Le régime fiscal des investissements étrangers en Tunisie

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Le régime fiscal des investissements étrangers en Tunisie
Le régime fiscal des investissements étrangers en Tunisie
LE REGIME FISCAL DES INVESTISSEMENTS
ETRANGERS EN TUNISIE
Neïla CHAABANE
Assistante à la Faculté des Sciences
Juridiques Tunis II
Sommaire
I – Les obligations lors du démarrage de l’activité.
A) La procédure de création
B) Les avantages fiscaux
II – Les obligations lors du fonctionnement de l’entreprise.
A) L’imposition du bénéfice
B) Les impôts sur le chiffre d’affaires
III- Les modalités de paiement de l’impôt.
A) La retenue à la source
B) Les régularisations
********
L’investissement étranger, entendu dans le sens de
l’acquisition par une entreprise d’actifs dans un autre pays 1, peut
prendre la forme soit d’investissement direct, soit d’investissement de
portefeuille. Les revenus de ces deux formes d’investissement sont
soumis à l’impôt, dans des proportions diverses et avec des sujétions
plus ou moins lourdes pour l’investisseur.
Seul l’investisseur qui vient s’installer dans un pays ressent le
poids de la fiscalité de celui-ci et cela aussi bien lorsqu’il choisit de
créer une structure autonome ou bien d’agir dans le pays par
1
VALENTE (M) « Dictionnaire Economie- Finance- Banque- Comptabilité »
Paris, Dalloz, 1993, page 357.
11
Le régime fiscal des investissements étrangers en Tunisie
l’intermédiaire d’un établissement stable comme un bureau ou une
succursale.
L’opérateur étranger désireux de s’installer en Tunisie pour
réaliser un investissement va être soumis au régime fiscal tunisien, un
régime certes étranger, mais pas totalement inconnu pour lui. Le
système fiscal tunisien emprunte plusieurs techniques modernes
d’imposition et qui sont en vigueur en France et dans d’autres pays
européens.
La première question que peut se poser l’investisseur, concerne
la détermination des sources du régime fiscal qui va lui être appliqué.
Par ordre d’importance, selon la hiérarchie des normes juridiques, il y
a d’abord, les conventions internationales, ensuite la législation
interne de droit commun et éventuellement aussi la législation sur les
avantages fiscaux.
Les conventions internationales sont celles qui ont pour objet
d’éviter la double imposition. La Tunisie a conclu trente neuf
conventions qui sont entrées en vigueur. Seize de ces conventions ont
été conclues avec des pays européens. Ces conventions ont une valeur
supérieure à la loi, conformément à l’article 32 de la Constitution2.
Ces conventions permettent d’attribuer le droit d’imposition à un Etat
2
L’article 32 de la Constitution dispose : « Le Président de la République ratifie
les traités.
Les traités concernant les frontières de l’Etat, les traités commerciaux, les
traités relatifs à l’organisation internationale, les traités portant engagement
financier de l’Etat et les traités contenant des dispositions à caractère législatif,
ou concernant le statut des personnes, ne peuvent être ratifiés qu’après leur
approbation par la Chambre des députés.
Les traités n’entrent en vigueur qu’après leur ratification et à condition qu’ils
soient appliqués par l’autre partie. Les traités ratifiés par le Président de la
République et approuvés par la Chambre des députés ont une autorité
supérieure à celle des lois ».
12
Le régime fiscal des investissements étrangers en Tunisie
à travers la délimitation de la notion de résidence 3 ou d’établissement
stable 4. Elles prévoient aussi les solutions pour éliminer la double
imposition. Les conventions ont toutefois une fonction limitée
puisqu’elles vont délimiter le droit d’imposition, mais pas les règles
applicables à la détermination de l’impôt 5.
L’investisseur va ensuite rencontrer la seconde source de
législation qui est qualitativement et quantitativement la plus
importante : la législation interne. Elle a pour origine le code de
l’impôt sur le revenu des personnes physiques et de l’impôt sur les
sociétés 6, le code de la TVA 7, le code des droits d’enregistrement et
de timbre 8, le code d’incitations aux investissements 9, le code de la
fiscalité locale 10 ainsi que le code des droits et des procédures
fiscaux 11. Il y a aussi des textes spécifiques relatifs aux services
financiers et à l’énergie.
En Tunisie, les impôts dus sur l’investissement sont au niveau
national : l’impôt sur le revenu ou l’impôt sur les sociétés ; la TVA ;
les droits de consommation qui sont dus sur certains produits ; les
droits d’enregistrement et de timbre et d’autres impôts sur le chiffre
d’affaires. Au niveau local, il y a la taxe sur les établissements à
caractère industriel, commercial ou professionnel ( TCL), la taxe sur
3
4
5
6
7
8
9
10
11
A titre d’exemple, l’article 3 de la convention tuniso-française du 28 mai 1973,
entrée en vigueur le 1er janvier 1981, définit le domicile fiscal des personnes
physiques.
Article 4 de la même convention.
AYADI (H) « Droit fiscal international », Tunis, CPU, 2001.
Le code de l’impôt sur le revenu des personnes physiques et de l’impôt sur les
sociétés (code de l’IRPP et de l’IS) a été promulgué par la loi n°89-114 du 30
décembre 1989.
Promulgué par la loi n°88-61 du 2 juin 1988
Promulgué par la loi n°93-53 du 17 mai 1993
Promulgué par la loi n°93-120 du 27 décembre 1993
Promulgué par la loi n°97-11 du 3 février 1997.
Loi n° 2000-82 du 09/08/2000, portant promulgation du code des droits et
procédures fiscaux.
13
Le régime fiscal des investissements étrangers en Tunisie
les immeubles bâtis qui sont dues par les établissements à caractère
industriel, commercial ou professionnel et la taxe hôtelière qui est due
par les établissements touristiques.
La multiplicité des textes et des impôts rend la tâche de
l’investisseur parfois un peu difficile. Il faut, en effet, dans certains
cas, combiner les dispositions de droit commun avec les dispositions
concernant les avantages fiscaux et les dispositions conventionnelles.
Les obligations fiscales prévues par le système de droit
commun sont multiples et diverses et l’investisseur étranger a tout
intérêt à agir dans le cadre du code d’incitations aux investissements
ou, à défaut, dans le cadre de l’une des lois spécifiques sur les
avantages fiscaux. La Tunisie s’est, en effet, orientée depuis la fin des
années soixante vers l’adoption d’une législation accordant des
avantages fiscaux aux secteurs d’activités jugés prioritaires pour le
développement du pays.
