. cit., p. 192 ss)."). Thomas Probst Le contrat de joint venture 13 III. Quelques aspects spécifiques du contrat d'Equity Joint Venture En complément aux considérations sur les fondements de la joint venture et de la qualification juridique du contrat de joint venture, il convient de soulever brièvement trois aspects spécifiques, à savoir le rapport plutôt complexe entre les éléments du droit des sociétés et du droit des contrats (ci-après, A.), la durée, respectivement la fin du contrat de joint venture (ci-après, B.) et le droit applicable à une joint venture internationale (ci-après, C.) A. L'Equity Joint Venture à la croisée du droit des contrats et du droit des sociétés La particularité d'une Equity Joint Venture réside essentiellement dans la combinaison innovatrice d'éléments du droit des sociétés et du droit des contrats. Ces deux racines juridiques se reflètent dans la nature hybride de l'Equity Joint Venture et rendent non seulement sa qualification juridique difficile mais entraînent également des difficultés particulières dont trois seront brièvement soulevées ici. 1. L'accord de base, la société commune et les contrats d'exécution L'accord de base (contrat de joint venture) prévoit régulièrement l'obligation des parties contractantes de conclure des contrats d’exécution avec la société commune. Typiquement, il s'agira de contrats classiques (nommés ou innommés) tels que le contrat de prêt, le contrat de licence, le contrat de distribution exclusive, dont la société commune aura besoin afin d'être opérationnelle et pour pouvoir remplir sa fonction. Ces contrats forment un réseau de contrats juridiquement séparés mais économiquement liés et interdépendants. Etant donné que la société commune, en tant qu'entité juridique distincte (normalement sous la forme d'une société anonyme), n'est pas partie à l'accord de base (contrat de joint venture), elle n'est pas liée par les engagements mutuels pris par les promoteurs de la joint venture. Ainsi, si la société A51 s'est engagée envers la société B à accorder une licence de propriété intellectuelle 51 Voir le schéma graphique, ci-dessus, p. 63 qui nous sert de référence pour expliquer certains aspects. 14 Le contrat de joint venture (p. ex. de brevet d'invention ou de marque) à la société commune AB de joint venture, celle-ci demeure entièrement libre de conclure ou non un tel contrat avec la société A. Avant de négocier un contrat, le conseil d'administration (ou, le cas échéant, voire l'assemblée générale)52 de la société commune AB devra prendre une décision interne d'entrer (ou non) en négociation avec la société A. Or, cette décision dépendra (directement ou indirectement) des sociétaires de la société commune AB et ainsi ─ en tout cas en partie ─ également de la volonté de la société A elle-même. En d'autres termes, la société A, qui est à la fois partie contractante (société A) et actionnaire de l'autre partie contractante (société commune AB), sera formellement impliquée, de part et d'autre, dans le processus de négociation et de conclusion du contrat. Cette constellation particulière peut lui procurer la possibilité de contrecarrer son propre engagement envers la société B si, pour une raison quelconque, elle n'est plus intéressée à accorder une licence à la société commune AB. Dans cette hypothèse, elle essayera de s'opposer (en sa qualité d'actionnaire ou par le biais de ses représentants au conseil d'administration de la société AB) à ce que la société AB entre en négociation avec la société A pour conclure un contrat de licence53. Bien qu'un tel comportement viole sans doute l'accord de base, un éventuel refus de la société AB de négocier un contrat de licence avec la société A serait valable du point de vue du droit des sociétés54. Certes, la société B pourrait alors envisager une demande en dommages-intérêts contre la société A (pour violation du contrat de base) mais une telle démarche lui serait d'une utilité limitée parce que, sans le contrat de licence, la joint venture risquerait d'être vouée à l'échec. Aussi la société B aurait-elle besoin d'un moyen juridique efficace qui lui permette d'obtenir la conclusion du contrat d'exécution promis par la société A. Or, il est peu probable qu'un tel moyen existe. A la demande de la société B (demanderesse), un juge ne pourra pas condamner la société AB, en qualité de société tierce, à conclure un contrat avec la société A (défenderesse) car, d'une part, la liberté contractuelle lui interdit de contraindre la société tierce AB à conclure un contrat avec la société A et, d'autre part, le juge ne pourra pas déterminer le contenu du contrat de licence en lieu et place des parties. Il s'ensuit que l'exécution des obligations contractuelles découlant 52 Cf. les art. 716 ss CO. 53 Un tel comportement emporte toutefois le risque de ne pas agir dans l’intérêt de la société commune et ainsi d’engager sa responsabilité. Cf. art. 717 CO. Cf. également, REYMOND, Joint Venture, 387. 