Pages de jurisprudence droit des affaires n°1
Transcription
Pages de jurisprudence droit des affaires n°1
Supplément Les Pages de Jurisprudence de Droit des Affaires Sommaire DROIT DES SOCIÉTÉS Dix ans tout juste après la première parution des Pages de Jurisprudence Commerciale, le Barreau de Lyon, avec l’aide du Tout Lyon Affiches, relance la diffusion de la jurisprudence lyonnaise dans le domaine commercial, en l’élargissant au domaine fiscal. Ces nouvelles Pages s’inscrivent dans une volonté du Barreau de Lyon de produire des ressources utiles en s’appuyant sur des cas pratiques. Elles seront publiées de façon trimestrielle, en alternance avec les Pages de Jurisprudence sociale. Supplément au journal Tout Lyon affiches n° 5074 Aussi, ce recueil de jurisprudence est un véritable outil pratique, tourné vers les acteurs du monde juridique et économique, afin de relater une solution préconisée par les juridictions de la région Rhône-Alpes à une situation donnée. Novembre 2013 - n°01 L’expert de l’article 1843-4 : encore lui ! CA Chambéry, chambre civile, 28 mai 2013, n°12/00993 Vincent MEDAIL ......................................................................page 2 Le gérant peut prendre part au vote sur sa rémunération, mais sans abuser ! CA Lyon, chambre civile., 31 janvier 2013, n°10/08516 Vincent MEDAIL .......................................................................page 3 DROIT ECONOMIQUE Exclusivité territoriale : la franchise n’exclut pas l’équivoque CA Lyon, 1ère chambre civ., A, 7 février 2013, n°11/0074 Luc-Marie AUGAGNEUR. ........................................................page 4 Validité d’une clause de prorogation de compétence dans une caution solidaire internationale Arrêt de la Cour d’appel de Lyon, 8ème ch., 21 mai 2013 Simon HOTTE ..........................................................................page 5 DROIT FISCAL Transfert de bénéfices à l’étranger CAA Lyon, 11 juillet 2013, n°11LY00678 Danièle SIBONI ........................................................................page 7 L’abattement de l’article 150-0-D-Ter bénéficie à l’époux qui en remplit les conditions et non au foyer fiscal CAA Lyon, 18 juin 2013, n°12LY02142 Jean-Philippe KAPP .................................................................page 9 Tous les jugements et arrêts évoqués dans les Pages de Jurisprudence de Droit des Affaires sont commentés par des avocats spécialistes de la question. La qualité des commentaires est assurée par un comité de rédaction, chapeauté par Maître Jean-Philippe KAPP, en charge de la coordination des Pages, et composé d’avocats du Barreau de Lyon, que je remercie pour leur travail et leur disponibilité. PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE ET NTIC Je suis convaincu de l’intérêt que chaque lecteur trouvera dans ces Pages de Jurisprudence de Droit des Affaires, que nous avons voulues attentives à la pratique judiciaire et que, dès la publication de ce premier numéro, des bonnes volontés se joindront au comité de rédaction. ENTREPRISES EN DIFFICULTÉ ET DROIT BANCAIRE Bonne lecture. Philippe Meysonnier Bâtonnier du Barreau de Lyon Preuve sur Internet CA Lyon, 8ème chambre, 13 novembre 2012, n°11/04367 Albane LAFANECHÈRE ..........................................................page 10 De quelques questions de procédure en matière de droit d’auteur CA Lyon, 1ère chambre A., 18 avril 2013, n°08/02007 Olivier MOUSSA.......................................................................page12 L’articulation délicate des procédures de revendication - restitution avec la poursuite des contrats en cours CA Lyon, 3ème ch. A., 23 mai 2013, n°12/00988 Charles CROZE ......................................................................page 14 Du pouvoir du juge commissaire en cas de contestation d’une créance déclarée CA Lyon, 3ème ch. A., 4 avril 2013, n°11/07930 Bertrand de BELVAL ................................................................page 15 Droit des Sociétés L’expert de l’article 1843-4 : encore lui ! Cour d’appel de Chambéry, ch. civ., 28 mai 2013, n°12/00993 EXPOSE DES FAITS OBSERVATIONS Quelques années après sa constitution et en raison de dissensions entre associés, l’associé d’une SCI, Monsieur O, saisissait le Tribunal de grande instance d’Annecy pour être autorisé à exercer son droit de retrait. Au-delà de la question procédurale relative au magistrat compétent pour désigner l’expert, l’arrêt de la Cour d’appel de Chambéry s’inscrit dans un véritable « flot » jurisprudentiel sur l’article 1843-4 du Code civil. La taille maximum de l’article laissé au rédacteur ne suffirait pas à faire un résumé des très nombreuses décisions rendues sur ce sujet... Le Tribunal ordonnait classiquement une expertise aux fins de valoriser les parts sociales de Monsieur O. L’expert déposait son rapport le 22 juillet 2010, et le 26 janvier 2012, le Tribunal de grande instance d’Annecy indiquait que Monsieur O était en droit d’exercer son droit de retrait et fixait la valeur de ses parts. L’arrêt de la Cour d’appel de Chambéry fournit par contre un bel exemple de la notion « d’erreur grossière » permettant de remettre en cause les conclusions de l’expert désigné sur le fondement de l’article 1843-4 du Code civil. Monsieur O, insatisfait de cette décision, interjetait appel de ce jugement et arguait, notamment, que la valorisation des parts sociales devait se faire à la date la plus proche de celle du remboursement de la valeur des droits de l’associé ayant sollicité le retrait et que l’expert avait commis une erreur grossière en ne tenant pas compte du compte de résultats 2009. L’erreur commise en l’espèce ne faisait aucun doute, puisque l’expert fondait ses travaux sur les comptes d’un exercice clôturé depuis plus de dix-huit mois ! Il n’utilisait pas les derniers comptes disponibles et relatifs au dernier exercice clos par la société ou sur d’autres informations postérieures. La SCI, de son côté, relevait qu’il est de jurisprudence constante que l’évaluation de l’expert désigné sur le fondement de l’article 1843-4 du Code civil, qui détermine seul les critères qu’il juge les plus appropriés pour fixer la valeur des droits sociaux, lie tant les parties que le juge et ne peut être contestée que si l’expert a commis une erreur grossière, ce que ne démontre pas Monsieur O. Or, il est de jurisprudence constante que la valorisation des titres doit être déterminée à la date la plus proche de celle de leur remboursement (Cass. com. 4 mai 2010, n° 08-20.693 : RJDA 8-9/10, n° 861). La Cour de cassation a même jugé que commettait une erreur grossière l’expert qui avait retenu comme date d’évaluation celle inadéquate qui lui avait donnée le magistrat qui l’avait désigné ! (Cass. com. 3 mai 2012, n° 11-12.717 : BRDA 13/12, inf. 6). Dans son arrêt du 28 mai 2013, la Cour d’appel de Chambéry relève très justement que : Me Vincent MEDAIL Avocat au Barreau de Lyon Lamy-Lexel Avocats Associés [email protected] - le droit de retrait de Monsieur O n’était pas contesté par la SCI ; - le rapport de l’expert était bien entaché d’une erreur grossière puisque, déposé le 22 juillet 2010, il évalue les parts de Monsieur O au 31 décembre 2008, sans examen du compte de résultat 2009 et de tous autres éléments d’information postérieurs, alors que la valeur des droits sociaux de l’associé qui entend se retirer doit être déterminée à la date la plus proche de celle du remboursement de ces droits ; PRINCIPAUX ATTENDUS « Attendu que le droit de retrait de M. O n’est pas contesté par la SCI ; Attendu que le rapport d’expertise réalisé par M. P est entaché d’une erreur grossière puisque, déposé le 22 juillet 2010, il évalue les parts de M. O au 31 décembre 2008, sans examen du compte de résultat 2009 et de tous autres éléments d’information postérieurs, alors que la valeur des droits sociaux de l’associé qui entend se retirer doit être déterminée à la date la plus proche de celle du remboursement de ces droits » - qu’aux termes des dispositions de l’article 1843-4 du Code civil, la seule juridiction compétente pour désigner l’expert chargé de procéder à la valorisation des droits de l’associé qui entend se retirer est le Président du Tribunal de grande instance statuant en la forme des référés sans recours possible, de sorte que le juge de la mise en état ne pouvait valablement procéder à cette désignation. Supplément au journal Cour d’appel de Chambéry, ch. civ., 28 mai 2013, n°12/00993 2 Le gérant peut prendre part au vote sur sa rémunération, mais sans abuser ! Cour d’appel de Lyon, chambre civile, 31 janvier 2013, n°10/08516 - la rémunération de la gérance sur l’exercice considéré augmentait néanmoins de 100% par rapport à l’exercice précédent, sans que la société C ne puisse justifier d’une telle augmentation ; EXPOSE DES FAITS Monsieur D était associé à hauteur de 19% du capital social de la société C, société ayant la forme d’une SARL. - injustifiée, cette augmentation était donc contraire à l’intérêt social et, en réalité, fixée dans le seul intérêt de l’associé majoritaire (époux de la gérante). Contestant les délibérations de différentes assemblées générales décidant, pour l’une, de l’affectation du résultat annuel aux postes de réserves et, pour l’autre, de la ratification de la rémunération versée au gérant de la société, Monsieur D avait saisi le Tribunal de commerce de Saint-Etienne pour obtenir, notamment, la nullité de ces délibérations. Sur ce dernier fondement, la Cour d’appel de Lyon prononce donc également la nullité de la délibération relative à la rémunération de la gérance. Par jugement du 5 novembre 2010, le Tribunal de commerce, retenant que Monsieur D n’apportait pas la preuve d’un abus de majorité commis par les associés majoritaires au travers de la délibération d’affectation des bénéfices, rejetait la demande de nullité présentée sur ce terrain, mais faisait droit par contre à sa demande s’agissant de la délibération relative à la rémunération de la gérance au vote de laquelle celle-ci avait pris part. OBSERVATIONS L’arrêt de la Cour d’appel de Lyon nous semble intéressant à plus d’un titre : Tout d’abord, en ce qu’il