Mardi 16 décembre 2014
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Mardi 16 décembre 2014 1 Introduction Selon la définition du Petit Robert, une indemnité est : «ce qui est attribué à quelqu’un en réparation d’un dommage, d’un préjudice ou de la perte d’un droit». Cette définition peut être reprise par le droit fiscal ; elle correspond alors à la somme versée ou reçue en règlement d’un litige. Par règlement d’un litige, il convient d’entendre décision de justice ou d’arbitre, mise en jeu d’une disposition contractuelle, ou conclusion d’une transaction : sauf cas particuliers mentionnés ci-après, le traitement fiscal des sommes versées ou reçues à ces différentes occasions est identique. La doctrine fiscale ne prévoit pas de définition propre pour les besoins de l’impôt sur les sociétés. En matière de TVA, une définition claire existe: Ne constituent pas la contrepartie d'opérations imposables à la TVA les indemnités qui sont de véritables dommages-intérêts c'est-à-dire qui ne font que sanctionner l'inexécution d'une obligation (C. civ. art. 1146 s.) ou, à titre général, la lésion d'un intérêt quelconque (C. civ. art. 1382). 2 Plan d’intervention 1. 2. Assujettissement / déduction des indemnités en matière d’impôt sur les sociétés (« IS ») A. Imposition à l’IS chez la société bénéficiaire B. Charges déductibles des résultats de la société débitrice ? Assujettissement des indemnités à la taxe sur la valeur ajoutée (« TVA ») et enjeux A. Les critères d’assujettissement B. Les Enjeux 3 1. Assujettissement / déduction des indemnités en matière d’impôt sur les sociétés (« IS ») 4 1. A. Imposition à l’IS chez la société bénéficiaire A. Imposition à l’IS chez la société bénéficiaire Pour rappel : Taux normal de l’IS = 33,1/3% + une contribution sociale de 3.3% du montant de l’IS pour les sociétés dont l’IS excède 763.000 €, soit un taux effectif de 34,43% (ou 38% si la contribution de 10,7% s’applique). a) Principe : les indemnités perçues par les sociétés passibles de l’IS sont imposables Imposition au titre des bénéfices industriels et commerciaux (articles 38-1 et 38-2 du CGI) i.e. prise en compte des profits générés par les opérations de toute nature réalisées par la société, mais aussi de gains non nécessairement liés à une opération (ex : une indemnité d’assurance). Les indemnités perçues par une entreprise en réparation d'un préjudice constituent des produits imposables dès lors qu'elles ont pour objet de compenser des charges ou des pertes déductibles par nature, des pertes de recettes taxables, la perte ou la dépréciation d'éléments d'actif. Cela doit aboutir à une neutralité globale de l’opération (pour autant que le dommage soit indemnisé en totalité) : le dommage ou la perte génère une charge déductible, compensée par l’indemnité qui constitue un produit imposable sous réserve que les deux évènements soient constatés sur le même exercice. 5 1. A. Imposition à l’IS chez la société bénéficiaire (suite) Selon la nature du préjudice subi, les indemnités sont imposées comme des produits d'exploitation ou des plus-values d'actif si elles sont perçues en contrepartie de la perte d'un élément d'actif. On notera toutefois que si cette distinction trouve pleinement à s'appliquer pour les entreprises relevant de l'impôt sur le revenu, sa portée est réduite en ce qui concerne les sociétés soumises à l'impôt sur les sociétés. En effet les plus-values réalisées par ces sociétés sont comprises dans les résultats taxés au taux de droit commun, compte tenu du champ d'application limité du régime des plus-values à long terme. b) Exception L’indemnité qui a pour objet de compenser une charge qui par nature n’était pas déductible des bénéfices de la société bénéficiaire ne constitue pas une recette imposable pour celle-ci. Ex : indemnité versée par une compagnie d’assurance à une société qui avait été soumise à des pénalités fiscales en raison d’une erreur du comptable ayant entrainé l’application de pénalités fiscales (CE 12 mars 1982 ; les pénalités fiscales en cause n’étant pas déductibles en application de l’article 39-2 du CGI, l’indemnité perçue par la société n’est donc pas imposable). 