54 Thomas Probst Le contrat de joint venture 15 de l'accord de base55 risque de se heurter aux limites du droit des sociétés56 et de la liberté contractuelle et que des prétentions en dommages-intérêts ne présentent guère un moyen approprié pour la joint venture. On peut en tirer deux conclusions: Premièrement, les fondateurs d'une joint venture auront tout intérêt à régler dans l'accord de base (contrat de joint venture) tous les points essentiels des contrats d'exécution57 que l'une ou l'autre partie promet de conclure avec la société commune 58. Dans la mesure du possible, les contrats d'exécution, indispensables au bon fonctionnement de la société commune, devraient être conclus en même temps que l'accord de base ou, du moins, des démarches et opérations irréversibles ne devraient être entreprises en vertu du contrat de base avant que les contrats d'exécution indispensables à l'exploitation de la joint venture soient conclus. Deuxièmement, les parties à la joint venture seront bien inspirées de prévoir dans le contrat de base une procédure à suivre si, pour une raison ou une autre, un contrat d'exécution essentiel pour la joint venture ne devrait pas être conclu. 2. Le rapport entre l'accord de base et les contrats d'exécution Une autre question qui mérite une brève réflexion est celle de savoir dans quel rapport se trouvent l'accord de base et les contrats d'exécution dont la conclusion est stipulée dans l'accord de base. Régulièrement, les promoteurs 55 56 57 58 On peut se demander si l'engagement de la société A (dans le contrat de base) envers la société B de conclure un contrat de licence avec la société commune AB constitue une stipulation pour autrui parfaite au sens de l'art. 112 al. 2 CO. En principe, il est tout à fait possible que l'intention des promoteurs de la joint venture soit de conférer à la société AB le droit à l'exécution de l'engagement pris par la société A envers la société B. Cependant, puisque l'engagement ne consiste régulièrement pas à fournir unilatéralement une prestation mais à conclure un contrat bilatéral impliquant une contre-prestation de la société AB, la détermination de cette contre-prestation dépendra de la volonté commune des sociétés A et AB. En d'autres termes, même si on voit dans l'accord de base une stipulation pour autrui parfaite en faveur de la société AB, cette stipulation signifiera seulement que la société A aura à négocier de bonne foi avec la société AB. Par conséquent, si les parties ne devaient pas tomber d'accord sur la contreprestation de la société commune AB, il n'y aura pas de contrat de licence (contrat d'exécution) et la joint venture en pâtira. Cf. également ZIHLMANN 319; REYMOND, Joint Venture, 391. Une spécification suffisante du contenu des contrats d'exécution peut s'avérer difficile en raison de l'insécurité qui est inhérente à une joint venture. Tout de même, il serait opportun que les parties précisent le contenu des contrats d’exécution autant que possible afin d'améliorer la prévisibilité du projet et d'augmenter ainsi les chances de succès. Dans ce contexte, la question classique sera de savoir si un tel accord aura valeur de précontrat au sens de l'art. 22 CO ou constituera déjà le contrat d'exécution lui-même. 16 Le contrat de joint venture d'une joint venture promettent de conclure des contrats d'exécution avec la société commune afin que celle-ci soit opérationnelle et puisse remplir sa fonction. Par exemple, la société A s'engage à accorder une licence à la société commune AB tandis que la société B promet de lui donner un crédit d'exploitation. Dans cette hypothèse, s'agit-il de prestations réciproques, dans le cadre d'un rapport synallagmatique, autorisant la société A à invoquer l'exception de l'art. 82 CO si la société B lui demande d'octroyer la licence à la société commune AB alors que le crédit promis n'a pas encore été accordé par la société B à la société commune AB? La réponse dépend largement de la qualification juridique du rapport entre les contrats d'exécution, respectivement les promesses faites de les conclure contenues dans l’accord de base. Si l'on considère que la conclusion d'un contrat d'exécution, ayant été stipulée dans l'accord de base, constitue un apport à la société simple, l'exception d'inaccomplissement de la prestation selon l'art. 82 CO sera en principe exclue. En effet, les apports des sociétaires ne se trouvent pas dans un rapport d'échange mais visent à promouvoir le but commun et ainsi s'opposent à l'exception tirée de la disposition précitée59. Aussi un sociétaire peut-il intenter, sans avoir accompli son propre apport60, l'actio pro socio contre un autre sociétaire tendant à ce que celui-ci effectue son apport à la société simple 61. Par contre, cette appréciation juridique change si l'on considère que la conclusion d'un contrat d'exécution entre un sociétaire (de la société simple) et la société commune AB en tant que tiers (en vue de l'accomplissement d'une prestation à ce tiers) ne peut pas être qualifiée d'apport à la société simple (au sens de l'art. 531 CO62). - 59 60 61 62 Tout d'abord, par souci de