Le régime fiscal des investissements étrangers en Tunisie
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Le régime fiscal des investissements étrangers en Tunisie
Le régime fiscal des investissements étrangers en Tunisie LE REGIME FISCAL DES INVESTISSEMENTS ETRANGERS EN TUNISIE Neïla CHAABANE Assistante à la Faculté des Sciences Juridiques Tunis II Sommaire I – Les obligations lors du démarrage de l’activité. A) La procédure de création B) Les avantages fiscaux II – Les obligations lors du fonctionnement de l’entreprise. A) L’imposition du bénéfice B) Les impôts sur le chiffre d’affaires III- Les modalités de paiement de l’impôt. A) La retenue à la source B) Les régularisations ******** L’investissement étranger, entendu dans le sens de l’acquisition par une entreprise d’actifs dans un autre pays 1, peut prendre la forme soit d’investissement direct, soit d’investissement de portefeuille. Les revenus de ces deux formes d’investissement sont soumis à l’impôt, dans des proportions diverses et avec des sujétions plus ou moins lourdes pour l’investisseur. Seul l’investisseur qui vient s’installer dans un pays ressent le poids de la fiscalité de celui-ci et cela aussi bien lorsqu’il choisit de créer une structure autonome ou bien d’agir dans le pays par 1 VALENTE (M) « Dictionnaire Economie- Finance- Banque- Comptabilité » Paris, Dalloz, 1993, page 357. 11 Le régime fiscal des investissements étrangers en Tunisie l’intermédiaire d’un établissement stable comme un bureau ou une succursale. L’opérateur étranger désireux de s’installer en Tunisie pour réaliser un investissement va être soumis au régime fiscal tunisien, un régime certes étranger, mais pas totalement inconnu pour lui. Le système fiscal tunisien emprunte plusieurs techniques modernes d’imposition et qui sont en vigueur en France et dans d’autres pays européens. La première question que peut se poser l’investisseur, concerne la détermination des sources du régime fiscal qui va lui être appliqué. Par ordre d’importance, selon la hiérarchie des normes juridiques, il y a d’abord, les conventions internationales, ensuite la législation interne de droit commun et éventuellement aussi la législation sur les avantages fiscaux. Les conventions internationales sont celles qui ont pour objet d’éviter la double imposition. La Tunisie a conclu trente neuf conventions qui sont entrées en vigueur. Seize de ces conventions ont été conclues avec des pays européens. Ces conventions ont une valeur supérieure à la loi, conformément à l’article 32 de la Constitution2. Ces conventions permettent d’attribuer le droit d’imposition à un Etat 2 L’article 32 de la Constitution dispose : « Le Président de la République ratifie les traités. Les traités concernant les frontières de l’Etat, les traités commerciaux, les traités relatifs à l’organisation internationale, les traités portant engagement financier de l’Etat et les traités contenant des dispositions à caractère législatif, ou concernant le statut des personnes, ne peuvent être ratifiés qu’après leur approbation par la Chambre des députés. Les traités n’entrent en vigueur qu’après leur ratification et à condition qu’ils soient appliqués par l’autre partie. Les traités ratifiés par le Président de la République et approuvés par la Chambre des députés ont une autorité supérieure à celle des lois ». 12 Le régime fiscal des investissements étrangers en Tunisie à travers la délimitation de la notion de résidence 3 ou d’établissement stable 4. Elles prévoient aussi les solutions pour éliminer la double imposition. Les conventions ont toutefois une fonction limitée puisqu’elles vont délimiter le droit d’imposition, mais pas les règles applicables à la détermination de l’impôt 5. L’investisseur va ensuite rencontrer la seconde source de législation qui est qualitativement et quantitativement la plus importante : la législation interne. Elle a pour origine le code de l’impôt sur le revenu des personnes physiques et de l’impôt sur les sociétés 6, le code de la TVA 7, le code des droits d’enregistrement et de timbre 8, le code d’incitations aux investissements 9, le code de la fiscalité locale 10 ainsi que le code des droits et des procédures fiscaux 11. Il y a aussi des textes spécifiques relatifs aux services financiers et à l’énergie. En Tunisie, les impôts dus sur l’investissement sont au niveau national : l’impôt sur le revenu ou l’impôt sur les sociétés ; la TVA ; les droits de consommation qui sont dus sur certains produits ; les droits d’enregistrement et de timbre et d’autres impôts sur le chiffre d’affaires. Au niveau local, il y a la taxe sur les établissements à caractère industriel, commercial ou professionnel ( TCL), la taxe sur 3 4 5 6 7 8 9 10 11 A titre d’exemple, l’article 3 de la convention tuniso-française du 28 mai 1973, entrée en vigueur le 1er janvier 1981, définit le domicile fiscal des personnes physiques. Article 4 de la même convention. AYADI (H) « Droit fiscal international », Tunis, CPU, 2001. Le code de l’impôt sur le revenu des personnes physiques et de l’impôt sur les sociétés (code de l’IRPP et de l’IS) a été promulgué par la loi n°89-114 du 30 décembre 1989. Promulgué par la loi n°88-61 du 2 juin 1988 Promulgué par la loi n°93-53 du 17 mai 1993 Promulgué par la loi n°93-120 du 27 décembre 1993 Promulgué par la loi n°97-11 du 3 février 1997. Loi n° 2000-82 du 09/08/2000, portant promulgation du code des droits et procédures fiscaux. 13 Le régime fiscal des investissements étrangers en Tunisie les immeubles bâtis qui sont dues par les établissements à caractère industriel, commercial ou professionnel et la taxe hôtelière qui est due par les établissements touristiques. La multiplicité des textes et des impôts rend la tâche de l’investisseur parfois un peu difficile. Il faut, en effet, dans certains cas, combiner les dispositions de droit commun avec les dispositions concernant les avantages fiscaux et les dispositions conventionnelles. Les obligations fiscales prévues par le système de droit commun sont multiples et diverses et l’investisseur étranger a tout intérêt à agir dans le cadre du code d’incitations aux investissements ou, à défaut, dans le cadre de l’une des lois spécifiques sur les avantages fiscaux. La Tunisie s’est, en effet, orientée depuis la fin des années soixante vers l’adoption d’une législation accordant des avantages fiscaux aux secteurs d’activités jugés prioritaires pour le développement du pays. Cette législation est essentiellement constituée aujourd’hui par le code d’incitations aux investissements 12. Les secteurs bénéficiaires des avantages dans le cadre de ce texte sont : l’agriculture et la pêche, les industries manufacturières, le tourisme, le transport, l’artisanat, les travaux publics, l’éducation et l’enseignement, la formation professionnelle, la production et les industries culturelles, l’animation pour les jeunes et l’encadrement de l’enfance, la santé, la technologie et la recherche-développement, la protection de l’environnement, la promotion immobilière et autres services non financiers 13. 