Cette législation est essentiellement constituée aujourd’hui par
le code d’incitations aux investissements 12. Les secteurs bénéficiaires
des avantages dans le cadre de ce texte sont : l’agriculture et la pêche,
les industries manufacturières, le tourisme, le transport, l’artisanat, les
travaux publics, l’éducation et l’enseignement, la formation
professionnelle, la production et les industries culturelles, l’animation
pour les jeunes et l’encadrement de l’enfance, la santé, la technologie
et la recherche-développement, la protection de l’environnement, la
promotion immobilière et autres services non financiers 13.
12
13
HORCHANI (F) « Le code tunisien d’incitations aux investissements », Journal
de droit international, 1998, n°1, pages 67 à 91 ; BACCOUCHE (N) « Regards
sur le code d’incitations aux investissements », RTD, 2000, page 1 à 47.
Article 1er du code d’incitations aux investissements
14
Le régime fiscal des investissements étrangers en Tunisie
Les avantages sont plus importants lorsque l’activité de
production de biens ou de services est exportatrice. Certaines activités
exportatrices sont soumises à un régime spécifique. Il en est ainsi pour
les sociétés de commerce international 14 et les entreprises établies
dans les parcs d’activités économiques 15. Des avantages plus
importants encore, sont accordés lorsque l’investisseur s’installe dans
certaines zones bénéficiant du régime de zone de développement
régional. Le secteur des services financiers est régi par la loi sur les
établissements bancaires travaillant avec les non-résidents 16, la loi sur
les sociétés d’investissement 17. Le secteur de l’énergie est régi par le
code des hydrocarbures 18.
Au vu de tous ces textes, les avantages sont accordés aussi
bien au niveau des modalités de création de l’entreprise (I) que lors de
son fonctionnement (II) et enfin des modalités de paiement des
impôts (III).
I – LES OBLIGATIONS LORS DU DEMARRAGE DE
L’ACTIVITE
La création d’une entreprise se traduit, d’un côté par le respect
de certaines formalités (A) et d’autre côté par l’acquittement de
certains impôts sauf avantages fiscaux (B).
14
15
16
17
18
Loi n°94-42 du 7 mars 1994, modifiée par la loi n°96-59 du 6 juillet 1996 fixant
le régime applicable à l’exercice des activités des sociétés de commerce
international.
C’est la dénomination qui est donnée aux zones franches économiques par la loi
n°2001-76 du 17 juillet 2001 modifiant et complétant la loi n°92-81 du 3 août
1992 portant création des zones franches économiques, telle que modifiée et
complétée par la loi n°94-14 du 31 janvier 1994, JORT, n°58, 2001, page 1752.
Loi n°85-108 du 6 décembre 1985 portant encouragement d’organismes
financiers et bancaires travaillant essentiellement avec les non-résidents, JORT,
n°87, 1985, page 1626
Loi n° 88-92 du 2 août 1988
La loi n°99-93 du 17 août 1999 portant code des hydrocarbures. Cette loi a été
modifiée et complétée par la loi n° 2002-23 du 14 février 2002, JORT, n°14.
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Le régime fiscal des investissements étrangers en Tunisie
A- La procédure de création
La création d’un projet dans le cadre du code d’incitations aux
investissements est, selon le secteur d’activité, soit soumise à une
simple déclaration, soit à une autorisation préalable soit à
l’approbation de la commission supérieure des investissements. Un
décret a fixé la liste des activités selon leur régime de création 19.
En principe, si l’activité n’est pas sur la liste, elle est soumise à
une simple déclaration à déposer soit auprès du guichet unique de
l’Agence de Promotion des Investissements, de l’Agence de
Promotion des Investissements Agricoles ou de l’Office National du
Tourisme. La déclaration 20 doit comporter des renseignements relatifs
à la nature de l’investissement, l’activité principale, le régime
d’investis-sement, la localisation du projet, les données concernant le
marché, le coût et le schéma de financement et d’investissement, la
forme juridique de l’entreprise, la participation étrangère, le calendrier
de réalisation du projet et le nombre d’emplois à créer.
Dans le cas contraire, il faut une autorisation préalable délivrée
par l’autorité de tutelle comme par exemple pour l’investissement
dans le secteur de la pêche, du tourisme, du transport, des
communications, de la santé…. De plus, si l’activité est une activité de
service autre que totalement exportatrice et que la participation
étrangère dépasse 50% du capital, elle est soumise à l’approbation de
la commission supérieure des investissements 21.
19
20
21
Décret n°94-492 du 28 février 1994, portant fixation des listes des activités
relevant des secteurs prévus par les articles 1, 2, 3 et 27 du code d’incitations
aux investissements.
Conformément à l’article 3 du décret n°94-492 du 28 février 1994, portant
fixation des listes d’activités relevant des secteurs prévus par les articles 1,2, 3
et 27 du code d’incitations aux investissements, tel que modifié par les textes
ultérieurs.
Décret n°93-2542 du 27 décembre 1993 portant composition, organisation, et
modes de fonctionnement de la commission supérieure des investissement,
JORT, 1994, n°2.
16
Le régime fiscal des investissements étrangers en Tunisie
Il faut relever que les étrangers peuvent investir dans le
domaine agricole. Cet investissement ne peut être effectué que par
voie de location des terres agricoles. En Tunisie, les étrangers ne
peuvent pas s’approprier des terres agricoles. Cette interdiction est
inscrite dans les articles 1 et 2 de la loi relative à la propriété agricole
en Tunisie 22.
Une fois ces formalités accomplies, et avant de débuter son
activité, l’investisseur doit, sur le plan fiscal, souscrire une déclaration
d’existence 23 auprès des services fiscaux territorialement compétents,
qu’il agisse ou non dans le cadre du code des incitations aux
investissements. Il s’agit pour l’essentiel de la recette des finances
du siège social de la société ou de son établissement principal 24.
La souscription de cette déclaration constitue la première des
obligations fiscales et elle doit être accompagnée d’une copie des
actes constitutifs pour les personnes morales et éventuellement d’une
copie de l’autorisation administrative ou de l’agrément. Le dépôt de
cette déclaration entraîne la soumission de l’entreprise à un certain
nombre d’obligations fiscales dont la tenue d’une comptabilité
conforme à la législation comptable des entreprises, le dépôt des
déclarations mensuelles, trimestrielles et annuelles d’impôts.
Les actes de création de la société sont soumis au niveau des
droits d’enregistrement à un droit fixe de 100 dinars par acte. Seuls les
actes comportant apport de biens immeubles sont soumis à un droit
proportionnel de 5% de la valeur de l’immeuble. Cependant, le
paiement de ce droit peut être reporté par application de la théorie de
mutation conditionnelle. Ce régime de droit commun est toutefois
assorti de plusieurs avantages fiscaux.