clarté, il sied de noter que, pour la société commune AB (typiquement une société anonyme), la conclusion d'un contrat d'exécution avec l'un ou l'autre des promoteurs de la joint venture (société A ou B) constitue généralement un contrat synallagmatique par lequel elle obtient une prestation (p. ex. le droit de commercialiser une licence ou un crédit d'exploitation) contre l'accomplissement d'une contre- ATF 116 III 70 cons. 3b; WEBER, BK, art. 82 N 75; MEIER-HAYOZ/FORSTMOSER, § 12 N 39; FELLMANN/MÜLLER, art. 530 N 428. Un éventuel comportement abusif reste évidemment réservé (art. 2 CC). MEIER-HAYOZ/FORSTMOSER, § 12 N 39. Voir également OERTLE, 110. A noter que FELLMANN/MÜLLER, art. 531 N 22 ss, (en reprenant la terminologie utilisée en Allemagne, voir ULMER/SCHÄFER, § 706 N 5) parlent de "Drittgeschäfte" lorsqu'un sociétaire conclut un contrat avec la société simple. Les considérations y afférentes ne concernent donc pas la situation qui nous occupe où le contrat d'exécution est conclu entre un sociétaire et un tiers (la société commune). Thomas Probst Le contrat de joint venture 17 prestation (p. ex. le paiement de redevances ou d'intérêts). Une telle transaction ne lui procure pas de fonds propres63 mais constitue un simple échange de valeurs économiques64. C’est essentiellement dans l’hypothèse où la transaction s'effectue à titre gratuit (soit sans contre-prestation de la société commune) que l'on peut effectivement parler d'un apport, mais alors d'un apport à la société commune. Or, dans la situation qui nous occupe, la question de savoir s'il y a apport (ou pas) ne se pose pas pour la société commune mais bien pour la société simple découlant de l’accord de base. - Quant à cette société simple, elle ne reçoit aucune prestation par la conclusion d'un contrat d'exécution auquel elle n'est pas partie. En vertu de l'accord de base, elle acquiert tout au plus le droit d'exiger du sociétaire promettant qu'il conclue, avec la société commune en tant que personne tierce, le contrat d'exécution promis. Dès lors, aucun droit ou valeur économique (pré)existant n'est procuré à la société simple car seule une promesse est faite de conclure un contrat avec un tiers (société commune) tendant à fournir une prestation à ce tiers. En plus, la réalisation de cette promesse, à savoir la conclusion du contrat, dépendra de la volonté de la société commune en tant que tiers. Il est donc douteux qu'une telle promesse en faveur d'un tiers puisse être qualifiée d'apport (au sens de l'art. 531 CO) à la société simple (accord de base) 65. Les réflexions qui précèdent amènent à la conclusion que la question de savoir dans quel rapport se trouvent les promesses mutuelles (de conclure des contrats d'exécution avec la société commune), faites par les promoteurs dans l'accord de base d'une joint venture, reste largement ouverte. Aussi la réponse dépendra-t-elle principalement des stipulations spécifiques dans l'accord de base et des circonstances concrètes. Si, par exemple, l'accord de base intervient entre deux promoteurs66 dont chacun s'engage à conclure un contrat d'exécution avec la société commune, il peut être tout à fait adéquat d'admettre un rapport synallagmatique entre les obligations mutuelles de conclure des 63 64 65 66 Au sujet des apports en nature à une joint venture, voir WATTER, 61 ss. Evidemment, il est possible que l'apport d'un actionnaire à la société anonyme (en libération des actions qu'il a souscrites) consiste dans l'octroi d'une licence d'un droit immatériel (cf. DESSEMONTET, 579), mais ce n'est pas l'hypothèse qui nous intéresse en l'espèce. Cf. également WATTER, 67, selon lequel des contrats avec des tiers ne peuvent pas constituer des apports en nature à une société anonyme exploitant une joint venture. Voir de plus, HUBER, Joint-Venture, 13. Il semble qu'en pratique la joint venture bilatérale constitue la règle. Cf. DESSEMONTET, 581 ("La 'joint venture' est le plus souvent bilatérale"). 18 Le contrat de joint venture contrats d'exécution avec la société commune et, par conséquent, d'admettre l'exception d'inexécution de la prestation selon l'art. 82 CO67. Par ailleurs, ces réflexions confirment 68 qu'il n'est pas convaincant de qualifier le contrat de joint venture de société simple puisque le droit de la société simple n'arrive pas à appréhender de manière satisfaisante le phénomène économique complexe d'une joint venture. Aussi est-il plus approprié de concevoir le contrat de joint venture (accord de base) comme un contrat innommé qui, typiquement, donne lieu à un réseau de contrats interdépendants. Toutefois, il sied également de noter que l'approche juridique classique qui analyse chaque contrat à titre individuel et, par conséquent, séparément des autres contrats économiquement liés ne parvient pas à saisir la joint venture de façon adéquate69. L'interprétation de chaque contrat doit dès lors se faire à la lumière de la fonction qu'il occupe dans la joint venture. 