Le grand défi européen: comment combiner

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Le grand défi européen: comment combiner
SPEECH/07/410
Olli Rehn
Commissaire européen à l'Elargissement
Le grand défi européen: comment
combiner approfondissement politique
et élargissement graduel?
Ecole nationale de l'Administration
Strasbourg, le 20 juin 2007
Mesdames et Messieurs,
Je suis très heureux d’être ici à l’ENA, à Strasbourg, pour discuter avec vous d'un
sujet brûlant d'actualité, celui de l’avenir de l’Europe et de l’Union européenne.
Comme vous le savez, les chefs d'Etat et de gouvernements seront appelés demain
à établir les bases d'un accord sur un nouveau traité, lors du Conseil européen. La
relance du processus institutionnel européen est, aujourd'hui, la première priorité.
Nous en avons besoin pour revitaliser le projet politique européen et pour faire
valoir nos valeurs et nos intérêts dans le monde.
Mais, avant de rentrer dans le vif du sujet, je voudrais vous faire une confession:
celle de mes liens personnels à la France.
Je me sens chez moi, sur mon terrain, ici, à Strasbourg et en France. J’ai eu
l’occasion de venir régulièrement à Strasbourg entre 1991 et 1995, lorsque je
présidais la délégation finlandaise à l’Assemblée parlementaire du Conseil de
l’Europe. J'ai le plaisir de m'y rendre régulièrement depuis 1995, d'abord en tant
que député, puis fonctionnaire, et maintenant Commissaire européen.
C’est ici que j’ai acquis une grande partie de mes connaissances en matière de
politique européenne. C’est également ici que j’ai commencé à forger mes
convictions sur la politique de l’élargissement, parce que le début des années 90,
immédiatement après la Guerre Froide, était une période très active de
l’élargissement du Conseil de l’Europe. C'était un processus essentiel pour avancer
et ancrer la démocratie et l’état de droit en Europe centrale et orientale. Pour moi
personnellement c'était une école très utile pour mes fonctions actuelles.
Depuis des années, je passe toujours une partie des mes vacances en France,
normalement pendant la période des universités de l’été, afin de tenter de saisir le
sentiment des citoyens et citoyennes de ce pays fondateur de l’UE. Et j’étais là, au
Stade de France, puis aux Champs Elysées, en juillet 1998, le jour où les Bleus ont
gagné la Coupe du Monde avec une équipe très républicaine, au sens de
multiculturelle et multiethnique – un moment de bonheur collectif inoubliable.
J'ai appris la langue française en tant qu'adulte, en lisant essentiellement sur
l'histoire, la politique et les relations internationales de la France, qui est un pays
grand et fascinant, mais aussi complexe, et, de temps en temps, difficile.
Ma fille de neuf ans a plus de chance. Elle parle le français et s’attache à corriger
ma prononciation, non par moquerie, mais parce que mon discours lui fait mal aux
oreilles!
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Revenant au sujet de mon intervention devant vous, le défi majeur que représente
l'intégration européenne, il y a trois points que je voudrais développer :
- 1. L'approfondissement de l'intégration économique et politique de l'Union et, en
parallèle, la poursuite d'une politique d’élargissement graduelle ont constitué la
pierre angulaire de la construction européenne jusqu’à ce jour, et ont permis à
l’Europe de devenir une puissance mondiale.
- 2. La mondialisation économique et politique impose aujourd’hui un examen de
conscience à l’Europe, et plaide pour un approfondissement de ses politiques et
mécanismes internes.
- 3. En même temps, les enjeux stratégiques – l'extension de la zone de paix et de
prospérité, de liberté et de démocratie – imposent à l’Europe de poursuivre sur
la voie d’une politique d’élargissement graduelle et maîtrisée.
I. En cinquante ans de construction européenne l’Union a obtenu des résultats
remarquables, grâce à la combinaison de son approfondissement politique et de
son élargissement graduel.
Sur les vingt dernières années, nous avons construit le marché intérieur, autorisé la
libre circulation des personnes, créé l’Euro, fortement renforcé notre politique
étrangère et de la sécurité commune et jeté les bases d’un renforcement d’une
politique de sécurité intérieure, pour ne citer que les succès les plus remarquables.
Or, pendant la même période, nous avons plus que doublé le nombre de nos
membres, passant d’une Communauté de 12 Etats membres en 1986 à une Union
à 27 en 2007.