22
23
24
Loi n°64-5 du 12 mai 1964 relative à la propriété agricole en Tunisie, JORT,
1964, n°24, page 575.
Article 56 du code de l’IRPP et de l’IS.
Article 3 du CDPF.
17
Le régime fiscal des investissements étrangers en Tunisie
B - Les avantages fiscaux
Si la création du projet se fait dans le cadre du code
d’incitations aux investissements, l’investisseur va bénéficier
d’avantages fiscaux plus ou moins importants selon le secteur
d’activité. Il y a des avantages communs et des avantages spécifiques.
a- L’avantage sur les acquisitions d’équipements
Les importations d’équipements nécessaires à la réalisation de
l’investissement et qui n’ont pas de similaires fabriqués localement, à
l’exception des voitures de tourisme, sont soumises à la TVA au taux
réduit de 10% lorsque les équipements figurent sur une liste prévue
par décret. Ces équipements bénéficient aussi de l’exonération des
droits de douane. Seuls les équipements ne figurant pas sur la liste
prévue par décret et non importés de l’Union européenne demeurent
soumis aux taux des droits de douane de droit commun 25. Par contre,
lorsque ces équipements sont fabriqués localement, ils bénéficient du
régime suspensif de la TVA et des droits de consommation. Cet
avantage est plus étendu si l’investissement concerne une entreprise
totalement exportatrice. Une entreprise est considérée comme
totalement exportatrice même si elle écoule jusqu’à 20% de son
chiffre d’affaires à l’exportation, départ usine et en hors taxe sur le
marché local. S’il s’agit d’activités agricoles et de pêche, ce seuil est
relevé à 30% de la production en valeur en cours de la dernière
campagne agricole. Les sociétés de commerce international totalement
exportatrices 26 et celles qui sont établies dans les parcs d’activités
économiques sont aussi considérées comme totalement exportatrices.
25
26
Cette disposition est prévue par le n°I-3-a du Tableau « B » bis qui
dispose : « Les équipements n’ayant pas de similaires fabriqués localement
prévus par l’article 9, l’article 41, le deuxième paragraphe de l’article 50 et
l’article 56 du code d’incitations aux investissements »
Les sociétés de commerce international sont celles qui réalisent au moins 50%
de leurs ventes annuelles à partir des exportations de marchandises et de
produits d’origine tunisienne. Ce pourcentage peut être ramené à 30% si la
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Le régime fiscal des investissements étrangers en Tunisie
L’entreprise n’est soumise ni à la TVA, ni aux droits de
douane sauf s’il s’agit de ceux relatifs aux véhicules de tourisme. Si
l’activité est partiellement exportatrice, la suspension de la TVA ne
concerne que les biens, produits et services nécessaires à la réalisation
des opérations d’exportation. Les droits de douane et taxes d’effet
équivalent relatifs à ces produits sont remboursés. Les droits
d’enregistrement ne sont pas dus au titre des actes relatifs à la vie de
l’entreprise.
b- L’amortissement dégressif
Cet avantage commun, qui n’en est plus un, puisque pour
l’essentiel, il a été intégré dans le CIR, permet à l’investisseur de
bénéficier de l’amortissement dégressif au titre du matériel et des
équipements de production, à l’exception toutefois du mobilier et du
matériel de bureau.
c-) La déduction pour réinvestissement
Les sommes investies dans le capital d’une entreprise éligible
aux avantages du code ou par une société dans sa propre activité
bénéficient d’une déduction pour réinvestissement au minimum de
35%, mais cette déduction peut atteindre 100% pour certains
investissements. Il s’agit des entreprises totalement exportatrices
installées ou non dans les parcs d’activités économiques, des projets
installés dans les zones de développement régional et des projets de
développement agricole.
société réalise un montant minimum de ses ventes à l’exportation à partir de
marchandises d’origine tunisienne. Ces sociétés sont considérées comme nonrésidentes si leur capital est détenu à concurrence de 66% par des non-résidents
au moyen d’une importation de devises.
19
Le régime fiscal des investissements étrangers en Tunisie
Cette déduction est limitée à 50% du bénéfice imposable pour
les projets de lutte contre la pollution et la protection de
l’environnement, ou encore dans les investissements de soutien
comme les projets d’institutions d’encadrement de l’enfance, de
l’éducation, d’enseignements, d’établissements de production et
d’industrie culturelles ou des établissements sanitaires et hospitaliers.
Le bénéfice de cette déduction qui peut être appliquée par l’entreprise
durant son fonctionnement a souvent été assorti, par le législateur,
d’un minimum d’impôt, afin de limiter l’ampleur de cet avantage
fiscal.
L’investisseur peut également bénéficier d’avantages supplémentaires 27, sous forme par exemple de la participation de l’Etat aux
dépenses d’infrastructure, de primes d’investissement dans la limite de
5% du montant de l’investissement. Les projets importants du point de
vue volume d’investissement et création d’emploi peuvent bénéficier
de l’acquisition de terrains non agricoles au dinar symbolique. Ces
avantages sont accordés par décret lorsque les investissements
revêtent un intérêt particulier pour l’économie nationale ou pour les
zones frontalières sans que forcément ces investissements remplissent
les conditions prévues par le code d’incitations aux investissements.
II – LES OBLIGATIONS LORS DU FONCTIONNEMENT DE
L’ENTREPRISE
Si la création de l’entreprise n’est pas entourée d’un nombre
excessif de formalités, il n’en est pas de même lors du fonctionnement
de l’entreprise. Celle-ci est soumise d’une part à des impôts sur le
bénéfice et à des impôts sur le chiffre d’affaires.
27
Article 52 du code d’incitations aux investissements.
20
Le régime fiscal des investissements étrangers en Tunisie
A – L’imposition du bénéfice
L’impôt dû est soit l’impôt sur le revenu des personnes
physiques, soit l’impôt sur les sociétés. L’étude sera axée
essentiellement sur les caractéristiques de ce dernier.
En Tunisie, l’impôt sur les sociétés est dû par les sociétés de
capitaux et les SARL. Les sociétés de personnes ne sont pas soumises
en tant que telles à cet impôt. Elles sont néanmoins soumises à un
certain nombre d’obligations, comme celles de souscrire une
déclaration d’existence et d’être soumises à une avance de 25% des
bénéfices réalisés.