confirme une jurisprudence récente de la Cour de cassation, selon laquelle la détermination de la rémunération du gérant par l’assemblée des associés ne constitue pas une convention réglementée, de sorte que le gérant peut, s’il est par ailleurs associé, prendre part au vote (Cass. Com. 4 mai 2010, n° 09-13.205 : RJDA 8-9/10, n° 859, p. 786), et ce même s’il est majoritaire (Cass.com. 4 octobre 2011, n° 10-23.398 : RJDA 12/11, n° 1036). Monsieur D, insatisfait de cette décision, interjetait appel de ce jugement. Dans son arrêt du 31 janvier 2013, la Cour d’appel de Lyon infirme la décision rendue par le Tribunal de commerce de Saint-Etienne s’agissant de la délibération relative à l’affectation du résultat, considérant que l’abus de majorité était avéré. Ensuite, en ce qu’il confirme que l’associé minoritaire n’en est pas pour autant désarmé puisqu’il peut agir sur le terrain de l’abus de majorité, en établissant que la décision est contraire à l’intérêt social et a été prise dans l’unique dessein de favoriser l’associé majoritaire. Pour ce qui concerne la délibération relative à la fixation de la rémunération de la gérance, la Cour d’appel relève que : - l’assemblée générale a ratifié à l’unanimité des associés présents ou représentés la rémunération de la gérante ; Me Vincent MEDAIL Avocat au Barreau de Lyon Lamy-Lexel Avocats Associés [email protected] - comme le fait valoir la société C, dès lors qu’elle ne procède pas d’une convention, il n’est pas interdit au gérant, associé d’une SARL de prendre part à la délibération de l’assemblée générale qui ratifie sa rémunération en cette qualité ; PRINC IPAUX AT TENDUS « L’assemblée générale tenue le 18 septembre 2007 a ratifié à l’unanimité des associés présents ou représentés la rémunération de Madame S, gérante majoritaire. Comme le fait valoir la société C, dès lors qu’elle ne procède pas d’une convention, il n’est pas interdit au gérant associé d’une Sarl de prendre part à la délibération de l’assemblée générale qui ratifie sa rémunération en cette qualité. La circonstance que Madame S a pris part au vote est donc inopérante. Néanmoins, Monsieur D est recevable, en sa qualité d’associé à solliciter, sur le fondement de l’article L. 235-1 du code de commerce la nullité de cette délibération au motif qu’elle serait contraire à l’intérêt social et aurait été prise par l’associé majoritaire en abusant de sa position » - la circonstance que la gérante ait pris part au vote est inopérante ; - si Monsieur D est en droit de demander, sur la fondement de l’article L. 235-1 du Code de commerce, la nullité de cette délibération au motif qu’elle serait contraire à l’intérêt social et aurait été prise par l’associé majoritaire en abusant de sa position, il n’apporte pas, en l’espèce, la preuve d’un abus de majorité ; Cour d’appel de Lyon, chambre civile, 31 janvier 2013, n°10/08516 Supplément au journal 3 Droit économique Exclusivité territoriale : la franchise n’exclut pas l’équivoque Cour d’appel de Lyon, 1ère Chambre civ. A, 7 février 2013, n°11/0074 prohiberait les « ventes passives » réalisées dans le territoire d’un autre distributeur. EXPOSE DES FAITS Un franchisé s’était fait consentir un contrat de franchise sous l’enseigne « P. » incluant une exclusivité territoriale pour un périmètre déterminé. Or, constatant qu’un autre franchisé réalisait des prestations, sous le nom de P., sur le parking d’un supermarché C. attenant à son local, le bénéficiaire de la clause d’exclusivité a invité son franchiseur à faire cesser l’atteinte. Ce dernier lui a opposé que l’exclusivité ne couvrait que « l’implantation » d’un autre adhérent dans le territoire, mais qu’elle ne pouvait s’appliquer à la « fourniture de prestations ». En l’occurrence, la question qui était au centre du litige consistait à déterminer si les prestations réalisées au moyen d’une camionnette, sur un parking du territoire d’exclusivité concédé à un autre franchisé, constituaient des prestations actives ou passives. Dans ses lignes directrices d’interprétation du règlement 330/2010, la Commission européenne distingue entre ventes actives et ventes passives selon que l’action promotionnelle qui les précède constitue une sollicitation d’une clientèle ciblée localisable. En d’autres termes, lorsque les clients se sont spontanément adressés à un distributeur alors qu’ils sont situés dans le territoire d’exclusivité d’un autre distributeur, ou lorsqu’ils n’ont connu ce distributeur que par une publicité générale (non localisable), la vente a un caractère passif, de sorte qu’aucune clause ne peut la prohiber. En revanche, lorsque la vente procède d’une prospection d’une clientèle déterminée (par sa nature ou sa localisation), par tout moyen orienté spécifiquement, tel qu’un courrier personnalisé, un démarchage ou même toute publicité ciblée (ne fûtce que par un support s’adressant manifestement à un public déterminé du fait de son audience), alors la vente a un caractère actif que l’exclusivité peut interdire. Après qu’un tribunal arbitral a considéré que cette situation justifiait la résiliation aux torts du franchiseur, la cour d’appel de Lyon a réformé la décision en considérant que celui-ci n’avait commis aucune faute. Elle retient en effet que les prestations du franchisé sur le territoire d’exclusivité d’un autre adhérent s’analysent en une vente passive que les règles de droit européen ne permettent pas de restreindre. OBSERVATIONS Les contrats de distribution ou de franchise prévoient fréquemment des clauses d’exclusivité destinées à assurer un maillage territorial cohérent du réseau. Les membres de ce dernier se voient en conséquence concéder une zone dans laquelle ils sont assurés qu’aucun autre distributeur ne viendra s’implanter, ce qui est de nature à attirer une certaine clientèle vers le seul représentant de l’enseigne. Mais on sait moins que l’étendue de l’exclusivité n’est pas laissée à la discrétion des parties. 1. Limitation de la d’exclusivité territoriale validité d’une Pour la Cour, le caractère passif résulterait du fait que le supermarché a demandé au franchisé situé hors du territoire exclusif de rendre les prestations sur son parking, ce qui laisse entendre que ce prestataire se serait borné à répondre à une sollicitation. Mais, le franchisé accomplit pourtant dans ce cas deux démarches actives. D’abord, il établit une convention avec le supermarché, ce qui ne ressort pas d’une simple situation passive. Ensuite, il se rend sur un parking situé sur le territoire d’un autre distributeur, c’est-à-dire auprès d’une clientèle identifiable et ciblée (la chalandise située à proximité du supermarché), pour offrir des services de la même marque avec au moins l’instrument promotionnel d’une camionnette siglée. clause Dans la mesure où elle restreint l’exercice de la libre concurrence à l’intérieur du réseau (intra-marque), la doctrine concurrentielle considère qu’une exclusivité absolue risquerait de procurer une rente de situation artificielle à son bénéficiaire. C’est la raison pour laquelle le règlement européen n°330/2010 du 20 avril 2010 définit les conditions dans lesquelles les clauses d’exclusivité ne sont pas considérées comme des accords anticoncurrentiels. En d’autres termes, le règlement définit les clauses qu’il exempte et répute ne pas porter atteinte au libre jeu de la concurrence. 2. Distinction entre vente active et implantation Compte-tenu des circonstances, on pouvait imaginer que la Cour suive la décision du tribunal arbitral qui avait considéré que la situation ne se résumait pas à des ventes passives. Mais il est vrai que la cour de cassation a récemment pris une position ambigüe, en paraissant assimiler la notion de vente active à celle d’une véritable implantation. Ainsi, dans un arrêt du 14 février 2012 (n°09-11.691), la haute juridiction a estimé qu’un site internet, qui n’était pas « orienté spécifiquement pour atteindre la clientèle » d’une ville faisant l’objet d’une exclusivité, n’était pas « assimilable à l’implantation d’un point de vente dans A ce titre, l’article 4, b, i du règlement autorise les exclusivités qui ont pour objet d’interdire à un membre du réseau situé en dehors de la zone géographique de procéder à des « ventes actives » sur le territoire d’un autre distributeur. En revanche, il présume anticoncurrentielle, en toute circonstance, la clause qui Supplément au journal 4 L’arrêt commenté invite en conséquence à rédiger soigneusement les contrats de distribution et de franchise en veillant non seulement à l’ingénierie contractuelle, mais encore en s’assurant de respecter les contraintes spécifiques du droit de la concurrence. Il illustre la capacité des parties à s’emparer de toute faille lors du contentieux de la rupture du contrat. Et dans les réseaux, l’effet de chaîne peut être redoutable ! le secteur protégé ». Elle en déduisait qu’aucune atteinte n’était portée à l’exclusivité. La Cour de cassation suivait dans cette espèce une conception très orthodoxe des ventes passives, puisque le moyen de communication avait un caractère général. Mais, par négatif, il pouvait laisser assimiler la notion de vente active à celle d’implantation. On comprend d’autant plus que la cour de Lyon ait à son tour recherché si les prestations ponctuelles sur le parking constituaient une véritable implantation dans la mesure où la rédaction de la clause d’exclusivité limitait seulement « l’implantation, la création ou la transformation d’un point de vente aux couleurs de P. dans la zone d’exclusivité ». Mais si la rédaction du contrat pouvait justifier de rechercher l’existence d’une telle implantation, il n’était pas utile de se référer aux contraintes du droit de la concurrence car cela entretien une confusion entre vente active et implantation. Luc-Marie Augagneur Avocat au barreau de Lyon SCP Jakubowicz, Mallet-Guy & Associés [email protected] PRINC IPAUX AT TENDUS « s'il est certain que sur le parking du supermarché C. des prestations concernant des pneumatiques provenant de l'entreprise L. [franchisé situé hors du territoire d’exclusivité] étaient effectuées ponctuellement dans le cadre de l'accord conclu entre