Que l’on considère l’évolution de la Grèce sortie de la période des colonels, de
l’Espagne de Franco, du Portugal de Salazar, ou la réunification du continent après
la chute du mur de Berlin, la perspective d'une adhésion à l'Union européenne a eu
pour effet de stimuler les réformes démocratiques et économiques mieux que
n'aurait pu le faire la menace du bâton ou du glaive.
L'élargissement de 2004 est, lui, le résultat d'une véritable transformation
démocratique qui s’est déroulée, de manière progressive et pacifique. Qui sait ce
qu’il serait advenu du continent après la chute du rideau de fer, en l’absence de
perspectives européennes ?
Sur le plan économique, l’élargissement a stimulé un nouveau dynamisme. Les
changements de 1989 dans les pays d’Europe centrale et orientale ont ouvert un
marché de 100 millions de consommateurs aux compagnies occidentales, créant
des opportunités d'exportations et d’investissements sans précédent.
C’est par la combinaison de son approfondissement interne et de ses
élargissements successifs que l'Europe a pu avec succès s'adapter aux mutations
passées. L'Union européenne actuelle, forte de 27 États membres et de près de
500 millions d'habitants, est beaucoup plus puissante et plus influente que la
communauté économique qui regroupait, il y a un demi-siècle, six États et moins de
200 millions de personnes.
Approfondissement et élargissement ne sont donc pas contradictoires, mais
complémentaires. C’est par leur combinaison que l’Europe est plus forte, plus
puissante, plus influente aujourd’hui.
II. Pour répondre aux défis de la mondialisation économique et politique, l’Europe
doit renforcer sa capacité d’action interne par l’approfondissement de ses structures
et politiques.
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L’Union a atteint des résultats remarquables sur les 50 dernières années, mais le
contexte actuel ne laisse pas de place à la complaisance. Le monde évolue très
rapidement, nous ne pouvons pas y échapper, il vaut mieux s'y adapter avec
dynamisme.
Les projections économiques et démographiques annoncent une redéfinition
fondamentale des équilibres internationaux. Le 21ème siècle devra compter avec la
Chine, le Brésil et l'Inde au rang des grandes puissances. A contrario, à l'horizon
2025 l'Europe, Russie comprise, ne devrait plus représenter que 9% de la
population mondiale. Il s'agit là d'une évolution spectaculaire à mettre en
perspective avec le fait que la population européenne en 1950 représentait encore
le quart de l'ensemble de la population mondiale.
Il est urgent que l’Union renforce l’influence commune de ses Etats membres en
parlant d’une seule voix et en adoptant une ligne d’action cohérente sur la scène
internationale.
Une réforme institutionnelle est également nécessaire pour améliorer l'efficacité et
la légitimité de la prise de décision dans une Union élargie. Nous devons consolider
les fondations sur lesquelles nous continuons de construire notre maison
européenne. Ou si vous préférez – comme disait Jacques Delors – nous devons
renforcer notre contrat de mariage:
“Pour passer de 12, de 15 à 25, il faut du temps (…), il faut créer un minimum
d'esprit de famille, de compréhension des autres, de connaissance de leur
psychologie et de leurs traditions nationales. En bref, le contrat de mariage entre les
25 doit être consolidé et enrichi.”
L'esprit de famille sera testé au Conseil européen, car nous avons besoin d'un
nouveau traité. Je souhaite que le Conseil européen puisse se conclure sur le
lancement d'une conférence intergouvernementale avec pour objectif que le
nouveau traité puisse entrer en vigueur avant les élections européennes de 2009.
En tout état de cause nous en avons besoin avant l'adhésion de tout nouveau
membre à l'Union pour poursuivre l'approfondissement et l'élargissement en
parallèle.
Selon toute probabilité cette place reviendra à la Croatie. Les négociations
d'adhésion sont en rythme de croisière et si le pays renforce les réformes, la Croatie
a toutes les chances d'être en mesure de respecter les obligations qui incombent à
un Etat membre autour de la fin de la décennie.
III. Mais, si l'heure est venue de donner priorité à son renforcement institutionnel,
l'Union européenne ne peut pas pour autant faire l'impasse des enjeux stratégiques
liés à l'extension de la zone de paix, liberté et de prospérité aux Etats qui
l'entourent.
L’Europe doit nombre de ses réalisations à la force d’attraction et au pouvoir de
conviction qu’une perspective communautaire a su exercer sur des Etats qui sont
depuis venus la rejoindre et la renforcer, ce qu’en anglais je qualifierais de « soft
power » de l’Union.