La convention tuniso-française a réservé une disposition
spéciale à l’imposition de certaines sociétés de personnes. Elle
dispose : « les participations d’un associé aux bénéfices d’une
entreprise constituée sous forme de société de fait ou d’association en
participation ne sont imposables que dans l’Etat où ladite entreprise a
un établissement stable». D’autres conventions ont toutefois ignoré la
question comme la convention avec l’Italie renvoyant l’imposition
selon les critères du droit interne. L’administration fiscale tunisienne
considère qu’un tel établissement stable existe du fait même de la
participation de l’entreprise étrangère à un groupement soit avec un
bureau d’études tunisien, soit avec d’autres sociétés étrangères 28.
a- La détermination de l’assiette de l’impôt
La société n’est soumise à l’impôt que sur les bénéfices de
source tunisienne. Le principe de la territorialité est le seul qui soit
retenu en droit tunisien pour les personnes morales. Le bénéfice
28
Prise de position n°1393 du 28 septembre 1999, RCF, n°48, 2000, page 49 ;
prise de position n°1672 du 6octpbre 1999, RCF, n°50, 2000, page 56.
21
Le régime fiscal des investissements étrangers en Tunisie
réalisé mais aussi les charges engagées en dehors de la Tunisie
échappent totalement à l’impôt tunisien29.
La règle d’assiette est que : « Les bénéfices passibles de
l’impôt sur les sociétés sont ceux réalisés dans le cadre
d’établissements situés en Tunisie et ceux dont l’imposition est
attribuée à la Tunisie par une convention fiscale de non double
imposition » 30. La société est imposable sur « les résultats d’ensemble
des opérations de toute nature effectuée par l’entreprise y compris
notamment la cession de tout élément d’actif » 31. Toutefois, les plusvalues de cession des actions cotées en bourse ne sont pas imposables,
pas plus que la plus-value d’apport dans le cadre d’opération de fusion
ou de scission totale des sociétés des éléments d’actif autres que les
marchandises, les biens et valeurs faisant l’objet de l’exploitation. La
plus-value est toutefois réintégrée aux résultats imposables de la
société ayant reçu les actifs dans la limite de 50% de son montant, à
raison de un cinquième par année à compter de l’année de fusion ou
de scission.
Des résultats ainsi dégagés, la société a le droit de déduire
toutes les charges nécessitées par l’exploitation et engagées en
Tunisie. Lorsque l’investisseur agit par l’intermédiaire d’un
établissement stable au sens des conventions fiscales internationales, il
a le droit de déduire les dépenses réelles engagées par le siège pour le
compte de son établissement stable. La déduction est totale pour les
frais et charges directs à condition d’être justifiés. S’agissant des frais
de siège imputables à l’établissement tunisien, la quote-part est
déterminée en fonction du chiffre d’affaires de l’établissement stable
par rapport au chiffre d’affaires mondial de la société.
29
30
31
Article 49 bis I du code de l’IRPP et de l’IS dispose : « Les sociétés concernées
par l’intégration des résultats doivent être établies en Tunisie ».
Article 47 du code de l’IRPP et de l’IS.
Article 11 .I. du code de l’IRPP et de l’IS.
22
Le régime fiscal des investissements étrangers en Tunisie
La convention tuniso-française précise toutefois, dans son
protocole additionnel, que certains paiements effectués par
l’établissement stable au siège ne sont pas déductibles. Il s’agit des
redevances, des honoraires, et autres paiements analogues au titre de
licences d’exploitation, de brevets ou d’autres droits analogues, ou de
commissions pour services rendus ou pour une activité de direction ou
des intérêts des sommes prêtées sauf pour les établissements
bancaires.
La déductibilité de certaines charges est soumise en Tunisie à
l’obligation d’effectuer une retenue à la source par l’entreprise afin de
pouvoir bénéficier de la déduction de la charge. Il en est ainsi par
exemple pour les honoraires, commissions, courtages, vacations et
rémunérations des activités non commerciales.
b- Les règles de taux
Le système fiscal tunisien connaît des taux de droit commun et
des taux plus avantageux.
1) Les taux de droit commun
En principe, l’impôt est dû au taux de 35% si l’entreprise est
soumise à l’IS. Toutefois, un taux préférentiel est réservé,
essentiellement, aux sociétés agricoles et artisanales et un taux de
20 % est accordé aux sociétés qui ouvrent leur capital au public
conformément à la loi n° 99-92 du 17 août 1999 relative à la relance
du marché financier.
Si l’investisseur est une personne physique, il est soumis à
l’impôt selon un barème progressif par tranche qui varie de 0 à 35%
selon le revenu net réalisé. Ces taux d’impôt sont assortis d’un impôt
minimum qui s’élève à 0,5% du chiffre d’affaires avec un montant
maximum de 1000D pour les personnes physiques et pour les sociétés
23
Le régime fiscal des investissements étrangers en Tunisie
soumises au taux de 10 % et de 2000D pour les personnes morales
soumises à l’IS au taux de 35%. Ce minimum est dû en cas de
bénéfices réduits ou d’exercice déficitaire.
Les entreprises qui ne réalisent pas de chiffre d’affaires sont
soumises à un impôt minimum de 100D. Cet impôt minimum ne
s’applique pas lorsqu’il s’agit d’entreprises nouvelles qui sont en
phase de réalisation du projet dans la limite de trois ans à partir de la
date de dépôt de la déclaration d’existence. Si l’entreprise bénéficie de
certains avantages fiscaux, les taux de l’impôt sont différents.
2) Les taux applicables aux investissements bénéficiaires
d’avantages fiscaux
L’application de ces taux dépend du secteur dans lequel
intervient l’investissement. Ils varient entre l’exonération totale,
partielle et l’application d’un minimum d’impôt. Certains secteurs
bénéficient d’une combinaison de ces techniques.
L’activité totalement ou partiellement exportatrice bénéficie de
la déduction totale des bénéfices provenant de l’exportation pendant
les dix premières années d’activité. Par la suite, elle est imposable
uniquement sur 50% du bénéfice tiré de l’exportation. Elle est de fait
soumise à l’impôt au taux de 17,5% si elle est soumise à l’IS. Ces taux
sont applicables que l’entreprise exerce son activité dans le cadre du
code d’incitations aux investissements ou qu’elle exerce dans le cadre
d’une loi spécifique. Le CIR 32 a, en effet, prévu les mêmes mesures
pour tous les revenus provenant de toute entreprise qui procède à
l’exportation de biens ou de services.
Les entreprises industrielles, de tourisme, d’artisanat et
certaines activités de services installées dans les zones de
développement régional sont totalement exonérées d’impôt pendant
32
Article 39 V et article 48 VII decies du code de l’IRPP et de l’IS.
24
Le régime fiscal des investissements étrangers en Tunisie
les dix premières années d’activité, et exonérées à concurrence de
50% des bénéfices tirés de ces activités durant les dix années
suivantes. Les sociétés agricoles sont exonérées d’impôt durant les dix
premières années d’activité et par la suite, elles sont soumises à
l’impôt au taux de 10%.