6 1. B. Déduction du résultat fiscal de la société débitrice B. Charges déductibles des résultats de la société débitrice ? a) Principes généraux de déductibilité des charges : les sommes versées constituent des charges déductibles des résultats de la société qui les a acquittées, si elles remplissent les conditions suivantes (article 39-1-1° du CGI) : Elles se traduisent par une diminution de l’actif net, Elles ont été exposées dans l’intérêt de l’entreprise, Elles ont été régulièrement comptabilisées. Les dommages-intérêts mis à la charge d'une entreprise par un tribunal à l'occasion d'un procès intéressant son activité commerciale ont le caractère d'une charge déductible pour la détermination du résultat fiscal. Il en est de même des frais irrépétibles, notamment frais d'avocat (BOFIP, BOI-BIC-CHG-60-20-30 n° 1 et 40). Les amendes pénales, en raison de leur caractère de peine infligée à titre personnel, et les frais d'instance y afférents ne peuvent être considérés comme des charges de l'entreprise 7 1. B. Déduction du résultat fiscal de la société débitrice (suite) b) Les dispositions actuelles de l’article 39-2 du CGI excluent expressément des charges déductibles les sanctions pécuniaires et pénalités de toute nature mises à la charge des contrevenants à des obligations légales. Les sanctions pécuniaires comprennent notamment les majorations, amendes, confiscations et astreintes. Le terme « pénalités » vise en particulier les majorations et les intérêts de retard qui ne sont pas constitutifs de sanction. Sont visées les sanctions pécuniaires et pénalités mises à la charge des contrevenants à des obligations légales quelle que soit leur nature : qu’il s’agisse d’obligations légales en matière de législation fiscale, douanière, sociale, du travail, de la concurrence et des prix. Sans que cette liste soit exhaustive, sont ainsi non déductibles en application des dispositions de l'article 39, 2 du CGI les sanctions pécuniaires et les pénalités suivantes (BOI-BIC-CHG-60-2020) : les pénalités d'assiette et de recouvrement en matière fiscale (telles que l'intérêt de retard prévu à l'article 1727 du CGI ; la sanction pour défaut ou retard de déclaration prévue à l'article 1728 du CGI ; les sanctions pour insuffisance de déclaration de 40 % en cas de manquement délibéré ou de 80 % en cas de manœuvres frauduleuses ou d'abus de droit prévues à l'article 1729 du CGI ; les majorations en cas de retard de paiement prévues aux articles 1730 et 1731 du CGI ; l'amende de 5 % prévue à l'article 1763 du CGI pour défaut de production ou inexactitude de certains les documents). les sanctions pécuniaires infligées par les autorités administratives indépendantes, comme par exemple : l’Autorité des marchés financiers, la Commission de régulation de l'énergie, l'Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles, la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) ; la Commission bancaire ; le Conseil de la concurrence en cas de pratiques anticoncurrentielles; les sanctions pécuniaires en matière douanière et en matière de législation sociale ; 8 1. B. Déduction du résultat fiscal de la société débitrice (suite) les sanctions ou pénalités infligées en cas de non-respect de la réglementation communautaire, notamment les amendes ou astreintes infligées par la Commission européenne aux entreprises coupables d'un abus de position dominante ou d'une entente illicite. En revanche, les pénalités contractuelles dues dans le cadre de relations commerciales, telles que les intérêts dus à un fournisseur en cas de retard de paiement, demeurent déductibles dès lors qu’elles ne sanctionnent pas des manquements à des obligations légales. c) Les dépenses qui correspondent à l’acquisition d’un élément d’actif ne sont donc pas déductibles (pas de diminution de l’actif net de la société). En revanche, elles sont alors amortissables selon les règles applicables à l’actif (pas d’amortissement en cas d’acquisition de clientèle). Les indemnités d’éviction Les indemnités versées par le locataire à son prédécesseur en vue d'obtenir la jouissance immédiate des locaux sont en principe considérées comme constitutives d'un élément du coût de revient d'un élément incorporel de l'actif immobilisé, au même titre que le coût d'acquisition du droit au bail (acquisition d’un élément d’actif incorporel). 