Allergie alimentaire et dermatite atopique
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Allergie alimentaire et dermatite atopique
Allergie alimentaire et dermatite atopique Docteur Chantal KARILA Service de pneumologie et allergologie pédiatriques Hôpital Necker-Enfants malades CFP2A 2013 (Karila, Arch Ped 2013) Histoire naturelle de la dermatite atopique (Dans la marche atopique) Thomas Né à terme - Pollinose maternelle Allaitement maternel exclusif 3 mois, puis introduction Nidal 1er âge DA progressive dès le 3e mois de vie. Aggravation avec, à 5 mois, un épisode de surinfection (traitement local dermatologique correct) Mis sous Peptijunior : pas de nette amélioration de la DA 6 mois - Réintroduction d’un biberon de 150 ml de lait vache : malaise avec pâleur et urticaire Bilan : prick-test positif lait de vache. Mis sous Prégestimil Suivi : 1 an - Apparition d’une allergie à l’œuf (urticaire, vomissements et prick-test positif) DA toujours présente, ainsi que l’APLV 4 ans - Toux, rhinite, prick-tests positifs acariens Histoire naturelle de l’allergie Histoire naturelle de la DA Maladie inflammatoire, résultant de l’interaction entre des prédispositions génétiques et des expositions environnementales Prédispositions génétiques En GB, étude de cohorte sur 14 541 mères enceintes : forte association entre DA chez l’un des parents et leurs enfants (Wadonda-Kabondo, Arch Dis Child 2004, 89:917) Dysfonctionnement de la barrière cutanée (Filaggrine) Les allèles nuls de la Filaggrine = facteur prédisposant à la sévérité/persistance de la DA et à l’apparition de l’asthme et la rhinite (van den Oord, BMJ 2009, 339:b2433) Autres gènes impliqués ? Just J, Rev Fr Allergol 2012, 52: 168 Insuffisance en Filaggrine et risque de comorbidités atopiques Irvine AD, NEJM 2011, 365:1315 Expositions environnementales (études de cohortes) Sensibilisation allergique et risque de DA ? - Cohorte MAS (allemande, 1314 enfants) : association entre une sensibilisation avant 1 an et une DA précoce (< 2 ans) (Illi S, JACI 2004, 113:925) - Sur 2184 enfants avec DA (17 mois) : ≈ 50% sont sensibilisés (allergènes alimentaires ou respiratoires) (Etude internationale - de Benedictis, Allergy 2009, 64:295) Théorie hygiéniste Prévalence DA plus élevée quand haut niveau socioéconomique et fratrie peu nombreuse. Importance de la diversité du microbiote intestinal pour le développement et la prévention des allergies (Wang, JACI 2008, 121:129) Expositions environnementales (études de cohortes) Alimentation solide précoce ? Résultats contradictoires (Filipiak, J Ped 2007, 151:352) Augmentation du risque de DA si éviction alimentaire prolongée Introduction retardée, après 6 mois / Enfants suivis de 18 mois à 6 ans (Alm 2006 - Hesselmar 2010 - Snijders 2008) Ou aucun effet de la date d’introduction des aliments sur la DA 18 733 NRS – Taiwan - Prévalence de 12,1% de DA à18 mois : Pas d’augmentation de la DA à18 mois quel que soit l’âge de la diversification (< 4 mois, entre 4 et 6 mois ou > 6 mois) (Chuang, Paediatr Allergy immunol 2011) Probiotiques ? (2 méta-analyses) La prise de probiotiques pendant la grossesse et le début de la vie, réduit l’incidence de la DA (Pelucchi, Epidemiology 2012, 107:1) Valable seulement pour le Lactobacillus (Doege, Br J Nutr 2011,26:1) Hypothèse sur la physiopathologie de la marche atopique (Burgess JA, J. Asthma 2009, 46:429) Prédisposition génétique - Filaggrine mutations - Autres mutations DA avec barrière cutanée déficiente Entrée d’allergène Sensibilisation cutanée Réexposition à l’allergène Th2 mémoires migrent vers les tissus lymphoïdes nasal et bronchique Sensibilisation des voies aériennes Asthme et/ou rhinite allergiques Facteurs environnementaux Allaitement, infection, sensibilisation, allergènes alimentaires, autre ? Une sensibilisation précoce à travers la peau est la 1ère étape de la marche atopique (70% des DA débutent <1an) DA et allergie alimentaire Quelle est la prévalence de l’allergie alimentaire chez les patients ayant une DA ? Chez quels patients rechercher une allergie alimentaire ? Eigenmann PA, Rev Fr Allergol. 