12 13 HORCHANI (F) « Le code tunisien d’incitations aux investissements », Journal de droit international, 1998, n°1, pages 67 à 91 ; BACCOUCHE (N) « Regards sur le code d’incitations aux investissements », RTD, 2000, page 1 à 47. Article 1er du code d’incitations aux investissements 14 Le régime fiscal des investissements étrangers en Tunisie Les avantages sont plus importants lorsque l’activité de production de biens ou de services est exportatrice. Certaines activités exportatrices sont soumises à un régime spécifique. Il en est ainsi pour les sociétés de commerce international 14 et les entreprises établies dans les parcs d’activités économiques 15. Des avantages plus importants encore, sont accordés lorsque l’investisseur s’installe dans certaines zones bénéficiant du régime de zone de développement régional. Le secteur des services financiers est régi par la loi sur les établissements bancaires travaillant avec les non-résidents 16, la loi sur les sociétés d’investissement 17. Le secteur de l’énergie est régi par le code des hydrocarbures 18. Au vu de tous ces textes, les avantages sont accordés aussi bien au niveau des modalités de création de l’entreprise (I) que lors de son fonctionnement (II) et enfin des modalités de paiement des impôts (III). I – LES OBLIGATIONS LORS DU DEMARRAGE DE L’ACTIVITE La création d’une entreprise se traduit, d’un côté par le respect de certaines formalités (A) et d’autre côté par l’acquittement de certains impôts sauf avantages fiscaux (B). 14 15 16 17 18 Loi n°94-42 du 7 mars 1994, modifiée par la loi n°96-59 du 6 juillet 1996 fixant le régime applicable à l’exercice des activités des sociétés de commerce international. C’est la dénomination qui est donnée aux zones franches économiques par la loi n°2001-76 du 17 juillet 2001 modifiant et complétant la loi n°92-81 du 3 août 1992 portant création des zones franches économiques, telle que modifiée et complétée par la loi n°94-14 du 31 janvier 1994, JORT, n°58, 2001, page 1752. Loi n°85-108 du 6 décembre 1985 portant encouragement d’organismes financiers et bancaires travaillant essentiellement avec les non-résidents, JORT, n°87, 1985, page 1626 Loi n° 88-92 du 2 août 1988 La loi n°99-93 du 17 août 1999 portant code des hydrocarbures. Cette loi a été modifiée et complétée par la loi n° 2002-23 du 14 février 2002, JORT, n°14. 15 Le régime fiscal des investissements étrangers en Tunisie A- La procédure de création La création d’un projet dans le cadre du code d’incitations aux investissements est, selon le secteur d’activité, soit soumise à une simple déclaration, soit à une autorisation préalable soit à l’approbation de la commission supérieure des investissements. Un décret a fixé la liste des activités selon leur régime de création 19. En principe, si l’activité n’est pas sur la liste, elle est soumise à une simple déclaration à déposer soit auprès du guichet unique de l’Agence de Promotion des Investissements, de l’Agence de Promotion des Investissements Agricoles ou de l’Office National du Tourisme. La déclaration 20 doit comporter des renseignements relatifs à la nature de l’investissement, l’activité principale, le régime d’investis-sement, la localisation du projet, les données concernant le marché, le coût et le schéma de financement et d’investissement, la forme juridique de l’entreprise, la participation étrangère, le calendrier de réalisation du projet et le nombre d’emplois à créer. Dans le cas contraire, il faut une autorisation préalable délivrée par l’autorité de tutelle comme par exemple pour l’investissement dans le secteur de la pêche, du tourisme, du transport, des communications, de la santé…. De plus, si l’activité est une activité de service autre que totalement exportatrice et que la participation étrangère dépasse 50% du capital, elle est soumise à l’approbation de la commission supérieure des investissements 21. 19 20 21 Décret n°94-492 du 28 février 1994, portant fixation des listes des activités relevant des secteurs prévus par les articles 1, 2, 3 et 27 du code d’incitations aux investissements. Conformément à l’article 3 du décret n°94-492 du 28 février 1994, portant fixation des listes d’activités relevant des secteurs prévus par les articles 1,2, 3 et 27 du code d’incitations aux investissements, tel que modifié par les textes ultérieurs. Décret n°93-2542 du 27 décembre 1993 portant composition, organisation, et modes de fonctionnement de la commission supérieure des investissement, JORT, 1994, n°2. 16 Le régime fiscal des investissements étrangers en Tunisie Il faut relever que les étrangers peuvent investir dans le domaine agricole. Cet investissement ne peut être effectué que par voie de location des terres agricoles. En Tunisie, les étrangers ne peuvent pas s’approprier des terres agricoles. Cette interdiction est inscrite dans les articles 1 et 2 de la loi relative à la propriété agricole en Tunisie 22. Une fois ces formalités accomplies, et avant de débuter son activité, l’investisseur doit, sur le plan fiscal, souscrire une déclaration d’existence 23 auprès des services fiscaux territorialement compétents, qu’il agisse ou non dans le cadre du code des incitations aux investissements. Il s’agit pour l’essentiel de la recette des finances du siège social de la société ou de son établissement principal 24. La souscription de cette déclaration constitue la première des obligations fiscales et elle doit être accompagnée d’une copie des actes constitutifs pour les personnes morales et éventuellement d’une copie de l’autorisation administrative ou de l’agrément. Le dépôt de cette déclaration entraîne la soumission de l’entreprise à un certain nombre d’obligations fiscales dont la tenue d’une comptabilité conforme à la législation comptable des entreprises, le dépôt des déclarations mensuelles, trimestrielles et annuelles d’impôts. Les actes de création de la société sont soumis au niveau des droits d’enregistrement à un droit fixe de 100 dinars par acte. Seuls les actes comportant apport de biens immeubles sont soumis à un droit proportionnel de 5% de la valeur de l’immeuble. Cependant, le paiement de ce droit peut être reporté par application de la théorie de mutation conditionnelle. Ce régime de droit commun est toutefois assorti de plusieurs avantages fiscaux. 