67 68 69 Dans le même sens, FELLMANN/MÜLLER, art. 530 N 428; AMSTUTZ/SCHLUEP, Introduction à l'art. 184 N 450; cf. également TSCHÄNI, Joint Ventures, 53, 55, 86; HUBER, Vertragsgestaltung, 57. ─ A noter que les auteurs qui voient dans le contrat de joint venture une société simple et, dès lors, rejettent l'applicabilité de l'art. 82 CO, se voient tout de même contraints de construire un lien de dépendance entre les divers contrats d'exécution et le contrat de base. A cet effet, ils postulent une condition suspensive tacite que les parties conviendraient implicitement dans le contrat de base et qui ferait dépendre la validité de chaque contrat d'exécution de la conclusion de tous les autres contrats d'exécution promis dans l'accord de base (dans ce sens, OERTLE, 149 ss). Cette construction n'est pas convaincante (critiques à ce sujet également AMSTUTZ/ SCHLUEP, Introduction à l'art. 184 N 440). Premièrement, si les parties n'ont pas stipulé de condition expresse dans leur accord de base bien que l'interdépendance économique des contrats d'exécution soit patente, il faudra des comportements concluants des parties pour pouvoir admettre un accord implicite sur une condition suspensive. Deuxièmement, même si les parties au contrat de base ont convenu (expressément ou par acte concluant) une condition suspensive, celle-ci n'a pas d'effet envers la société commune en tant que personne tierce. En effet, si la société commune AB a conclu un contrat de licence avec la société-mère A, une éventuelle condition suspensive convenue entre les deux sociétés-mère A et B par rapport à la validité des contrats d'exécution ne lie pas la société commune et ne peut pas suspendre la validité de son contrat. De plus, l'intérêt sociétaire de la société commune AB peut s'opposer à faire dépendre la validité et les effets d'un contrat d'exécution conclu de la conclusion de tous les autres contrats d'exécution. Ainsi, il est possible que la société commune AB ait un besoin immédiat d'obtenir un crédit de la société B alors que la conclusion d'un contrat de maintenance avec la société A est moins pressant et important. Voir ci-dessus, chapitre II./D. p. 64. Voir également REYMOND, Joint Venture, 392; AMSTUTZ, 45 ss. Thomas Probst Le contrat de joint venture 3. 19 La direction et la gestion de la société commune Un point important à régler dans l'accord de base d'une joint venture est la direction et la gestion de la société commune. Le défi est de trouver une formule qui donne à chaque promoteur les moyens nécessaires pour poursuivre et défendre ses intérêts légitimes, sans toutefois risquer le blocage dans le fonctionnement de la joint venture. De manière générale, deux approches sont possibles: soit les parties s'accordent sur une participation disparitaire (participation majoritaire/minoritaire) au capital de la société commune, tout en prévoyant des mécanismes de protection en faveur de la partie minoritaire; soit elles se mettent d'accord sur une participation paritaire (p. ex. 50% à 50%), en aménageant des mécanismes permettant d'éviter des situations de blocage (deadlock devices). Laquelle des deux approches sera retenue par les parties dans un cas concret, dépendra largement de leurs intérêts individuels à une coopération, de leur position de force ou de faiblesse dans les négociations ainsi que du cadre légal70. En cas de participation majoritaire/minoritaire71, les moyens de protection pour la minorité seront typiquement des exigences de quorum et de majorité qualifiée pour prendre des décisions au conseil d'administration ou à l'assemblée générale, souvent complétés par une (re)distribution détaillée des attributions de ces organes72. Pour éviter une situation d'impasse ou de blocage au sein de la société commune, les moyens envisageables sont le droit de vote prépondérant du président de l'organe concerné, le recours à un tiers neutre (p. ex. un arbitre), la possibilité de soumettre le dossier à un organe hiérarchiquement supérieur ou, en dernier ressort, la vente des actions73. B. La durée et la fin d'une Equity Joint Venture Un point essentiel d'une joint venture est la détermination de sa durée, respectivement de sa fin. A ce sujet, notamment deux questions méritent une 70 71 72 73 Il se peut que la législation nationale ne permette pas de participation paritaire d'un étranger mais exige une participation majoritaire de la partie locale. Cf. TERCIER/FAVRE, N 7514; REYMOND, Joint Venture, 386. Cf. également, LANGENFELD-WIRTH, 39; BAPTISTA/DURAND-BARTHEZ, 66 ss. REYMOND, Joint Venture, 386. Cf. FREY, 14; HUBER, Vertragsgestaltung, 30 ss; OERTLE, 76 ss; REYMOND, Joint Venture, 387; TSCHÄNI, Gemeinschaftsunternehmen, 90; IDEM, Joint Ventures, 65 s.; VOGT/WATTER, 26. 20 Le contrat de joint venture brève réflexion. Premièrement, quand l'accord de base prend-il fin (ci-après, 1.) et, deuxièmement, quelles sont les conséquences de la fin de l'accord de base pour la société commune et les contrats d'exécution? (ci-après, 2.) 