9 1. B. Déduction du résultat fiscal de la société débitrice (suite) Les indemnités versées par le bailleur : selon les motivations, les indemnités sont qualifiées de charges ou d'éléments d'actif. Les indemnités d'éviction versées par le propriétaire en vue de modifier l'affectation des locaux sont considérées par la jurisprudence comme des charges immédiatement déductibles des résultats lorsque l'objectif du propriétaire est : de louer l'immeuble à des conditions plus avantageuses ; ou de s'y installer afin d'y exercer une activité génératrice de revenus, différente de celle du locataire sortant. En revanche, les indemnités d'éviction sont analysées comme un élément du prix de revient d'un actif lorsque le propriétaire souhaite reprendre les locaux afin de les vendre, de les démolir, d'y exercer la même activité professionnelle que celle du locataire sortant ou de les affecter à un usage d'habitation et qu'elles représentent le prix d'acquisition de la clientèle du locataire (cas notamment du propriétaire qui reprend les locaux pour exercer la même activité que celle du locataire sortant). Indemnités versées par le nouvel acquéreur à l'occasion de l'acquisition d'un immeuble : les indemnités d'éviction payées au locataire en vue d'obtenir son départ anticipé constituent en principe un élément du prix de revient des locaux. En effet, l'acquisition d'un immeuble occupé est généralement opérée pour un prix inférieur à la valeur du bien. Les indemnités d'éviction, destinées à rendre l'immeuble libre de tout bail, sont alors considérées comme un complément du prix d'acquisition. Toutefois, le Conseil d'Etat a admis leur déductibilité dans des circonstances où le prix payé par l'acquéreur, sans même tenir compte de l'indemnité, était déjà très élevé par rapport à la valeur vénale des locaux. 10 1. B. Déduction du résultat fiscal de la société débitrice (suite) Une entreprise qui, ayant acquis un terrain donné à bail, verse une indemnité en vue de sa libération immédiate : elle ne peut comprendre cette indemnité dans ses charges déductibles dès lors que celle-ci a pour contrepartie une augmentation de la valeur d'immobilisation du terrain (CE 15 juin 1977 n° 3305). Or le terrain n’est pas un élément d’actif amortissable. Les indemnités de clientèle Les indemnités de clientèle versées aux représentants salariés ou non-salariés peuvent, en fonction des conditions dans lesquelles elles sont versées, être considérées comme des charges immédiatement déductibles ou comme le coût de revient d'une clientèle acquise par l'entreprise. L'indemnité de clientèle versée à un représentant non salarié pour le rachat de sa carte constitue pour l'entreprise versante une charge déductible des bases de l'impôt et non le prix d'acquisition d'un élément d'actif. En effet, la clientèle prospectée par un représentant non salarié s'intègre directement dans l'actif de l'entreprise qui en est seule propriétaire (BOFIP, BOI-BIC-CHG-40-4020). A noter: la clientèle n’est pas un élément d’actif amortissable. L'indemnité de clientèle versée aux représentants de commerce statutaires dans les conditions prévues par l'article L 7313-13 du Code du travail présentant le caractère de dommages-intérêts, peut être valablement comprise parmi les charges déductibles des bases de l'impôt. 11 1. B. Déduction du résultat fiscal de la société débitrice (suite) Engagements de non-concurrence Par une décision du 3 novembre 2003, le Conseil d'Etat a défini les critères qui permettent de qualifier les sommes versées en contrepartie d'un engagement de non-concurrence comme une immobilisation incorporelle ou une charge d'exploitation. Un tel engagement ne constitue un élément incorporel de l'actif immobilisé que si, eu égard à son ampleur, à sa durée et au degré de protection qu'il implique, il a pour effet d'accroître la valeur de l'actif incorporel de l'entreprise, notamment par le gain de parts de marché (CE 3-11-2003 n° 232393). ! Pour mémoire: l’acquisition de clientèle rend exigible les droits de mutation de 5% sur le prix ou la valeur vénale si elle est supérieur. Ils sont en principe acquittés par l’acquéreur ou le bénéficiaire du transfert (au taux global de 3 % sur la fraction comprise entre 23 000 € et 200 000 € et de 5 % sur celle excédant 200 000 €, la fraction jusqu'à 23 000 € étant non imposable). 