Joseph S. Nye, professeur à l'université de Harvard, a défini le soft power comme la
capacité de parvenir à ses fins non par la contrainte, mais en exerçant une force
d'attraction. Cela décrit parfaitement l'essence du pouvoir qu'exerce l'Union
européenne, en particulier en ce qui concerne notre politique d’élargissement.
Et pourtant, nous ne pouvons ignorer le scepticisme que la politique d'élargissement
soulève dans certains Etats membres. En politiques responsables, nous devons
écouter, analyser et comprendre les préoccupations et inquiétudes légitimes des
citoyens.
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Ce scepticisme, je me l'explique par deux raisons fondamentales.
Premièrement, nous sommes confrontés à certains mythes, inventions fantaisistes
sur les pays candidats ou leurs habitants – ces mythes là, nous devons les
combattre en présentant les faits tels qu'ils sont.
Deuxièmement, l'élargissement est souvent pris comme le bouc émissaire des
échecs des politiques internes. Le blues de l'élargissement renvoie souvent au
blues de la mondialisation, et aux peurs qui y sont attachées : peur du chômage,
des délocalisations, d'abandon de l'Etat social, ou d'une immigration non maîtrisée.
Dès lors, les réponses correctes à ces craintes justifiées relèvent bien davantage de
la mise en place des réformes nécessaires à la relance de l'économie et de l'emploi,
qu’à une interruption de la politique d’élargissement de l’Union.
Le besoin d'approfondir les politiques internes, d'assurer les intérêts stratégiques de
l'Union et d'écouter nos concitoyens a mené les chefs d'Etat et de gouvernements
européens, à la fin de l'année dernière à renouveler le consensus sur la politique
d'élargissement.
Ce consensus réconcilie l'intérêt stratégique de l'Union, qui est d’étendre l’espace
de paix, de liberté et de prospérité qu'elle a su créer en son sein avec le maintien et
le développement de sa capacité de décision et d’action.
Pour respecter cet équilibre nous avons consolidé l'agenda de l'élargissement en
respectant les engagements déjà pris, c'est-à-dire en nous concentrant sur l'Europe
de Sud-est - les Balkans occidentaux et la Turquie. En revanche, à ce stade, nous
ne nous sentons pas en mesure de prendre de nouveaux engagements. Donc le
premier mot d'ordre de ce consensus renouvelé est la consolidation.
Le deuxième mot d'ordre est celui de la conditionnalité. Cette perspective
européenne ne peut aboutir que si les pays candidats remplissent à la lettre les
critères posés à leur adhésion à l'Union. Ce n'est pas la rapidité, mais la qualité qui
compte. Il s'agit d'un processus graduel et bien maîtrisé.
Notre politique d’adhésion n’est pas un TGV, mais plutôt un train local qui roule
solidement ancré sur ses rails, mais dont la vitesse dépend de la manière dont
chaque pays candidat remplit les conditions liées à chaque étape. Contrairement à
certaines opinions exprimées, il n'y a aucun automatisme dans les négociations
d'adhésion.
S'agissant des Balkans, leur intégration demeure pour moi la meilleure garantie
d'une stabilisation de la région.
La promesse d’une perspective européenne a été offerte aux pays des Balkans
occidentaux dès le sommet de Thessalonique en juin 2003, au lendemain de la
guerre qui a déchiré la région. Cette promesse agit depuis lors comme un facteur
puissant de pacification dans une région longtemps qualifiée de « poudrière de
l’Europe ». En fait, la perspective européenne est le ciment qui maintient les pays
de cette région sur la voie de la paix et des réformes.
Avec ces Etats, nous avons mis en place un « processus de Stabilisation et
d’Association », qui dit bien son nom. Considérés comme antichambre du
processus d’adhésion, les accords de stabilisation et association ont permis
d’ancrer solidement plusieurs Etats dans des relations contractuelles avec l’Union. Il
s'agit de la Croatie, de l’ancienne république yougoslave de Macédoine, de
l'Albanie, de la Bosnie Herzégovine, du Monténégro et de la Serbie – chacun de ces
pays fait du progrès sur son chemin européen selon ses propres mérites.
Pour illustrer la force d’attraction et le pouvoir pacificateur que peut véhiculer la
perspective européenne, je souhaite m’arrêter un instant sur la situation politique en
Serbie et au Kosovo.