22 23 24 Loi n°64-5 du 12 mai 1964 relative à la propriété agricole en Tunisie, JORT, 1964, n°24, page 575. Article 56 du code de l’IRPP et de l’IS. Article 3 du CDPF. 17 Le régime fiscal des investissements étrangers en Tunisie B - Les avantages fiscaux Si la création du projet se fait dans le cadre du code d’incitations aux investissements, l’investisseur va bénéficier d’avantages fiscaux plus ou moins importants selon le secteur d’activité. Il y a des avantages communs et des avantages spécifiques. a- L’avantage sur les acquisitions d’équipements Les importations d’équipements nécessaires à la réalisation de l’investissement et qui n’ont pas de similaires fabriqués localement, à l’exception des voitures de tourisme, sont soumises à la TVA au taux réduit de 10% lorsque les équipements figurent sur une liste prévue par décret. Ces équipements bénéficient aussi de l’exonération des droits de douane. Seuls les équipements ne figurant pas sur la liste prévue par décret et non importés de l’Union européenne demeurent soumis aux taux des droits de douane de droit commun 25. Par contre, lorsque ces équipements sont fabriqués localement, ils bénéficient du régime suspensif de la TVA et des droits de consommation. Cet avantage est plus étendu si l’investissement concerne une entreprise totalement exportatrice. Une entreprise est considérée comme totalement exportatrice même si elle écoule jusqu’à 20% de son chiffre d’affaires à l’exportation, départ usine et en hors taxe sur le marché local. S’il s’agit d’activités agricoles et de pêche, ce seuil est relevé à 30% de la production en valeur en cours de la dernière campagne agricole. Les sociétés de commerce international totalement exportatrices 26 et celles qui sont établies dans les parcs d’activités économiques sont aussi considérées comme totalement exportatrices. 25 26 Cette disposition est prévue par le n°I-3-a du Tableau « B » bis qui dispose : « Les équipements n’ayant pas de similaires fabriqués localement prévus par l’article 9, l’article 41, le deuxième paragraphe de l’article 50 et l’article 56 du code d’incitations aux investissements » Les sociétés de commerce international sont celles qui réalisent au moins 50% de leurs ventes annuelles à partir des exportations de marchandises et de produits d’origine tunisienne. Ce pourcentage peut être ramené à 30% si la 18 Le régime fiscal des investissements étrangers en Tunisie L’entreprise n’est soumise ni à la TVA, ni aux droits de douane sauf s’il s’agit de ceux relatifs aux véhicules de tourisme. Si l’activité est partiellement exportatrice, la suspension de la TVA ne concerne que les biens, produits et services nécessaires à la réalisation des opérations d’exportation. Les droits de douane et taxes d’effet équivalent relatifs à ces produits sont remboursés. Les droits d’enregistrement ne sont pas dus au titre des actes relatifs à la vie de l’entreprise. b- L’amortissement dégressif Cet avantage commun, qui n’en est plus un, puisque pour l’essentiel, il a été intégré dans le CIR, permet à l’investisseur de bénéficier de l’amortissement dégressif au titre du matériel et des équipements de production, à l’exception toutefois du mobilier et du matériel de bureau. c-) La déduction pour réinvestissement Les sommes investies dans le capital d’une entreprise éligible aux avantages du code ou par une société dans sa propre activité bénéficient d’une déduction pour réinvestissement au minimum de 35%, mais cette déduction peut atteindre 100% pour certains investissements. Il s’agit des entreprises totalement exportatrices installées ou non dans les parcs d’activités économiques, des projets installés dans les zones de développement régional et des projets de développement agricole. société réalise un montant minimum de ses ventes à l’exportation à partir de marchandises d’origine tunisienne. Ces sociétés sont considérées comme nonrésidentes si leur capital est détenu à concurrence de 66% par des non-résidents au moyen d’une importation de devises. 19 Le régime fiscal des investissements étrangers en Tunisie Cette déduction est limitée à 50% du bénéfice imposable pour les projets de lutte contre la pollution et la protection de l’environnement, ou encore dans les investissements de soutien comme les projets d’institutions d’encadrement de l’enfance, de l’éducation, d’enseignements, d’établissements de production et d’industrie culturelles ou des établissements sanitaires et hospitaliers. Le bénéfice de cette déduction qui peut être appliquée par l’entreprise durant son fonctionnement a souvent été assorti, par le législateur, d’un minimum d’impôt, afin de limiter l’ampleur de cet avantage fiscal. L’investisseur peut également bénéficier d’avantages supplémentaires 27, sous forme par exemple de la participation de l’Etat aux dépenses d’infrastructure, de primes d’investissement dans la limite de 5% du montant de l’investissement. Les projets importants du point de vue volume d’investissement et création d’emploi peuvent bénéficier de l’acquisition de terrains non agricoles au dinar symbolique. Ces avantages sont accordés par décret lorsque les investissements revêtent un intérêt particulier pour l’économie nationale ou pour les zones frontalières sans que forcément ces investissements remplissent les conditions prévues par le code d’incitations aux investissements. II – LES OBLIGATIONS LORS DU FONCTIONNEMENT DE L’ENTREPRISE Si la création de l’entreprise n’est pas entourée d’un nombre excessif de formalités, il n’en est pas de même lors du fonctionnement de l’entreprise. Celle-ci est soumise d’une part à des impôts sur le bénéfice et à des impôts sur le chiffre d’affaires. 27 Article 52 du code d’incitations aux investissements. 