ces deux sociétés et s'il est certain que des employés de l'entreprise L. participaient à ces prestations notamment au montage des pneumatiques comme en témoigne la présence d'une camionnette avec l'indication P., ces éléments ne caractérisent pas l'implantation et la mise en place en accord avec la société la SA P.France d'un point de vente à ses couleurs. Au plan juridique, cette confusion ne serait ni heureuse ni conforme au règlement européen. Au plan concurrentiel, elle introduirait une fragilité des clauses d’exclusivité qui ne pourraient plus protéger efficacement un territoire contre des stratégies opportunistes qui, sans constituer une implantation, procéderaient d’une prospection ciblée vers le territoire d’un autre affilié. C’est notamment le cas en matière de publicité sur internet, par l’usage de bannières sur des sites destinés à un public d’une certaine zone, par l’achat de liens sponsorisés portant sur des mots-clés incluant un critère géographique, ou encore par des annonces Facebook comportant des critères géographiques. Or, les clauses d’exclusivité constituent la colonne vertébrale des réseaux. Elles évitent la distribution désordonnée d’un ensemble géographique en répartissant l’effort par zones concédés et relativement protégées. Fragiliser cette structure risquerait à la fois de décourager les distributeurs et franchisés et de ne pas donner les moyens aux franchiseurs de conserver une maîtrise suffisante de leur réseau. En effet cette activité, qui se déroulait à la demande du supermarché C. sur son parking, ne peut être qualifiée d'établissement ou de point de vente permanent. Il s'agit de la mise en place en fait de prestations et de ventes passives qui répondent à des demandes émanant de clients, non pas du réseau, mais du supermarché C. et auxquels sont offerts ces prestations ponctuelles. Ces ventes ne peuvent pas s'analyser comme des ventes actives de la part de l'entreprise L. et faites en dehors de son exclusivité territoriale. » Cour d’appel de Lyon, 1ère Chambre civ. A, 7 février 2013, n°11/0074 Validité d’une clause de prorogation de compétence dans une caution solidaire internationale Arrêt de la Cour d’appel de Lyon, 8ème Chambre, 21 mai 2013 EXPOSE DES FAITS En juin 2006, la société emprunteuse est placée en redressement judiciaire par le tribunal de commerce de Bobigny, redressement converti en liquidation judiciaire en juin 2010. Un brasseur allemand accorde un prêt à une société commerciale française à l’occasion de la conclusion d’un contrat de bière régularisé le 12 avril 2006. Après mise en demeure des deux cautions au mois de mai 2011, le prêteur les assigne en paiement devant le juge des référés du tribunal de commerce de Lyon, le choix de cette juridiction se justifiant par la stipulation, dans l’acte de cautionnement, d’une clause attributive de juridiction la désignant. Afin de garantir le prêt, le gérant de cette société de débit de boissons et son épouse, souscrivent une caution solidaire au profit du brasseur, à hauteur du montant du prêt, augmenté des intérêts, frais et accessoires. Supplément au journal 5 dans un cautionnement devait, en raison de l’internationalité de l’acte, être examinée au regard du Règlement (CE) n° 44/2001. Les défendeurs soulèvent in limine litis l’incompétence du tribunal de commerce de Lyon en raison du caractère civil du cautionnement de l’épouse du gérant. Sur le référé, les défendeurs contestent la validité de leur cautionnement. La logique interne de ce règlement commande d’abord d’en vérifier l’applicabilité, laquelle dépend de l’internationalité du litige, de son rattachement au territoire de l’Union européenne et de la matière litigieuse, qui doit être civile ou commerciale au sens du règlement. Par ordonnance du 8 novembre 2011, le juge des référés se déclare compétent et condamne les cautions à payer la somme réclamée par le prêteur, tout en leur octroyant un étalement du paiement sur douze mois. Le cautionnement litigieux ayant été donné par une personne physique, se posait naturellement la question de la qualité en laquelle celle-ci avait conclu le cautionnement. En d’autres termes, avait-elle signé le cautionnement en tant que consommateur ou non ? Les cautions solidaires relèvent appel de l’ordonnance, arguant que le cautionnement étant civil et que l’épouse du gérant n’ayant pas la qualité de commerçant, la clause attributive de juridiction ne lui est pas opposable. Domiciliées à Meaux, les cautions soutiennent que c’est la Cour d’appel de Paris qui, seule, doit connaître de l’affaire. L’application du règlement (CE) n° 44/2001 impose en effet d’opérer un choix entre deux régimes juridiques distincts de la clause de prorogation de for : celui de l’article 23, qui pose le régime général, ou bien celui de l’article 17, régime spécifique aux relations contractuelles entre professionnels et consommateur et qui assure la protection de ce dernier. Quant au référé, et pour s’en tenir à l’essentiel, les cautions solidaires contestent leur engagement prétendument disproportionné à leurs ressources et à leur patrimoine et souscrit sans avoir pu bénéficier de la mise en garde préalable due par le prêteur professionnel. On perçoit donc bien que cette question est un préalable, puisque la réponse déterminera le régime de la clause de prorogation de for, la notion de consommateur étant décisive. Statuant sur la compétence, la Cour considère en premier lieu que le cautionnement litigieux, certes souscrit par un non-commerçant, revêt un caractère commercial, « la caution (ayant) un intérêt personnel dans l’engagement commercial qu’elle garantit ». Pour y répondre, il faut tenir compte des notions autonomes propres au système juridique de l’Union et dont les contours résultent des textes du droit de l’Union, interprétés sous le contrôle de la Cour de justice de l’Union européenne. A défaut, l’application de ce droit par les juridictions nationales varierait en fonction d’interprétations propres à leur ordre juridique national et l’objectif d’unification resterait inaccessible. La Cour établit ainsi la compétence de la juridiction commerciale. La Cour constate en second lieu que l’internationalité du cautionnement commande l’application du règlement (CE) n° 44/2001 du 22 décembre 2000 dont l’article 23 donne effet aux clauses de prorogation de for même lorsqu’elles sont opposées à une personne qui n’a pas la qualité de commerçant. En l’occurrence, il faut se référer aux indications fournies par le règlement (CE) n° 44/2001 lui-même, dont l’article 15 énonce qu’il convient d’entendre le consommateur comme celui qui conclut un acte « pour un usage pouvant être considéré comme étranger à son activité professionnelle ». La Cour confirme ainsi la compétence de la juridiction consulaire lyonnaise saisie par le prêteur sur le fondement de la clause de prorogation de for. Au regard des critères de cette définition, il fallait effectivement confirmer que la caution solidaire accordée par l’épouse du gérant l’avait été pour un usage ou dans un but que l’on ne pouvait considérer comme étranger à son activité professionnelle. Le tribunal et la Cour avaient bien caractérisé le fait que la caution, qui secondait son mari dans l’exploitation du débit de boisson, était également associée de la société exploitante (emprunteuse) à hauteur de 50% de son capital social. Statuant sur le référé, la Cour, en application de la réglementation du cautionnement inscrite aux articles L. 341-1 et s. du Code de la consommation et au vu des faits de l’espèce, confirme l’ordonnance querellée. OBSERVATIONS Si le résultat atteint par la Cour nous semble irréprochable, on regrettera cependant un « raccourci » méthodologique, certes sans incidence dans l’espèce examinée, mais susceptible de conséquences fâcheuses dans d’autres situations. Arrivé à ce stade du raisonnement, on peut confirmer l’application de l’article 23 (et donc l’exclusion de l’article 17) du règlement (CE) n° 44/2001 et, compte tenu de la présence d’un écrit qui ne présentait manifestement aucun défaut, la clause de prorogation de for produit son effet en donnant compétence exclusive à la juridiction désignée, la juridiction lyonnaise. Ce raccourci porte sur la mise en œuvre du règlement (CE) n° 44/2001 du 22 décembre 2000 sur la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matières civile et commerciale. C’est une fois acquis ce résultat exclusivement territorial, que le règlement (CE) n° 44/2001 cède le pas aux règles de procédure française qui conduiront à désigner la juridiction matériellement compétente pour connaître du litige. C’est ce point de procédure européenne qui seul nous intéressera ici. La question posée à la Cour, celle de l’opposabilité d’une clause de prorogation de compétence stipulée Supplément au journal 6 La Cour le relève en passant, contrairement aux dispositions de l’article 48 du code de procédure civile, l’article 23 du règlement (CE) n° 44/2001 ne subordonne pas la validité de la clause de prorogation de for à ce que les parties à l’acte soient toutes commerçantes. A ce stade seulement devait intervenir la question de la commercialité du cautionnement pour permettre de déterminer la compétence de la juridiction consulaire. Selon une jurisprudence bien établie, la compétence des juridictions commerciales s’étend au cautionnement, acte civil, qui devient commercial lorsque la caution a un intérêt patrimonial personnel dans l’opération garantie (Cass. com. 7 avril 2004, RJDA 2004, n° 1040), solution qui permettait de confirmer l’ordonnance contestée, qui avait, à juste titre, reconnu la compétence du juge commercial. En l’occurrence, la compétence de la juridiction commerciale était donc incontestable. On le constate, la Cour a donc raisonné à rebours de ce que prévoit le règlement (CE) n° 44/2001 puisqu’elle affirme d’abord la compétence du juge consulaire (compétence d’attribution) pour déterminer ensuite celle du juge lyonnais (compétence territoriale). De surcroît, et c’est le plus gênant, la Cour a ignoré la notion autonome de consommateur, celle qui détermine le régime de validité de la clause de prorogation