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le shofar revue mensuelle de la communauté israélite libérale de belgique N° d’agréation P401058 SEPTEMBRE 2013 - N°347 / ELLOUL 5773 - TICHRI 5774 synagogue beth hillel bruxelles IDENTITÉ(S) JUIVE(S) N°345 SEPTEMBRE 2013 ELLOUL 5773 - TICHRI 5774 N° d’agréation P401058 re v ue mensuelle de l a communauté isr aélite libér ale de belgique EDITEUR RESPONSABLE : Gilbert Lederman REDACTEUR EN CHEF : Luc Bourgeois SECRÉTAIRE DE RÉDACTION : Yardenah Presler COMITÉ DE RÉDACTION : Rabbi Marc Neiger, Gilbert Lederman, Isabelle Telerman, Luc Bourgeois, Ralph Bisschops Ont participé à ce numéro du Shofar : Jonas Costens, Rabbi Abraham Dahan, Anne De Potter, Pascale Engelmann, Henri Lindner, Lucien Luck, Jean Marc Peruch, Gaëlle Szyffer, Pieter Van Cauwenberge MISE EN PAGE : inextremis.be ILLUSTRATION COUVERTURE : "Le passage de la Mer Rouge" Marc Chagall Le Shofar est édité par la COMMUNAUTÉ ISRAÉLITE LIBÉRALE DE BELGIQUE A.S.B.L. N° d’entreprise : 408.710.191 Synagogue Beth Hillel 80, rue des Primeurs B-1190 Bruxelles Tél. 02 332 25 28 Fax 02 376 72 19 www.beth-hillel.org [email protected] CBC 192-5133742-59 IBAN : BE84 1925 1337 4259 BIC : CREGBEBB RABBIN : Rabbi Marc Neiger RABBIN HONORAIRE : Rabbi Abraham Dahan DIRECTEUR: Luc Bourgeois SECRÉTAIRE : Yardenah Presler PRÉSIDENT HONORAIRE : Paul-Gérard Ebstein CONSEIL D’ADMINISTRATION : Gilbert Lederman (Président), Myriam Abraham, Gary Cohen, Anne De Potter, Patrick Ebstein, Nathan Estenne, Ephraïm Fischgrund, Josiane Goldschmidt, Gilbert Lederman, Willy Pomeranc, Gaëlle Szyffer, Elie Vulfs, Pieter Van Cauwenberge Les textes publiés n’engagent que leurs auteurs. Sommaire 5 EDITORIAL Identité(s) juive(s) (Luc Bourgeois, Rédacteur en chef) 7 LE MOT DU PRÉSIDENT De quoi Beth Hillel est-il le nom ? (Gilbert Lederman, Président du Conseil d’Administration de Beth Hillel) LE MOT DU RABBIN 9 Tradition et modernité 7 (Rabbi Marc Neiger) IDENTITÉ(S) JUIVE(S) Orthodoxe Orthodoxe 11 (Rabbi François Garaï du GIL, Communauté Israélite Libérale de Genève) 16 13 Juifs et Judaïsme (Rabbi Abraham Dahan) 16 Eloge de l’hébreu (Jean-Paul Borgerhoff) 21 De Varsovie à Bruxelles (entretien avec Henri Lindner) 25 Mijn jodendom (Pieter Van Cauwenberge) 28 Si je t’oublie, Ô Jérusalem (Lucien Luck) 30 AGENDA IDENTITÉ(S) JUIVE(S) 33 De la recherche de racine … au chemin … (Pascale Engelmann) 33 37 Du Bund à Beth Hillel (entretien avec Gaëlle Szyffer ) TALMUD TORA 40 Le Talmud Tora joue les prolongations NOS BNÉ MITZVA 42 Deracha de Jonas Costens 45 Deracha de Jean Marc Peruch ENVIE DE LI(V)RE 5070iéme anniversaire de la révolte du ghetto de Varsovie(III) 44 (Isabelle Telerman ) 52 Lectures d’identité (Anne De Potter) 55 Exil aux Marolles (Luc Bourgeois) 57 CARNET - CITATIONS le shofar Identité(s) juive(s) par Luc Bourgeois Les fêtes austères sont à nos portes. C’est le moment où beaucoup de Juifs retrouvent le chemin de la synagogue. Démarche paradoxale : on vient se retrouver, très nombreux, plus et moins croyants, plus et moins religieux, pour de longues heures de prières avec, à Kippour, la faim et l’attente de la rupture du jeûne. Curieuse démarche que d’aller s’enfermer avec l’estomac qui crie alors qu’on pourrait profiter du soleil de la fin de l’été. Et il en est ainsi depuis des siècles. Qu’est-ce qui nous distingue donc de nos contemporains qui ignorent ce type de pratique ? Notre identité. Oui, mais encore. C’est quoi notre identité ? C’est quoi « être Juif » ? Et malgré tout, notre synagogue est pleine et vibre lors des grandes fêtes, et également lors d’autres célébrations comme notre séder annuel à Pessah. Nous nous sommes donc interrogés sur notre identité juive en général et sur notre identité juive libérale en particulier. La barbarie et l’absurdité administrative nazies avaient défini des critères permettant de ranger certaines personnes dans la catégorie « Juif ». Ces critères ont été repris par l’état d’Israël naissant pour définir qui peut bénéficier de la loi du retour, ce qui était tout à fait compréhensible dans le cadre historique de la création de l’état. Mais, poussés à l’extrême, ils ont un côté profondément négatif : notre identité ne se définirait-elle que par rapport à la Shoah ? Qu’en est-il alors des Juifs qui ont eu la chance de ne pas connaître la Shoah ? Qu’en est-il des Juifs qui ont été expulsés des pays musulmans (le Maghreb, le Yémen, …) ? Nous en sommes donc arrivés à poser la question d’une manière positive : qu’est-ce qui nous pousse, en nous-mêmes, à être Juifs et nous donne notre identité sans la mettre toujours en perspective dans le regard de l’autre, contrairement à l’opinion de JeanPaul Sartre1 ? Pas de tshulent au Maroc. Pas de couscous en Ukraine. Pas beaucoup de kippa’s sur les crânes des fêtards à Tel-Aviv. L’état d’Israël est adulé ou vilipendé par les uns et par les autres, Juifs et non-Juifs confondus. Religieux, observants, croyants, agnostiques, athées : tous ces profils, toutes ces convictions se retrouvent parmi les Juifs du monde entier. Une mère juive : oui, certainement, mais est-ce une garantie pour que quelque chose soit transmis ? Dans les foyers mixtes, le père n’assure-t-il pas aussi ce rôle et souvent très efficacement ? Le yiddish, le ladino, le judéo-arabe, le judéo-persan : qui parmi nos jeunes connaît encore de ces langues plus que quelques expressions, et sont-elles suffisantes à assurer une identité ? Louis Armstrong, le trompettiste de jazz, parlait couramment yiddish et n’était pas Juif. Nous commençons par trois éclairages rabbiniques du judaïsme libéral, celui de notre rabbin Marc Neiger, celui de notre rabbin honoraire et fondateur de Beth Hillel, rabbi Dahan, et celui du rabbin François Garaï de notre communauté sœur de Genève. On ne résume pas l’identité juive en un mot, pas en une phrase, pas en un paragraphe, pas en un chapitre, pas en un livre. La multiplicité est trop grande. Pour beaucoup, la judéité se retrouve aussi dans nos petites lettre carrées, dans l’hébreu. Jean-Paul Borgerhoff fait revivre pour nous l’aventure de la langue retrouvée, du travail et 1 « C’est la société, non le décret de Dieu qui a fait de lui un Juif, c’est elle qui a fait naître le problème juif […] c’est nous qui le contraignons à se choisir juif malgré lui » Jean-Paul Sartre, Réflexions sur la question juive. 5 ÉD I TO R I A L de l’opiniâtreté dont a dû faire preuve Eliézer ben Yehouda pour faire renaître la langue afin qu’elle puisse devenir l’un des vecteurs de l’identité israélienne et assurer une cohésion renouvelée au peuple juif, sur sa terre et en diaspora. Nous avons ensuite interrogé quelques membres de Beth Hillel, et avons essayé d’illustrer la diversité de leurs parcours, convictions, pratiques, approches et opinions. 6 Henri Lindner a retracé pour nous son enfance à Varsovie, dans une famille religieuse sans excès, son départ en 1939 pour aller étudier en Angleterre, son engagement dans l’armée et son parcours militaire dans les commandos jusqu’à la libération de l’Europe, son arrivée en Belgique et sa rencontre avec Adèle, et, enfin, son retour aux textes du Judaïsme et à la pratique religieuse à travers ses rencontres et l’amitié qu’il a construite avec rabbi Dahan. Lucien Luck nous raconte sa merveilleuse histoire d’amour avec Geneviève, z’’l, et comment grâce à elle il a retrouvé le chemin de la communauté juive et de Beth Hillel après que les traumatismes de la Shoah l’aient amené à prendre ses distances avec la religion. Gaëlle Szyffer nous a raconté son histoire peu commune : élevée dans une famille mixte où la politique et les idéaux de gauche avaient plus d’importance que la religion, même si la tradition juive y était bien présente, Gaëlle a trouvé le chemin de Beth Hillel et du judaïsme libéral grâce à rabbi Dahan et y a grandi spirituellement et dans l’action, qu’elle mène sur tous les fronts pour la communauté juive en général et pour Beth Hillel, en particulier. En 1977, Pieter Van Cauwenberge a voyagé en Israël et il en est revenu avec un grand amour du pays et du peuple juif. Durant de longues années, Pieter a étudié tous les aspects du judaïsme et de la vie juive à l’Université de Gand, et il a rejoint Beth Hillel il y a quelques années. Depuis son entrée dans le peuple d’Israël Pieter participe très activement à la vie de notre synagogue et nous fait souvent partager son grand savoir et sa vision religieuse de la vie juive. Pieter voyage encore très régulièrement en Israël où il a de nombreux amis. Pascale Engelmann et son époux Alexandre ont récemment rejoint le peuple d’Israël. Tout en délicatesse, Pascale nous décrit comment elle a commencé par s’intéresser au judaïsme et comment elle et son mari ont ensuite décidé d’étudier longuement et de se convertir il y a peu. Son témoignage équilibre parfaitement l’émotion et la réflexion. Josiane Goldschmidt nous présente ensuite les dernière réalisations du Talmud Tora durant le mois de juin. Pour cette édition du Shofar, nous vous proposons quelques ouvrages récemment parus. Isabelle Telerman poursuit sa recension d’ouvrages parus à propos du soulèvement du ghetto de Varsovie. Anne De Potter nous invite à nous plonger dans plusieurs ouvrages relatifs à l’identité juive. Nous vous présentons enfin le livre de souvenirs de Inge Schneid, une membre de Beth Hillel, qui, petite fille, est arrivée en Belgique avec sa famille, fuyant le nazisme qui s’installait à Vienne, et comment elle y a grandi, dans un exil douloureux. Nous vous suggérons enfin, sur internet, la conférence de Benjamin Gross à propos de la vision de l’identité juive selon Leon Ashkenazi, référence pour le judaïsme du XXème siècle. ht t p: //a k a dem .or g /s om m a i r e / t heme s / philosophie/ les-gra nds-penseurs/ leonashkenazi-manitou-/y-a-t-il-une-identitejuive-07-05-2013-52488_298.php Bonne lecture, chana tova, hag sameah et bon jeûne de Kippour. ■ le shofar De quoi Beth Hillel est-il le nom ? par Gilbert Lederman, Président du Conseil d’Administration Porter un nom, c’est « être ». Porter le nom d’un illustre homme, c’est tenter de prolonger le rayonnement de son ex istence. Por ter celui de Hillel, c’est assumer la responsabilité de traduire son héritage moral dans la conscience de notre époque. Pour le peuple dont on dit qu’il est celui des livres, le choix d’un nom n’est jamais anodin. Le nom recèle une histoire. En 1979, lors de son inauguration au 96 avenue Kersbeek, notre rabbin Abraham Dahan, soutenu par le Conseil d’Administration sous la présidence de PaulGérard Ebstein, fût bien inspiré d’attribuer à notre synagogue le nom de Hillel. A un homme en demande de conversion qui le défia de définir le judaïsme, le temps de rester debout sur une seule jambe, Hillel répondit : « Ne fais pas à autrui ce que tu ne souhaites pas qu’autrui te fasse. C’est toute la Tora. Le reste, n’est que commentaires. Maintenant, va et étudie » (Talmud de Babylone, traité Shabbat 31a.). Cette phrase de la longueur d’un tweet ne mentionne ni Dieu, ni une croyance, ni les rituels de la Tora. Cet aphorisme met en exergue les responsabilités de l’homme, le sens à donner à son existence et le savoirvivre avec son prochain. De fait, l’humain, les obligations éthiques de celui-ci et l’étude sont les piliers de l’édifice juif. De nombreuses synagogues libérales de par le monde portent le nom de Hillel car ce dernier symbolise un judaïsme tolérant et accueillant. A une époque où plus de 40% de juifs se marient avec des conjoints hors du yichouv, le message du sage est un exemple dont Beth Hillel est fier de s’inspirer. Le mouvement dont est issu notre communauté représente la tendance majoritaire du judaïsme contemporain. Le judaïsme libéral prône la relecture d’une tradition multimillénaire en phase avec la conscience de son 7 L E M OT D U PR ÉS I D EN T E X ÉC U T I F époque. Le mouvement libéral tente de donner au judaïsme les moyens de vivre la modernité sans cesser d’être lui-même. La genèse du judaïsme réformé apparaît en Allemagne au siècle des Lumières, époque qui procura de nouvelles libertés aux citoyens juifs, celle notamment, de s’émanciper dans les cités. L’une des conséquences cultuelles fût d’attribuer des droits égalitaires aux hommes et aux femmes. Porter le nom de Beth Hillel, c’est donc porter une promesse, celle d’éclairer un judaïsme et sa tradition ancestrale à la lumière de son époque. C’est ce à quoi, notre communauté s’est engagée depuis bientôt près de 50 ans. A l’approche des fêtes austères, au nom du Rabbi Marc Neiger, du Conseil d’Administration et du staff, je vous souhaite une bonne et douce année. ■ « Si je ne suis pas pour moi, qui le sera ? Et si je ne suis que pour moi, qui suis-je ? Et si pas maintenant, quand ? ». « Ne te sépare pas de la communauté ; ne réponds pas de ta vertu avant le jour de ta mort ; ne juge pas ton prochain tant que tu ne te sois pas trouvé dans sa situation ; Ne dis pas : j’étudierai quand j’aurai le temps, car peut-être tu n’en auras pas ». « Sois responsable là où tous fuient leurs responsabilités ». 8 Hillel. Extraits des Pirké Avot 30 véhicules de remplacement boîte manuelle 5 véhicules de remplacement boîte automatique 2 camionnettes Disponibles et gratuits Dépannage gratuit sur Bruxelles Prise et remise à domicile gratuite Nous sommes "conventionnés" par la totalité des compagnies d’assurances Rue de Boetendael, 132 - 1180 UCCLE Tel 02.345.60.88 - Fax 02.343.55.66 www.fadanlongchamp.be le shofar Tradition et modernité par Rabbin Marc Neiger Tradition et modernité, ce sont deux mots que l'on entend souvent dans le cadre des réflexions du Judaïsme Libéral, du Judaïsme progressiste en général et même occasionnellement dans le cadre du Judaïsme dit "orthodoxe" ou consistorial. l'on regarde de plus près, ce compromis ne s'intéresse finalement qu'à des aspects pratiques : peut-on prendre la voiture pendant chabbat, doit-on utiliser du vin kacher pour Pessah, peut-on marier deux personnes de même sexe, etc… Et lorsque nous utilisons ces mots, tous nous souhaitons prétendre à concilier, harmoniser, d'un côté ce que nous appelons la tradition du Judaïsme et d'un autre coté la modernité, c'est-à-dire d'un côté ce qui nous rattache au passé, et de l'autre côté, les attraits de la société civile, du progrès scientifique, de la laïcité, tout ce qui d'une certaine manière semble être à même de façonner l'avenir. Quitte à paraître un peu provocateur, je pense que cette quête peut se résumer à : comment devenir moderne sans perdre le "goût" de l'ancien? Nous sommes toujours dans la nostalgie de la "petite madeleine" de Proust. Il n'y a sûrement rien de mal à trouver réconfort dans les parfums de notre enfance, mais la vraie question est plutôt : est-ce la bien le sens du judaïsme ? S'agit-il de flatter nos sens par une ivresse des souvenirs ou plutôt d'apprendre à améliorer notre monde ? On trouve dans Bereshit Rabba (11.4) (ainsi que dans le talmud Shabbat 119a) une histoire bien connue qui nous parle du chabbat : J'ai l'impression que "tradition et modernité" deviennent alors trop souvent une manière politiquement correcte de désigner la recherche d'un compromis entre les restrictions supposées par la halakha et les exigences pratiques de notre monde, le tout plus ou moins modéré par l'envie de ne pas trop nous éloigner de ce qui nous imaginons être "la pratique ancestrale" et la volonté de paraître moderne aux yeux des autres. Les Juifs savent depuis longtemps allier l'esprit de contradiction et la recherche de compromis. Cette quête d'un équilibre pourrait donc nous apparaître salutaire et même typique de notre état d'esprit. Cependant, si 1 רבינו עשה סעודה לאנטונינוס בשבת הביא לפניו תבשילין של צונן אכל מהם וערב לו עשה לו סעודה בחול הביא לפניו תבשילין רותחין א״ל אותן ערבו לי יותר מאלו א״ל תבל אחד הן חסרין א״ל וכי יש קלרין של מלך חסר כלום אמר לו שבת הן חסרין אית לך שבת Notre Rabbi (Juda HaNassi) prépara un repas à Antoninus [à l'occasion d'un Chabbat] : des plats froids lui furent présentés, il les mangea et les trouva délicieux. [Une autre fois] J uda HaNassi, (135?