1. La fin de l'accord de base a. Contrat de durée déterminée ou indéterminée? Indépendamment de sa qualification juridique comme société simple ou contrat innommé, l'accord de base (contrat de joint venture) donne lieu à un rapport juridique de durée entre les promoteurs de la joint venture74. La durée de cette coopération75 peut être fixée à l'avance (durée déterminée de cinq ans, par exemple) de sorte que la fin de l'accord de base interviendra par simple écoulement de la période convenue76. En pratique, la fixation d'une durée déterminée pour une joint venture sera toutefois rare puisque, au début de leur engagement, les promoteurs n'auront guère de conception claire du moment de la fin de leur coopération. La plupart du temps, l'accord de base sera donc conclu pour une durée indéterminée77. Ceci d'autant plus que le but d'exploiter une société commune qui, elle, n'est pas limitée à un temps prédéfini, implique pratiquement un engagement indéterminé. Dans ce contexte, il sied de se demander si la convention entre les parties contractantes, selon laquelle l'accord de base prendra fin avec la mort de l'une des parties, représente un accord de durée déterminée ou indéterminée. Lorsque la durée de l'accord de base est liée à la vie d'une personne contractante physique, dont la mort, de par la nature de l'être humain, est certaine, et que seul le moment de son avènement est inconnu (dies certus an, 74 75 76 77 Voir AMSTUTZ/SCHLUEP, Introduction à l'art. 184 N 448, 454; HUBER, Joint-Venture, 17, FUNKE, 107; OERTLE, 175; BAPTISTA/DURAND-BARTHEZ, 81. A la différence d'un contrat de durée classique tel que le contrat de travail ou de bail à loyer où des prestations relativement bien définies sont à accomplir à intervalle régulier, la joint venture vise la réalisation d'un projet commun plus ou moins complexe qui demande des prestations diverses suivant les circonstances et l'évolution du projet. Cf. l'art. 266 al. 1 CO; art. 334 al. 1 CO. Une durée "indéterminée" ne signifie pas une durée "illimitée" ─ ce qui équivaudrait à un contrat "perpétuel" que le droit suisse n'admet pas au regard de l’art. 27 CC (ATF 113 II 209) ─ mais veut seulement dire que le moment de la fin n'est pas fixé à l'avance par les parties contractantes. Il faudra une déclaration de volonté de l'une et/ou de l'autre partie contractante pour mettre fin au rapport juridique existant entre elles. Thomas Probst Le contrat de joint venture 21 incertus quando), on est face à une durée déterminée78 parce que l'accord prendra fin par simple écoulement du temps sans aucune déclaration de volonté (résiliation)79 des parties. Par contre, si un contrat est conclu pour la durée de l'existence d'une personne contractante morale (ce qui sera la règle pour une joint venture), la fin de cette entité juridique n'est pas inhérente à sa nature, et partant incertaine (dies incertus an, incertus quando). Aussi s'agira-t-il d'un contrat de durée indéterminée80. Cette analyse, qui est conforme au droit des contrats, change quelque peu si l'on se réfère au droit de la société simple. En effet, ici, le législateur a assimilé une société simple, conclue pour la durée de la vie d'un associé (personne physique), à un contrat de durée indéterminée ouvrant ainsi à chaque associé la voie d'une dénonciation ordinaire (anticipée) moyennant un délai de résiliation de six mois81. Cela s'explique par le fait qu'une telle durée (formellement) déterminée peut se révéler très longue 82, et ainsi créer un besoin de pouvoir mettre fin à l'accord de base avant la mort de l'un des promoteurs. Il s'ensuit que si l'on qualifie le contrat de joint venture (accord de base) de contrat innommé auquel les critères des contrats bilatéraux (p. ex. contrat de 78 79 80 81 82 Cf. l'art. 266 a1. CO ("Lorsque les parties sont convenues expressément ou tacitement d'une durée déterminée, le bail prend fin sans congé à l'expiration de la durée convenue"); art. 334 al. 1 CO; également ATF 114 II 165, 166. A noter que, suivant les circonstances, une clause contractuelle qui lie la fin d'un contrat (multilatéral) à la vie de l'une ou l'autre des parties contractantes peut signifier trois choses: Premièrement, il peut s'agir d'une durée minimale avec la conséquence que le contrat ne peut pas être terminé par une résiliation ordinaire avant qu'une personne contractante décède (une résiliation extraordinaire restant toutefois possible). Lorsque cet événement intervient, le contrat se poursuit entre les autres parties jusqu'au moment où l'une d'elle le résilie unilatéralement. Deuxièmement, il peut s'agir d'une durée fixe dans ce sens que le contrat prend automatiquement fin lorsqu'une partie contractante décède et que le contrat ne peut pas être résilié unilatéralement avant ce terme. Troisièmement, il peut s'agir d'une durée maximale. Dans ce cas, le contrat prend automatiquement fin lorsqu'une partie contractante décède, à condition que le contrat n'ait pas été terminé auparavant par une résiliation unilatérale. Voir également ATF 106 II 226. Apparemment d'un avis contraire, AMSTUTZ/SCHLUEP, Introduction à l'art. 184 N 454. ─ En principe, il est également possible de lier la durée d'un contrat à la durée d'une personne morale tierce qui n'est pas partie contractante. P. ex. le contrat de joint venture (accord de base) est conclu pour la durée indéterminée de l'existence de la société commune. Cf. également REYMOND, Joint Venture, 491. Art. 545 ch. 6 et 546 CO. Voir également l'art. 334 al. 3 CO qui, pour les contrats de travail conclus pour une durée déterminée de plus de dix ans, prévoit le droit de résiliation moyennant un délai de congé de six mois. Si l'on prend l'exemple d'un associé de 20 ans, une durée (déterminée) de 60 à 70 ans est tout à fait envisageable. 