de for. Par une heureuse coïncidence, le règlement et le droit français partagent la même analyse de l’espèce et refusent la qualité de consommateur à l’épouse du gérant qui avait accordé sa caution solidaire. Il pouvait en être autrement car le droit français retient une notion de consommateur assez large pour accueillir des personnes morales, chose impossible dans le droit de l’Union. Avec d’autres notions juridiques du règlement (CE) n° 44/2001 (par exemple celles de matières contractuelle et délictuelle) dont la teneur diffère sensiblement de celle qu’elles reçoivent en droit français, la même erreur de méthode peut conduire à des conséquences très sérieuses… mais c’est une autre histoire. Simon HOTTE Avocat au Barreau de Lyon Cabinet Fidal [email protected] PRINCIP AUX ATTE NDUS « Que le cautionnement contrat civil par nature devient contrat commercial lorsque la caution a un intérêt personnel dans l’engagement commercial qu’elle garantit ; Que le litige a bien un caractère international et relève du champ d’application de l’article 23 du règlement CE du conseil n° 44/2001 du 22 décembre 2000 ; Que le texte qui permet des prorogations conventionnelles de compétence ne comporte pas les mêmes exigences que l’article 48 du code de procédure civile et notamment pas celle d’avoir la qualité de commerçant de sorte qu’il importe peu en l’espèce que Madame … n’ait pas contracté en qualité de commerçant. » Arrêt de la Cour d’appel de Lyon, 8ème Chambre, 21 mai 2013 Droit fiscal Transfert de bénéfices à l’étranger Cour administrative d’appel de Lyon, 11 juillet 2013, n°11LY00678 Nul doute que la lutte contre l’évasion fiscale est une priorité de l’administration fiscale française : vote d’une nouvelle loi pour lutter contre la fraude fiscale, fortes incitations à la régularisation des avoirs détenus à l’étranger par les personnes physiques résidentes fiscales de France. L’administration accroit aussi sa lutte envers les sociétés et les redressements en matière de transfert de bénéfices à l’étranger s’intensifient. D’où la nécessité de bien connaître les règles en la matière pour éviter les risques. EXPOSÉ DES FAITS La société française LVD, qui a une activité de conception, fabrication et commercialisation de fauteuils pour handicapés, a conclu en 2003 avec la société suisse LSI, un contrat de distribution exclusive à l’étranger de ses produits, distribution, qui était jusqu’alors exercée par LVD via sa filiale allemande et des importateurs locaux Supplément au journal 7 Suite à des vérifications de comptabilité, LVD s’était vue notifier des rectifications en matière de transferts de bénéfices à l’étranger, conduisant à des rappels en impôt sur les sociétés et retenue à la source assortis de la pénalité pour manquement délibéré de 40% qu’elle a contestés. Par jugement du 28 décembre 2010, le tribunal administratif de Lyon avait confirmé les Toutes les conditions du transfert de bénéfices à l’étranger étaient donc bien remplies et la Cour a alors confirmé les impositions et pénalités notifiées à LVD. impositions et pénalités. LVD avait interjeté appel, conduisant à l’arrêt commenté. OBSERVATIONS Comme le rappelle cet arrêt, il ne suffit pas de signer un contrat de distribution et de recevoir une commission pour considérer que l’activité correspondante, et donc les bénéfices en résultant, sont transférés au distributeur. Encore faut-il être en mesure de prouver, d’une part, que le distributeur est bien totalement indépendant sur le plan capitalistique mais aussi économique et, d’autre part, qu’il exerce effectivement son activité de distribution en toute indépendance. L’arrêt du 11 juillet 2013 de la Cour administrative d’appel de Lyon permet de faire un point sur la notion de liens de dépendance permettant de qualifier un transfert de bénéfices à l’étranger. Les questions posées à la Cour étaient de savoir comment établir l’existence de liens de dépendance entre une société française et une société étrangère, liens nécessaires pour caractériser le transfert de bénéfices à l’étranger résultant de la signature d’un accord de distribution exclusive. La rédaction et la mise en place d’un tel contrat doivent s’accompagner d’une analyse fiscale approfondie des faits, pour éviter tout risque de requalification, surtout si ce contrat est conclu avec une société établie à l’étranger, notamment en ce qui concerne le pouvoir de décision, le circuit de distribution, le fonctionnement et les moyens propres du distributeur… 1. Sur la notion de lien de dépendance La notion de dépendance entre sociétés ne se limite pas à la détention capitalistique. Elle peut être caractérisée par le pouvoir de direction, directement ou indirectement, mais aussi par une dépendance de fait, économique, entre des sociétés. A l’heure où l’existence de liens avec l’étranger semble devenir le nouvel eldorado de l’administration fiscale, susceptible de permettre de réduire quelque peu le déficit budgétaire abyssal, mieux vaut s’assurer que l’on ne détourne pas les règles fiscales. En l’espèce, aucun lien capitalistique n’existait entre LVD et LSI. Toutefois les juges d’appel se sont attachés aux faits : poursuite de la gestion des commandes par la filiale allemande de LVD et les anciens importateurs locaux qui les transmettaient à LVD, prix de ventes fixés par LVD sur confirmations de commandes, non modification du circuit de livraison avec expédition par LVD vers sa filiale et les importateurs locaux, obligation pour LSI d’utiliser les logos et la marque de LVD, actions de promotion devant être validées par LVD, documents de promotion faits par LVD, factures et paiements obligatoirement libellés en euros, monnaie de LVD, absence de moyens matériels et humains pour LSI, domiciliation en Suisse de LSI à une adresse postale sans locaux commerciaux, le gérant de LVD exerçant la direction et le contrôle de LSI (réception des commandes, remises accordées aux clients, décision d’engagement de certaines dépenses de LSI…). Danièle SIBONI Avocat au Barreau de Lyon DLSI Avocats [email protected] PRINCIP AUX ATTE NDUS « Considérant que l’administration établit que l’essentiel des fonctions attribuées à la société LSI était en fait toujours exercé par la société LVD et que la société LSI était placée sous l’entière dépendance économique de la société LVD… L’administration établit qu’au cours de la période vérifiée la société française LVD exerçait la direction et le contrôle de la société suisse LSI et cette dernière était placée sous la dépendance économique; que, dès lors, la société requérante n’est pas fondée à soutenir ni que la dépendance économique de la société LSI n’est pas démontrée ni que la société LVD ne disposait pas du contrôle et de la direction de la société au sens de l’article 9 de la convention fiscale franco-suisse et de l’article 57 du code général des impôts, alors même qu’aucun lien capitalistique n’est établi entre les deux sociétés..: Tous ces éléments de fait ont permis aux juges de considérer que « l’essentiel des fonctions attribuées à LSI était en fait toujours exercé par LVD et que LSI était placée sous l’entière dépendance économique de LVD... LVD exerçait le contrôle et la direction de LSI …au sens de l’article 9 de la convention fiscale franco-suisse et de l’article 57 du code général des impôts alors même qu’aucun lien capitalistique n’est établi entre les deux sociétés ». 2. Sur la notion de transfert de bénéfices L’administration ayant établi que l’essentiel des opérations de distribution hors de France était effectué par la société LVD, a considéré que la commission perçue par cette dernière,…, constituait un transfert de bénéfice entre les deux sociétés…dans ces conditions, la société requérante n’est pas fondée à faire valoir que les rectifications effectuées par l’administration ont méconnu les stipulations de l’article 9 de la convention fiscale franco-suisse et de l’article 57 du code général des impôts… ». Une fois ce lien de dépendance établi, les juges ont alors pu confirmer que la distribution hors de France étant effectuée par LVD, la commission versée par LVD à LSI constituait un transfert de bénéfices en Suisse. En effet, après la mise en place du contrat, LVD a vu son résultat d’exploitation et son bénéfice net significativement baisser et après la rupture du contrat de distribution, la marge réalisée par LSI a été rapatriée en France chez LVD. En outre LVD n’a pas établi avoir bénéficié de contrepartie au titre des commissions versées à LSI. Supplément au journal Cour administrative d’appel de Lyon 11 juillet 2013, n°11LY00678 8 L’abattement de l’article 150-0 D ter bénéficie à l’époux qui en remplit les conditions et non au foyer fiscal Cour administrative d’appel de Lyon, 18 juin 2013, n°12LY02142 EXPOSÉ DES FAITS La Cour administrative d’appel de Lyon, dans cette affaire relative à l’application de l’abattement de la plusvalue réalisée par des dirigeants de PME partant à la retraite, applique strictement ces textes, dont il résulte que l’appréciation des conditions doit, en principe, s’effectuer pour chaque contribuable pris isolément et non au niveau du foyer fiscal. Monsieur et Madame B détenaient respectivement 6 908 et 3 826 actions d’une société commerciale. En décembre 2007, Monsieur B cède 3 825 actions (en conservant 3 083) et son épouse cède la totalité de sa participation. Au moment de la cession, Madame B exerçait des fonctions de direction de la société, dont elle retirait l’essentiel de ses revenus professionnels. Monsieur B, en revanche, avait quitté toute fonction de direction de la société au cours de l’année 2003 et ne percevait aucune rémunération de la part de la société. En effet, elle considère que le texte même de l’article 150-0 D ter visant spécifiquement « le cédant », cette notion doit nécessairement concerner la personne physique et non le couple ou le foyer fiscal. La Cour tire de la lettre du texte la conclusion que l’époux cédant qui ne remplit pas personnellement les conditions prévues à l’article 150-0 D ter, notamment parce qu’il n’exerce pas de fonctions de direction, dont il ne retire pas la majorité de ses revenus