-217 EC), communément appelé Rabbi, fut le rédacteur de la Michna. Il consolida l'influence des premiers rabbins sur la vie Juive et entretint de bonnes relations avec le pouvoir Romain. On retrouve les traces de ces bonnes relations aux travers de nombreuses légendes talmudiques comme celle citée ici et décrivant son amitié et sa complicité avec un empereur nommé Antoninus. Il est fort probable que Juda HaNassi ait réellement fréquenté un ou deux empereurs romains, peut-être Septime Sévère et Caracalla, pendant leurs séjours en Judée. 9 L E M OT D U R A B B I N Rabbi lui prépara un repas en semaine où des plats chauds lui furent présentés. Antoninus lui dit : J'ai préféré les autres (les froids). Rabbi répondit : Il manque à ceux-ci un condiment particulier. Il répondit : Qu'à cela ne tienne, est-il un épice qui soit absent de la cuisine royale? Rabbi précisa: Ils leur manque le Chabbat, possèderais tu le Chabbat? 10 Cette histoire ne nous enseigne pas que l'épice en question fait partie de la recette de la dafina ou du tcholent, du couscous ou du gefilte fish. Même si les recettes de notre culture savent remuer en nous des émotions profondes, ce que nous rappelle cette histoire c'est que le chabbat dépend avant tout du sens que nous donnons aux choses et non de la manière dont nous les faisons. Hors nous avons une fâcheuse tendance à nous intéresser au comment et non au pourquoi ? Cela semble être une tendance de nombreux Juifs aujourd'hui, mais c'est avant tout la tendance de toute notre société consumériste et productiviste qui s'intéresse au résultat immédiat, sans se préoccuper des conséquences d'une action, ni même de ses motivations profondes. Or le Judaïsme, et le chabbat en est un exemple majeur, souhaite nous interpeller sur le sens des choses, de notre vie et de nos actes. La véritable question n'est donc pas de choisir entre tradition et modernité, entre passé et avenir, entre conservateur et progressiste. D'une manière ou d'une autre l'un est voué à la disparition, l'autre à l'assimilation. La véritable question est d'avoir un Judaïsme qui ait un véritable sens au présent et une perspective d'avenir. C'est-à-dire un Judaïsme qui soit authentiquement enraciné dans la tradition et la modernité, mais qui sache être sans concession ni sentimentalisme tant avec l'un qu'avec l'autre. Les réformes que nous devons mettre en œuvre dans le Judaïsme Libéral ne doivent pas être faites uniquement parce qu'elles sont compatibles avec une possibilité d'évolution de la halakha; je pense que ces évolutions peuvent occasionnellement être en rupture avec les pratiques existantes si elles s'avèrent donner plus de sens et de justice à une question contemporaine. Il s'agit d'assurer la continuité du sens et du fond, et non de la forme du Judaïsme. Une telle approche ne peut se faire sans admettre le risque que nous pouvons aussi nous tromper, et elle ne peut non plus s'affranchir de la difficulté que représente le pluralisme des opinions au sein du peuple Juif, et même au sein de nos communautés où nous savons bien que deux Juifs ont au moins trois opinions. Nous vivons aujourd'hui dans un monde, où non seulement les évolutions technologiques, mais surtout de manière beaucoup plus troublante, les évolutions et les transformations sociales, n'ont jamais été aussi rapides, tant à l'échelle locale que globale. Nous devons apprendre à vivre au sein de la vague de ces changements, car c'est aussi le seul moyen de survivre durablement aux évolutions de notre monde. Aujourd'hui, près de 18 siècles après la disparation de Rabbi, il n'est toujours pas possible d'acheter l'épice de chabbat en boutique, mais nous essayons chaque semaine de donner au chabbat cette fragrance particulière. Pour y parvenir nous devons aussi nous rappeler l'audace dont ont su faire preuve Judah HaNassi et les autres rabbins du début de notre ère, pour renouveler le Judaïsme après la destruction du temple. ■ le shofar Orthodoxe, orthodoxe… par Rabbi François Garaï, Genève Nous utilisons des termes dont la signification est incontestable mais qui, aujourd'hui, sont compris différemment. Ainsi le terme « orthodoxe » veut dire: «conforme à la doctrine », ou « conforme à la loi». Pour tous ceux qui se disent orthodoxes, il ne peut donc y avoir qu'une seule doctrine ou une seule loi. Comment alors peut-on être « ultra-orthodoxe » ou « modern-orthodox », car cela voudrait dire que plusieurs doctrines ou plusieurs lois existent pour le même objet, et ce serait donc une contradiction dans les termes. Dans le monde juif, ce terme qualifie le courant qui affirme que Moïse, sur le mont Sinaï et dans l'enceinte du Tabernacle, reçut de Dieu l'ensemble de la Tradition, écrite et orale, sous forme explicite ou implicite. En conséquence, tout ce qui fait partie de la Tradition, avec un grand «T», ne peut être remis en cause car Dieu en aurait communiqué tous les termes directement à Moïse. Cela n'est pas une conception orthodoxe, mais une approche fondamentaliste qui considère de valeur égale la Tradition écrite et le Tradition orale. Qualifier les courants fondamentalistes du judaïsme de courants «orthodoxes» est donc un abus de langage. En Israël, ils sont qualifiés de datiyim c'est-à-dire de «doctrinaires». Quant à ceux qui sont qualifiés d'«ultra-orthodoxes», ils sont nommés: «harédim», c'est-à-dire «craignant» ou plutôt «scrupuleux» car ils sont attachés à une application extrêmement stricte de la Halakhah. Ces qualificatifs semblent beaucoup mieux les décrire. Toujours en Israël, les « conservative » s'appellent entre eux « masortim », c'est-à- dire ceux attachés à la Tradition, sans pour cela qu'ils soient les seuls. Et les libéraux sont appelés « réformim », c'est- à-dire ceux qui affirment la constante évolution de la Tradition. C'est pourquoi nous sommes tous des « orthodoxes », c'est-à-dire des Juifs religieux attachés à la Loi et à la tradition juive, que nous soyons des harédim ou des réformim. Notre fidélité à la Tradition, à la Massorah, c'est-àdire à ce qui a été transmis depuis des temps immémoriaux, depuis l'époque de Moïse et au-delà, cette fidélité est entière. Dans les communautés les plus rigoristes, comme dans les communautés les plus libérales, on célèbre Hanoukah, Pourim,... des fêtes postérieures à Moïse. Ces communautés prônent l'allumage des lumières du Chabbat, lisent le Hallel lors des jours de Fête, y compris de Hanoukah... Et pourtant, cela n'est indiqué nulle part dans la Tora mais fait partie de l'enseignement rabbinique, c'est-à-dire de la Tradition au sens large du terme. Et dans ces derniers cas, nous disons tous la même bénédiction: « achèr kidechanou bemitzvotav vetzivanou... » affirmant ainsi que cette pratique est aussi constitutive de notre Tradition que le sont le Chabbat, le port du Tallith et, qu'en l'accomplissant, nous respectons les mitzvot, les commandements de la Tradition orale. Nous sommes donc tous des Juifs orthodoxes, c'est-à-dire attachés à la Loi et à la doctrine fondamentale de notre Tradition. Ou pour le dire en d'autres termes, nous sommes tous des Juifs traditionnels, certains étant «traditionalistes» ou « fondamentalistes » pour qui l'écrit et l'oral sont de même valeur, et d'autres «modernistes», c'est-à-dire prenant en compte non seulement l'évolution de notre Tradition dans le passé mais aussi les acquis de notre époque. Le judaïsme libéral est donc un judaïsme orthodoxe, fondé sur une approche évolutive, ouverte et novatrice de notre Tradition écrite comme de notre Tradition orale. ■ 11 le shofar Juifs et Judaïsme par Rabbi Abraham Dahan C’est toujours délicat d’aborder le problème Chabbat. Ainsi en était-il de leur approche relide l’identité. Qu’il s’agisse d’un peuple ou d’un gieuse qui subordonne la foi à l’action juste, qui individu, il y a le risque de n’exige pas tant de croire glisser vers une généralisaque de comprendre et d’agir bien, et qui met au dessus tion ou des clichés. Surtout Un peuple que les de tout la vie humaine et le quand il s’agit de Juifs, nations se sont souci du prochain. Nos fêtes dont les religions nées du acharnées à effacer, par exemple ne célèbrent Judaïsme et leurs littérapas Dieu mais des événetures - religieuses ou pas à chaque génération, - n’ont jamais cessé d’en ments de notre histoire et mais qui survit, qui fixer des portraits pour le des moments de travail de moins négatifs et les carila conscience comme Roch vit et qui croît et fait Hachana et Yom Kippour, catures avilissantes que l’on croître. les jours cœur de notre connait. Il en va jusqu’au année où nous entrerons dictionnaire où dans les années ‘50 encore on trouUn peuple religieux, à bientôt. vait pour le mot ‘juif’ d’époul’origine des religions Chose étrange, le peuple juif vantables qualificatifs. du livre, mais aussi un qui a apporté à l’Occident la révélation du Dieu Un, Les choses changent, il faut peuple profondément éternel, créateur, infini et l’espérer – même si un cerathée, peut être parce ineffable avec la puissante tain Islam prend le relai de et bouleversante utopie de cette malheureuse culture qu’il met l’homme au l’humain qui en découle, antisémite – mais les précentre et pas Dieu. sera longtemps perçu juges mentaux sont très comme peuple athée ! lents a évoluer. Quels seraient les marqueurs de l’identité juive ? Le Judaïsme a toujours surpris avant même la naissance du Christianisme : la vertigineuse abstraction de son monothéisme, le refus absolu non seulement de toute représentation, mais aussi de tout discours sur Dieu était pour le païens incompréhensible et répréhensible. Quand naîtra le Christianisme – avec des Juifs au départ – il reprendra ces incompréhensions et ces accusations. Il les creusera et les aggravera par l’accusation absurde et métaphysique de peuple déicide. Les Juifs seront alors accablés de toutes les malédictions imaginables, souvent honnis, bannis, interdits, traqués on connaît l’histoire de toutes ces infamies jusqu’à la Shoah. Leur rituel vu souvent comme absurde. Les Grecs qualifient les Juifs de paresseux parce qu’ils ne travaillaient pas un jour par semaine, le Malgré cet effrayant boulet et une incroyable dispersion, le peuple juif survivra, traversant les millénaires, les empires et les civilisations 13 I D EN T I T É(S) J U I V E(S) avec pour seule patrie son Livre, la bible, qu’il être humain naît, grandit, atteint son apogée, développera par l’étude infinie, l’interprétation décline et disparaît. On a alors posé la question et le questionnement incessant, en monument de des Juifs, et Arnold Toynbe a eu cette incroyl’esprit. L’histoire du peuple able réponse : les Juifs sont juif n’est pas faite de rois, de un fossile de l’Histoire. Ne suis point la puissance et d’empires mais L’Histoire les aurait oubliés. multitude pour mal de celle de ses Ecoles. faire, n’opine point sur Puis il y a eu la prodigieuse résurrection de l’Etat d'IsEt il survivra, vivant, un litige dans le sens de raël. Mais avant d’en parler, présent, contribuant à tout ce qui est humain, en quelques mots sur le rapport la majorité pour faire même temps dans tous les du peuple juif à la terre. C’est fléchir le droit, mais systèmes de la vie et cepenle seul peuple qui n’est pas né sur sa terre. Israël est né en dant résistant aux enfermesuis la majorité. Egypte. Même sa Tora, son ments et aux dogmatismes Exode 23.2 enseignement, il le reçoit au point d’être perçu parfois dans le désert. Cela veut dire comme subversif… beaucoup. D’abord l’accent mis sur la liberté, la Certains historiens, et non des moindres, première des dix paroles. Paradoxalement, le ont affirmé qu’une civilisation comme un peuple si souvent dominé en gardera toujours la 14 "KENÉ LEKHA HAVER" עשה לך רב וקנה לך חבר Tous les troisièmes samedi du mois Après l'office de chaharit de 10h30 • Samedi 21 septembre (Soukkot) • Samedi 19 octobre (Vayéra) • Samedi 16 novembre (Vayichlah) Basé sur la notion de "Assé lekha rav ouKené lekha Haver", qui signifie: "Trouve-toi (fais-toi) un maître et acquiers un compagnon [d’étude]", ce Cercle d'Etude est animé par et pour les membres, coordonné par Gaëlle Szyffer, avec le soutien de rabbi Neiger. Les Cercles d'Etude se déroulent toujours le samedi, après l'office de chaharit de 10h30. Après le kiddouch, un rapide lunch entre participants prend place vers 13h, avant l'étude. Le tout dans la détente et la convivialité: tous sont les bienvenus. Apportez votre déjeuner (sans viande, ni volaille) et vos recherches sur le thème du jour. Infos et inscriptions Secrétariat: 02.332.25.28 Rabbi Marc Neiger: [email protected] Gaëlle Szyffer: 0474.310.610 ou [email protected] le shofar mémoire la direction et la volonté et il l’exprimera dans la lecture de ses textes, lecture infinie. Avec Israël, le peuple juif rentre dans le jeu des nations: les tentations de territorialisme et de puissance. Il perdrait alors, s’il y sucLa terre d’Israël n’est pas la patrie. C’est la terre promcombait, quelque chose de Un peuple unique ce qui fait la singularité et ise : c'est-à-dire qu’elle se et singulier, mais l’éternité du peuple juif. mérite. Deux