Action directe contre un assureur : compétence
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Action directe contre un assureur : compétence
Publié sur Dalloz Actualité (http://www.dalloz-actualite.fr) Action directe contre un assureur : compétence dans l’Union et loi applicable le 21 septembre 2015 AFFAIRES | Assurance | Contrat - Responsabilité CIVIL | Contrat et obligations | Droit international et communautaire | Procédure civile | Responsabilité EUROPÉEN ET INTERNATIONAL | Procédure En matière de responsabilité contractuelle, la personne lésée peut agir directement contre l’assureur de la personne devant réparation si la loi applicable à l’obligation contractuelle ou la loi applicable au contrat d’assurance le prévoit. Civ. 1re, 9 sept. 2015, FS-P+B+I, n° 14-22.794 La problématique Le règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale définit des règles de compétence spéciales en matière d’assurances. En matière d’assurances, la compétence est déterminée par les articles 8 à 14 du règlement, sans préjudice des dispositions de l’article 4 (qui vise en particulier l’hypothèse d’un défendeur non domicilié dans l’Union) et de l’article 5, point 5 (relatif au cas d’une contestation relative à l’exploitation d’une succursale, d’une agence ou de tout autre établissement). Par son article 9, le règlement énonce que l’assureur domicilié sur le territoire d’un État membre peut être attrait : a) devant les tribunaux de l’État membre où il a son domicile ; b) dans un autre État membre, en cas d’actions intentées par le preneur d’assurance, l’assuré ou un bénéficiaire, devant le tribunal du lieu où le demandeur a son domicile, ou c) s’il s’agit d’un coassureur, devant le tribunal d’un État membre saisi de l’action formée contre l’apériteur de la coassurance. L’article 10 ajoute que l’assureur peut, en outre, être attrait devant le tribunal du lieu où le fait dommageable s’est produit s’il s’agit d’assurance de responsabilité ou d’assurance portant sur des immeubles. Enfin, l’article 11 retient, notamment, que « les dispositions des articles 8, 9 et 10 sont applicables en cas d’action directe intentée par la victime contre l’assureur, lorsque l’action directe est possible ». Ainsi, afin de déterminer la juridiction compétente dans l’Union européenne pour connaître d’une action directe dirigée contre un assureur, il faut dans un premier temps déterminer si cette action est possible selon la loi applicable. La jurisprudence Cette question, qui relève de la matière des conflits de lois, a donné lieu à quelques arrêts de la Cour de cassation. Par un arrêt du 20 décembre 2000 (Civ. 1re, 20 déc. 2000, n° 98-15.546, Rev. crit. DIP 2001. 682, note V. Heuzé ; RTD com. 2001. 504, obs. B. Bouloc ; ibid. 1057, obs. P. Delebecque ), la première chambre civile a opéré une distinction : « si l’action directe de la victime contre l’assureur du responsable est régie, en matière de responsabilité contractuelle comme en matière de responsabilité quasi délictuelle, par la loi du lieu du dommage, le régime juridique de l’assurance Dalloz actualité © Éditions Dalloz 2017 Publié sur Dalloz Actualité (http://www.dalloz-actualite.fr) est soumis à la loi du contrat ». Cette approche a, par la suite, été reprise par un arrêt de la chambre commerciale du 5 avril 2011 (Com. 5 avr. 2011, n° 09-16.484, D. 2012. 1228, obs. H. Gaudemet-Tallon et F. Jault-Seseke ; Rev. crit. DIP 2011. 864, note S. Corneloup ), dont la portée est toutefois limitée puisque la cassation a été prononcée en raison d’un manque de base légale, les juges d’appel n’ayant pas, en substance, recherché quelle était la loi du lieu du dommage. Elle l’a également été par un arrêt de la première chambre civile du 5 décembre 2012, qui a cassé – dans la même affaire que celle ayant donné lieu à l’arrêt rapporté – une décision des juges du fond qui avait considéré incompétent le juge français saisi, sans rechercher « quelle était, en vertu de la règle de conflit du juge saisi, la loi applicable en matière de responsabilité contractuelle, afin de déterminer si l’action directe était possible ». Cette jurisprudence a été critiquée par un auteur éminent car la