Cancers bronchopulmonaires non à petites cellules – Non
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Cancers bronchopulmonaires non à petites cellules – Non
dossier thématique Quelles chimiothérapies pour quels patients âgés ? Cancers bronchopulmonaires non à petites cellules Non-small-cell lung cancer Laure Belmont*, Armelle Lavolé*, Bernard Milleron*, Marie Wislez* L e cancer bronchopulmonaire (CBP) est la cause la plus fréquente de décès par cancer dans le monde et en France, où il y a près de 28 000 décès par an : les cancers bronchiques non à petites cellules (CBNPC) représentent 85 à 90 % des cas et les cancers à petites cellules (CPC), 10 à 15 % des cas. Son incidence a augmenté au cours des quarante dernières années, et plus particulièrement chez les personnes âgées, avec un âge médian au diagnostic de 70 ans. Dans une étude hospitalière française récente, portant sur un registre de 5 000 CBP, les sujets de plus de 70 ans représentaient le tiers des cas (1). Ces chiffres vont s’accentuer du fait du vieillissement de la population. De plus, si la mortalité par CBP a baissé d’environ 5 % chez les moins de 65 ans depuis les quinze dernières années, elle reste stable pour les plus de 70 ans (2). Les patients âgés présentent des comorbidités et des particularités physiologiques compliquant le choix du traitement. Ils sont sous-représentés dans les essais thérapeutiques et sous-traités en pratique quotidienne. Il n’est pourtant pas démontré que l’âge constitue en soi un facteur de mauvais pronostic. * Service de pneumologie et de réanimation, hôpital Tenon, Paris. Les particularités de prise en charge par chimiothérapie (CT) des sujets âgés ayant un CBNPC sont présentées ici à la lumière des essais thérapeutiques publiés. Soulignons que les données disponibles ne sont pas facilement analysables, l’âge limite variant d’une étude à l’autre. Dans la plupart des séries récentes, c’est le seuil de 70 ans qui est maintenant retenu pour parler de sujet âgé. 502 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XVII - n° 10 - décembre 2008 Cancer bronchique non à petites cellules localisé Chimiothérapie adjuvante Une méta-analyse réalisée en 1995 par le NonSmall-Cell Lung Cancer Collaborative Group (3), ayant repris les données de 4 357 patients inclus dans des essais cliniques comparant une chirurgie seule à une chirurgie associée à une CT, avait montré un bénéfice en termes de survie de 5 % à 5 ans d’une CT adjuvante à base de platine, mais sans que celui-ci atteigne la significativité. Dans les trois dernières années, ce bénéfice a été confirmé pour les stades II et IIIA par 3 grands essais randomisés de phase III (4-6) ainsi que par la méta-analyse LACE (7). Le gain de survie à 5 ans était compris, dans les 3 essais randomisés, entre 8 % et 15 %, avec un hazard-ratio (HR) compris entre 0,62 et 0,79. La CT adjuvante est devenue un standard pour les stades II et IIIA. Ces données ne sont pas nécessairement extrapolables aux sujets âgés. En effet, le bénéfice d’une CT à base de platine pourrait diminuer, voire disparaître, du fait d’une toxicité plus importante dans ce groupe de patients. À l’heure actuelle, les données disponibles sont essentiellement rétrospectives. Une analyse de sous-groupe de la méta-analyse du Non-Small-Cell Lung Cancer Collaborative Group (3) a montré que le bénéfice en termes de survie de la CT était indépendant de l’âge. L’influence de l’âge a été étudiée rétrospectivement à partir de l’étude de phase III JBR10, comparant une association de CT par cisplatine à la dose de 50 mg/m2 (J1, J8) toutes les 4 semaines à de la vinorelbine à la dose de 25 mg/m2 toutes les semaines Résumé Le cancer bronchopulmonaire est la cause la plus fréquente de décès par cancer dans le monde et en France. Son incidence a augmenté au cours des quarante dernières années, et plus particulièrement chez les personnes âgées, avec un âge médian au diagnostic de 70 ans. L’âge en lui-même n’est pas une contre-indication à l’administration d’une