choses dit la Je pense et je crois que la Tora ne sont cédables que également universel, de notre histoire, pour un temps – l’homme par sa dispersion et par mémoire que ce qu’une culture de et la terre : « vous êtes mes son refus du dogme. Tora inscrit en nous et qui serviteurs » d’où le rejet de dépasse le plan religieux, l’esclavage et « toute la terre l’exigüité du pays d’Israël est à moi » donc à Dieu, il l’accorde et la reprend à qui il veut et quand il rappellent que ce n’est pas la taille du pays veut. Mais cela ouvre sur autre chose : la Tora voit qui compte mais ce qu’on y construit et ce l’homme comme citoyen du monde. Je suis partout qu’on y accomplit. Ces éléments, toujours chez moi – là ou j’ai un toit, une table et du pain. présents, éviteront au peuple d’Israël de Nous sommes tous des hôtes sur la terre. L’arbre a céder à ces tentations. des racines, l’homme a des jambes. D’où le rejet des nationalismes exacerbés, imbéciles et dangereux. Chana tova à toutes et à tous! ■ 15 I D EN T I T É(S) J U I V E(S) Eloge de l’hébreu par Jean-Paul Borgerhoff Eliézer Ben Yehouda 16 On s’habitue à tout, même aux miracles. Or, c’est bien de cet ordre que relève la renaissance de l’hébreu, phénomène exceptionnel et unique dans l’histoire. Nombreux sont les groupes humains qui ont réussi à fonder un Etat indépendant, mais aucun, hormis les Juifs, n’est allé jusqu’à créer une langue nouvelle. Avoir rendu son statut de langue vivante à l’hébreu –qui certes n’était pas totalement mort mais plutôt agonisant dans son moule de « langue sacrée »- est assurément, à côté de la création de l’Etat, la réussite la plus éclatante du sionisme. « C’est dans une large mesure la langue qui fait la nation » a écrit Ferdinand de Saussure. Si Israël doit son existence avant tout à ses succès économiques et militaires, que serait-il néanmoins sans le ciment social de sa langue ? Or, la dimension miraculeuse de ce phénomène tient aussi, comme nous le verrons, au fait qu’il est largement l’œuvre d’un homme. Un homme seul, un visionnaire, qui consacra sa vie à son idéal : Eliézer Ben-Yéhouda. La force de la parole En guise d’introduction, précisons d’abord que, dans l’optique du judaïsme, la parole est indissociable d’une relation. Une parole n’est pas que l’émission d’un son : exprimant une idée ou un sentiment, elle est le vecteur de la capacité humaine de transmettre, de communiquer. Au sein d’elle s’inscrit la véritable la relation, qui différentie l’homme des autres êtres créés. La puissance génératrice de la parole est considérable. Non seulement elle explique et éclaire les actes, mais elle formule aussi les engagements qui sont à la base des plus grandes réalisations humaines. Pensons par exemple à la « déclaration » d’indépendance, qui a donné naissance au pays qui allait devenir le plus puissant de la planète. Mais sans doute est-ce notre tradition toute entière qui illustre le mieux cette puissance de la parole : c’est en effet en « parlant » à Moïse que Dieu s’est révélé, qu’il a transmis ses commandements (les « dix paroles ») et communiqué son message aux hommes. Par le biais de la Tora, la parole devient ainsi support de la présence divine. Mais attention cependant : si la parole que Dieu nous a donnée peut unir et construire, le shofar elle peut aussi diviser et détruire. Il n’y a rien de pire que la langue lorsque celle-ci devient perfide et méchante. « Mon Dieu, préserve ma langue de la médisance, et mes lèvres du mensonge. Que devant ceux qui m’insultent, mon âme se taise et que j’apprenne l’humilité. » Il est particulièrement révélateur que cet « Elohaï netsor » figure en clôture de la Amida, la prière centrale de nos offices. Car c’est finalement par la conscience de la force – utile ou nuisible – de notre parole que nous définissons dans une large mesure les paramètres de notre vie. Etre un homme, c’est apprendre à parler… Une langue ressuscitée « J’ai fait un rêve. » Bien avant Martin Luther King, c’est par ces mots que s’ouvre le récit autobiographique d’Eliézer Ben Yéhouda, « Le rêve traversé », rédigé en 1917. Il approche alors de la soixantaine. Sa vie entière, il s’est efforcé de concrétiser cette intuition de sa jeunesse : il ne peut y avoir de renaissance nationale juive sans renaissance parallèle de l’hébreu, la langue des Pères. Le retour à la terre doit s’accompagner du retour de la langue. Eliézer Ben Yéhouda est de ces hommes capables de mobiliser la totalité de leurs énergies au service d’une cause à laquelle ils s’identifient. En l’occurrence un combat unique et singulier, se situant au confluent de la langue, de l’histoire politique et de la psychologie humaine. Quelques années avant sa mort (en 1922) il a le privilège rare parmi les visionnaires de voir son rêve réalisé : certes encore fragile, le triomphe de l’hébreu semble assuré. La « langue de Dieu » est redevenue langue quotidienne en terre d’Israël. Et pourtant dur aura été le chemin, et nombreux les obstacles. Sa gloire, Eliézer l’a payée de tant de souffrances. Son projet se 1 2 heurte d’abord à un scepticisme général. Même le mouvement sioniste, et Théodore Herzl en particulier, n’avait pas, à l’origine, inscrit la renaissance de l’hébreu parmi ses objectifs. Les religieux orthodoxes considèrent ses agissements d’un très mauvais œil, à l’image de ce rabbin de Jérusalem : « Le moment n’est pas encore venu, en notre génération, pour engager les bouleversements que vous souhaitez. Nous aussi, par la grâce de Dieu, nous connaissons la langue sainte et nous ne ressentons pas le besoin de la profaner dans la vie quotidienne »1. En 1894, Ben Yéhouda est dénoncé aux autorités turques par les ultra-orthodoxes et est emprisonné pendant un an. Bien des années plus tard se produit aussi cet épisode demeuré célèbre : Ithamar, le fils de Ben Yéhouda, traverse un quartier orthodoxe de Jérusalem avec son chien, auquel il s’adresse dans la seule langue qu’il connaît. Des fanatiques interprètent ce comportement comme le comble du sacrilège et lapident le chien… La grande œuvre de Ben Yehouda est son Dictionnaire de la langue hébraïque, même si ce document précieux et premier du genre n’a pas résisté au temps. A l’époque, l’hébreu est assez pauvre en termes et expressions de tous les jours : aussi établit-il, pour son propre usage, une liste de mots, trouvés dans des livres, utiles à la conversation. « Cette liste fut à l’origine du Dictionnaire. Quand elle commença à s’allonger un peu, je lui cherchai un nom qui soit court, car l’expression habituelle « livre de mots » ne me parut pas commode. Soudain l’idée me vint de lui trouver un nom nouveau et, après y avoir réfléchi quelques jours, tout à coup ce mot nouveau surgit devant mes yeux : milon. Ce fut le premier néologisme que je créai en hébreu »2. a renaissance de l’hébreu », édition Desclée de Brouwer, 1998, page 188 L Page 7 Page 78 17 I D EN T I T É(S) J U I V E(S) Bien vite, Ben Yehouda comprend que la restauration de la langue nécessite une injection importante de mots nouveaux. Par cette activité créatrice, il acquiert le surnom de « dictionnaire vivant ». Il met cependant en place une Commission de la langue, qui deviendra plus tard l’Académie hébraïque, afin que cette production terminologique procède d’une décision collégiale. 18 Ben Yehouda note aussi les néologismes sortant de la bouche de son enfant, comme l’indique cet épisode relaté dans les « Mémoires du premier enfant hébreu » (qui complètent admirablement celles de son père) : « Je me rappelle qu’un jour où nous nous préparions à partir en promenade hors de la ville intra muros, je me précipitai soudain vers ma mère : - Maman, maman ! Regarde, j’ai trouvé une sevivon (toupie) de Hannouca. Ma mère me prit dans ses bras et me couvrit de baisers tant elle était émue. Quel joli mot tu as trouvé là, mon fils ! C’est ainsi que fut inventé le mot « sevivon », qui se trouve dans la bouche de tous les enfants hébreux depuis maintenant des dizaines d’années »3. Ben Yehouda se heurte au même scepticisme dans la seconde « mission » qu’il s’assigne : créer le premier enfant hébreu de l’ère moderne, un enfant dont les premiers babils soient en hébreu. L’expérience exige un confinement absolu de l’enfant afin de l’écarter de toute voix, de tout contact, qui ne soit pas hébraïque. Ben Yehouda interdit notamment à son épouse de prendre une servante. Beaucoup accusent le père de menacer ainsi age 209 P Page 192 5 Page 123 3 4 la santé mentale de son enfant, de le traiter comme « cobaye » de son expérience. De fait, l’expérience se passe mal : à trois ans, l’enfant n’a toujours pas parlé. Il arrive même que l’impatience du père tourne au comique : « Deborah ! Deborah ! hurla mon père de joie en se précipitant au balcon, « as-tu entendu Ben-Zion ? Il a ri en hébreu. - Bientôt, lui rétorqua sévèrement ma mère, tu m’annonceras que Ben-Zion a pleuré en hébreu »4. Finalement, voyant un jour son père bouillant de colère mettre sa mère en pleurs, l’enfant se jette contre son père en hurlant « Aba »… L’obstination de Ben Yehouda a ainsi triomphé : comme il en avait rêvé, son propre fils devient le premier enfant hébreu de l’ère moderne. Une fois encore, Ben Yehouda a fait œuvre de pionnier en inventant la pédagogie d’immersion totale, le « rak ivrit » qui deviendra le slogan de générations d’immigrants et d’étudiants en hébreu. Au crépuscule de sa vie, Ben Yehouda a ainsi accompli son rêve et, se souvenant de ses opposants qui l’accusaient de manquer de réalisme, il écrit : « l’Histoire montrera que nous, les aveugles, étions les véritables voyants et avions vu juste »5. La langue des Juifs Aujourd’hui, pourquoi apparaît-il nécessaire, indispensable même, de connaître, ou à tout le moins d'apprendre, l’hébreu ? Bien entendu, la connaissance de la langue locale rendra nettement plus aisé un séjour en Israël. Mais ce n’est pas seulement de cela dont il s’agit. le shofar Ceux qui étudient l’hébreu comprennent en effet très vite qu’ils manipulent une matière bien spécifique et s’étonnent de trouver cette langue de plus en plus « géniale » au fur et à mesure qu’ils l’apprennent… On le sait, les mots hébreux se composent autour d’une racine, le plus souvent de trois lettres, auxquelles viennent s’accoler des sons qui forment les voyelles. Ces racines sont en quelque sorte la matière première de la langue hébraïque ; elles donnent leur sens aux mots. En d’autres termes, les mots, en hébreu, disent une idée. Chaque terme est à ce titre l’expression d’une réalité profonde. Davantage, sans doute, qu’une autre langue, l’hébreu réussit ainsi à conserver le sens premier de ses mots. Et c’est là son génie, son « trésor »… Et puis, est-il besoin de le rappeler, si la langue des Juifs n’est pas une langue comme les autres, c’est qu’elle est celle de la révélation, celle dans laquelle Dieu a parlé à Moïse et aux prophètes et leur a transmis son message. Et quel message ! On le sait également, la science de l’interprétation fait apparaître les mots de la Tora comme des tiroirs qui s’ouvrent à l’infini, des termes matriciels au travers desquels passent une série de compréhensions successives. Face aux mots de la Tora, les plus grands sages s’emplissent de modestie, tant ils se sentent en présence d’une richesse infinie qui les dépasse. Voilà donc pourquoi il importe de connaître l’hébreu ou de l’étudier (les cours prodigués par nos centres communautaires sont à cet égard excellents). D’une part, l’hébreu fournit l’indispensable clé d’accès au savoir hébraïque, d’autre part, il contribue à préserver l’harmonie et la convivialité entre tous les Juifs du monde, et établit en particulier un pont entre les Juifs d’Israël et ceux de la diaspora. L’hébreu fait ainsi partie de l’identité du peuple juif et de son destin, en constante mutation. Lors des récentes Rencontres du judaïsme libéral francophone à Toulouse, le rabbin Cipriani soulignait à ce propos que, dans la constante recherche d’une synthèse entre tradition et modernité, il importait de conserver certaines références culturelles fortes afin de maintenir la cohésion du peuple juif, d’éviter que son identité ne se dissolve. Et de ces références culturelles fortes, l’hébreu constitue précisément l’exemple le plus …parlant. ■ 19 le shofar De Varsovie à Bruxelles Rencontre avec Henri Lindner par Luc Bourgeois « Grattez un Juif et le religieux apparaîtra. » Le curé de la paroisse du Curé d’Ars, Forest Le chabbat matin, au moment de la deracha, quand Henri prend la parole, le silence se fait pour l’écouter : enfants et adultes, tous se taisent. Et à la fin, chacun s’en va, émerveillé de ce qu’il a entendu, de ce qu’il a appris. Mais ce savoir, cette sagesse, Henri les a bâtis au fil des ans ; son identité juive il l’a façonnée et renforcée au cours du temps et des lectures. Un après midi d’été, Henri et Adèle m’ont reçu pour retracer ce chemin qui ne s’arrête jamais. Merci à eux pour leur accueil chaleureux et leur ouverture généreuse. Henri a vu le jour en 1920 à Varsovie. Son père était un hassid de Radzyn, ceux qui portaient le fil bleu dans leurs tzitzit, vêtu et observant comme un hassid. À partir d’une certaine période, il a abandonné l’allure extérieure des hassidim mais est resté observant des mitzvot. La maman d’Henri était originaire de Lodz. Elle avait étudié au lycée pour jeunes filles juives de Lodz et avait fort intégré la culture polonaise. Henri avait également une sœur cadette. La mère d’Henri influençait très fort l’atmosphère du foyer imprégné de culture polonaise, sans renier pour autant la judéité de la famille. À l’occasion de sa bar mitzva, Henri a reçu de sa mère les œuvres complètes d’un grand poète polonais. Aux seize ans de son fils, le père d’Henri lui fit prendre des leçons hebdomadaires de Tora et de Michna par le rabbin/hazan de leur communauté : « un homme qui savait rendre la prière vivante ». A l’époque, la famille était abonnée à un journal juif écrit en polonais et qui faisait paraître un supplément hebdomadaire pour les jeunes. Les articles de ce supplément étaient essentiellement écrits par les jeunes eux-mêmes et Henri y a apporté quelques fois sa contribution. Dans ce foyer juif de Pologne, l’identité juive était très présente, le chabbat, les fêtes et la cacherout y étaient observés, mais sans piétisme ou observance extrême. Suivant le souhait de son père qu’il apprenne la médecine, Henri a fréquenté le meilleur lycée, juif, de Pologne, où étaient appliquées des méthodes pédagogiques nouvelles. Mais, à l’examen d’entrée à l’université, Henri échoua dans l’épreuve qui consistait à rendre de