Roger : avec ou sans peau ? De la dualité dans les
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Roger : avec ou sans peau ? De la dualité dans les
Roger : avec ou sans peau ? De la dualité dans les films mélangeant dessin et image animé "Lorsqu'apparut en 1988 Qui veut la peau de Roger Rabbit ?, ce fut une fontaine de jouvence, d'idées nouvelles : de l'animation classique, solide et brute mais pleine de vitalité. Des personnages de dessin animé devaient évoluer de manière crédible dans le monde réel ." Ollie Johnston et Frank Thomas, Les méchants chez Disney Roger Rabbit (1988) est indéniablement le premier film à mélanger dessin et image animé. En sa qualité de pionnier du genre, il pose des jalons, voire même des questions, qui, pour la plupart, ont aujourd'hui trouvé des réponses. Un peu comme la vie politique de notre chère patrie, Roger Rabbit est l'histoire d'une véritable cohabitation, marquée et remarquée par tous, entre deux types d'images que tout opposait jusque là (sauf peut-être dans le film phare S.O.S fantômes). Jusque là l'animation se définissait par la production d'images animées non dessinées comme dans nombreuses séquences de films historiques, comme le fabuleux Jason et les Argonautes (Ray Harry Hausen) à qui on doit notamment cette séquence géniale des squelettes. Mélanger image et dessin animé était, il y a vingt ans, tout à fait inconcevable. Il aura fallu attendre Disney, Spielberg (producteur) et Robert Zemeckis (S.OS. Fantômes à qui on doit les vraies premières séquences de mélange mais sans contact physique comme entre Roger et le détective) pour pouvoir aboutir à Mais qui veut la peau de Roger Rabbit ? : un film reconstituant le mélange de deux genres nés à la même période : le film noir, et le cartoon, qui apparaissent et se développent tous deux dans le contexte bien précis de la Seconde Guerre Mondiale. Roger (le lapin) engage Bob (Bob Hopkins le détective), pour suivre sa femme qu'il soupçonne d'adultère. Bob la surprend entrain de faire picoti-picota avec Mr Acme, un humain dingue de tout ce qui touche de près ou de loin le monde toons et qui possède, par ailleurs, la plus grande partie de Toon ville. Le film pose constamment les rapports entre dessin et image animés. Premier élément, la scène ou Roger découvre la culpabilité de sa femme (picoti-picota avec Mr Acme). Les photos prises avec un appareil photo reconstitue la scène vue et photographiée par le détective (que le spectateur n'a pas vu)). La restitution du temps entre chaque cliché est si court, qu'en les feuilletant de manière furtive les unes après les autres, Roger, recrée à l'image son propre mode de fonctionnement; il invente le flip book et montre les images de la séquence du délit qui s'animent (pour le spectateur). D'une façon détournée il uniformise les deux genres de support animés (dessin et image) au même rang. Le cinéma est lui aussi un phénomène d'animation destiné à jouer de la persistance rétinienne. La séquence prône donc une "dé-hiérarchisation" de l'image animé (le cinéma dit "traditionnel) face au dessin animé (animation dite elle aussi "traditionnelle"). Il y va là d'une subtile hypothèse sur la cohabitation future entre les deux genres : l'animation dans l'animation. Hormis cette séquence révélatrice, le film repose sur le principe assez simple de deux mondes en opposition constante (le monde animé et les humains). Dans ce combat ce sont les forces de l'ordre qui règlent la cohabitation. La police, sorte de milice fédérée de la ville est dirigé par un humain (du moins c'est ce que l'on croit pendant tout le film) qui est secondé par des belettes animées. Ensemble ils traquent les toons hors-la-loi et leur réserve "la trempette" en guise de jugement. La trempette est un liquide qui dissout instantanément tous les toons possible et inimaginables (Roger y compris). En d'autres termes, les toons ont leur système pénal dont la peine suprême est la mort. On pense pendant tout le film que l'ordre règne par la force