professionnels, ne peut bénéficier de l’abattement prévu par ces dispositions. Monsieur et Madame B ont chacun appliqué à la plusvalue qu’ils avaient constatée l’abattement prévu à l’article 150-0 D ter du CGI en faveur des dirigeants de PME partant à la retraite, permettant, compte tenu du grand nombre d’années écoulées depuis la constitution de la société, d’effacer totalement cette plus-value. Constatant que Monsieur B ne remplissait pas les conditions de cet abattement, l’administration fiscale a procédé à une rectification sur la plus-value correspondant aux titres qu’il avait cédés, ne remettant pas en cause l’application de l’abattement à la plusvalue constatée par son épouse. Pour ce faire, elle ne tient pas compte de l’existence d’un foyer fiscal, qu’elle ne considère que comme une modalité d’imposition, ni de celle d’une communauté légale, chaque conjoint exerçant, selon la Cour, « de manière individuelle le droit de propriété sur ses titres ». Le Tribunal administratif de Grenoble ayant donné raison à l’administration, Monsieur et Madame B ont saisi la Cour administrative d’appel de Lyon, qui confirme la position prise par les juges de première instance et rejette leur demande de décharge. Considérant que les conditions doivent s’apprécier au niveau de chaque personne physique qui cède ses droits sociaux, elle estime que la circonstance que l’épouse, mariée sous un régime de communauté et cédant concomitamment les titres dont elle disposait dans la même société, remplissait les conditions pour bénéficier de l’abattement prévu à l’article 150-0 D ter, n’est pas de nature à permettre l’application de l’abattement aux plus-values réalisées par l’époux ne les remplissant pas. OBSERVATIONS La décision rendue par la Cour administrative d’appel de Lyon, si elle peut paraître inéquitable quant à son effet sur la situation des redevables, a pour mérite de rappeler que le système français d’impôt sur le revenu des personnes physiques consiste à imposer ensemble deux contribuables distincts. Ce principe reçoit de nombreuses applications. C’est ainsi que, par exemple, l’appréciation des critères de territorialité s’effectue pour chacun des conjoints individuellement et il peut se trouver des situations dans lesquelles l’un des conjoints sera considéré comme résident au sens des dispositions du CGI, alors que l’autre sera considéré et imposé comme un nonrésident, sans que cette situation particulière ne remette en cause le principe de l’imposition par foyer. En effet, il résulte des dispositions de l’article 6 du CGI que « Chaque contribuable est imposable à l'impôt sur le revenu, tant en raison de ses bénéfices et revenus personnels que de ceux de ses enfants et des personnes considérés comme étant à sa charge au sens des articles 196 et 196 A bis. Les revenus perçus par les enfants réputés à charge égale de l'un et l'autre de leurs parents sont, sauf preuve contraire, réputés également partagés entre les parents. (…), les personnes mariées sont soumises à une imposition commune pour les revenus perçus par chacune d'elles et ceux de leurs enfants et des personnes à charge mentionnés au premier alinéa ; (…) » Supplément au journal De la même manière, sauf si la loi en dispose autrement, les options fiscales s’exercent de manière individuelle, l’un des conjoints salarié pouvant, par exemple, opter pour la déduction des frais réels, l’autre pouvant préférer la déduction forfaitaire. Le même principe s’applique à l’option pour le prélèvement forfaitaire libératoire, qui avait notamment pour effet de rendre non déductible la totalité de la CSG 9 PRINC IPAUX AT TENDUS et de renoncer à l’application de l’abattement de 40 % sur les dividendes. En application des principes rappelés par la Cour administrative d’appel de Lyon, l’option exercée par l’un des contribuables membre du foyer fiscal ne peut pas avoir d’effet sur les revenus de l’autre (ou des autres, s’agissant des personnes à charge), qui n’ont pas opté pour le prélèvement. « (…)Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 1500 D ter du code général des impôts, dans sa rédaction alors en vigueur : " I. - L'abattement prévu à l'article 150-0 D bis s'applique (…) si les conditions suivantes sont remplies : 1° La cession porte sur l'intégralité des actions, parts ou droits détenus par le cédant dans la société dont les titres ou droits sont cédés ou sur plus de 50 % des droits de vote ou, en cas de la seule détention de l'usufruit, sur plus de 50 % des droits dans les bénéfices sociaux de cette société ; 2° Le cédant doit : a) Avoir exercé au sein de la société dont les titres ou droits sont cédés, de manière continue pendant les cinq années précédant la cession et dans les conditions prévues au 1° de l'article 885 O bis, l'une des fonctions mentionnées à ce même 1° ; (...) b) Avoir détenu directement ou par personne interposée ou par l'intermédiaire de son conjoint ou de leurs ascendants ou descendants ou de leurs frères et sœurs, de manière continue pendant les cinq années précédant la cession, au moins 25 % des droits de vote ou des droits dans les bénéfices sociaux de la société dont les titres ou droits sont cédés ; c) Cesser toute fonction dans la société dont les titres ou droits sont cédés et faire valoir ses droits à la retraite, soit dans l'année suivant la cession, soit dans l'année précédant celle-ci si ces événements sont postérieurs au 31 décembre 2005 " ; (…) Cela étant, pour exacte qu’elle soit au regard de la lettre du texte, il n’en demeure pas moins que cette solution semble inéquitable en l’occurrence, s’agissant de la cession par deux conjoints d’un bien appartenant à la communauté. En effet, le fait qu’ils ont cédé, ensemble et au même moment, les titres qu’ils avaient souscrits ensemble, lors de la constitution de la société, et dont le produit est revenu à la communauté, aurait pu conduire à une solution différente. C’est d’ailleurs pour tenir compte de situations de ce type que l’administration a, dans une instruction du 22 janvier 2007 (BOI 5 C-1-07), prévu que, sous certaines conditions, les plus-values constatées sur des cessions concomitantes réalisées par plusieurs membres d’un groupe familial, dont certains ne remplissent pas les conditions, pourraient bénéficier de l’abattement. Cependant, dans la mesure où, dans l’affaire qu’a eue à connaître la Cour administrative d’appel de Lyon, Monsieur B avait conservé certaines de ses actions, il ne pouvait pas bénéficier de cette tolérance, l’administration ayant conditionné son application à la cession par les membres du groupe familial de la totalité de leurs participations dans la société, ce qui n’était pas le cas en l’espèce, Monsieur B ayant conservé plus de 3 000 des actions dont il disposait. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions que le droit à abattement et les conditions à remplir pour en bénéficier s'appliquent au cédant des titres, lequel est la personne physique qui cède ses droits sociaux et exerce ainsi de manière individuelle le droit de propriété sur ces titres ; qu'ils s'apprécient ainsi distinctement au niveau de chaque conjoint et non au niveau du foyer fiscal ; que ni l'existence d'une communauté légale et les dispositions des articles 1400 et suivants du code civil afférentes à ce régime matrimonial, ni les dispositions du 1. de l'article 6 du code général des impôts, ne font par elles-mêmes obstacle à une telle appréciation séparée et individuelle ; » Jean-Philippe Kapp Avocat au Barreau de Lyon Cabinet Quartèse Avocats [email protected] Cour administrative d’appel de Lyon, 18 juin 2013, n°12LY02142 Propriété intellectuelle et NTIC Preuve sur Internet Cour d’appel de Lyon, 8ème Chambre, 13 novembre 2012, n°11/04367 EXPOSE DES FAITS La société C. est spécialisée dans le développement, la conception, la production, la distribution d'appareils de chauffage et de climatisation vendus sous différentes marques, et en particulier la marque n. En 2010, la société C. a découvert qu’une recherche effectuée sur le moteur de recherche Google à partir du mot « n… » donnait pour résultat en première page « D. : n. radiateur danais », alors que la société D. ne serait pas revendeur de produits N.. La société D. a pour activité la distribution d'appareils de chauffage de différentes marques. La société C. reprocha alors à D. de reproduire, dans le code source des pages de son site internet, des noms de marques déposées par un concurrent afin d'attirer Supplément au journal 10 déloyalement sur son site internet une partie du trafic généré par ces noms de marques. d’appel de Lyon, que « toutes les manipulations sont possibles en informatique ». Elle fit valoir qu’il s'agissait là d'une pratique constitutive de contrefaçon, d'actes de concurrence déloyale et de parasitisme. En l’espèce, la cour d’appel de Lyon considère qu’une simple copie d’écran de la page de recherche de Google, réalisée par une partie, n’est pas suffisante pour établir la réalité des faits reprochés. A l'effet de se constituer des preuves de ces pratiques, elle demanda à un huissier de justice de constater ces faits. Une telle copie d’écran n’est toutefois pas dénuée de force probante per se. C’est ainsi que le tribunal de commerce de Paris a pu dire, à propos de copies d’écrans des sites internet des demandeurs, « dont le défendeur conteste le caractère probant au motif que le contenu de ces sites est défini par les demandeurs » que « même si chacun des éléments versés aux débats, pris isolément peut être contesté, ils constituent globalement un faisceau de preuves convergentes et probantes » (T. com. Paris, 20 mars 2013). Des constats ont ainsi été dressés le 9 juillet 2010 par Maître X, huissier de justice à Vienne, puis en 2011 par un huissier lyonnais. La société C. a ensuite saisi le juge des référés pour voir interdire sous astreinte à la société D. toute utilisation des marques appartenant à la société C. pour tous référencements sur tous moteurs de recherche et notamment pour toutes mentions dans les codes sources des pages de son ou ses sites internet et pour voir cesser et interdire de manière générale toute technique permettant