22 Le contrat de joint venture bail, contrat de travail)83 s'appliquent par analogie, on est face à un rapport juridique de durée déterminée; par contre, si le contrat de joint venture est qualifié de société simple, la loi traite ce rapport juridique comme un rapport de durée indéterminée84. b. Terminaison ordinaire et extraordinaire de l'accord de base L'accord de base conclu pour une durée indéterminée peut prendre fin de manière ordinaire ou extraordinaire. De manière ordinaire, les parties terminent leur contrat de base notamment par un accord commun (contrat résolutoire)85 ou par une déclaration unilatérale (résiliation) réservée dans l'accord de base. Si le contrat de base ne prévoit pas de résiliation unilatérale, et que les parties ne parviennent pas à se mettre d'accord sur la terminaison du contrat de joint venture, la question est de savoir si le droit dispositif offre une base pour une terminaison unilatérale. - La réponse est affirmative pour une terminaison extraordinaire. Tant pour la société simple que pour les contrats innommés, il est généralement reconnu qu'un rapport juridique de durée peut être terminé unilatéralement par la partie invoquant légitimement un juste motif86. De manière générale, un juste motif existe si l'on ne saurait raisonnablement imposer à la personne qui l'invoque la poursuite du rapport juridique jusqu'à la fin de sa durée déterminée (contrat de durée déterminée) ou jusqu'au plus prochain terme de résiliation (contrat de durée indéterminée). Plus délicate que le principe d'une terminaison extraordinaire pour juste motif en soi est la question d'un éventuel délai à respecter. En effet, le législateur prévoit parfois qu'un rapport de durée peut être résilié pour 83 84 85 86 Cf. les art. 266 al. 1 CO et 334 al. 1 CO. Cf. les art. 545 ch. 6 et 546 CO. De la même manière que les parties peuvent s'accorder sur la mise sur pied d'une société commune, elles peuvent aussi se mettre d'accord sur sa fin. Voir notamment les art. 115 CO (remise conventionnelle) et 545 ch. 4 CO (dissolution de la société simple par accord commun). Si l'on considère que le contrat de joint venture (accord de base) est une société simple, la résiliation extraordinaire pour juste motif résulte directement de l'art. 545 al. 1 ch. 7 CO. Pour mettre en œuvre cette prérogative (qui, par ailleurs, relève du droit impératif), il faut toutefois saisir le juge par une action formatrice tendant à la dissolution de la société simple. Par contre, si le contrat de joint venture est qualifié de contrat innommé, la doctrine accorde à la partie concernée le droit formateur de mettre fin au contrat. Cf. AMSTUTZ/SCHLUEP, Introduction à l'art. 184 N 455; REYMOND, Joint Venture, 394; HUBER, Vertragsgestaltung, 53 s.; OERTLE, 185 s.; ENGEL, 705. Voir également, ATF 135 III 1, 10; ATF 128 III 428, 429. Thomas Probst Le contrat de joint venture 23 justes motifs à la condition de respecter un délai légal87 ou, au contraire, qu’un délai ne doive être respecté88. Quid alors du contrat de joint venture? Si l'on considère, comme le fait l'avis majoritaire, que le contrat de joint venture est une société simple, on arrive à la conclusion que la dissolution pour juste motif intervient "sans avertissement préalable"89, à savoir sans délai. Cette solution est inadéquate et montre que le contrat de joint venture n'est pas vraiment une société simple mais un contrat innommé qui demande un traitement différent et mieux adapté aux besoins des promoteurs d'une joint venture90. Tant les règles sur la dissolution (extraordinaire) pour justes motifs avec effet immédiat que celles concernant la dissolution (ordinaire) 91 moyennant un délai de six mois visent la société simple typique qui, de par la loi, peut poursuivre un but économique mais ne doit pas exploiter une entreprise commerciale92. Or, l'accord de base d'une joint venture vise la plupart du temps l'exploitation d'une entreprise commerciale nécessitant une organisation plus ou moins complexe que l'on ne peut dissoudre sans délai. Il s'ensuit que la fin extraordinaire d'un contrat de joint venture (accord de base) pour justes motifs devrait être sujette à un délai d'avertissement. Ce délai pourrait être fixé, suivant les circonstances du cas d'espèce, à une durée de l'ordre de six mois 93. - 87 88 89 90 91 92 93 Reste la question de savoir si, en vertu du droit dispositif, le contrat de joint venture (accord de base) est aussi sujet à une fin