mémoire de longs passages en latin : avec le recul on peut se demander ce qu’Ovide pouvait apporter à de futurs médecins. La solution fut alors d’envoyer Henri étudier à l’étranger, plus précisément en Angleterre. Mais là, l’examen d’entrée devait avoir lieu le 10 Septembre 1939, le jour où l’Allemagne envahit la Pologne, et l’examen fut annulé. Commence alors une suite de petits boulots pour survivre avant de rejoindre une compagnie de commandos formée de volontaires polonais installés en Angleterre : the 10th Interallied Company. Cette compagnie existait à côté de cinq autres compagnies de soldats de nationalités diverses. L’entraînement très dur des commandos passe par l’Ecosse et finalement la compagnie est envoyée en 21 le shofar Algérie pour des missions « simples » et rejoint enfin les troupes alliées qui libèrent progressivement l’Italie en partant du Sud. Les missions deviennent de plus en plus dures et périlleuses. Henri perd plusieurs de ses compagnons d’armes et fait face à l’horreur de la guerre. Durant cette période, ses contacts avec les Polonais chrétiens sont très bons et diffèrent des préjugés courants. Les combats prenant fin, Henri est promu responsable logistique pour sa compagnie qui est entretemps devenu un bataillon. Démobilisé, après de nombreuses péripéties, il se retrouve d’abord à Anvers et enfin à Bruxelles. Sa passion pour la lecture ne l’a pas quitté et elle lui donne la chance de rencontrer une jeune fille, Adèle, avec qui il fonde une famille et qui partage sa vie depuis. À cette époque, Henri ne se sent pas religieux et ses sympathies politiques vont vers la gauche. Il prend des cours du soir d’électricité et fait carrière dans une société d’automation. Il est un jour envoyé en mission aux EtatsUnis, et, un soir d’insomnie, il lit la bible mise à la disposition des clients de l’hôtel : c’est la fascination, la re-découverte du texte appris dans son enfance. Âgé de plus de cinquante ans, Henri désire reprendre la lecture de la Tora en hébreu et s’inscrit aux cours d’hébreu de l’Institut Martin Buber. La lecture devient enrichissante, elle dépasse l’impression stérile des lectures du temps de l’école. Henri se lie également avec Arié Goldberg, z’’l, à l’époque directeur du Service Social Juif. Et celui-ci lui propose un jour de venir écouter le rabbin Dahan qui donne des conférences en semaine. Et Henri devient assidu aux conférences de rabbi Dahan et une amitié très forte naît entre les deux hommes. Quand Henri dit à rabbi Dahan ne pas être croyant, celui-ci lui répond : « Si tous les non-croyants pouvaient être comme toi, ce serait une bonne chose. » Et vient enfin chez Henri la découverte du divin, de Dieu. Être croyant, c’est pour lui être convaincu que le monde dans sa totalité ne peut s’expliquer que par l’existence de Dieu. Un Dieu qu’on ne peut pas connaître, pas comprendre, mais qui est la cause de l’existence du monde et qui donne à l’homme la liberté du choix. Sans faire de théorie, Henri personnalise cette liberté de penser et de chercher si chère à notre judaïsme libéral. La religion et l’observance des mitzvot sont pour lui un choix, mais un choix qui n’enlève en rien le respect qu’il porte à celles et ceux qui pensent ou agissent autrement que lui. Sa venue à Beth Hillel, et aux positions que Beth Hillel défend, est en grande partie l’œuvre de Rabbi Dahan - et Henri lui en sera toujours reconnaissant - et aussi un peu le fruit du hasard. Mais, comme il aime citer Einstein, « le hasard c’est le déguisement que prend Dieu pour se promener incognito ». Merci Henri pour ta chaleur, ton amitié, ton savoir, ta sagesse, ta présence, ton regard toujours neuf et indulgent. Merci Adèle pour être présente aux côtés d’Henri, pour nous forcer, Henri inclus, à nous remettre en question, à refuser les dictats et les idées toutes faites et trop faciles. Ad méa veesrim à tous les deux. ■ 23 Importation de vins fins de France Jackie et Maurice Vandiepenbeeck-Horn Rue de Jérusalem, 40 – 1030 Bruxelles tél. 02 215 37 75 – [email protected] – www.benevins.com le shofar Mijn jodendom par Pieter Van Cauwenberge D a n s cet a r t icle, P iet er Va n Cauwenberge nous décrit son parcours depuis une enfance où la religion occupait peu de place jusqu’à la découverte toujours renouvelée, il y a bientôt 40 ans du judaïsme. Des années de lecture, d’études, de rencontres, de discussions, jusqu’à la décision d’entrer dans le peuple d’Israël. À Beth Hillel Pieter a trouvé une communauté qui l’a accueilli, qui lui a permis de progresser, de s’exprimer et de partager. Pour ceux qui le connaissent, Pieter a des côtés très religieux et est très observant, mais, par ailleurs, Beth Hillel lui permet, ou le force, à se remettre constamment en question, à ne pas tomber dans les travers du piétisme, à entendre, écouter et discuter des interprétations de notre tradition qui sont ancrées dans notre temps présent, dans notre actualité, dans notre société qui change de plus en plus vite. Pour Beth Hillel, Pieter apporte un immense savoir, il est un puits profond de connaissances qu’il aime partager et qui nous remettent tous en question et en questionnement. Merci Pieter pour ton engagement et tout ce que tu partages avec Beth Hillel. Mijn Jodendom In de zomer van het jaar 1977 ging ik met enkele vrienden en vriendinnen naar Israël. Wij trokken er rond ‘van Dan tot Bersheba’ en genoten volop van onze jeugd en van al het moois dat het land te bieden had. Was iedereen na afloop het erover eens dat we een mooie vakantie hadden, voor mij betekende dit ook het begin van een spirituele reis. Ik was ‘verliefd’ geworden op het land en op zijn inwoners en zou er naderhand nog twaalf keer teruggaan; Israël was mijn tweede vaderland geworden (of moet ik zeggen ’mijn eerste’?). Uiteraard las ik alles wat ook maar iets te maken had met Israël: eerst wat romans, en daarna de meer serieuze literatuur, en uiteraard ook de Bijbel. Zo heb ik nog altijd een Hebreeuws - Engelse uitgave van de Tora, gekocht in Tel Aviv. Als romans herinner ik me vooral ‘The Source’ van James Michener, en Exodus van Leon Uris, die allebei een grote indruk op mij maakten. Na wat onbevredigende gesprekken en omzwervingen binnen het Christendom, kwam ik tenslotte zo’n 25 jaar geleden in contact met de Joodse gemeenschap van Gent. Het was een kleine gemeenschap met vooral (in mijn ogen) wat oudere mensen, die elk jaar trouw de Joodse feesten Rosh Hashanah, Yom Kippoer, Pèsach, … vierden, en waarbij ik ook vriendelijk werd uitgenodigd. Een meerwaarde was ook dat er een ‘Chug Ivri’ (Joodse kring) bij hoorde, die elke donderdagavond samenkwam om Hebreeuws te leren, een gelegenheid die ik uiteraard met beide handen aannam. Anderzijds was de kring in Gent dan weer te klein om wekelijkse shabbatdiensten te houden. Ik miste als het ware het ritmisch beleven van de Tora, met zijn steeds weerkerende lectuur, studie en discussie . Ik had het gevoel dat ik niet verder kwam in mijn honger en in mijn ‘Joods voelen’. De 25 I D EN T I T É(S) J U I V E(S) gemeenschap in Gent was in naam Orthodox georganiseerd, maar bevreemdend voor mij was dat vele leden van de gemeenschap slechts een erg losse band onderhielden met hun Joods zijn. Eigenlijk waren zij nagenoeg een heel jaar onzichtbaar, om plots weer op te duiken met Yom Kippoer. Het is een fenomeen dat ik later meermaals heb vastgesteld (bij alle Joodse denominaties trouwens), … een Yom Kippoerjodendom als het ware. 26 Dank zij een vriendin kwam ik zo’n achttal jaar terug in contact met de liberaal-Joodse gemeenschap van Beth Hillel in Brussel. Ik maakte er kennis met Joden die mij verwelkomden in hun midden, en belangrijk … ook shabbatdiensten hielden. Zo kreeg ik eindelijk hetgeen ik zocht … het wekelijks (of moet ik zeggen ‘dagelijks’) beleven van de Tora. Van toen af kwam alles in een stroomversnelling. Synagogebezoek werd een vast patroon in mijn leven, en gedurende een tweetal jaar studeerde ik intensief met de rabbijnen Dahan en Chinsky. Ik kreeg Joodse vrienden, ik deelde vreugde en leed van de gemeenschap, ging meermaals naar Israël terug, leerde en beleefde de mitsvot, en een zestal jaar geleden volgden Beth Din en miqvé (brith mila was reeds enkele jaren tevoren gebeurd). Dit is het verhaal van mijn gioer, een verhaal dat eigenlijk nog altijd voortduurt, het verhaal van een jeugdige verliefdheid uitgegroeid tot een volwassen liefde. Ik ben dus Joods geworden, en mijn thuisgemeenschap is de liberale gemeenschap van Beth Hillel in Brussel. Eigenlijk was de hoofdzaak voor mij ‘het Joods worden’, en hierbij was de liberale of Reform richting, die ik gekozen heb ondergeschikt hieraan. Zo heb ik Joodse vrienden die zich Orthodox weten, of tot de Conservatives behoren en in Israël loop ik even gemakkelijk een orthodoxe of een massorti synagoge binnen, en bid ik mee in hun Siddurim. Eigenlijk heb ik de indruk dat aan de basis de onderlinge afstand tussen de drie hoofdrichtingen van het Judaïsme minder groot is dan men het wil voorstellen. Vroeger ingenomen standpunten, machtsstructuren en instellingen houden de verschillen levendig, maar vriendschappen en familiebanden lopen dikwijls dwars door die verschillen heen . Binnen elke denominatie, of die nu ultraorthodox is of extreem liberaal, … het zich verdiepen in alle aspecten van het Jodendom, het ‘lernen’ staat overal in hoog aanzien. Waarom dus liberaal Joods? Het is moeilijk om daar een eenduidig antwoord op te geven, maar als chemicus heb Ik in mijn jeugd een wetenschappelijke opleiding gekregen, en ergens blijft dit kritisch denken en zoeken naar rationaliteit toch iets dat men levenslang met zich meedraagt. Maar anderzijds is bij mij ook die drang naar het spirituele aanwezig, en dus veronderstel ik dat ik altijd zal moeten zoeken naar het delicate evenwicht tussen beide, nu eens overhellend in de ene richting, en dan weer in de andere. Mijn liberaal Jodendom sluit het best bij die evenwichtsoefening aan. In de voorbije jaren heb ik dan ook veel gelezen en me meer en meer aangetrokken gevoeld tot de Anglo-Amerikaanse versie zoals beschreven door Claude Montefiori, Samuel Freehof, Gunther Plaut, Samuel Cohon, en zo vele anderen … Overigens is mijn engagement tot het liberaal Jodendom niet absoluut. Op mijn boekenplank staat, binnen handbereik, de Orthodoxe commentaar op de Tora door Rabbi J.H. Hertz broederlijk naast de liberale ‘Modern Commentary of the Tora’ van Gunther Plaut, en worden ze door mij evenveel geconsulteerd. Verder ben ik van mening dat er omzichtig moet omgesprongen worden met veranderingen in de traditie en meer bepaald in het Joodse gebedenboek, de Siddur. Dat hierbij accenten worden verschoven, tot daar … Zo heb ik geen probleem met het verdwijnen van een bracha ‘shelo asani ishah’, maar waarom wijzigingen le shofar aanbrengen in gebeden, die reeds de eeuwen hebben overleefd, om tot teksten te komen die minder ‘to the point’ zijn, en dikwijls ook minder melodieus overkomen? Pijnlijk vind ik ook dat liberalisme meermaals wordt geassocieerd met seculier denken (dit is het in wezen absoluut niet!), terwijl in Israël Reformjodendom wordt gerekend tot de linkerzijde van het politieke spectrum. Dit laatste sluit niet aan bij mijn overtuiging. Uiteraard ben ik ook voorstander van vrede (welk zinnig mens is dat niet?), maar als zionist zie ik geen heil in een onvoorwaardelijk overlaten van Judea en Samaria ter stichting van een Palestijnse staat. Zonder het bijbelse argument hiervoor te willen citeren (wat me dan automatisch in het kamp van de fundamentalisten zou plaatsen), vind ik dat er lessen moeten getrokken worden uit de terugtrekking uit Gaza en Sinai. Dit heeft Israël geen vrede gebracht, maar werd door de Arabieren gewoon gezien als een nieuwe fase in de eliminatie van Israël. Zolang er dan ook geen beduidende mentaliteitswijziging komt in de Arabische wereld, dient Israël m.i. dan ook geen stappen te doen in prijsgeven van Judea en Samaria. Tenslotte nog dit: bij mijn gioer heb ik de Hebreeuwse naam Jehudah aangenomen. Uiteraard is die naam verwant met Jehudi of Jood. Beide komen van de Hebreeuwse stam ydh, of in de infinitief l’hodot, wat danken betekent. Het is dan ook voornamelijk een gevoel van dankbaarheid, dat bij mij overheerst op het einde van mijn zoektocht. ■ 27 I D EN T I T É(S) J U I V E(S) Si je t’oublie, Ô Jérusalem, par Lucien Luck 28 C’est en 1979 que je vis pour la première fois être débattu. Je n’entrevoyais pas encore que Geneviève Lunders, ma compagne bien aimée c’était mon propre destin qui allait faire un qui m’a quitté il y a peu pour rejoindre l’éter- tour de 180 degrés. J’allais être fixé sous peu. nité. Elle travaillait à l’époque à l’hôtel Hilton Et voilà comment cela se produisit. La de Bruxelles. J’y étais allé pour participer à porte de la salle s’ouvrit soudainement et l’organisation d’une réunion internationale Geneviève apparut, portant une tasse de thé de dirigeants d’une multinationale améri- avec une douceur. Elle se dirigea vers moi et caine. Geneviève était secrétaire des ban- me les offrit avec un sourire que je n’oublierai quets. Je me rendis à son bureau pour discu- jamais. J’étais conquis, je fondis littéralement et ne sus comment formuler ter de certains arrangements. ma joie. Elle me regardait de ses yeux malicieux et rieurs. Ses traits Il suffit d’une tasse suffit d’une tasse de thé pour reflétaient sa bonté et le souci de thé pour nouer Ilnouer deux destins. d’être serviable. J’aperçus deux destins autour de son cou un collier Les vibrations mêmes d’un auquel pendait un bijou figupapillon peuvent changer le rant des lettres hébraïques entrelacées. Je lui en demandai la signifi- monde. Ce qui s’ensuivit ne nécessite pas un cation. Sans broncher elle me répondit qu’il long discours. C’est par le biais de Geneviève s’agissait d’un psaume dont elle me récita en que j’appris à connaître Beth Hillel et son rabhébreu les premiers vers : « Si je t’oublie, ô bin, Albert Dahan. Ce dernier, me voyant un Jérusalem … » J’en fus ravi et touché. Elle jour aux côtés de Geneviève, me demanda s’était convertie au judaïsme m’apprit-elle tout de go « T’es Juif, toi ? » Voilà une question bien plus tard, tout en me racontant les péri- bien rabbinique ! Le reliquat de ma famille qui péties de cette démarche qui n’était pas une a survécu à la Shoah, à Anvers dont je suis un natif, crut bon de ne plus fêter la Pâque mince affaire. Mais, au moment même, j’étais ébloui et rem- juive et, en général, de participer aux rituels pli de tendresse pour cette petite femme qui et offices juifs. L’horreur de la guerre avait