d'apposer les termes D. et les termes constitutifs des marques appartenant à la société C.. Par ailleurs, le juge de Lyon critique vivement les constats d’huissier versés au débat, l’un pour avoir été réalisé par l’employé du demandeur sur un ordinateur « aucunement fiabilisé », l’autre parce qu’il indique que l’ordinateur utilisé était relié à un serveur proxy. Par ordonnance du 17 mai 2011, le juge des référés du TGI de Lyon l’a déboutée de ses demandes au motif essentiel du manque de valeur probante des constats d'huissier versés au débat, faute du respect du protocole de branchement de son ordinateur sur le site considéré et d'une relation exacte dans ses procèsverbaux de la manière de procéder de l'huissier. La société C. a relevé appel cette ordonnance. La Cour d’appel de Lyon suit en cela la jurisprudence actuelle, qui admet à titre de preuve les constatations sur Internet sous réserve du respect de conditions techniques préalables permettant de s’assurer du caractère loyal des constatations. En particulier : - l’agent doit préciser l’adresse IP de l’ordinateur utilisé, qui identifie un matériel sur le réseau internet et permet, en cas de litige, de vérifier au moyen du journal de connexion du serveur interrogé les pages réellement consultées pendant les opérations de constat ; Le 13 novembre 2012, la cour d’appel de Lyon a confirmé le jugement déféré et condamné l’appelante à 3.000€ de dommages et intérêts pour procédure abusive. - la « mémoire cache » de l’ordinateur doit être vidée. Il s’agit d’une mémoire temporaire dans laquelle le navigateur Internet conserve localement les pages Web consultées. Lorsque les pages Web sont rappelées, le navigateur les extrait de cette mémoire plutôt que de leur site d'origine, et risque ainsi d’afficher des pages qui ne se trouvent plus sur le site d’origine; OBSERVATIONS La présente décision, qui critique trois constats d’huissier pour finir par leur dénier toute valeur probante, est l’illustration de la difficulté à recueillir des preuves fiables dans l’environnement numérique, qui devient pourtant le territoire de contentieux de plus en plus nombreux, notamment en matière de contrefaçon ou de concurrence déloyale. - l’ordinateur ne doit pas être relié à un serveur proxy, ordinateur intermédiaire installé entre l'ordinateur de l'utilisateur et Internet, qui met en cache pendant un certain temps les pages Web consultées. En premier lieu, la portée de l’adage rappelé par la cour d’appel selon lequel « nul ne peut se constituer de preuve à soi-même » doit être mesurée. Comme l’a dit la Cour de Cassation, « Le sens énergique, mais étroit, de l’adage est donc que personne ne saurait, par un acte dont il serait le seul auteur, s’autoproclamer propriétaire, acquéreur, créancier, usufruitier, légataire, preneur à bail… (1re Civ., 21 juin 2005, pourvoi n° 0219.446). […] En revanche, l’adage est sans application aux faits juridiques, pour lesquels la preuve se propose par tous moyens, le juge pesant alors souverainement la crédibilité et la portée de chacun. » En l’espèce, les constats critiqués ne faisaient état d’aucune des ces opérations et ne permettaient donc pas de démontrer la vraisemblance des faits reprochés. Une norme AFNOR relative au « Mode opératoire de procès-verbal de constat sur internet effectué par Huissier de justice » a été créée en septembre 2010. Toutefois, il ne s’agit que d’un recueil de bonnes pratiques non contraignant, et il a été récemment jugé que le respect de cette norme n’est pas une condition nécessaire à la force probante d’un constat (CA Paris, 27 février 2013). La preuve des faits juridiques est donc libre, toute la difficulté pour le juge étant d’apprécier la valeur probante des constatations effectuées sur Internet, tant il semble parfois, comme le déplore la cour Supplément au journal 11 Assez naturellement, les intéressés font souvent appel à un huissier de justice, officier ministériel, pour effectuer ces constatations qui font alors foi jusqu'à preuve contraire. Toutefois, des constats réalisés par des sociétés privées disposant d’une compétence particulière, tels que des tiers de confiance, ou par les agents de l’Agence pour la Protection des programmes sont régulièrement retenus par les juridictions, à titre de simple renseignement. PRINCIP AUX ATTE NDUS Ainsi la preuve sur Internet, si elle peut se révéler coûteuse à apporter compte tenu de la rémunération des techniciens à qui il est fait appel, n’est pas nécessairement difficile à établir, dès lors qu’un certain nombre de précautions sont prises. Albane Lafanechère Avocat au Barreau de Lyon Selarl Colbert [email protected] serveur proxy peut permettre l'accès à des pages web qui n'existent pas ou qui n'existent plus sur le site cible à la date des constatations. […] « Le point essentiel de ce dossier qui vient en référé, donc devant le juge de l'évident et de l'incontestable, touche à la fiabilité, à la valeur probante, des constats d'huissier au nombre de trois censés démontrer une atteinte aux droits des marques de l'appelante. Ainsi aucun des trois constats versés ne permet d'affirmer qu'il n'est pas sérieusement contestable que la société D. aurait utilisé des moyens informatiques frauduleux en contravention des droits de la société C. sur les marques déposées lui appartenant. […] le premier constat établi le 9 juillet l'a été dans des conditions de fiabilité hautement fantaisistes, le propre employé de la société A. procédant lui-même aux recherches à la place de l'huissier sur un ordinateur aucunement fiabilisé, toutes les manœuvres de la part du client intéressé à un résultat positif étant alors possibles. […] L'appelante veut encore prouver la réalité de ce qu'elle avance par la reproduction d'un e-mail du 18 octobre 2010 contenant la copie d'écran de la page d'accueil du moteur de recherche GOOGLE. Mais, outre que l'on ignore les conditions de l'envoi de cet e-mail, force est de rappeler qu'en droit nul ne peut se constituer de preuve à soi-même ce d'autant que toutes les manipulations sont possibles en matière informatique. […] » Quant au constat de maître Y du 11 février 2011, sous les apparences du sérieux quant au respect du protocole effectivement déterminé par une jurisprudence déjà ancienne et jamais remise en cause, force est de constater l'énorme bévue de l'huissier instrumentaire qui mentionnait en toutes lettres dans son constat: 'L 'ordinateur est relié à un serveur Proxy' alors précisément qu'il faut impérativement que l'ordinateur utilisé ne le soit pas dans la mesure où il est établi scientifiquement que le Cour d’appel de Lyon, 8ème Chambre, 13 novembre 2012, n° 11/04367 De quelques questions de procédure en matière de droit d’auteur Cour d’appel de Lyon, 1ère Chambre A, 18 avril 2013, n°08/02007 EXPOSÉ DES FAITS nouveau de certaines demandes, du défaut de qualité à agir de l’un des appelants, du caractère collectif des œuvres en cause et de la prescription de l’action. MM. C. et M. ont conçu différents produits pour le compte d’une société EDA, qui les a commercialisés sans leur verser de droits d’auteur. Ils ont assigné cette société notamment en reconnaissance de leurs droits d'auteur et en paiement des droits correspondants. Sur le fond, elle a maintenu que les modèles en cause n’étaient pas couverts par le droit d’auteur, faute d’originalité. Le Tribunal de grande instance de Lyon a estimé que les produits concernés n’étaient pas des œuvres couvertes par le droit d’auteur, faute d’originalité, et a par conséquent rejeté les demandes en paiement de redevances. La Cour déboute MM. C. et M. de leur appel, écartant certaines prétentions comme nouvelles en cause d’appel et donc irrecevables, et jugeant que si la demande en revendication de la qualité d’auteur n’est pas prescrite, les produits concernés ne sont pas originaux et ne sont donc pas couverts par le droit d’auteur. En appel, MM. C. et M. ont maintenu leurs demandes relatives à la reconnaissance de l’originalité de certains des produits en cause, à la reconnaissance de leur qualité d’auteurs de ces produits et au paiement des droits correspondants. OBSERVATIONS La société EDA a invoqué, quant à elle, plusieurs fins de non-recevoir, tirées notamment du caractère Au-delà du raisonnement tenu par la Cour sur l’appréciation de l’originalité des produits en cause, qui Supplément au journal 12 est classique, cet arrêt retient l’attention par les questions de procédure qu’il tranche et par le soin qu’a mis la Cour à exposer son raisonnement. La Cour déclare tout d’abord irrecevables comme étant nouvelles en cause d’appel les demandes relatives à l’un des produits, qui n’était pas listé dans le dispositif des dernières conclusions récapitulatives de MM. C. et M. en première instance. Elle indique que le fait que ce produit n’ait pas été cité dans le dispositif n’est pas une difficulté en soi – conformément à une jurisprudence désormais établie. Mais la Cour observe que les demandes formées au dispositif (mission d’expertise, demande de marquage au nom des auteurs) ne renvoient qu’aux produits qui y sont listés, et ne concernent donc pas le produit en cause. Elle a donc décidé que les demandes formées en appel concernant ce produit étaient nouvelles et les a écartées. La Cour aborde ensuite la question de la prescription. Elle juge que les demandes en revendication de la qualité d’auteur ne sont limitées par aucune prescription générale. La Cour de cassation a jugé, à de nombreuses reprises, que « l'exercice par l'auteur du droit de propriété intellectuelle qu'il tient de la loi, et qui est attaché à sa personne en qualité d'auteur, n'est limité par aucune prescription » (Civ. 1re, 13 nov. 1973, Bull. I, n° 302 ; Civ. 1re, 17 janv. 1995, Bull. I, n° 39 ; Civ. 1re, 6 mai 1997, n° 95-13913). Mais la question de la prescription de la revendication de la qualité même d’auteur ne semble pas avoir fait l’objet d’une décision si claire jusqu’à présent. Au passage, la Cour écarte expressément l’application de la prescription décennale (désormais quinquennale) des actes mixtes, qui était demandée au motif que la créance de redevances d’auteur était invoquée