chimiothérapie (CT), mais celle-ci nécessite la prise en charge globale des comorbidités et des altérations physiologiques des différentes fonctions. Pour les cancers bronchiques non à petites cellules (CBNPC) avancés, le bénéfice en termes de survie d’une CT par une molécule de troisième génération est prouvé. En revanche, la place des doublets à base de platine reste à définir. Ceux-ci ont probablement un bénéfice pour des sous-populations très sélectionnées. Les inhibiteurs des récepteurs tyrosine kinase de l’epidermal growth factor receptor (EGFR) semblent avoir un intérêt en deuxième ligne après un échec d’une CT conventionnelle. Pour les CBNPC localement avancés, le traitement de référence est la radiothérapie, l’intérêt de la CT n’étant pas validé. Pour les CBNPC localisés, le traitement adjuvant à la chirurgie reste à définir ; là encore, il existe probablement un bénéfice pour des populations très sélectionnées. pendant 16 semaines chez 482 patients suivis pour un CBNPC de stades IB et II (8). Dans cette étude, les patients âgés de plus de 65 ans (n = 155) avaient un performance status (PS) à 0 et un adénocarcinome de façon significativement moins fréquente que les patients de moins de 65 ans (n = 327). Dans la population globale de l’essai, la survie globale (SG) et la survie spécifique par cancer des patients de plus et moins de 65 ans étaient comparables (HR : 0,77 ; IC95 : 0,57-1,03). Les sujets de plus de 70 ans bénéficiaient significativement de la CT par rapport aux patients du groupe contrôle, avec une survie à 5 ans de 68 % et 48 %, respectivement (HR : 0,61 ; IC95 : 0,38-0,98). Ce bénéfice était perdu dès lors que l’âge était supérieur à 75 ans. Néanmoins, ce sous-groupe ne comprenait que 23 patients. Les patients âgés de plus de 65 ans refusaient plus souvent le traitement et recevaient significativement moins de doses de CT que les sujets de moins de 65 ans. Le nombre d’hospitalisations et les toxicités – sauf les myalgies et la fatigue, plus fréquentes chez les patients âgés de plus de 65 ans – étaient comparables dans les 2 groupes d’âge. Malgré une dose totale moindre de CT, un bénéfice en termes de survie de la CT adjuvante à base de platine était observé chez les sujets âgés au prix d’une toxicité acceptable, mais ce pour un âge inférieur à 75 ans. Ces résultats n’ont pas été retrouvés dans la métaanalyse récente LACE (9) étudiant l’effet d’une CT adjuvante à base de platine chez 4 584 patients provenant de 5 essais thérapeutiques. Le bénéfice en termes de SG n’était pas significatif pour 417 patients de plus de 70 ans (HR : 0,90 ; IC95 : 0,70-1,16), contrairement aux patients de moins de 70 ans (HR : 0,86 ; IC95 : 0,78-0,94). Les patients âgés recevaient significativement moins de cycles de CT et des doses cumulées plus faibles (p < 0,0001). La toxicité était comparable dans les 2 groupes. Il n’est donc pas certain que les patients de plus de 70 ans bénéficient d’une CT adjuvante, et en tout cas d’une bithérapie telle que celle utilisée dans ces essais. Néanmoins, les données disponibles sont pauvres. Aucun essai prospectif de CT adjuvante dédiée aux sujets âgés n’est en cours. L’intérêt d’une monochimiothérapie utilisant une molécule de troisième génération mieux tolérée pourrait être évalué dans cette population. Chimiothérapie néo-adjuvante La CT néo-adjuvante, dont la compliance est meilleure que celle de la CT adjuvante, pourrait avoir une place dans le traitement des patients âgés, mais aucune étude dédiée aux sujets âgés n’est disponible. Cancer bronchique non à petites cellules localement avancé non opérable Plusieurs essais ont confirmé, dans la population générale, la supériorité de l’association d’une CT et d’une radiothérapie par rapport à une radiothérapie exclusive, avec un avantage de survie pour des régimes concomitants par rapport aux régimes séquentiels (10, 11). Deux études de phase II dédiées aux patients âgés ont montré que des régimes à faible dose de CT (carboplatine 30 ou 70 mg/m2, gemcitabine 30 