20 Le régime fiscal des investissements étrangers en Tunisie A – L’imposition du bénéfice L’impôt dû est soit l’impôt sur le revenu des personnes physiques, soit l’impôt sur les sociétés. L’étude sera axée essentiellement sur les caractéristiques de ce dernier. En Tunisie, l’impôt sur les sociétés est dû par les sociétés de capitaux et les SARL. Les sociétés de personnes ne sont pas soumises en tant que telles à cet impôt. Elles sont néanmoins soumises à un certain nombre d’obligations, comme celles de souscrire une déclaration d’existence et d’être soumises à une avance de 25% des bénéfices réalisés. La convention tuniso-française a réservé une disposition spéciale à l’imposition de certaines sociétés de personnes. Elle dispose : « les participations d’un associé aux bénéfices d’une entreprise constituée sous forme de société de fait ou d’association en participation ne sont imposables que dans l’Etat où ladite entreprise a un établissement stable». D’autres conventions ont toutefois ignoré la question comme la convention avec l’Italie renvoyant l’imposition selon les critères du droit interne. L’administration fiscale tunisienne considère qu’un tel établissement stable existe du fait même de la participation de l’entreprise étrangère à un groupement soit avec un bureau d’études tunisien, soit avec d’autres sociétés étrangères 28. a- La détermination de l’assiette de l’impôt La société n’est soumise à l’impôt que sur les bénéfices de source tunisienne. Le principe de la territorialité est le seul qui soit retenu en droit tunisien pour les personnes morales. Le bénéfice 28 Prise de position n°1393 du 28 septembre 1999, RCF, n°48, 2000, page 49 ; prise de position n°1672 du 6octpbre 1999, RCF, n°50, 2000, page 56. 21 Le régime fiscal des investissements étrangers en Tunisie réalisé mais aussi les charges engagées en dehors de la Tunisie échappent totalement à l’impôt tunisien29. La règle d’assiette est que : « Les bénéfices passibles de l’impôt sur les sociétés sont ceux réalisés dans le cadre d’établissements situés en Tunisie et ceux dont l’imposition est attribuée à la Tunisie par une convention fiscale de non double imposition » 30. La société est imposable sur « les résultats d’ensemble des opérations de toute nature effectuée par l’entreprise y compris notamment la cession de tout élément d’actif » 31. Toutefois, les plusvalues de cession des actions cotées en bourse ne sont pas imposables, pas plus que la plus-value d’apport dans le cadre d’opération de fusion ou de scission totale des sociétés des éléments d’actif autres que les marchandises, les biens et valeurs faisant l’objet de l’exploitation. La plus-value est toutefois réintégrée aux résultats imposables de la société ayant reçu les actifs dans la limite de 50% de son montant, à raison de un cinquième par année à compter de l’année de fusion ou de scission. Des résultats ainsi dégagés, la société a le droit de déduire toutes les charges nécessitées par l’exploitation et engagées en Tunisie. Lorsque l’investisseur agit par l’intermédiaire d’un établissement stable au sens des conventions fiscales internationales, il a le droit de déduire les dépenses réelles engagées par le siège pour le compte de son établissement stable. La déduction est totale pour les frais et charges directs à condition d’être justifiés. S’agissant des frais de siège imputables à l’établissement tunisien, la quote-part est déterminée en fonction du chiffre d’affaires de l’établissement stable par rapport au chiffre d’affaires mondial de la société. 29 30 31 Article 49 bis I du code de l’IRPP et de l’IS dispose : « Les sociétés concernées par l’intégration des résultats doivent être établies en Tunisie ». Article 47 du code de l’IRPP et de l’IS. Article 11 .I. du code de l’IRPP et de l’IS. 22 Le régime fiscal des investissements étrangers en Tunisie La convention tuniso-française précise toutefois, dans son protocole additionnel, que certains paiements effectués par l’établissement stable au siège ne sont pas déductibles. Il s’agit des redevances, des honoraires, et autres paiements analogues au titre de licences d’exploitation, de brevets ou d’autres droits analogues, ou de commissions pour services rendus ou pour une activité de direction ou des intérêts des sommes prêtées sauf pour les établissements bancaires. La déductibilité de certaines charges est soumise en Tunisie à l’obligation d’effectuer une retenue à la source par l’entreprise afin de pouvoir bénéficier de la déduction de la charge. Il en est ainsi par exemple pour les honoraires, commissions, courtages, vacations et rémunérations des activités non commerciales. b- Les règles de taux Le système fiscal tunisien connaît des taux de droit commun et des taux plus avantageux. 1) Les taux de droit commun En principe, l’impôt est dû au taux de 35% si l’entreprise est soumise à l’IS. Toutefois, un taux préférentiel est réservé, essentiellement, aux sociétés agricoles et artisanales et un taux de 20 % est accordé aux sociétés qui ouvrent leur capital au public conformément à la loi n° 99-92 du 17 août 1999 relative à la relance du marché financier. Si l’investisseur est une personne physique, il est soumis à l’impôt selon un barème progressif par tranche qui varie de 0 à 35% selon le revenu net réalisé. Ces taux d’impôt sont assortis d’un impôt minimum qui s’élève à 0,5% du chiffre d’affaires avec un montant maximum de 1000D pour les personnes physiques et pour les sociétés 23 Le régime fiscal des investissements étrangers en Tunisie soumises au taux de 10 % et de 2000D pour les personnes morales soumises à l’IS au taux de 35%. Ce minimum est dû en cas de bénéfices réduits ou d’exercice déficitaire. Les entreprises qui ne réalisent pas de chiffre d’affaires sont soumises à un impôt minimum de 100D. Cet impôt minimum ne s’applique pas lorsqu’il s’agit d’entreprises nouvelles qui sont en phase de réalisation du projet dans la limite de trois ans à partir de la date de dépôt de la déclaration d’existence. Si l’entreprise bénéficie de certains avantages fiscaux, les taux de l’impôt sont différents. 2) Les taux applicables aux investissements bénéficiaires d’avantages fiscaux L’application de ces taux dépend du secteur dans lequel intervient l’investissement. Ils varient entre l’exonération totale, partielle et l’application d’un minimum d’impôt. Certains secteurs bénéficient d’une combinaison de ces techniques. L’activité totalement ou partiellement exportatrice bénéficie de la déduction totale des bénéfices provenant de l’exportation pendant les dix premières années d’activité. Par la suite, elle est imposable uniquement sur 50% du bénéfice tiré de l’exportation. Elle est de fait soumise à l’impôt au taux de 17,5% si elle est soumise à l’IS. Ces taux sont applicables que l’entreprise exerce son activité dans le cadre du code d’incitations aux investissements ou qu’elle exerce dans le cadre d’une loi spécifique. Le CIR 32 a, en effet, prévu les mêmes mesures pour tous les revenus provenant de toute entreprise qui procède à l’exportation de biens ou de services. Les entreprises industrielles, de tourisme, d’artisanat et certaines activités de services installées dans les zones de développement régional sont totalement exonérées d’impôt pendant 32 Article 39 V et article 48 VII decies du code de l’IRPP et de l’IS. 24 Le régime fiscal des investissements étrangers en Tunisie les dix premières années d’activité, et exonérées à concurrence de 50% des bénéfices tirés de ces activités durant les