2012 Dermatite atopique et allergie alimentaire Prévalence de la sensibilisation alimentaire dans la DA - 60% (au moins un prick-test positif) - Surtout si DA sévère et persistante - Élément de mauvais pronostic Prévalence de l’allergie alimentaire dans la DA - 15-30 à 40% , voir > 95% (DA sévère, enfant < 2 ans) - 1 ou 2 aliments : lait de vache, œuf, arachide, soja, blé, poisson (et cajou) Burks J Pediatr 1998, Wolkerstorfer Clin Exp Allergy 2002 Niggeman CEA 1999, Guillet Arch Dermatol 1992 Dermatite atopique par allergie alimentaire ? Filiation directe difficile à démontrer Isolauri JACI 1996 Sur 183 NRS d’âge moyen 14 mois, atteints de DA 99 TPO (54%) positifs au lait de vache : - avec 49% de réactions immédiates (prick positif 67%, patch positif 11%) - et 51% de réactions retardées (DA, prick positif 3%, patch positif 89%) Dermatite atopique et allergie aux protéines du lait de vache ? Souvent le seul aliment consommé quand apparait la DA (70% des DA débutent avant l’âge d’un an) Pour mémoire L’allergie aux protéines du lait de vache concerne 1 à 3% des nourrissons (Eggesbo 2001 - 3000 NRS norvégiens, Rona JACI 2007 (méta-analyse), Oshorne JACI 2011 - 2848 NRS) Thomas (discussion) Nécessité de pratiquer un bilan allergologique avant d’entreprendre un régime d’éviction dans les DA sévères Célesta Née à terme Mère pollinose Allaitement maternel exclusif, pas de lait vache à la maternité Urticaires péri-labiales répétées lors des bisous et DA A 5 mois – toujours allaitée - bilan pour DA - Prick-tests positifs lait vache - Mise sous Néocate A 8 mois - APLV - Début de la diversification 2 ans - Toujours APLV Asthme du NRS – Disparition de la DA Célesta (discussion) Allaitement maternel et rôle protecteur sur la DA ? Bénéfices relationnels…. et immunitaires certains Le risque d’infections respiratoires basses est diminué chez les nourrissons allaités au sein (≥ 2 mois) Galton Bachrach, Arch Pediatr Adolesc Med 2003,157:237 Allaitement maternel exclusif et prévalence de la DA Etudes encore peu concluantes Association entre l’allaitement maternel et l’apparition d’une DA dans les 18 premiers mois de vie, en fonction de l’atopie parentale (Benn, Am J Epidemiol 2004, 160:217) Cohorte de 15 430 mères - 11,5% d’incidence cumulée de DA à 18 mois Un allaitement exclusif ≥ 4 mois est associé à : une augmentation du risque de DA si aucun parent atopique (IRR = 1,29) mais pas si 1 parent (IRR= 1,1) ou 2 parents atopiques (IRR= 0,88) ! Méta-analyse (21 études prospectives de cohortes / 34 227 sujets – grande hétérogénéité) Allaitement maternel exclusif ≥ 3 mois et risque de DA ultérieure Pas d’association évidente, même chez les familles atopiques : • Population générale, diminution du risque de DA (odd ratio global de 0,8) • Si seules familles atopiques, odd ratio = 0,78 (Yang Br J Dermatol 2009, 161:373) Régime maternel (familles atopiques) Toujours d’actualité ? NON Alimentation du nouveau-né à risque atopique (recommandations actuelles) 1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. Pas de régime pendant la grossesse Allaitement maternel exclusif (au moins 4 mois) Pas de régime pendant