ordinaire lorsque le contrat (de durée indéterminée) ne prévoit pas de résiliation et que les parties ne parviennent pas à se mettre d'accord sur son extinction. Comme on vient de voir, les règles de la société simple ne sont pas concluantes dans la mesure où il est plus adéquat de concevoir le contrat de joint Art. 266g al. 1 CO (congé extraordinaire du contrat de bail à loyer); art. 297 al. 1 CO (congé extraordinaire du contrat de bail à ferme). Art. 337 al. CO (résiliation immédiate du contrat de travail pour justes motifs); art. 346 al. 2 CO (résiliation immédiate du contrat d'apprentissage pour justes motifs); art. 418r CO (résiliation immédiate du contrat d'agence pour justes motifs); art. 545 al. 2 CO (dissolution de la société simple pour justes motifs). Art. 545 al. 2 CO. Il est révélateur que les auteurs qui préconisent que le contrat de joint venture est une société simple écartent régulièrement l'application de l'art. 546 CO. Voir p. ex. DJALALI, 78; OERTLE, 181 s. Art. 546 CO. MEIER-HAYOZ/FORSTMOSER, § 12 N 3, 26. Comme point de référence, on peut prendre le contrat de bail à ferme où une résiliation pour justes motifs doit respecter le délai légal de six mois (art. 297 al. 1 CO, en liaison avec l'art. 296 CO). 24 Le contrat de joint venture venture comme un contrat innommé plutôt que comme une société simple94. Toutefois, l'application analogique des règles d'un contrat nommé au contrat de joint venture, conçu comme contrat innommé, paraît également difficile car aucun contrat nommé ne s'impose comme base pour une telle analogie. Or, si un contrat innommé est lacunaire et que le droit dispositif ne fournit pas de réponse, il se justifie d'admettre la terminaison ordinaire en se basant sur la volonté hypothétique des parties et de fixer le délai d'avertissement au vu de toutes les circonstances concrètes95. Par souci de cohérence avec la terminaison extraordinaire, ce délai devrait normalement être de douze mois ou plus. 2. Les conséquences de la fin de l'accord de base pour la société commune et les contrats d'exécution Vu les liens économiques étroits existant entre l'accord de base (contrat de joint venture), la société commune et les contrats d'exécution, il incombe, en premier lieu, aux partenaires de la joint venture de prévoir des clauses contractuelles pour régler les conséquences de la fin de l'accord de base sur les autres composantes de la joint venture96. A défaut de telles règles contractuelles, il faudra recourir au droit dispositif dont on peut dégager les éléments suivants: Si l'accord de base prend fin suite à une résiliation ordinaire ou extraordinaire, les parties contractantes (société A et B) seront libérées, avec effet ex nunc, de leurs engagements mutuels futurs. Ainsi, les contrats d'exécution dont la conclusion était prévue dans l'accord de base pour un terme ultérieur à l’extinction de cet accord intervenue entre-temps, n'auront plus à être conclus. Par contre, les contrats d'exécution déjà conclus avec la société commune AB mais pas encore (totalement) exécutés par la société A, respectivement la société B, resteront valables et devront encore être exécutés97. Eventuellement, le fait que l'accord de base a été terminé par la société A pourrait être invoqué 94 95 96 97 Selon l'art. 546 CO, chaque associé peut dissoudre la société simple moyennant un délai de six mois (le cas échéant, pour la fin d'un exercice annuel). Ce délai sera souvent trop court pour que les autres associés puissent entreprendre les démarches nécessaires et se préparer à la dissolution de la joint venture. Cf. également TSCHÄNI, Joint Ventures, 70. Cf. également TSCHÄNI, Joint Ventures, 71 s. Par exemple, la durée d'un contrat d'exécution peut être liée à la continuité de l'accord de base. Cf. également, HUBER, Vertragsgestaltung, 16; OERTLE, 194 s. A noter que, même si l'on qualifie l'accord de base de société simple, les contrats d'exécution avec la société commune AB ne sont pas conclus par la société simple en tant que communauté mais par les sociétés A et B à titre personnel en vue de l'accomplissement des engagements pris dans l'accord de base. Thomas Probst Le contrat de joint venture 25 ─ sous l'angle de la clausula rebus sic stantibus ─ par la société B (et vice versa) envers la société AB pour demander une adaptation du contrat d'exécution conclu. En ce qui concerne la société commune AB (typiquement une société anonyme), celle-ci n'est pas mise en cause par la simple extinction de l'accord de base98. De même, les contrats d'exécution que la société commune AB a conclus avec la société A, respectivement la société B, ainsi que les contrats conclus avec des tiers continueront d'exister. Quant aux promoteurs de la joint venture ─ en leur qualité de sociétaires (actionnaires) de la société commune AB, ─ leur situation continuera d'être régie par le droit des sociétés malgré l’extinction de l'accord de base. Selon le droit des sociétés, il est possible que la société soit dissoute si les statuts le prévoient ou si l'assemblée générale devait