mg/m2 toutes les semaines) associés à la radiothérapie pouvaient être efficaces et bien tolérés (12, 13). S e p t a n a ly s e s ré t ro s p e c t i ve s d ’e s s a i s d e phase II ou III analysant les sous-groupes des patients âgés ont montré des résultats contradictoires (14-19) [tableau I]. Certaines études concluaient à un surcroît de toxicité et à une absence de bénéfice en termes de survie d’une intensification de traitement (association d’une CT à la radiothérapie ou bifractionnement de la radiothérapie) dans le sous-groupe des personnes âgées. D’autres mettaient en évidence un bénéfice en termes de survie associé à la CT, indépendamment de l’âge. Le seul essai de phase III comparant, chez des patients de plus de 70 ans suivis pour un CBNPC de stade III, une radiothérapie (60 Gy) à une association de radiothérapie (60 Gy) et de carboplatine (30 mg/m2) a été stoppé prématurément après 46 inclusions du fait de 4 décès toxiques, dont 3 dans le bras avec carboplatine (20). Néanmoins, ces résultats sont ininterprétables, deux de ces trois décès étant reliés à des violations de protocole par excès d’irradiations. Mots-clés Sujets âgés Chimiothérapie Thérapeutique ciblée Highlights Lung cancer is the leading cause of cancer death worldwide and in France. Its incidence increased during the last few decades and mostly for elderly with a median age at diagnosis of about 70 years. Age itself is not a contraindication to chemotherapy, but its administration can be compromised by factors including comorbidities and requires a careful consideration of each patient’s characteristics. For advanced non-small-cell lung cancer (NSCLC), the survival benefit of a third generation chemotherapy drug is demonstrated, but not that of platinum doublets for a nonselected population. The benefit of EGFR inhibitors administered in second-line is recognised. Radiotherapy is the standard treatment for locally advanced disease and the benefit of an associated-chemotherapy is not demonstrated. For localized disease, the survival benefit of an adjuvant treatment is not demonstrated but probably exists for very selected patients. Keywords Elderly Chemotherapy Targeted therapy La Lettre du Cancérologue • Vol. XVII - n° 10 - décembre 2008 | 503 dossier thématique Quelles chimiothérapies pour quels patients âgés ? Cancers bronchopulmonaires non à petites cellules Tableau I. Analyse de sous-groupes d’essais de radio-chimiothérapie comparant les sujets âgés aux sujets plus jeunes. Auteurs Essais analysés Schémas de traitement Efficacité Toxicité Comparaison du pronostic selon la tranche d’âge Movsas et al. (14) 6 essais de phases II et III RT versus RT hyper-fractionnée ou CTRT concomitante ou CTRT séquentielle Pas de bénéfice de survie d’une intensification de traitement chez les patients de plus de 70 ans Schild et al. (15) Essai de phase III CTRT concomitante, monoou bifractionnée Survie identique des patients de moins et de plus de 70 ans Werner-Wasik et al. (16) 9 essais de phase I-III RT CTRT concomitante CTRT séquentielle Survie plus courte des patients de plus de 70 ans que des patients de moins de 70 ans Essai de phase III CTRT concomitante CTRT séquentielle Survie identique selon les tranches d’âge Augmentation de la toxicité hématologique avec l’âge Rocha-Lima et al. (17) – Augmentation de la toxicité chez les plus de 70 ans – Étude de l’effet de l’âge sur le pronostic Langer et al. (18) Essai de phase III CTRT concomitante versus CTRT séquentielle Bénéfice de survie d’une CTRT concomitante Augmentation de la toxicité à court terme chez les plus de 70 ans Langer et al. (19) 3 essais de phase II-III RT versus CTRT concomitante ou CTRT séquentielle Pas de bénéfice d’une CTRT par rapport à une RT standard chez les patients de plus de 70 ans Augmentation de la toxicité chez les plus de 70 ans en cas d’intensification RT : radiothérapie, CTRT : chimio-radiothérapie. Il n’y a, à l’heure actuelle, pas suffisamment de données pour proposer une association radiothérapie + CT