dix années suivantes. Les sociétés agricoles sont exonérées d’impôt durant les dix premières années d’activité et par la suite, elles sont soumises à l’impôt au taux de 10%. Les entreprises de travaux publics et de promotion immobilière qui réalisent des projets d’infrastructure et d’équipements collectifs dans les zones de développement régional bénéficient d’une déduction de 50% des bénéfices tirés de ces projets 33. Il en est de même pour les bénéfices tirés de projets relatifs à l’habitat social, à l’aménagement des zones pour les activités agricoles, de tourisme et d’industries et à la construction de bâtiments destinés aux activités industrielles par les promoteurs immobiliers sous réserve toutefois du minimum d’impôt 34. Les bénéfices réalisés par les entreprises spécialisées dans la collecte, la transformation ou le traitement des déchets et des ordures ménagères ou des activités économiques ainsi que ceux tirés des activités de soutien sont exonérées d’impôt sous réserve d’un minimum d’impôt de 10% du bénéfice global compte non tenu de l’exonération et de 30% du montant de l’impôt calculé sur la base du revenu global pour les personnes physiques. Le législateur tunisien a par ailleurs assorti certains avantages fiscaux d’un minimum d’impôt afin d’en limiter les effets. Ce minimum, qui n’est pas dû dans tous les cas, s’élève pour les personnes morales à 20% des bénéfices compte non tenu de l’avantage fiscal et à 60% de l’impôt dû sur le revenu global des personnes physiques. En matière d’investissements de soutien comme les établissements sanitaires, il est de 10% pour les sociétés et 30% pour les personnes physiques. 33 34 Article 26 du code d’incitations aux investissements. Article 51 du code d’incitations aux investissements. 25 Le régime fiscal des investissements étrangers en Tunisie c- La distribution des bénéfices En droit tunisien et nonobstant les dispositions conventionnelles, les distributions officielles de bénéfices sont expressément exonérées d’impôt par l’article 38-10) du CIR. Plus précisément, l’exonération couvre tous les bénéfices ou produits qui ne sont ni mis en réserve ni incorporés au capital, les revenus des parts des fonds communs de placement en valeurs mobilières ainsi que les tantièmes. L’article 48 III prévoit le même avantage lorsque le bénéficiaire de la distribution est une personne morale passible de l’IS. Lorsque la Tunisie est le pays de la source de ces dividendes, aucune imposition n’est due au titre des dividendes payés à des personnes non résidentes en Tunisie 35. B – Les impôts sur le chiffre d’affaires Le chiffre d’affaires réalisé localement par l’investisseur est soumis d’une part à la TVA et d’autre part à la TCL. a- La TVA due par l’entreprise La TVA est due sur les affaires effectuées en Tunisie présentant un caractère industriel, artisanal, libéral ou commercial autres que les ventes. L’agriculture est en dehors du champ d’application de la TVA. Le code de la TVA soumet aussi certaines opérations expressément à son champ d’application comme l’importation ou le commerce de gros ou les livraisons à soi-même. Sauf exonération expresse, en principe toutes les livraisons de marchandises et tous les services utilisés ou exploités en Tunisie sont assujettis à cet impôt. L’assiette de cet impôt est constituée par le prix des marchandises, des services ou des travaux, tous droits et taxes inclus sauf la TVA. Lorsqu’une entreprise est placée sous la 35 Sous réserve du respect de l’article 3 al. 2 du CIR. 26 Le régime fiscal des investissements étrangers en Tunisie dépendance d’une entreprise dont le siège est situé hors de la Tunisie, la TVA est assise comme en régime intérieur. L’investisseur étranger est donc dans la même situation qu’une entreprise tunisienne au regard de la TVA. Ainsi, pour toutes les acquisitions de marchandises, matériels, biens d’équipements et services effectués par l’Etat, les collectivités locales ainsi que des établissements ou des entreprises publiques, pour un montant supérieur ou égal à 1000 dinars, il y a une retenue à la source de 50% qui est due 36. Un problème toutefois peut être rencontré par l’investisseur qui n’a pas d’établissement en Tunisie. Dans ce cas, la TVA est retenue à la source par le client établi en Tunisie 37. L’investisseur ne perd pas le droit à la déduction de la TVA. Il peut déclarer la TVA qui a été retenue à la source, en déduire la TVA due sur les marchandises et services nécessaires à la réalisation de l’opération assujettie à la TVA et en cas de crédit de TVA, il peut en demander la restitution. Celle-ci est réalisée sur demande déposée au centre de contrôle des impôts compétent appuyée des justifications nécessaires. La TVA connaît en Tunisie quatre taux. Un taux de droit commun de 18% et des taux spécifiques de 6, 10 ou 29%. Les opérations soumises à ces trois taux font respectivement l’objet des tableaux « B », « B bis » et « C » annexés au code de la TVA. Si l’investisseur agit dans le cadre du code d’incitations aux investissements, il est soumis à la TVA au taux de 10%, sur ses acquisitions d’équipements fabriqués localement effectuées après l'entrée en activité effective de l’investissement. Les équipements doivent être prévus par les décrets d’application des incitations communes, par ceux relatifs au transport routier de personnes et au tourisme 38. 36 37 38 Article 19 bis nouveau du code de la TVA, commenté par la N.C.n°15/2004. Article 19 du code de la TVA, commenté par la N.C n°12/2003 Cette disposition est prévue par le n°I-3-b du Tableau « B » bis annexé au code de la TVA qui dispose : « Les équipements fabriqués localement prévus par 27 Le régime fiscal des investissements étrangers en Tunisie Différents fonds spéciaux du trésor sont alimentés par des taxes sur le chiffre d’affaires, dont le régime contentieux est similaire à celui de la TVA. Il en est ainsi pour les contributions au profit du fonds de développement de la compétitivité industrielle 39. Elle est due au taux de 1% sur le chiffre d’affaires hors taxe. Il y a aussi celle qui est prélevée au profit du fond de développement de la compétitivité dans le secteur du tourisme 40. b- La taxe sur les établissements à caractère industriel, commercial ou professionnel ou la TCL Au niveau local, l’entreprise est soumise, sur son chiffre d’affaires brut local, à un impôt au taux de 0,2%. Cet impôt est dû mensuellement. Il connaît un minimum et un maximum. Ce dernier a été fixé par décret à 60000 Dinars 41. Le minimum est constitué par un impôt calculé en fonction de la superficie des immeubles exploités, appelé taxe sur les immeubles bâtis. Pour le calcul du