rayonnait d’énergie et me dévisageait avec cassé les âmes et semé le doute dans les un rire contagieux. Je me sentais tout à coup cœurs. Comment concilier une telle barbarie comme chez moi, auprès d’un être qui était avec l’exercice de la religion ? La tristesse et proche et me caressait du regard. Et dire le chagrin détruisent tout sur leur passage. que tout cela m’arrivait grâce à un boulot Ne dit-on pas que D.ieu n’est pas avec celui dont je me promettais plus d’ennuis que de qui est triste ? Ou que toutes les maladies n’ont qu’une origine : la tristesse. Ma judéité satisfactions. est toutefois demeurée ferme. D’ailleurs, Je pris congé de cette aimable secrétaire lorsqu’elle faiblissait sporadiquement, elle et me dirigeai vers la salle de réunion où le se raffermissait grâce à l’hostilité sournoise destin d’une grande société américaine allait et ambiante. le shofar Mais Geneviève m’a fait connaître une com- de pire douleur que de se rappeler les temps munauté où elle se sentait heureuse et pleine heureux quand on est dans la misère. » d’entrain. Elle y évoluait comme poisson dans l’eau et s’y était créé de nombreux amis qui Beth Hillel demeurera pour moi le haut-lieu étaient aussi devenus les miens. Rien qu’à voir de l’amour que j’ai éprouvé pour Geneviève, son bonheur à Beth Hillel, son dévouement et la maison qui m’a hébergé et qui a fortifié son rire omniprésent m’a transfiguré et fait notre lien. saisir que dans la vie il y a des valeurs hors prix et inquantifiables. Beth Hillel était son À présent, je vais assez régulièrement à Beth refuge, sa maison, sa consolation qui adou- Hillel, car j’y sens la présence lancinante cissaient une vie pleine de labeur et de soucis. de l’être que j’ai le plus aimé au monde. Par Beth Hillel était le cocon où s’élaborait sa joie la prière je transcende la mort, je me rapde vivre. J’en suis reconnaissant à cette mai- proche de ce qui n’est plus et je marche dans son, car, s’il y a quelqu’un qui a mérité un peu le sentier qui libère l’âme. Car il est dur de de bonheur, c’est bien ma tendre Geneviève. vivre dans un monde qui s’est brusquement désertifié. Quand le tourment C’est grâce à elle que j’ai pu devient insoutenable, il n’y a apprécier Beth Hillel où elle L’horreur de la que l’échappée métaphysique déployait son ardeur et sa vivacité. Elle a longtemps travaillé guerre avait cassé de la prière qui permet d’exaux côtés de Gini au secrétaprimer l’indicible. C’est aussi les âmes et semé le seul lien qui nous unit à riat. Celle-ci l’estimait énorméle doute dans les ceux qui ne sont plus. Il n’y a ment et lui vouait une sympaaucun portable qui permet de thie indéfectible. Tout cela me cœurs franchir l’infini que constitue rappelle des souvenirs et des l’absence créée par la mort. moments de bonheur que l’on n’a pas toujours appréciés à leur juste valeur Pour gravir les échelons arides de la résiau moment même. Mais la nature humaine est gnation, il n’y a que la mélopée du cœur ainsi faite qu’elle ne perçoit que trop tard ce adressée à l’absence. qui est essentiel dans l’existence. Pour conclure, je ne puis que clamer ma peine J’étais un célibataire endurci lorsque mon mais aussi ma joie d’avoir accompagné un cœur fut cueilli par celle qui allait être mon être qui a été la lumière de ma vie. Cette ange gardien. Le produit surgelé que j’étais à lumière qui a aussi éclairé Beth Hillel qui l’époque ne se laissait pas facilement dégeler et a tant bénéficié de son dévouement, de son je demande humblement pardon à ma tendre amour désintéressé et de sa chaleur humaine. amie d’avoir présenté des rugosités qui l’ont J’ai vécu la souffrance du déclin physique de déconcertée. Mon cœur se fend rien qu’à l’idée Geneviève, de sa lutte pour la survie, durant d’avoir causé des peines inutiles. C’est grâce laquelle elle a fait preuve d’un courage inéà elle que j’ai découvert Israël pour lequel branlable, qu’elle a d’ailleurs manifesté toute elle manifestait une ferveur admirable. Nous sa vie. l’avons visité au moins 35 fois et Geneviève m’y a fait connaître des amis très chers qu’elle Que son dernier repos lui soit doux et puisse s’y était faits. Quel que soit son parcours, elle le destin m’unir à nouveau à elle quand le y parsemait des amitiés durables. Et dire que temps sera venu. la mort m’a arraché le complément essentiel de ma vie. Comme l’écrivait Dante : « il n’y a Sans Geneviève je n’aurais été rien. ■ 29 AG EN DA S EP T EM B R E- O CTO B R E 2013 SEPTEMBRE 2013 30 Mercredi 04/09/2013 19h00 Office Erev Roch haChana Jeudi 05/09/2013 10h001er Tichri 5774 – Roch haChana Roch haChana (voir calendrier Tichri p.58) Vendredi 06/09/2013 10h00 Office Chaharit Roch haChana II 19h00 Kabbalat Chabbat Samedi07/09/2013 10h30 3 Tichri- Chabbat Chuva - Paracha Haazinou Dimanche 08/09/2013 10h30 Pèlerinage à Gan Hashalom 14h00 Ecole de Dialogue (infos au secrétariat) Mercredi 11/09/2013 14h00 Talmidi: Inscriptions au Talmud Tora (voir p.46) Vendredi 13/09/2013 19h30 Kol Nidré (Erev Yom Kippour) 19h45 Début du jeûne Samedi14/09/2013 10h00 Yom Kippour (voir calendrier Tichri p.58) Mardi17/09/2013 14h00Assemblée Générale extraordinaire de Gan Hashalom Mercredi 18/09/2013 14h00 Talmidi: Rentrée des classes 17h00 Construction Soukka, activités festives 18h30 Office d'Erev Soukkot Jeudi 19/09/2013 Fête de Soukkot Vendredi 20/09/2013 19h00 Kabbalat Chabbat Samedi 21/09/2013 10h30 17 Tichri – Soukkot – Chabbat Hol Hamoëd 13h00 Kené Lekha Haver – Cercle d'étude (voir encadré p.14) Mardi 24/09/2013 15h00 Café Klatsch (voir encadré p.15) Mercredi 25/09/2013 17h00 Atelier Danses de Simhat Tora (avec Shimon) 18h00 Office erev Chemini Atseret – Simhat Tora Jeudi 26/09/2013 Chemini Atseret – Simhat Tora Vendredi 27/09/2013 09h00 Bar Mitzva David Zylberberg: Mise des tefilines 19h00 Kabbalat Chabbat Samedi 28/09/2013 10h3024 Tichri – Berechit Bar Mitzva David Zylberberg, kiddouch au foyer Dimanche 29/09/2013 10h30 Krav Maga – début des cours (voir encadré p.20) OCTOBRE 2013 Vendredi 04/10/2013 18h30 LeDor vaDor: Office de chabbat familial Samedi05/10/2013 10h30Roch Hodech Hechvan 1er Hechvan - Noach Vendredi 11/10/2013 19h00 Kabbalat Chabbat Samedi 12/10/2013 10h308 Hechvan – Lekh Lekha Mardi 15/10/2013 15h00 Café Klatsch Jeudi 17/10/203 19h00 Krav Maga (attention: pas cours le dimanche 20/10) Vendredi 18/10/2013 19h00 Kabbalat Chabbat 20h00 Repas chabbatique communautaire T I C H R I - H EC H VA N 5774 Samedi19/10/2013 10h3015 Hechvan – Vayéra 13h00 Kené Lekha Haver – Cercle d'étude Vendredi 25/10/2013 19h00 Kabbalat Chabbat Samedi26/10/2013 10h3022 Hechvan – Hayé Sara COURS ET ACTIVITES Informations et inscriptions au 02.332.25.28 - E-mail: [email protected] Judaïsme, Pensée et Pratique Cours d'initiation au Judaïsme Rabbi Marc Neiger Les lundis de 19h00 à 21h30 SAUF 16 septembre. Les mardis de 09h30 à 12h00 SAUF 3, 10, 17 septembre. Le cours est accessible après inscription seulement. Talmidi – Cours de Talmud Tora Infos: Josiane Goldschmidt au 0477.23.88.62 Tous les mercredis de 14h00 à 17h00 Inscriptions: Mercredi 11 septembre Rentrée des classes: Mercredi 18 septembre Exploration Midrashique – Cercle d’étude Un samedi tous les deux mois, après l’office (Pas de date programmée au moment de l'impression) Kené Lekha Haver – Cercle d’étude Chaque troisième samedi du mois, après l'office du matin « Etude de la paracha de la semaine » Koltov - Ensemble vocal Infos et inscriptions: Myriam Abraham 0478 59 94 05 Martine Cohen 0477 70 73 23 Horaires communiqués lors de l'inscription. Café Klatsch Réunion conviviale un mardi par mois, de 15h00 à 17h00, pour les seniors, avec un goûter et discussion autour d'un thème proposé par Gaëlle. Bibliothèque Gaëlle Szyffer Tous les lundis de 17h30 à 20h00: accueil et permanence Heures d'ouverture: du lundi au jeudi de 09h30 à 12h30 et de 14h30 à 17h00. Vendredi de 09h30 à 12h30. Rikoudei Am – Cours de danses israéliennes Infos: Shimon Bitton au 0471.60.07.43 Tous les lundis de 20h00 à 22h00 Krav Maga (Instructeur: Eric Roux) Techniques d'auto-défense, cours familial Les dimanches de 10h30 à 12h00, SAUF 20 octobre. Inscriptions au secrétariat. 31 le shofar De la recherche de racine … au chemin … par Pascale Engelmann « Être juif, ce n’est pas avoir une mère juive ou un père juif, c’est avoir des enfants juifs. » Proverbe juif D'aussi loin que je me souvienne, je me suis interrogée sur ce qu’il y avait derrière ce qui ne se voit pas … Il y avait les faits de la vie, les limites de notre regard ou de ce que nous pouvons voir et tout ce que certains nomment le hasard et qui alimentait ma curiosité. Enfant, ayant grandi heureusement à la campagne, j'étais fascinée par les fourmis, par la fougère qui se déploie, par les spirales de la pomme de pin … Je priais lors de moments importants pour trouver la force d’avancer, je priais mais aujourd’hui encore je ne peux dire vers qui je me tournais. Probablement que c'est tout de même là que commence le chemin que je ne savais pas consciemment que j'empruntais. J’ai su assez jeune que nous avions vraisemblablement des origines juives mais il m'a été difficile de renouer des liens : pourquoi ? Comme beaucoup, je pense que la souffrance de nos parents, grands-parents était telle que se crée un rempart autour d'eux qui semble infranchissable. Rempart du refus, du rejet, d’une appartenance … rempart de protection. Reste cependant un état d'esprit, des valeurs, une force de vie incroyable, un certain humour mélangé d’une forme d’autodestruction. Ceci relève sans doute de la psychanalyse mais il est étonnant d'observer que ce lien rompu, pour beaucoup, pour moi en particulier, ne l'est pas « à jamais ». Alors, on peut s’interroger sur ce que cela veut dire « Être juif » … Lorsque j'ai demandé à « Monsieur Neiger », devenu « Marc », puis « Rabbi », « Rav » de suivre ses cours, je partais d'une page complètement blanche : un Univers à explorer et pourtant, 33 I D EN T I T É(S) J U I V E(S) 4 Rabbins faces à nous, Alexandre et moi, comme 4 miroirs, 4 clefs, 4 directions qui nous ont permis de franchir la porte et d'élever notre regard. Accepter ce que cela représente, marcher avec le maximum de conscience, ouvrir son coeur pour pouvoir donner, avec justesse. Pour pouvoir aussi franchir cette porte, il a fallu choisir un nom, un nom comme un mot de passe, comme le marquage d'une identité. S'obliger à choisir c'est aussi accepter l'héritage de ce nom. « Les Juifs ashkénazes ont la coutume de donner à l’enfant le nom d’un parent décédé. Le nom et la mémoire du défunt sont ainsi maintenus vivants et, du point de vue métaphysique, un lien s’établit entre l’âme du bébé et celle du parent disparu. (Noam Elimele’h - Les Nombres) » 34 "Leah" - Monogramme de Frank Lalou, calligraphe son langage semblait connu comme une mélopée dans la tête qu'on ne situe pas vraiment. Cela ne s'explique pas rationnellement puisque mes liens avec la judéité n'ont pas été transmis par l'apprentissage familial. Cela ne s'explique pas mais j'ai cette sensation nette de prendre racine. Dieu, créateur de TOUT, Dieu qui bénit Noé et ses fils, Dieu qui commande, qui juge … c’est difficile de dire ces phrases mais j'ai besoin d'un rituel qui rassemble et qui déconnecte de la vie profane et je me doute que tous ces textes sont des pistes à parcourir, des chemins à découvrir, voire même à décoder. Et puis, 7 juin 2013, Toulouse, moment magique dans cette ville baignée de soleil, Le seul nom qui me revenait et était prononcé par ma mère comme une litanie, c'était « tante Léo ». Ma mère était fille unique et je n'ai jamais rencontré (ou je ne m'en souviens pas) cette « fameuse tante ». Ce que je sais c'est que chaque fois qu'il était prononcé, c'était pour évoquer quelque chose de bon, de beau, qui avait de la valeur, personnage auquel j'aurais voulu ressembler, personnage utopique … Ce qui semblait le plus proche à mes yeux était donc Leah et j'apprends lors de ce Beth Din que Léo est en Yiddish … Leah … Après avoir recherché dans les textes l'origine et le(s) sens, voici ce que j'en garde : Le Midrach explique l’attitude de Leah, sans toutefois la justifier : Il [Jacob] lui dit [Leah] : «tu es une menteuse et la fille d’un menteur! Je t’ai appelée Rachel et toi tu m’as répondu!». «Y-a-t-il un enseignant sans élèves?» rétorqua-t-elle. «Ton père ne t’a-t-il pas appelé Esaü et tu lui as répondu! Alors moi aussi tu m’as le shofar appelée et je t’ai répondu!» (Midrash Rabba - Béréshit 70:19) moi que pour en assumer l’héritage il était nécessaire d'y trouver un sens. Leah répond en disant que son comportement n’était guère différent de celui de Jacob. Sur le plan moral, ils sont faits pour s’entendre, chacun coupable de tromperie à un moment critique de sa vie. Cependant, cette réponse n’est pas satisfaisante. Peut-être était-ce l’excuse de Leah, mais la question demeure : pourquoi Jacob souhaitait-il rester avec elle? Sans vouloir « déresponsabiliser » Leah, ce n'est pas elle qui a l'idée de « tromper » mais Laban, son père. Et la beauté de Rachel n'estelle pas aussi une sorte de tromperie ? Celle de l'apparence qui séduit ? Ésaü était destiné à épouser Leah, tandis que Rachel était destinée à épouser Jacob. En trompant son père, Jacob devient Ésaü et doit accomplir le rôle spirituel d’Ésaü. Une partie de ce rôle est l’union avec Leah. Leah explique à Jacob que leur mariage est la conséquence directe de ses propres actions et fait finalement partie des instructions de Rébecca et du Plan Divin. Rav Shlomo Elyashiv, dans son oeuvre mystique «Leshem», relate que Rachel et Leah ne représentent en réalité qu’une seule âme. Tout ce qui concernait Leah est gardé sous un voile, car elle caractérisait le monde supérieur, qui est voilé et non révélé (alors que Rachel caractérisait le monde inférieur, qui lui, est dévoilé). (Zohar, Béréshit, Section 1, Page 158a) En analysant ma vie, je m'aperçois qu'à chaque fois, ce qui au premier abord semblait être de la malchance devenait une réelle opportunité (comme ce Beth Din à Toulouse !). Il me semble que quand tout nous est offert (la beauté de Rachel et son chemin tracé) il est beaucoup plus difficile de trouver une motivation pour se dépasser, se donner un but à atteindre. Le fait que le sens premier, la « petite histoire » de Leah nous est donné en introduisant la tromperie, le mensonge, cela était suffisamment inacceptable pour 1 ndlr: Leah est de très grande de taille. Ce qui pouvait paraître difficile (se marier avec Esaü, ses larmes qui abîment ses yeux) devient finalement une chance : chance de partager une responsabilité avec sa soeur, chance de montrer sa générosité en permettant à Rachel d'enfanter, chance d'être deux (comme les étudiants partageant leur recherche à deux), la chance de pouvoir montrer à Jacob son propre miroir (lui permettre donc de tenir compte dans son parcours de « corriger » cette attitude, raison peut-être pour laquelle il ne se sépare pas de Leah ?). Etre cette femme qui représente la part du monde à découvrir, profond ou plus élevé que ce qui est directement donné et visible j'espère pouvoir un jour en être un petit reflet. Voilà donc pour le choix. Je pourrais aussi parler du mikve, qui ce jour était une piscine à 16° (brrr) mais en plein soleil, et de la sensation d'en ressortir « neuve », propre, glacée « petite » (mais si, mais si !!!1), ou encore du partage de ces rencontres européennes du judaïsme libéral francophone : entendre Alexandre Adler, Maurice-Ruben Hayoun, les Rabbins, les réflexions, les questionnements, des moments de joies, des moments sérieux, des moments motivants, un chabbat étonnant …, des moments de fatigue aussi, mais tellement porteurs ! Une communauté est faite de chacun et nous faisions partie de la représentation du judaïsme libéral de Belgique, de Beth Hillel … je me suis sentie chez moi, membre de Beth Hillel, j’ai l’impression d’avoir remis une case d'un puzzle à sa place. 