Les entreprises de travaux publics et de promotion
immobilière qui réalisent des projets d’infrastructure et d’équipements
collectifs dans les zones de développement régional bénéficient d’une
déduction de 50% des bénéfices tirés de ces projets 33. Il en est de
même pour les bénéfices tirés de projets relatifs à l’habitat social, à
l’aménagement des zones pour les activités agricoles, de tourisme et
d’industries et à la construction de bâtiments destinés aux activités
industrielles par les promoteurs immobiliers sous réserve toutefois du
minimum d’impôt 34.
Les bénéfices réalisés par les entreprises spécialisées dans la
collecte, la transformation ou le traitement des déchets et des ordures
ménagères ou des activités économiques ainsi que ceux tirés des
activités de soutien sont exonérées d’impôt sous réserve d’un
minimum d’impôt de 10% du bénéfice global compte non tenu de
l’exonération et de 30% du montant de l’impôt calculé sur la base du
revenu global pour les personnes physiques.
Le législateur tunisien a par ailleurs assorti certains avantages
fiscaux d’un minimum d’impôt afin d’en limiter les effets. Ce
minimum, qui n’est pas dû dans tous les cas, s’élève pour les
personnes morales à 20% des bénéfices compte non tenu de l’avantage
fiscal et à 60% de l’impôt dû sur le revenu global des personnes
physiques. En matière d’investissements de soutien comme les
établissements sanitaires, il est de 10% pour les sociétés et 30% pour
les personnes physiques.
33
34
Article 26 du code d’incitations aux investissements.
Article 51 du code d’incitations aux investissements.
25
Le régime fiscal des investissements étrangers en Tunisie
c- La distribution des bénéfices
En droit tunisien et nonobstant les dispositions conventionnelles, les distributions officielles de bénéfices sont expressément
exonérées d’impôt par l’article 38-10) du CIR. Plus précisément,
l’exonération couvre tous les bénéfices ou produits qui ne sont ni mis
en réserve ni incorporés au capital, les revenus des parts des fonds
communs de placement en valeurs mobilières ainsi que les tantièmes.
L’article 48 III prévoit le même avantage lorsque le bénéficiaire de la
distribution est une personne morale passible de l’IS. Lorsque la
Tunisie est le pays de la source de ces dividendes, aucune imposition
n’est due au titre des dividendes payés à des personnes non résidentes
en Tunisie 35.
B – Les impôts sur le chiffre d’affaires
Le chiffre d’affaires réalisé localement par l’investisseur est
soumis d’une part à la TVA et d’autre part à la TCL.
a- La TVA due par l’entreprise
La TVA est due sur les affaires effectuées en Tunisie
présentant un caractère industriel, artisanal, libéral ou commercial
autres que les ventes. L’agriculture est en dehors du champ
d’application de la TVA. Le code de la TVA soumet aussi certaines
opérations expressément à son champ d’application comme
l’importation ou le commerce de gros ou les livraisons à soi-même.
Sauf exonération expresse, en principe toutes les livraisons de
marchandises et tous les services utilisés ou exploités en Tunisie sont
assujettis à cet impôt. L’assiette de cet impôt est constituée par le prix
des marchandises, des services ou des travaux, tous droits et taxes
inclus sauf la TVA. Lorsqu’une entreprise est placée sous la
35
Sous réserve du respect de l’article 3 al. 2 du CIR.
26
Le régime fiscal des investissements étrangers en Tunisie
dépendance d’une entreprise dont le siège est situé hors de la Tunisie,
la TVA est assise comme en régime intérieur. L’investisseur étranger
est donc dans la même situation qu’une entreprise tunisienne au regard
de la TVA. Ainsi, pour toutes les acquisitions de marchandises,
matériels, biens d’équipements et services effectués par l’Etat, les
collectivités locales ainsi que des établissements ou des entreprises
publiques, pour un montant supérieur ou égal à 1000 dinars, il y a une
retenue à la source de 50% qui est due 36.
Un problème toutefois peut être rencontré par l’investisseur qui
n’a pas d’établissement en Tunisie. Dans ce cas, la TVA est retenue à
la source par le client établi en Tunisie 37. L’investisseur ne perd pas
le droit à la déduction de la TVA. Il peut déclarer la TVA qui a été
retenue à la source, en déduire la TVA due sur les marchandises et
services nécessaires à la réalisation de l’opération assujettie à la TVA
et en cas de crédit de TVA, il peut en demander la restitution. Celle-ci
est réalisée sur demande déposée au centre de contrôle des impôts
compétent appuyée des justifications nécessaires.
La TVA connaît en Tunisie quatre taux. Un taux de droit
commun de 18% et des taux spécifiques de 6, 10 ou 29%. Les
opérations soumises à ces trois taux font respectivement l’objet des
tableaux « B », « B bis » et « C » annexés au code de la TVA. Si
l’investisseur agit dans le cadre du code d’incitations aux
investissements, il est soumis à la TVA au taux de 10%, sur ses
acquisitions d’équipements fabriqués localement effectuées après
l'entrée en activité effective de l’investissement. Les équipements
doivent être prévus par les décrets d’application des incitations
communes, par ceux relatifs au transport routier de personnes et au
tourisme 38.
36
37
38
Article 19 bis nouveau du code de la TVA, commenté par la N.C.n°15/2004.
Article 19 du code de la TVA, commenté par la N.C n°12/2003
Cette disposition est prévue par le n°I-3-b du Tableau « B » bis annexé au code
de la TVA qui dispose : « Les équipements fabriqués localement prévus par
27
Le régime fiscal des investissements étrangers en Tunisie
Différents fonds spéciaux du trésor sont alimentés par des
taxes sur le chiffre d’affaires, dont le régime contentieux est similaire
à celui de la TVA. Il en est ainsi pour les contributions au profit du
fonds de développement de la compétitivité industrielle 39. Elle est due
au taux de 1% sur le chiffre d’affaires hors taxe. Il y a aussi celle qui
est prélevée au profit du fond de développement de la compétitivité
dans le secteur du tourisme 40.
b- La taxe sur les établissements à caractère industriel,
commercial ou professionnel ou la TCL
Au niveau local, l’entreprise est soumise, sur son chiffre
d’affaires brut local, à un impôt au taux de 0,2%. Cet impôt est dû
mensuellement. Il connaît un minimum et un maximum. Ce dernier a
été fixé par décret à 60000 Dinars 41. Le minimum est constitué par un
impôt calculé en fonction de la superficie des immeubles exploités,
appelé taxe sur les immeubles bâtis.