minimum de la TCL, les immeubles sont classés en quatre catégories. La première catégorie est constituée par les immeubles destinés à un usage administratif ou l’exercice d’une activité commerciale et non commerciale ; la deuxième est constituée par les immeubles en construction légère destinés à l’exercice d’une activité industrielle ; la troisième par les immeubles en béton destinés à l’exercice d’une activité industrielle ; la dernière concerne les immeubles en béton destinés à l’exercice d’une activité industrielle dont la superficie dépasse 5000 mètres carrés. En fonction du nombre 39 40 41 l’article 9, le paragraphe 2 de l’article 50 et l’article 56 du code d’incitations aux investissements acquis à compter de la date effective d’entrée en activité des investissements de création de projets… » Loi n°99-101 du 31 décembre 1999 portant loi de finances pour la gestion 2000. Loi n°95-109 du 25 décembre 1995 portant loi de finances pour la gestion 1996. Décret n°2003-1 345 du 16 juin 2003 relatif à la détermination du montant maximum de la taxe sur les établissements à caractère industriel, commercial ou professionnel 28 Le régime fiscal des investissements étrangers en Tunisie de services offerts par la municipalité, le montant de l’impôt 42 varie entre 0,760 et 1,470 dinar par mètre carré. L’impôt ainsi déterminé joue plusieurs rôles. La superficie bâtie constitue d’abord, le critère de répartition de la TCL lorsque l’entreprise exerce son activité dans plusieurs établissements situés dans différentes collectivités locales. L’impôt déterminé sur la base de la superficie bâtie constitue ensuite, le seul montant de l’impôt dû pour les entreprises totalement exportatrices. Ces entreprises ne sont soumises au niveau local conformément à l’article 12 du code d’incitations aux investissements qu’à la taxe sur les immeubles bâtis 43. L’impôt payé dans ces deux derniers cas est un impôt annuel dû en même temps que l’impôt sur les bénéfices. Si l’entreprise est installée dans un parc d’activités économiques, elle n’est soumise à aucun impôt local. En effet, l’article 8 de la loi portant création des parcs d’activités économiques qui fixe la liste des prélèvements auxquels ces entreprises sont soumises ne cite pas la TCL. Cela peut s’expliquer par le fait que la zone franche bénéficie d’un régime d’extraterritorialité. 42 décret n°97-433 du 3 mars 1997 relatif à la détermination du montant de la taxe par mètre carré de référence pour chacune des catégories des immeubles à usage industriel, commercial ou professionnel. 43 Les établissements agricoles et de pêche sont soumis à la TIB lorsqu’ils prennent la forme d’une entreprise industrielle et à la TCL lorsqu’ils prennent la forme d’une personne morale soumise à l’IS. 29 Le régime fiscal des investissements étrangers en Tunisie III- LES MODALITES DE PAIEMENT DE L’IMPOT Une des particularités des modalités de paiement de l’impôt en Tunisie est le recours fréquent à la retenue à la source (A), ce qui nécessite bien sûr une régularisation par la suite (B). A – La retenue à la source Durant ces dernières années, la retenue à la source a été étendue à d’autres catégories de revenus et à d’autres impôts, à savoir la TVA. a- Les revenus soumis à la retenue à la source Depuis la réforme de l’impôt sur le revenu en 1990, le champ d’application des revenus soumis à retenue a été élargi. Il en est ainsi pour les honoraires, commissions, courtages et rémunérations d’activités non commerciales qu’elle qu’en soit l’appellation ; les loyers ; les redevances ; les revenus des capitaux mobiliers ; les jetons de présence ; les plus-values immobilières ; les marchés conclus avec les personnes morales et les personnes physiques soumises à l’impôt selon le régime réel ; les montants supérieurs à 1000 dinars TTC payés par l’Etat les collectivités locales et les établissements et entreprises publics pour leurs acquisitions de biens et de services ; les rémunérations et revenus servis aux non domiciliés ni établis et non réalisés dans le cadre d’un établissement situé en Tunisie ainsi que les rémunérations des opérations de montage ou de surveillance s’y rattachant lorsque ces opérations durent au plus six mois 44. Ces rémunérations doivent être payées par l’Etat, une collectivité locale, une personne morale, une personne physique soumise à l’impôt sur le revenu selon le régime réel. L’investisseur 44 Mesures prévues par l’article 70 de la loi de finances 2004, modifiant l’article 52 du code de l’IRPP et de l’IS, commentées par la N.C n°28/2004. 30 Le régime fiscal des investissements étrangers en Tunisie étranger qui s’établit en Tunisie doit obligatoirement effectuer ces retenues à la source pour pouvoir déduire les sommes payées aux bénéficiaires de rémunérations, honoraires et loyers de l’assiette de son impôt sur les bénéfices. La loi a toutefois prévu des cas où les rémunérations ne sont pas soumises à la retenue à la source. Il s’agit de certaines rémunérations payées par les entreprises totalement exportatrices régies par le code d’incitations aux investissements ou par un texte spécifique d’incitations à l’investissement comme les sociétés de commerce international, indépendamment de la mise sur le marché local d’une fraction de leur production et même si elles ne bénéficient plus de l’exonération totale des bénéfices de l’impôt. Il en serait ainsi si elles ont dépassé les dix années d’activité. Ne sont pas non plus soumises à la retenue à la source, les rémunérations que les conventions internationales ne considèrent pas comme redevances 45, comme la rémunération de l’assistance technique prévue par la convention tuniso-française ou de certaines rémunérations qui ne peuvent être traitées que comme des honoraires 46 en présence de conventions internationales. Selon cellesci, si le contribuable, personne morale ne dispose pas d’un établissement stable, ou personne physique n’exerce pas son activité à 45 46 Selon le droit interne, les redevances sont définies comme les rémunérations au titre des droits d’auteur, de l’usage, de la concession de l’usage ou de la cession d’un brevet d’une marque de fabrique, des informations ayant trait à une expérience acquise dans le domaine industriel, commercial ou scientifique, des études techniques ou économiques et de l’assistance technique. Les conventions fiscales définissent différemment la notion de redevance. Les honoraires sont définis, par la doctrine fiscale tunisienne comme les rétributions des professions libérales. Celles-ci sont définies comme celles où l’activité intellectuelle joue le rôle principal et qui consiste en la pratique personnelle d’un art ou d’une science que l’intéressé exerce en toute indépendance. Texte DGI n°90/28, Note commune n°23. 