12 2. Assujettissement des indemnités à la taxe sur la valeur ajoutée (« TVA ») et enjeux 13 2. Assujettissement des indemnités à la TVA A. Les critères d’assujettissement Le champ d’application de la TVA (article 256 du CGI): « Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel. » Si la somme représente, pour la société qui la verse, la contrepartie d’un service qui lui est rendu, il ne s’agit plus d’une indemnité mais d’un prix ou d ‘un complément de prix, elle est dès lors assujettie à la TVA suivant le régime de cette opération (A.), Une « vraie » indemnité n’est pas, par définition, la rémunération d’une « opération ». Ne constituent pas la contrepartie d'opérations imposables à la TVA les indemnités qui sont de véritables dommages-intérêts c'est-à-dire qui ne font que sanctionner l'inexécution d'une obligation (C. civ. art. 1146 s.) ou, à titre général, la lésion d'un intérêt quelconque (C. civ. art. 1382). Principe énoncé dans une instruction du 8 septembre 1994, 3 CA-94 et repris aujourd’hui dans la doctrine administrative BOFIP - BOI-TVA-BASE-10-10-30. Pourtant, l’analyse civiliste clairement définie se révèle complexe: 30 années de jurisprudence déjà! Lorsque la TVA est « neutre » entre récupérateurs de TVA, quels sont les enjeux contractuels et les risques fiscaux (B)? 14 2. A. Critères d’assujettissement à la TVA L’administration n’est pas liée par la qualification juridique donnée par les parties. Celles-ci ont néanmoins intérêt à veiller à la rédaction des clauses (notamment quand une partie des sommes correspond au paiement d’une prestation de services (TVA) et l’autre partie du prix à la simple indemnisation d’un préjudice subi (pas de prestation de services identifiable, donc de TVA). a) Il convient de procéder à la démarche suivante : Rechercher tout d'abord si l'indemnité rémunère une prestation de services (ou une livraison de biens) individualisée (notion de lien direct). Dans l'affirmative l’indemnité est assujettie à la TVA sauf si celle-ci bénéficiait d'une exonération spécifique: premiers principes rappelés avec force dans une Inst. 8 septembre 1994. En l'absence de service, la doctrine administrative préconisait de rechercher si l'indemnité complétait le prix d'une opération imposable. Dans l'affirmative, l'indemnité était taxable comme complément de la base d'imposition si l'opération n'était pas exonérée, toute somme qui réparait un préjudice commercial courant était ainsi imposable comme complément de recettes selon le critère de l’aléa normal de l’activité, Il ressort de plusieurs arrêts du Conseil d'Etat (notamment CE 15-12-2000 n° 194696, SA Polyclad Europe) que la notion de préjudice commercial courant et correspondant à des aléas normaux inhérents à la profession du bénéficiaire ne peut plus être utilisée comme un critère. La doctrine administrative précise ainsi: une indemnité qui a pour objet exclusif de réparer un préjudice commercial, fût-il courant, n'a pas à être soumise à cet impôt, dès lors qu'elle ne constitue pas la contrepartie d'une prestation de services. Dans les autres cas, l'indemnité est placée hors du champ d'application de la TVA. 15 2. A. Critères d’assujettissement à la TVA (suite) b) les solutions jurisprudentielles : Ne sont pas la contrepartie d’un service et ne sont donc pas assujetties à la TVA L’indemnité qui constitue de véritables dommages-intérêts; ex : indemnité d’assurance, pour dommages causés, pour non respect d’obligations contractuelles. Les pénalités de retard sont désormais considérées comme des indemnités ayant pour objet de sanctionner le retard pris par le fournisseur dans l'exécution du contrat et de réparer le préjudice subi, de ce fait, par le client (Inst. 25 janvier 2006, BOFIP, BOI-TVA-DED-40-10-20 n° 210 ). L’indemnité versée en contrepartie de la renonciation à tout recours par le bénéficiaire: le fait que le versement de l'indemnité soit subordonné à la renonciation par le bénéficiaire à tout recours juridictionnel ne saurait être assimilé à un service rendu à la partie versante. (Inst. 27 mars 2002; BOFIP, BOI-TVA-BASE-10-10-10 n° 270). L ’indemnité d'immobilisation conservée par le vendeur d'un immeuble en cas de défaut de réalisation de la vente du fait de la défaillance de l'acquéreur (CAA Lyon 31-10-2007). Les indemnités versées par un distributeur en raison du déréférencement des produits d’un fournisseur (sous certaines réserves toutefois ; voir les termes du contrat). 