Chapitre 7 Réflexion et réfraction d`une onde EM plane
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Chapitre 7 Réflexion et réfraction d`une onde EM plane
Chapitre 7 Réflexion et réfraction d’une onde EM plane Jusqu’à maintenant, nous avons limité la plupart de nos démonstrations à des milieux homogènes occupant tout l’espace. Il n’en est bien sûr pas ainsi dans la réalité de la prospection géophysique où les anomalies et les hétérogénéités constituent justement l’objet de toute campagne de prospection. Il nous faudra donc aborder des situations plus complexes afin de pouvoir les appliquer à des cas concrets. Nous allons débuter notre itinŕaire dans la complexité progressive par une simple interface. Les concepts présentés ici seront par la suite étendus aux milieux tabulaires. Nous avons vu précédemment que pour une onde plane se propageant ~ et H ~ sont perpendiculaires à la dans un milieu uniforme et homogène, E direction de propagation qui est celle du vecteur d’onde ~k. Soit une onde plane incidente sur un plan S séparant deux milieux aux propriétés électriques différentes (cf. Figure 7.1). Il est évident que ~k et n̂ (la normale au plan S) sont tous les deux dans le plan d’incidence. Nous avons besoin cependant de ~ H ~ et ~k. quelques relations supplémentaires entre E, J J J ~kJJ n̂ J J ^ σ1 , µ1 , ²1 JJ6 S σ 2 , µ2 , ² 2 Figure 7.1: Géométrie pour les problèmes de réflexion et réfraction. ~ = −iωµH. ~ Nous alons tenter Prenons l’équation de Maxwell ∇ × E 30 d’exprimer l’opérateur rotationnel en fonction du vecteur d’onde. Soit un champ électrique exprimé par ~ = E~0 e−i(kx x+ky y+kz z) E (7.1) alors à ~ = x̂ ∂Ez − ∂Ey ∇×E ∂y ∂z ! à ∂Ex ∂Ez + ŷ − ∂z ∂x ! à ∂Ey ∂Ex + ẑ − ∂x ∂y ! (7.2) ~ = x̂(−iky Ez + ikz Ey ) + ŷ(−ikz Ex + ikx Ez ) + ẑ(−ikx Ey + iky Ex ) (7.3) ∇×E ~ = −i~k × E ~ ∇×E (7.4) ~ = −iωµH, ~ Substituons dans l’équation de Maxwell, on obtient −i~k × E soit ~ ~ = 1 ~k × E H ωµ (7.5) ~ = (σ + i²ω)E, ~ on obtient Utilisant la même approche pour ∇ × H ~ ~ = − ωµ k × H ~ = − ωµ n̂k × H E k k k où n̂k est un vecteur unitaire orienté selon ~k. 7.1 (7.6) Loi de Snell-Descartes Les champs de l’onde incidente sont ~i = E ~ i0 e−i(~ki ·~r−ωt) E (7.7) ~ ~ ~ i = ki × Ei H ωµ1 (7.8) où ~r ∈ S → n̂ · ~r = 0 de même pour les ondes réfléchie et transmise ~r = E ~ r0 e−i(~kr ·~r−ωt) ; E ~t = E ~ t0 e−i(~kt ·~r−ωt) E 31 (7.9) ~ ~ ~ ~ ~ r = kr × Er ; H ~ t = kt × Et H ωµ1 ωµ2 (7.10) Nous avons vu (cf. Section 5.4) que la continuité des composantes tan~ s’exprime via gentielles de E ~i + E ~ r ) = n̂E ~t n̂ × (E (7.11) ~ i0 e−i(~ki ·~r) + E ~ r0 e−i(~kr ·~r) = E ~ t0 e−i(~kt ·~r E (7.12) cette dernière relation n’est satisfaite que si ~ki · ~r = ~kr · ~r = ~kt · ~r. Le but du jeu est de trouver une relation entre les différents vecteurs d’onde. Prenons n̂ × (n̂ × r̂) = (n̂ · r̂)n̂ − (n̂ · n̂)~r = −~r. On peut donc exprimer les égalités ci-dessus en ~ki · n̂ × (n̂ × ~r) = kr · n̂ × (n̂ × ~r) (7.13) ~ki · n̂ × (n̂ × ~r) = kt · n̂ × (n̂ × ~r) (7.14) mais ~a · ~b × ~c = ~a × b · ~c, donc (~ki × n̂ − ~kr × n̂) · n̂ × ~r = 0 (7.15) (~ki × n̂ − ~kt × n̂) · n̂ × ~r = 0 (7.16) comme ~r est dans le plan S et que n̂ est dans le plan d’incidence perpendiculaire à S, il est évident que n̂ × ~r se trouve dnas S et est non nul. L’expression entre parenthèses doit alors être soit nulle, soit toujours perpendiculaire à n̂ × ~r, mais comme ~r est quelconque seule la première hypothèse est valable. Nous retrouvons donc ~ki × n̂ = ~kr × n̂ (7.17) ki sin (π − θi ) = kr sin θr (7.18) ki sin θi = kr sin θr (7.19) mais comme les ondes incidente et réfléchie sont dans le même milieu (1), ki = kr = k1 , on retrouve sin θi = sin θr , i.e. l’angle de réflexion est égal à l’angle d’incidence. Pour la deuxième égalité, ~ki × n̂ = ~kt × n̂ (7.20) ki sin θi = kt sin θt (7.21) 32 Cette dernière relation est la loi de Snell 1 -Descartes que vous avez vue auparavant en sismique et en optique (et dans ce cas, il s’agissait d’ondes EM!). Nous sommes maintenant prêts à aborder les relations entre les amplitudes des ondes incidente, réfléchie et transmise. 7.2 Les équations de Fresnel ~ et H ~ amène La continuité des composantes tangentielles de E ~i + E ~ r ) = n̂ × E ~t n̂ × (E (7.22) ~i + H ~ r ) = n̂ × H ~t n̂ × (H ~ i + ~kr × E ~ r ) 1 = n̂ × (~kt × E ~ t) 1 → n̂ × (~ki × E µ1 µ2 Développons les triples produits vectoriels (7.23) ~ i,r,t = (n̂ · E ~ i,r,t )~ki,r,t − (n̂ · ~ki,r,t )E ~ i,r,t n̂ × ~ki,r,t × E (7.25) (7.24) Retenons ces relations de Fresnel 2 . Elles nous permettront de nous ~ i perpendiculaire au plan d’incidence intéresser à deux cas particuliers: E ~ i dans le plan d’incidence (TM). (TE) et E 7.3 ~ i ⊥ au plan d’incidence TE : E Comme les ~k et n̂ sont dans le plan d’incidence et que les deux milieux sont isotropes, alors ~ i,r,t = k̂ir,t · E ~ i,r,t = 0 n̂ · E (7.26) Et les produits n̂ · ~k donnent n̂ · ~ki = ki cos π − θi = −ki cos θi (7.27) n̂ · ~kr = kr cos θr (7.28) n̂ · ~kt = ki cos π − θt = −ki cos θt (7.29) 1 Willebrod Snell a découvert la loi de la réfraction en 1621. Il n’a pas publié ses travaux de son vivant et il a fallu attendre la parution en 1703 du traité Dioptrica de Huygens pour les connaı̂tre. Bien sûr, on ne présente plus Descartes... 2 Augustin Fresnel étudia les interférences lumineuses et les phénomènes de diffraction qu’il traduisit mathématiquement en mouvements ondulatoires. Ajoutons pour l’anecdote que toutes les salles de spectacles seraient orphelines sans leurs Fresnel spots ! 