prendre une décision dans ce sens 99. Il est également possible, et en pratique plus probable, que la société A vende sa participation, qu'elle détient dans à la société AB, à la société B ou vice versa, ou que les sociétés A et B vendent leur participation à un tiers qui est intéressé à reprendre la joint venture. C. Le droit applicable à un contrat de joint venture international Etant donnée que la qualification juridique du contrat de joint venture (accord de base) est délicate, les promoteurs d'une joint venture internationale seront régulièrement bien inspirés de procéder à une élection de droit100 et, le cas échéant, de stipuler une clause d’arbitrage. A défaut d'une élection de droit par les parties, le droit applicable au contrat de joint venture se détermine selon l'art. 150 al. 2 LDIP. Dès lors, si le contrat de joint venture s'est doté d'une organisation, à savoir d'une structure susceptible d'entrer en contact avec des tiers et d'établir des rapports avec eux101, le droit applicable est celui de l'Etat selon le droit duquel cette organisation a été mise 98 99 100 101 Cf. également, AMSTUTZ/SCHLUEP, Introduction à l'art. 184 N 456; FUNKE, 177, OERTLE, 192; TSCHÄNI, Joint Ventures, 72; DJALALI, 102 s. Cf. pour la société anonyme, l'art. 736 ch. 1 et 2 CO. Dans le même sens, p. ex. SCHNYDER, 90. HUBER, Joint-Venture, 61, 151; VON PLANTA/EBERHARD, art. 150 N 7. 26 Le contrat de joint venture en place102. Par contre, si une telle organisation fait défaut, le droit applicable se détermine selon les règles applicables aux contrats internationaux. Dans cette dernière hypothèse, le rattachement objectif selon le critère de la prestation caractéristique103 est toutefois très difficile à appliquer104. On appliquerait alors le droit où le centre d'activité est localisé 105. IV. Conclusions Les quelques réflexions qui précèdent ont montré que le contrat de (Equity) Joint Venture est une figure juridique complexe, à géométrie variable, dont la qualification n’est pas évidente. Tant des éléments contractuels que des éléments de droit des sociétés se conjuguent pour former un ensemble économique qui n’est pas facile à appréhender juridiquement. Aussi existe-t-il à la fois des arguments valables pour dire qu’il s’agit d’une société simple et des arguments ─ qui, à notre sens, sont plus pertinents ─ pour conclure que les éléments synallagmatiques aboutissent à un contrat innommé. Toutefois, face à la question controversée de savoir si le contrat de joint venture est une société simple ou un contrat innommé, il ne faut pas perdre de vue qu'en réalité, ni l'une ni l'autre des deux approches arrive, en tant que telle, à résoudre des litiges concrets. En effet, si l'on favorise l'approche de la société simple, on se voit contraint d'admettre que les règles dispositives de la société simple sont parfois inadéquates et ne peuvent pas être appliquées telles quelles sans mettre en cause la joint venture106. De même, le fait d'admettre que la joint venture est un contrat innommé n'empêche pas que, le cas échéant, il faut appliquer par analogie les règles légales sur les contrats nommés. D’un point de vue pratique, le défi juridique se révèle donc double: Pour les avocats, il consiste à rédiger un contrat de joint venture détaillé qui fournit aux parties un cadre réfléchi et stable tout en laissant la flexibilité nécessaire pour s'adapter à des situations inattendues. Pour les juges, le défi consiste à interpréter le contrat de joint venture comme la base fondamentale d'un 102 103 104 105 106 Art. 154 al. 1 LDIP; voir également, VON PLANTA/EBERHARD, art. 154 N 10 s.; KNOEPFLER/MERKT, 762; SCHNYDER, 87. ─ Pour le droit allemand, voir p. ex. EBENROTH, 266. Cf. également BAPTISTA/DURAND-BARTHEZ, 110 ss. Art. 117 LDIP. Voir p. ex. KNOEPFLER/MERKT, 764; SCHNYDER, 94. HUBER, Joint-Venture, 152 ("Aktivitätszentrum der Basisgesellschaft"); AMSTUTZ/ SCHLUEP, Introduction à l'art. 184 N 457; AMSTUTZ/VOGT/WANG, art. 117 N 80; SCHNYDER, 94 ("Zentrum der Aktivität des Joint Venture"). Par exemple, l'art. 546 CO. Thomas Probst Le contrat de joint venture 27 ensemble économique interdépendant. Cela peut inclure le comblement de lacune du contrat selon la volonté hypothétique des parties lorsque le droit dispositif (de la société simple ou d'un contrat nommé applicable par analogie) se révèle inapproprié pour un réseau de contrats interdépendants qui forme un ensemble économique. Les deux tâches ne sont pas faciles et demandent de la circonspection. 28 V. Le contrat de joint venture Bibliographie AMSTUTZ Marc, Die Verfassung von Vertragsverbindungen, in: AMSTUTZ M. (édit.), Die vernetzte Wirtschaft, Netzwerke als Rechtsproblem, Zurich, Bâle, Genève 2004, 45 ss. AMSTUTZ Marc/SCHLUEP Walter R., Einleitung vor Art. 184 ff. OR, in: HONSELL H./VOGT N.P./WIEGAND W. (édit.), Basler Kommentar, Obligationenrecht I, 4ème éd., Bâle 2007. AMSTUTZ Marc/VOGT Nedim Peter/WANG Markus, Art. 117 IPRG, in: HONSELL H./VOGT N. P./SCHNYDER A. K./BERTI S. 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