16 2. A. Critères d’assujettissement à la TVA (suite) Ne sont pas la contrepartie d’un service et ne sont donc pas assujetties à la TVA L'indemnité compensatrice versée en application de l'article L 134-12 du Code de commerce, à un agent commercial lors de la rupture de son contrat d'agence n'est pas imposable à la TVA : la reprise par le mandant de la clientèle acquise par cet agent commercial durant la période d'exécution du contrat d'agence ne caractérise pas une prestation individualisée de services entrant dans le champ d'application de la taxe (CAA Nancy 29-11-2007 n° 06-762, SARL ACB). La somme versée à l'équipementier, qui ne résulte pas des modalités dont les parties étaient convenues pour assurer l'équilibre économique du contrat, ne constitue pas la contrepartie directe et la rémunération d'une prestation individualisable de préparation de la fabrication des tableaux de bord. Elle correspondait donc seulement à une indemnisation du préjudice subi à la suite de la résiliation du contrat au titre des coûts exposés à perte par l'équipementier (CE 28 mai 2004 n° 250817, Sté Magneti Marelli France). L'indemnité due par une société en exécution de la convention qu'elle avait passée avec une entreprise, qui ne résulte pas des modalités convenues entre les parties pour assurer l'équilibre économique du contrat de commercialisation de tabac qui les avait liées, ne constitue pas la contrepartie directe et la rémunération d'une prestation individualisable fournie par l'entreprise à cette société. Cette indemnité, qui a pour seul objet de réparer le préjudice subi par l'entreprise du fait de la résiliation de ce contrat, n'entre pas dans le champ de la TVA (CE 21 novembre 2011 n° 316485, min. c/ Sté Tobacco Exporters International). 17 2. A. Critères d’assujettissement à la TVA (suite) Ne sont pas la contrepartie d’un service et ne sont donc pas assujetties à la TVA (suite) Une indemnité forfaitaire versée par le vendeur d'un immeuble à l'acheteur à titre de garantie de loyer (et calculée par mètre carré non loué dans un délai d'un an courant trois mois après la prise de possession effective) n'est la contrepartie ni d'une livraison de bien ni d'un service. Elle constitue seulement une modalité de réalisation de la vente de l'immeuble de nature à entraîner une réduction du prix d'acquisition stipulé ainsi que de la TVA y afférente (CE 5 janvier 1994 n° 73875, UAP). Les indemnités perçues par un bailleur en cas de résiliation anticipé des contrats de location avec promesse de vente ne représentent la contrepartie d'aucun service individualisable rendu aux preneurs mais doivent être regardées comme versées, dans le cadre légal et réglementaire, à titre de compensation d'un préjudice lorsqu'il est mis fin unilatéralement par le preneur au service de location (CE 20 mars 2013 n° 346990, SA Diac). En matière de résiliation anticipée de contrat de bail : l’indemnité versée par le bailleur n’est pas la contrepartie d’un service individualisé. Par suite la TVA facturée n’est pas déductible (TA de Montreuil 26/05/2014 , arrêt non publié). Les arrhes conservées par un fournisseur ou un prestataire en cas de dédit de son client ces sommes constituant des indemnités forfaitaires de résiliation perçues en réparation du préjudice subi du fait de cette défaillance (CJCE 18-7-2007 aff. 277/05 Sté thermale d'Eugénie-les-Bains ). Le versement, d'avance, de l'intégralité du prix du voyage par le passager au moment de l'émission du billet et qui ne correspond pas à une possibilité contractuelle de dédit n'a pas le caractère d'arrhes versées à des fins d'indemnisation du cocontractant, au sens des dispositions de l'article L 114-1 du Code de la consommation (CAA Versailles 13 novembre 2012 n° 11VE02928, SA Air France-KLM et n° 10VE02993, SA Brit Air). 16 2. A. Critères d’assujettissement à la TVA (suite) Sont la contrepartie d’un service et sont donc assujetties à la TVA : Indemnités d'éviction ou d'expropriation: l’ indemnité représente exclusivement la réparation du préjudice subi sous la forme d'un manque à gagner par l'exploitant du chef de l'expropriation (BOITVA-BASE-10-10-30). L’indemnité de résiliation anticipée versée à un concessionnaire, abandonnant une partie de ses activités s’ engageant de ne pas gêner celles de son successeur doit être assujettie à la TVA (CE 22 juin 1983 Société Chauvin). L’indemnité versée dans le cadre de la résiliation d’un contrat de travaux immobiliers, lorsqu’elle constitue en fait la rémunération d’un commencement d’exécution (CE 15 décembre 2000, SA Polyclad Europe). Une société s'était engagée, par contrat conclu avec une autre société, à mettre en place et à réserver les moyens matériels et humains nécessaires à la fabrication de produits spécifiques pour satisfaire aux commandes en deux ans, sur au moins 460 000 produits. Si la société cliente était amenée à renoncer à