aux patients de plus de 70 ans. Des études prospectives dédiées aux sujets âgés de plus de 70 ans sont nécessaires pour juger de l’intérêt de cette stratégie. Cancer bronchique non à petites cellules avancé Si la place de la CT a clairement été démontrée dans plusieurs essais comparant CT et traitement de confort, peu de patients âgés étaient inclus dans ces essais, de sorte qu’il est impossible d’appliquer aux sujets âgés les règles de traitement des sujets plus jeunes. Cela explique sans doute que, dans deux enquêtes récentes menées en France, 23 % et 16 % des patients âgés de plus de 70 ans ont eu un traitement exclusivement symptomatique (21, 22). Monochimiothérapie ◆◆ Première ligne Les monothérapies à base de molécules de troisième génération (vinorelbine, paclitaxel, gemcitabine ou docétaxel) ont été testées lors d’essais de phases II et III dédiés aux patients âgés atteints de CBNPC avancés. 504 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XVII - n° 10 - décembre 2008 La vinorelbine a été testée dans 5 essais de phase II, avec des taux de réponse allant de 4 % à 39 % et des médianes de survie allant de 5 mois à 10 mois (tableau II) [23-27]. Le profil de toxicité était acceptable. L’essai de phase III multicentrique ELVIS (ELderly Vinorelbine Italian Study) a montré qu’une première ligne de CT par vinorelbine (30 mg/m2, J1, J8 toutes les 3 semaines) améliorait la qualité de vie et la survie de 191 patients de plus de 70 ans, par rapport à des soins de confort, avec une médiane de survie de 28 semaines pour le bras vinorelbine, contre 21 semaines pour le bras soins de confort (p = 0,03) [28]. La vinorelbine était bien tolérée, avec des neutropénies de grade 3-4 dans 10 % des cas et des thrombopénies de grade 3-4 dans 1 % des cas. La gemcitabine a montré une activité et un profil de tolérance intéressants dans plusieurs études rétrospectives ayant analysé les sous-groupes de patients âgés par rapport aux patients jeunes (29, 30). Six études de phase II portant sur des patients de plus de 70 ans ont confirmé son efficacité, les réponses objectives allant de 18 % à 38 % et les médianes de survie de 6,8 mois à 9 mois (tableau II) [31-36]. L’essai de phase III MILES (Multicenter Italian Lung Cancer in the Elderly) [37] portant sur 698 patients de plus de 70 ans a comparé 3 bras de CT (vinorelbine versus gemcitabine versus vinorelbine + gemcitabine) et n’a pas montré de différence d’efficacité de la gemcitabine par rapport à la vinorelbine. dossier thématique Quelles chimiothérapies pour quels patients âgés ? Cancers bronchopulmonaires non à petites cellules Tableau II. Essais de phase II de monochimiothérapie dédiés aux sujets âgés. Molécule Auteurs Schémas de traitement Âge des patients (années) Colleoni et al. (23) 25 mg/m2 toutes les semaines Veronesi et al. (24) Vinorelbine 25-30 Tononi et al. (25) Gridelli et al. (26) Buccheri et al. (27) Gemcitabine Survie (mois) > 65 25 16 5 > 70 23 39 NR 25 mg/m2 toutes les semaines > 65 25 12 10 30 mg/m2 toutes les semaines > 70 43 23 8,3 25 mg/m2 toutes les semaines > 70 46 4 7,9 1 250 mg/m2, J1 et J8 toutes les 3 semaines > 70 21 33 7,4 Martoni et al. (32) 1 000 mg/m2, J1, J8 et J15 toutes les 4 semaines > 70 46 22 9 Gridelli et al. (33) 1 200 mg/m2, J1 et J8 toutes les 3 semaines > 70 49 18 NR Bianco et al. (34) Tibaldi et al. (36) Docétaxel toutes les semaines OR (%) Altavilla et al. (31) Ricci et al. (35) Paclitaxel mg/m2 Nombre de patients PS Fidias et al. (39) 1 000 mg/m2, J1, J8 et J15 toutes les 4 semaines > 70 52 38 7,9 1 000 mg/m2, J1, J8 et J15 toutes les 4 semaines > 70 44 22 6,8 > 70 252 46,8 5,4 1 500 90 mg/m2, J1 et J8 toutes les 3 semaines > 70 0-3 35 23 10,3 Juan et al. (40) 80 mg/m2, toutes les semaines > 65 0-2 57 44 7,8 Hainsworth et al. (41) 36 mg/m2 par semaine, 6 semaines sur 8 > 65* 0-2 39 18 5 Lilenbaum et al. (42) 35 mg/m2 toutes les semaines > 70* 0-2 38 13,2 6,5 > 70* 0-2 31 22,6 2,4 Lilenbaum et al. (42) mg/m2 75 par semaine, 6 semaines sur 8 mg/m2 toutes les 3 