et la crainte de cette milice dirigée par un homme qui rappelle plus Schranker dans M le Maudit plutôt que le capitaine Dobbee dans Starsky et Hutch. Mais le duel ne se limite pas à seule la cohabitation des deux "espèces" (1), il y va de la survie de Toon ville. Monqieur Acme meurt et personne ne sait pas à qui il a destiné sa part de la ville. C'est en fait Roger qui retrouve son testament, (il l'avait sur lui) et découvre que la ville est léguée aux toons. Toute cela est éminemment daté. Le film lance les questions suivantes : est-ce que ce genre de film a de l'avenir ? Quels seront les rapports futur entre les deux supports (dessin ou image) et leurs deux mondes respectifs ? Les exemples étant nombreux il est facile de prouver que cette dualité n'est pas resté sans suite. Que ce soit dans Jurassik Park, où le duel se déplace entre l'homme et les dinosaures (idem pour Jumanji), ou plus récemment dans Space Jam, où la dualité est clairement inscrite dans un rapport sportif (entre le basketteur humain et les basketteurs animés), bon nombre de film restent inscris dans cette dualité dessin/image animé au sein de la narration. Et que dire de The Mask, où le héros est à la fois humain et à la fois animé (uniquement la nuit). Il s'agit là d'un véritable Dr Jeckyll et Mr Hyde dans le rapport dessin et image animée. Toy Story, la version Disney du genre, reste sur les mêmes bases d'une dualité entre deux mondes. Deux nouveautés apparaissent : 1- une dualité dans chacun des deux univers (animé entre Buzz l'éclair le robot et Woody le cow-boy et humain entre les deux enfants, l'un gentil l'autre destructeur) 2- une prise de partie de tout réaliser en image de synthèse, ce qui revient, au niveau de la forme,à prendre le parti inverse de Roger Rabbit. D'autres exemples comme Abyss (James Cameron) créent une dualité qui finalement se révèle tronquée par l'animosité naturelle de l'homme face à l'inconnu. Les monstres de la mer, en fait pacifiques, iront même jusqu'à sauver le héros et son équipage sous-marin. Roger Rabbit est aussi un film qui revisite les codes sociaux. Bob le détective est un véritable macho (il ne déroge pas à son statut "film noir" de héros maculin déchu). Poils sur le torse, chemise ouverte, chaîne en or qui brille, tout y est. Roger, lui, est beaucoup moins sexué. Il n'a pas cette vision hiérarchique entre les sexes. Sa douleur presque féminine, quand il découvre l'adultère de sa femme est à l'inverse du comportement de Bob (qui se fout des bonnes femmes, sauf quand il n'a rien d'autre à faire). Dans les schémas toons il y a séparation entre anthropomorphisme (la femme de Roger) qui est sexué et qui trompe son mari (assez proche des schémas cinématographiques classiques) et zoomorphisme (Roger) qui est complètement asexué (le seul signe de reconnaissance est du en grande partie à son nœud papillon). Il y a impossibilité entre toons et humains de copuler, d'où les fantasmes de Bob envers la femme de Roger, d'où aussi le picoti/picota entre Mme Roger et Mr Acme (il ne faut surtout pas faire penser à la zoophilie et mettre en rapport de sexe un humain et une Mme Roger qui aurait été une lapine). Encore un fois duel les deux systèmes animés proposent deux codes sociaux et sexuels radicalement différents. A l'heure des CD-rom, et autre clitoris interactif ce côté prud de Roger Rabbit est typique de l'esprit faussement soft- américain (tu peux faire, mais surtout pas te faire prendre). Cédric Verlynde 1 Le film possède à mon avis une lecture sur les races, voire même leur inégalité, dont je ne suis pas sûr de tout comprendre. Une milice quasi hitlérienne, deux peuplades différentes dont une visiblement supérieure, et une fin happy end mais pas vraiment claire. La restitution de la ville aux toons et l'ouverture des "frontières" au reste du monde toons (une véritable ouverture de camps de travaux) débouche sur une invasion des faibles chez les forts. ©tausendaugen/1997
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