ses commandes avant que ce nombre ne soit atteint, il lui incomberait de verser au fournisseur une « indemnité » d'un montant égal à celui des investissements et frais de formation supportés par lui afin de se mettre en mesure d'exécuter le marché, affecté du rapport constaté entre le nombre de produits commandés manquants pour atteindre celui de 460 000 et ce dernier nombre. Cette indemnité constitue la contrepartie directe et la rémunération, selon l'une des modalités dont les parties étaient convenues pour assurer l'équilibre du contrat, du service que le fournisseur a fourni à son cocontractant en prenant avec lui l'engagement de satisfaire à ses besoins d'approvisionnement (prestation distincte de la fourniture proprement dite). 18 2. A. Critères d’assujettissement à la TVA (suite) Sont la contrepartie d’un service et sont donc assujetties à la TVA (suite) Les indemnités forfaitaires versées à titre transactionnel par les maîtres d'ouvrage qui avaient conclu un contrat de promotion immobilière avec un promoteur, aux entreprises de travaux créancières du promoteur défaillant doivent être regardées comme la rémunération des travaux des entreprises, imposable à la TVA, et non comme une indemnité constitutive de dommages-intérêts non imposables, (CE 14 janvier 2008 n° 297221, Sté Cuzet) : compte tenu de la nature du contrat de promotion immobilière, les maîtres d'ouvrage, bien qu'aucun lien contractuel n'ait initialement existé entre eux et les entreprises de travaux, doivent être regardés comme s'étant substitués au promoteur défaillant pour l'exécution des obligations contractuelles de ce dernier à l'égard des entreprises. Indemnité versée dans le cas de la rupture anticipée d’un bail : le fait pour un locataire qui renonce à son bail de remettre le bien immobilier à la disposition de celui dont il détient ses droits entre dans la notion de « location de biens immeubles » exonérée par la Directive TVA. L’indemnité ne pouvait ainsi être taxée alors que les loyers versés en exécution du bail ont été exonérés de la TVA (CJCE 15 décembre 1993 aff. 63/92, Lubbock Fine and Co et Commissioners of customs and excise). Un arrêt de principe dont certains éléments d’analyse nous semblent discutables. L'indemnité versée par le locataire au bailleur, à l'issue d'un contrat de bail de locaux nus soumis à la TVA sur option, et destinée à permettre la remise en état des locaux qui étaient occupés par le locataire doit s'analyser comme une rémunération présentant un lien direct avec une prestation de services individualisée au bénéfice du bailleur, et non comme la simple réparation d'un préjudice commercial. Par suite, cette indemnité doit être soumise à la TVA. (TA Paris 17 octobre 2006 n° 001614, SCI Raspail 11). 19 2. A. Critères d’assujettissement à la TVA (suite) Ces versements sont à étudier au cas par cas…avec précaution. Lorsqu’une indemnité est convenue judiciairement ou contractuellement, pour verser le prix des prestations impayées, et indemniser un préjudice, il convient de distinguer les deux montants clairement afin de leur appliquer des régimes fiscaux distincts. Un montant précisé HT ne suffit pas. Il conviendrait d’ajouter que dans le cas d’assujettissement de la somme, le montant payé sera majoré de la TVA au taux de droit commun. Si l’une des parties n’agit pas depuis la France, il convient de rechercher si la TVA française est applicable Dès lors qu'elle est la contrepartie de la réalisation d'une opération taxable, l'indemnité doit donner lieu à l'émission d'une facture dans les conditions prévues à l'article 289 du CGI. Cette facture permet au client ou au fournisseur, débiteur de l'indemnité, de déduire la taxe dans les conditions de droit commun. 21 2. B . Les enjeux et risques de l’analyse La TVA n’est pas facturée à tort Le risque est au niveau du prestataire. Si une TVA est due, le redevable de la taxe est le prestataire (sous réserve de la territorialité). La TVA est redressée « en-dedans ». La base est obtenue en multipliant le montant TTC par 100/(100+taux) soit x 0,83333 pour une TVA au taux de 20%, ll ne peut majorer son prix pour le montant correspondant à la TVA que si le contrat le prévoit (pour rappel : la mention HT ne suffit pas). S’il répercute cette « TVA » à son client, ce montant est analysé fiscalement comme un « complément de prix ». Le redevable qui fait l'objet d'un rappel peut délivrer à son client une facture rectificative