semaines NR : non rapportée ; PS : performance status ; OR : odds-ratio. * patients âgés ou en mauvais état général (PS = 2 ± comorbidités). Les taxanes (paclitaxel et docétaxel) ont été étudiés chez les sujets âgés. Une analyse rétrospective de 2 études de phase II ayant testé l’efficacité de l’admi nistration d’une forte dose de paclitaxel (210 mg/m2) à 120 patients n’a pas retrouvé de différence en termes de survie ou de taux de réponse entre les patients de plus de 70 ans (n = 28) et ceux de moins de 70 ans (n = 92) [38]. Cependant, la toxicité était significativement plus importante dans le groupe des patients de plus de 70 ans que dans celui des patients de moins de 70 ans. Deux études de phase II étudiant spécifiquement des patients de plus de 65 ou de 70 ans ont testé la faisabilité et l’efficacité d’un régime hebdomadaire de paclitaxel à faible dose (tableau II) [39, 40]. Les taux de réponse et la survie médiane étaient de 23 % et 44 %, et de 10,3 mois et 7,9 mois, respectivement. Deux études de phase II (tableau II) ont évalué, chez des patients de plus de 70 ans ou de moins de 70 ans et de PS 2, l’efficacité et la toxicité du docétaxel, avec des taux de réponse allant de 15 à 18 % (41, 42). Cependant, la proportion de patients de moins de 70 ans mais de PS 2 était presque de 50 % dans ces 2 études, rendant les résultats difficilement interprétables. Une étude de phase III portant sur 182 patients 506 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XVII - n° 10 - décembre 2008 de plus de 70 ans uniquement, comparant la vinorelbine (25 mg/m2, J1, J8 toutes les 3 semaines) au docétaxel (60 mg/m2, J1 toutes les 3 semaines) n’a pas montré de différence en termes de survie entre les 2 molécules (43). Le taux de réponse était supérieur dans le bras docétaxel par rapport au bras vinorelbine (22,7 % versus 9,9 %, respectivement ; p = 0,019), mais au prix d’une toxicité hématologique plus importante (82,9 % de neutropénie de grade 3-4 versus 69,2 % respectivement ; p = 0,031). Les résultats de l’étude de phase III de l’Hellenic Oncology Research Group comparant vinorelbine (25 mg/m2, J1, J8 toutes les 3 semaines) et docétaxel (36 mg/m2, J1 et J8 toutes les trois semaines) chez des patients de plus de 70 ans sont en attente. Enfin, l’administration de pémétrexed a été testée sur des patients de plus de 70 ans ou ne pouvant bénéficier d’une CT à base de platine, dans une étude de phase II, et a montré un taux de réponse de 4,5 % et une médiane de survie de 4,7 mois. Chez les patients de plus de 70 ans ayant un CBNPC IIIb pleural ou IV, la monochimiothérapie est le standard. La vinorelbine est la molécule la plus étudiée, des données étant également disponibles pour la gemcitabine, le docétaxel ou le paclitaxel. dossier thématique Peu d’études ont porté spécifiquement sur les patients de plus de 80 ans. Une analyse rétrospective de 2 essais de phase II dédiés aux patients de plus de 70 ans a étudié, dans les sous-groupes de moins et de plus de 80 ans, l’efficacité et la toxicité de l’association de vinorelbine (25 mg/m2, J1, J8) et de docétaxel (35 mg/m2, J1, J8 et J15) toutes les 3 semaines ou celles du docétaxel seul (30 mg/m2, J1, J8 et J15 ou 70 mg/m2, J1 toutes les 3 semaines) [44]. Les taux de stabilité et les médianes de survie étaient comparables. La survie des patients de PS 2 était diminuée quel que soit l’âge. Une monochimiothérapie pourrait donc être proposée à des octogénaires sans comorbidité, et de PS 0 ou 1. Polychimiothérapie ◆◆ Doublets à base de sels de platine Les doublets à base de sels de platine sont la référence pour le traitement de première ligne des CBNPC métastatiques, mais leur utilisation reste controversée chez les sujets âgés. L’analyse rétrospective d’une CT à base de cisplatine dans les CBNPC a montré une augmentation de la mortalité dans les trente premiers jours proportionnelle à l’âge. Les principales données reposent sur 8 analyses rétrospectives d’essais de phase III ayant testé des associations à base de