Pour le calcul du minimum de la TCL, les immeubles sont
classés en quatre catégories. La première catégorie est constituée par
les immeubles destinés à un usage administratif ou l’exercice d’une
activité commerciale et non commerciale ; la deuxième est constituée
par les immeubles en construction légère destinés à l’exercice d’une
activité industrielle ; la troisième par les immeubles en béton destinés
à l’exercice d’une activité industrielle ; la dernière concerne les
immeubles en béton destinés à l’exercice d’une activité industrielle
dont la superficie dépasse 5000 mètres carrés. En fonction du nombre
39
40
41
l’article 9, le paragraphe 2 de l’article 50 et l’article 56 du code d’incitations
aux investissements acquis à compter de la date effective d’entrée en activité
des investissements de création de projets… »
Loi n°99-101 du 31 décembre 1999 portant loi de finances pour la gestion 2000.
Loi n°95-109 du 25 décembre 1995 portant loi de finances pour la gestion 1996.
Décret n°2003-1 345 du 16 juin 2003 relatif à la détermination du montant
maximum de la taxe sur les établissements à caractère industriel, commercial ou
professionnel
28
Le régime fiscal des investissements étrangers en Tunisie
de services offerts par la municipalité, le montant de l’impôt 42 varie
entre 0,760 et 1,470 dinar par mètre carré. L’impôt ainsi déterminé
joue plusieurs rôles. La superficie bâtie constitue d’abord, le critère de
répartition de la TCL lorsque l’entreprise exerce son activité dans
plusieurs établissements situés dans différentes collectivités locales.
L’impôt déterminé sur la base de la superficie bâtie constitue
ensuite, le seul montant de l’impôt dû pour les entreprises totalement
exportatrices. Ces entreprises ne sont soumises au niveau local
conformément à l’article 12 du code d’incitations aux investissements
qu’à la taxe sur les immeubles bâtis 43. L’impôt payé dans ces deux
derniers cas est un impôt annuel dû en même temps que l’impôt sur
les bénéfices.
Si l’entreprise est installée dans un parc d’activités
économiques, elle n’est soumise à aucun impôt local. En effet,
l’article 8 de la loi portant création des parcs d’activités économiques
qui fixe la liste des prélèvements auxquels ces entreprises sont
soumises ne cite pas la TCL. Cela peut s’expliquer par le fait que la
zone franche bénéficie d’un régime d’extraterritorialité.
42
décret n°97-433 du 3 mars 1997 relatif à la détermination du montant de la taxe
par mètre carré de référence pour chacune des catégories des immeubles à usage
industriel, commercial ou professionnel.
43
Les établissements agricoles et de pêche sont soumis à la TIB lorsqu’ils
prennent la forme d’une entreprise industrielle et à la TCL lorsqu’ils prennent la
forme d’une personne morale soumise à l’IS.
29
Le régime fiscal des investissements étrangers en Tunisie
III- LES MODALITES DE PAIEMENT DE L’IMPOT
Une des particularités des modalités de paiement de l’impôt en
Tunisie est le recours fréquent à la retenue à la source (A), ce qui
nécessite bien sûr une régularisation par la suite (B).
A – La retenue à la source
Durant ces dernières années, la retenue à la source a été
étendue à d’autres catégories de revenus et à d’autres impôts, à savoir
la TVA.
a- Les revenus soumis à la retenue à la source
Depuis la réforme de l’impôt sur le revenu en 1990, le champ
d’application des revenus soumis à retenue a été élargi. Il en est ainsi
pour les honoraires, commissions, courtages et rémunérations
d’activités non commerciales qu’elle qu’en soit l’appellation ; les
loyers ; les redevances ; les revenus des capitaux mobiliers ; les jetons
de présence ; les plus-values immobilières ; les marchés conclus avec
les personnes morales et les personnes physiques soumises à l’impôt
selon le régime réel ; les montants supérieurs à 1000 dinars TTC payés
par l’Etat les collectivités locales et les établissements et entreprises
publics pour leurs acquisitions de biens et de services ; les
rémunérations et revenus servis aux non domiciliés ni établis et non
réalisés dans le cadre d’un établissement situé en Tunisie ainsi que les
rémunérations des opérations de montage ou de surveillance s’y
rattachant lorsque ces opérations durent au plus six mois 44.
Ces rémunérations doivent être payées par l’Etat, une
collectivité locale, une personne morale, une personne physique
soumise à l’impôt sur le revenu selon le régime réel. L’investisseur
44
Mesures prévues par l’article 70 de la loi de finances 2004, modifiant l’article
52 du code de l’IRPP et de l’IS, commentées par la N.C n°28/2004.
30
Le régime fiscal des investissements étrangers en Tunisie
étranger qui s’établit en Tunisie doit obligatoirement effectuer ces
retenues à la source pour pouvoir déduire les sommes payées aux
bénéficiaires de rémunérations, honoraires et loyers de l’assiette de
son impôt sur les bénéfices.
La loi a toutefois prévu des cas où les rémunérations ne sont
pas soumises à la retenue à la source. Il s’agit de certaines
rémunérations payées par les entreprises totalement exportatrices
régies par le code d’incitations aux investissements ou par un texte
spécifique d’incitations à l’investissement comme les sociétés de
commerce international, indépendamment de la mise sur le marché
local d’une fraction de leur production et même si elles ne bénéficient
plus de l’exonération totale des bénéfices de l’impôt. Il en serait ainsi
si elles ont dépassé les dix années d’activité.
Ne sont pas non plus soumises à la retenue à la source, les
rémunérations que les conventions internationales ne considèrent pas
comme redevances 45, comme la rémunération de l’assistance
technique prévue par la convention tuniso-française ou de certaines
rémunérations qui ne peuvent être traitées que comme des
honoraires 46 en présence de conventions internationales. Selon cellesci, si le contribuable, personne morale ne dispose pas d’un
établissement stable, ou personne physique n’exerce pas son activité à
45
46
Selon le droit interne, les redevances sont définies comme les rémunérations au
titre des droits d’auteur, de l’usage, de la concession de l’usage ou de la cession
d’un brevet d’une marque de fabrique, des informations ayant trait à une
expérience acquise dans le domaine industriel, commercial ou scientifique, des
études techniques ou économiques et de l’assistance technique. Les conventions
fiscales définissent différemment la notion de redevance.
Les honoraires sont définis, par la doctrine fiscale tunisienne comme les
rétributions des professions libérales. Celles-ci sont définies comme celles où
l’activité intellectuelle joue le rôle principal et qui consiste en la pratique
personnelle d’un art ou d’une science que l’intéressé exerce en toute
indépendance. Texte DGI n°90/28, Note commune n°23.