l’allaitement Débuter la diversification après 17 semaines et avant 24 semaines - Avec des aliments riches en fer (viandes, œuf) - Et en acides gras polyinsaturés à longue chaine (œuf, poissons gras) Introduction progressive du gluten entre 4 et 6 mois Date d’introduction des aliments « allergisants » (noix, fruits exotiques…) libre Proscrire tout tabagisme passif, anténatal et postnatal « Fenêtre de tolérance » entre 4 et 6 mois Guidelines for the diagnosis and the management of food allergy in USA – JACI 2010 ESPGHAN Committee on Nutrition, 2008 Greer FR, Pediatrics 2008 - Rancé F, Arch Ped 2009 Dual-allergene-exposure hypothèses for pathogenesis of food allergy 20 . Epidemiologic risks for food allergy G Lack. JACI 2008 ; 121 : 1331-6. Mathieu Grand-père paternel asthme, un frère aîné ATCD de DA Pas d’allaitement maternel, sous lait HA DA sévère depuis l’âge de 3 mois, mal contrôlée par un traitement adapté Bilan allergologique (6 mois): Prick-test / IgE spécifiques négatifs Patch test positif lait vache Eviction lait de vache : mis sous Peptijunior Amélioration progressive de la DA Quand réintroduire le lait de vache ? Mathieu (discussion) L’allergie retardée Est dose-dépendante Explorée par les patch-tests : tester l’aliment mangé quotidiennement par l’enfant Le patch test ne fait pas le diagnostic : faire obligatoirement un régime d’éviction – réintroduction Mathieu (discussion) Les régimes d’éviction – réintroduction Durée de l’éviction pour juger de l’efficacité - 4 à 6 semaines (EEACI - Werfel Allergy 2007, 62:723), à poursuivre 3 mois si une amélioration de la DA est notée - Une fois la DA améliorée, durée ? A partir de l’âge de 1 an, essai de réintroduction Comment réintroduire ? - 2e bilan allergologique (prick et patch tests et IgE spécifiques) - Toujours réintroduction progressive. Paliers de 8 jours (beurre, puis traces de lait, laitages, et lait) Toute réintroduction après une période d’élimination doit être prudente et « supervisée » par un allergologue Nicolas, 5 mois 2 parents pollinose + asthme Nicolas, bonne croissance, lésions d’eczéma des joues et épaules Allaitement maternel (avec régime maternel, sans œuf, poisson, arachide et lait vache, prend lait de chèvre !) Les parents hésitent à diversifier et souhaitent un bilan allergologique 1. Pas de régime pendant l’allaitement 2. Vérifier le traitement de la DA 3. DA légère, pas de bilan allergologique, donner les conseils actuels de diversification alimentaire Et encore …, quand rechercher une allergie alimentaire devant une DA ? Adam Fox, London 2012 - Atopie familiale (1er degré) - DA résistante aux traitements - Aggravation de la DA lors des changements de nourriture (allaitement lait maternisé solides) - Association avec des signes digestifs (coliques, vomissements) ou des difficultés de croissance (une fois les diagnostics différentiels éliminés) - Si symptômes évoquant une allergie IgE médiée Faut-il réaliser un bilan allergologique ? Evaluation of the child with atopic dermatitis De Bruin Weller, Clin Exp Allergy 2011, 42:352 Tests allergologiques ? Trophallergènes Contre Seulement si symptômes autres que DA Risque de faire des évictions alimentaires non justifiées Pour Identifier le risque de développer des réactions cliniques avec les aliments chez le jeune enfant Conclusions Une DA sévère et mal contrôlée, dans une famille atopique (1er degré), est, le plus souvent, la porte d’entrée dans la maladie atopique Le syndrome dermo-respiratoire Sensibilisation ≠ allergie : pas d’éviction alimentaire sur des IgE spécifiques ou des patch-tests positifs (Diallertest) sans un avis allergologique