distinction opérée par l’arrêt du 20 décembre 2000, entre le principe de l’existence même de l’action directe et le régime juridique de l’assurance, a un fondement difficile à déterminer et car cette distinction n’apparaît pas utile, la loi du contrat d’assurance ayant vocation à appréhender ces deux aspects (V. Heuzé, note préc. sous Civ. 1re, 20 déc. 2000 ; du même auteur, Rép. internat., v° Assurances terrestres, n° 60). Elle l’a également été, plus spécifiquement pour ce qui concerne la matière contractuelle, car la référence à la loi du lieu du dommage, c’est-à-dire à un rattachement habituellement propre à la matière délictuelle, se justifie difficilement (V. M. Audit, S. Bollée et P. Callé, Droit du commerce international et des investissements étrangers, LGDJ, 2014, n° 580). Il n’en demeure pas moins que la portée de cette jurisprudence est aujourd’hui très limitée. L’évolution attendue en matière délictuelle En matière délictuelle, il faut tout d’abord rappeler qu’en matière d’accidents de la circulation, la question de la loi applicable à l’action directe est réglée par la Convention de La Haye du 4 mai 1971 sur la loi applicable en matière d’accidents de la circulation routière (art. 9). Ensuite, ainsi que les meilleurs auteurs l’ont relevé (V. H. Gaudemet-Tallon, Compétence et exécution des jugements en Europe, 4e éd., LGDJ, 2010, n° 275 ; M. Audit, S. Bollée et P. Callé, op. cit.), l’entrée en vigueur du règlement n° 864/2007 du 11 juillet 2007 sur la loi applicable aux obligations non contractuelles (Rome II) ne peut que faire évoluer la jurisprudence. Ce texte, applicable depuis le 11 janvier 2009, prévoit en effet, à propos de l’action directe contre l’assureur du responsable, que « la personne lésée peut agir directement contre l’assureur de la personne devant réparation si la loi applicable à l’obligation non contractuelle ou la loi applicable au contrat d’assurance le prévoit » (art. 18). La Cour de cassation ne pourra en conséquence qu’utiliser ces rattachements lorsqu’elle sera à nouveau confrontée à cette question dans le domaine délictuel. L’évolution réalisée par l’arrêt rapporté en matière contractuelle En matière contractuelle, le règlement n° 593/2008 du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Rome I), applicable depuis le 17 décembre 2009, ne contient pas de dispositions spécifiques à la question de l’action directe de la victime contre l’assureur. Le professeur Corneloup (V. note préc. sous Civ. 1re, 5 avr. 2011) a toutefois proposé, pour en finir avec la solution énoncée le 20 décembre 2000, de s’inspirer de l’approche retenue par le règlement du 11 juillet 2007 en vue d’établir un rattachement alternatif : l’action directe serait ouverte dès lors qu’elle serait admise soit par la loi applicable au contrat conclu entre la victime et le responsable du dommage, soit par la loi applicable au contrat d’assurance. C’est à l’évidence cette approche que l’arrêt rapporté consacre, par le principe reproduit en tête de ce commentaire. L’arrêt opère donc un revirement de jurisprudence ou, au moins, une évolution majeure guidée par l’entrée en vigueur des deux règlements européens. La solution qui est ainsi retenue peut être approuvée car elle opère un compromis permettant de Dalloz actualité © Éditions Dalloz 2017 Publié sur Dalloz Actualité (http://www.dalloz-actualite.fr) protéger les intérêts de la victime, ce que le recours à la seule loi du contrat d’assurance n’aurait pas pu assurer, étant toutefois précisé que cette dernière loi conserve quant à elle sa vocation à définir le régime de l’assurance. La portée de l’arrêt suite à l’entrée en vigueur du règlement n° 1215/2012 Il est utile de rappeler que le règlement n° 44/2001, mis en œuvre par l’arrêt rapporté, a été remplacé, depuis le 10 janvier 2015, par le règlement n° 1215/2012 du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale. L’article 13 de ce nouveau règlement reprend, en substance, les dispositions, précitées, de l’article 11 du règlement n° 44/2001. La solution consacrée par l’arrêt rapporté sera donc maintenue. Site de la Cour de cassation par François Mélin Dalloz actualité © Éditions Dalloz 2017