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Il y a tout juste un mois, la Serbie a sérieusement menacé de retomber dans les
affres du nationalisme extrême, avec la nomination de M. Nikolic, du Parti serbe
radical, à la Présidence du Parlement. La perspective européenne a aidé à
renverser la tendance in extremis, par la nomination d’un gouvernement réformateur
pro-européen seulement 29 minutes avant l’expiration du délai légal à minuit le 15
mai 2007. Un dénouement digne des meilleurs thrillers.
L'engagement du nouveau gouvernement serbe en faveur d'une coopération
renouvelée avec le tribunal pénal international de la Haye a depuis permis de
relancer, la semaine dernière, les négociations d'un accord de stabilisation et
d'association interrompues depuis un an.
Les enjeux pour la stabilité de la région sont encore plus élevés si l’on considère les
discussions en cours au Conseil de sécurité des Nations-Unies sur le statut futur du
Kosovo, sur la base des propositions du Président Martti Ahtisaari. Pour voir un
Kosovo démocratique, véritablement multiethnique et économiquement viable
émerger de ce processus, nous avons besoin d'une résolution claire du Conseil de
sécurité des Nations-Unies. Sur cette base l'Union européenne est prête à assurer
le rôle d'acteur principal dans la présence civile internationale.
Donc, les Balkans occidentaux, ancienne poudrière de l’Europe, sont aujourd’hui en
voie de retrouver une place normalisée en Europe, au même plan que les pays de
l’UE. En paraphrasant Churchill, il est grand temps que les Balkans occidentaux
puissent se transformer de producteurs en consommateurs d’histoire. Et il faut que
l’Union européenne les soutienne solidement en leur offrant une perspective
européenne concrète et consistante.
La perspective européenne offerte à la Turquie par la voie des négociations
d’adhésion repose sur une vision stratégique et historique qui est plus que jamais
pertinente.
Sous l’angle historique, la Turquie a été partie prenante de l’histoire de l’intégration
européenne sur le demi-siècle passé. Dès 1949, la Turquie est devenue membre du
Conseil de l’Europe. Membre de l’OTAN depuis 1952, la Turquie a défendu
activement le flanc Sud-est de l’Europe. On a trop souvent tendance à oublier que,
du fait de sa frontière directe avec l’Union soviétique, la Turquie est le seul allié au
sein de l’OTAN qui ait affronté directement l’armée rouge et la flotte soviétique de la
mer noire.
Dès 1959, la Communauté entamait les négociations d’un accord d’association
avec la Turquie, qui, signé à Ankara en novembre 1963 et depuis appelé « accord
d’Ankara », est devenu le premier lien contractuel de la Communauté avec un pays
tiers. Le préambule et l’article 28 de cet accord mentionnaient déjà la perspective
pour la Turquie d’une adhésion à la Communauté européenne.
Et quand, en 1999, les chefs d’Etat et de gouvernements ont décidé à Helsinki
d’accorder le statut de pays candidat à la Turquie, l’objectif était - je cite – « de
rejoindre l’Union sur la base des mêmes critères que ceux appliqués aux autres
pays candidats ».
Finalement, le 3 octobre 2005, l’Union européenne et la Turquie se sont mises
d’accord sur un cadre de négociations, qui indique clairement que l’objectif ultime
en est l’adhésion, même si le processus demeure ouvert et que l’adhésion ne
saurait être automatique.
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Les sceptiques s'interrogent: mais pourquoi la Turquie est si importante que, depuis
des décennies, nous continuons à lui faire miroiter une perspective européenne, en
dépit des craintes de l'opinion publique dans plusieurs pays de l'Union? Est-ce
parce que nous souhaitons faire plaisir à un pays qui continue de demander son
adhésion de manière insistante? Est-ce parce qu'une part de nous même n'arrive
pas à oublier les délices d'Istanbul et des rives du Bosphore?
Pas du tout. La Turquie demeure un partenaire essentiel pour l'Europe, et la chute
du rideau de fer n'a en rien réduit sa valeur stratégique. La Turquie a un rôle clé à
jouer dans le dialogue des civilisations et la relation de l'Occident à l'Islam.
Le processus d'adhésion est dès lors une opportunité que nous ne devons pas
laisser passer. C'est l'occasion de démontrer que l'Islam, la seconde religion de
notre continent, est compatible avec l'Europe et ses valeurs, c'est-à-dire avec la
démocratie, le respect des droits de l'homme et la modernité. En tant que
république laïque avec une population majoritairement islamique, une Turquie
démocratique solidement ancrée dans l'Union européenne serait un exemple de
poids à opposer aux revendications des fondamentalistes sur l'incompatibilité entre
démocratie et Islam – comme illustré par Olivier Roy (L'Islam mondialisé) ou Thierry
Zarcone (La Turquie moderne et l'islam).