35 I D EN T I T É(S) J U I V E(S) Je ne comprends toujours pas l'hébreu ; cependant lorsque je chante, lorsque je parviens à réciter certaines bénédictions, j'ai cette sensation qu'un lien se tisse, que la compréhension se fait, à pas infiniment petits, presque au-delà de moi mais ce qui est certain c'est qu'il y a quelque chose qui a changé en moi … Il est tard, bien sûr … mais « aujourd'hui est le 1er jour du reste de ma vie » … 36 De Pascale à Leah … de la spirale de vie du coquillage au lamed d’un nom choisi, un monde à découvrir, de mémoire enfouie et oubliée à une identité qui me fait grandir, un sens à trouver … de mes racines au chemin … Merci Alexandre, devenu Ezra, de m'avoir incitée à prendre cette direction, merci Rabbi, merci Gaëlle, merci Luc, Gilbert et Yardenah … merci Beth Hillel … ■ le shofar Du Bund à Beth Hillel Rencontre avec Gaëlle Szyffer par Luc Bourgeois « Si tu étudies, fais le dans la joie. » Talmud Shabbat 113 a Qui ne connaît Gaëlle ? A Beth Hillel elle porte tant de projets et d’activités : membre du conseil d’administration, membre du comité religieux, toujours prête pour la hévra kadicha, enseignante d’hébreu pour les adultes débutants, remplaçante occasionnelle du rabbin lors des cours pour adultes, l’une des chevilles ouvrières du Café Klatsch (depuis que Monique Ebstein z"l nous a quittés), créatrice en son temps du Talmud Tora, responsable de la bibliothèque de Beth Hillel, participante active aux sessions de Kené Lekha Haver et Léviathan, membre très active d’un grand nombre d’associations de la mémoire dont, entre autres, Yom Hashoah et la Continuité de l’Union des Anciens Résistants Juis et d’associations interconvictionnelles comme Axcent ou Juifs et Chrétiens en dialogue, … et je passe encore beaucoup de ses activités pour Beth Hillel et pour la communauté juive. L’engagement de Gaëlle pour Beth Hillel a été pour moi un questionnement et j’ai voulu comprendre comment et pourquoi elle était arrivée à Beth Hillel et ce que Beth Hillel lui apporte. Petit retour en arrière. Gaëlle est née dans une famille mixte. Ses parents, tous deux résistants, se sont rencontrés dans le cadre de leurs activités de résistants durant la guerre. Son père est arrivé de Pologne à Anvers en 1925 à l’âge de cinq ans. Jeune homme, il a étudié le soir à l’Université Ouvrière d’Anvers. Durant la seconde guerre mondiale, il est entré dans la résistance juive et a présidé ensuite l’Union des Anciens Résistants Juifs de Belgique 30 ans durant, et a été honoré du titre de « Mensch de l’année ». Pas pratiquant, il a cependant élevé ses filles dans la tradition, la pratique des fêtes, … On retrace dans la lignée de son père de nombreux rabbins et érudits, et, aujourd’hui encore, Gaëlle a plusieurs cousins et cousines qui sont des personnages éminents du monde juif orthodoxe en Israël ou aux Etats-Unis. Gaëlle a passé de nombreuses années à retracer sa généalogie et à découvrir ancêtres et contemporains prestigieux, dont la lignée des Rabbins de Mozicz qui ont composé la plupart des musiques hassidiques encore chantées de nos jours, et le Rav de Kotzk. Par ailleurs, ses recherches lui ont fait découvrir que plus de 80 de ses ascendants ont été assassinés par les nazis. Sa maman, non juive, jamais convertie, a cependant accepté de créer un foyer qui avait tout d’un foyer juif : les habitudes alimentaires, les fêtes, … Elle a également accepté que ses filles rejoignent les mouvements de jeunesse juifs. Résistante, elle aussi, elle s’est rendu compte après la guerre que ses huit frères et sœurs avaient également combattu le nazisme, sans en faire état aux autres pour autant. 37 le shofar Gaëlle a été attirée depuis toujours par le fait religieux. Petite, un personnage surnommé par tout le monde « zaydé » (grand-père en yiddish) l’emmenait régulièrement à la synagogue. Cette attirance pour la religion lui a valu de longues discussions avec sa famille qui, quoiqu’ancrée dans la tradition – la famille célébrait, entre autres une sorte de Pessah laïque dans lequel Pharaon était remplacé par le « patron » –, refusait l’engagement religieux. Et petit à petit, Gaëlle a fait revenir sa famille vers le judaïsme (chabbat, célébration de Pessah ou de Roch haChana). Dans le domaine communautaire, Gaëlle fréquentait les mouvements de jeunesse juifs et a suivi un cours de yiddish. Pour paraphraser Molière : « Ils pratiquaient les mitzvot sans le savoir. » Étudiante, Gaëlle a milité pour la paix au Viet-Nâm et a rejoint le parti communiste car elle y voyait un moyen de rendre le monde meilleur en luttant contre l’injustice sociale. Son point de vue était qu’il fallait changer l’homme avant de changer la société : point de vue qui n’était pas dans la ligne du parti qu’elle a donc quitté. Pour retrouver le sens du spirituel, Gaëlle est ensuite partie un certain temps dans un ashram en Inde. De retour, elle a pris contact avec des juifs orthodoxes qui l’ont rejetée parce que sa mère n’était pas juive. Un prêtre catholique de ses connaissances lui a enfin suggéré de rencontrer Rabbi Dahan. « Tu es juive ! » a affirmé celui-ci d’entré de jeu. Et de fait, à la fois par son identité, ses racines, et son éducation elle est juive. Elle estime que si elle est assez juive, selon les critères appliqués par les nazis, pour être assassinée comme telle, de quel droit une orthodoxie sectaire lui refuserait-elle cette identité. A commencé alors le chemin de l’étude, qui a rapidement débouché sur la création du Talmud Tora de Beth Hillel. Si son identité juive lui colle à la peau, qu’en est-il de son identité juive libérale ? Si le Judaïsme Libéral signifie pour Gaëlle l’égalité entre les hommes et les femmes et l’acceptation, comme l’a fait immédiatement dans son cas Rabbi Dahan, de la patrilinéarité, elle insiste sur la lecture toujours moderne et émerveillée de la Tora, écrite et parlée. Le devoir permanent de justice, d’équité, de solidarité, d’humanisme et d’amélioration constante du monde qu’enseignent nos textes. La compréhension de certains aspects de notre tradition comme la cacherout qui nous force à maîtriser nos pulsions morbides. Le Judaïsme Libéral est aussi le cadre dans lequel elle ressent le mieux la liberté de penser, d’être et d’agir selon ses convictions : l’observance du chabbat, l’observance de la cacherout, l’étude infinie des textes, l’expression de ses opinions, l’évolution inéluctable de notre judaïsme sur les questions de société actuelles, le refus absolu de l’automatisme qui ne pense plus et où les formes ont pris le pas sur le sens. Le judaïsme est chez Gaëlle une passion : une passion et une tradition qu’elle veut transmettre à qui est prêt à écouter, des enfants du Talmud Tora aux seniors du Café Klatsch en passant par les étudiants, sans oublier l’ouverture typique du judaïsme libéral sur le monde non-juif. Et à chaque fois qu’elle transmet, elle reçoit en retour : une anecdote, un commentaire, une ouverture nouvelle. Voilà donc, résumées, des années de vie et un cheminement continuel qui débouchent sans cesse sur l’action pour la communauté juive et pour Beth Hillel. Merci Gaëlle. ■ 39 TA L M U D TO R A H 40 Le Talmud Tora joue les prolongations par Josiane Goldschmidt Habituellement nos cours de Talmud Tora se terminent fin mai. Cette année, Chantal a inauguré 3 séances supplémentaires au mois de juin. En effet, quatre mois d’interruption entre la fin des cours et la reprise, c’est long ! Cette nouvelle formule permet aux enfants de garder le contact avec la synagogue jusqu'au début des vacances. Ces trois séances ont été articulées autour du thème du "Chabbat", avec des panneaux illustrant comment les enfants ont intégré la notion de chabbat et un kit de chabbat contenant tout les objets nécessaires à la célébration du chabbat. Ces séances se sont clôturées par l’invitation aux parents à célébrer chabbat. Ce fut une réussite! ■ le shofar 41 N O S B N É M I T Z VA La Paracha Behar par Jonas Costens 4 mai 2013 Aujourd’hui à l’occasion de ma bar mitzva j’aimerais vous parler de la paracha Behar. Mais avant de vous raconter ce qui s’y passe j’aimerais vous expliquer brièvement ce qu’est une paracha. La Tora est découpée en cinq livres. L’ensemble de ces livres est divisé en 54 parties. C’est ce que nous appelons une paracha. 42 Chaque semaine nous lisons une paracha différente. Dans notre synagogue, comme dans beaucoup d’autres, on découpe cette paracha en 3 parties qui sont lues sur 3 ans. Cette ainsi qu'au jourd'hui je viens de lire devant vous une partie de la paracha Behar-Behoukotaï. Cette semaine le nom est double car comme vous le savez peut-être, le calendrier hébraïque a un mois de plus. Si vous voulez plus d'information, demandez à Rabbi Neiger. Donc, il y a quelques semaines, nous avons célébré Pessah. C’est la fête de notre liberté. Les hébreux sont sortis d’Egypte d’une main puissante. Comme on peut le constater dans le verset 13 chapitre 26 : « Je suis l'Éternel votre Dieu, qui vous ai tirés du pays d'Egypte pour que vous n'y fussiez plus esclaves; et j'ai brisé les barres de votre joug, et je vous ai fait marcher la tête haute... » La liberté que Dieu nous a donnée en nous faisant sortir du pays d’Égypte est aussi liée à la terre. Mais plus encore ce sont les lois que l’Eternel nous a prescrites qui nous aident à être libres. Je trouve que c’est une grande chance pour moi d’être libre dans un pays démocratique. Je mesure la chance que j’ai car depuis quelques temps j’entends aux informations que des jeunes gens un peu partout dans le monde se battent pour avoir cette liberté. Dans d’autres pays, comme par exemple la Chine, un adolescent de mon âge n’est pas libre comme moi. Je trouve cela injuste, car tout le monde a le droit de faire ce qu’il veut. Par exemple moi, je n’ai pas autant de liberté que je le souhaite. Bien que mes parents me laissent pas mal de liberté, pas assez par rapport a ma sœur. Mais bon, je ne vais pas me plaindre car quand elle sort je squatte son lit. Bien plus confortable… J’ai conscience que cette liberté je la dois avant tout au fait que mes parents ont confiance en moi. Comme l’Eternel a offert la liberté aux hébreux car il a confiance en son peuple. Bien sûr il n’y a pas de liberté sans respect. Au début de la paracha, le texte nous dit« Si vous vous conduisez selon mes lois, si vous gardez mes préceptes et les exécutez … », (Lev 26.3) A ce sujet dans notre sidour, page 151, le commentaire dit ceci : « Depuis l’Exode le mot liberté a toujours été prononcé avec une inflexion juive. Et depuis le shofar le Sinaï, les juifs ont associé à la liberté la notion de responsabilité. » Dans notre tradition la liberté est aussi associée au don de la loi. Accepter la Tora c’est accepter la justice qui y est enseignée. Comme le dit le texte suivant : De toute façon, je n’ai pas intérêt….. N’est-ce pas maman ? N’est-ce pas papa ? « Les tables étaient l’œuvre de Dieu et l’écriture était l’écriture de Dieu gravée sur les tables. Ne lis pas « harout /gravée », ma is « hérout / liberté ». Et seuls sont vér it able ment libres ceux qui étudient et acceptent la loi de Dieu. Seuls ceux dont Dieu est la référence ultime sont libres. » Ma bar mitzva est à quelques jours de Chavouot. Comme les hébreux ont fait le chemin de Pessah a Chavouot, le chemin de l'esclavage vers la liber té, je va is faire aussi mon propre chem i n de l'enfance vers l'âge adulte. Ce que j’aimerais vous dire avec ces deux textes c’est que la justice est une des valeurs impor ta ntes de notre tradition. En ce jour de ma ba r mitz va où j’accepte les commandements comme les miens, je me rends compte qu’ils sont la base d’une vie et d’une civilisation juste. A 14 ans, il m’arrive bien sûr de me moquer ou de rire de certaines situations, il m’arrive aussi de ne pas écouter ou de lever les yeux au ciel quand mes parents me parlent ou me crient dessus. Mais je fais toujours attention à ne jamais leurs manquer de respect. Le respect est une des formes de justice que je peux le plus facilement appliquer à mon âge. C'e s t a ccom p a g né de mes parents, de ma famille et aussi de vous tous ici présents, que je vais vers la l i b er t é, e n f i n , semi liberté. Ces commandements qui sont le guide de notre peuple, j'espère qu'ils me serviront à construire ma vie d'adulte. Quand j'ai pris connaissance de la paracha, comme dirait mon grand père « Ouille, Ouille.... Hoch èrme( je ne vais jamais m'en sortir ) ».A force de travail, avec la patience de mes parents et les corrections de Rabbi Neiger j'y ai pris beaucoup de plaisir. J'espère que vous aurez apprécié et que vous aurez pris plaisir à m'écouter. ■ 43 Création d'identités visuelles, de sites internet et de brochures. +32 2 663 85 85 www.inextremis.be le shofar La Paracha Pinhas par Jean Marc Peruch 29 juin 2013 La Paracha Pinhas se trouve dans le livre Bamidbar – traduit en général par Livre des Nombres, mais qui veut dire « dans le désert ». Communément, ce qui justifie la traduction en livre des nombres est le fait que dans ce livre, il y a le recensement des enfants d’Israël, ainsi qu’une liste détaillée des offrandes. Dans la Paracha de Pinhas nous sommes dans la 40ème année de la traversée du désert, et c’est la période qui correspond à la préparation de la rentrée en terre