33 • Ei Hi +́J Á~ kr Hr ~ J J ^ ki n̂ Q k× J J θi 6 θr Er σ1 , µ1 , ²1 JJ S σ 2 , µ2 , ² 2 B B B θtB Et )•B Ht ³ ~ BN kt Figure 7.2: Géométrie pour le mode TE. Substituons le tout dans les équations de Fresnel ~ i − kr cos θr E ~ r ) 1 = kt cos θt E ~t 1 (ki cos θi E µ1 µ2 (7.30) mais kki k = kkr k = k1 et kt = k2 donc ~ i − cos θr E ~ r = µ1 k2 cos θt E ~t cos θi E µ2 k1 (7.31) voilà une première relation entre les trois champs. La seconde vient de la première équation de Fresnel. Prenons le produit vectoriel de n̂ avec la continuté de E tangentiel ~ i ) + n̂ × (n̂ × E ~ r ) = n̂ × (n̂ × E ~ t) n̂ × (n̂ × E ~ i + (n̂ · Êr n̂ − (n̂ · n̂)E ~ r = (n̂ · Êt )n̂ − (n̂ · n̂)E ~t (n̂ · Êi )n̂ − (n̂ · n̂)E ~i + E ~r = E ~t →E (7.32) (7.33) (7.34) ~ i,r,t . En combinant les deux relations, on retrouve car n̂ ⊥ E ~ r = µ2 k1 cos θi − µ1 k2 cos θt E ~i E µ2 k1 cos θr + µ1 k2 cos θt (7.35) µ2 k1 (cos θi + cos θi ) ~ Ei µ2 k1 cos θr + µ1 k2 cos θt (7.36) ~t = E r mais cos θr = cos θi et cos θt = 1 − coefficient de réflexion R⊥ = Er /Ei RT E ³ k1 k2 ´2 sin2 θi . Si nous définissons le µ2 k1 cos θi − µ1 (k22 − k12 sin2 θi )1/2 = R⊥ = µ2 k1 cos θi + µ1 (k22 − k12 sin2 θi )1/2 34 (7.37) ~ i dans le plan d’incidence TM : E 7.4 3́ Ei Hi •J Á~ kr ~ J J ^ ki n̂ Hr× Q J s θr Er J θi 6 σ1 , µ1 , ²1 JJ S σ 2 , µ2 , ² 2 B B B θtB³ •1 Et Ht B ~kt BN Figure 7.3: Géométrie pour le mode TM. ~ i se trouve dans le plan d’incidence, forcément H ~ i sera perpenComme E ~ ~ ~ diculaire à celui-ci. On a alors n̂ · Hi = n̂ · Hr = n̂ · Ht = 0. On peut aussi ~ et H ~ via (éq. 7.6). relier E De plus, le champ magnétique tangentiel est continu (cf. 5.5) à l’interface ~i + H ~ r ) = n̂ × H ~t n̂ × (H ~i + H ~r = H ~t →H (7.38) de même pour le champ électrique tangentiel (cf. 5.4) ~i + E ~ r ) = n̂ × E ~t n̂ × (E n̂ × ωµ ~ i ) + n̂ × ωµ (n̂r × H ~ r ) = n̂ × ωµ (n̂t × H ~ t) (n̂i × H k1 k1 k2 (7.39) mais ~ i ) = (n̂ · H ~ i )n̂i − (n̂ · n̂i )H ~ i = cos θi H ~i n̂ × (n̂i × H ~r ~ r ) = (n̂ · H ~ r )n̂r − (n̂ · n̂r )H ~ r = − cos θr H n̂ × (n̂r × H ~ t ) = (n̂ · H ~ t )n̂t − (n̂ · n̂t )H ~ t = cos θt H ~t n̂ × (n̂t × H substituant dans (7.39), on obtient ~ i − cos θr H ~ r = µ2 k1 cos θt H ~t cos θi H µ1 k 2 35 (7.40) en combinant avec (7.38), on trouve les expressions pour les champs magnétiques réfléchi et transmis, soit q ~r = H ~t = H µ1 k22 cos θi − µ2 k1 k22 − (k1 sin θi )2 µ1 k22 q cos θi + µ2 k1 k22 − (k1 sin θi )2 2µ1 k22 cos θi q µ1 k22 cos θi + µ2 k1 k22 − (k1 sin θi )2 ~i H (7.41) ~i H (7.42) ~ r /E ~ i et que Comme nous voulons exprimer le coefficient de réflexion par E nous savons d’avance qu’il sera négatif pour k2 > k1 , on inverse les termes du numérateur. q RT M = Rk = µ2 k1 k22 − (k1 sin θi )2 − µ1 k22 cos θi q µ1 k22 cos θi + µ2 k1 k22 − (k1 sin θi )2 (7.43) L’expression du coefficient de réflextion d’une onde EM plane en mode TM. 7.5 Réflexion à incidence normale Le cas d’une onde à incidence normale (θi = 0) est particulièrement intéressant à analyser. Qu’arrive-t-il aux coefficients de réflexion? q RT E = µ2 k1 