par un non-commerçant contre un commerçant. La Cour explique ensuite avec un soin particulier l’ordre dans lequel elle a décidé d’examiner les autres moyens de l’intimée. Elle précise ainsi qu’il convient de statuer sur l’existence ou non d’œuvres de l’esprit, protégées par le droit d’auteur, avant d’examiner les moyens relatifs à la titularité de ces œuvres et à la prescription de l’action en paiement de redevances proportionnelles à leur exploitation. Le raisonnement doit être approuvé, ces questions étant secondes à celle de l’existence de droits d’auteur, et l’œuvre de pédagogie mérite d’être saluée. Au fond, la Cour décide que les produits en cause ne peuvent être considérés comme des œuvres de l’esprit. Elle s’applique à souligner que leur esthétique a fait l’objet d’un travail soigneux. Pour autant, elle juge que ce travail relève de la simple mise en œuvre du savoir-faire du styliste, sans porter l’empreinte d’une personnalité. Supplément au journal 13 Le raisonnement est parfaitement classique. En l’absence de droits d’auteur, la Cour rejette donc logiquement toutes les autres demandes. Retenons que, malgré la tolérance de principe affichée dans cet arrêt, en présence de nombreux produits (comme c’est souvent le cas en propriété intellectuelle), le conseil de l’auteur devra rédiger le dispositif de ses conclusions avec un soin particulier, sauf à s’exposer à l’irrecevabilité en cause d’appel des demandes qui n’y auront pas figuré en première instance et qui risquent d’être considérées comme nouvelles. Le formalisme, habituellement protecteur de l’auteur, ne joue pas, ici, en sa faveur. L’application favorable de la prescription de son action en revendication paraît logique, l’auteur n’étant que rarement informé de l’exploitation de son œuvre. Reste que son action ne peut prospérer que si, une fois surmontées les embûches procédurales, il démontre l’originalité de sa création, ce qui, en matière d’art appliqué, est souvent délicat. Olivier MOUSSA Avocat au Barreau de Lyon [email protected] PRINCIPAUX AT TENDUS « Le jugement relève que les conclusions se réfèrent à de nombreux produits et décide que l'examen des droits d'auteur se limitera aux seules prétentions exposées dans le dispositif, qui ne cite pas le bac roulant. En soi, cette omission n'implique pas qu'aucune prétention n'était formée à son propos. Mais, d'une part, la mission d'expertise proposée par les demandeurs tendait à examiner la commercialisation "pour chacun des produits créés ci-dessus" et il était en outre réclamé le marquage "sur l'ensemble des produits tels que listés ci-dessus", c'est-à-dire, dans les deux cas, sans tenir compte de ce bac roulant, aucune demande suffisamment claire et précise n'étant formée à son propos. » « (…) les actions en nullité des actes mixtes relèvent de la prescription décennale prévue par l'article L. 110-4 du code de commerce si elles ne sont pas soumises à des prescriptions plus courtes, mais l'exercice par l'auteur d’une action en revendication de ses droits de propriété intellectuelle n'est limité par aucune prescription générale. Il en résulte que MM. M. et C. ne sont pas prescrits dans leur action tendant à voir constater leur qualité de coauteurs, qui n'a jamais été reconnue par la société EDA. La recevabilité de cette revendication ne suppose pas la preuve préalable de cette qualité, qui est l'objet même du procès. Les autres moyens d'irrecevabilité (œuvre collective, prescription de l'action en paiement d'une participation proportionnelle) supposent l'existence d'œuvres de l'esprit et ne peuvent être retenus, puisqu'ils exigent que cette qualification soit d'abord examinée au fond. » Cour d’appel de Lyon, 1ère Chambre A, 18 avril 2013, n°08/02007 Entreprises en difficulté et droit bancaire L’articulation délicate des procédures de revendications - restitution avec la poursuite des contrats en cours Cour d’appel de Lyon, 3ème Chambre A, 23 mai 2013, n°12/00988 EXPOSÉ DES FAITS La demande en restitution est réservée aux propriétaires d’un bien meuble, dispensés de faire reconnaître leur droit de propriété aux fins d’opposabilité à la procédure collective, au motif que le contrat portant sur le bien a fait l’objet d’une publicité. Pour être recevable, la demande en restitution doit respecter le formalisme prévu par l’article R. 624-14 du Code de commerce, mais n’a pas à être initiée dans un délai particulier. Deux sociétés sont liées par un contrat aux termes duquel la première loue des véhicules à la seconde. En cours d’exécution du contrat, la société locataire est placée en redressement judiciaire, par jugement du 2 juin 2010, publié au BODACC le 15 juin 2010. Le propriétaire des véhicules met en demeure le débiteur de se prononcer sur la poursuite du contrat en cours, conformément à l’article L. 622-13 du Code de commerce. Le locataire opte pour la poursuite du contrat de location. En l’espèce, comme le souligne la Cour, le propriétaire des véhicules semble avoir confondu les deux procédures. Après avoir déposé une requête entre les mains du mandataire judiciaire en acquiescement à restitution, le 11 avril 2011, manifestement fondée sur les articles L. 624-10 et R. 624-14 du Code de commerce, il a, quelques jours après, le 25 mai 2011, saisi le Juge-Commissaire, par voie de requête, d’une requête en revendication ou restitution. Le 6 avril 2011, le redressement judiciaire est converti en liquidation judiciaire. Le propriétaire, après avoir déposé entre les mains du mandataire judiciaire, une requête en « acquiescement à restitution », le 11 avril 2011, saisit le Juge-Commissaire d’une requête en « revendication ou restitution » portant sur les véhicules loués. Sa demande est rejetée par ordonnance du Juge-Commissaire, confirmée par le Tribunal de Commerce, saisi sur opposition, au motif que, d’une part, le contrat n’est pas publié, d’autre part, la requête est tardive. La Cour n’a pu que relever que le propriétaire, qui louait plusieurs véhicules au débiteur, ne pouvait justifier d’un contrat publié et que, dès lors, celui-ci devait se soumettre à la procédure de revendication et non à la procédure de restitution. OBSERVATIONS Au surplus, sa demande ayant été initiée le 25 mai 2011, soit plus de trois mois après la publication au BODACC du jugement d’ouverture de la procédure collective du locataire, sa demande était nécessairement irrecevable, comme l’avaient jugé à bon droit les premiers juges. Sur ce point, la Cour rappelle une jurisprudence constante, pour écarter le moyen soulevé par le propriétaire du véhicule : le jugement de conversion du redressement judiciaire en liquidation judiciaire n’est pas un jugement d’ouverture, mais le prolongement de la procédure initiale, de sorte que le délai de revendication courait à compter de la publication au BODACC du jugement de redressement judiciaire. Restitution et revendication ne sont pas synonymes. Si la demande en revendication emporte, en principe, demande de restitution, la demande en restitution ne vaut pas revendication. Par ailleurs, la poursuite d’un contrat de location en cours ne vaut pas reconnaissance de l’opposabilité du droit de propriété du propriétaire et ne permet pas de repousser le point de départ du délai de revendication. 1. Restitution et revendication : deux procédures distinctes Le propriétaire d’un bien meuble, confronté à la procédure collective du détenteur dudit bien, dispose de deux voies procédurales pour obtenir la restitution matérielle de son bien : Nous serions tentés d’ajouter, au surplus, qu’en toute hypothèse le propriétaire était d’autant plus irrecevable, sur le terrain de la revendication, qu’il ne s’est pas soumis à la procédure prévue par l’article R. 624-13 du Code de commerce, consistant, en premier lieu, à adresser dans le délai de trois mois de la publication au BODACC du jugement d’ouverture, une lettre recommandée avec demande d’avis de réception au mandataire judiciaire, puis en second lieu, à défaut d’acquiescement dans le délai d’un mois à compter de la réception de la demande, à saisir le Juge-Commissaire par voie de requête, dans un délai d’un mois. - D’une part, la demande en revendication fondée sur l’article L. 624-9 du Code de commerce, - D’autre part, la demande en restitution fondée sur l’article L. 624-10 du Code de commerce. La demande en revendication est ouverte à tout propriétaire d’un bien meuble. Elle tend à obtenir la reconnaissance de son droit de propriété aux fins d’opposabilité à la procédure collective et emporte, de plein droit, en principe, demande en restitution (R. 624-13 C. com.). Pour être recevable, la demande en revendication suppose qu’elle soit initiée dans un délai de trois mois à compter de la publication au BODACC du jugement d’ouverture de la procédure collective du détenteur, dans le respect des formes prévues par l’article R. 624-13 du Code de commerce. Supplément au journal 2. L’absence d’incidence de la poursuite d’un contrat en cours sur la demande en revendication Afin de contrer l’irrecevabilité de ses demandes, le propriétaire soutenait : - D’une part, que l’option exercée par le locataire de poursuivre le contrat en cours, conformément à l’article L. 14 622-13 du Code de commerce emportait reconnaissance de son droit de propriété, - D’autre part, que la poursuite du contrat en cours l’avait placé dans l’impossibilité de formuler sa demande en revendication. Sur le premier point, la Cour, à bon droit, rappelle que seule la demande en revendication permet de faire reconnaître le droit de propriété du propriétaire, aux fins d’opposabilité à la procédure collective. Dès lors, la décision de poursuite d’un contrat en cours, en l’espèce de location, dans le respect des dispositions de l’article L. 622-13 du Code de commerce, ne saurait constituer une solution alternative de nature à faire reconnaître ce droit et, partant, à ouvrir la voie de la demande en restitution, enfermée dans aucun délai. Sur le second point, la Cour rejette le moyen soulevé par le propriétaire rappelant que la finalité de l’action en revendication n’est pas, en premier lieu, d’obtenir la restitution du bien meuble, mais de