portant régularisation de la TVA : le client est alors autorisé à opérer la déduction du complément de taxe jusqu'au 31 décembre de la deuxième année qui suit celle de la facturation rectificative. Si le client est un récupérateur, le redressement est « neutre » sous réserve des intérêts de retard (non dus si le prestataire est en crédit ou s’il a procédé à une mention expresse). La TVA est facturée à tort Une TVA facturée à tort n’est pas déductible : l'article 271, II-1a du CGI prévoit que la taxe n'est déductible que si elle pouvait légalement figurer sur la facture. S’il réclame au prestataire une restitution du différentiel correspondant à la TVA, celui-ci ne peut récupérer la TVA qu’en émettant une facture rectificative. Formalisme ; Délai : celui de la réclamation de deux ans ; plus court que celui de la procédure de rectification. Risque si redressement en N+3, « Dans la mesure où la bonne foi des parties n'est pas contestée », l'administration admet que la personne qui a facturé la TVA au titre d'opérations non passibles de cette taxe (« à l’occasion d’une opération expressément exonérée ») ou pour lesquelles la taxe a été facturée à un taux supérieur au taux légalement applicable peut récupérer la taxe acquittée à tort. A la réception de ce document, le client est tenu de reverser la taxe déduite à tort. Cette doctrine est plus restrictive que la jurisprudence, selon laquelle le principe de neutralité de la TVA implique qu'une possibilité de régularisation de la taxe facturée à tort soit laissée à l'émetteur de la facture, sans condition de bonne foi, si ce dernier a éliminé tout risque de perte de recettes fiscales (notamment en empêchant le destinataire de déduire la taxe ou en permettant à l'administration d'annuler la déduction). Il en va de même, selon la CJUE, lorsqu'il s'agit de la facturation erronée d'une somme se situant en dehors du champ de la TVA, hypothèse dans laquelle il n'existe aucun risque de perte de recettes fiscales (CJUE 6-11-2003 aff. 78/02 à 80/02 : RJF 1/04 n° 107). 22 Quelles actions ? Bien rédiger le contrat sur la cause du versement de l’indemnité afin de sécuriser la qualification contractuelle et le traitement fiscal • Selon l’intérêt de la partie représentée, une même indemnité peut être présentée contractuellement comme la contrepartie d’une prestation identifiée ou comme une « vraie » indemnité. Il convient, en cas de « vraie » indemnité, d’éviter l’utilisation des termes tels que «… en contrepartie de … », et de favoriser les termes liés à un manquement, un préjudice, une réparation. Les développements du préambule doivent permettre une qualification claire du préjudice. Pour ne pas « polluer » une somme au titre notamment d’arriérés d’opérations, il faut distinguer les paiement par nature et montant. • • Prévoir une clause en cas de remise en cause, même lorsque le régime fiscal semble certain, à titre de prudence (selon les montant en jeu). • Cela n’est pas « risqué » d’insérer une clause de sauvegarde telle que : « L’indemnité ne constitue pas la contrepartie d’un service individualisé et n’est pas soumise à TVA. A toutes fins utiles, les parties précisent que si l’indemnité devait être assujettie à la TVA, le montant convenu sera majoré de la TVA payable à réception [par le client] d’une facture en bonne forme émise par [le prestataire]. » Une side-letter peut traiter des modalités rectificatives convenues entre les parties en cas de remise en cause du régime appliqué. • i. ii. L’enjeu, lorsque le paiement intervient entre récupérateurs, correspond aux intérêts de retard : qui prend le risque ? Deux solutions : procéder à une mention expresse, demander la validation du régime fiscal dans le cadre d’un rescrit (nécessairement préalable). 23 Conclusion Vos questions 24 Intervenant Aurélia de Viry Associée du Département Fiscalité à Paris +33 1 7300 3902 | [email protected] Aurélia de Viry propose son activité de conseil dans tous les domaines de la fiscalité. Elle a acquis une expérience approfondie en fiscalité des transactions immobilières, du financement d’acquisition, des financements structurés, des restructurations et acquisitions, tant sur le plan national qu’international. Elle est également experte en matière de TVA, notamment celle liée aux transactions immobilières et financières. Elle intervient par ailleurs pour le compte d’entreprises dans le cadre de contrôles et contentieux fiscaux. 25