31
Le régime fiscal des investissements étrangers en Tunisie
partir d’une base fixe, l’imposition est attribuée au pays de la
résidence.
S’il n’y a toutefois pas de conventions internationales, les
honoraires versés à une personne non établie, ni domiciliée en Tunisie,
subissent une retenue à la source au taux de 15%. Les taux applicables
à la retenue à la source diffèrent selon qu’il y ait ou non une
convention internationale. Conformément au principe de nondiscrimination, le taux conventionnel est applicable lorsqu’il est plus
favorable.
Les sommes soumises à la retenue à la source doivent faire
l’objet d’une déclaration annuelle, dite déclaration d’employeur, qui
doit être déposée au plus tard le 28 février de l’année. Cette
déclaration conditionne la déductibilité de certaines charges. Plus
précisément, il s’agit des honoraires, commissions, courtages ainsi que
les vacations. Pour ces rémunérations, la retenue à la source est
nécessaire, mais insuffisante pour permettre la déductibilité de ces
charges.
b- La retenue à la source en matière de TVA
Depuis 1998, la loi de finances a prévu que la TVA sur les
marchés conclus avec l’Etat, les collectivités locales et les
établissements et entreprises publics serait soumise à une retenue à la
source au taux de 50% de la TVA due. La loi de finances pour la
gestion 2004 a changé ces dispositions et elle a étendu la retenue à la
source au taux de 50%, sur la TVA due sur tout montant égal ou
supérieur à 1000 dinars TTC, payé par l’Etat, les collectivités locales
et les établissements et entreprises publics pour leurs acquisitions de
marchandises, matériels, biens d’équipements et services. Ces
dispositions sont applicables lorsque le fournisseur ou le prestataire de
services dispose d’un établissement en Tunisie.
32
Le régime fiscal des investissements étrangers en Tunisie
Le code de la TVA a prévu un régime différent lorsque les
opérations soumises à la TVA sont réalisées par des personnes
morales ou des personnes physiques n’ayant pas d’établissement en
Tunisie. Que le client soit une personne morale de droit public ou de
droit privé ou une personne physique, il doit retenir en totalité le
montant de la TVA due sur ces opérations. La retenue à la source est
libératoire de la TVA. Cette retenue doit être effectuée lors de
l’encaissement des montants soumis à la TVA. Cette solution a été
expressément prévue par l’article 19 du code de la TVA. La TVA
ainsi retenue n’empêche pas l’entreprise non établie en Tunisie, si elle
a supporté la TVA sur ses acquisitions de biens et services nécessaires
à la réalisation des opérations soumises à la TVA de bénéficier du
droit à déduction de cette TVA. Le crédit de TVA qui pourrait alors
apparaître est restituable intégralement sur demande.
En dehors de ce cas qui a prévu que le paiement de la TVA par
le client est libératoire de l’impôt, dans les autres cas, il s’agit d’une
avance d’impôt dont le sort ne peut être réglé que suite au dépôt de la
déclaration mensuelle ou annuelle, voire trimestrielle de l’impôt.
c- Le régime juridique de la retenue à la source
Toute retenue à la source effectuée doit être reversée durant les
quinze premiers jours du mois suivant si elle est opérée par une
personne physique, dans les vingt huit premiers jours du mois suivant
si elle est réalisée par une personne morale. Tout retard est sanctionné
par une pénalité de retard qui s’élève à 0,75% par mois ou fraction de
mois de retard si le contribuable régularise spontanément, 1% si le
contribuable régularise suite à l’intervention du contrôle mais qu’il
s’acquitte de son impôt dans un délai de trente jours à compter de la
reconnaissance de dette, 1,25% dans les autres cas. Cette pénalité de
retard connaît un minimum de 5 dinars 47. Cette sanction est applicable
47
Articles 81, 82 du CDPF
33
Le régime fiscal des investissements étrangers en Tunisie
si le retard ne dépasse pas six mois. Si le défaut de dépôt de
déclaration de la retenue à la source dépasse six mois à compter du
premier jour qui suit l’expiration du délai imparti pour le paiement de
la retenue à la source, le contribuable risque une amende de 1000 à
50000 dinars et seize jours à trois ans d’emprisonnement. Si le
contribuable n’a pas effectué la retenue à la source ou s’il l’a
insuffisamment effectuée, il risque une amende administrative
équivalente au montant non effectué. S’il récidive dans un délai de
deux ans, l’amende est doublée.
S’agissant de la déclaration d’employeur, son défaut de dépôt
est sanctionné par une amende pénale dont le montant varie entre 100
et 10000 dinars, sauf si le contribuable régularise sa situation avant
l’intervention d’un contrôle fiscal.
B – Les régularisations
Aussi bien l’impôt sur les bénéfices réalisés par l’entreprise
que l’impôt sur son chiffre d’affaires, doit faire l’objet du dépôt d’une
déclaration d’impôt.
a- Les déclarations en matière d’impôt sur les bénéfices
réalisés par l’entreprise
L’impôt sur le revenu des personnes physiques et l’impôt sur
les sociétés doivent faire l’objet d’une déclaration annuelle et de trois
avances d’impôt dits acomptes provisionnels.
1) Les acomptes provisionnels
Tout contribuable soumis à l’IS, ou à l’IRPP au titre des
bénéfices à caractère industriel ou commercial ou de profession non
commerciale, doit effectuer trois déclarations d’acompte provisionnel
durant les 25 premiers jours du 6ème, 9ème, et 12ème mois de l’exercice.
34
Le régime fiscal des investissements étrangers en Tunisie
Chaque acompte provisionnel s’élève à 30% de l’impôt dû au titre de
l’année précédente. Le contribuable peut imputer les retenues à la
source qui ont été effectuées en son nom sur les acomptes
provisionnels. Le total des acomptes provisionnels est récupérable de
l’impôt annuel dû par le contribuable.
2) La déclaration annuelle de revenu
Toute entreprise doit déposer une déclaration annuelle de ses
bénéfices. Cette déclaration doit être effectuée pour les personnes
morales jusqu’au 25ème jour du troisième mois qui suit la date de
clôture de l’exercice. Pour les personnes physiques, le délai dépend de
l’activité exercée par le contribuable. Ainsi, les commerçants doivent
déposer leur déclaration au plus tard, le 25 avril, les industriels et ceux
qui réalisent des revenus de professions non commerciales le 25 mai.