31 Le régime fiscal des investissements étrangers en Tunisie partir d’une base fixe, l’imposition est attribuée au pays de la résidence. S’il n’y a toutefois pas de conventions internationales, les honoraires versés à une personne non établie, ni domiciliée en Tunisie, subissent une retenue à la source au taux de 15%. Les taux applicables à la retenue à la source diffèrent selon qu’il y ait ou non une convention internationale. Conformément au principe de nondiscrimination, le taux conventionnel est applicable lorsqu’il est plus favorable. Les sommes soumises à la retenue à la source doivent faire l’objet d’une déclaration annuelle, dite déclaration d’employeur, qui doit être déposée au plus tard le 28 février de l’année. Cette déclaration conditionne la déductibilité de certaines charges. Plus précisément, il s’agit des honoraires, commissions, courtages ainsi que les vacations. Pour ces rémunérations, la retenue à la source est nécessaire, mais insuffisante pour permettre la déductibilité de ces charges. b- La retenue à la source en matière de TVA Depuis 1998, la loi de finances a prévu que la TVA sur les marchés conclus avec l’Etat, les collectivités locales et les établissements et entreprises publics serait soumise à une retenue à la source au taux de 50% de la TVA due. La loi de finances pour la gestion 2004 a changé ces dispositions et elle a étendu la retenue à la source au taux de 50%, sur la TVA due sur tout montant égal ou supérieur à 1000 dinars TTC, payé par l’Etat, les collectivités locales et les établissements et entreprises publics pour leurs acquisitions de marchandises, matériels, biens d’équipements et services. Ces dispositions sont applicables lorsque le fournisseur ou le prestataire de services dispose d’un établissement en Tunisie. 32 Le régime fiscal des investissements étrangers en Tunisie Le code de la TVA a prévu un régime différent lorsque les opérations soumises à la TVA sont réalisées par des personnes morales ou des personnes physiques n’ayant pas d’établissement en Tunisie. Que le client soit une personne morale de droit public ou de droit privé ou une personne physique, il doit retenir en totalité le montant de la TVA due sur ces opérations. La retenue à la source est libératoire de la TVA. Cette retenue doit être effectuée lors de l’encaissement des montants soumis à la TVA. Cette solution a été expressément prévue par l’article 19 du code de la TVA. La TVA ainsi retenue n’empêche pas l’entreprise non établie en Tunisie, si elle a supporté la TVA sur ses acquisitions de biens et services nécessaires à la réalisation des opérations soumises à la TVA de bénéficier du droit à déduction de cette TVA. Le crédit de TVA qui pourrait alors apparaître est restituable intégralement sur demande. En dehors de ce cas qui a prévu que le paiement de la TVA par le client est libératoire de l’impôt, dans les autres cas, il s’agit d’une avance d’impôt dont le sort ne peut être réglé que suite au dépôt de la déclaration mensuelle ou annuelle, voire trimestrielle de l’impôt. c- Le régime juridique de la retenue à la source Toute retenue à la source effectuée doit être reversée durant les quinze premiers jours du mois suivant si elle est opérée par une personne physique, dans les vingt huit premiers jours du mois suivant si elle est réalisée par une personne morale. Tout retard est sanctionné par une pénalité de retard qui s’élève à 0,75% par mois ou fraction de mois de retard si le contribuable régularise spontanément, 1% si le contribuable régularise suite à l’intervention du contrôle mais qu’il s’acquitte de son impôt dans un délai de trente jours à compter de la reconnaissance de dette, 1,25% dans les autres cas. Cette pénalité de retard connaît un minimum de 5 dinars 47. Cette sanction est applicable 47 Articles 81, 82 du CDPF 33 Le régime fiscal des investissements étrangers en Tunisie si le retard ne dépasse pas six mois. Si le défaut de dépôt de déclaration de la retenue à la source dépasse six mois à compter du premier jour qui suit l’expiration du délai imparti pour le paiement de la retenue à la source, le contribuable risque une amende de 1000 à 50000 dinars et seize jours à trois ans d’emprisonnement. Si le contribuable n’a pas effectué la retenue à la source ou s’il l’a insuffisamment effectuée, il risque une amende administrative équivalente au montant non effectué. S’il récidive dans un délai de deux ans, l’amende est doublée. S’agissant de la déclaration d’employeur, son défaut de dépôt est sanctionné par une amende pénale dont le montant varie entre 100 et 10000 dinars, sauf si le contribuable régularise sa situation avant l’intervention d’un contrôle fiscal. B – Les régularisations Aussi bien l’impôt sur les bénéfices réalisés par l’entreprise que l’impôt sur son chiffre d’affaires, doit faire l’objet du dépôt d’une déclaration d’impôt. a- Les déclarations en matière d’impôt sur les bénéfices réalisés par l’entreprise L’impôt sur le revenu des personnes physiques et l’impôt sur les sociétés doivent faire l’objet d’une déclaration annuelle et de trois avances d’impôt dits acomptes provisionnels. 1) Les acomptes provisionnels Tout contribuable soumis à l’IS, ou à l’IRPP au titre des bénéfices à caractère industriel ou commercial ou de profession non commerciale, doit effectuer trois déclarations d’acompte provisionnel durant les 25 premiers jours du 6ème, 9ème, et 12ème mois de l’exercice. 34 Le régime fiscal des investissements étrangers en Tunisie Chaque acompte provisionnel s’élève à 30% de l’impôt dû au titre de l’année précédente. Le contribuable peut imputer les retenues à la source qui ont été effectuées en son nom sur les acomptes provisionnels. Le total des acomptes provisionnels est récupérable de l’impôt annuel dû par le contribuable. 