platine (cisplatine 75 ou 100 mg/m2 et carboplatine ASC 6) et montré des taux de réponse et des médianes de survie comparables entre les sous-groupes de patients de plus ou de moins de 65 ou 70 ans. Néanmoins, il faut rester prudent quant à l’interprétation de ces analyses de sous-groupe, les patients inclus dans les essais de phase III étant très sélectionnés, notamment sur le plan des comorbidités. Ils ne représentent donc pas toujours la population âgée rencontrée en pratique quotidienne. Pour diminuer la toxicité du cisplatine, des régimes comprenant du cisplatine à doses atténuées (25 à 60 mg/m2) associé à des molécules de troisième génération (docétaxel, vinorelbine ou gemcitabine) ont été testés chez les sujets âgés dans 5 études de phase II. Les taux de réponse étaient compris entre 30 et 55 %, et les médianes de survie entre 7,2 et 15,8 mois. Les profils de toxicité étaient acceptables. Le remplacement du cisplatine par du carboplatine a été testé dans plusieurs études de phase II randomisées et dans différentes associations (carboplatine + vinorelbine, carboplatine + paclitaxel, carboplatine + gemcitabine) [tableau III]. L’association carboplatine + vinorelbine a montré une efficacité faible (45, 46), alors que celles de carboplatine + gemcitabine ou carboplatine + paclitaxel ont montré une efficacité et une tolérance acceptables (47-51). Une étude prospective de phase III dédiée aux sujets âgés et analysant la place d’un doublet de platine par rapport à une monothérapie par une molécule de troisième génération est en cours (essai IFCT 01-05 de l’Intergroupe français de cancérologie thoracique : http://www.ifct.fr/V2/). Cet essai, dont l’objectif est d’inclure plus de 500 patients, compare une monothérapie par vinorelbine (30 mg/m², J1, J8 toutes les 3 semaines) ou gemcitabine (1 150 mg/m², J1 et J8 Tableau III. Essais de phase II de bichimiothérapies comportant du carboplatine dédiés aux sujets âgés. Auteur Molécules Schéma de traitement Âge (années) Nombre de patients PS OR (%) Survie (mois) Gridelli et al. (45) CBDCA Vinorelbine ASC 5, J1 25 mg/m2, J1, J8 toutes les 3 semaines > 65 28 0-2 39,3 7,9 LeCaer et al. (46) CBDCA Vinorelbine ASC 5, J1 25 mg/m2, J1, J8 toutes les 4 semaines > 70 40 0-1 20 7,8 Maestu et al. (47) CBDCA Gemcitabine ASC 4, J1 1250 mg/m2, J1, J8, toutes les 3 semaines > 70 88 - 37,5 9 Giorgio et al. (48) CBDCA Paclitaxel ASC 5, J1 175 mg/m2, J1, toutes les 3 semaines > 70 40 0-2 22,5 7,8 Inoue et al. (49) CBDCA Paclitaxel ASC 6, J1 70 mg/m2, J1, J8, J15 toutes les 3 semaines > 70 42 0-1 45 14 Chen et al. (50) CBDCA Paclitaxel ASC 6 J1 160 mg/m2, J1 toutes les 3 semaines > 70 40 0-1 40 10,3 Pujol et al. (51) CBDCA Paclitaxel ASC 6, J1 90 mg/m2, J1, J8, J15 toutes les 3 semaines > 70 51 0-2 43 13,6 CBDCA : carboplatine ; PS : performance status ; OR : odds-ratio. La Lettre du Cancérologue • Vol. XVII - n° 10 - décembre 2008 | 507 dossier thématique Quelles chimiothérapies pour quels patients âgés ? Cancers bronchopulmonaires non à petites cellules toutes les 3 semaines) à une bithérapie associant carboplatine (ASC 6 à J1 toutes les 4 semaines) et paclitaxel (90 mg/m ², J1, J8 et J15 toutes les 4 semaines) chez des patients de plus de 70 ans atteints d’un CBNPC de stade IIIB ou IV, suivie de l’administration d’erlotinib en deuxième ligne. ◆◆ Doublets sans platine Compte tenu des résultats encourageants des monothérapies de molécules de troisième génération, plusieurs associations de ces agents ont été évaluées. L’association de la gemcitabine et de la vinorelbine a été testée chez des patients âgés dans le cadre de 2 études italiennes de phase III. La première a comparé l’administration de 30 mg/m2 de vinorelbine (J1 et J8 toutes les 3 semaines) seule à son administration en combinaison à 1 200 mg/m2 de gemcitabine chez 120 patients de plus de 70 ans (52). L’étude a été stoppée lors d’une analyse intermédiaire du fait d’une efficacité supérieure de l’association par rapport à la vinorelbine en monothérapie en termes de