d’Israël. Aujourd’hui, j’aimerais vous parler de 2 sujets – de Pinhas. Au chapitre 29, verset 6 à 11, il est écrit ceci : “Et au dixième jour de ce septième mois, il y aura pour vous convocation sainte: vous mortifierez vos personnes, vous vous abstiendrez de tout travail. Et vous offrirez en holocauste à l'Éternel, comme odeur délectable, un jeune taureau, un bélier, sept agneaux d'un an que vous choisirez sans défaut. Leur oblation: de la fleur de farine pétrie à l'huile, trois dixièmes pour le taureau, deux dixièmes pour le bélier unique, un dixième respectivement pour chacun des sept agneaux. Un bouc, comme expiatoire: sans compter l'expiatoire du jour d'expiation, l'holocauste perpétuel, son oblation et leurs libations.” C’est donc le sujet de Yom Kippour et des jeûnes dont j’aimerais vous parler en premier. Il y a 7 jours de jeûnes dans le calendrier juif. Celui de Yom Kippour ou Grand Pardon, se caractérise par sa durée et son but. Au verset 7 il est écrit ceci : « Et au dixième jour de ce septième mois, il y aura pour vous convocation sainte: vous mortifierez vos personnes ». Dans notre tradition, se « mortifier » l’âme signifie s’abstenir; jeûner. Le jeune de Kippour démarre au coucher du soleil, et dure 25 heures pendant lesquelles on ne mange pas et on ne boit pas. Et certains vont même jusqu’à s’interdire de prononcer d’autres mots que ceux des prières. Kippour suit de dix jours la fête de Roch haChana, le nouvel an juif. Ces deux fêtes ne sont pas rattachées à des évènements historiques. Ce sont des fêtes purement religieuses qui célèbrent le rôle de Dieu et on y met en exergue les notions de Moralité, d’Auto Examen, de Spiritualité et de Sainteté. Pendant cette période, que l’on appelle dix jours de pénitence, toutes les actions de l’année passée sont évaluées par Dieu, et le jugement doit être rendu à Yom Kippour. La journée de Kippour, consacrée à la prière, au jeûne et au repentir, est considérée comme le Chabbat des Chabbat. C’est une journée de recueillement, dans la crainte et l’espérance du pardon. Yom Kippour permet à l’homme d’expier ses pêchés contre Dieu, mais non contre son prochain. A moins d’avoir demandé pardon à celui qu’on a offensé, l’expiation n’aura pas d’effet. Pendant que je jeûne à Yom Kippour, je pense à plusieurs choses. 45 le shofar D’une part, je suis gâté dans la vie de tous les jours : je mange à ma faim, je peux suivre des études, je fais du sport, je pense donc que je peux m’abstenir de tout cela pendant 25 heures. Et je prends conscience de ce que d’autres enfants, moins chanceux, vivent tous les jours. Dans le midrach Rabbah 14, au sujet de Yom Kippour, il est dit ceci : « la mortification doit concerner plutôt les âmes. L'âme humaine a cinq noms qui sont cinq définitions.» A celles-ci correspondent cinq mortifications. Les différents noms de l'âme sont Nefesh , Ruah , Neshama , Haya , Yehida . Pendant la journée de Yom Kippour, je prends le temps de réfléchir, de m'adresser à mon âme. C'est Ruah, l'âme émotionnelle qui fait surface en ce jour de mortification. Elle me permet de réfléchir à ce que j'ai fait l'année passée, à mes actes, à mon comportement et j'essaie de prendre des initiatives pour l'année à venir. Par exemple, j’aimerais que vous suscitiez avant le prochain Yom Kippour une des cinq parties de votre âme. Dans un registre différent, je me suis penché sur l’histoire des filles de Tselofhad. Dans ma Paracha, le chapitre 27, verset 1 à 11 nous dit ceci : « Alors s'approchèrent les filles de Tselofhad, fils de Héfer, fils de Ghilad, fils de Makhir, fils de Manassé, de la descendance de Manassé, fils de Joseph, lesquelles filles avaient comme nom Mailla, Noa, Hogla, Milka et Tirça; elles se présentèrent devant Moïse, devant Eléazar le pontife, devant les phylarques et toute la communauté, à l'entrée de la tente d'assignation, disant : "Notre père est mort dans le désert. Toutefois, il ne faisait point partie de cette faction liguée contre le Seigneur, de la faction de Coré: c'est pour son péché qu'il est mort, et il n'avait point de fils. Faut-il que le nom de notre père disparaisse du milieu de sa famille, parce qu'il n'a pas laissé de fils ? Donne-nous une propriété parmi les frères de notre père !" Moïse déféra leur cause à l'Éternel. Et l'Éternel parla ainsi à Moïse : "Les filles de Tselofhad ont raison. Tu dois leur accorder un droit d'hérédité parmi les frères de leur père, et leur transmettre l'héritage de leur père. Et tu parleras en ces termes aux enfants d'Israël: Si un homme meurt sans laisser de fils, vous ferez passer son héritage à sa fille. S'il n'a pas de fille, vous donnerez son héritage à ses frères. S'il n'a pas de frères, vous donnerez son héritage aux frères de son père. Et si son père n'a pas laissé de frères, vous donnerez son héritage au plus proche parent qu'il aura dans sa famille, lequel en deviendra possesseur. Ce sera pour les enfants d'Israël une règle de droit, ainsi que l'Éternel l'a prescrit à Moïse. » J’aimerais vous parler de l’héritage pour les filles de Tselofhad. Celui-ci est mort dans le désert et n’ayant que des filles, sa part d’héritage devait aller à ses frères. Les cinq filles de Tselofhad contestent la décision et se rendent devant Moïse pour réclamer leur part d’héritage. Moïse ne connaissant pas la réponse interroge Dieu et Dieu répond : « Les filles de Tselofhad parlent juste » elles ont droit à leur héritage. On peut en déduire plusieurs choses. 47 BIBLIOTHÈQUE DE BETH HILLEL Gaëlle vous accueille TOUS LES LUNDIS DE 17H30 À 20H et vous guidera dans vos recherches. Elle pourra éventuellement vous accueillir à d'autres moments, sur simple demande. La bibliothèque est par ailleurs accessible du lundi au jeudi de 9h30 à 12h30 et de 14h30 à 17h00. Pour tout renseignement, appelez le secrétariat au 02.332.25.28. le shofar La première interprétation que l’on peut faire c’est que les filles de Tselofhad sont sages et instruites car elles se présentent devant Moise en venant avec des arguments basés sur une grande connaissance de l’interprétation de la loi. Dans Nombres Rabbah, à propos du verset : « Moïse déféra leur cause à l'Éternel. Les filles de Tselofhad ont raison. » (je préfère la traduction : « Les filles de Tselofhad parlent juste »). A ce propos, on peut lire le midrach suivant. Il voulait dire, c'est la loi ! Le Saint, béni soitil lui dit: « Lorsqu’un cas sera trop difficile pour vous, vous me le présenterez. Si c’est une loi que vous ignorez comme c’est le cas concernant ces femmes. » Une autre explication est donnée par Resh Lakish : « Moïse notre maître connaît la loi mais les femmes vinrent en premier demander conseil aux chefs des 10. Ils leur répondirent : « Votre cas concerne un héritage et ce n’est pas de notre compétence, nous allons le présenter devant nos supérieurs. » Les femmes se rendirent devant les chefs des 50 avec les chefs des 10 mais les chefs des 50 leur dirent : « Votre demande n’est pas de notre compétence, vous devriez demander à nos supérieurs. » Les femmes se rendirent devant les chefs des 50 avec les chefs des 10 mais les chefs des 50 leur dirent : « Votre demande n’est pas de notre compétence vous devriez demander à nos supérieurs. » Ainsi elles se sont présentées devant les chefs des 100, les chefs des 1000 et même devant les princes. La réponse était toujours la même, ils préféraient s’en référer à une autorité supérieure. C’est ainsi qu’ils se présentèrent tous devant Eléaza qui leur dit qu’il allait, lui aussi, poser la question à son maitre, Moise. Ainsi, ils se présentèrent tous devant Moïse. Moïse savait que la question qu’on lui posait avait été présentée devant chacune des instances avant lui. Moïse se dit que même s’il connaissait la loi, il ne pouvait donner une réponse sans que le mérite qu’il tirerait de cette réponse ne soit trop grand. Alors Moïse leur répondit ceci : moi aussi j’ai un supérieur et c’est ainsi que « Moïse déféra leur cause devant l’éternel. » Et le Saint Bénit soit-il répondit : « Les filles de Tselophrad parlent juste. » En obtenant gain de cause, Mailla, Noa, Hogla, Milka et Tirça ont permis un premier pas vers l’égalité entre les hommes et les femmes. La décision de Dieu est juste et a servi de point de départ. Grâce aux filles de Tselofhad, les femmes juives obtinrent plus de droits. De nos jours, grâce à elles et d’autres pionnières, l’étude de la Tora et la fonction de rabbin sont ouvertes à toutes. Grâce aux filles de Tselofhad, vous, mesdemoiselles et mesdames, avez obtenu le droit d’être nos égales. ■ 49 EN V I E D E L I ( V ) R E 70ème anniversaire de la révolte du ghetto de Varsovie (III) Carnets du ghetto de Varsovie - Adam Czerniakow Ed. La Découverte, 1996 ISBN 978-2-70713-937-5 50 Il est comme une étrange impression qui surgit à la lecture de ce journal, aux entrées concises et lapidaires, qui débutent presque toutes par le relevé systématique de la température du jour. C’est une impression de rondeur qui se dégage inexorablement de la voix de cet homme qui relate imperturbablement jour après jour le lent et long enfermement de la communauté juive de Varsovie, dont il a choisi d’assumer le rôle d’intermédiaire entre elle et les maîtres d’un nouvel ordre mondial. Mais comme l’explicite très bien Raul Hilberg dans « La Destruction des Juifs d’Europe », Czerniakow utilisera les vieux réflexes de défense diasporiques face au danger, sans réaliser que cette fois-ci, la nature du danger est radicalement différente et que les stratégies déployées face à l’agresseur- pour autant qu’elles aient jamais eu une réelle existence dans le rapport de forces- se briseront l’une après l’autre et se révèleront tragiquement vaines. Ce qui constitue la rondeur de Czerniakow, c’est son sens de la loyauté, sa remarquable stabilité d’humeur et la constance avec laquelle par Isabelle Telerman il affronte les difficultés insolubles, les vexations, les sévices physiques dont il fera l’objet. Les quelques photos dévoilent un visage replet et une silhouette trapue. Car, contrairement à son homologue de la ville de Lodz, le narcisse fantoche Rumkowski, Czerniakow ne s’enorgueillit aucunement de sa fonction. Il prend le gouvernail d’un navire livré à son propre sort, se comparant d’ailleurs au capitaine du Titanic, faisant jouer l’orchestre malgré le naufrage. Czerniakow se lève à l’aube, relève la température, se rend à son bureau officiel, à savoir sa fonction de directeur d’une école professionnelle dont il sera subtilement exclu, essuyant la lâcheté des collègues polonais qui se retranchent derrière les ordonnances de pureté de la race privant la population juive de ses sources de revenus. Ensuite, il se rend au siège de la Communauté où il est assailli de plaintes, de revendications, de reproches voire couvert d’injures. Il court d’une convocation à l’autre, attend des heures sans être reçu, revient plus tard dans la journée, sans succès, est reconvoqué le lendemain, essuie le mépris du fonctionnaire allemand et rentre chez lui, selon ses propres termes, « auréolé de gloire ». Czerniakow ne se plaint jamais. Il consigne des migraines, une digestion difficile, soigne son insomnie par de la lecture et repart le lendemain avec la même le shofar énergie. Il ne réalise pas que ses errances administratives quotidiennes sont la résultante de la rivalité sans pitié entre l’administration militaire, l’administration civile et celles qui finiront par avoir la mainmise sur la création, la gestion et la liquidation du quartier juif, à savoir la SS et la police de l’occupant. Czerniakow se retrouve donc dans la fonction de « maire » d’une partie de la ville qui contiendra bientôt 500.000 personnes, Juifs varsoviens et Juifs réfugiés de la province dont la population juive a été évacuée vers les centres urbains. Czerniakow est responsable de son administration, des salaires de ses fonctionnaires alors qu’il règne sur une population ayant perdu son travail ou dont la source de revenus a purement et simplement été confisquée. Le ghetto, après octobre 1940, sera responsable de son approvisionnement en produisant lui-même, via de nombreux ateliers, des produis qui, vendus à l’extérieur, lui permettent d’assurer son alimentation. Mais l’occupant a décidé de réduire les salaires des ouvriers, de se saucer au passage sur le montant des produits exportés par le ghetto, et surtout, de réduire la ration alimentaire quotidienne de la population juive, défavorisée par rapport à l’allemande ou la polonaise. Czerniakow assiste impuissant à l’instauration de la famine et son corollaire, l’apparition d’épidémies. Critiqué de jouir d’un statut privilégié, non sans humour, Czerniakow déclarera que son seul privilège est de perdre sa bedaine, il est profondément heurté par les disparités sociales du ghetto et le refus des rares privilégiés de contribuer plus largement face à la situation globale catastrophique. La mise en place d’un système de taxations ne répondra que faiblement à la demande. La contrebande de part et d’autre du mur se chargera du reste. Czerniakow n’émet aucun jugement sur la perversité nazie. Il décrit simplement les tournages organisés dans les restaurants du ghetto, dans un appartement préservé où est mise en scène une réception, dans un mikveh où hommes et femmes nus sont dans l’eau. Il traverse l’absurde et l’immonde avec une éthique qui se situe au-delà des hommes et des évènements. Il concède cependant un jugement sans illusions à l’égard de ses concitoyens polonais : il les situe entre Adam Mickiewicz et une bande de voyous haineux. Même s’il en parle peu, on peut imaginer que Czerniakow estime beaucoup son épouse, non seulement pour l’action qu’elle mènera en faveurs des enfants orphelins du ghetto mais surtout pour la sérénité avec laquelle elle lui exprime un soir, devant l’accélération de la violence dans le ghetto au printemps 1942, qu’il va falloir apprendre à mourir dans la dignité. Seule inflexion mélancolique, la réflexion d’un père face à l’absence de son fils parti en URSS : « Que devient Jas, mon unique enfant ? » C’est cette préoccupation inquiète qui lui rend insupportable l’ordonnance du 22 juillet qui stipule que tous les Juifs sans exception d’âge ou de sexe doivent être transférés à l’Est. Il réalise alors que ses interlocuteurs ont menti, l’ont instrumentalisé, le transformant malgré lui en acteur de première ligne d’un massacre méthodiquement planifié. Czerniakow aura été discrédité jusque dans sa mort. Son suicide sera interprété comme une forme de lâcheté, d’absurdité à laquelle Ytiskhok Katzenelson consacre un chant dans son « Chant du peuple juif assassiné » sous la forme d’une mise en scène grotesque. C’est en réalité le sursaut ultime d’un homme qui restaure sa liberté dans un étau sans issue. Adam Czerniakow est enterré au cimetière juif de Varsovie. ■ 51 EN V I E D E L I ( V ) R E Lectures d’identité par Anne De Potter Histoire des juifs, De la genèse à nos jours Michel Abitbol Perrin, 2013 Pour l’Histoire ISBN 978-2-26203-285-2 734 pages Un ouvrage sérieux et très documenté (mais non illustré !) de plus de sept cent pages - dont environ trois cent consacrées à la période postérieure à la révolution française - qui pose les bases historiques fondamentales, dont les développements qui aboutiront, notamment, au Judaïsme Libéral. 