2) La déclaration annuelle de revenu Toute entreprise doit déposer une déclaration annuelle de ses bénéfices. Cette déclaration doit être effectuée pour les personnes morales jusqu’au 25ème jour du troisième mois qui suit la date de clôture de l’exercice. Pour les personnes physiques, le délai dépend de l’activité exercée par le contribuable. Ainsi, les commerçants doivent déposer leur déclaration au plus tard, le 25 avril, les industriels et ceux qui réalisent des revenus de professions non commerciales le 25 mai. La déclaration est accompagnée en Tunisie du paiement au comptant du montant de l’impôt dû. C’est donc l’occasion pour le contribuable de récupérer toutes les avances d’impôt qui ont été effectuées en son nom sous forme de retenues à la source ou qu’il a effectué sous forme d’acomptes provisionnels. Si cette imputation dégage un trop perçu celui-ci est reportable sur les acomptes provisionnels et l’impôt annuel exigible ultérieurement. Si l’excédent persiste dans un délai de trois ans à partir de sa constatation, il peut être restitué mais uniquement sur demande. Si l’excédent a pour origine une retenue à la source ou une avance d’impôt, il est restituable dès sa constatation mais sur demande aussi. La demande de restitution entraîne le déclenchement automatique d’une opération de vérification. En effet, les demandes en restitution font l’objet d’un examen qui permet de vérifier si le contribuable est en règle vis-à-vis de ses obligations fiscales. L’administration est tenue de répondre dans un délai de six mois de la date de dépôt de la demande en restitution. Le silence au-delà de cette 35 Le régime fiscal des investissements étrangers en Tunisie date équivaut à une décision implicite de rejet, qui peut éventuellement être contestée par le contribuable devant le juge de l’impôt. La déclaration d’impôt est due même si le contribuable n’a rien à payer au titre de l’impôt et même s’il bénéficie d’une exonération totale d’impôt 48. Les sociétés de personnes, les sociétés en participation et les groupements d’intérêt économique qui ne sont pas imposables en leur nom propre, sont tenus de déposer une déclaration de leurs bénéfices et de payer une avance d’impôt au taux de 25% des bénéfices réalisés. Tout défaut de dépôt ou tout dépôt tardif de déclaration est sanctionné par le code des droits et procédures fiscaux par la pénalité de retard telle que prévue en matière de retenue à la source. Si le défaut de déclaration concerne des bénéfices exonérés, la pénalité est due au taux de 0,75% par mois ou fraction de mois de retard sur l’impôt qui aurait été dû, compte non tenu de l’exonération. Dans le cadre du régime avantageux dont bénéficient les entreprises totalement exportatrices, le retard est calculé à partir du premier jour du quatrième mois qui suit le mois du dépôt de la déclaration 49. Si le défaut de déclaration concerne des bénéfices soumis à l’impôt, en plus des pénalités de retard, le contribuable est sanctionné par une amende pénale dont le montant varie entre 100 et 10000 dinars et qui sera prononcée par le juge pénal sauf si le contribuable procède à une transaction avec l’administration. Outre le paiement de l’impôt, le dépôt de la déclaration annuelle d’impôt est accompagné de l’obligation de joindre un certain nombre de documents comme les états financiers, un tableau de détermination du résultat fiscal à partir du résultat comptable, un 48 49 Article 60.I. du code de l’IRPP et de l’IS. Article 85 du CDPF 36 Le régime fiscal des investissements étrangers en Tunisie relevé détaillé des amortissements, un relevé détaillé des provisions constituées et un autre des dons et subventions accordés par l’entreprise. Les sociétés de personnes, les sociétés en participation et les groupements d’intérêt économique doivent joindre un état de répartition des bénéfices entre les associés. Les sociétés qui détiennent plus de 10% du capital d’autres sociétés doivent joindre à leur déclaration un état de ces participations avec l’identité de ces sociétés dépendantes et leur taux de participation. b- Les déclarations en matière de TVA La TVA est due mensuellement. Elle doit faire l’objet d’une déclaration qui doit être déposée dans les 15 premiers jours du mois suivant celui de la réalisation du chiffre d’affaires si l’assujetti est une personne physique, dans les 28 premiers jours du mois si l’assujetti est une personne morale. La déclaration va permettre à l’assujetti de récupérer aussi bien la TVA avancée que la retenue à la source qui a été effectuée au titre de la TVA. S’il y a un moins perçu, le contribuable doit payer la différence au comptant au moment du dépôt de la déclaration. S’il y a un crédit d’impôt, il est reportable sur la déclaration du mois suivant. Si le crédit persiste pendant six mois consécutifs, il est restituable sur demande dans la limite de 50%, avec le paiement d’une avance de 15% de son montant global sans contrôle approfondi préalable. Toutefois, le taux de l’avance est relevé à 25 % pour les entreprises dont les comptes sont audités par un commissaire aux comptes 50. Le crédit de TVA est toutefois restituable en totalité lorsqu’il a pour origine des opérations d’exportation, des services utilisés en dehors de la Tunisie, des ventes en suspension de TVA, une retenue à la source au titre de la TVA ou enfin une cessation d’activité. 50 Cf. l’article 15 -I- 4) du CTVA ajouté par la loi de finances pour la gestion 2005. 37 Le régime fiscal des investissements étrangers en Tunisie Selon l’article 32 du Code des droits et procédures fiscaux, la restitution de la TVA est effectuée directement par le receveur des finances après visa de la demande par les services du contrôle fiscal. Ces services doivent répondre dans un délai maximum de 90 jours de la date du dépôt de la demande. Ce délai est réduit à trente jours lorsque le crédit a pour origine des opérations d’exportation, des services utilisés en dehors de la Tunisie, des ventes en suspension de TVA, une retenue à la source au titre de la TVA. Dans ces cas, l’administration ne procède pas à une vérification approfondie de la situation de l’assujetti, mais seulement au bien fondé de la demande en restitution. Le dépôt tardif ou le défaut de dépôt de déclaration est sanctionné d’une pénalité de retard assortie, en cas de défaut de dépôt de déclaration, d’une sanction pénale dont l’importance diffère selon la gravité de l’infraction. Si le défaut de déclaration est inférieur à six mois à compter du premier jour qui suit l’expiration du délai imparti pour le paiement, l’assujetti risque une amende pénale dont le montant varie entre 100 et 10000 dinars. Si le défaut dépasse les six mois, l’assujetti risque, outre l’amende, dont le montant varie entre 1000 et 50000 dinars, un emprisonnement de seize jours à trois ans. Le contribuable peut toutefois échapper à la sanction pénale, s’il régularise sa situation avant l’intervention d’une opération de vérification fiscale 51. CONCLUSION L’investisseur étranger désireux de s’installer en Tunisie peut trouver dans la législation fiscale tunisienne un nombre important d’incitations fiscales, mais aussi un régime de droit commun élaboré, suffisamment compliqué aussi mais dont la combinaison permet à l’entreprise tout en s’acquittant de ses obligations fiscales, de ne pas crouler sous le poids de l’impôt. 51 Cf. l’article 89 du Code des droits et procédures fiscaux. 38