Les retenues sur pensions
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Les retenues sur pensions
Synthèse // Réflexion // Une entreprise/un homme // Références retraite / institution Les retenues sur pensions Par Jacques Bichot, Economiste, professeur émérite à l’université Lyon 3 Il est parfois suggéré, pour diminuer le déficit de la sécurité sociale, d’augmenter les prélèvements effectués sur les pensions de retraite. Mais quels sont-ils ? Après avoir fait le point sur cette question, nous verrons qu’elle possède d’intéressants prolongements. Des retenues sous forme de CSG et CRDS Les pensions (régimes de base et le cas échéant régimes complémentaires) ne supportent pas de cotisations sociales. En revanche, elles sont soumises depuis 1991 à la Contribution sociale généralisée (CSG) et depuis 1996 à la Contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS), mais dans des conditions différentes de celles qui s’appliquent aux revenus professionnels : des planchers de ressources interviennent, et le taux de la CSG est moindre. • Le taux normal de la CSG est 6,6 % au lieu de 7,5 % ; sur ces 6,6 points, 2,4 (comme pour les salaires) ne diminuent pas le revenu imposable (on dit qu’ils sont “non déductibles“) et 4,2 le diminuent (on les dit “déductibles“). • Le taux de la CRDS est 0,5 % comme pour les salaires. • CSG et CRDS ne sont pas dues si les revenus du retraité ne dépassent pas le seuil en dessous duquel les contribuables peuvent être exonérés de la taxe d’habitation relative à la résidence principale 1. • Lorsque le revenu dépasse ce seuil sans que le pensionné soit pour autant redevable de l’impôt sur le revenu (IR) 2, le taux de la CSG est ramené à 3,8 %. Les caisses de retraite (ou le Trésor public, pour les fonctionnaires de l’Etat) ne payent rien “de leur poche“ ; elles se contentent de gérer la retenue à la source de la CSG et de la CRDS prélevées sur les pensions. Elles peuvent également offrir un service de retenue à la source pour les cotisations aux mutuelles santé, comme le fait le Trésor pour celles des fonctionnaires. Pensions brutes, pensions nettes, taux de remplacement Il convient pour les pensions, comme pour les salaires, de distinguer le brut et le net. La pension brute est celle qui résulte du calcul fait par la caisse de retraite. La pension nette est ce qui reste de la pension brute une fois retranchées CSG et CRDS ; c’est son montant qui est versé au retraité. 26 Le taux de remplacement du revenu professionnel est le plus souvent défini comme le rapport entre la somme des pensions, juste après leur liquidation, et le dernier revenu professionnel. Cette notion perd de son intérêt dès lors que se développe le cumul entre revenu d’activité et pension de retraite ; elle sera encore moins pertinente le jour où les Français pourront, à l’instar des Suédois, liquider dans un premier temps une partie seulement de leur pension, et revenir en arrière après avoir effectué une liquidation. Mais, tant que l’on se réfère abondamment au taux de remplacement, il convient de savoir précisément de quoi l’on parle. Le revenu professionnel peut être brut ou net ; il en va de même pour les pensions. Quatre taux de remplacement sont donc a priori envisageables, correspondant aux 4 couples (brut, brut), (net, net), (brut, net), (net, brut). Les résultats sont assez différents, comme le montre l’exemple suivant, dans lequel un cadre moyen percevait début 2010 un salaire brut mensuel de 6 000 € juste avant de prendre sa retraite avec 1. Cette exonération n’est pas accordée si le contribuable vit avec une personne dont le revenu de référence fiscal (RFR, qui est le plus souvent égal au revenu imposable, mais pas toujours) excède le seuil, ou s’il est redevable de l’ISF. Le seuil dépend du nombre de parts de quotient familial dont dispose le contribuable ; pour la taxe d’habitation 2010 il était fixé à 9 876 € pour une part, et il s’y ajoutait 2 637 € par demipart supplémentaire. 2. L’IR sur les revenus 2009 n’était pas recouvré s’il était inférieur à 61 €. 3. J.-J. Dupeyroux, Droit de la sécurité sociale, 12e éd., Dalloz 1993, n° 245 note 7. 4. La branche famille, elle, est fortement ponctionnée au profit de l’assurance vieillesse par la mise à sa charge des majorations de pensions pour famille nombreuse ; cette ponction serait simplement un peu compensée par une augmentation de la CSG sur les pensions, et encore à condition que le 1,1 point de CSG qui est attribué à cette branche ne soit pas revu à la baisse. // N°439 Janvier 2011 // Revue Française de Comptabilité 3 pensions (sécurité sociale, AGIRC et ARRCO) totalisant 3 600 € : • Le salaire net de cotisations sociales, CSG et CRDS, s’élève à 4 982,93 € • Les pensions nettes de CSG et CRDS totalisent 3 344,40 € • Le taux de remplacement brut/brut est de 60 % • Le taux de remplacement net/net s’élève à 67,12 % • Le taux de remplacement brut/net atteint 72,25 % • Rarement utilisé, le taux net/brut est ici de 55,74 % Dans le cas d’une très petite pension, exonérée de CSG et de CRDS, la pension nette est égale à la pension brute, si bien que l’écart entre le taux brut/brut et le taux net/net peut être plus important, le taux net/net étant égal au taux brut/net. Un habile rognage des pensions Lorsque la loi de finances pour 1991 instaura la CSG au taux de 1,1 %, une série de modifications dans le financement de la sécurité sociale accompagna cette création. La complexité des créations, suppressions, modifications et transferts de recettes fut telle que le ministre des Affaires sociales lui-même y vit une “usine à gaz“ 3. Les travailleurs et les retraités (à l’exception des plus modestes de ceux-ci) firent les frais de l’opération. Jusqu’alors, les pensions étaient nettes de tout prélèvement social. Elles restèrent nettes de cotisations sociales, mais la nature fiscale de la CSG permit de les amputer, d’abord modestement (1,1 %), puis de façon croissante au fur et à mesure des relèvements progressifs de la CSG et de la création de la CRDS, jusqu’au pourcentage actuel de 7,1 %. Pour les retraités, ces changements eurent les mêmes conséquences qu’une réduction progressive des pensions à l’exception des plus faibles. Mais pour les caisses de retraite, ils ne réduisirent pas les débours. Ils profitèrent surtout aux employeurs (en facilitant l’allègement des cotisations patronales) et à la branche maladie. Et la création de la CRDS facilita le financement par l’emprunt d’une fraction croissante des dépenses sociales. Certains voudraient porter à 8 %, comme pour les salaires, le taux de retenue sur les pensions. A la lumière de ce qui précède, il s’agirait en fait de réduire les revenus des retraités au profit de l’assurance maladie 4.