survie et de qualité de vie. La médiane de survie était de 7 mois pour l’association, versus 4,5 mois pour la vinorelbine seule, ce qui correspond pour cette dernière aux médianes de survie des études pour les bras soins de confort, rendant cet essai difficilement interprétable. L’étude de phase III MILES, de plus grande envergure (698 patients), a comparé l’administration exclusive de vinorelbine à la dose de 30 mg/m2 (J1 et J8) toutes les 3 semaines ou celle de gemcitabine à la dose de 1 200 mg/m2 (J1 et J8 toutes les 3 semaines) à l’administration d’une association de gemcitabine (1 000 mg/m2) et de vinorelbine (25 mg/m2) [J1 et J8] toutes les 3 semaines [37]. La survie et la qualité de vie n’étaient pas différentes dans les 3 bras. En revanche, les toxicités hématologiques et hépatiques étaient augmentées dans le bras association. Il n’y a donc pas d’argument en faveur de l’utilisation d’une association vinorelbine + gemcitabine chez des patients de plus de 70 ans. Les associations gemcitabine (1 000 mg/m2) + paclitaxel (80 mg/m2) et gemcitabine (1 000 mg/m2) + vinorelbine (25 mg/m2) ont été comparées à une monothérapie par gemcitabine (1 200 mg/m2) ou paclitaxel (100 mg/m 2) dans une étude randomisée (53) incluant 264 patients, dont 220 de plus de 70 ans et 44 de moins de 70 ans mais ayant un PS égal à 2. Dans cette étude, les combinaisons gemcitabine + paclitaxel et gemcitabine + vinorelbine étaient associées à une survie plus longue, mais de façon non significative par rapport aux bras gemcitabine ou paclitaxel seuls (médianes de survie 9,2 et 9,7 mois 508 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XVII - n° 10 - décembre 2008 versus 5,1 et 6,4 mois, respectivement), avec une toxicité acceptable. De plus, la proportion importante de patients de moins de 70 ans et de PS 2 rend ces données difficilement extrapolables aux sujets âgés, de nouveau du fait de l’hétérogénéité de la population de l’essai. Une analyse poolée rétrospective de 6 essais de l’Hellenic Oncology Research Group n’a pas montré de différence d’efficacité de l’association docétaxel + gemcitabine selon l’âge, supérieur ou inférieur à 70 ans (54). Cependant, cette association n’a pas prouvé son bénéfice en termes de survie dans une étude de phase III portant sur 350 patients de plus de 65 ans ou de PS 2, par rapport à une CT par docétaxel hebdomadaire seul (41). Les données en faveur d’une bichimiothérapie sans platine sont donc pauvres. Elles doivent être envisagées pour l’instant dans le cadre d’essais thérapeutiques, le standard restant une monochimiothérapie par une molécule de troisième génération. Chimiothérapie de deuxième ligne Très peu de données sont disponibles. L’analyse rétrospective d’une étude de phase III randomisée comparant le pémétrexed (500 mg/m2 toutes les 3 semaines) au docétaxel (75 mg/m2 toutes les 3 semaines) en deuxième ligne, chez 570 patients, a montré que les taux de réponse, la SG et le profil de toxicité étaient comparables entre les patients de moins de 70 ans et ceux de plus de 70 ans, avec une toxicité moindre pour le bras pémétrexed par rapport au bras docétaxel (2,5 % de neutropénie fébrile, versus 19 % respectivement ; p = 0,25) [55]. Thérapeutiques ciblées ◆◆ Erlotinib et géfitinib L’erlotinib est un inhibiteur du domaine tyrosine kinase (TKI) du récepteur de l’epidermal growth factor (EGFR). Une étude de phase III (BR21) portant sur 737 patients a démontré son efficacité en termes de survie par rapport à des soins de support en deuxième ligne de traitement du CBNPC de stade IV après l’échec d’un traitement à base de sels de platine. L’analyse rétrospective de cette étude a montré que la survie médiane, le taux de réponse et la qualité de vie des patients de plus de 70 ans (n = 162) n’étaient pas différents de ceux des patients de moins de 70 ans (n = 675). Il y avait plus de toxicité de grade 3-4 chez les patients de dossier thématique plus de 70 ans que chez ceux de moins de 70 ans, avec une anorexie dans 26 % versus 16 % des