52 “En juin 1772, le rabbin allemand “moderniste” Jacob Emden, 1696 – 1776) condamne le décret du duc de Mecklembourg-Schwerin imposant l'enterrement des morts trois jours après leur décès, mesure dictée par des considérations médicales modernes, mais en totale contradiction avec la coutume ashkénaze, stipulant que l'enterrement doit s'effectuer le jour même de la mort. Prudent, avant de prendre position publiquement contre le décret, Emden a cru bon de faire appel au philosophe juif le plus réputé de l'époque, Moses Mendelsshon (1729 -1786). Il a eu tort : Mendelsshon ne voyait aucune difficulté à adopter le décret ducal, soulignant au passage que ni la Michna ni le Talmud n'exigeaient d'enterrer les morts immédiatement après le décès. Ce qui comptait pour Mendelsshon n'était pas tant de trouver dans la tradition des preuves justifiant le texte ducal, mais en tant qu'homme des Lumières, il estimait que les prescriptions contenues dans ce décret reposaient sur des observations expérimentales rationnelles. Pour lui, comme pour ses disciples, la science prime en cas de conflit avec la religion. Tant mieux pour cette dernière si elle va dans le sens du progrès et tant pis pour elle si la science exige des réponses qui lui sont contraires. La controverse entre Mendelsshon et Emden est restée dans les limites de la convenance. (…) Il en sera tout autrement après leur mort quand la lutte entre traditionnalistes et maskilim sera accompagnée d'un véritable Kulturkampf au sein du monde juif tout au long du XIXe siècle.” (pp. 333 et 334). Outre les acteurs et penseurs célèbres, comme Mendelsshon, l'auteur nous fait connaître des personnes comme Gluckel Hameln : “ Autre conséquence non négligeable de la diffusion du livre imprimé, l'accès des femmes au savoir religieux, notamment par le truchement d'ouvrages de vulgarisation en yiddish dont le fameux Tsena Ou-Rééna (et son semblable en ladino Mé 'Am Lo'ez) qui a circulé dans tous les ghettos européens. Exemple vivant de cette entrée des femmes dans la culture religieuse : Gluckel Hameln et ses mémoires (Editions de Minuit, 1971) émaillés d'aphorismes et de citations du Talmud et de la Aggada.” (p. 331). De l’identité à l’existence, l’apport du peuple juif Daniel Sibony Odile Jacob, 2012 Science Hum ISBN 978-2-73812-737-2 346 pages Vous l'avez sans doute regardé et écouté le dimanche matin dans l'émission télévisée du Rabbin Josy Eisenberg sur France 2 : le shofar ce philosophe et psychanalyste nous livre ses réflexions, solidement ancrées dans la connaissance. Sa vision et son vocabulaire sont marqués par le monde de l'analyse, ce qui complique un peu la lecture par des non-initiés. “(...) la conversion aussi prend un sens existentiel où il s'agit, on l'a vu, non pas de changer d'origine mais d'en avoir une autre qui, s'ajoutant à la sienne, donnerait au sujet une identité redoublée, ouverte, marquée par la faille. Il s'agit d'avoir un entre-deux identités, donc une identité vivante, non identique à elle-même, et ce grâce à une greffe de l'Hypothèse , marquée par l'ouverture ontologique. En ce sens, beaucoup de Juifs gagneraient à devenir juifs, au sens de se convertir à la Question existentielle. C'est en quoi le devenir-juif nous intéresse. Or, la règle actuelle pour devenir juif, c'est d'en passer par la religion, alors que juif et religieux sont deux choses différentes. Cette règle semble absurde, mais elle pose une vraie question : peut-on devenir juif sans connaître en profondeur ce que c'était avant, y compris au temps où seule la langue religieuse exprimait les enjeux ? En somme, peut-on revendiquer une origine sans l'assumer un certain temps, le temps d'intégrer ses symboles à sa propre recherche ? Un athée qui devient juif doit connaître les formes originelles de ce mode d'être, donc reconnaître l'existence de contenus religieux et se mesurer à leur portée symbolique; c'est ce que les Juifs de toutes nuances font chacun à sa façon, étant déjà portés par le flux transmissif.” (p. 224) “Ce peuple (électeur et lecteur, plutôt qu'élu, p. 28, imprégné de la logique du singulièrement universel, p. 74) brandit des textes qui sont audessus de ses moyens, ce qui le force à les développer, et il s'accroche pourtant à la texture en cours” (p. 343). Le peuple-monde, Destins d’Israël Alexandre Adler Albin Michel, 2011 Essais Doc. ISBN 978-2-22622-086-8 201 pages Cet éditorialiste spécialisé en géopolitique, paraissant aussi sur nos écrans, nous fait également part de ses réflexions sur le peuple juif, nourries d'une connaissance étendue et pointue tout à la fois. Ce livre nécessite une lecture attentive, mais l'effort est récompensé par l'apport de sa vision originale (cfr. notamment le chapitre « Israël parmi les siens »), aux fondements solides. “Contrairement à toutes les prédictions pessimistes d'une fin annoncée du peuple juif, celuici perdure pourtant avec une remarquable constance dans l'Etre. Mais aussi bien ce peuple, à nul autre pareil, ne sait-il absolument pas où il va, ne réfléchit pas véritablement au but ultime de sa grande aventure. Et c'est sans doute mieux ainsi : comme Christophe Colomb, où comme Jonas avant lui, mieux vaut affronter l'épreuve des mers incertaines, la conscience d'un Dieu inconnaissable chevillée au corps, plutôt que de supposer sans cesse sur l'impossible date assignée à la venue du Messie. (…) Mais la leçon sans doute la plus durable, celle qui marque d'une manière indélébile la prégnance de la “Sortie d'Egypte” est, bien entendu, une conception absolument originale de Dieu. Celui-ci ne se révèle plus face à face et laisse aux hommes concrets le soin de retrouver sa Présence dans l'intense chatoiement de ses effets. (...)” (p. 200). Après avoir proposé ses pistes pour le futur, l'auteur conclut : 53 EN V I E D E L I ( V ) R E “(...) il s'agit enfin de convertir notre proverbiale et contestable énergie révolutionnaire en force de pacification et de réconciliation. Jésus disait qu'il venait apporter le glaive, en cela aussi il était des nôtres : il avait compris la puissance subversive du vrai monothéisme. Mais il est temps à présent pour tous, le glaive revenu au fourreau, de construire la paix de Dieu. Alors, et alors seulement, nous pourrons penser au Troisième Temple – car nous ne l'édifierons pas seuls, pas contre le vaste monde, mais avec lui.” (p. 202). Isha, Dictionnaire des femmes et du judaïsme Pauline Bebe Calmann-Levy, 2001 Essais Doc. ISBN 978-2-70213-153-4 440 pages 54 De Abigaïl, belle et intelligente, que David épousa, alors qu'il était encore marié à Ahinoam, après sa plaidoirie convaincante pour son mari Nabal (mort entre-temps !) à Yevama, la “veuve dont le mari défunt n'a pas eu d'enfant et qui est légalement tenue d'épouser son beau-frère”, en passant par l'entrée “Langage sexiste”, ce dictionnaire nous éclaire tant sur des personnages féminins que des lois, des rites, des pratiques, etc. Cette forme nous permet de retrouver très rapidement le sens de tel ou tel mot, l'histoire de telle ou telle femme, de comprendre et de relier tel ou tel concept. Le contenu se lit avec plaisir et curiosité, et le lecteur se surprend vite à lire une ou plusieurs entrées de plus que celle initialement prévue ! “Ce n'est qu'à l'époque moderne que la question de la séparation des hommes et des femmes est discutée de manière approfondie et que la mehitsa est exigée par les autorités orthodoxes. (…) La discussion systématique de la question a été provoquée par la décision des mouvements libéraux et conservateurs, mouvements religieux majoritaires dans le monde; de supprimer toute séparation entre les hommes et les femmes dans les lieux de prière, pour qu'il n'y ait pas de ségrégation. C'est en 1892 que la Conférence centrale des rabbins américains décida de supprimer la mehitsa. En 1928, Lily Montagu, fondatrice d'un des mouvements juifs libéraux anglais, s'adressait ainsi à la communauté dans un sermon prononcé à Berlin : “Les femmes allemandes doivent descendre de leur galerie et réellement prendre part à la construction d'une religion vivante qui s'adresse à la communauté toute entière” (...)”. (p. 217). La transmission du judaïsme dans les couples mixtes Séverine Mathieu Les Editions de l’Atelier/Les Editions Ouvrières, 2009 Social Eco H C ISBN 978-2-70824-076-6 176 pages Notre synagogue accueille, notamment, des couples mixtes (même si elle ne célèbre pas leur mariage, c'est une autre question). Ce livre analyse cette situation, surtout en présence d'enfants issus de ses couples. Il relate les témoignages de vingt neuf couples en France, dont les membres sont nés principalement dans les années cinquante et soixante, sur leurs expériences, leurs attitudes face à la circoncision, la cuisine, la mémoire de la Shoah, le lien avec Eretz Israël, l'antisémitisme, etc. “(...) les conjoints non juifs revendiquent certes à la fois la part juive dans l'identité de leurs enfants et en même temps, ils ne veulent pas les voir assignés à cela. Le judaïsme qu'ils mettent en avant est une identité reconstructive et positive, pas question alors de subir les outrages du passé. Et certains déclarent même pouvoir réagir violemment devant des manifestations antisémites. (...)” (p. 142). ■ le shofar Exil aux Marolles par Luc Bourgeois Exil aux Marolles Inge Schneid Couleur Livres, 2009 Je ISBN 978-2-87003-516-0 141 pages De Vienne à Bruxelles. Le parcours douloureux d’une petite fille qui grandit à Vienne, insouciante, avec un père juif mais pas religieux et une mère non-juive. Et vient l’Anschluss, les vexations envers les juifs, même chez ceux qu’on croyait amis. Le père d’abord, la petite fille et sa maman ensuite fuient vers Bruxelles qu’ils croient à l’abri des nazis. A Bruxelles, dans les Marolles, il faut se reconstruire une vie, une vie pratique, une vie sociale. Mais avec le poids d’un accent allemand, quand la Belgique se voit occupée, les Belges ne comprennent pas que ces gens qui parlent allemand ne sont pas des allemands, ne sont pas des occupants. Et la vie se déroule sous l’occupation : entre les craintes d’être pris ou dénoncés, les vexations, la faim, les rafles, les déportations, le cercle d’amis qui se réduit, les mauvaises nouvelles de la famille restée au pays. Puis vient la libération, l’euphorie, les arrestations, les représailles envers les collaborateurs. Et il faut à nouveau se reconstruire, tout en sachant que beaucoup ont disparu dans la tourmente, dans les camps. Cette histoire est celle d’Inge Schneid qui fréquente régulièrement Beth Hillel. Le grand mérite de son livre de souvenirs est de décrire à la fois les sentiments de la petite fille qu’elle était, les situations auxquelles elle a dû faire face, mais aussi de prendre du recul et de jeter un regard d’adulte sur les événements dont elle a été l’acteur et le spectateur. L’histoire d’une petite fille écrite par une adulte, ou l’histoire d’une petite fille écrite par une petite fille qui a beaucoup de discernement et de maturité ? A vous de juger. Inge Schneid a fait cadeau de son livre à la bibliothèque de Beth Hillel, mais, si vous achetez le livre, elle sera certainement ravie de vous le dédicacer lors de ses nombreuses visites à notre synagogue. Nous reproduisons ci-dessous les mots élogieux que José Gotovitch, l’historien belge, a écrits à propos de cet ouvrage. Madame, Ce petit mot pour vous dire l’émotion que j’ai ressentie à la lecture de votre livre « Exil aux Marolles ». Né en 1940, rue des Tanneurs, j’ai moimême, dans les bras de ma mère, échappé à la rafle du 3 septembre 1942 en nous enfuyant chez la voisine belge. Vous comprendrez combien votre fresque large et bien documentée, qui retrace un itinéraire collectif avec une justesse de ton, sans pathos, est d’autant plus forte et sonne juste. Ayant passé ma carrière à travailler sur la seconde guerre et ayant, par intérêt et métier, lu des centaines de témoignages, je puis vous assurer que votre travail est le meilleur et certainement le plus juste pour la Belgique. Avec mes sentiments les meilleurs, José Gotovitch ■ 55 CA R N E T - C I TAT I O N S le shofar Carnet Décès Nous présentons nos sincères condoléances à Michel Cohen et à sa famille pour le décès de son épouse Martine Segers-Cohen, qui s'est éteinte paisiblement le 29 juin 2013, entourée des siens. Que son âme soit reliée au faisceau des vivants. Bné Mitsva Mazal Tov à David Zylberberg qui célèbrera sa Bar Mitsva le 28 septembre (Paracha Berechit) et mettra ses tefilines le vendredi 27 septembre pour la première fois. ■ Mariage Un tout grand Mazal Tov à Benoît Mairy et Arianne Elincx, qui se sont mariés sous la houppa le18 août. 57 Citations Les chrétiens sont ceux qui se souviennent et les juifs ceux qui espèrent encore. L’enfant de Noé, Eric-Emmanuel Schmitt Tout Juif est juif, même les Juifs pieux, et y compris les Juifs non sionistes, les Juifs enrhumés et les Juifs philatélistes. La parole et l'écrit: Penser la vie juive aujourd'hui, Léon Askénazi ■ I N F O R M AT I O N S U T I L ES N I S S A N - I YA R 5772 VIE COMMUNAUTAIRE OFFICES DE CHABBAT Vendredi à 19h et samedi à 10h30 Chabbat leDor vaDor, tous les premiers vendredis du mois, à 18h30. ■ TALMUD TORA Tous les mercredis après-midi. Voir calendrier. ■ COURS ADULTES ET CERCLES D’ETUDE Contactez Rabbi Marc Neiger ■ YIZKOR Si vous voulez être informés des dates de Yizkor pour des membres de votre famille, contactez Yardenah ( 02.332.25.28 SOCIÉTÉ D’INHUMATION A.S.B.L. GAN HASHALOM En cas de nécessité, téléphonez aux numéros suivants : Le jour A Beth Hillel (02.332.25.28) Le soir Rabbi Marc Neiger (02.318.83.55) Si vous désirez souscrire à Gan Hashalom, téléphonez à Willy Pomeranc en journée (02.522.10.24) Gan Hashalom est réservé aux membres de la CILB en règle de cotisation et ayant adhéré à la société d’inhumation 59 AG EN DA AV R I L- M A I 2012 60
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