cos 0 − µ1 k22 − (k1 sin 0)2 q µ2 k1 cos 0 + µ1 k22 − (k1 sin 0)2 = µ2 k 1 − µ1 k 2 µ2 k 1 + µ1 k 2 (7.44) q RT M = µ2 k1 k22 − (k1 sin 0)2 − µ1 k22 cos 0 q µ1 k22 cos 0 + µ2 k1 k22 − (k1 sin 0)2 = µ2 k1 − µ1 k2 µ1 k2 + µ1 k2 (7.45) donc, à incidence normale, le coefficient de réflexion est le même que l’on soit en mode TE ou en mode TM. Les figures 7.4 et 7.5 montrent l’évolution du coefficient de réflexion pour les modes TE et TM avec l’angle d’incidence. On remarque sur la figure 7.4, qui traite du cas pour lequel σ1 < σ2 , que ces coefficients sont pratiquement réels. En fait leur partie imaginaire n’augmente que lorsque la fréquence devient très élevée - bien au-delà du seuil de l’ARQS. 36 RTE σ1 = .01, σ2 = .1 S/m RTM σ1 = .01, σ2 = .1 S/m 1 Re Im 0.6 0.6 0.4 0.4 0.2 0.2 0 0 −0.2 −0.2 −0.4 −0.4 −0.6 −0.6 −0.8 −0.8 −1 0 Re Im 0.8 RTM RTE 0.8 1 30 60 90 Angle d’incidence (deg) −1 0 30 60 90 Angle d’incidence (deg) Figure 7.4: Coefficient de réflexion (modes TE et TM) pour un passage d’un milieu résistant vers un milieu conducteur (f = 100 Hz). Trait plein: partie réelle, pointillé: partie imaginaire. A l’inverse, lorsque σ1 > σ2 (Figure 7.5), la partie imaginaire devient tout de suite très importante, à patir d’environ θi = 20o pour le cas montré ici, et va même jusqu’à dominer complètement RT E pour θi ≈ 50o . Qu’est-ce que cela signifie physiquement, i.e. quelle est la nature de l’onde dans le milieu 2? 7.6 Impédance d’une onde EM plane De la même façon qu’en sismique, nous allons exprimer les coefficients de réflexion en fonction de l’impédance d’une onde plane. Reprenons l’expression du coefficient de réflexion à incidence normale en mode TE RT Eθ=0 = µ2 k1 − µ1 k2 µ2 k1 − µ1 k2 multipliant de part et d’autre par ω/k1 k2 , on retrouve RT Eθ=0 = ωµ2 k2 ωµ2 k2 − + ωµ1 k1 ωµ1 k1 37 = Z2 − Z1 Z2 + Z1 RTE σ1 = .1, σ2 = .01 S/m RTM σ1 = .1, σ2 = .01 S/m 1 1 Re Im 0.6 0.6 0.4 0.4 0.2 0.2 0 0 −0.2 −0.2 −0.4 −0.4 −0.6 −0.6 −0.8 −0.8 −1 0 30 60 90 Angle d’incidence (deg) Re Im 0.8 RTM RTE 0.8 −1 0 30 60 90 Angle d’incidence (deg) Figure 7.5: Coefficient de réflexion (modes TE et TM) pour un passage d’un milieu conducteur vers un milieu résistant (f = 100 Hz). Trait plein: partie réelle, pointillé: partie imaginaire. Notez les variations importantes au voisinage de θi = 20o : à quoi sont-elles dues? Z est défini comme l’impédance d’une onde plane. Utilisant la relation (7.5) ci-dessus, on voit que ωµ/k correspond au rapport des composantes orthogonales de E et H, soit Z= ωµ Ex Ey = =− k Hy Hx (7.46) Nous verrons dans le chapitre suivant que l’on peut considérer un milieu tabulaire comme un demi-espace dont l’impédance (apelée souvent impédance effective) sera une fonction des impédances des couches le constituant. Ceci simplifie énormément la modélisation des champs EM dans les milieux tabulaires. 38