cas (p = 0,03) et une asthénie dans 22 % versus 14 % des cas (p = 0,04), respectivement (56). Une étude de phase II portant sur 80 patients de plus de 70 ans a montré que l’erlotinib en première ligne de traitement permettait un taux de réponse de 10 %, un taux de contrôle de la maladie de 51 % et une médiane de survie de 10,9 mois. La toxicité était acceptable et consistait en des rashs cutanés (6 % de cas de grade 3-4), de la diarrhée (5 % de cas de grade 3-4) et des cas de pneumopathie interstitielle (n = 4) dont l’une a entraîné le décès (57). Le géfitinib, autre inhibiteur des TKI, a été testé dans 2 études dédiées aux sujets âgés. Le géfitinib à 250 mg/j a été comparé dans l’étude randomisée de phase II INVITE (Iressa in NSCLC versus Vinorelbine Investigation in The Elderly) à celle de 30 m/m2 de vinorelbine (J1 et J8 toutes les 3 semaines) chez 196 patients de plus de 70 ans. Il n’y avait pas de différence en termes de réponse, de contrôle ou de qualité de vie entre les 2 groupes de traitement. Il y avait moins de toxicités de grade 3-5 dans le bras géfitinib (12,8 %) que dans le bras vinorelbine (41,7 %) [58]. L’association de TKI à des doublets de CT n’a pas montré de bénéfice par rapport à la CT seule. Cependant, l’association d’une molécule de troisième génération, le docétaxel (75 mg/m2, J1 toutes les 3 semaines), et de géfitinib (250 mg de façon quotidienne) a été testée en première ligne dans une étude de phase II chez des patients de plus de 70 ans, avec un taux de réponse de 40 % et une médiane de survie de 9,6 mois. La médiane de survie chez les femmes était de 22,8 mois. La toxicité était acceptable (59). L’erlotinib peut donc être proposé en monothérapie aux patients âgés de plus de 65 ans à partir de la deuxième ligne. Son utilisation en première ligne, non admise actuellement, pourrait être une alternative intéressante à la CT en première ligne, au moins chez certains patients. ◆◆ Bévacizumab Le bévacizumab est un anticorps monoclonal ciblant le vascular endothelial growth factor (VEGF). Une étude randomisée de phase III étudiant, chez 897 patients ayant un CBNPC de stade IIIB ou IV, l’association de bévacizumab à une CT par carboplatine + paclitaxel a montré une augmentation de la survie dans le bras bévacizumab par rapport au bras contrôle (HR : 0,79 ; IC95 : 0,67-0,92) [60]. Une analyse rétrospective de cette étude portant sur le sous-groupe des 224 patients de plus de 70 ans a montré une absence de bénéfice en termes de SG, une augmentation significative des toxicités sévères (neutropénie, méléna, protéinurie) et 6,3 % de décès toxiques dans le bras comprenant du bévacizumab, versus 1,8 % dans le bras contrôle dans ce sous-groupe. Les taux de réponses et la survie sans progression étaient supérieurs dans le bras bévacizumab (61). Actuellement, le traitement par bévacizumab n’est pas validé. Néanmoins, 3 études de phase II dédiées aux sujets de plus de 70 ans et portant sur plusieurs associations comportant du bévacizumab en première ligne sont en cours. Conclusion L’âge élevé ne doit pas être en lui-même une contreindication à l’administration d’une CT mais nécessite une prise en charge globale des comorbidités et des altérations physiologiques des différentes fonctions. La prise en charge est encore mal standardisée. Le bénéfice d’une CT par une monothérapie de troisième génération est prouvé pour les CBNPC avancés ; la place de doublets à base de platine reste à définir. Les TKI semblent avoir un intérêt en deuxième ligne après échec d’une CT conventionnelle. Pour les CBNPC localisés et localement avancés, l’intérêt de la CT est probable pour des populations sélectionnées, mais n’est pas validé pour l’ensemble des malades. ■ Références bibliographiques 1. Blanchon F, Grivaux M, Collon T et al. Epidemiologic of primary bronchial carcinoma management in the general French hospital centers. Rev Mal Respir 2002;19(6):727-34. 2. O’Brien ME, Yau T, Coward J, Hughes S et al. 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