Je cite Zarcone: "Alors qu'à l'époque de la guerre froide l'islamisme traditionnel
voyait le monde […] comme l'arène du "choc des civilisations", le néo-islamisme au
contraire […] s'éloigne de cette vision et veut le voir, aujourd'hui, comme une
"réconciliation des civilisations". De même, le néo-islamisme ne veut ni entendre
parler d'un conflit Islam-Occident, ni décrire la CE comme un "club chrétien". Son
objectif est de bâtir, à l'intérieur et à l'extérieur du pays, une "culture du
rapprochement" basée sur un compromis autour des valeurs."
Ses atouts stratégiques touchent à la stabilité et la sécurité de notre continent. La
Turquie est un ancrage pour la stabilité dans une des régions les plus instables du
globe. Elle est une référence en termes de démocratie pour le Moyen-Orient et le
monde musulman, du Maroc jusqu'en Malaisie. Sans oublier la sécurité de nos
approvisionnements énergétiques.
Sur le plan économique également, la Turquie est un pays important pour nous.
C'est un pays à très forte croissance qui offre à nos entreprises d'importants
débouchés commerciaux et opportunités d'investissements. La France est en fait le
deuxième investisseur en Turquie.
En Turquie, les démocrates comptent sur le soutien de l'Europe pour faire
progresser les réformes. Si la perspective d'adhésion s'éloigne, ce sont la
démocratie turque et la stabilité du pays – et, par ricochet, la nôtre - qui en seront
affectées, représentant une risque à une radicalisation vers les extrêmes,
nationalistes autant qu'islamistes, dont l'issue demeure incertaine.
Le cadre de négociations, adopté en octobre 2005 à l'unanimité, par les Etats
membres de l'Union, et le partenariat pour l'adhésion qui le complète, prévoient
avec beaucoup de détails l’ensemble des réformes que la Turquie doit mettre en
œuvre avant d’être considérée apte à rejoindre l'Union. Il prévoit également l’échelle
temporelle selon laquelle ces réformes sont attendues.
Au titre des priorités à court et moyen termes, figurent toutes les réformes
fondamentales qui doivent conduire la Turquie à un état de droit compatible avec
l’ensemble des valeurs européennes : la liberté d’expression, le respect des droits
de l’homme, la liberté de culte, la protection des minorités, le droits des femmes,
etc. Nous attendons des progrès concrets et convaincants à court terme, dès la
prise de fonction du nouveau gouvernement turc à l'automne.
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Pour moi le marché est clair : il reviendra au prochain gouvernement de faire la
preuve de la capacité de la Turquie d’intégrer l’Union, sur la base d’une politique
déterminée de réformes garantissant le respect des valeurs fondamentales
européennes, assortie de résultats concrets sur le terrain. J'attends qu'il revitalise le
processus de réformes afin de redonner un momentum au processus de
négociations.
Les priorités à long terme, de l’ordre de la décennie, exigent pour leur part que
l’ensemble du droit turc soit aligné sur le droit communautaire. Le gouvernement
actuel a adopté une feuille de route avec l'intention d'y arriver à l’horizon 2013.
Nous saluons cette ambition, car ceci donne un fil conducteur pour les réformes. En
même temps nous ne fixons pas des dates butoirs pour l'adhésion des pays
candidats, car c'est la qualité qui compte, pas la vitesse.
Pour les raisons que j'ai évoquées, je pense que pour l'Union européenne la
meilleure manière de se comporter avec la Turquie, est simplement d'être juste et
rigoureux.
Nous devons être juste, en respectant nos engagements qui soutiennent les
réformes en Turquie et contribuent à la transformation de ce grand pays. Nous
devons être rigoureux, en nous assurant que la Turquie remplit les critères à la
lettre.
Voici, les grands enjeux de la politique de l'élargissement.
En conclusion permettez-moi d'exprimer mon espoir que cette semaine nous
verrons le lancement d'une réforme institutionnelle de l'Union. J'espère que nous
pouvons ainsi poser la fondation d'un renouveau du projet européen qui nous
permettra également de continuer d'étendre la zone de paix, de liberté et de
prospérité que nous construisons depuis un demi-siècle. C'est-à-dire, travailler en
parallèle pour l'approfondissement politique et l'élargissement graduel et bien
maîtrisé de l'Union européenne. C'est notre grand défi européen.
Je vous remercie de votre attention.
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