La déclaration est accompagnée en Tunisie du paiement au
comptant du montant de l’impôt dû. C’est donc l’occasion pour le
contribuable de récupérer toutes les avances d’impôt qui ont été
effectuées en son nom sous forme de retenues à la source ou qu’il a
effectué sous forme d’acomptes provisionnels. Si cette imputation
dégage un trop perçu celui-ci est reportable sur les acomptes
provisionnels et l’impôt annuel exigible ultérieurement. Si l’excédent
persiste dans un délai de trois ans à partir de sa constatation, il peut
être restitué mais uniquement sur demande. Si l’excédent a pour
origine une retenue à la source ou une avance d’impôt, il est
restituable dès sa constatation mais sur demande aussi.
La demande de restitution entraîne le déclenchement
automatique d’une opération de vérification. En effet, les demandes en
restitution font l’objet d’un examen qui permet de vérifier si le
contribuable est en règle vis-à-vis de ses obligations fiscales.
L’administration est tenue de répondre dans un délai de six mois de la
date de dépôt de la demande en restitution. Le silence au-delà de cette
35
Le régime fiscal des investissements étrangers en Tunisie
date équivaut à une décision implicite de rejet, qui peut
éventuellement être contestée par le contribuable devant le juge de
l’impôt.
La déclaration d’impôt est due même si le contribuable n’a rien
à payer au titre de l’impôt et même s’il bénéficie d’une exonération
totale d’impôt 48. Les sociétés de personnes, les sociétés en
participation et les groupements d’intérêt économique qui ne sont pas
imposables en leur nom propre, sont tenus de déposer une déclaration
de leurs bénéfices et de payer une avance d’impôt au taux de 25% des
bénéfices réalisés. Tout défaut de dépôt ou tout dépôt tardif de
déclaration est sanctionné par le code des droits et procédures fiscaux
par la pénalité de retard telle que prévue en matière de retenue à la
source.
Si le défaut de déclaration concerne des bénéfices exonérés, la
pénalité est due au taux de 0,75% par mois ou fraction de mois de
retard sur l’impôt qui aurait été dû, compte non tenu de l’exonération.
Dans le cadre du régime avantageux dont bénéficient les entreprises
totalement exportatrices, le retard est calculé à partir du premier jour
du quatrième mois qui suit le mois du dépôt de la déclaration 49.
Si le défaut de déclaration concerne des bénéfices soumis à
l’impôt, en plus des pénalités de retard, le contribuable est sanctionné
par une amende pénale dont le montant varie entre 100 et 10000
dinars et qui sera prononcée par le juge pénal sauf si le contribuable
procède à une transaction avec l’administration.
Outre le paiement de l’impôt, le dépôt de la déclaration
annuelle d’impôt est accompagné de l’obligation de joindre un certain
nombre de documents comme les états financiers, un tableau de
détermination du résultat fiscal à partir du résultat comptable, un
48
49
Article 60.I. du code de l’IRPP et de l’IS.
Article 85 du CDPF
36
Le régime fiscal des investissements étrangers en Tunisie
relevé détaillé des amortissements, un relevé détaillé des provisions
constituées et un autre des dons et subventions accordés par
l’entreprise.
Les sociétés de personnes, les sociétés en participation et les
groupements d’intérêt économique doivent joindre un état de
répartition des bénéfices entre les associés. Les sociétés qui détiennent
plus de 10% du capital d’autres sociétés doivent joindre à leur
déclaration un état de ces participations avec l’identité de ces sociétés
dépendantes et leur taux de participation.
b- Les déclarations en matière de TVA
La TVA est due mensuellement. Elle doit faire l’objet d’une
déclaration qui doit être déposée dans les 15 premiers jours du mois
suivant celui de la réalisation du chiffre d’affaires si l’assujetti est une
personne physique, dans les 28 premiers jours du mois si l’assujetti est
une personne morale. La déclaration va permettre à l’assujetti de
récupérer aussi bien la TVA avancée que la retenue à la source qui a
été effectuée au titre de la TVA.
S’il y a un moins perçu, le contribuable doit payer la
différence au comptant au moment du dépôt de la déclaration. S’il y a
un crédit d’impôt, il est reportable sur la déclaration du mois suivant.
Si le crédit persiste pendant six mois consécutifs, il est restituable sur
demande dans la limite de 50%, avec le paiement d’une avance de
15% de son montant global sans contrôle approfondi préalable.
Toutefois, le taux de l’avance est relevé à 25 % pour les entreprises
dont les comptes sont audités par un commissaire aux comptes 50.
Le crédit de TVA est toutefois restituable en totalité lorsqu’il a pour
origine des opérations d’exportation, des services utilisés en dehors de
la Tunisie, des ventes en suspension de TVA, une retenue à la source
au titre de la TVA ou enfin une cessation d’activité.
50
Cf. l’article 15 -I- 4) du CTVA ajouté par la loi de finances pour la gestion 2005.
37
Le régime fiscal des investissements étrangers en Tunisie
Selon l’article 32 du Code des droits et procédures fiscaux, la
restitution de la TVA est effectuée directement par le receveur des
finances après visa de la demande par les services du contrôle fiscal.
Ces services doivent répondre dans un délai maximum de 90 jours de
la date du dépôt de la demande. Ce délai est réduit à trente jours
lorsque le crédit a pour origine des opérations d’exportation, des
services utilisés en dehors de la Tunisie, des ventes en suspension de
TVA, une retenue à la source au titre de la TVA. Dans ces cas,
l’administration ne procède pas à une vérification approfondie de la
situation de l’assujetti, mais seulement au bien fondé de la demande
en restitution.
Le dépôt tardif ou le défaut de dépôt de déclaration est
sanctionné d’une pénalité de retard assortie, en cas de défaut de dépôt
de déclaration, d’une sanction pénale dont l’importance diffère selon
la gravité de l’infraction. Si le défaut de déclaration est inférieur à six
mois à compter du premier jour qui suit l’expiration du délai imparti
pour le paiement, l’assujetti risque une amende pénale dont le montant
varie entre 100 et 10000 dinars. Si le défaut dépasse les six mois,
l’assujetti risque, outre l’amende, dont le montant varie entre 1000 et
50000 dinars, un emprisonnement de seize jours à trois ans. Le
contribuable peut toutefois échapper à la sanction pénale, s’il
régularise sa situation avant l’intervention d’une opération de
vérification fiscale 51.
CONCLUSION
L’investisseur étranger désireux de s’installer en Tunisie peut
trouver dans la législation fiscale tunisienne un nombre important
d’incitations fiscales, mais aussi un régime de droit commun élaboré,
suffisamment compliqué aussi mais dont la combinaison permet à
l’entreprise tout en s’acquittant de ses obligations fiscales, de ne pas
crouler sous le poids de l’impôt.
51
Cf. l’article 89 du Code des droits et procédures fiscaux.
38