faire reconnaître le droit de propriété, afin de le rendre opposable à la procédure collective. Dès lors, le propriétaire ne pouvait soutenir que la poursuite du contrat en cours conduisait à la conservation par le locataire des biens meubles et que ce dernier ne pouvait, dans ce contexte, revendiquer, puisque la revendication tendait, selon lui, à obtenir la restitution. Au surplus, si en principe, la demande en revendication emporte, de plein droit, demande en restitution, l’article L. 624-10-1 du Code de commerce réserve l’hypothèse où le bien meuble fait l’objet d’un contrat en cours. Dans cette hypothèse spécifique, le propriétaire doit faire reconnaître son droit de propriété, conformément à l’article L. 624-13 du Code de commerce. La demande en revendication emporte demande de restitution, mais l’article L. 624-10-1 du Code de commerce précise que la restitution effective interviendra au jour de la résiliation ou du terme du contrat. rendant impossible la revendication dans les délais légaux. L’occasion est ici donnée de rappeler que contrairement à la commune opinion, l’action en revendication ne tend pas à obtenir la restitution du bien meuble, mais tend à rendre opposable à la procédure collective les droits du propriétaire. Faute de revendication dans les délais, la Cour précise à juste titre que le droit de propriété est devenu inopposable, comme le droit de créance d’un créancier qui n’a pas déclaré valablement dans les délais sa créance au passif et que, partant, les biens meubles sont devenus le gage commun des créanciers, sans que le propriétaire ne puisse prétendre au moindre droit particulier. La sanction de l’absence de revendication n’est donc pas la perte du droit de propriété, mais l’inopposabilité de ce droit à la procédure collective. Charles Croze Avocat au barreau de Lyon [email protected] PRINCIP AUX ATTE NDUS « Attendu que l’article L. 624-9 du Code de commerce dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 18 décembre 2008 seule applicable à l’espèce, dispose que la revendication des meubles ne peut être exercée que dans le délai de trois mois suivant la publication du jugement ouvrant la procédure, alors que l’article L. 624-10-1 du Code de commerce prévoit que lorsque le droit à restitution a été reconnu dans les conditions prévues aux articles L. 624-9 et L. 624-10 et que le bien fait l’objet d’un contrat en cours au jour de l’ouverture de la procédure, la restitution effective intervient au jour de la résiliation ou du terme du contrat. ». Cour d’appel de Lyon, 3ème Chambre A, 23 mai 2013, n°12/00988 La poursuite du contrat en cours n’est donc pas un obstacle Du pouvoir du juge-commissaire en cas de contestation d’une créance déclarée Cour d’appel de Lyon, 3ème Chambre A, 4 avril 2013, R.G. 11/07930 EXPOSE DES FAITS Une société a fait l’objet d’un redressement judiciaire. Sa banque a déclaré sa créance, correspondant à un découvert en compte courant et à un prêt. Dans le cadre de la vérification des créances sous l’égide du mandataire judiciaire, le débiteur a contesté la créance de la banque en invoquant l’irrégularité du taux effectif global (TEG). Par ordonnance, le juge-commissaire a dit que la clause d’intérêt conventionnel entre dans les champs de ses pouvoirs juridictionnels et a fixé la créance. Le débiteur a formé appel, au motif notamment que la banque ne l’a pas informé sur le TEG pratiqué sur l’ouverture du compte courant et que des frais n’avaient pas été compris, rendant le TEG affiché erroné. Dans le cadre de la mise en état, le conseiller a enjoint aux parties d’avoir à conclure sur l’article L.624-2 du code de commerce et sur les limites du pouvoir juridictionnel du juge-commissaire à cet égard. La question portait donc très précisément sur ce point : le juge-commissaire est-il compétent, à l’occasion de sa mission relative à l’admission Supplément au journal 15 des créances, pour statuer sur la régularité d’un TEG ? A défaut, doit-il surseoir à statuer et laisser le juge « naturel » trancher le litige ? Infirmant l’ordonnance déférée, la Cour d’appel de Lyon a sursis à statuer jusqu’à la décision définitive sur le montant des créances par le juge du fond. OBSERVATIONS Cet arrêt, dont la solution n’est pas nouvelle mais manifestement mal connue, est d’une grande importance pratique, tant pour les magistrats consulaires que pour les parties. Un autre arrêt rendu quelques semaines plus tard (CA Lyon, 3 ch. A, 30 mai 2013, RG : 12/02894) sur le même sujet montre qu’au-delà de la solution, la ligne de partage entre ce qui relève du juge commissaire et ce que n’en relève pas n’est pas toujours facile à distinguer. 1. Rappel de la mission du juge-commissaire L’article L 624-2 du code de commerce dispose : « Au vu des propositions du mandataire judiciaire, le juge- commissaire décide de l’admission ou du rejet des créances ou constate soit qu’une instance est en cours, soit que la contestation ne relève pas de sa compétence ». Selon une jurisprudence constante, à l’exception des créances salariales, le juge-commissaire est seul compétent pour statuer sur la déclaration de créance. Toutefois, cela ne doit pas occulter le fait que si, en définitive, le jugecommissaire fixe la créance, ce n’est pas lui qui tranchera le fond du litige. En d’autres termes, le juge-commissaire déterminera le quantum de la créance. Mais, il n’aura pas pouvoir de se livrer à un examen de fond du droit lorsque le différend lui paraîtra relever d’une autre instance juridictionnelle plus ou moins spécialisée. Toute la question est de savoir où commence son pouvoir et où il s’arrête lorsque la créance est contestée. 2. La solution de la Cour Après avoir rappelé l’article L. 624-2 du code de commerce, la Cour d’appel indique avec raison que « la procédure de vérification et d’admission des créances ne tend qu’à la détermination de l’existence, du montant et de la nature de la créance. Ainsi, le juge-commissaire est dépourvu du pouvoir juridictionnel pour connaître du fond de la créance ». En l’espèce, la Cour s’explique : la détermination du montant des créances de la banque nécessite que soit, préalablement, tranchée la question litigieuse de la régularité du TEG appliquée sur le compte courant et le prêt. Pour la Cour, cette question excède donc le pouvoir juridictionnel du juge-commissaire, et, par là-même, celui de la Cour saisie du recours afférent. Dans une sorte d’obiter dictum, la Cour apporte un éclairage procédural utile pour les praticiens : « le fait que la demande excède les pouvoirs du juge-commissaire constitue une fin de non recevoir qui doit être relevée même d’office, y compris en cause d’appel ». Cela justifie un sursis à statuer dans l’attente de la solution au fond. détermination de la validité de la cause de la créance (ex. redevance d’un brevet, d’une marque qui requiert d’apprécier l’existence du brevet…), fixation d’un mécanisme procédural pour déterminer la créance (ex. renvoi à l’arbitrage). Lorsque le juge-commissaire ne sera pas compétent, il ne suffira pas de soulever cette incompétence et demander un sursis à statuer. Encore faudra-t-il saisir la juridiction compétente. A défaut, la contestation ne sera pas fondée car l’objet du sursis manquera. Dans les affaires visées, la Cour a pu ordonner un sursis à statuer dans l’attente d’instances à engager. A priori, le délai pour ce faire est celui de la prescription, en l’absence d’autres impératifs. Il serait bon de fixer un délai limite car il est opportun que le débiteur (et le tribunal) soit fixé sur son passif dans la perspective d’un éventuel redressement. Si l’action n’était pas engagée dans ce délai, le sursis tomberait. De plus, la fixation rapide du passif est importante pour que soient calculées précisément les sommes qui devront être réglées dans le cadre du plan. L’obstacle majeur est souvent l’absence de fonds des mandataires, mais dans ce cas, l’intérêt est moindre dans la mesure où, de toute façon, le créancier risque de ne rien percevoir, ou si peu. Quoi qu’il en soit, il sera rappelé que si la déclaration de créance est une condition pour participer au règlement du passif, sa contestation devra être faite devant le mandataire, puis le juge commissaire le cas échant à peine d’irrecevabilité. Si le juge-commissaire aura le dernier mot pour le quantum, il devra néanmoins se déclarer incompétent et surseoir à statuer quand une question de droit devra préalablement être réglée. Bertrand de BELVAL Avocat au barreau de Lyon Selarl Colbert [email protected] Dans l’autre arrêt précité, la Cour d’appel de Lyon a repris la même argumentation et formulation. PRINCIPAUX AT TENDUS 3. Conseils pratiques « La procédure de vérification et d’admission des créances ne tend qu’à la détermination de l’existence, du montant et de la nature de la créance. La contestation de créance ne concerne en principe que le débiteur. Ce sera par conséquent à lui d’engager, le cas échéant, un contentieux au fond si le problème soulevé apparait au-delà de la mission du juge-commissaire. Le créancier peut aussi avoir intérêt à saisir la juridiction de fond pour éviter des délais, s’il a, par exemple, besoin de voir fixer des préjudices (impliquant de prendre position sur des responsabilités), déterminer des droits patrimoniaux (loyers, redevances)… « Ainsi, le juge commissaire est dépourvu de pouvoir juridictionnel pour connaitre du fond de la créance « La détermination du montant de la créance [de la banque ] nécessite que soit, préalablement tranchée, la question litigieuse de la régularité du TEG… » Cour d’appel de Lyon, 3ème Chambre A, 4 avril 2013, R.G. 11/07930 Pour déterminer la ligne de partage entre ce qui dépend du pouvoir du juge-commissaire ou non, il convient de se demander si la détermination du montant de la créance implique ou non un examen du fond de cette créance : interprétation d’un contrat, examen de la régularité de la créance au regard de textes impératifs (ex. le TEG), Contenu rédactionnel élaboré en partenariat avec l’Ordre des Avocats du Barreau de Lyon Sous la responsabilité de Maître Jean-Philippe KAPP, Avocat au Barreau de Lyon. Supplément au journal 16